Depuis quelques jours, de nombreux lecteurs m'ont écrit par mail pour me signaler l'affaire dite Techland et me demander mon avis sur celle-ci.
En quelques mots, un éditeur de jeux vidéo, après avoir obtenu par une décision judiciaire les coordonnées correspondants aux adresses IP d'internautes ayant téléchargé illégalement un jeu vidéo qu'il éditait, a chargé un avocat de mettre en demeure les personnes concernées de régler une indemnité forfaitaire de 400 euros sous peines de poursuites. La lettre était accompagnée d'un RIB et laissait un délai de 15 jours.
J'ai refusé de répondre à ces amicales sollicitations car ce que je fais sur ce blog est de la vulgarisation juridique. Je prends du droit compliqué et j'essaye d'en faire du droit simple. Les commentaires permettent ensuite d'apporter des précisions, ou de me faire insulter par les partisans de José Bové.
En l'espèce, s'agissant d'une affaire en cours, qui ne pose pas de problème juridique d'une originalité folle, ces demandes d'avis étaient en réalité des demandes de consultation. Les faits ne nécessitaient aucune explication (un ayant droit veut être indemnisé du préjudice que lui a causé la contrefaçon de son oeuvre), ce qui posait question est : que faire ? Céder ou se défendre, et comment ?
Je ne consulte pas via mon blog, surtout dans une affaire où un contentieux est possible, car tout anonyme que je sois, je reste avocat et tout mauvais conseil donné même gratuitement engagerait ma responsabilité civile.
Ce d'autant que la riposte spontanée a été judicieuse et efficace, selon le principe de l'arroseur arrosé. Si certains internautes fautifs auraient payé, d'autres ont porté plainte auprès du bâtonnier pour ce courrier peu conforme aux règles de la profession.
Attention toutefois au balancier : le site Ratiatum qui regroupe les nouvelles de cette affaire risque à son tour de se faire arroser : il indique le nom de l'avocat en cause, et indique des faits qui sont censés être confidentiels (sur une hypothétique enquête disciplinaire qui aurait été ouverte à l'encontre de cet avocat) ou qui sont douteux (comme le nombre de lettres supposément envoyées, en confessant n'avoir aucune source fiable, ou que des poursuites pénales seraient envisagées à l'égard de cet avocat, ce qui me paraît là plus que douteux). Le fait que cet avocat aurait agi de façon quelque peu téméraire ne permet nullement de le diffamer.
Bref, il serait temps qu'apparaisse dans cette affaire ce qui lui a fait défaut depuis le début : du tact et de la mesure.
Et puisqu'un conseil on me demande, un conseil on aura : face à un courrier comme celui-là, consultez un avocat. Le prix, me dira-t-on ? Mais justiciables de toutes les IP, unissez-vous ! Cotisez-vous, selon le mécanisme des associations de victimes d'un même fait : chaque membre paye une cotisation qui sert à régler les honoraires de l'avocat qui en représente les adhérents. Si vous êtes cent, ça ne coûte que quelques dizaines d'euros par personne.
Notez que ce conseil est encore valable. Quand bien même cet avocat aurait franchi la ligne jaune déontologique, il demeure que l'éditeur de jeu vidéo a des relevés d'IP et les identités des internautes correspondants. La remise en cause de la mise en demeure ne déchoit pas l'éditeur de ses droits.
Voilà pourquoi je ne parlerai pas de cette affaire.
Quoi, comment ça, j'en ai parlé ?