Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mercredi 4 février 2009

mercredi 4 février 2009

Avis de Berryer : André Santini

Peuple de Berryer, la Conférence elle aussi œuvre à la relance, à la relance de la Berryer.

Alors que la première n'a pas encore eu lieu, déjà la deuxième pointe son nez à l'horizon.

Les Douze ayant l'état de secrétaire de la conférence recevront pour cette conférence un secrétaire d'État, en la personne d'André Santini, Secrétaire d'État à la fonction publique, dont le sens de l'humour ravageur a atteint son pinacle quand il a cédé son siège de député à l'inénarrable Frédéric Lefèbvre, afin d'être sûr qu'on le regrette, tout en continuant à rire.

L'engagement républicain sans faille de M. Santini n'empêche pas qu'on lui propose des sujets.

Sur le rapport de Dan Gruiguer, 10e secrétaire, seront traités les sujets suivants.

Premier sujet : N'a t'on jamais senti ni aimé?

Deuxième sujet : Le centre est il la voix des déboussolés?

Les candidats peuvent contacter la charmante Rachel Lindon, Quatrième Secrétaire, à rachellindon[at]hotmail[point]com

MISE À JOUR : La conférence a fait un choix dans la date, et j'ai omis de le signaler.

Ce sera le 19 février 2009 à 21h15, salle des Criées. Entrée libre sous réserve des places disponibles.

L'étron et la plume

La 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, dite chambre de la presse, juge toutes les affaires d'atteinte aux droits de la personnalité, ce qui recouvre les délits d'injure, de diffamation, de droit à l'image, mais aussi de discrimination sexuelle ou raciale, entre autres.

Des délits peu sévèrement sanctionnés, mais à la charge symbolique très importante. C'est donc là que sont affectées les meilleurs plumes de la magistrature. La 17e ne délibère jamais sur le siège, mais rend quelques semaines plus tard un délibéré, toujours disponible en copie de travail pour les avocats, où chaque mot est pesé, chaque phrase choisie, dans le plus grand respect conjoint du droit et de la langue française. C'est la seule chambre qui peut prendre le temps de motiver réellement chacune de ses décisions.

En voici un exemple récent, du 4 décembre 2008.

Les faits sont les suivants.

Une virulente dispute a opposé l’écrivain et philosophe Stéphane Zagdanski, qui a notamment publié un essai sur Antonin Artaud, “La mort dans l’oeil”[1] et Serge Malausséna, neveu et ayant droit d'Antonin Artaud. L'élément déclencheur a été un conflit judiciaire entre Serge Malausséna et Marc Dachy, historien d'art, spécialiste du mouvement Dada et directeur de la revue Luna Park, qui avait publié sans autorisation du premier, pourtant ayant-droit d'Antonin Artaud, un inédit de cet écrivain accompagné d'un enregistrement audio d'un entretien de celui-ci avec le docteur Gaston Ferdière, qui avait dirigé le service psychiatrique où Artaud avait été interné. Artaud a beaucoup reproché à Ferdière l'usage d'électrochocs, d'où une allusion dans le texte litigieux.

Cette dispute a culminé avec la publication sur le site tenu par Stéphane Zagdanski, Paroles des jours (attention, site web 0.2) d'un courrier électronique adressé par lui à Serge Malausséna au vocabulaire fleuri et au champ sémantique réduit, que voici .

Pauvre étron,

Tout lecteur d’Artaud te méprise au plus haut point, sachant que tu es l’ultime chiure électrochoquante que Ferdière a déféquée avant de mourir en vue d’importuner l’âme limpide de ton oncle Antonin.

Non content d’être un impotent crétin chicaneur, tu gigotes en pure perte : cela fait longtemps que des milliers d’anonymes peuvent se procurer en quelques secondes sur internet l’intégralité des enregistrements d’Artaud, gratuitement et sans avoir à rendre le moindre compte à ta malsaine caboche monomane, ainsi qu’en témoigne la photo ci-dessus.

Contemple-la et souffre, sous-fifre.

Si l'assonance finale mérite hommage, on ne peut que regretter le tutoiement discourtois.

S'estimant injurié publiquement du fait de cette publication sur internet, Serge Malausséna a cité Stéphane Zagdanski devant le tribunal.

Voici la partie du jugement consacrée à la question : y a-t-il injure au sens de la loi ? Le tribunal va d'abord rappeler ce que dit la loi, puis résumer l'argumentation de la défense, avant de la réfuter à partir du troisième paragraphe.

Admirez le style.


Constitue une injure, au sens de l’article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse “toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d‘aucun fait”.

Pour sa défense, le prévenu invoque tout à la fois la tradition pamphlétaire française, le style “incontestablement littéraire” du libelle et son caractère de pastiche d’évidence - en se prévalant notamment sur ce point d’un projet de lettre d’Artaud à Balthus (“Tu n‘es devant moi que l’ombre d’un morpion, ta gueule est verte et puante comme ta sueur [...] Tu n‘as jamais été pour moi que la roulure d’un excrément”)-, ajoutant que le choix de métaphores qui renvoient pour l’essentiel à la thématique excrémentielle d’Antonin Artaud était de nature à ôter toute charge outrageante aux expressions poursuivies.

La familiarité avec un vitupérateur de génie -fut-elle assumée- n’exonère pas de toute intention maligne, ni la satisfaction du pastiche réussi, son auteur de ses responsabilités propres.

Le style s’assume comme les propos, en l’espèce intrinsèquement outrageants pour la partie civile qui s’est vue ainsi publiquement injuriée en réponse à une correspondance privée, sans que les éventuels lecteurs du texte litigieux puissent aisément se convaincre qu’il ne s’agirait que d’un exercice littéraire sans portée ou de métaphores vides de sens.

A cet égard, l’expression “ultime chiure électrochoquante que Ferdière a déféquée avant de mourir” constitue une invective particulièrement virulente que les allusions à certains épisodes de la vie d’Antonin Artaud n’atténuent en rien quand elles sont de surcroît opposées de la sorte à son neveu.

Le mot “étron” ne perd rien de sa force outrageante à se situer dans un registre scatologique qu’Antonin Artaud a pu quelquefois explorer.

Les expressions “impotent crétin chicaneur”, “malsaine caboche” et “sous-fifre”, qui ne paraissent d’une moindre intensité que par comparaison, sont incontestablement empreintes de mépris et sont de ce fait, comme les précédentes, injurieuses à l’égard de la partie civile.

Stéphane Zagdanski ne saurait sérieusement invoquer l’excuse de provocation alors qu’il a répondu publiquement et en de tels termes à une correspondance privée qui mettait principalement en cause Marc Dachy, et non lui-même.

Enfin, ni la nature essentiellement littéraire du site sur lequel ce texte a été mis en ligne, ni la qualité d’écrivain du prévenu ne confèrent à ce dernier une immunité particulière.


Jugement : Stéphane Zagdesky est condamné à 500 euros d'amende avec sursis et à 1000 euros de dommages-intérêts, compte tenu du fait que le texte litigieux a été retiré et que le site paroles des jours a une audience limitée (du moins jusqu'à aujourd'hui), outre 1500 euros au titre des frais de procédure.

Notes

[1] Stéphane Zagdanski, La mort dans l'oeil : Critique du cinéma comme vision, domination, falsification, éradiction, fascination, manipulation, dévastation, usurpation, Maren Sell Editeurs (2004).

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