Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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vendredi 29 février 2008

vendredi 29 février 2008

Pan sur les doigts

Deux décisions disciplinaires, une d'ouverture de poursuites, une de sanction, ont attiré mon attention dans les numéros récents (voire plus que récents) du Bulletin hebdomadaire qui est distribué aux avocats.

Voilà une excellente occasion de rappeler à mes lecteurs que ma profession, si elle encourage la liberté de ses membres, ne manque pas d'en sanctionner les abus.

La première décision est une décision d'ouverture de poursuites, publiée dans le numéro 5 du 5 février 2008 :

Prise de contact et pressions à l’égard d’un tiers à l’occasion d’une émission de télévision hors la présence de son conseil et sans lui avoir indiqué qu’il pouvait être assistée d’un avocat. Manquement aux principes essentiels définis à l’article 1.3 du Règlement Intérieur du Barreau de Paris[1], d’humanité, honneur, délicatesse et modération ainsi qu’aux articles 5[2], 8.1[3], 8.2[4] et 8.3[5] relatifs aux rapports avec la partie adverse (3 avocats poursuivis).

Sans aucun doute, mes lecteurs auront compris de quelle émission il s'agit.

La deuxième concerne semble-t-il une affaire dont je n'ai pas parlé , et figure dans le Bulletin n°9 du 4 mars 2008 (d'où mon "plus que récent") :

La formation de jugement n°3 a eu à connaître de faits concernant un confrère qui, avocat d’une société étrangère propriétaire de droits d’auteur sur un jeu vidéo, a signé une série de lettres mécaniquement adressées à de multiples particuliers soupçonnés d’avoir téléchargé illégalement ce jeu sur internet. Dans sa mise en demeure, l’avocat laissait à ses interlocuteurs un délai de 14 jours pour lui adresser un engagement écrit de ne pas télécharger ni mettre à disposition le jeu concerné et pour en effacer ou supprimer toute copie. Au surplus, l’avocat sollicitait le paiement d’une somme de 400 euros en compensation des pertes de sa cliente, la dite somme devant être versée sur un compte bancaire ouvert à son nom, et joignait un formulaire de paiement.

Le conseil a estimé qu’en recopiant des modèles de mises en demeure étrangers, l’avocat avait volontairement omis d’inviter certains destinataires à consulter un conseil ce qui constitue une violation de l’article P 8.01 du Règlement Intérieur du Barreau de Paris[6]. Choisissant de reproduire une formulation agressive, destinée à provoquer des paiements, l’intéressé a également violé les dispositions de l’article 8.2 du Règlement Intérieur National qui précise que l’avocat s’interdit toute présentation déloyale de la situation et toute menace. En proposant un encaissement des règlements sur un compte autre que la Caisse des Règlements Pécuniaires des Avocats (CARPA), l’avocat a également violé les dispositions de l’article P75.2[7] du Règlement Intérieur du Barreau de Paris. Enfin, en refusant de rendre compte à la formation de jugement des encaissements ainsi réalisés, alors qu’elle l’avait été interrogé à deux reprises sur ce point, il s’est soustrait à ses obligations déontologiques. 

Décision : interdiction temporaire d’exercice de la profession d’avocat pendant une durée de 6 mois assortie de sursis. Privation du droit de faire partie du conseil de l’Ordre, du Conseil National des Barreaux et des autres organismes professionnels pendant une durée de 10 ans.

La contrefaçon de logiciel, c'est mal, me dit sans cesse Guillermito. Mais cela ne permet pas d'user de n'importe quels moyens pour lutter contre elle. Il en va de même pour la noble cause de la lutte contre les voisins bruyants et les plombiers indélicats.

Il n'était pas inutile que l'ordre le rappelât.

Notes

[1] Les principes essentiels de la profession guident le comportement de l’avocat en toutes circonstances.
L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment.
Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie.
Il fait preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence.

[2] L’avocat se conforme aux exigences du procès équitable. Il se comporte loyalement à l’égard de la partie adverse. Il respecte les droits de la défense et le principe du contradictoire.
La communication mutuelle et complète des moyens de fait, des éléments de preuve et des moyens de droit se fait spontanément, en temps utile et par les moyens prévus par les règles de procédure. Un avocat correspond avec un confrère par voie électronique à l'adresse figurant sur les documents professionnels de son correspondant.

[3] Chacun a le droit d’être conseillé et défendu par un avocat.

[4] Si un différend est susceptible de recevoir une solution amiable, avant toute procédure ou lorsqu’une action est déjà pendante devant une juridiction, l’avocat ne peut prendre contact ou recevoir la partie adverse qu’avec l’assentiment de son client. A cette occasion, il rappelle à la partie adverse la faculté de consulter un avocat et l’invite à lui en faire connaître le nom. Il s’interdit à son égard toute présentation déloyale de la situation et toute menace. Il peut néanmoins mentionner l’éventualité d’une procédure.
L’avocat, mandataire de son client, peut adresser toute injonction ou mise en demeure à l’adversaire de ce dernier.
La prise de contact avec la partie adverse ne peut avoir lieu qu’en adressant à cette partie une lettre, qui peut être transmise par voie électronique, en s’assurant préalablement de l’adresse électronique de son destinataire, rappelant la faculté pour le destinataire de consulter un avocat et l’invitant à lui faire connaître le nom de son conseil”.
Ces règles s’appliquent également à l’occasion de toute relation téléphonique, dont l’avocat ne peut prendre l’initiative.

[5] Lorsqu’une procédure est envisagée ou en cours, l’avocat ne peut recevoir la partie adverse qu’après avoir avisé celle-ci de l’intérêt d’être conseillée par un avocat.
Si la partie adverse a fait connaître son intention de faire appel à un avocat, celui-ci devra être invité à participer à tout entretien.
Dans le cadre d’une procédure où aucun avocat ne s’est constitué pour la partie adverse, ou d’un litige à propos duquel aucun avocat ne s’est manifesté, l’avocat peut, en tant que mandataire de son client, adresser à la partie adverse toute injonction ou mise en demeure ou y répondre.
Lorsqu’un avocat est constitué pour la partie adverse, ou lors d’un litige à propos duquel l’avocat adverse s’est manifesté, l’avocat doit correspondre uniquement avec son confrère.
Néanmoins, dans le cas où elles sont prévues par des procédures spécifiques, l’avocat peut adresser des lettres valant acte de procédure à la partie adverse, à la condition d’en rendre destinataire simultanément l’avocat de celle-ci.

[6] L’avocat ne peut prendre contact avec la partie adverse qu’avec l’assentiment de son client. Cette prise de contact ne peut avoir lieu qu’en adressant à cette partie une lettre s’inspirant des modèles constituant l’annexe III du présent règlement.

[7] Les règlements pécuniaires ne peuvent être effectués que par l’intermédiaire de la CARPA.
L’avocat doit déposer sans délai à la CARPA les fonds, effets ou valeurs reçus par lui en vue de procéder à un règlement pécuniaire.
Les opérations effectuées par chaque avocat sont retracées au compte CARPA du bâtonnier, dans un sous compte individuel ouvert au nom de l’avocat ou au nom de la structure d’exercice à laquelle il appartient. Les règles applicables au fonctionnement du sous compte individuel sont établies par le règlement intérieur de la CARPA auquel l’avocat est tenu de se conformer.
(...)
Les honoraires ne peuvent être prélevés du sous compte CARPA qu’avec l’accord préalable et écrit du client.
L’avocat ne peut disposer des fonds revenant à un mineur que sous le contrôle du juge des tutelles et un compte spécial doit être ouvert à cet effet à la CARPA.

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