Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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août 2007

vendredi 31 août 2007

L'enfer des audiences civiles

Un avocat plaide devant un juge. Derrière le juge, une araignée a eu le temps de tisser une toile gigantesque et pend paresseusement à son fil. L'avocat dit : « Après ces brèves observations préliminaires, j'en viens à l'affaire qui nous occupe aujourd'hui. Mais auparavant... »

Je dédie ce dessin à ce confrère qui a plaidé vingt deux minutes dans un dossier ou son client n'intervenait que pour que le jugement lui soit opposable.

jeudi 30 août 2007

Un procureur convoqué à la chancellerie

Dans le bureau du garde des sceaux, Rachida Dati, assise, fait face à un procureur, debout. D'une attitude décontractée, elle lui dit : « C'est pourtant simple : à l'audience, vous êtes libre d'approuver la politique du gouvernement... »

L'événement est assez rare et notable pour mériter plus qu'un dessin quelque peu moqueur.

Rappelons les faits : lundi dernier, à l'audience des comparutions immédiates, le procureur d'audience, Philippe Nativel, a requis qu'il ne soit pas fait application de la peine plancher de quatre années encourue par le prévenu, poursuivi pour cession de stupéfiants en récidive. Pour la petite histoire, il a requis un an ferme, le tribunal a prononcé huit mois, qui font trente deux mois avec la révocation du sursis antérieur.

Là n'est pas le problème, car la loi du 10 août 2007 prévoit expressément qu'on puisse écarter la peine plancher à certaines conditions appréciées par la juridiction.

Le problème vient de propos qu'il aurait tenu à l'audience et qui ont été rapportés par un journaliste de l'Est Républicain présent à l'audience :

Je ne requerrai pas cette peine plancher de quatre ans car les magistrats ne sont pas les instruments du pouvoir. Ce n'est pas parce qu'un texte sort qu'il doit être appliqué sans discernement.

Ces propos lui ont valu une convocation à la Chancellerie, autre nom du ministère de la justice, que l'on utilise quand seuls les services judiciaires sont concernés (le ministère de la justice gère aussi l'administration pénitentiaire). Il n'est pas venu seul, le Procureur de la République de Nancy et le Procureur Général étaient du voyage. Mon dessin est donc incomplet, il est aussi faux car ce n'est pas Rachida Dati qui l'a reçu mais le directeur des services judiciaires et le directeur adjoint de cabinet du garde des sceaux.

Pourquoi cet aréopage, et de quel droit cette convocation ?

Parce que la magistrature se divise en deux : il y a les magistrats du siège, c'est à dire les juges (ils restent assis quand ils parlent), et la magistrature debout, c'est à dire les procureurs, qui se lèvent pour parler. Les procureurs représentent la société, engagent les poursuites, et requièrent l'application de la loi à l'audience, c'est à dire forment une demande, au même titre que les avocats présents, le tribunal étant souverain dans les suites à donner. Il peut même aller au-delà des réquisitions du parquet, le seul maximum étant fixé par la loi.

Alors que les juges sont rigoureusement indépendants, les procureurs ne le sont rigoureusement pas. Le parquet est hiérarchisé, et chacun de ses membres, que j'appellerai "procureurs" pour faire simple, sont interchangeables. Le parquet est indivisible, a-t-on coutume de dire : chaque procureur le représente en entier. On appelle aussi le parquet le ministère public. Ces deux termes sont synonymes, ministère public étant plus utilisé pour désigner l'ensemble fonctionnel, le parquet désignant plutôt l'ensemble des procureurs d'un tribunal. Ainsi, tous mes dossiers pénaux sont intitulés : (nom du client) contre ministère public. Le ministère public est mon adversaire, peu importe que je sois opposé à un procureur du parquet de Thionville ou un avocat général du parquet général de Saint Denis de la Réunion.

La hiérarchie du parquet est simple : dans chaque ressort de cour d'appel, il n'y a qu'un seul grand Manitou, le procureur général, et les procureurs de la République sont ses prophètes.

Voyons plus en détail. Les parquets suivent la carte judiciaire. Pour une cour d'appel, il y a un parquet, qu'on appelle parquet général, dirigé par le procureur général. Il est composé de substituts généraux, qui ont des tâches administratives, et des avocats généraux, qui plaident aux audiences, tout particulièrement aux assises. Philippe Bilger est ainsi avocat général à la cour d'appel de Paris, dirigé par Laurent Le Mesle, qui est donc son supérieur hiérarchique. Le procureur général peut décider d'aller siéger à n'importe quelle audience de la cour d'appel et de requérir aux côtés ou à la place de n'importe quel avocat général, discrétionnairement. C'est ce qui s'est passé lors du procès en appel de l'affaire d'Outreau, ou le procureur général de l'époque, Yves Bot, a siégé en personne, et fait une conférence de presse exprimant ses regrets aux accusés alors même que la cour n'avait pas fini de délibérer. Il ne peut par contre aller siéger devant le tribunal de grande instance, mais peut donner des instructions écrites au procureur de la République pour qu'il aille requérir en personne.

Le procureur général dirige donc son parquet général, mais en plus il est le chef des procureurs de la République, qui, eux, dirigent les parquets des tribunaux de grande instance du ressort, composés de substituts et de procureurs adjoints (je vous fais cadeau des vice-procureurs et premier vice-procureurs, c'est une question d'avancement hiérarchique et non de droit judiciaire). C'est donc lui qui dirige la politique pénale dans son ressort, et qui notamment est en charge de la notation des procureurs de son secteur.

Au dessus des procureurs généraux, il y a le Très Grand Manitou : le Garde des Sceaux. C'est lui (en l'occurrence, elle) qui unifie au niveau national la politique pénale, par des circulaires distribuées aux parquets (généraux, avec copie aux procureurs de la République, et copie pour information aux juges du siège) et donnant des instruction pour appliquer telle loi, et fixant des priorités (par exemple : poursuivre systématiquement toutes les violences conjugales). Le Garde des Sceaux est enfin l'autorité de poursuite des magistrats du siège (il saisit le Conseil Supérieur de la Magistrature, CSM, qui prononcera la sanction) et l'autorité qui sanctionne les magistrats du parquet (le CSM ne donnant qu'un avis consultatif sur la sanction). C'est ainsi que le précédent Garde des Sceaux s'est sérieusement posé la question de savoir si le fait que le célèbre juge d'instruction qui a instruit l'essentiel de l'affaire d'Outreau était désormais procureur au parquet de Paris lui permettait de prononcer lui même une sanction sans passer par le CSM. La réponse est évidemment non, la faute supposée ayant été commise en qualité de juge, ce sont les règles applicables aux juges qui doivent être suivies.

Mais (car en droit, il y a toujours un mais), un procureur a beau être procureur, il n'en est pas moins magistrat. Le parquet est la magistrature debout, pas la magistrature couchée. S'il est tenu, à peine de sanction disciplinaire, d'obéir à ses chef, il en conserve néanmoins une parcelle de liberté à laquelle les procureurs sont farouchement attachés. Cette liberté est joliment résumée par une formule bien connue des étudiants en droits : « A l'audience, la plume est serve mais la parole est libre. »

C'est à dire que le procureur d'audience est tenu de suivre les instructions écrites qu'il aura reçues, mais peut parfaitement, sans que personne ne lui en fasse le reproche, s'en désolidariser oralement à l'audience et dire quelle serait, en son âme et conscience la meilleure application de la loi.

Plus prosaïquement, ce principe est consacré par la loi à l'article 33 du code de procédure pénale.

Si un procureur pense qu'Untel est innocent, mais que sa hiérarchie lui ordonne de le poursuivre, il devra rédiger et signer l'acte de poursuite (cédule de citation, réquisitoire introductif...). Mais une fois à l'audience, il pourra dire « J'ai poursuivi Untel car tels étaient les ordres que j'ai reçus ; mais je reste convaincu comme je l'étais alors qu'il n'est pas l'auteur des faits, et pour ma part, je requiers la relaxe ».

Vous voyez, ce n'est pas une question d'ego ou de susceptibilité professionnelle. Derrière, il y a une garantie des libertés.

Revenons en à notre procureur rechignant à être un instrument.

Le Garde des Sceaux, le Très Grand Manitou, a estimé qu'en tenant les propos rapportés par la presse, il a outrepassé cette liberté en critiquant ouvertement la politique pénale du gouvernement alors qu'il est en charge de faire appliquer la loi selon les directives du gouvernement. Comme chef du parquet, elle a donné l'ordre à l'intéressé de venir s'expliquer. Comme il s'agit d'un procureur, son chef direct, le procureur de la République, est du voyage. Et comme le Procureur Général est le grand chef du parquet, et est en charge de la notation des parquetiers, lui aussi aura pu tester le TGV Est. Car sans aller jusqu'aux poursuites disciplinaires, il est loisible d'apprendre à un procureur le respect dû à ses supérieurs en lui confiant un de ces postes ennuyeux à mourir administratifs le tenant éloigné des prétoires, sa liberté de parole étant ainsi réservée à son assistant de justice.

L'intéressé niant avoir tenu les propos qui lui ont été prêtés, et précisant qu'ils ne reflètent pas ceux qu'il a pu tenir à l'audience, la Chancellerie a fait savoir qu'aucune poursuite ne serait engagée. L'affaire serait close, et le procureur général de Nancy, que j'ai entendu à la radio cet après midi, semble apporter son soutien inconditionnel à son procureur, en disant en gros que d'une part, il nie avoir tenu ces propos et que lui croit la parole de ses procureurs, et qu'en tout état de cause, la liberté de parole des procureurs doit être respectée. Donc, ce procureur ne devrait pas être muté à la révision des registres d'état civil.

Que penser de cette affaire ?

Pour tout dire, elle ne me plaît pas. Il y a dans l'attitude de la Chancellerie un message adressé à tous les parquetiers : nous vous surveillons. Obéir à nos instructions ne suffit plus, si des propos tenus à l'audience nous parviennent et nous déplaisent, ce sera un voyage à Paris avec le chef et le chef du chef, qui seront ravis de perdre ainsi une journée et se souviendront de votre nom le jour des notations. A bon entendeur, silence.

La liberté de parole à l'audience est pour moi fondamentale, c'est une pierre angulaire du procès. Pouvoir tout dire n'est pas le droit de dire n'importe quoi, bien sûr, et il y a des propos qui peuvent entraîner des sanctions disciplinaires ou pénales, pour eux comme pour nous avocats. Mais là, ces propos fussent-ils établis, je ne pense pas que cette limite eût été franchie. En tant qu'avocat, je veux que le procureur puisse émettre des réserves sur les conséquences qu'aurait l'application d'une loi, que ce soit au cas d'espèce par accident, ou de manière générale parce qu'un texte lui semble pernicieux. Le respect dû à la loi suppose que la loi puisse être jugée. En France, ce n'est pas le cas, nous n'avons pas de contrôle de constitutionnalité digne de ce nom. J'apprécie l'idée que face à une loi vraiment dangereuse (ce que la loi sur les peines planchers n'est pas selon moi), le tribunal pourra entendre le tocsin résonner depuis le banc du procureur et joindre son carillon à celui de la défense. C'est un allié de poids dans cette hypothèse, je ne veux pas qu'on le baillonne, même si je sais que le plus souvent, il dira des choses qui ne me conviendront pas. J'en fais mon affaire.

Là où l'attitude du gouvernement confine à l'aveuglement, c'est qu'il ne réalise visiblement pas que pour que ses procureurs gardent une vraie autorité à l'audience, et puissent requérir avec efficacité l'application des lois voulues par le gouvernement, il faut que le tribunal sache que quand il le fait, c'est librement et en conscience. En faire les Beni oui-oui du gouvernement serait se tirer une balle dans le pied.

En somme, celui qui a perdu une bonne occasion de se taire n'est pas celui qu'on croit.

mercredi 29 août 2007

Question de principes

Un avocat reçoit son client dans son cabinet. Il est donc en civil, sa robe accrochée au mur. Il est assis à son bureau dans une position désinvolte. En face de lui, un client, assis sur sa chaise. L'avocat dit  « Rassurez-vous. Ce n'est pas parce que vous n'avez pas beaucoup d'argent que je ne vais pas le prendre...»

mardi 28 août 2007

Non lieu

Un débat s'est engagé en commentaires sous mes billets traitant de la démence sur la pertinence du terme de "non lieu", pouvant être perçu comme : "il ne s'est rien passé, c'est un non événement, ceci n'a pas eu lieu". C'est d'ailleurs ce sens que semble lui donner le président de la République dans une récente allocution.

Pourtant l'absurdité du propos est manifeste : quand un non lieu est prononcé parce que l'auteur des faits était au moment de son acte atteint d'un trouble psychique tel qu'il a aboli son discernement, personne ne dit ni ne laisse entendre que les faits n'ont pas eu lieu.

Et déjà on parle de changer le terme.

Etant de ces naïfs qui croient que quand le peuple ne comprend pas un mot, il ne faut pas le changer mais le lui expliquer, et ainsi l'élever plutôt que s'abaisser, voyons donc ce qu'est en réalité un non lieu.

Le terme vient de l'article 177 du code de procédure pénale (la version du haut, celle du bas entrera en vigueur le 1er janvier 2010).

Nous sommes dans l'hypothèse où une instruction judiciaire a été ouverte, c'est à dire que le procureur ou la personne se disant victime d'un crime ou un délit ont demandé à un juge d'instruction de mener une enquête en toute indépendance (il instruit à charge et à décharge : sa mission est la recherche de la vérité et non de fournir des arguments à celui qui l'a saisi). Il a pour cela des vastes moyens juridiques et des moyens matériels plus modestes. Il a à sa disposition la police judiciaire et la gendarmerie, qu'il peut charger d'enquêter sur le terrain, de rechercher et d'entendre des témoins ; l'acte par lequel il leur confie ces missions s'appelle une commission rogatoire (il commet les policiers pour agir à sa place, en leur priant, en latin rogare, d'accomplir telle et telle diligence qu'il décrit). Il peut interroger lui même les suspects, les victimes et les témoins. Au besoin, il peut restreindre la liberté du suspect, voire l'incarcérer afin de s'assurer qu'il ne s'enfuit pas, ne détruit pas des preuves ou ne fait pression sur les témoins ou la victime elle même. Il peut enfin solliciter des expertises : psychologiques, mais aussi balistiques pour identifier l'arme du crime, autopsie pour déterminer les causes de la mort, génétique pour identifier l'auteur d'un viol, etc...

Quand le juge estime avoir terminé son enquête, il en avise les parties, par courrier ou verbalement à l'issue d'un interrogatoire. Cet avis, qui porte le doux nom "d'article 175", comprendre du Code de procédure pénale, donne 20 jours à ces parties[1] pour demander un acte d'instruction supplémentaire : entendre telle personne pour lui poser telles questions, une contre expertise, faire une confrontation, etc. Le juge accomplit ces actes, ou rend une ordonnance refusant de les accomplir en expliquant pourquoi, ordonnance dont il peut être fait appel. Si aucun acte n'est demandé, ou que les demandes d'acte ont été traitées, l'instruction est close. Toute nouvelle demande d'acte est désormais irrecevable, et le dossier est transmis au parquet. Un procureur, le procureur régleur, va réviser tout le dossier et prendre des réquisitions, généralement très longues, qui disent, pour simplifier :

« L'instruction a établi les faits suivants (suit le récit détaillé avec le renvoi aux pages du dossier sur lesquelles s'appuient la démonstration du procureur). Elle a cerné les éléments suivants sur la personnalité des mis en examen et, éventuellement des parties civiles : (suit le résumé de la situation personnelle des parties, et des éventuelles expertises psychiatriques ou psychologiques). Le parquet en conclut qu'il y a des charges suffisantes contre Untel, Truc et Bidule d'avoir commis telle infraction. Par contre, la participation de Tartempion n'est pas établie. Il demande donc au juge d'instruction de renvoyer Untel Truc et Bidule devant le tribunal correctionnel (ou les mettre en accusation devant la cour d'assises si les faits sont un crime) et de dire n'y avoir lieu à suivre contre Tartempion. »

Ce réquisitoire s'appelle réquisitoire définitif, par opposition au réquisitoire introductif qui a saisi le juge d'instruction au début, et au réquisitoire supplétif qui a élargi sa mission en cours d'instruction si des faits nouveaux ont été découverts.

Rien n'empêche, même si l'usage est rare, aux avocats de déposer également un argumentaire du même type défendant leur point de vue. On ne parle pas de réquisitoire, terme réservé au parquet, mais de conclusions. L'avocat de Tartempion aura intérêt à expliquer pourquoi il estime que son client est hors de cause, l'avocat de la partie civile à exposer pourquoi il estime que les mis en examen doivent bien être jugés. L'idéal est de les déposer dans le délai de 20 jours, afin qu'elles soient jointes au dossier, pour que le procureur régleur en ait connaissance. Ca met un peu de contradictoire là où il n'y en a toujours que trop peu, et on ne peut pas connaître la position du parquet avant qu'il ait requis. Autant essayer de le rallier à son point de vue, car c'est alors un allié de poids.

Une fois que le réquisitoire est revenu avec le dossier, le juge prend à son tour une ordonnance, dite ordonnance de règlement, où il décide des suites à donner à son dossier. Là aussi en toute indépendance même s'il est fréquent qu'il suive purement et simplement les réquisitions du parquet, son ordonnance n'étant qu'un copier-coller des réquisitions, ou y renvoyant purement et simplement par la mention "adoptons les motifs du réquisitoire définitif".

C'est cette ordonnance de règlement qui peut être de non lieu.

Le juge d'instruction, après j'insiste sur ce point, plusieurs pages d'explications détaillées, conclut qu'il n'y a pas lieu de poursuivre une procédure au pénal contre telle personne.

Cela peut résulter de plusieurs causes différentes.

Soit les faits ne sont pas établis ou ne constituent pas une infraction. C'est là que le non lieu se rapproche le plus du mauvais sens donné par notre président. Cela arrive assez fréquemment, les juges d'instructions ayant régulièrement à connaître de plaintes que la courtoisie appelle "de fantaisie". Entre le plombier qui a mal fixé un chauffe-eau, le voisin qui empoisonne par des radiations émises par sa télévision, le concierge qui a volé son ticket gagnant du loto mais sans aller réclamer les fonds, juste pour se venger du locataire du sixième, etc. Il y a aussi des personnes qui peuvent avoir réellement été victimes, mais l'instruction ne parvient pas à établir de preuves (une subornation de témoin, par exemple, le témoin étant devenu la maîtresse de celui pour qui elle a témoigné, mais rien ne prouvant la collusion préalable). Dans ces cas, oui, c'est terriblement douloureux pour les victimes. La justice n'est pas omnipotente, et elle a trouvé ici ses limites, la présomption d'innocence pouvant protéger parfois des coupables.

Soit les faits sont établis, mais l'auteur n'a pu être identifié. C'est ainsi que s'est piteusement terminée le 3 février 2003 l'instruction de l'affaire dite "du petit Grégory".

Soit les faits sont établis, l'auteur identifié, mais les faits sont prescrits car trop anciens.

Soit enfin les faits sont établis, l'auteur identifié, les faits non prescrits mais il y a une cause d'irresponsabilité pénale, dont je vous rappelle la liste : la démence, la contrainte, l'erreur inévitable sur le droit, l'autorisation de la loi et le commandement de l'autorité légitime, la légitime défense, l'état de nécessité, et le défaut de discernement dû au très jeune âge (PAS la minorité, on parle ici d'enfants de moins de 10 ans).

Concrètement, les non lieu pour des causes extérieures à la personne que sont la contrainte (j'ai volé sous la menace d'une arme), l'erreur inévitable sur le droit (j'ai eu une autorisation administrative délivrée par erreur), le commandement de l'autorité légitime (j'ai fait feu sur l'ordre de mon supérieur), la légitime défense (j'ai tiré pour me défendre), et l'état de nécessité (j'ai grillé un feu rouge pour transporter une femme qui accouche à l'hôpital) sont rares. Il faut qu'ils soient particulièrement évidents (Ca arrive pour la légitime défense des forces de l'ordre). Sinon, s'agissant d'une appréciation des faits autant que du droit, les juges d'instruction préfèrent, et c'est compréhensible, renvoyer l'affaire à la juridiction de jugement, en principe collégiale, pour qu'il en soit débattu publiquement, toutes les parties réunies. Peut être que la mise en place des collèges de l'instruction changera cela, mais je pense que les juges d'instruction continueront à estimer que leur rôle n'est pas de trancher sur ces questions de fond, mais de fournir à la juridiction de jugement les éléments lui permettant de décider en connaissance de cause.

En revanche, l'irresponsabilité pénale et le défaut de discernement sont généralement établis lors de l'instruction, par des expertises pour la première et le dernier. Renvoyer un dément devant une juridiction de jugement, ou pire encore un jeune enfant, étant un traumatisme inutile, c'est à ce stade de l'instruction que la décision est le plus utilement prise.

Comme vous le voyez, un non lieu n'est pas un couperet qui tombe du ciel, sous forme d'une lettre sèche et brève. Il est rendu à l'issue d'une instruction qui a duré plusieurs mois, que les parties civiles ont pu suivre par l'intermédiaire de leur avocat et sur laquelle elles ont pu agir par des demandes d'actes, et prend la forme d'une ordonnance longuement motivée s'appuyant sur les éléments concrets du dossier dont chacun a pu être contesté. Enfin, ce non lieu peut être contesté par la voie de l'appel, mais si tous les experts ont conclu de la même façon, l'appel est illusoire.

Enfin, dernier point important : un non lieu n'est pas aussi définitif qu'une décision de relaxe ou d'acquittement (Rappel : il s'agit dans les deux cas d'un jugement de non culpabilité ; la relaxe est prononcée par le tribunal de proximité, de police ou correctionnel, l'acquittement par la cour d'assises) : une instruction conclue par un non lieu peut être réouverte en cas de découverte de faits nouveaux, mais seulement par le procureur de la République (à la demande de la victime, par exemple). Seule condition : que la réouverture ait lieu dans le délai de prescription (trois ans pour un délit, dix pour un crime), délai qui court à compter de la date de l'ordonnance de non lieu ou de l'arrêt de la chambre de l'instruction le confirmant.

Ainsi, dans l'hypothèse, soulevée par un commentateur, du simulateur assez brillant pour se faire passer pour un dément auprès d'experts psychiatres et qui bénéficie d'un non lieu, puis sort après quelques mois en hôpital psychiatrique, si on peut établir la simulation (soit que le faux dément s'en vante ouvertement, soit que les médecins de l'hôpital remarquent la supercherie puisque le faux dément n'a plus d'intérêt à continuer à simuler s'il veut sortir), il s'agira d'un fait nouveau pouvant fonder la réouverture de l'instruction. Mais là, on entre plus dans le domaine des fictions de TF1 (où les méchants sont aussi intelligents que méchants et que mauvais acteurs) que dans la réalité.

Notes

[1] ...qui sont les mis en examen et les témoins assistés, terme trompeur car il s'agit dans les deux cas de suspects, et les parties civiles, personne se prétendant directement victimes de l'infraction.

lundi 27 août 2007

La démence, concrètement

Une idée, déjà enterrée en 2003, vient donc de ressurgir comme un serpent de mer : juger les déments, ou pour ne pas caricaturer, organiser un procès public pour que la culpabilité soit symboliquement prononcée, mais la démence constatée et aucune peine prononcée. Pourquoi mobiliser des juges, un procureur, des avocats ? Pour les victimes, à qui le législateur pense tout le temps sous prétexte qu'on n'y penserait jamais.

J'ai repris un billet où j'expliquais ce qu'était la démence dans les textes, et comment elle était constatée. Mais rien ne vaut la pratique.

Une fois n'est pas coutume, je vais donc aller piocher dans des dossiers dans lesquels je suis intervenu, en restant assez vague sur les faits pour que les intéressés ne puissent être reconnus, d'autant qu'il s'agit d'affaires anciennes qui heureusement n'ont pas attiré l'attention de la presse.

Premier cas, une démence qui aboutit à un non lieu.

C'est la soeur de la personne concernée qui avait contacté le cabinet où je travaillais alors. Son frère, traité depuis des années pour schizophrénie, avait commis des vols à main armée, répétés dans un bref laps de temps (une matinée) qui auraient pu virer au drame, mais fort heureusement personne n'avait été blessé, et dans un contexte particulier : des faits identiques commis peu de temps auparavant dans la même ville avaient eux viré au drame et la presse ne parlait que de ça. Je précise qu'il s'était procuré son arme sans la moindre difficulté et en toute légalité dans un magasin de sport d'une chaîne bien connue.

Les faits en eux même faisaient lourdement soupçonner la bouffée délirante, terme médical indiquant les périodes où un schizophrène est en crise et agi de manière irrationnelle, et généralement sans garder le moindre souvenir -d'où l'amalgame dans le langage courant entre la schizophrénie et le dédoublement de personnalité : il n'y a pas dédoublement de personnalité mais un comportement désinhibé, potentiellement dangereux suivi d'amnésie. En effet, il avait agressé des personnes le connaissant fort bien, à visage découvert, et avait tenu des propos incohérents les accusant de comploter contre lui. Il avait été retrouvé chez lui par la police, vivant dans un tas d'immondices, tous les outils et produits de l'infraction posés en évidence à côté de son lit.

Il avait été mis en examen et placé en détention provisoire du fait de sa dangerosité, et une expertise médicopsychologique avait aussitôt été demandée. Très vite, les incidents se sont multipliés en détention, tant une maison d'arrêt n'est pas un endroit approprié pour un schizophrène. Il hurlait la nuit en appelant les gardiens, disant qu'il était menacé et frappé par ses codétenus. Il était régulièrement changé de cellule, mais les incidents se reproduisaient. Le directeur d'établissement mettait cela sous le coup de sa folie manifeste et ne voulait pas le mettre en isolement de peur d'un acte suicidaire. Au moins, les codétenus le surveillaient.

Jusqu'au jour où je suis allé consulter le dossier au greffe. Je débutais à l'époque et avais l'habitude de lire le dossier de A à Z. Y compris la cote C, celle de la détention et du contrôle judiciaire, qui ne contient que les documents administratifs relatifs à la détention provisoire, et une copie des actes judiciaires qui l'ordonnent, qui font doublon avec les pièces dites de fond.

Et là, j'ai vu avec horreur qu'une erreur de transcription avait été faite sur l'acte d'écrou. Au lieu de "vol avec violences", qualification retenue au moment de la mise en examen, la nature des faits indiquée était "viol avec violences". Un i qui faisait de notre client un "pointeur", un criminel sexuel, ce qui le désignait pour les autres détenus comme un sous homme, et en faisait un objet perpétuel de menaces et de violences. J'ai aussitôt alerté le juge d'instruction qui a pris contact avec le directeur d'établissement.

Il s'est avéré que la mention de viol avec violence avait, d'une façon ou d'une autre, filtré du greffe. Notre client disait être là pour braquage, et ses codétenus ont cru qu'il cachait la véritable raison de son incarcération pour éviter d'être un pointeur. Il était donc réellement menacé de mort par ses codétenus, et sans doute frappé la nuit, mais le directeur d'établissement mettait ses hurlements sous le compte de ses crises de schizophrénie.

Il a été aussitôt placé à l'isolement, jusqu'à ce que quelques semaines plus tard l'expertise confirme la schizophrénie évolutive et conclue à l'abolition du discernement. Aucune de ses victimes ne s'était constituée partie civile, sachant à qui elles avaient à faire, un non lieu a été rendu et une hospitalisation immédiate a eu lieu, le patient consentant à son hospitalisation.

Depuis, j'ai gardé l'habitude de lire les dossiers intégralement, même les cotes détention...

Deuxième cas, une démence qui va jusqu'au procès.

Une fois n'est pas coutume, j'étais du côté de la partie civile (ce qui m'arrive plus souvent que je ne le dis). Il s'agissait d'un viol sous la menace d'une arme. Il y avait eu expertise psychiatrique qui avait confirmé là aussi la schizophrénie, mais exclu que les faits aient été commis lors d'une bouffée délirante, le mis en examen se souvenant fort bien des faits et pouvant les raconter de manière détaillée. C'était un colosse, SDF, qui prenait son traitement quand il s'en souvenait et fumait du cannabis, ce qui a des effets dévastateurs chez un schizophrène. Mon premier contact fut lors d'une confrontation dans le cabinet du juge d'instruction.

Ma cliente, qui était en dépression depuis les faits, était terrifiée à l'idée de le revoir. Elle ne fut pas déçue.

Le mis en examen est arrivé escorté par trois gendarmes, visiblement la première ligne de l'équipe de rugby de l'escadron. Une escorte ordinaire est d'un seul gendarme, ce qui est suffisant pour ramener à la raison n'importe quel excité en le plaquant au sol avec une clef de bras irréprochable. Je l'ai vu faire sous mes yeux, c'est impressionnant de vitesse d'exécution.

Dans le cabinet du juge, il y avait trois sièges (le mis en examen avait renvoyé son avocat commis d'office). J'étais donc assis à côté de cette masse, son seul rempart entre lui et ma cliente. Du coin de l'oeil, je le voyais hocher sans cesse la tête, les yeux exorbités qui roulaient dans tous les directions, sa bouche formant régulièrement une moue suivie d'un rictus. J'ai remarqué par la suite que ce sont des symptômes de la schizophrénie, avec une voix anormalement forte ; je ne sais si c'est la maladie où les médicaments qui en sont la cause, mais ils sont toujours présents.

Chaque fois qu'il ramenait ses pieds sous sa chaise, je voyais les trois gendarmes se ramasser, prêts à bondir.

La confrontation s'est passée dans une certaine tension. Tout allait bien, puisqu'il reconnaissait tous les faits, même les plus sordides, quand, sur un détail sans importance du récit (l'ordre dans lequel deux gestes anodins avaient été faits), il est parti en vrille. Il a traité ma cliente de menteuse, l'a insulté avant de conclure "Je regrette de ne pas l'avoir tué quand j'avais mon couteau sur sa gorge". Le juge a aussitôt mis fin à la confrontation. Ma cliente était à ramasser à la serpillière après ça, et presque sans métaphore.

L'expertise concluant à l'altération du discernement sans abolition, il n'y a pas eu non lieu, et c'est allé au procès. Il a fallu que ma cliente revienne, le revoie, raconte son calvaire en public. Elle s'en est tirée formidablement, grâce entre autre à mon confrère de la défense qui a été extraordinaire d'humanité et de délicatesse sans rien céder à son devoir défendre son client, mais ce procès, qui a duré deux jours, a été un martyre pour elle. Tout son travail pour sortir de sa dépression a été réduit à néant par la confrontation, et par l'audience qui s'est tenue un an plus tard.

Voilà ce que c'est que de juger un fou, loin de mon dessin se moquant de l'absurdité de l'idée. Vouloir faire ce procès pour les victimes, parce qu'elles le réclament, c'est risquer de leur faire un cadeau empoisonné. Elles courent après une chimère, l'espoir que l'audience leur apportera un soulagement, que les mots "vous déclare coupable" auront un effet thaumaturgique sur leur souffrance. La vérité est que c'est très rare. Cela arrive seulement dans le cas où le prévenu ou l'accusé (rappel : prévenu = poursuivi pour un délit ou une contravention devant le tribunal correctionnel, le tribunal de police ou la juridiction de proximité) , accusé = poursuivi pour un crime devant la cour d'assises) manifeste à l'audience un remord sincère, et manifeste ses regrets avec l'accent de la vérité, j'ajouterais à la condition que la victime soit prête à accorder son pardon, car refuser des excuses n'est pas une façon de tourner la page.

Une telle hypothèse est rare. Et je redoute fort que cette réforme, si elle voyait le jour, ferait du mal à bien des victimes avant d'en apaiser un tant soit peu une seule.

dimanche 26 août 2007

Apprenons à les reconnaître

J'ai remarqué que mes premiers dessins n'étaient pas tous bien compris faute pour le lecteur candide de savoir distinguer si telle personne qui parle est juge, avocat, procureur ou greffier.

C'est très juste. Voici donc une petite planche qui servira de légende, et qui représente les principales robes en service, et que j'utiliserai à l'avenir pour caractériser les divers personnages, quitte à faire quelques entorses à la rigueur procédurale.

En effet, les toques (les chapeaux) ne sont plus en usage depuis longtemps, tout au plus les magistrats les tiennent-ils à la main pour les audiences les plus solennelles. Ajoutons que pour les audiences ordinaires (appels correctionnels, affaire civiles), les conseillers et avocats généraux, qui sont les juges et les procureurs d'une cour d'appel, gardent la robe noire en usage devant le tribunal de grande instance. Le rouge n'est porté que pour les audiences solennelles : audience de rentrée, réception du garde des sceaux ou du président de la République, cour d'assises, prestation de serment et renvoi après cassation. Les robes d'avocat général et de président de chambre de cour d'appel sont très souvent ornées de médailles : la légion d'honneur et l'ordre du mérite sont de rigueur.

Outre la toque (photos sur cette page), les robes des magistrats ont deux simarres, c'est à dire deux revers de soie (ou satin pour les radins pauvres) noire de chaque côté des boutons. Ainsi, les robes des magistrats sont plus brillantes, rigides... et chaudes en été, saison où les avocats chantent les louanges de la microfibre.

Vous noterez que les procureurs et juges ont rigoureusement la même robe devant le tribunal de grande instance (ils font partie du même corps de fonctionnaires), et que la différence entre un avocat général et un président de chambre de cour d'appel et un liseré doré sur la toque. Sachant qu'ils ne la portent pas, les avocats venus d'un barreau extérieur sont parfois aussi perdus que le justiciable. Il m'est ainsi arrivé d'aller me présenter à la cour (une chambre des appels correctionnels) où je devais aller plaider, comme c'est l'usage. J'entre dans la salle des délibération où les magistrats étaient réunis et discutaient en attendant l'heure de débuter l'audience. Quatre robes noires simarrées s'y trouvent. Je me présente : Maitre Eolas, du barreau de Paris. "Ha, fort bien. Merci, maître, à tout à l'heure." me fut-il répondu, par quelqu'un que je ne savais être président, conseiller ou avocat général, ceux ci n'ayant pas pris la peine de se présenter. Ce n'est qu'en les voyant entrer dans la salle d'audience quelques minutes plus tard, et en regardant où ils allaient s'asseoir, que j'ai enfin su qui était qui.

Enfin, les robes ne sont portées que dans les audiences publiques. Les audiences de cabinet (juge des enfants, juge aux affaires familiales, juges d'instruction) ont lieu le magistrat en tenue civile, seul l'avocat portant la robe car il n'est pas chez lui et exerce ses fonctions (cela nous permet de nous assurer que l'escorte ne nous confond pas avec le détenu, en fait).

samedi 25 août 2007

Jugement des déments : une expérience pilote mise en place

N'ayez crainte, mon blog ne se convertit pas en recueil de dessins. C'est juste que j'ai un peu moins de temps actuellement, la rentrée approche et ça se sent, que je m'amuse beaucoup à découvrir Inkscape, et que l'actualité m'inspire pas mal. Mes billets interminables seront bientôt de retour.

vendredi 24 août 2007

Rediffusion : l'irresponsabilité pénale pour démence

Ceci est la reprise d'un billet du 23 mars 2005, qui a repris une certaine actualité tant le débat sur le procès des déments pour faire plaisir aux victimes revient périodiquement sur le devant de la scène. C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes.


L'acquittement récent de Michel Perroy a de nouveau mis la question délicate de l'irresponsabilité pénale sur le devant de la scène.

Un petit point sur l'irresponsabilité pénale me paraît nécessaire, tant l'acquittement de quelqu'un qui a frappé sept personnes à coups de couteau, dont un enfant de 5 ans, a de quoi causer un émoi dans l'opinion publique.

Le Code pénal prévoit des cas où une personne qui a commis une infraction prévue et réprimée par la loi n'est pas pénalement responsable, c'est à dire doit être acquittée si c'est un crime, relaxée si c'est un délit ou une contravention, ou bénéficier d'un non lieu dès l'instruction. Ces cas sont limitativement énumérés aux articles 122-1 à 122-8 du Code pénal.

Il s'agit dans l'ordre du Code : de la démence, de la contrainte, de l'erreur inévitable sur le droit, l'autorisation de la loi et le commandement de l'autorité légitime, la légitime défense, l'état de nécessité, la minorité de 10 ans.

Chacune de ces causes d'irresponsabilité fait l'objet de cours entiers en deuxième année de fac de droit, et je ne vais pas m'y substituer.

La démence a été définie ainsi par le Code pénal : il s'agit d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli le discernement de la personne. En somme, la personne n'était pas consciente au moment de ses actes. Elle ne conserve généralement aucun souvenir de ce qu'elle a fait.

Comment cette démence est-elle établie ?

Si c'est le juge qui décide, il ne se fie pas au baratin à la plaidoirie de la défense. Il y a une expertise médico-psychologique (c'est à dire psychiatrique), qui est ordonnée par le juge d'instruction s'il est saisi, sinon par le président de la juridiction de jugement. Il peut décider d'une contre-expertise si une des parties le demande, voire de recourir à un collège d'experts : trois experts rencontrent la personne poursuivie séparément, puis se réunissent pour mettre en commun leurs observations et parvenir à une conclusion commune.

Les experts ne sont pas livrés à eux même et ne se voient pas déléguer la puissance de décider. Ils répondent aux questions que leur pose le juge et sont tenus par cette mission.

Ils doivent dire si le prévenu/mis en examen était, au moment des faits, atteint d'un trouble psychique ou neuro psychique ayant aboli son discernement et s'il est aujourd'hui accessible à la sanction pénale, c'est à dire comprend-il le sens de la punition qu'on se dispose à lui infliger ?

L'expert expose ses conclusions qui sont argumentées et étayées, mais rarement catégoriques. C'est un travers d'expert fréquent dans les domaines relevant de la psyché humaine d'être très prudents dans leurs conclusions, ce qui laisse toujours une place à discussion dans le prétoire.

Mais au-delà de la science psychiatrique et de ses limites inhérentes, à l'heure du choix, on en revient toujours au même mécanisme fondamental : l'intime conviction du juge. Ou des juges, dans l'affaire de Bordeaux.

Ici, les 12 juges, trois juges professionnels et neuf jurés tirés au sort, ont estimé, en leur âme et conscience, qu'au moment des faits, Michel Perroy était atteint d'un trouble ayant aboli son discernement, trouble que l'expert a qualifié de "bouffée anxiodélirante".

Dans le cas d'une cour d'assises, les délibérations ont lieu aussitôt après la clôture des débats, "sans désemparer". Magistrats et jurés s'assoient dans la salle des délibérations et discutent longuement avant de passer au vote sur la culpabilité. Un vote sur la culpabilité doit être acquis par 8 voix au moins sur les 12 (on ne dit jamais le nombre de voix : l'arrêt précise simplement qu'il a été répondu "oui" par huit voix au moins, pour préserver le secret des délibérations).

En l'espèce, au moins 5 des 12 personnes ont estimé, à l'issue des débats que Michel Perroy n'était pas conscient de ses actes, qu'il a effectivement été atteint d'un tel trouble ayant aboli son discernement, et que dès lors, une réponse pénale est inadaptée.

Cela choque souvent l'opinion publique, qui ne comprend pas qu'un individu qui s'est précipité couteau à la main sur 7 personnes du village où il exerçait la noble profession de boucher, soit finalement impune. Le soupçon de comédie apparaît toujours, d'excuse facile, de naïveté de la justice.

Cela relève du cliché ou de l'imagination romantique d'écrivains. Il faudrait être un incroyable acteur pour tromper un voire plusieurs experts psychiatres, et en outre maîtriser la science psychiatrique pour être crédible, ce qui est au-dessus des humbles moyens d'un boucher fut-il girondin. De plus, bénéficier d'une irresponsabilité pénale pour raisons psychiatriques aboutit très souvent à une hospitalisation d'office en hôpital psychiatrique, pour une durée indéterminée. Les faits révèlent en effet une dangerosité certaine et incontrôlable. Si un expert peut parfois être catégorique sur la réalité du trouble, il ne le sera JAMAIS sur l'absence de risque de réapparition de celui ci. Vol au dessus d'un nid de coucou, ça vous dit quelque chose ?

Enfin, l'irresponsabilité pénale n'entraîne pas l'irresponsabilité civile. Un fou doit réparer les conséquences de ses actes et indemniser ses victimes (article 489-2 du Code civil).

Enfin une réforme des institutions...

Et un, et deux, et trois millions !

Ca y est, je viens de franchir la barre des trois millions de visiteurs uniques, chiffre qui ne tient pas compte des abonnés aux flux RSS et Atom ni des robots (le robot Yahoo est un fan, d'ailleurs, avec 33.000 visites en 19 jours...). Soit la population de l'Arménie, quand même.

Bon, hé bien il va falloir se serrer un peu, maintenant.

jeudi 23 août 2007

Contrefaçon

Le Conseil National des Barreaux, qui est l'organe représentant notre profession au niveau national, est en train de lancer une opération de communication pour promouvoir notre profession.

Il a révélé aujourd'hui le logo de cette campagne, que voici.

Je vous assure que j'ai commencé à dessiner mes avocats-silhouette, dont je décore mon blog depuis hier, en amphi, en première année de droit. J'ai des preuves et des témoins.

Plus sérieusement, le CNB lance un site grand public, avocats.fr, et propose à tous les avocats une plate forme de blogs, qui nécessite de justifier de sa qualité et garantit donc que ce sont bien des avocats qui les anime. Chers confrères, si l'aventure vous tente, c'est gratuit et c'est ici.

La liste des blogues se trouve ici, répartie par matière (20 pénalistes à ce jour, mais seuls deux sont mis à jour-à propos, attention au pseudonyme que vous vous choisissez- et deux sont des redirections), en indiquant la localisation du cabinet concerné.

Vous admirerez mon altruisme : pas une mention de mon blog sur ce site (que j'ai pourtant contribué à financer).

L'enfer des comparutions immédiates

mercredi 22 août 2007

Audience ordinaire de reconduite à la frontière

Un petit dessin en vectoriel (fait avec inkscape), inspiré par une récente audience de reconduite à la frontière.

Ca fera surtout rire les juges désignés des tribunaux administratifs...

Démagogie ordinaire

Notre président bien aimé a décidé de prendre le taureau par les cornes et de montrer qu'il réagit immédiatement à l'affaire de l'enlèvement suivi du viol de ce garçonnet à Roubaix. Je ne citerai pas son nom, et je suis outré que la presse répète à l'envie son prénom, cite le nom de son père (qui est donc aussi le sien) à l'occasion de sa réception à l'Elysée et utilisent abondamment sa photographie, qui n'avait été diffusée que dans le cadre du plan Alerte-Enlèvement. Merci de la part de cet enfant qui grâce à la presse et à internet qui n'oublie rien, portera cette croix toute sa vie. Merci de ne pas citer son nom dans vos commentaires.

Je passerai rapidement sur les annonces : c'est de bonne guerre, quand l'opinion publique est choquée par un fait divers aussi horrible, il faut montrer compassion (recevoir les parents, dire qu'on se met à leur place...) et réaction pour faire croire que ça n'arrivera plus jamais. On n'est pas obligé non plus laisser le boulevard de la démagogie à l'opposition.

Ceci dit, l'annonce de « l'ouverture d'un hôpital fermé » devrait en soi suffire à tout un chacun à se convaincre de ce qu'il est en présence de démagogie, ou que Pierre Dac est resuscité et a pris le pouvoir.

Mais dans la retranscription de la conférence de presse où ces mesures ont été annoncées, un passage m'a fait sourire, du sourire de Bearmarchais : pour ne pas avoir à en pleurer.

Un journaliste présent pose, comme première question après ces annonces :

Cela s'accompagne-t-il de moyens supplémentaires pour la justice ?

Vous savez que c'est mon dada. Au moment où j'ai lu cette question, le Ciel m'en est témoin, je me suis dit : « Tiens ? Comment va-t-il enrober le fait qu'il n'y aura pas un centime de plus pour la justice ? »

La réponse se trouve quelques lignes plus bas (je graisse).

LE PRESIDENT – Je viens d'annoncer qu'un hôpital dédié aux pédophiles sera ouvert à Lyon en 2009. J'ai demandé à Roselyne BACHELOT [ministre de la santé, NdA] de prévoir un autre établissement pour les détenus psychiatriques de façon à renforcer considérablement le suivi psychiatrique des détenus. Mais, en l'occurrence, ce n'était pas une question de moyens. Cette personne qui sort, tout le monde sait que c'est dangereux, qu'elle est dangereuse. Ne me dites pas que l'on n'avait pas les moyens de suivre un homme de cette nature. On ne peut pas tout mettre sur la question des moyens. On ne peut pas tout mettre sur la question de la fatalité. La vérité, c'est que les uns disent : « la peine a été exécutée, il était donc libre ». Les autres, la famille, me disent « que faisait le prédateur dehors » ?

Admirez que le manque de moyen devient assimilé à la fatalité, le « On n'a pas les moyens de le faire » à « On ne peut rien y faire ». C'est pratique : contre le premier, il faut de l'argent, contre le second, de la volonté. Et comme la volonté, ça ne coûte rien, l'Etat en a à revendre. Et quand ce n'est pas suffisant, il y a autre chose qui ne coûte rien : une loi.

C'est mon rôle de chef de l'Etat de tirer les conséquences d'un vide juridique qui fait que des hommes de cette nature, des individus de cette nature, on ne peut pas dire que l'on les remet en liberté uniquement parce qu'ils ont fait leur peine. (...)

C'est vrai ça, si on remet les gens en liberté sous le prétexte fallacieux qu'ils ont terminé leur peine, où va-t-on ?

On ne peut pas simplement dire aux contribuables : il n'y a pas assez de dépenses, il n'y a pas assez d'argent, il n'y a pas assez de moyens. Parce que, en l'occurrence, les moyens étaient suffisants pour dire que cet homme était dangereux.(...)

Il suffisait de le demander au président de la République, en fait.

Et donc :

La Garde des Sceaux proposera un texte qui sera examiné par le Conseil des ministres dans les toutes prochaines semaines, passera au Conseil d'Etat, et sera défendu devant le Parlement au mois de novembre, au plus tard.

Fermez le ban.

PS : Pour préciser ma position avant que qu'on ne m'applique la même méthode : je ne dis pas que ce n'est qu'une question de moyens. Mais elle est centrale, toujours, dans tous les dysfonctionnements constatés de la justice. Les détentions provisoires anormalement longues, ce sont des juges qui doivent traiter de front une centaine de dossiers à la fois, et des expertises qui innocentent qui sont retardées pour des raisons budgétaires. La récidive, c'est aussi un manque d'encadrement des détenus, l'impossibilité matérielle de leur consacrer assez de temps pour leur trouver une formation professionnelle, préparer leur sortie pour qu'ils aient d'autres solutions que de réitérer leur comportement pour vivre.

Et en l'espèce, gageons sans risque que la suite révélera que la loi a été appliquée, sans les moyens d'assurer son effectivité, notamment au niveau de la surveillance dont il faisait l'objet.

Donc, il faut changer la loi. Puisqu'on n'a pas les moyens de les surveiller (ils sont 6000, c'est beaucoup, pour un pays qui n'est que dans les dix premières puissances économiques mondiales et qui n'a que 5 millions de fonctionnaires...), il ne faut plus les libérer, quand bien même ils auraient effectué leur peine.

La lettre de cachet, c'est pas cher, il ne faut même pas la timbrer.

mardi 21 août 2007

Peine, récidive et sursis, un cas pratique

La presse a rapporté les ennuis judiciaires de l'un des frères de l'actuel garde des sceaux. Le Monde (avec le concours de l'AFP) nous donne les éléments suivants :

La cour d'appel de Nancy a condamné, mardi 21 août, Jamal Dati, le frère de la garde des sceaux, Rachida Dati, à un an de prison ferme pour trafic de stupéfiants.

M. Dati s'était vu infliger en février six mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal correctionnel de Verdun, mais le ministère public avait fait appel de cette condamnation. Ses trois co-prévenus ont été condamnés à six mois fermes pour deux d'entre eux, à huit mois de prison dont trois mois fermes pour le troisième.

Agé de 34 ans, il avait déjà été condamné en 2001 à trois ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois fermes, pour trafic d'héroïne dans la région de Chalon-sur-Saône. Il avait déjà été condamné en 1995 à une amende pour usage de stupéfiants, puis en 2001 à trois ans de prison dont dix-huit mois assortis du sursis, avec mise à l'épreuve, pour trafic de drogue. Tout en réclamant une aggravation de la peine prononcée en première instance, l'avocat général avait laissé entrevoir la possibilité d'un aménagement de peine qui permettrait à ce père d'un garçon de 2 mois de conserver son emploi de tuyauteur.

Notons rapidement que visiblement, il n'a pas bénéficié d'une intervention ou d'une bienveillance particulière du fait de son nom de famille puisque sa peine a été doublée en appel. Un lecteur, qui a pris soin de préciser que ce n'était pas une demande de consultation juridique, me dit sa surprise, s'attendant à ce qu'il soit condamné à 18 mois, soit la période couverte par le sursis de sa précédente peine, et se demandant si le prévenu n'était pas en état de récidive.

Voilà un très bon cas pratique pour réviser les règles de récidive et des sursis.

Tout d'abord, le frère de Madame Dati était bien en état de récidive légale. En effet, la condamnation de 2001, qui constitue le premier terme de la récidive, était pour trafic de stupéfiant, délit passible de dix années d'emprisonnement, et le second terme est bien un délit passible de plus d'un an d'emprisonnement (en l'espèce dix) commis dans les dix années suivant l'exécution de la peine: c'est la récidive générale et temporaire de l'article 132-9 du Code pénal. Le parquet qui a engagé les poursuites (bien avant l'élévation de la soeur du prévenu à de si hautes fonctions, donc inutile de chercher une intervention occulte ici ; cette hypothèse est assez fréquente en fait) n'avait pas visé la récidive, tout simplement parce qu'il n'envisageait pas un seul instant d'aller requérir dans les strates de peines ouvertes par la récidive (jusqu'à vingt années de prison...).

Le frère de Madame Dati n'encourait de toutes façons pas les foudres de la loi portée par sa soeur, car les faits commis en récidive étaient antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi. Mais sinon, c'eût été quatre années qu'aurait dû prononcer à tout le moins le tribunal (délit puni de dix années d'emprisonnement). Et là, pas d'aménagement de peine possible.

S'agissant de la fraction de la peine assortie du sursis prononcée en 2001, elle était réputée non avenue ; soit, si c'est un sursis simple, que cinq années s'étaient écoulées depuis sa sortie de prison (mais ça a dû se jouer de peu dans cette hypothèse...), soit, si c'était un sursis avec mise à l'épreuve, par l'écoulement du délai d'épreuve qui ne pouvait à l'époque excéder trois années. Ce sursis ne pouvait donc être révoqué.

Enfin, en prononçant un an ferme non assorti d'un mandat de dépôt (que la cour ne pouvait décerner pour une peine n'excédant pas un an, le condamné étant libre), la cour permet la mise en place d'un aménagement de peine, comme l'avait suggéré l'avocat général. Cela s'applique à toutes les condamnations à de la prison ferme n'excédant pas un an (la même limite que la possibilité de décerner mandat de dépôt, ce n'est pas un hasard). Le condamné sera convoqué par le juge de l'application des peines qui envisagera avec lui un aménagement de la peine évitant une incarcération pure et simple qui lui ferait perdre son travail : ce sera probablement soit un placement sous surveillance électronique, soit une conversion en sursis avec obligation d'accomplir un TIG [Mise à jour, après rappel à l'ordre : pas de conversion pour les peines supérieures à six mois], soit une semi-détention (il dormira en prison et sortira dans la journée pour se rendre à son travail, et pourra bénéficier de permissions de sortie le week end). Le JAP peut aussi fractionner l'exécution de la peine sur les périodes de congé du condamné pendant trois ans.

En conclusion, le prévenu échappera très probablement à la prison ferme, mais ce ne sera pas grâce à sa soeur, seulement à la compréhension des juges. Dont tout le monde peut bénéficier, ce qui semble-t-il ne sera pas un luxe dans les temps qui viennent.

Des fois, je me dis que je ne suis pas clair...

Hommage aux quelques obstinés qui chaque jour m'écrivent un mail commençant par "ceci n'est pas une demande de consultation juridique" avant de me demander de rédiger leur assignation.

Et j'en profite pour faire joujou avec GIMPShop, et ma tablette graphique. Je sais, c'est encore plein de défauts, mais je débute et c'est fait en une demi heure tout compris. Dès que je maîtriserai un peu mieux (tout coup de main bienvenu, ceci n'est pas une demande de consultation technique), notamment pour ne pas perdre trop de qualité et de netteté en réduisant la taille du dessin, j'essaierai de revenir à mes amours d'amphi en fac de droit : les dessins humoristiques.

Comme ça, j'aurai des billets lisibles en moins de trente secondes.

PS : si vous trouvez que j'ai une drôle de tête, c'est que vous n'avez jamais vu un avocat en robe...

samedi 18 août 2007

L'affaire de la "consonnance israélite" du nom de famille

- Le bonjour cher maître...

- Ma lectrice ! Quelle joie m'étreint de vous voir. Une crainte me poignait sans cesse que vous ne trouvassiez point ma nouvelle demeure. Fi de ces vilaines Chimères : ce blogue est désormais illuminé par votre présence.

- Si votre adresse a changé, vous êtes assurément le même : à peine arrivè-je que vous me cueillez au coeur d'un compliment et à la tête d'un imparfait du subjonctif. Si je n'étais pas toute tourneboulée, je me serais sans doute pâmée.

- Vous savez que je ne saurais souffrir tout trouble qui dérange un si doux visage. Désignez moi le vilain, que je le chasse céans.

- Ha, voilà qu'à présent je redoute d'abuser de votre bonté d'âme...

- Impossible. J'ai vendu la mienne au moment de prêter serment. Parlez, parlez, de grâce...

- hé bien soit. Figurez vous que je ne puis me remettre d'une terrible mésaventure survenue à une de mes concitoyennes.

- Qu'a-t-elle fait ?

- Rien : ou plutôt si : elle est née.

- Cela arrive à des gens très bien.

- Mais elle est née juive en Algérie.

- Si le monde n'était pas si déréglé, le premier devrait être indifférent et le second un bonheur.

- Elle vit en France depuis fort longtemps, probablement, si vous m'en croyez, depuis le début des années 60...

- 1962, pour être précis.

- Aujourd'hui, elle a voulu faire renouveler sa carte nationale d'identité... Et voilà qu'à la mairie, on lui demande la preuve qu'elle est française.

- Preuve qui ne peut être faite que d'une façon : par un certificat de nationalité française délivré par le greffier en chef du tribunal d'instance.

- Ha ! Voilà donc pourquoi elle dirige ses pas vers le tribunal d'instance de son domicile. Et là, on lui demande de produire une liste de pièces pour prouver cette nationalité, et parmi celles-ci, un acte établissant sa religion. Surprise par cette exigence, elle en demande la cause. Et savez-vous ce qu'on lui répondit ?

- Las ! je ne le devine que trop...

- Parce que son nom aurait une « consonance israélite » ! En France, en 2007 ? 102 ans après la séparation de l'Eglise et de l'Etat, 66 ans après les lois antisémites de Vichy ! Je suis outrée ! Que dis-je, hors de moi !

- Ces élans de générosité bouillonnante ne vous rendent que plus attachante à mes yeux. Mais je vais néanmoins prendre le risque de ramener un peu de calme dans ce tumulte pour vous expliquer les causes de cette demande, et vous rassurer quelque peu en vous expliquant que cette demande n'a rien à voir avec les deux événements que vous citiez à l'instant. mais n'est que l'héritage d'un pompeux brouillon qui n'a de cesse aujourd'hui que de saccager demain, croyant bien faire pourtant.

- De qui parlez vous ?

- Mais de ma Nemesis : du législateur.

- Ha ça mais... Vous avez converti mon ire en curiosité, vous êtes un thaumaturge ! Je suis toute ouïe.

- Fort bien. Quelques prolégomènes toutefois. Le droit de la nationalité est un droit qui a ses spécificités. La nationalité est un phénomène instantané aux effets perpétuels. Du jour où vous êtes français, vous ne cessez jamais de l'être.

- Jamais ?

- Le droit est la science des exceptions. Il en est trois, mais tellement rares surtout pour les deux premières que vous souffrirez que je les traite par une simple note de bas de page[1]. Mais le principe demeure : français un jour, français toujours. Ce qui peut aussi se lire : français toujours, à condition d'avoir été français un jour.

- Je vous suis.

- Depuis 1994, en application des lois Pasqua, la carte nationale d'identité est devenue sécurisée. A cette occasion, la loi a décidé d'en profiter pour vérifier que celui qui la réclame est bien français. En effet, beaucoup d'anciens habitants des colonies avaient obtenu des titres d'identité qui étaient renouvelés sur simple présentation du précédent sans autre vérification, et leurs enfants étaient eux même considérés comme français, et se considéraient français. Cette situation, pour des raisons qui m'échappent, a paru brutalement insupportable au législateur qui a décidé qu'on vérifierait à cette occasion la nationalité de tous ses citoyens ; car rien ne révèle plus une démocratie saine que la méfiance des élus envers son peuple. Et si le prix à payer était que des personnes, se croyant sincèrement français et en exerçant tous les attributs depuis leur enfance, se voient brutalement déchus de leur citoyenneté, hé bien, on ne fait d'omelette sans casser les oeufs. Après tout, à l'époque, le nettoyage ethnique était à la mode dans d'autres pays d'Europe.

-Vous me faites frémir. Mais comment prouve-t-on que l'on est français ?

- Pour prouver que l'on est Français, il faut donc remonter dans la ligne de ses ancêtres jusqu'à établir le fait qui attribue la nationalité française. Le plus simple est la naissance en France d'un parent né en France, qui s'établit par la production des actes d'état civil.

- Jusque là, c'est simple.

- Or ici se pose le problème des populations vivant en Algérie sous domination française. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, tout ce qui vivait en Algérie n'était pas français. C'est là le propre d'une situation coloniale. Le fait de naître dans l'Algérie française de parents nés en Algérie française ne faisait pas de vous un français. Comme quoi, l'Algérie française était algérienne avant d'être française... On peut distinguer trois populations, pour simplifier. D'une première part, les européens venus s'installer en Algérie, les colons proprement dits, pudiquement désignés comme "population relevant du droit commun". Ceux là étaient français en arrivant, le sont restés et l'étaient donc encore en revenant.

- Pas de difficulté donc.

- Aucune, pas plus que pour la deuxième population : les "d'origine musulmane". Ceux là étaient soumis à un statut dit "de droit local", par opposition au "droit commun" des européens. Le "droit local" était appelé l'indigénat avant le 1er juin 1946.

- C'est à dire ?

- Je ne dirais même pas citoyen de seconde zone, car ils n'avaient pas les droits civiques et politiques, et n'étaient donc pas citoyens. De fait, ils n'étaient pas français, quoique fort bienvenus à prendre les armes sous le drapeau et à offrir leur poitrines aux balles allemandes qui n'ont jamais pris la peine de tenir compte des différents statuts.

- Y avait-il une autre catégorie ?

- Oui, celui des juifs d'Algérie, environs 37.000 personnes en 1960. Ceux-ci, étant sur place lors de l'arrivée des Français puisque venus d'Espagne (d'où leur nom de Sépharades, "Espagnols" en hébreu) au 15e siècle. Au début, ils furent soumis au "droit local". Mais en 1870, Adolphe Crémieux, ministre de la justice, et grand protecteur des juifs, l'étant lui-même, promulgua un décret donnant la nationalité française aux juifs d'Algérie et les soumettant au droit commun, sauf à ce qu'ils y renoncent. Première funeste intervention du législateur : cette discrimination a jeté les graines de la discorde entre ces deux populations, qui se muera en haine le moment venu. Ce décret fut rétroactivement abrogé par le régime de Vichy, avant que De Gaulle ne rendît aux juifs d'Algérie leur nationalité en 1945. Nouvelle intervention brouillonne, mais celle-ci s'explique par les circonstances historiques. Sauf que la ségrégation antérieure est rétablie comme si de rien n'était. Puis vint l'indépendance.

- Que se passa-t-il à ce moment ?

- Les "droits locaux", c'est à dire les arabes et kabyles devinrent algérien, sauf ceux qui firent une reconnaissance de nationalité française. Cela recouvre surtout les Harkis. Les algériens pouvaient donc devenir français par simple déclaration jusqu'au 21 mars 1967, où ce dispositif a été abrogé. Les "droits communs" restèrent français.

- Et les juifs ?

- Le décret Crémieux en avait fait des "droits communs", sauf ceux ayant renoncé à ce statut (qui n'avait pas que des avantages) et les juifs du M'Zab, qui en étaient exclus.

- Pourquoi ?

- Problème de rédaction. Un pompeux brouillon, vous dis-je. Ainsi, un juif d'Algérie a toutes les chances d'être français. L'administration, qui n'est pas si sourcilleuse, présume qu'un juif d'Algérie est Français puisque c'est le principe. A condition... d'être juif, puisque c'était la condition pour bénéficier du décret Crémieux.

- D'où cette étrange demande ?

-Absolument. Par cette demande, le greffier souhaitait avoir la preuve que la requérante, née en Algérie de parents nés en Algérie, était bien juive, ce qui implique que ses parents l'étaient eux-même, ou au moins l'un d'entre eux, et étaient donc français par application du décret Crémieux.

- Et si elle ne le peut ou ne le veut ? Deviendra-t-elle apatride ?

- Nenni, c'est impossible. En France, nul ne naît ni ne devient apatride. Elle serait présumée issue de parents "de droit local", donc algérienne, sauf à ce qu'elle puisse prouver que ses parents ont souscrit à une déclaration de reconnaissance de nationalité, mais l'hypothèse est absurde car selon toute vraisemblance, ses parents étaient bien de droit commun donc n'avaient aucune raison de souscrire une telle reconnaissance ; soit d'établir qu'ils ne se sont pas vus reconnaître cette nationalité ni aucune autre postérieurement au 3 juillet 1962, auquel cas ils seraient devenus français par application de l'article 1er de la loi 66-945 du 20 décembre 1966, nationalité dont elle aurait hérité. Vous voyez bien qu'établir sa judaïté était la solution la plus simple pour elle comme pour le greffier.

- La plus simple, sans doute, mais pas la moins traumatisante !

- Assurément. Le droit se veut une science détachée de la morale et des considérations sentimentales qui vicient le raisonnement ; il demeure qu'un peu de diplomatie et de pédagogie sont souvent bienvenus. L'incident qui a suivi est assurément regrettable, et à mettre sur le compte de l'agacement de l'agent qui voit jaillir un Point Godwin alors qu'il ne fait que se conformer à des directives sur lesquelles il n'a aucune prise, et qu'il serait probablement bien incapable d'expliquer. Las, quand des esprits brillants, à même de comprendre et d'expliquer, préfèrent adopter la position de la dénonciation vertueuse, on comprend que la raison a défailli depuis longtemps.

- Une dernière question si vous le permettez...

- Madame, je suis votre plus dévoué serviteur.

- Et si en fait cette dame était descendante de Français, juifs ou non, venus s'installer en Algérie après sa conquête par la France ?

- Il eût suffi qu'elle remontât à son premier ancêtre né en France de parent né en France, l'état civil lui aurait permis de le retrouver aisément et sa religion n'eut pas été en cause.

- Mais il n'empêche... Alors que la Constitution interdit de distinguer selon la race ou la religion, alors que les discriminations sont prohibées, est-il acceptable que l'on somme quelqu'un de prouver sa religion sous peine d'être déchue de sa nationalité ?

- Je vois que votre derrière question n'était que rhétorique. Mon bon voisin Jules, baron de Diner's Room répond à votre question par la négative ; et il demeure que ces textes, qui seraient sans nul doute anticonstitutionnels aujourd'hui, ont été en vigueur et ont produit des effets de droit qui se perpétuent jusqu'à aujourd'hui, quand bien même ces textes seraient désormais abrogés. Cet effet de droit est dans notre cas l'acquisition de la nationalité, qui se transmet aux enfants. La nécessité de remonter à l'ancêtre français impose de ressusciter des textes peu glorieux.

- Nulle résurgence de l'antisémitisme ou de la xénophobie ici ?

- Non. Simplement, mais ce n'est guère plus glorieux, l'impossibilité de tourner enfin la page de la décolonisation. Au lendemain de celle ci, la France faisait tout pour que les anciens habitants des pays coloniaux restent français (c'est la possibilité de souscrire une reconnaissance de nationalité) ; puis quand cette option est devenue séduisante lorsque ces pays sont devenus des pays de satrapes corrompus, les lois permettant ce retour ont été abrogées, sans doute avec un esprit revanchard : "Ha vous avez voulu être indépendant, hé bien, dansez maintenant". Attendez trente ans, exigez que tout le monde justifie de sa nationalité et vous avez ce triste résultat. Nous cueillons aujourd'hui les semis empoisonnés du législateur d'hier.

Notes

[1] Il s'agit des hypothèses prévues aux articles 23-7, 23-8 et 25 du code civil : le français qui se comporte comme le national d'un pays étranger, le français qui continue d'occuper un emploi dans un service public étranger ou une organisation nationale où la France n'est ni partie ni représentée ce malgré l'injonction que lui aura fait le gouvernement de quitter cet emploi, et le français qui a acquis cette nationalité (par déclaration ou naturalisation) qui commet un crime contre l'Etat ou se livre à du terrorisme dans les dix années qui suivent.

vendredi 17 août 2007

Le tribunal de Nice inaugure la loi sur la récidive... sur un cas d'école

La loi sur la récidive est passée sur les fonts baptismaux du journal officiel et est désormais connue sous le doux sobriquet de loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, et si vous êtes vraiment très intime, JUSX0755260L.

Elle est parue au journal officiel du 11 août, soit samedi dernier, et est donc entrée en vigueur dimanche à zéro heure (depuis une ordonnance de février 2004, il n'y a plus de délai d'un jour franc entre la publication de la loi et son entrée en vigueur).

Et lundi, le tribunal de Nice s'est vu décerner par la presse les lauriers du premier tribunal à faire application de cette loi. Sans vouloir retirer un quelconque mérite aux très honorables juges niçois, je ne suis pas sûr que des 181 tribunaux correctionnels de France, celui de Nice soit bien le premier à avoir prononcé une telle peine, le critère retenu pour attribuer ce titre n'étant pas précisé (Ordre de l'affaire au rôle ? Heure du prononcé ?). Je pense que sa localisation sur la côte d'azur a dû aider à attirer l'attention des journalistes sur cette affaire en cette période estivale.

Deux voleurs récidivistes ont été arrêtés, sans nul doute pour des faits commis dimanche après zéro heure, qualifiés de vol aggravé par deux circonstances : la réunion (ils étaient deux) et l'effraction (bris de la vitre d'une voiture). Butin conséquent : 7000 euros (l'essence est hors de prix à Nice, visiblement) outre un téléphone, un lecteur MP3 et des sacs. Le tribunal,saisi en comparution immédiate, a retenu la récidive, soit qu'elle soit dans la citation, soit que le parquet n'ait demandé à l'audience, soit que le tribunal l'ait soulevé d'office, du fait des 18 condamnations ornant le casier judiciaire des prévenus.

Le tribunal a donc prononcé une peine de trois années d'emprisonnement ferme, avec maintien en détention. Ce qui est exactement la peine plancher du nouveau dispositif : le vol aggravé par deux circonstances fait encourir sept années d'emprisonnement, donc le plancher est à trois ans. C'est ce qu'a requis le parquet, et qu'a prononcé le tribunal. La loi les y invitait et surtout les dispensait de toute motivation autre que "Vu l'article 132-19-1 du Code pénal..." Et je vous laisse imaginer le désarroi de mon confrère qui devait établir qu'en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de ses auteurs ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par ceux-ci, une peine plus légère s'imposait.

Y a-t-il à redire sur cette application de la loi ?

Pas grand chose, car comme mes lecteurs le savent désormais fort bien, ce n'est pas sept années qu'encouraient les prévenus, mais quatorze, puisque la récidive double le maximum encouru.

Nous avons donc deux prévenus qui comparaissent devant un tribunal correctionnel pour la dix neuvième fois, une au moins de leurs dix huit mentions précédentes étant due à un vol pour fonder la récidive, qui encourent donc jusqu'à quatorze ans de prison et qui en prennent trois, soit 21% du maximum encouru.

Nice n'est pas réputé être un tribunal indulgent, inspiré en cela par sa cour d'appel dont la simple évocation fait trembler les pénalistes parisiens (moi-même, je suis pris d'un frisson en écrivant ces lignes, et ça ne peut pas être le temps qu'il fait, nous sommes en plein mois d'août).

Je doute donc, mais en appelle ici à mes confrères Niçois (au fait : où trouvez vous le courage de faire appel ?), que le tribunal, sans la loi sur la récidive, eut fait preuve d'une plus grande bienveillance dans le quantum de sa peine. Il n'est même pas impossible que la loi proposant ici une solution toute faite ait dissuadé le tribunal d'aller voir plus haut dans l'échelle des peines si l'inspiration ne les y attendait pas. Il aurait été intéressant de savoir quelles avaient été les peines préalablement prononcées et pour quels faits. Le tribunal en fait toujours mention, en tout cas des dernières, lors des débats. Mais pour cela, i laurait fallu qu'un journaliste soit présent dans la salle...

En fait, cette affaire est si caricaturale (18 condamnations, c'est quand même rare) qu'elle ne saurait démontrer le bien fondé ou au contraire le risque d'effet pervers de cette loi. Attendons de voir si le risque qu'évoque un parquetier se réalise :

Que feront les juges quand, par exemple, une personne comparaîtra pour 3 ou 4 vols à l'étalage - vol simple en récidive ? Il serait étonnant qu'ils condamnent, pour un délit mineur, le voleur à une peine plancher d'un an ferme. Ce que désormais les textes prévoient...

Assurément, ce magistrat voulait dire pour son troisième ou quatrième vol à l'étalage : le fait d'être cité pour plusieurs délits différents ne crée pas ipso facto la récidive, car vous le savez désormais presque aussi bien que lui, il faut que le premier terme soit une condamnation antérieure et définitive. Mais le simple fait qu'un parquetier rechigne à l'idée d'invoquer le nouvel article 132-19-1 du code pénal pour une telle hypothèse me conforte dans ma conviction que la récidive sera aisément oubliée dans la citation, ou serait-elle présente que le tribunal trouverait aisément des circonstances dans l'infraction, des éléments de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci pour justifier d'écarter cette application trop mécanique.

Illustration de ce qui est un de mes dadas : ne touchons jamais au pouvoir du juge de corriger l'application de la loi. Cela nous met à l'abri de lois se voulant automatiques, et qui automatiquement finissent tyranniques.

Technorati Profile

jeudi 16 août 2007

Le vertige du néant

Quelquefois, nous connaissons dans l'exercice de notre fonction de grands moments de solitude. Au moment où le juge nous donne la parole, nous n'avons rien à dire. Soit que notre dossier est vide depuis le départ, soit que l'audience a désintégré le peu qu'il y avait (le responsable n'étant pas nécessairement notre adversaire, mais parfois notre client).

Dans ces moments là, il faut se lever, l'air grave, profiter de chaque seconde de silence que la décence permet avant que l'effet réthorique ne tourne à l'aveu d'impuissance pour trouver sa première phrase. Mais il faut plaider. Soit que le client est là (on dit que nous plaidons "corps présent"), soit qu'il faut simplement sauver les apparences. Mais il faut faire son office. Dans ces moments, on est pris d'un bref vertige, la tête qui tourne, les veines qui battent à nos tempes. Le vertige du néant.

Et parfois, quand on est journaliste, on est dans le même cas. Il faut rendre un article à partir de rien, pour raconter du rien.

Concrètement, ça donne ça. Attention, c'est vertigineux d'absence totale d'intérêt.

Bon sang, il a même appelé Ferrero France un 15 août pour avoir un commentaire pour remplir son article... Cher Luc Bronner, vous avez ma confraternelle sympathie.

Commentons les commentaires

Je teste actuellement un "pleuguine" pour Dotclear, "Comback", par Jihem, du blog Bleu Citron.

Il me permet de répondre à un commentaire en insérant en dessous un texte qui n'est pas comptabilisé comme un commentaire, et dont je peux modifier la couleur et l'encadré.

Concrètement, ça donne cela :

Pour moi, cela simplifie ma tâche de réponse : jusqu'à présent, répondre impliquait d'éditer le commentaire, et de taper ma réponse en langage HTML. Je sais, c'est pas le langage informatique le plus compliqué, mais taper <p></p> à chaque extrémité de paragraphe est toujours plus long que taper sur Entrée.

Pour vous, ça change quelques choses :

Tout d'abord, mes réponses n'apparaissent plus dans le fil RSS des commentaires. Je suis en train de voir si ça peut être modifié aisément. J'ai la prétention de croire que mes réponses intéressent forcément ceux qui s'intéressent aux commentaires.

Chaque billet a un fil RSS propre qui inclut les réponses, mais les réponses n'apparaissent pas accolées au commentaire auxquelles elle font écho dan l'agrégateur. La seule différence est une astérisque qui apparaît devant l'intitulé, pour indiquer qu'il s'agit d'une réponse.

Enfin, ceux qui sont abonnés au fil RSS bricolé par Tortue Cynique qui n'affiche que les commentaires auxquels je réponds ne liront plus mes réponses : ce fil RSS détecte les billets que j'ai édités, or ave cce nouveau système, je ne touche plus au commentaire.

Bref, ça me simplifie la vie, c'est censé être plus clair pour qui lit les commentaires directement sur le site, mais pour les lecteurs par agrégateurs, ça n'est pas pratique.

Que fais-je ? Je passe au nouveau système ? Je reviens à l'ancien ?

Pour la présentation actuelle : oui, rouge sur fond bleu, ce n'est pas idéal, mais ça, ça se change facilement. Si vous avez des suggestions...

NB : pour tester, je ne répondrai aux commentaires sous ce billet que via Comback.


Mise à jour au 16 août : Je pense adopter le modèle suivant : "Réponse d'Eolas" (il faut penser aux nouveaux arrivants qui ne savent pas que je réponds aux commentaires. Avant, je signais chacune de mes réponses. Si Dotclear le fait à ma place, c'est tant mieux), toujours en rouge pour garder le côté maître d'école, avec une barre en marge à gauche pour rendre le commentaire aisément repérables pour ceux qui font défiler rapidement la page pour repérer les commentaires auxquels il a été répondu. C'est ce qui s'affiche actuellement.

Les modifications que je souhaite apporter, mais que je ne sais pas coder (je suis un littéraire, bien que le droit soit une science) :

- rapprocher la réponse du commentaire. Actuellement, la réponse apparaît deux lignes en dessous du commentaire auquel elle fait écho mais une ligne au dessus du commentaire suivant. Ca peut être source de confusion. L'inverse serait mieux.

- décaler la réponse vers la droite pour que la barre soit dans le prolongement de la marge du commentaire, afin qu'il y ait une belle continuité dans les numéros des commentaires, que brise actuellement mes réponses.

Ci dessous une image ou j'entoure en bleu ce qui me pose problème.

Amis geeks et codeurs, c'est à vous. On est le 16 août, ne me faites pas croire que vous avez du boulot.

mardi 14 août 2007

La voix du coeur

Audience de reconduite à la frontière au tribunal administratif de Paris. Le juge délégué siège seul dans cette salle qui du coup semble trop grande. Il demande à sa greffière d'appeler le dossier suivante.

- "Dossier numéro 07-123456, Monsieur I. contre le préfet de police".

Le président prend le dossier de Monsieur I. pendant qu'un avocat se lève et fait signe à son client de venir prendre place à ses côtés. Il s'agit d'un Africain d'une trentaine d'année, vêtu de bric et de broc, vêtements de seconde main que lui a trouvé une association caritative, et au visage étrangement serein par rapport à ceux tordus d'angoisse des autres étrangers dont l'avenir se joue aujourd'hui.

Le président instruit brièvement l'affaire. Monsieur I. a été contrôlé par la police alors qu'il était passager d'une véhicule qui venait de griller un feu rouge. Placé en garde à vue, il a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF). Le juge des libertés et de la détention a annulé la procédure d'interpellation car comme il n'était que passager du véhicule, la police n'avait aucun motif légal de contrôler son identité. Il a donc été remis en liberté, mais cela est sans incidence sur l'arrêté de reconduite à la frontière. Monsieur I. est Sénégalais, de Casamance. Il est en France depuis cinq ans, seul. Sa famille est restée au Sénégal. Il a déjà demandé des papiers, mais ils lui ont été refusés.

Interrogé sur les raisons de sa présence en France, il a déclaré lors de la garde à vue (la procédure a beau avoir été annulée, elle est produite devant le tribunal administratif, c'est tout à fait légal...) qu'il avait une fiancée dans son village, mais il n'avait pas assez de bien pour pouvoir l'épouser et la faire vivre dignement comme un bon musulman doit le faire. Alors il est venu en France, où il travaille au noir dans le bâtiment. Son employeur, qui est présent dans la salle, explique qu'il a fait en vain des démarches pour qu'il soit régularisé : la préfecture de Police lui oppose la situation de l'emploi, disant qu'il y a des Français au chômage qui pourraient occuper le poste de Monsieur I. L'employeur a répondu au préfet qu'il lui saurait gré de bien vouloir lui communiquer leurs nom et adresse, car il cherche des ouvriers de manière continue depuis deux ans. La préfecture n'a jamais répondu.

Le juge donne la parole à l'avocat, qui soulève des arguments désespérés : il conteste la légalité de la délégation de signature du signataire de l'APRF (la préfecture de police produit l'arrêté de délégation de signature qui est valable) et invoque une atteinte disproportionnée au droit à une vie privée et familiale, mais l'argument ne tient pas : il a de la famille au Sénégal, il y a même une fiancée. Tout ce qu'il a en sa faveur, c'est cinq années de présence sur le territoire. Mais il est seul : il est fidèle à sa promise et vit comme un moine. Sa vie, c'est le travail, se reposer dans une chambre dans un foyer, tout ce qu'il peut économiser étant envoyé à sa famille au Sénégal.

Le juge, avant de clore les débats, demande à Monsieur I. s'il a quelque chose à ajouter.

« Oui. » dit Monsieur I, d'une voie posée. C'est la première fois qu'il parle de l'audience. Son avocat a même sursauté.

Le président lui dit : « Je vous écoute ».

« Je suis ici depuis cinq ans. Je travaille, je ne dérange personne, je ne fais de mal à personne. Je voudrais que ma fiancée puisse me rejoindre ici, car elle me manque. Sinon, quand j'aurai gagné assez d'argent, je retournerai en Casamance, mais c'est dur là-bas ».

Un silence. Il reprend, d'une voix cette fois un peu plus tremblante.

« Je sais que la France a un grand coeur. Tout ce que je lui demande, c'est de m'y faire une petite place ».

Un long silence s'abat sur la salle d'audience.

Le président finit par le briser, en souriant tristement à Monsieur I.

« L'affaire est mise en délibéré, le jugement sera rendu en fin de journée ».

Le soir, quand je téléphone au greffe pour connaître mon délibéré, j'en profite pour demander à la greffière : « Et dans le dossier de Monsieur I. ? C'est la même audience... ».

J'entends un bruit de clavier d'ordinateur puis la réponse tombe.

Requête rejetée.

vendredi 10 août 2007

La décision du conseil constitutionnel sur les peines plancher

Comme annoncé, voici le détail de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Appellation trompeuse, car elle ne renforce pas la lutte mais uniquement la répression. Comme pour la loi sur le service minimum, vous allez voir que la loi ne va pas aussi loin que les discours électoraux semblaient l'annoncer.

On parlait de rupture ; pour le moment, le président plie mais ne rompt point. Ici en tout cas, je m'en réjouis.

La loi se divise en trois volets, chacun ayant fait l'objet d'une contestation : les peines minimales pour les majeurs récidivistes, la suppression de l'excuse de minorité pour les mineurs de 16 ans ou plus en cas de récidive, et l'impossibilité pour un détenu condamné refusant une injonction de soin de bénéficier de la libération conditionnelle.

1. Les peines minimales pour les majeurs récidivistes.

La loi s'appliquera dès sa promulgation à tous les faits commis en récidive après l'entrée en vigueur de cette loi. Elle prévoit que quand le tribunal déclare un prévenu coupable de faits commis en état de récidive légale (sur la définition de la récidive, voir ce billet) et faisant encourir au moins trois années d'emprisonnement, il doit prononcer une peine égale au minimum à :

- un an si le délit est puni de trois années d'emprisonnement (exemple : vol simple, violences volontaires entraînant au moins 8 jours d'incapacité totale de travail sans séquelles définitives) ;
- deux ans si le délit est puni de cinq années d'emprisonnement (exemple : agression sexuelle, escroquerie, séquestration de moins de sept jours, vol commis dans un train ou une gare, violences avec arme OU en réunion entraînant au moins 8 jours d'incapacité totale de travail sans séquelles définitives) ;
- trois années si le délit est puni de sept années d'emprisonnement (exemple : agression sexuelle sur mineur de 15 ans, extorsion, escroquerie aggravée, vol avec violences entraînant moins de 8 jours d'incapacité totale de travail sans séquelles définitives) ;
- quatre années si le délit est puni de dix années d'emprisonnement (exemple : trafic de stupéfiant, violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une séquelle définitive, vol avec violences entraînant au moins 8 jours d'incapacité totale de travail sans séquelles définitives.

De même, quand une cour d'assises rend un verdict de culpabilité pour une accusation de faits commis en état de récidive légale, elle doit prononcer une peine au minimum égale à :

- cinq années si le crime est puni de quinze années de réclusion criminelle (exemple : vol en bande organisée, viol, violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner) ;
- sept années si le crime est puni de vingt années de réclusion criminelle (exemple : vol à main armée, viol sous la menace d'une arme ou par plusieurs personnes, séquestration de plus de sept jours) :
- dix années si le crime est puni de trente années de réclusion criminelle (exemple : meurtre, empoisonnement, vol à main armée en bande organisée) ;
- quinze années si le crime est puni de la réclusion criminelle à perpétuité (exemple : assassinat, viol accompagné de tortures et actes de barbarie).

Vous aurez remarqué que le législateur suit le barème posé dans le code pénal.

La loi prévoit une dérogation au principe de la peine plancher : la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils et, en matière délictuelle, une peine autre que l'emprisonnement en motivant son jugement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

En cas de deuxième récidive de crime, la cour d'assises peut encore passer outre la peine plancher si elle considère que l'accusé présente « des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion » ; si c'est un délit de violences volontaires, un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, un délit d'agression ou d'atteinte sexuelle ou un délit puni de 10 ans d'emprisonnement, le tribunal correctionnel devra là aussi relever de telles garanties.

Les autres délits commis en deuxième récidive gardent le même régime que la première récidive, mais je vous laisse imaginer la difficulté qu'il y a pour un avocat à expliquer à un tribunal que son client qui en est à son troisième ou quatrième vol a commis l'infraction dans des circonstances qui justifie que le tribunal déroge à la règle, ou qu'il a des garanties de réinsertion satisfaisantes. J'entends le procureur pouffer d'ici...

Pourquoi alors prévoir une possibilité, pour un meurtrier jugé pour son troisième homicide, d'aller en dessous de dix années d'emprisonnement ? Parce qu'il y a des meurtriers applaudis par tout le monde. Les médecins qui euthanasient un patient commettent un meurtre, et sont jugés par les cours d'assises. Ils sont parfois acquittés contre l'évidence, ou sinon condamnés au minimum légal : un an avec sursis. Ces praticiens revendiquent souvent leur geste, et sont même soutenus par la famille de la victime. Les peines plancher appliquées aveuglément à leur cas impliqueraient qu'au deuxième patient, ce serait une peine de dix ans sans sursis au minimum. Je ne suis pas sûr que c'est ce que veut l'opinion publique. Le législateur n'ayant pas le courage de légiférer sur cette douloureuse question, c'est la moindre des choses qu'il laisse une porte de sortie à ceux qui font le sale boulot.

Un détail qui a son importance : dans le cas de la récidive de délits, la peine plancher est toujours inférieure à cinq années, c'est à dire qu'elle peut par ailleurs être assortie du sursis simple ou avec mise à l'épreuve si le prévenu remplit les conditions. Pour ces conditions, voyez ce billet. Oui, je finirai par faire de vous des pénalistes accomplis.

Enfin, pour que la peine plancher s'applique, il faut que la récidive soit mentionnée dans la décision, ce qui suppose que le parquet ait poursuivi en visant la récidive, ou, si on le découvre à l'audience en lisant le casier judiciaire, que le tribunal, à la demande du parquet, de la partie civile ou d'office, requalifie les faits en ajoutant la récidive. Il peut parfaitement arriver à l'audience que tout le monde regarde ailleurs et que la récidive ne soit pas visée dans le jugement, ce qui sera un moyen très pratique d'écarter l'application de cette loi sans devoir recourir à une motivation spéciale, mais il faudra que toutes les parties soient d'accord, une peu comme dans la correctionnalisation judiciaire.

Le Conseil constitutionnel écarte les arguments des parlementaires qui estimaient que cette loi était contraire au principe d'individualisation des peines en relevant que la loi prévoit la possibilité de déroger à cette règle pour des motifs d'individualisation et que la récidive supposant une certaine gravité des faits, la loi ne porte pas non plus atteinte au principe de la nécessité de la peine.

Il va toutefois apporter une précision qui n'est pas contenue dans la loi et qui pourra voir son importance. Il décide par ce qui ressemble à une réserve d'interprétation que les peines planchers ne sont pas applicables aux faits commis par une personne atteinte au moment des faits d'un trouble psychique ou neuropshychique ayant altéré son discernement, c'est à dire aux déments léger (les déments complets sont irresponsables pénalement). C'est une précision heureuse. Un kleptomane chronique échappera à cette règle (mais pas à la condamnation) en démontrant son état. Là, le Conseil va très loin dans l'interprétation. Ce genre de précision aurait plus eu la place dans un amendement parlementaire, et le Conseil, sans en avoir l'air, tape sur les doigts du législateur d'avoir laissé passer une telle boulette. Sans être dans le secret des dieux, qu'il me soit permis de voir ici la patte de Guy Canivet, ancien premier président de la cour de cassation, à qui ce détail n'a probablement pas échappé.

2. Sur l'excuse de minorité.

L'ordonnance du 2 février 1945 (qui n'a plus de 1945 que la date, ce texte étant parmi les plus instables du droit français) pose les règles applicables aux poursuites des mineurs. Elle prévoit (articles 20-2) que le mineur de plus de 13 ans peut être condamné à une peine de droit commun, mais qu'il bénéficie toutefois de l'excuse de minorité, qui réduit de moitié le maximum encouru. Le voleur de 14 ans risque donc 18 mois de prison au maximum, le meurtrier 15 ans au maximum, et l'assassin 20 ans (la loi considère que la moitié de la perpétuité, c'est 20 ans, ce qui est singulièrement pessimiste sur l'avenir de l'humanité). Pour le mineur de 16 ans ou plus, la juridiction pénale peut décider d'écarter l'excuse de minorité, dans le cas où elle envisage de prononcer une peine supérieure à la moitié du maximum encouru (deux années pour un vol simple, puni de trois années d'emprisonnement, par exemple).

La loi examinée par le Conseil constitutionnel déclare applicable aux mineurs récidivistes de 13 ans ou plus la règle des peines plancher que nous venons d'étudier, à ceci près que les planchers sont réduites de moitié : l'excuse de minorité s'applique aussi ici.

[Paragraphe mis à jour] : De plus, elle ajoute un cas où le tribunal pour enfants peut décider de passer outre l'excuse de minorité : « 1° Lorsque les circonstances de l’espèce et la personnalité du mineur le justifient ; 2° Lorsqu’un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne a été commis en état de récidive légale ; 3° Lorsqu’un délit de violences volontaires, un délit d’agression sexuelle, (ce qui est le droit actuel, voici l'ajout en italiques : ) un délit commis avec la circonstance aggravante de violences a été commis en état de récidive légale.»

La juridiction doit toutefois motiver sa décision d'écarter l'excuse de minorité, sauf dans l'hypothèse du 3° où elle en est dispensée mais elle n'est pas obligée de motiver sa décision de l'appliquer quand même, contrairement à ce qui est prévu pour les majeurs. L'obligation de motiver l'application de l'atténuation de peine n'apparaît que pour une deuxième récidive, dans les hypothèses 2° et 3°.

Enfin, précise la loi, seule une peine peut constituer le premier terme de la récidive, et non les mesures ou sanctions éducatives prévues par l'ordonnance du 2 février 1945.

Comme vous voyez, on est loin, très loin de "la suppression de l'excuse de minorité pour les mineurs récidivistes" du candidat Sarkozy. Ca me rappelle le coup de la suppression de la double peine par le même...

Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel fait là aussi rapidement un sort au recours des parlementaires :

Considérant que les dispositions critiquées maintiennent le principe selon lequel, sauf exception justifiée par l'espèce, les mineurs de plus de seize ans bénéficient d'une atténuation de la peine ; que, si cette dernière ne s'applique pas aux mineurs de plus de seize ans lorsque certaines infractions ont été commises une nouvelle fois en état de récidive légale, la juridiction peut en décider autrement ;

ajoutant que le principe demeure qu'une mesure éducative est prononcée, la peine n'étant qu'exceptionnelle. Bref, que ce texte aura très rarement vocation à s'appliquer, ne concernant qu'un mineur ayant commis tellement de faits graves qu'après une batterie de mesures éducatives sans effet, il aura été condamné définitivement une première fois (il peut faire appel), puis une deuxième fois (il peut encore faire appel), puis comparaît une troisième fois, tout en étant encore mineur ; ce qui suppose qu'il a probablement commencé sa carrière criminelle in utero.

3. L'injonction de soin.

Je passerai rapidement sur ce point. C'est une mesure sans lien direct avec la récidive, qui prévoit qu'une injonction de soin peut être prononcée par un juge lors de la condamnation ou au cours de l'exécution de la peine, et que ne pas s'y soumettre empêche de bénéficier de la libération conditionnelle et des réductions de peine. Les parlementaires critiquaient l'automaticité de cette mesure alors que le texte prévoit expressément qu'elle doit être prononcée par un juge et que dans la seule hypothèse où elle est posée comme un principe, le juge peut néanmoins y déroger, bref qu'il n'y avait aucune automaticité.




Je n'aime toujours pas cette loi ; mais elle a été sérieusement castrée par rapport aux effets d'annonce, et surtout elle respecte le pouvoir d'adaptation de la sanction par le juge. Elle aura des conséquences sur les peines prononcées, c'est certain. Le juge condamnant un récidiviste pourra se permettre de viser le nouvel article 132-19-1 du Code pénal et prononcer la peine plancher sans se casser la tête outre mesure. Il faudra que nous, avocats de la défense, lui démontrions l'intérêt qu'il y a à se casser un peu la tête en cours de délibéré, et lui proposer la motivation idoine "clefs en mains". A nous de nous adapter, mais qui d'entre nous a choisi ce métier pour sa facilité ?

De plus, nous avons un moyen de pression, dont le parquet tiendra compte. Je pense aux comparutions immédiates. Là, je m'adresse plus à mes confrères, et aux magistrats. Pardonnez, si vous n'êtes pas praticien du pénal, le caractère un peu abscons des observations qui vont suivre.

Les CI ont leur lot de récidivistes. La tentation sera grande pour le tribunal de saisir la perche tendue par le législateur pour prononcer la peine plancher par un jugement sommairement motivé. Et là, nos clients sont confrontés à au moins un an de prison ferme (on est en comparution immédiate, le maintien en détention est fréquent, et pour de tels quantum, c'est de facto la règle).

Conséquence : si le parquet vise la récidive, il faudra dire au prévenu de refuser d'être jugé tout de suite. Il est inacceptable de défendre un prévenu encourant très probablement un, deux, trois ou quatre années d'emprisonnement ferme, "à poil", c'est à dire sur le seul dossier du parquet (C'est une expression de pénaliste, chers confrères, gardez votre robe...). Il nous faudra démontrer au tribunal que les circonstances de l'infraction, la personnalité de son auteur ou ses garanties d'insertion ou de réinsertion justifient de prononcer une peine inférieure à ces seuils voire une peine autre que l'emprisonnement. Pour ça, on a besoin de pièces, il n'y a pas de mystère. Or les délais de renvoi sont largement inférieurs même au premier plancher : l'audience de jugement doit avoir lieu dans les six semaines, ou deux mois si le délit est puni de sept ans ou plus, c'est à dire que le prévenu encourt trois ou quatre ans fermes (art. 397-1 du CPP). Il n'y a pas photo : on échange un mois et demi à deux mois de détention certaine contre une condamnation à trois ou quatre ans au moins.

Donc, si le parquet ne veut pas se retrouver avec des comparutions immédiates se résumant à des débats sur la détention, et des audiences de renvoi surchargées, il devra choisir les cas où il veut invoquer les peines plancher, en les réservant aux cas les plus graves, et "oublier" la récidive pour des B1 encore étiques. Donnant donnant. Et si un parquetier un peu sournois ne visait pas la récidive dans la citation, mais la soulevait lors de l'audience, après renonciation au délai pour préparer sa défense, non seulement le quantum de la peine prononcée justifie un appel qui ne pourra pas faire obstacle à une libération de fin de peine comme c'est le cas pour les peines légères, donc risque de surcharger les chambres des appels correctionnels, rarement saisies après une CI, mais en plus la réaction des avocats sera de conseiller à leurs clients de refuser d'être jugé tout de suite chaque fois que le B1 révèle une récidive même si le parquet ne l'a pas visé dans sa citation. Toujours donnant donnant.

Un peu de coordination tactique au sein des barreaux ne fera pas de mal ici, même si le peu d'enthousiasme de la part des magistrats avec qui j'ai discuté de cette loi me laisse à penser qu'un tel rapport de force ne sera pas souvent nécessaire.

Bref, soupirons face à ce nouveau dispositif qui va encore un peu compliquer la vie des magistrats et des avocats, sans avoir d'influence notable sur la récidive, en attendant le prochain dispositif-annonce.

Sauf à, ce qui serait un effet amusant, les conséquences du visa de la récidive que je viens d'expliquer poussent le parquet à "l'oublier" un peu plus souvent pour éviter des renvois ou des débats sensiblement plus longs, ce qui aurait pour effet mathématique de faire baisser les statistiques de la récidive, et permettrait donc au gouvernement de triompher de ses résultats à bon compte, sans que la réalité n'ait changé en quoi que ce soit.

jeudi 9 août 2007

Le Conseil constitutionnel valide la loi sur les peines plancher

La décision vient de tomber, rendu par les onze dix sages, le dernier arrivé étant retenu pour des motifs impératifs de vacances.

La loi est considérée comme conforme à la Constitution, ce qui était prévisible. Pas de réserves d'interprétation, mais juste quelques précisions et un petit ajout très discret excluant les déments partiels du champ d'application.

Je développerai dans mon billet de demain.

Kudos pour le Monde

Mes lecteurs ont remarqué que j'aime à fustiger la presse quand elle s'égare sur les chemins pourtant bien balisés du droit, ses approximations invitant le lecteur à se fourvoyer avec elle plutôt qu'à l'informer et l'éclairer.

Mais il arrive aussi parfois qu'un article soit proche de l'irréprochable, et qu'on sente le juriste derrière le journaliste. Il n'y a pas de raison de ne faire que moquer : quand une affaire judiciaire est bien rapportée, il faut aussi savoir le saluer.

Et le Monde nous offre un exemple, écrit sous la plume de leur correspondant Nicolas Bastuck, publiée sous le titre « Une adolescente est poursuivie en justice pour avoir volé le chéquier de sa mère, qui s'est portée partie civile contre elle » dans l'édition datée du 8 août 2007. L'auteur cite même Merle et Vitu. Le pénaliste défaille de bonheur. Bravo donc.

Il relate de plus une affaire qui mérite amplement un billet ici.

Une jeune fille de 14 ans est convoquée devant le juge des enfants pour avoir volé le chéquier de sa mère et être partie avec une camarade de classe "faire la vie" jusqu'à Marseille, où elles se sont offert, si j'ose dire, hôtel, coiffeur, et séances de shoppings qui semblent, avec le chocolat, être le meilleur antidépresseur féminin. Coût total : 1700 à 2500 euros selon les sources. Soit plus d'un mois de salaire de la mère, femme de ménage.

Là où l'histoire devient plus cocasse pour nous qui avons la chance d'y être extérieurs, c'est que la mère a porté plainte contre sa fille et va se constituer partie civile contre elle.

Fort justement, le journaliste rappelle que le droit français reconnaît pour certains délits (vol, escroquerie, abus de confiance) une immunité familiale, posée à l'article 311-12 du code pénal. Donc théoriquement, la mère est irrecevable à porter plainte contre le vol commis par sa fille.

Mais grâce à la loi du 4 avril 2006 (celle que Ségolène Royal voulait refaire voter) renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, loi issue rappelons-le d'une proposition de loi des sénateurs socialistes, c'est désormais possible : l'article 9 a créé une exception à l'exception quand le vol porte sur les pièces d'identité ou les moyens de paiement.

Là où l'affaire devient hilarante, c'est que la loi du 4 avril visait à protéger les femmes battues et les mineurs, en l'espèce à permettre de poursuivre l'époux violent qui s'empare des papiers et des cartes de crédit et carnets de chèque de son épouse pour s'assurer de sa dépendance économique, mais certainement pas à permettre à une mère de se porter partie civile contre sa fille. Le problème récurent du législateur est qu'il modifie la loi en ayant une situation à l'esprit, et ne réalise pas que la loi a vocation à s'appliquer à toutes les situations. Tout penaud, il ne lui reste plus qu'à morigéner les juges qui appliquent la lettre et non l'esprit de la loi. La peste soit de ces gens qui ne lisent que le journal officiel et non les pensées du législateur.

Bon, en l'espèce les conséquences de la loi du 4 avril 2006 ne sont pas aussi importantes que cela, car outre le vol, il y a eu falsification de chèque, et il n'y a pas d'immunité familiale contre ce délit. Il pouvait y avoir en tout état de cause constitution de partie civile de ce chef.

Mais quel est l'intérêt pour une mère de se porter partie civile contre sa fille ?

Juridiquement, cela lui permet de lui réclamer des dommages-intérêts. En premier lieu, le remboursement des sommes que sa fille a dépensées. Mais sa fille étant mineure, ses parents (donc sa mère) sont civilement responsables : ils sont tenus au paiement des sommes prononcées à titre de dommages-intérêts, sommes qui seront aussitôt éteintes par l'effet de la confusion (article 1300 du Code civil). En second lieu, le préjudice moral qu'elle a subi de ce fait, mais ces sommes subiront le même sort. La partie civile devient partie au procès, mais en qualité de civilement responsable, la mère l'était déjà. Bref, le seul intérêt qui demeure est purement symbolique : être présente au procès en qualité de victime. Par rapport aux dégâts causés sur la relation mère-fille quand à 14 ans on est poursuivi en justice par sa mère, qu'il me soit permis de penser que le jeu ne vaut pas la chandelle, mais là, on sort du domaine du droit. Notons qu'elle peut toutefois parfaitement se porter partie civile à l'égard de l'amie de sa fille, qui a probablement eu un comportement de complice si ce n'est de receleuse. Et là, ce sont les parents de celle-ci qui sont civilement responsables.

Si procès il devait y avoir, il serait plus pertinent au civil, en tant que représentante légale de sa fille, à l'égard des commerçants ayant accepté de contracter avec une mineure, incapable juridiquement (article 1124 du code civil), peu importe qu'elle ait prétendue être majeure (art. 1307 du Code civil), et en prime, elle pourra garder en souvenir ses emplettes (art. 1312 du Code civil) ; ou en son nom personnel à l'encontre de sa banque, qui s'est dessaisie de fonds qu'elle avait reçues en dépôt sur la base d'un titre signé par une personne n'ayant pas le pouvoir de donner cet ordre.

Je me demande quand même comment cette jeune fille a pu dépenser autant d'argent par chèque sans que nul ne lui demande jamais une pièce d'identité (surtout dans un hôtel). La mère devrait pouvoir récupérer l'intégralité des sommes dépensées par sa fille. L'affection de celle-ci, par contre...

Ajout 13h58 : Jules développe avec son talent habituel la phase législative qui a amené à cette curieuse situation. Voyez le législateur en action. Ca vaut le coup.

A los Oscenses... (message personnel)

Viva San Lorenzo

(Photo Dudua sur FLickr)

mercredi 8 août 2007

Quand Libé joue au Daily Prophet...

Les lecteurs de Harry Potter en anglais comprendront ce titre, The Daily Prophet étant le titre original de la Gazette du Sorcier, principal organe de presse du monde des sorciers, à la déontologie journalistique plutôt évanescente.

Et c'est à ce jeu que joue Libération dans un article, essentiellement une reprise d'une dépêche AFP, mais rendue plus sexy, avec un effet immédiat sur des lecteurs plus habitués à être caressés dans le sens du poil qu'invités à réfléchir (et on se demande pourquoi ce journal ne se vend pas...).

La dépêche de l'AFP dit en résumé ceci : un lycéen de 16 ans a traduit en quelques jours le dernier Harry Potter et a diffusé cette traduction sur internet. La traduction serait d'une qualité surprenante. L'éditeur français Gallimard a dénoncé les faits, la police ou la gendarmerie l'a identifié et interpellé et a mis hors ligne le site hébergeant ce texte. Après une courte garde à vue, l'adolescent a été remis en liberté pendant que l'enquête continue pour identifier d'éventuels complices.

Libé reprend cette dépêche, en mettant en exergue une des phrases de la dépêche : « l'adolescent risque de très lourdes sanctions financières », et en ajoutant à la dépêche que l'écrivain anglais J.K. Rowling et Gallimard auraient porté plainte. Résultat immédiat en commentaires propos de comptoir sous l'article : scandale, elle n'a pas assez de fric pour vouloir ainsi racketter un mineur, avec toute la déclinaison habituelle.

Sauf que. Sauf que Gallimard, interrogé par Europe 1 (écouter les précisions de Noémie Schulz, une journaliste, elle) a indiqué qu'il ne comptait par porter plainte. Et que je suis prêt à parier que J.K. Rowling n'est même pas au courant de cette affaire.

Traduire un livre sans l'autorisation de l'auteur est une contrefaçon. Le faire pour son seul usage rentre dans l'exception de copie privée, mais ce n'est plus le cas quand la traduction est divulguée. La contrefaçon est un délit (passible de 5 ans de prison et 500.000 euros pour les majeurs, la moitié pour les mineurs sauf bientôt en cas de récidive).

Gallimard est ayant droit pour la France de J.K. Rowling ; c'est à dire qu'il lui a acheté les droit de reproduction et de représentation de son oeuvre. Le contrat a très probablement été négocié avec l'agent de J.K. Rowling, Christophe Little, Jo étant probablement incapable de citer le nom de son éditeur en France. Gallimard représente donc J.K. Rowling en France pour l'exercice de ses droits d'auteur sur les traductions en Français. Quand Gallimard dénonce des faits[1] de contrefaçon, c'est en tant qu'éditeur et représentant pour la France de J.K. Rowling. Cela ne signifie pas que J.K. Rowling a elle même dénoncé les faits depuis sa maison d'Edimbourg. L'enjeu financier pour Gallimard est important : c'est un gros succès assuré. Il est donc normal qu'en attendant la sortie de la version française en octobre (délai rendu nécessaire par la traduction et la confection des exemplaires du livre), Gallimard veille à ce que des contrefaçons ne circulent pas.

Cette traduction, faite en un temps incroyablement court et de qualité "quasi professionnelle" (je tire sincèrement mon chapeau à ce jeune homme sur ce point, d'ailleurs), est susceptible de causer un préjudice à Gallimard et à l'auteur qu'il représente (qui est rémunéré proportionnellement aux ventes), au même titre que la version pirate d'un CD circulant avant sa sortie porte préjudice à l'éditeur. Quand il a eu connaissance de son existence, il a aussitôt dénoncé les faits à la police, qui a assez rapidement identifié le responsable, qui n'a pas dû prendre beaucoup de précautions pour se cacher.

Les policiers ont alors agi en flagrance : ils l'ont interpellé, placé en garde à vue et interrogé, puis remis en liberté. Bref, pour le moment, aucune poursuite n'est engagée contre lui. Gallimard a mis fin à un trouble à ses droits, et je ne vois pas l'intérêt pour lui de poursuivre plus avant ce jeune homme, sauf à vouloir griller son image d'éditeur pour la jeunesse, outre le fait qu'il aura bien du mal à chiffrer son préjudice.

Le parquet des mineurs, quant à lui, voudra sûrement marquer le coup, et saisira probablement le juge des enfants. Je suis prêt à parier que cela se finira en admonestation (qui est une peine) après que le juge lui aura expliqué qu'être passionné et bilingue ne permet pas de causer un préjudice économique à un éditeur. L'enquête de police continue pour s'assurer que derrière ce naïf enthousiaste, il n'y a pas d'avides majeurs qui en ont profité pour mettre en vente des copies de cette traduction. Enfin, si par extraordinaires des sanctions financières étaient prononcées, ce serait des dommages-intérêts au profit de Gallimard, aucun juge des enfants ne condamnerait un lycéen sans revenus à une amende. Ce qui implique que Gallimard change de position par rapport à ses déclarations. Soit, c'est possible. Mais c'est une hypothèse, pas une info.

Dans ce cas, ce serait les parents de ce jeune homme qui, civilement responsables, auraient à sen acquitter, et non le lycéen lui-même. Donc ce lycéen ne risque aucune sanction financière lourde ou légère, même si on peut admettre que, puisque c'est théoriquement possible, le journaliste peut mentionner cela dans sa dépêche, au même titre que jouer au Loto génère un risque de très lourds gains financiers.

Un éditeur qui protège ses intérêts. Un auteur qui n'est pas au courant. Un mineur entendu par la police et remis en liberté. Un risque quasi nul de sanctions financières. Bref pas grand' chose.

Mais d'un coup de baguette magique à Libé, grâce à l'ajout d'un nom et d'une plainte imaginaire, cela devient « Un lycéen arrêté pour une traduction » (il faudra lire l'article pour savoir qu'il a été remis en liberté et avoir fait du droit pour comprendre qu'il n'est pas poursuivi). Le sous-titre enfonce le clou : « Fan du jeune sorcier, ce garçon de 16 ans risque de lourdes sanctions financières. » Notez la corrélation entre fan du jeune sorcier et risque de lourdes sanctions financières, inexistante dans les faits. Ce n'est pas parce qu'il est fan du jeune sorcier qu'il risque de lourdes sanctions financières ! On sent comme un regret, ici...

Les commentaires des lecteurs sont donc immanquablement des aboiements dociles sur l'épouvantail capitaliste. Mission accomplie.

Quand on tient une belle histoire, ce serait en effet dommage de se laisser arrêter par des détails comme les faits.

Notes

[1] ce qui est différent de porter plainte : il n'indique pas son intention de poursuivre le contrefacteur, mais demande qu'il soit mis fin à cette atteinte à ses droits

L'affaire "La Rumeur"

Le 11 juillet dernier, la cour de cassation a rendu un arrêt cassant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 22 juin 2006, qui avait relaxé le président d'EMI et l'un des membres du groupe de rap "La Rumeur" du chef de diffamation à l'encontre d'une administration.

Les faits étaient les suivants.

La société Electronic & Musical Industry Musique France (EMI) a édité en 2002 l'album d'un group de rap appelé "La Rumeur", album dont le titre est "L'Ombre sur la mesure". Cet album était distribué avec un livret intitulé "La Rumeur Magazine" où figurait un article intitulé "Insécurité sous la plume d'un barbare".

Dans cet article, écrit par le chanteur du groupe, Mohamed Bourokba, dit "Hamé", on pouvait lire entre autres les passages suivants (l'intégralité de l'article peut être lu ici) :

Les rapports du ministre de l'intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu'aucun des assassins n'ait été inquiété ;

(...)

La justice pour les jeunes assassinés par la police disparaît sous le colosse slogan médiatique Touche pas à mon pote ;

(...)

La réalité est que vivre aujourd'hui dans nos quartiers c'est avoir plus de chance de vivre des situations d'abandon économique, de fragilisation psychologique, de discrimination à l'embauche, de précarité du logement, d'humiliations policières régulières ;(...)

Le ministre de l'intérieur de l'époque, que des mauvaises langues accusaient d'aspirer à de plus hautes fonctions, avait porté plainte pour diffamation publique envers une administration publique, en l'espèce la police nationale.

La 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris avait relaxé les prévenus, confirmée en cela par la 11e chambre de la cour d'appel de Paris, qui a estimé que le premier et le deuxième passages ne mettent pas en cause la police nationale, mais l'ensemble des acteurs politiques et sociaux des vingt ou trente dernières années, et que les propos litigieux ne peuvent caractériser le délit de diffamation en raison de leur imprécision et de leur caractère outrancier.

La cour de cassation reprend sèchement la cour d'appel de Paris, en objectant que constitue une diffamation envers une administration publique ne pouvant être justifiée par le caractère outrancier du propos, l'imputation faite aux forces de police de la commission, en toute impunité, de centaines de meurtres de jeunes des banlieues. Donc, estime la cour de cassation, la cour d'appel de Paris a méconnu le sens et la portée de la loi du 29 juillet 1881 réprimant la diffamation en son article 29. L'arrêt est donc cassé, c'est à dire annulé, et l'affaire sera jugée à nouveau par la cour d'appel de Versailles.

Philippe Bilger approuve, lui qui a été longtemps procureur à la 17e chambre du tribunal de Paris, en précisant que cet arrêt de la cour de cassation est « d'une insigne et triste banalité », et s'agaçant des réactions outrancières que cette décision aurait selon lui causé. On peut supposer qu'il pense entre autre à ce commentaire collectif du goupe sur son site : « Dans un pays, aujourd'hui, toujours tenté par un retour à une censure d'état digne des pages les plus honteuses de son histoire, on vous laisse imaginer le pire. »

Bon, que dit cet arrêt, au juste ?

Philippe Bilger a raison de souligner qu'il est très banal. La chambre criminelle de la cour de cassation s'est d'ailleurs abstenue de mentionner cet arrêt sur son site parmi les décisions dignes d'intérêt (elle a rendu le même jour un très bel arrêt en matière des droits de la défense que tout avocat pénaliste lira avec intérêt) et cet arrêt ne sera pas publié non plus dans les diverses publications de la cour.

En effet, la diffamation publique implique de tenir publiquement des propos imputant à une personne identifiée ou identifiable, ou une administration publique identifiable, des faits de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération. Contrairement à l'injure, qui consiste en des propos outrageants ne contenant l'imputation d'aucun fait, la diffamation suppose des faits précis pouvant faire l'objet d'un débat quant à leur réalité ou non. En effet, dans certains cas et à certaines conditions (pour les connaître, relisez vos classiques), apporter la preuve de la réalité du propos diffamatoire permet d'échapper à la sanction.

La différence est parfois subtile, car un propos à première vue diffamatoire peut, par son caractère outrancier, exclure tout débat contradictoire et dégénérer en injure[1]. Or les règles de procédure protègent celui qui est poursuivi pour diffamation alors qu'il a injurié ou vice versa : il sera relaxé.

La cour d'appel de Paris a fondé sa relaxe sur deux arguments. D'une part, les propos ne viseraient pas une administration publique, mais « l'ensemble des acteurs politiques et sociaux des vingt ou trente dernières années », foule trop vaste et aux contours trop imprécis (vingt, ou trente dernières années ?) pour être un tout identifiable. D'autre part, les propos tenus par le chanteur seraient tellement outranciers et imprécis qu'en fait, il s'agissait d'une injure et que la qualification retenue était erronée.

Vous voyez, la cour d'appel n'a à aucun moment approuvé le texte litigieux. Elle s'est contentée de dire que ce texte injuriait un peu tout le monde, ce qui n'est pas une diffamation de la police.

Une telle analyse, certes très favorable à la liberté d'expression ne résistait pas à l'examen. Les trois passages cités au début mentionnent expressément la police, ce qui exclut l'argument de la victime non identifiable.

Le premier parle de centaines de jeunes de banlieue assassinés (ce qui implique la préméditation), le deuxième reprend l'allusion, ce qui est un crime donc par essence susceptible de débat contradictoire, tandis que le troisième parlant d'humiliations régulières, implique que la police se livre habituellement à des abus de pouvoir sur des bases discriminatoires, ce qui est un délit. Ils n'ont rien d'outrancier dans leur formulation (comme l'est le célèbre "CRS=SS !"). D'ailleurs, lors du procès devant la 17e chambre du tribunal, le chanteur a lu à la barre une liste de noms de jeunes morts des suites de violences policières. Elle faisait une vingtaine de noms, soit 180 de moins que le minimum nécessaire pour parler de "centaines", mais cela implique bien que l'auteur assume l'accusation, et ne visait donc pas à injurier mais bien à imputer des assassinats à la police nationale, ce qui caractérise la diffamation.

La cour de cassation n'était pas ici confrontée à un problème de droit très compliqué. Les propos litigieux sont diffamatoires, et non injurieux, et ils sont précis. La cour d'appel ne pouvait pas relaxer sur ces fondements. Sa décision ne pouvait qu'être cassée.

La personnalité du ministre de l'intérieur a conduit ses adversaires politiques à contester cette décision pour des motifs politiques. C'est ainsi que le débat est vicié d'entrée. Les conseillers à la cour de cassation ne sont pas aux ordres d'un ministre fut-il devenu président de la République, et leur décision est juridiquement parfaitement fondée, tout étudiant ayant fait du droit de la presse aurait pu prévoir le sens de cette décision.

La seule décision politique a été de déposer plainte au début. Elle est l'exercice d'un choix entre la tolérance et la liberté d'expression et le respect et l'honnêteté dues à la police. On peut critiquer le choix qui a été fait, même si personne n'accusera le ministre de l'époque d'incohérence avec ses idées à cette occasion. On peut pousser un peu dans la mauvaise foi en rappelant ses propos tenus lors de l'affaire des caricatures du prophète ("je préfère l'excès de liberté d'expression à l'excès de censure") en considérant que condamner une diffamation est nécessairement un excès.

Mais juridiquement, cette décision est irréprochable. Les juges ne peuvent apprécier l'opportunité de l'action dont ils sont saisis. Ils doivent trancher en droit, c'est ce qu'ils ont fait.

Notes

[1] Exemple : Papa, prête moi ta voiture. - Non, mon fils, tu n'as pas le permis. - Pfff, t'es vraiment un nazi.

mardi 7 août 2007

La loi sur le service minimum : le législateur a fait le service minimum

La loi sur le service minimum dans les transports a été adoptée par le parlement, et est actuellement pendante devant le Conseil constitutionnel. On est très loin de la déclaration de guerre aux organisations syndicales ou de la protection des usagers se sentant pris en otage.

La lecture de la Petite Loi, surnom donné aux textes adoptés mais non encore promulgués, donne en effet un sentiment de "tout ça pour ça ?"

Que dit exactement cette loi, en l'état, c'est à dire avant son examen par le Conseil constitutionnel ?

Cette loi s'appliquera uniquement aux services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

Le terme service public n'exclut pas les entreprises privées, mais impose que le service soit rendu à la demande d'une entité publique qui participe à son financement (ramassage scolaire dans les campagnes par exemple).

Terrestre exclut le transport maritime (ferry), fluvial et aérien.

Régulier exclut les opérations ponctuelles de location d'un autocar pour une sortie collective. Il s'agit d'une ligne desservie périodiquement, à des horaires préfixés, sans réservation préalable.

De personnes exclut le fret et les transports de type camion.

A vocation non touristique exclut les transports qui ressemblent à des transports en commun sans en être : pensons au Ballabus de la RATP ou aux bus à impériales rouges ou verts qui sillonnent désormais la capitale.

Bref, cette loi ne concerne que les lignes de bus, tramway, métro, trains de banlieue et TER qui servent pour de courts trajets entre le domicile et le lieu de travail, pas les TGV et les grandes lignes qui n'ont pas un rôle de service public.

La loi impose tout d'abord une obligation de négociation au sein des entreprises concernées par le domaine de la loi, de conclure un accord tendant à prévenir les conflits et à favoriser le dialogue social, en prévoyant qu'un préavis de grève ne peut être déposé qu'après que des négociations ont été engagées. Sachant que la loi (article L.521-3 du code du travail) prévoit que tout préavis de grève doit être déposé cinq jours francs avant le début de celle-ci et que dans ce laps de temps, les parties sont tenues de négocier, vous voyez l'efficacité de la négociation préalable pour prévenir une grève.

La loi impose non seulement la négociation, mais fixe son résultat. L'accord doit prévoir que des organisations syndicales doivent notifier leur intention de déposer un préavis (un préavis de préavis, en somme...), que l'employeur doit dans les trois jours engager des négociations qui ne pourront pas excéder huit jours, que l'employeur est tenu de donner certaines informations aux organisations pour la tenue de la négociation (par exemple, les comptes de l'entreprise pour une négociation sur les salaires), et que les salariés sont tenus informés du déroulement des négociations : demandes des syndicats, position de l'employeur, et "relevé de conclusions", le document qui résume des négociations n'ayant pas débouché sur un accord.

Ces accords doivent être conclus avant le 1er janvier 2008. Aucune sanction n'est prévue si ce délai n'est pas tenu, mais la menace sous entendue est qu'à défaut d'accord, le parlement se réserve le droit de légiférer sur ces points unilatéralement.

Outre ces accords, la loi pose des règles applicables lorsque le service est perturbé pour des raisons de grèves, de travaux, d'aléas climatiques ou toute raison protée à la connaissance de l'entreprise, ces trois dernières causes n'entraînant l'application des règles de service minimum qu'après écoulement de trente six heures, du fait de leur caractère difficilement prévisible, ce que n'est pas une grève, avec l'obligation de préavis.

Les entreprises doivent élaborer un plan de transport qui, en fonction de la gravité de la perturbation du service, prévoit des dessertes prioritaires, des plages horaires par destination, et l'information du public de ces conditions de circulation. Le but est d'éviter qu'une ligne soit paralysée tandis qu'une autre n'est que modérément perturbée.

Les modalités de ce plan doivent également faire l'objet d'une négociation avant le 1er janvier 2008.

En cas de grève, la loi prévoit deux mesures qui sont les deux seules mesures vraiment nouvelles de cette loi.

D'une part, les salariés doivent indiquer quarante huit heures à l'avance qu'ils ont l'intention de faire grève. Officiellement, pour permettre une organisation optimale du service. Officieusement pour éviter les pressions subies par les salariés au moment de l'embauche. La loi précise que la liste des grévistes est couverte par le secret professionnel, et qu'elle ne vise qu'à l'organisation du service ; la communication de cette liste à d'autres fins est pénalement sanctionnée.

D'autre part, si la grève dure huit jours, l'employeur, une organisation syndicale représentative ou un éventuel médiateur peuvent demander une consultation à bulletin secret sur la poursuite de la grève. Cette consultation n'est qu'indicative et n'interdit pas la poursuite de la grève même si une majorité se prononce contre, pour des raisons que je vais développer plus bas.

Enfin, la loi prévoit quelques mesures au bénéfice des usagers : ils doivent être informés des perturbations 24 heures à l'avance, ce qui est facilité par l'obligation des salariés de se déclarer gréviste 48 heures à l'avance, puisque les perturbations sont censées être parfaitement prévisibles ; si cette information n'est pas donnée ou si le service minimum n'est pas assuré (la loi parle de "plan de transport adapté", toujours cet art de la périphrase...), l'usager a droit au remboursement de son transport, au prorata temporis.

C'est tout.

Pour bien comprendre dans quel cadre s'inscrit cette loi, quelques mots sur le droit de grève en général.

Le droit de grève ne s'applique que dans un cadre professionnel. La grève de la faim, ou la grève des étudiants sont des abus de langage, étudier n'étant pas une profession mais l'exercice d'une faculté (pas d'un droit, d'une faculté). La grève suppose la cessation concertée du travail dans le cadre de revendications négociables, c'est à dire qu'il doit être dans le pouvoir de l'employeur (au sens large, cela inclut l'Etat pour la fonction publique) d'accorder. Par exemple, une augmentation des salaires, ou l'annulation d'une sanction sont des objectifs négociables. La "défense du service public" est trop vague pour être un tel objectif.

Si ce droit est garanti par la Constitution, ce que les syndicats de salariés n'oublient jamais de souligner, il s'agit d'un droit limité : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » nous dit le paragraphe 7 du préambule de la Constitution de 1946, préambule qui est en resté vigueur. Invoquer la protection constitutionnelle du droit de grève pour refuser toute loi limitant le droit de grève est donc un sophisme. Il est des professions qui n'ont pas le droit de faire grève à cause d'impératifs de service public : l'armée, la police, les juges, mais pas les greffiers, ce qui est un tort car un tribunal sans greffier est aussi inutile qu'un congrès des Verts. La Constitution interdit de porter au droit de grève une atteinte démesurée par rapport au but poursuivi. Interdire le droit de grève dans les transports serait sans nul doute regardé comme anticonstitutionnel. Mais il est des impératifs de valeur constitutionnelle qui justifient qu'on limite ce droit pour essayer d'éviter une paralysie complète.

C'est précisément pourquoi la loi rappelle dans son article 1er que :

Ces services sont essentiels à la population car ils permettent la mise en œuvre des principes constitutionnels suivants :
– la liberté d’aller et venir ;
– la liberté d’accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d’enseignement ;
– la liberté du travail ;
– la liberté du commerce et de l’industrie.

C'est là typiquement le genre de phrases que le Conseil aime à sabrer car elles ne légifèrent pas, elles ne posent aucune règle, elles constatent ce qui est. Ce genre de phrase a sa place dans l'exposé des motifs, pas dans la loi elle même. Mais en fait, le législateur s'adresse aux syndicats.

Hormis cette portion de phrase un peu inutile, je ne vois pas ce qui pourrait provoquer l'ire des neuf dix onze sages de la rue de Montpensier.

Le droit de grève est également un droit individuel, même s'il est d'exercice collectif. Le droit de grève n'a de sens que s'il implique le droit de ne pas faire grève. Les pressions exercées sur les salariés, les piquets de grève, sont des violations du droit de grève, qui relève d'une décision prise par le salarié en son âme et conscience. C'est pour cela que la consultation à bulletin secret au bout de huit jours n'a que valeur consultative. Pas plus qu'une majorité ne peut imposer à la totalité de faire grève, une majorité ne peut lui imposer de ne pas faire grève. Ce scrutin sert simplement à compter ses troupes autrement que par des rassemblements pompeusement appelés assemblées générales visant à donner aux médias une image d'unanimité à coups de mains levées, ces mêmes médias étant moins les bienvenues quand l'unanimité disparaît.

Enfin, jetons une pierre dans le jardin du gouvernement : on est loin du "service minimum", slogan de campagne, car rien dans cette loi n'empêche l'intégralité du personnel de se déclarer gréviste ; auquel cas aucune réquisition n'est prévue, et les transports publics seront bel et bien paralysés.

Cette loi vise simplement à rendre cette hypothèse moins probable, et à faire en sorte que chaque entreprise de transport ait un plan adaptant le service en cas de perturbation pour quelque cause que ce soit. La loi aurait pu aller plus loin dans la limitation du droit de grève, pousser jusqu'aux limites de la Constitution. Le législateur n'en a rien fait. Libre à lui, je n'ai rien moi même contre la modération. Mais ne croyez pas plus les cris d'atteinte à un droit sacré venant de votre gauche qu'aux positions de matamores adeptes de la rupture prises sur votre droite.

lundi 6 août 2007

Les Espagnols savent faire de la pub

Enfin, je peux déballer mes cartons. De mon (trop) bref séjour Plus Ultra, je vous ai ramené deux souvenirs, deux publicités espagnoles que j'ai trouvées excellentes.

La première est la publicité annonçant le tirage exceptionnel du 15 août de la loterie de la ONCE, l'Organisation Nationale des Aveugles Espagnols, organisation caritative fondée en 1938, au lendemain de la guerre civile. Elle tire ses fonds de l'organisation d'une loterie dont les vendeurs sont aveugles ou mal voyants, qui gagnent ainsi un salaire et bénéficient d'une couverture maladie et d'une retraite. Certains vendent assis sur une chaise dans la rue, mais de plus en plus des kiosques verts leur servent de bureau de vente. Aujourd'hui, la ONCE fournit du travail à plus de 40.000 aveugles et handicapés de la vue. Cette loterie s'appelle el Cupón ; et chaque été, un gros lot est mis en jeu. Depuis plusieurs années, la ONCE a pris le parti de faire des publicités humoristiques pour rajeunir son image. Et celle de cette année est dans cette lignée.

Le thème est simple. Cette année, le gros lot est de 20 millions d'euros. C'est le plus gros Extra de verano (Extra de l'été) qu'il y ait jamais eu. Comme les anglicismes sont à la mode aussi de l'autre coté des Pyrénées, les publicitaires ont choisi de s'en moquer. Ils annoncent le prix le plus heavy (prononcé rébi) ; or heavy en espagnol, c'est le hard rock. Et voilà le thème du spot : les hard-rockeurs à la plage. Si vous avez des amis qui étaient fans de hard rock dans les années 80-90, ils vont adorer. Regardez plusieurs fois le spot, il y a plein de détails (notamment le feu pour piéton...). Musique : Europe, The Final Countdown.

Deuxième publicité, encore plus créative : la Renault Mégane. La réglementation européenne interdit désormais de faire de la publicité pour les voitures en vantant leur vitesse, ou leur puissance. Ca limite les possibilités. La sécurité, ça ne marche pas trop, car on n'a pas envie de rappeler au client qu'il risque de mourir au volant de la voiture qu'on veut lui rendre. La ruse digne de Tartuffe est désormais de parler du plaisir de conduire, de dire qu'en fait, plus la route est mauvaise, plus on s'amuse. En France, Peugeot nous a infligé son lamentable et irritant GPS qui donne une mauvaise route pour Genève. Voilà ce que Renault Espagne a trouvé. Les sous titres sont en Anglais. Musique de Giorgio Moroder, tirée de la chanson "Never Ending Story", 1984, paroles de Keith Forsey, interprétée par Limahl.

Le slogan étant : choisissez le chemin difficile.

Le succès de cette publicité est énorme. Il est difficile de se retenir à la fin de ne pas reprendre "y una marato-o-on...''.

Voilà la réponse idéale : la réglementation est absurde, faisons des pubs absurdes, avec des fées, des super-héros, et des scènes inspirées par le surréalisme espagnol (l'éléphant qui repousse la route, les rochers qui se reproduisent...). Brillant. Absolument brillant.

Ajout : Pour illustrer ce que je dis, voici ce qui se passe quand cette publicité passe dans un festival de films publicitaire. C'est un fantasme de créatif.

Fin des travaux

Nouveau blog en ligne, et qui fonctionne à 99%. Il reste quelques bugs, des ampoules grillées et des prises électriques qui pendent hors des plinthes, mais sinon tout est opérationnel. Je sais, on ne voit aucune différence : c'est ce qui prouve que ça a été bien fait.

Bravo et merci à Typhon, mon nouvel hébergeur, dont l'assistance technique a été indispensable au cours de ce processus. Grâce à eux, toutes les anciennes adresses fonctionnent encore (ainsi que les fils RSS, mais je vous conseille de les mettre à jour quand même) et renvoient à la nouvelle page ici, et les index.php ont disparu des adresses.

Le formulaire de contact ne fonctionne pas pour le moment, on y travaille.

La blogroll va être refaite et les liens mis à jour dans la journée.

Enfin, je m'interroge sur l'utilité de rouvrir les trackbacks. Ce sont des appeaux à spam, et mon dernier vrai trackback remonte à plusieurs mois. Il est vrai que j'ai dû mettre une sécurité (l'URL qui s'affiche n'est valable que 5 minutes) qui semble avoir découragé les quelques volontés. C'est trop web 1.0 ? Les trackbacks sont-ils morts ?

N'hésitez pas à me signaler les problèmes que vous pourriez rencontrer.

Mise à jour 09h39 : Les commentaires ne fonctionnent pas. Je les referme le temps de régler le problème pour éviter que vous ne tapiez des textes pour rien.

Mise à jour 10h42 : Commentaires rouverts, le formulaire de contact fonctionne. La chasse aux bugs est ouverte.

Mise à jour 12h11 : Blogroll (Sélection de blogs que j'apprécie) refondue, elle est dans la colonne de droite. Tout semble fonctionner à 100% désormais. J'ai enlevé ma protection sur les trackbacks, on va voir si je suis enseveli.

vendredi 3 août 2007

Affaire Petite Anglaise : The End

Petite Anglaise annonce sur son blog que son ancien employeur renonce à faire appel et s'est acquitté des sommes auxquelles il a été condamné. Un tel paiement spontané s'analyse en acquiescement (article 410 du nouveau code de procédure civile) et rendrait irrecevable un éventuel appel.

L'affaire est désormais définitivement close.

A mon avis, Dixon Wilson a raison d'agir ainsi. Cette affaire risque fort de lui coûter cher en termes d'image (faites une recherche Google sur Dixon Wilson et vous comprendrez ce que je veux dire), alors qu'il s'agit d'un licenciement qui reposait sur un emballement de l'employeur et la susceptibilité froissée d'un associé et non sur une faute de la salariée. Faute d'avoir transigé dès le début, il aura fallu un rappel à l'ordre sérieux du Conseil de prud'hommes pour que la raison reprenne le pas sur la passion.

La page peut désormais être tournée, et chacun reprendre sa route de son côté, Petite Anglaise en entamant une carrière d'écrivain que je souhaite couronnée de succès, et Dixon Wilson montrant qu'il sait reconnaître qu'il s'est trompé et en assumer les conséquences, ce qui sied bien mieux à une respectable firme de comptables de Sa Très Gracieuse Majesté qu'un comportement suicidairement chicaneur.

Sur cette affaire :

Le résumé.

La lettre de licenciement.

Les impressions d'audience de Petite Anglaise.

Le jugement.

Début des travaux

Les déménageurs sont arrivés et sont en train d'emporter les cartons dans lesquels vos commentaires ont été empaquetés un par un dans de la soie.

Ils est possible qu'il se produise quelques hoquets en cours de journée, avant le coma de 19 heures. Soyez patients.

Je file, je dois les accompagner pour leur ouvrir les grilles du châteu, et mon Hummer est garé en double file à côté d'une place pour handicapés.

jeudi 2 août 2007

Vrac de retour de vacances

De retour après un voyage mouvementé aussi bien à l'aller qu'au retour. Ca sent le procès pour une compagnie aérienne.

Le temps de poser sur mon bureau une tasse de thé fumante, et je vais attaquer la pile de courrier qui m'attend.

Permettez moi donc un simple petit billet en vrac, un peu comme une valise que l'on défait et où rien n'est plus vraiment à sa place.

Tout d'abord, quitte à faire dans le happy few : un merci à Isabelle Goanvic et à son équipe en charge de la rédaction de l'indispensable bulletin d'information de la cour de cassation, pour la nouvelle forme de cette lettre. Les derniers numéros n'étaient disponibles qu'en format PDF, certes dans une présentation très élégante mais d'une consultation en ligne rébarbative. Le numéro 666 (Woe to you, Oh Earth and Sea, for the Devil sends the beast with wrath, because he knows the time is short...) est désormais disponible au format html, ce qui le rend de consultation bien plus aisée. Bravo, et merci.

Ensuite, quelques réponses à des questions posées en commentaires.

Mon ami Frédéric, que je croyais mort depuis 1850, et qui voit si bien ce qu'on ne voit pas, me demande ce qu'est l'escroquerie au Call-Back (Décidément, ce billet est rempli d'angliscismes, blâmez Harry Potter).

Le mécanisme lui même est décrit dans cet article de 20 minutes.

L'escroquerie suppose deux choses : une manoeuvre frauduleuse d'une part, qui entraîne la remise d'une chose par la victime, généralement une somme d'argent. Il s'agit d'une erreur qui a été provoquée, déterminée, par la manoeuvre. Il faut pour cela que la manoeuvre ait été élaborée de telle façon qu'elle puisse induire en erreur. Un simple mensonge est insuffisant : il faut à tout le moins une mise en scène, ou la fabrication d'éléments donnant crédit au mensonge. Le code pénal donne une liste non exhaustive de comportement suffisants à constituer cette manoeuvre frauduleuse : l'usage d'une fausse qualité (se faire passer pour un ingénieur ou un médecin), d'un faux nom, l'abus d'une qualité vraie (un avocat faisant état de sa profession pour donner crédit à une entreprise douteuse), etc. Liste complète à l'article 313-1 du code pénal.

La remise d'une somme d'argent est déterminée par cet appel, cela ne pose pas de problème. Reste la question : s'agit-il d'une manoeuvre frauduleuse ?

Ici, elle consisterait en un appel sur le téléphone portable de la dupe qui affiche comme numéro d'appelant un numéro surtaxé. L'appel est programmé pour ne sonner qu'une fois, empêchant matériellement la dupe de répondre. Celle ci rappelle alors le numéro indiqué pour savoir de quoi il retourne (beaucoup de banques notamment utilisent des numéros en 08...) et se voit débitée de 83 centimes dont 40 sont reversés aux auteurs de la manigance. Là est la formidable astuce de l'escroquerie : le préjudice est minime pour la dupe, qui ne va pas porter plainte pour si peu. L'informatique permettant de réaliser aisément des millions d'appels gratuits car le correspondant ne décroche pas (sauf hypothèse de téléphone éteint basculant sur la boite vocale), c'est un préjudice de 600.000 euros qui a été ainsi réalisé, ce qui permet d'estimer le butin à 290.000 euros, le grand gagnant dans cette affaire restant l'opérateur historique qui a encaissé 310.000 euros sans avoir à les rembourser car il ne fait que porter les appels et n'est pas responsable de l'usage qui en est fait. Je pense que le parquet estime que tant le volume des appels (qui se compteraient en millions selon l'article, bien que les chiffres du préjudice laissent à supposer que seules 720.000 appels auraient été effectivement retournés), que l'astuce visant à ne faire sonner le téléphone qu'une seule fois, montre une élaboration suffisante visant à tromper les dupes caractérisant la manoeuvre frauduleuse. Ca me paraît tenir la route, mais je me réserve le droit d'affirmer le contraire devant un tribunal.

HP (Hewlett Packard ? Hopital Psychiatrique ? Je ne vois pas à quoi d'autre cela pourrait faire allusion...) me demande si l'émission de TF1 "L'île de la tentation" ne relève pas de la prostitution, et que ce type d'émission devrait être interdit, ou si l'histoire narrée est montée de toute pièce, diffusée comme une fiction et non sous le vocable trompeur de "télé-réalité".

Tout d'abord, permettez-moi de vous recommander la lecture de Harry Potter pour agrémenter vos soirées, vous me semblez en avoir besoin.

Ensuite, la prostitution n'est pas illégale en soi. Seuls sont prohibés le racolage[1] et le proxénétisme[2], et par extension, la traite des êtres humains[3] Je suis d'accord sur le fait que faire du racolage un délit quand la prostitution n'est pas en soi illégale est une parfaite hypocrisie, et lors des rares affaires de racolage correctionnel que j'aie vues juger, si la prévenue n'inspirait pas autant la compassion, il y aurait eu de quoi rire en voyant les tours d'acrobatie juridique imposés aux procureurs chargés d'apporter la preuve au tribunal qu'une attitude passive s'interprète sans nul doute comme une incitation à avoir des relations sexuelles en échanges d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération. Il est des passivités qui disent beaucoup.

L'attitude, même très active, des séducteurs et séductrices recrutées par le producteur n'incitent pas à avoir des relations sexuelles en l'échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération de la part des participants à l'émission. Il n'y a pas racolage. Il pourrait y avoir proxénétisme si la production prévoyait une rémunération spécifique en cas de rapport sexuel, mais rien ne laisse à penser que tel soit le cas. Faute de rémunération d'un rapport sexuel, en supposant qu'il y en ait bel et bien, ce qui me paraît douteux quand on sait que le room service apportant le petit déjeuner sera composé d'un cadreur et d'un preneur de son, il n'y a pas prostitution, donc pas proxénétisme.

Enfin, last but not least, pour continuer jusqu'au bout les anglicismes, une nouvelle importante.

Ce blog va déménager ce week end. Après deux ans et demi chez Free, il est temps que je vole de mes propres ailes et passe à un hébergement professionnel dédié, assurant un service plus stable et de meilleure qualité que les pages personnelles de Free, que je remercie et félicite au passage pour avoir fait face à l'impressionnante montée en puissance de ce blog (qui consomme désormais près de 100 Go de bande passante chaque mois, spam compris...).

Les conséquences seront les suivantes :

Vendredi soir, vers 19 heures : fermeture définitive des commentaires ici.

Durant le week end : pendant la migration, ce blog ne répondra plus. Si les dieux de l'Olympe sont avec nous, ça durera un quart d'heure. Mais les dieux de l'Olympe ne sont JAMAIS avec nous.

Une fois le déménagement effectué, l'adresse maitre.eolas.free.fr ne sera plus mise à jour.

L'adresse de ce blog sera définitivement : http://maitre-eolas.fr. Mettez vos liens à jour dès à présent, cette adresse renvoie pour le moment ici.

Les commentaires seront transférés à la nouvelle adresse et ne seront pas perdus. Dès lundi, tout devrait fonctionner sans difficulté et les commentaires seront réouverts dans mon nouveau chez moi.

Sinon, c'est procès. (Message à mon contact chez mon nouvel hébergeur : je plaisante, je plaisante, rendez moi mes bases SQL).

Allez, hop, au courrier.

Notes

[1] Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération : art. 225-10-1 du code pénal.

[2] Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit : 1º D'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui ; 2º De tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la prostitution ; 3º D'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ou continue à le faire : art. 225-1 du code pénal.

[3] le fait, en échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir, pour la mettre à la disposition d'un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit : article 225-4-1 du code pénal.

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