Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mercredi 12 novembre 2008

mercredi 12 novembre 2008

Christian Vanneste définitivement relaxé

Christian Vanneste, triomphant, s'exclame : “Prochaine étape : je dis Casse toi pov'con au MBA de Dati. Je suis chaud, là.”

Pour sa fête, la cour de cassation a fait un joli cadeau au député le moins gai de l'hémicycle : la chambre criminelle de la cour de cassation a cassé sans renvoi, c'est à dire annulé l'arrêt de la chambre des appels correctionnels de Douai le condamnant pour injure envers un groupe de personnes en raison de leur orientation sexuelle (que j'appellerai ci-dessous “injure homophobe” pour économiser de la bande passante).

Rappelons que le député était poursuivi pour avoir tenu les propos suivants le 26 janvier 2005 dans le journal la Voix du Nord , sous le titre « Indignation et mobilisation après les propos du député UMP sur l’homosexualité. Christian Vanneste persiste et signe.»

Est-ce que j’ai appelé à une quelconque violence? Mes propos ne sont pas discriminatoires car je ne m’en prends pas à une ethnie ou une race mais à un comportement. Je porte un jugement moral que j’ai parfaitement le droit d’émettre. L’homosexualité n’est pas une fatalité. L’homme est libre. C’est un comportement qu’il faut soit quifier, soit assumer. Si on l’assume, ça doit être dans la discrétion et non en s’affichant comme membres d’une communauté réclamant des droits particuliers et une reconnaissance particulière sur le plan social. J'accepte le cornportement, je refuse l’identité de groupe. C’est une ineptie de prétendre qu’il y a comportement de groupe. Je précise encore que je n’ai aucune agressivité à leur encontre. Simplement, je considère qu’ils ne forment ni un groupe ni une communauté. Ce sont des comportements individuels qui ne doivent pas jouir d’une reconnaissance à travers les termes intégrés de la loi. Je n’interdis rien, je ne demande aucune stigmatisation aucune punition. Simplement que ça reste un comportement individuel, le plus discret possible... Je n’ai pas dit que l’homosexualité était dangereuse, j’ai dit qu'elle était inférieure à l’hétérosexualité. Si on l'a poussait à l’universel, ce serait dangereux pour l’humanité. Il y a un modèle social qui est celui du mariage hétérosexuel et de l’éducation des enfants” … “S’ils étaient représentants d’un syndicat, je les recevrais volontiers. Mais là, ils ne représentent rien, aucun intérêt social. Pour moi, leur comportement est un comportement sectaire”.

Ajoutons ce passage, cité dans Nord-Éclair le 4 février 2005 :

“Je critique les comportements, je dis qu’ils sont inférieurs moralement..”.

À la suite de la publication de ces propos, le député qui aime les oncles mais pas les tantes avait été poursuivi par les associations Act'Up, SOS Homophobie et le Syndicat national des entreprises gaies (SNEG), célèbre pour sa lutte impitoyable contre les pompes funèbres.

Le tribunal correctionnel de Lille avait condamné le député le 26 janvier 2006, condamnation confirmée par la cour d'appel de Douai le 25 janvier 2007.

Le sang du député ne fit qu'un tour : « Accepter cette condamnation ? Il faudrait être fol !» a dit le député têtu qui aime s'exprimer en vieux français. Et quand il est dans la galère, le député pas gai aime à dire qu'on n'est pas jamais trop aidé. Il a donc invoqué l'auspice de la Convention européenne des droits de l'homme. Et bien lui en a pris. La cour de cassation, après avoir rapidement écarté le moyen tiré de l'immunité parlementaire, les propos n'ayant pas été tenus dans l'exercice des fonctions de député, et celui tiré de la violation de l'article 14 de la CSDH prohibant la discrimination[1], va examiner le dernier argument.

Il est fondé sur l'article 10 de la CSDH, protégeant la liberté d'expression. Et c'est là que le député va triompher.

Vu les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu qu’en matière de presse, il appartient à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur le sens et la portée des propos poursuivis; que les restrictions à la Liberté d’expression sont d'interprétation étroite;

Attendu que, pour dire la prévention établie, l’arrêt retient que Christian Vanneste a proféré des propos offensants et contraires à la dignité des personnes visées en ce qu’ils tendaient à souligner l’infériorité morale de l’homosexualité alors que les fondements Philosophiques de ce jugement de valeur ne s'inscrivaient pas dans un débat de pensée ;

Mais attendu qu’en statuant de la sorte, alors que, si les propos litigieux, qui avaient été tenus, dans la suite des débats et du vote de la loi du 30 décembre 2004[2] ont pu heurter la sensibilité de certaines personnes homosexuelles, leur contenu ne dépasse pas les limites de la liberté d’expression, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes et principe ci-dessus susvisés ;

D’où il suit que la cassation est encourue ; que, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L.411-3 du code de l’organisation judiciaire ;

Et la condamnation se dissout dans l'éther, oh, comme ils disent.

Malgré ma désapprobation des propos tenus par le député, j'approuve cette décision. Dire des âneries n'est pas forcément un délit en France.

Au-delà du peu d'intérêt que l'exégèse de ces propos suscite, cet arrêt, qui me dit-on dans l'oreillette, est le premier de la cour de cassation statuant sur le délit d'injure homophobe issu de la loi du 30 décembre 2004 pose une limite bienvenue à ce délit. Des propos critiques, même s'ils peuvent choquer les homosexuels, ne sont pas nécessairement injurieux pour cette raison.

Notez bien le visa de l'article 29 de la loi de 1881 : c'est la définition de l'injure. Une expression outrageante ne contenant l'imputation d'aucun fait. Outrageante, pas choquante, pas dérangeante.

Dire que l'homosexualité est moralement inférieure à l'hétérosexualité est une absurdité[3], et dans la bouche d'un diplômé de philosophie, une énormité[4]. La cour d'appel a eu raison de dire que les propos n'étaient pas tenus dans un débat de pensée, celle-ci avait déserté il y a longtemps. Mais ce n'est pas outrageant à l'égard des homosexuels ; à l'égard de l'intelligence, c'est une autre question.

Je ne pense pas qu'on puisse déduire de cette décision que le délit d'injure homophobe est en soi contraire à l'article 10 et de facto abrogé. Ce serait aller trop loin. La cour dit bien que les propos, s'ils pouvaient choquer, ne dépassent pas les limites de la liberté d’expression. A contrario, s'ils les dépassaient, ils tomberaient sous le coup de la loi. Que seraient des propos dépassant ces limites ? Le propos qui ne véhicule que l'expression de la haine et du mépris. Mais pas la sottise.

À l'heure où l'on poursuit des bâtonniers pour le contenu de leur plaidoirie, des quidams pour un simple carton offensant le chef de l'État, ce n'est pas plus mal qu'un vent de liberté souffle du quai de l'Horloge. Puisse cette considération alléger l'amertume des vaincus de ce jour.

Après tout, la morale est avec eux.

Notes

[1] Le député estimait que l'incrimination d'injure homophobe était… une discrimination à l'égard des hétérosexuels. Qui a dit que Christian Vanneste n'avait pas d'humour ?

[2] C'est cette loi qui a créé le délit d'injure et de diffamation homophobe, en même temps qu'elle créait une circonstance aggravante de certains délits, comme les violences volontaires, commis en raison de l'orientation sexuellle de la victime. Bien que dans la majorité, Christian Vanneste s'était vigoureusement opposé au vote de cette loi ; c'est dans les semaines qui ont suivi ce vote que le député avait tenu les propos qui lui étaient reprochés.

[3] L'orientation sexuelle n'étant pas un choix moral, et la fécondité potentielle d'une union n'étant pas un argument moral, mais biologique.

[4] La morale est en philosophie la science qui a pour objet les règles de la conduite et les fins de l'action humaine, la recherche de ce qui est bon.

Ça sent le sapin pour Wizzgo…

Après M6 et W9, ce sont les chaînes du groupe France Télévision qui viennent d'obtenir une très lourde condamnation de la société Wizzgo, qui exploite le logiciel iWizz, présenté comme « un magnétoscope numérique en ligne ».

Le 6 novembre dernier, le tribunal de grande instance de Paris a en effet fait interdiction à cette société de mettre à disposition les programmes des chaînes du groupe France Télévision (France 2, 3, 4 et 5, pas France Ô, qui n'était pas partie à l'instance) sous huit jours et d'utiliser les marques France 2, France 3, France 4 et France 5, et condamné cette société à produire les justificatifs de ses recettes publicitaires, le tout assorti d'une condamnation de 10.000 euros d'article 700 (Pour un simple référé-mesure urgente ? Champagne, les tarifs montent !)

Cette ordonnance se situe dans le droit fil de l'ordonnance du 6 août 2008 concernant les chaînes du groupe Métropole Télévision, mais est bien mieux rédigée.

La société Wizzgo, pour sa défense invoquait le droit à la copie privée et fait qu’elle se contenterait de mettre à disposition une plate-forme technologique générant une copie transitoire conforme aux prévisions des articles L. 122-5, 6° et L. 211-3, 5° du code de la propriété intellectuelle.

Le tribunal fait litière de ses arguments ; pour la copie privée, il estime d'une manière cette fois limpide que :

Il convient de rappeler que les exceptions sont d’interprétation stricte.

La copie doit être réservée à l’usage du copiste. Elle doit être faite par le copiste pour son propre usage.

Dès lors, l’exception de copie privée ne saurait être applicable à une société qui offre un service de copie à des tiers, le copiste et l’usager n’étant pas la même personne. Il est constant que la société WIZZGO effectue elle-même les copies, qu’elle capte directement pour ce faire le signal à copier et qu’elle les met à disposition des internautes.

C'est limpide, et difficilement contestable.

S'agissant de la copie transitoire :

En l’espèce, et contrairement à ce qu’elle prétend, la copie générée par WIZZGO n’est pas transitoire puisqu’elle est téléchargée et conservée par l’utilisateur, qu’il importe peu à ce sujet que cette copie soit cryptée puisqu’elle est décryptable par l’utilisateur et que la copie dans sa version cryptée et décryptée forme un tout. Par ailleurs, cette copie “n’a pas pour unique objet de permettre l’utilisation licite de l’oeuvre ou sa transmission entre tiers […]" puisque la copie réalisée est illicite dans la mesure où elle n’est pas couverte par l’exception de copie privée. En outre, la reproduction réalisée a “une valeur économique propre” puisque sa réalisation et sa mise à disposition constitue l’objet même du service de WIZZGO, service qui se présente comme gratuit mais est en fait rémunéré par la publicité.

La copie transitoire, c'est par exemple la mise en mémoire tampon d'une bande annonce que vous regardez licitement en ligne, par exemple sur le site officiel du film. Afin de vous assurer un visionnage fluide, votre ordinateur va réaliser une copie de la vidéo contenue sur le serveur du site du film dans votre mémoire vive, et sur une espace de votre disque dur (la mémoire tampon). Ce processus vous échappe complètement, il a lieu dès lors que vous avez demandé à visionner la vidéo et lui est nécessaire. C'est ça, une copie transitoire. Elle n'est pas destinée à être récupérée par l'utilisateur et n'est pas censée l'être, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne l'est pas. Plus pratiquement encore, une copie transitoire est réalisée quand vous utilisez un service de Video On Demand (VOD). Vous n'achetez pas une copie de l'œuvre (ça, c'est l'achat d'un DVD, qui est un plus cher que la VOD) mais un droit limité de représentation (généralement limité dans le temps). L'œuvre va être copiée à tout le moins partiellement soit sur un disque dur soit en mémoire vive, alors que vous n'avez pas payé le droit de reproduction. La loi vous en donne quitus, et interdit à l'auteur de s'y opposer : c'est la copie transitoire.

Dès lors, les services proposés par la société WIZZGO sont illicites et constituent des contrefaçons des droits d’auteur et des droits voisins[1] des demanderesses.

Wizzgo avait déjà cessé de proposer les programmes de M6 et W9. La voilà contrainte d'ôter les programmes de France 2 à 5. De plus, il est établir désormais que son modèle économique repose sur une base illicite : la contrefaçon des droits d'auteur et des droits voisins.

Donc soit Wizzgo négocie promptement avec ces chaînes un accord pour diffuser leurs programmes, en admettant que ces chaînes soient disposées à donner leur accord (je reformule : en admettant que la SARL Wizzgo ait les moyens de les rémunérer pour leur accord) ce qui est douteux pour une société dont le modèle économique repose sur une matière première considérée à tort comme gratuite, soit il est à craindre que le magnétoscope numérique en ligne aille bientôt rejoindre au rebut son ancêtre VHS.

Notes

[1] Un droit voisin n'est pas un droit qui habite à côté de chez vous ; c'est un terme qui désigne les droits voisins du droit d'auteur et qui protègent ceux qui, sans être les auteurs de l'œuvre, lui ont apporté un aspect essentiel : les interprètes (le chanteur ou l'acteur est généralement plus connu que l'auteur du texte) et les producteurs de phonogramme.

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