Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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vendredi 24 avril 2009

vendredi 24 avril 2009

La décision du CSM dans l'affaire Burgaud

CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Conseil de discipline des magistrats du siège
24 avril 2009
M. Fabrice BURGAUD

DÉCISION



Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par le garde des sceaux, ministre de la Justice, contre M. Fabrice Burgaud, substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, sous la présidence de M. Vincent Lamanda, premier président de Cour de cassation, en présence de M. Francis Brun Buisson, conseiller-maître à la Cour des comptes, M. Jean-Claude Becane, secrétaire général honoraire du Sénat, M. Dominique Chagnollaud, professeur des universités, M. Dominique Latournerie, conseiller d'Etat honoraire, M. Jean-François Weber, président de chambre honoraire à la Cour de cassation maintenu en activité de service, M. Hervé Grange, premier président de la cour d'appel de Pau, M. Michel Le Pogam, président du tribunal de grande instance des Sables-d'Olonne, M. Luc Barbier, juge au tribunal de grande instance de Paris, Mme Gracieuse Lacoste, conseillère à la cour d'appel de Pau, et M. Xavier Chavigné, substitut du procureur général près la cour d'appel de Bordeaux, membres du Conseil supérieur de la magistrature,

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Fabrice Burgaud condamné à une réprimande par le CSM.

La réprimande est la plus basse de l'échelle des peines qui en compte 8[1].

Cette affaire ne sera décidément jamais un tant soit peu normale : lors de fuites préalables au délibéré, ce qui à ma connaissance est du jamais-vu dans l'histoire du CSM, les journaux ont publié la sanction dès ce matin et même apporté la précision suivante : le vote a été très serré : 6 pour, 5 contre (probablement contre toute sanction).

Si quelqu'un a une copie de la décision pour savoir quels faits justifient la sanction (il semblerait que ce ne soit aucun fait pris isolément ni même un cumul de faits précis mais un forfait pour le tout ; pas sûr que le Conseil d'État apprécie…). Plus à venir.

Ah, les commentaires se bornant à dire "rhalala elle est belle la justice c'est un scandale mais où va-t-on je vous le demande" bouffant inutilement de la bande passante, ils seront supprimés. Vous avez le Figaro.fr pour ça, ou le bistro en face.


PS : La mémé à moustaches est revenue, mais elle s'est trompée de billet.

Notes

[1] 1° La réprimande avec inscription au dossier ; 2° Le déplacement d'office ; 3° Le retrait de certaines fonctions ; 4° L'abaissement d'échelon ; 4° bis L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement (C'est la peine qui était demandée par la Chancellerie) ; 5° La rétrogradation ; 6° La mise à la retraite d'office ou l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas le droit à une pension de retraite ; 7° La révocation avec ou sans suspension des droits à pension.

Le temps des procureurs surpris par la nuit

Hier soir, France culture a diffusé, dans le cadre de son émission "Surpris par la nuit", produite par Alain Veinstein, un documentaire radiophonique intitulé « Le temps des procureurs », disponible à l'écoute sur le site ou en podcast sur iTunes.

Le documentaire radiophonique est un genre particulier, qu'il n'y a plus guère que France Culture à pratiquer, mais qui a son charme. L'image disparaît, remplacée par le son. C'est le bruit d'ambiance qui vous rend l'atmosphère, et cela oblige les intervenants à de la pédagogie, alors que la télévision, toujours beaucoup plus pressée, estime que l'image y pourvoit, ce qui est faux la plupart du temps.

La journaliste Amandine Casadamont a passé une journée dans deux parquets, un énorme et un tout petit : celui de Créteil (dont le ressort couvre tout le Val de Marne, soit un bon quart de la banlieue parisienne, 1.200.000 habitants et un nœud de circulation avec l'aéroport international d'Orly, et le marché de Rungis) et celui de Cambrai, tribunal de grande instance à deux chambres. Le département du Nord compte à lui seul pas moins de 7 tribunaux de grande instance (six après l'ouragan Rachida) contre un seul pour le Val de Marne ; mais la population du département du ch'Nord est de 2.500.000 habitants et surtout il s'étend des rivages de la mer du Nord pour unique terrain vague aux contreforts des Ardennes, soit 200km, contre 20km pour la distance la plus élevée pour le neuf-quatre. Même si à 8 heures du matin, je vous recommande plutôt le trajet Dunkerque-Fourmies que Vincennes-Périgny.

Elle a surtout accompagné les procureurs de permanence : ceux qui reçoivent les informations de placement en garde à vue et donnent les instructions pour les suites à donner au dossier, en fonction des comptes-rendus qui leur sont fait : classement sans suite, enquête de police préliminaire, comparution immédiate, ouverture d'une information. C'est passionnant pour les étudiants en droit qui envisagent l'ENM. Mais vous assisterez aussi à une comparution devant le délégué du procureur, pour une affaire que le procureur a décidé de classer sans suite après un rappel à la loi et le paiement d'une indemnisation à la victime.

Vous allez baigner dans le jargon, qui n'est pas toujours traduit. Si on vous explique les sens des CEA[1], CEI[2], ESI[3], ILA[4], vous entendrez à 1'48" cette phrase mystérieuse : « Je vais lui en parler, si c'est un renvoi à l'info, tu l'ouvriras. » Traduction : un dossier assez grave est en cours de traitement. Le parquet ne sait pas encore ce qu'il va décider, mais l'ouverture d'une instruction avec saisine du juge d'instruction est envisageable. La personne qui parle va donc en référer à la hiérarchie, qui décidera s'il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le juge d'instruction pour qu'il effectue une information judiciaire (synonyme d'instruction, on emploie le terme d'information pour éviter la répétition du mot instruction dans la même phrase quand “juge d'instruction” y figure : « une information judiciaire a été confiée à Lulu, juge d'instruction à Saint-Trouperdu-Sur-Nulpar ».). Donc il faut comprendre : « je vais en parler au chef (qui peut être le procureur himself à Cambrai, ou un vice-procureur en charge de la section du traitement en temps réel à Créteil). S'il décide qu'on renvoie le dossier devant le juge d'instruction pour une information judiciaire, c'est toi qui effectueras les formalités d'ouverture de cette information, à savoir le réquisitoire introductif, et le cas échéant le débat contradictoire devant le JLD pour placement sous mandat de dépôt. »

À la 17e minute, vous assisterez impuissants à une splendide nullité de procédure qu'aucun avocat ne pourra soulever. Un procureur, débordé, rappelle un service de police pour une garde à vue dont il est incapable de donner les détails, à commencer par le nom du gardé à vue. Si cette information était tombée dans les oreilles de l'avocat du gardé à vue, il tenait sa nullité : le parquet n'a pas été informé de manière effective dès le début de la mesure puisque le procureur ignore le nom du gardé à vue, le nom de l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête, et visiblement la nature des faits. Information tardive du parquet, nullité. Heureusement, l'avocat est soigneusement tenu éloigné de cette phase de la procédure et n'a aucun moyen d'apprendre que les droits fondamentaux de son client n'ont pas été respectés. On a eu chaud, hein ?

Enfin, à la 40e minute, vous aurez un grand classique : un Palestinien sans passeport qui parle très bien le Français avec un fort accent algérien et le lit couramment (on ne vantera jamais assez la qualité du système d'enseignement du Français dans l'Éducation nationale palestinienne). Si on lui demande sa ville de naissance, c'est forcément Gaza. Ne lui en demandez pas plus sur la géographie de son pays ou le nom de la monnaie qui y est utilisée (le Nouveau Sheqel israëlien ou le Dinar jordanien ; informellement le dollar américain).

Vous saurez enfin pourquoi Gascogne est coi pendant plusieurs jours : il est de permanence, car au tribunal de Castelpitchoune, ça tombe plus souvent qu'à Créteil (Sub Lege Veritas, c'est différent : c'est un tire-au-flanc, il a le temps de venir).

Notes

[1] Conduite en état alcoolique.

[2] Conduite en état d'ivresse.

[3] Entrée et Séjour Irréguliers.

[4] Infraction à la Législation sur les Armes.

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