Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mardi 5 juin 2007

mardi 5 juin 2007

Ouf

Reuters | 17h28 :

Le magistrat, Jacques Noris, a été opéré à l'hôpital Bon secours de Metz et se trouvait dans un état stationnaire mais ses jours ne seraient pas en danger, dit-on de source syndicale dans la magistrature.

Quelques propos sur l'agression du président du tribunal pour Enfants de Metz

L'agression perpétrée ce matin pose des questions, qui sont nombreuses en commentaires ou par courrier électronique.

Il ne s'agit pas de donner des informations sur cette agression en particulier. Je ne dispose d'aucune source privilégiée, les journalistes feront ici leur travail.

Deux questions sont récurrentes : qu'en est-il de la sécurité dans les palais de justice, et qu'est ce qu'une audience d'assistance éducative, puisque c'est au cours d'une telle audience que l'agression a eu lieu.

  • La sécurité des palais de justice.

La situation est très différente selon les palais de justice. Paris est sans doute la forteresse la mieux protégée. Le palais est une zone sous commandement militaire, confiée à des escadrons de la gendarmerie mobile. Ce sont des unités conçues pour être autonomes et pouvoir se déplacer en tout point du territoire où leur présence est requise et y rester le temps nécessaire, quand bien même elles sont rattachées à une caserne spécifique. Les gendarmes sont des militaires, qui restent dans les salles d'audience jusqu'à la fin, quelle que soit l'heure à laquelle elle se termine. Ils ont une forme physique irréprochable, et toute personne devenant menaçante ou violente à l'audience peut être neutralisée en un rien de temps. Je l'ai vu faire, c'est impressionnant. Enfin, en cas d'incident signalé, une équipe de maintien de l'ordre sera envoyée sur place en un rien de temps.

L'entrée du public est gardée, et toute personne entrant doit passer sous un portique magnétique, et ses affaires doivent passer par une machine à rayons X, comme dans un aéroport. Les mesures de sécurité sont renforcées lors des procès sensibles, que ce soit des terroristes, du grand banditisme, ou toute affaire médiatique.

L'entrée des autres palais est, au mieux, surveillée par un policier, muni d'un portique magnétique et d'un détecteur portable. A Bobigny, ce sont des vigiles privés qui sont chargés de ce filtrage. Nanterre vient d'augmenter ses mesures de sécurité, et désormais, pour accéder au Palais comme à la préfecture, il faut là aussi passer par portiques et détecteurs. Là aussi, ce sont des agents privés qui sont en charge de cette mission. En cas de procès sensibles, un filtrage a lieu aussi devant la salle d'audience.

Dans beaucoup de palais de province, la porte est ouverte, et on peut entrer librement et accéder à la salle d'audience sans le moindre contrôle. Je l'ai constaté au palais de justice d'Amiens, de Châteauroux, des Sables d'Olonne, pour citer des palais de j'ai visités récemment. Et je ne parle même pas des conseils de prud'hommes et tribunaux d'instance, ou aucune surveillance n'est exercée, et généralement aucun policier présent, sauf audience du tribunal de police. Pire encore, dans beaucoup de palais de province, la présence policière cesse en fin de journée, alors même que des audiences sont encore en cours. Ce sont les magistrats eux même qui ouvrent le portail aux escortes repartant vers les maisons d'arrêt, et ferment la porte du Palais en partant.

Les seuls endroits un peu sécurisés sont les bureaux des juges d'instruction et le dépôt, c'est à dire les cellules ou sont laissées les personnes privées de liberté devant comparaître devant un juge ; encore que j'ai vu récemment dans un palais de justice en travaux un détenu simplement encadré de policiers sur le parking du palais, et des bureaux d'instruction situés dans un sous sol où on arrivait par un simple escalier sans surveillance.

J'ignore ce qu'il en est à Metz, et si l'agresseur a dû employer une ruse pour faire entrer son arme ou a pu entrer sans être inquiété.

  • Qu'est ce qu'une audience d'assistance éducative ?

Le juge des enfants a un rôle très étendu. Il n'a pas que la casquette de censeur, en jugeant les mineurs délinquants. Il a aussi la charge de la protection de l'enfance en danger. Notez que ces deux mondes ne sont pas hermétiquement séparés, loin de là.

C'est le juge des enfants qui peut décider du placement d'un enfant hors du foyer de ses parents, s'il s'avère qu'il y est en danger, physique ou moral. Cela va de l'enfant maltraité (vous n'avez pas idée de ce que l'on peut voir dans un cabinet de juge des enfants, il faut avoir le coeur bien accroché) à l'enfant simplement délaissé, du parent violent au malade mental, pas dangereux, mais incapable de s'occuper de lui-même et a fortiori d'un enfant. Le juge, saisi par l'un des parents, le procureur de la République, ou se saisissant d'office à la suite d'un signalement effectué par le milieu scolaire, des assistantes sociales, des médecins, pour ne citer que les cas les plus courants, décide de mesures d'assistances éducatives, qui peuvent aller jusqu'à confier l'enfant à des tiers : soit à d'autres membres de sa famille, ou à des associations d'aide à l'enfance, travaillant avec l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE), service du conseil général du département. Ce placement est d'une durée maximale de deux ans, mais peut être renouvelé par le juge, jusqu'aux dix huit ans de l'enfant.

C'est précisément au cours d'une audience de renouvellement d'une mesure de placement chez des tiers (les grands-parents de l'enfant concerné) que l'agression a eu lieu.

Cette audience a lieu en cabinet, c'est à dire dans le bureau du juge. Il s'agit d'affaires concernant la vie privée de mineurs, elles ne sont pas publiques. Chaque partie, y compris l'enfant s'il le désire, peut être assistée d'un avocat, mais ce n'est pas obligatoire. A chaque audience doivent être convoqués : le ou les parents de l'enfant exerçant l'autorité parentale, l'enfant s'il est en âge d'exprimer son avis (Convention internationale des droits de l'enfant oblige), l'ASE, et celui à qui l'enfant est confié. Le cas échéant s'ajoutent les avocats des parties et les tuteurs d'une des parties. Un débat a lieu où chacun fait le point sur le déroulement de la mesure, donne son avis sur sa prolongation, sa modification ou sa fin. Le juge rend ensuite sa décision, généralement immédiatement.

Ajoutons que théoriquement, la présence d'un greffier est obligatoire, mais cela fait longtemps que les juges des enfants n'ont plus de greffier dans leur bureau, faute de personnel.

L'agression a donc eu lieu dans un bureau, où la seule chose qui protégeait le magistrat était sa table de travail. Et un avocat, qui a tenté de s'interposer, à en croire les dernières dépêches Reuters. Il n'y avait pas de policier dans le bureau, il n'y en a jamais dans les cabinets de juge des enfants. Même pour les audiences pénales.

Le budget de la Justice en France représente 2,34% du budget de l'Etat, ce qui inclut les prisons, ce qui nous place en 25e place de l'Union européenne, devant la Slovénie et la Roumanie.

Communiqué de l'Union Syndicale des Magistrats à la suite de l'agression de Metz

Paris, le 5 juin 2007

L'USM apprend avec consternation et révolte l’agression dont vient d’être victime un de nos collègues juge des enfants à METZ, poignardé dans son bureau par un justiciable.

Cet acte d’une violence extrême fait suite à l’agression subie le 31 mai 2007 par une juge des enfants du Tribunal de Montargis, molestée et insultée dans son bureau.

Ces agressions répétées sont malheureusement révélatrices de la situation de la Justice en France.

Sans cesse contestés dans leur action quotidienne, confrontés à une situation matérielle, notamment en matière de sécurité, indigne d’un grand pays, les magistrats se trouvent dans l’incapacité d’exercer leurs missions.

L’USM exige aujourd’hui comme hier après l’intolérable agression subie par une greffière du TGI de Rouen, brûlée vive dans son bureau en septembre 2005, un plan d’urgence de sécurisation des juridictions.

A défaut, l’USM appellera les magistrats à exercer leur droit de retrait, partout ou les conditions de sécurité ne seront pas remplies.

Stupeur

Les mots me manquent pour exprimer mon émotion au sujet de l'agression, au couteau et en pleine audience de cabinet, du président du tribunal pour enfants de Metz, Jacques Noris, survenue ce matin-même.

Ce magistrat est dans un état très grave, et risque de ne pas survivre à ses blessures.

L'auteur des coups serait la mère d'un mineur dont le juge venait de décider du maintien du placement... chez ses grands-parents. Pas une multirécidiviste, pas une mineure. Ce n'était même pas une affaire pénale, juste une affaire d'assistance éducative, manifestement.

Où en est notre justice si même les Palais, même les cabinets des juges, ne sont plus des endroits surs ?

J'imagine l'émotion des magistrats dans leur ensemble, des juges des enfants qui chaque jour tiennent des audiences dans les mêmes conditions (je reviendrai sur ce type d'audience pour vous expliquer de quoi il s'agit et comment ça se passe), et tout spécialement des magistrats du tribunal de grande instance de Metz, qui connaissent le président Noris - je veux employer le présent de l'indicatif pour conjurer le sort.

Je la partage et suis de tout coeur à leurs côtés.

J'ai une pensée toute particulière pour Dadouche, que mes lecteurs habituels connaissent bien, et dont les commentaires, avec ceux de Gascogne, constituent l'essentiel de l'intérêt de ce blog, car elle exerce ces mêmes fonctions.

Des leçons sont à tirer de ce drame. Je laisse ceux qui sont mieux placés que moi pour cela.

Pour ma part, je m'efface, je me tais, et je prie.

Sur ce sujet :

Le Monde. Libération Le Figaro

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