Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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dimanche 18 décembre 2005

dimanche 18 décembre 2005

La mort clinique de l'article 434-7-2 du code pénal

En avril dernier, je narrais les mésaventures d'une consœur toulousaine mise en examen et placée sous mandat de dépôt pour avoir révélé des éléments d'une instruction en cours à une personne qui était impliquée dans le dossier.

L'émoi avait été grand chez les avocats face à cette première et sévère application de ce délit nouveau, créé par la loi du 9 mars 2004 dite loi Perben II, qui a fourni à ce blog tant de sujets de billets.

La chancellerie avait annoncé sinon l'abrogation réclamée par les avocats du moins une révision à la baisse, tant de la peine encourue (cinq années d'emprisonnement) que de la sévérité de la définition du délit.

C'est chose faite avec la loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Oui, l'article 434-7-2 n'a rien à voir avec le traitement de la récidive, c'est ce qu'on appelle un cavalier, une disposition "diverse" qui n'a pas grand chose à voir avec l'objet de la loi.

Cette loi a modifié deux éléments du délit ce qui va à mon sens plonger ce texte dans un état de mort clinique : il existe encore, est en vigueur, mais ne sera jamais appliqué, sauf cas exceptionnel.

Premier changement, la peine, réduite de cinq à deux années d'emprisonnement et l'amende passe de 75.000 à 30.000 euros. La conséquence est de taille, puisque la détention provisoire ne peut être ordonnée que pour les délits passibles de trois ans d'emprisonnement ou plus (article 143-1 du CPP). La peine reste toutefois de 5 ans d'emprisonnement quand l'instruction concerne un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement relevant des dispositions dérogatoires de la loi Perben II.

Deuxième changement, non moins de taille : l'élément intentionnel du délit est renforcé. Ce délit est ainsi modifié (les dispositions abrogées sont barrées, et les nouvelles sont en gras.

Sans préjudice des droits de la défense, le fait, pour toute personne qui, du fait de ses fonctions, a connaissance, en application des dispositions du code de procédure pénale, d'informations issues d'une enquête ou d'une instruction en cours concernant un crime ou un délit, de révéler, directement ou indirectement, ces informations à des personnes susceptibles d'être impliquées de révéler sciemment ces informations à des personnes qu'elle sait susceptibles d'être impliquées, comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs, dans la commission de ces infractions, lorsque cette révélation est de nature à entraver est réalisée dans le dessein d'entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité.

Ainsi, l'avocat doit avoir agi sciemment, et savoir que la personne à qui il révèle des informations est susceptible d'être impliquée ; de plus, l'avocat doit ce faisant vouloir entraver le déroulement des investigation : ce n'est plus un délit de négligence, mais un délit intentionnel exigeant un dol spécial, c'est à dire la volonté d'atteindre un résultat déterminé et non la simple action en connaissance de cause.

Outre le fait qu'une telle hypothèse confine à l'absurde, elle met à la charge du parquet des preuves tellement difficiles à rapporter, pour un délit passible de deux années et ne permettant pas la détention provisoire, que je prédis à ce texte une désuétude définitive (qui est une abrogation diplomatique). En effet, si un de mes confrères devait avoir la langue trop bien pendue, il y a gros à parier que le parquet se rabattra sur la violation du secret professionnel, passible seulement d'un an d'emprisonnement, mais tellement plus facile à démontrer.

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