Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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vendredi 13 mars 2009

vendredi 13 mars 2009

Souvenirs de code rouge

(Presque) pas eu le temps de faire des billets cette semaine, mais j'ai eu le temps de vous dessiner à quoi ressemble une semaine en code rouge.

Il va de soi que tous ces dessins sont à prendre résolument au pied de la lettre et au premier degré.

Idéalement, une audience de semaine rouge, ça donne ça :

Maître Eolas, devant un tribunal correctionnel, s'exclame avec véhémeence : OBJECTION ! Aussitôt, le président (on croit reconnaître Anatole Turnaround) répond : RELAXE ! Sur le banc du parquet, Gascogne, dépité, s'exclame : “Mordiou ! Encore perdiou !”

La fatigue aidant, la réalité, c'est plutôt ça :

Maître Eolas est en pleine plaidoirie déchirante : au milieu d'un flot de paroles, habilement résumées par “bla bla bla”, on distingue moult “effectivement”, et les mots “nouvel Outreau”, “erreur judiciaire”, “client innocent” et “procès politique”. Une voix interrompt le maître en disant “Maître, je vous rappelle que nous sommes devant le tribunal paritaire des baux ruraux !”

Connaissez-vous la Malédiction des Avocats ? Elle se décompose en deux phases.

Image en deux parties : Phase 1 : Maître Eolas, habillé comme le lapin d'Alice aux Pays des Merveilles, court en s'exclamant “En retard, en retard, je suis en retard !”. Phase 2 : Maître Eolas, en robe dans le prétoire, s'ennuie ferme. Une araignée a tissé sa toile en s'appuyant sur lui. À ses côtés, un confrère qui est à depuis tellement longtemps qu'il est réduit à l'état de squelette. Une voix annonce : “Dossier n°292 !”. Une autre intervient : “Attendez, je n'ai que les douze premiers tomes.”

Il va de soi que c'est toujours le jour où vous arriverez cinq minutes en retard que votre dossier aura été appelé en premier. C'est une malédiction très complète et un rien farceuse.

Avant de terminer par de l'art, je voudrais rendre un hommage vibrant.

Maître Eolas, affublé de la moustache de Brassens, joue de la guitare et chante le texte suivant : “Elle est à toi, cette chanson, Toi le greffier qui, sans façon, N'a pas repris dans la décision la récidive de la prévention. Ce n'était rien qu'une omission, Mais ça a permis la libération De mon client, sous condition. Toi le greffier, quand tu auras La mutation qu'tu demandas, Que la chancellerie t'envoie, Au chaud sur la Riviera.” D'autres gais refrains figurent autour du chanteur : “Non ce n'était pas le radeau de la Méduse ce barreau…” ; “Gare à Dupond Moretiii-iiii-iii-euh” et “Quand je pense à Rachida, je (illisible) pas”

Et parce que l'art, c'est important dans la vie (Phrase à ressortir absolument lors d'un grand oral) :

Maître Eolas, devant l'entrée d'un tribunal administratif, soulève héroïquement le Garde des Sceaux Rachida Dati. En dessous, un titre : Maître Eolas soulevant une nullité devant le tribunal administratif (Allégorie).

Bon week end à tous, et bon crunch ! Maître Eolas a revêtu sa superbe robe de supporter du XV de France (robe bleue frappée du blason de l'équipe, épitoge tricolore) et bondit de joie, aux côtés de Gascogne, lui aussi revêtu de sa robe de supporter (panache tricolore, simarre bleues et rouge, épitoge tricolore et cuissardes tricolores qui font des envieux dans le Marais. Non loin, Lulu regarde cette scène, interdite. À côté d'elle, Fantômette, blasée, lui dit : “Tu es encore nouvelle ici, tu t'y feras.”

Plus belle l'assises (5)

Dernier épisode de ce feuilleton, avec le verdict (un épisode entier pour ça ??). Début à 23:37, toujours sur cette page.

(23:40) : Lyon est vraiment une ville magnifique. Quel dommage qu'elle soit en province…

(24:00) : Ah, non, tiens, j'avais mal compris hier. On va bien voir le rituel qui clôt les assises. Tant mieux, c'est vraiment un moment fort. Vous trouverez la description sous le billet d'hier.

(24:12) : Vous noterez que le bruit de talons que l'on entend est une des parties civiles qui quitte la salle dès que M. Garcia a indiqué s'adresser à elles. L'accusé a donc le droit de subir leurs propos qui lui sont directement adressés, et jetés à la face, mais quand il veut leur répondre, exprimer ses regrets à leur égard, ce droit lui est refusé. Rappel opportun de ce qu'elles ne sont pas des êtres sacrés auxquels il faut tout passer au nom de la justice, mais des parties, partiales, subjectives et susceptibles d'être aveuglées par leur chagrin. Leur comportement n'est pas toujours au niveau de la sublime dignité du martyr qu'on attend d'elles. Je ne les en blâme certainement pas, je devine leur chagrin et comprends qu'on ne peut exiger d'elles qu'elles le dominent. Je blâme la politique actuelle qui s'obstine à oublier ce qu'elles sont. Des êtres humains, pas des séraphins.

(24:38) : N'oubliez pas, avant de juger ces excuses balbutiantes et hésitantes, que c'est la première fois que l'accusé parvient à formuler ces regrets, qu'il le fait en public, dans un salle impressionnante, au milieu de gens importants en robe, et même en présence de la télévision. Pour un être ayant toujours vécu dans l'isolement, c'est un effort terrible qu'il accomplit, une inhibition qu'il parvient à vaincre. C'est le premier pas qu'il fait pour revenir dans l communauté des hommes.

(24:55) : Les minutes qui suivent. C'est très différent pour les avocats de la défense et ceux des parties civiles. Les parties civiles sont avec leurs clients. Il y a donc le travail de commentaire, d'explication de ce qui va se passer, on revient sur l'audience, on prépare psychologiquement pour les différentes éventualités. On tient compagnie, aussi, un peu. Pour la défense, c'est la solitude. Le client a été reconduit au dépôt (on peut demander à le voir, si on le souhaite). On est épuisé, vidé, sonné aussi quand les réquisitions ont été dures (et elles l'ont été). On reclasse rapidement son dossier, mais il faut quitter la salle qui est fermée et gardée. Alors ont turne en rond, comme une âme en peine. Les plus heureux, qui ont un cabinet à proximité, peuvent y retourner, mais à paris, c'est rare.

(25:14) : Vidé, et mille questions dans la tête. C'est exactement ça.

(25:25) : La pile de papiers devant le président sont les bulletins de vote. Il est écrit dessus : “En mon âme et conscience, ma réponse est…”. Le juré ajoute à la main "oui", "non" ou le montant de la peine. L'urne devant sert à brûler les bulletins après chaque vote, c'est la loi. Un vote est irrévocable. C'est la responsabilité du président de décider de faire passer au vote. En attendant, chacun débat, expose son opinion. Voyez ce billet pour un récit.

(26:22) : Notez au fond, dans le cadre carré, le texte de l'adresse aux jurés. Ces déclarations ont été reçues un autre jour que le délibéré, contrairement à ce que le montage peut laisser croire. Personne ne lit de journal pendant le délibéré, les bulletins de vote ont disparu du plan et notez à 26:53 la jurée qui consulte l'album photo de la victime, scène vue hier ; et il serait contraire à la loi de recueillir toute déclaration des jurés, qui sont tenus à vie au secret des délibérés.

(27:55) : Le délibéré est toujours donné de la même façon : À la question n°…, (suit un rappel de la question, généralement), la cour et le jury ont répondu — soit oui par huit voix au moins, soit non par cinq voix au moins. Le résultat du vote n'est JAMAIS donné pour respecter le secret du délibéré (l'annonce d'un vote unanime trahirait chacun des juges et jurés). Puis “En conséquence, la cour condamne à …”. Ici, vote oui sur la culpabilité mais vote non à la question spéciale sur le mobile raciste. C'est dommage de l'avoir coupé. Ça nuit à la compréhension.

(28:15) : Ouch. Conforme aux réquisitions. Ça, ça fait mal, quand on est en défense. On se dit qu'on n'a servi à rien. Le verdict est très sévère. 25 sur 30. NB : Ce long silence n'est pas normal. Effet de montage, je pense. Le président enchaîne aussitôt avec l'indication des voies de recours (10 jours pour l'appel, 5 pour le pourvoi en cassation si on est déjà en appel), libère le jury, suspend l'audience après avoir annoncé que l'audience civile aura lieu quelques minutes plus tard. Audience qui ne vous sera pas montrée. Elle va très vite, il ne reste que les 3 juges, les parties civiles demandent une indemnisation chiffrée, le parquet dit qu'il s'en rapporte, la défense dit que c'est trop, la cour se retire pour délibérer et 3 minutes plus tard rend un arrêt chiffrant l'indemnisation de la victime, qui ira devant la Commission d'Indemnisation pour toucher les fonds.

(28:23) : Exceptionnellement, je ne conteste pas ce menottage. Il vient de se prendre 25 ans, on ne sait pas comment il va réagir.

(29:24) : Pas d'appel. Garcia a été incarcéré en mars 2006. Fin de peine : mars 2031. Avec application du crédit de réduction de peine : 4 ans et trois mois. Fin de peine : décembre 2026. Mi peine : juillet 2017. Il pourra donc solliciter une libération conditionnelle dans un peu plus de huit ans. Le meurtre simple n'est pas assorti d'une période de sureté.

(29:30) : Maison Centrale ? Je dirais plutôt Centre de Détention, Jean-Marie Garcia ne parait pas être un détenu dangereux. Il va d'abord passer par Fresnes, au Centre National d'Observation (ça n'a pas changé de nom ?) pour déterminer si un traitement médical est nécessaire. Puis il sera transféré dans un établissement pour peine, sûrement un centre de détention (CD) aux conditions de vie plus douces que dans les maisons centrales et surtout les maisons d'arrêt, vétustes et surpeuplées. Il pourra y suivre des études, et l'encellulement individuel est la règle. Il y a même des possibilités de téléphoner à l'extérieur, mais M. Garcia n'a pas de famille à appeler.

THE END, comme on dit en bon français.

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