Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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octobre 2011

samedi 22 octobre 2011

Devine qui vient diner ce matin : LA FINALE

Allons bon. Une rediffusion.

Je ne vais pas répéter ma présentation du drapeau néozélandais et de l’équipe des All Blacks. J’en ai déjà parlé ici.

La présence de la France en finale est, pour le moins inespérée. Je crois bien qu’on est la première équipe à y arriver en ayant essuyé deux défaites.

Je devrais être dans un état de surexcitation à cette perspective. Mais cette équipe n’a hélas pas réussi à m’enthousiasmer, sauf face à l’Angleterre. Cependant, elle est tellement déstabilisante qu’elle serait fichue de gagner. Bon, soyons clairs, toutes les augures sont favorables aux néo-zélandais. Cette équipe a été impressionnante et constantes, et même si elle a perdu de grands joueurs sur blessure, comme Carter, la relève a été à la hauteur, comme ce diable de Weepu comme buteur. Elle joue à domicile, avec une volonté de gagner comme sans doute jamais dans son histoire.

Sur le papier, il n’y aura pas de finale, et dès la mi temps, le XV de France sera enterré.

Maintenant, cette équipe est horripilante d’irrégularité, dans un sens comme dans l’autre. Les Blacks sont forts physiquement et techniquement, mais pas toujours moralement. Si on parvient à les faire douter, ils craquent. C’est ce qui s’est passé en 1999, où ils ont été comme tétanisés tandis que la France leur passait 33 points contre 7 en deuxième mi temps. Et c’est quand la France est le challenger, quand on ne l’attend pas, quand elel est décontractée qu’elle est capable de tout.

Je m’endormirai donc ce soir avec une petite flamme au fond de la nuit. Un miracle peut arriver demain. C’est peu probable, mais nul ne peut dire que c’est impossible. Et la violence de la presse néozélandaise montre bien que les Kiwis en ont terriblement conscience.

Alors on oublie les regrets, les déceptions, le petit jeu à l’anglaise.

Demain, un seul mot d’ordre.

Allez les bleus !!!

vendredi 21 octobre 2011

Avis de conférensse Berryer : Maïwenn

L’an deux mille onze
et le vingt cinq octobre
à 21 heures220px-Maiwenn_Le_Besco_Cannes_2011_2_croppped.jpg

Nous, Matthieu Hy, 4ème Secrétaire de polisse judissiaire,

Étant au servisse Salle des Criées, au Palais de Justisse,

Constatons que se présentera devant nous l’individu ssi-dessous désigné :

NOM : cf. Prénom.
Prénom : Maïwenn
Profession : actrisse, sssénariste et réalisatrisse
Sexe : féminin, assurément.

Lui notifions son plassement en garde à vue pour une durée d’une conférensse Berryer.

Lui notifions qu’elle a le droit à cette occasion d’être assistée par douze avocats commis d’office par la Conférensse.

Lui notifions qu’elle a le droit de garder le silensse mais la supplions de n’en rien faire.

Lui donnerons connaissansse du rapport de synthèse de Monsieur Martin Reynaud, adjoint de sécurité et 5ème Secrétaire.

Ouïrons des témoins acermentés qui déposeront sur les questions suivantes :

1. L’enfance est-elle le bal des actes tristes ?

2. N’y a-t-il que La Palice qui dise la vérité ?

Disons que toute perçonne, même extérieure au service, pourra assister à ladite mesure dans la limite des plasses disponibles.

Rappelons qu’il y a intérêt à toquer à l’huis très en avansse.

Disons que tout témoins désirant déposer sans garantie d’absensse de violensses polissières prendront contact avec nous : Tél : 01.77-32.13.61 / hy.avocat@gmail.com

Lecture faite avec nous, l’intéressée persiste et signe.

——

De même, suite :

Mentionnons que la photographie est (cc) Georges Biard - BY-SA.

Dont procès verbal.

jeudi 20 octobre 2011

Accusé, levez vous.

“Par Fantômette et Gascogne”


A l’heure où la France s’en va vers des rives lointaines de finale de coupe du monde de rugby, là où personne ne la voyait pourtant, il me semble d’une importance particulière de livrer au grand jour un procès qui n’aurait pas dû attendre, celui de l’accusé Christian Jeanpierre, dont le procès, largement trop reporté, n’a pu encore avoir lieu.

Ainsi, et après quelques mises en cause médiatiques, la parole est à l’accusation, la vraie, l’officielle : la parole est donc à Monsieur l’avocat général Gascogne.

==========

Monsieur le président, merci de me laisser exposer à votre Cour et à Mesdames et Messieurs les jurés tout mon courroux, coucou, comme l’aurait clamé un grand avocat général aujourd’hui disparu. Nous sommes donc aujourd’hui réunis pour un procès à plus d’une part symbolique.

Symbolique tout d’abord pour démontrer à ceux qui dénigrent ce blog qu’il peut tout à la fois maintenir un haut niveau juridique, et nous amener d’une manière si jouissive vers une allégorie sportive qui nous ramène, quoique l’on en pense, toujours au droit, et à ses règles certes contraignantes, mais tellement agréablement contingentes.

Cette parenthèse effectuée, vous permettrez, Monsieur le président, Madame Monsieur de la Cour, Mesdames et Messieurs les jurés, que j’en vienne au cas qui nous occupe aujourd’hui, et quel cas ! Celui de Monsieur Christian Jeanpierre.

Qu’il fut bon, le temps de la télévision publique, des Albaladejo et autres Herrero !

Quel bonheur d’entendre pendant un match tendu son célèbre “il l’a coupé en trrrrranches !”. Il n’est que de lire la poésie qui se dégage d’un commentaire écrit de Daniel Herrero pour comprendre à quel niveau se situent ses commentaires.

Qu’il fut bon, le temps des commentateurs sportifs qui commentaient le sport qu’ils avaient connu. Pas seulement en temps que sportifs professionnels, car après tout, n’en avons nous pas vus des sportifs devenus ministre sans même que leur compétence politique fut jamais reconnue ? Ne parlons donc dès lors pas de leurs compétences journalistiques…

Ainsi, il fut un temps où celui qui parlait d’un sport retransmis à la télévision en connaissait un tant soit peu les règles. Je n’oublie pas que celles du beau sport, celui du ballon ovale, sont particulièrement complexes, et que celui qui dirait à l’antenne les maîtriser dans leur ensemble paraitrait extrêmement présomptueux.

Ceci étant, à qui viendrait l’idée de faire commenter un championnat de Judo à Chantal Jouanno ?

Sur quelle chaîne verrait-on Sébastien Loeb se permettre des commentaires techniques quant à la manière de tel ou tel coureur de grimper un col ?

Où verrait-on un journaliste sportif remettre en cause les explications techniques données par le quadruple champion du monde qui l’accompagne[1] ?

Pense-t-on sérieusement que Jeannie Longo serait à même d’instruire le procès Servier ? (bon, là, je ne dis pas, l’exemple n’est pas nécessairement le meilleur. Ce serait comme dire que Jean-Luc Delarue ne pourrait reprendre un cabinet de magistrat du parquet en charge des stupéfiants. Peu crédible).

Alors, que les choses soient claires, Monsieur Jeanpierre : pour parler dans un micro, je ne vous arrive pas à l’oreillette. Mais concernant ce sport que j’aime tant, le rugby, et même si je suis totalement opposé au retour en force du délit de blasphème, comment pouvez-vous oser dire que vous commentez fort bien les matches de rugby, et que ceux qui vous critiquent sont des jaloux ?

Comment pouvez-vous laisser penser que le seul fait de dire “Etlonouvre” ou encore “la charge de…” vous permet de croire ne serait-ce que le temps que met un ailier gallois à traverser le terrain que vous êtes apte à commenter ce si beau sport ?

Comment laissez croire qu’un commentaire qui consiste à dire au pire moment de la débâcle que tout va aller pour le mieux car le staff français va faire rentrer les “cadors” est un commentaire apportant une quelconque plus-value au spectateur estourbi par l’avance de l’équipe adverse ?

Non, mesdames et messieurs, vous ne laisserez pas l’infamie envahir le petit écran, pas plus que le prétoire. Je ne doute pas que la défense mettra en avant les états de service de l’accusé en matière de football, mais sincèrement, quoi de commun entre les joueurs du ballon rond, aux règles simples, si l’on excepte celle du hors-jeu, et les sportifs qui manient cet instrument si particulier qu’est la beuchigue, quand bien même ce jeu fut-il inventé par les anglais ?

C’est en conséquence en toute confiance que je vous demande de bien vouloir déclarer l’accusé coupable de mécommentaire sportif et que je requiers une peine qui ne saurait être autre qu’une véritable peine d’élimination : une interdiction d’exercer, pour une durée qui ne saurait être moindre que la présente coupe du monde et la suivante. Les amateurs de rugby vous en seront particulièrement reconnaissants.

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La parole est à la défense. Me Fantômette, la Cour et le jury vous écoutent.

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Monsieur le président, Mesdames, Messieurs de la Cour, c’est avec une grande fierté que je me présente devant vous ce jour pour défendre une noble cause, une cause digne, une cause –n’ayons pas peur des mots – admirable, celle de l’accusé, M. Christian Jeanpierre.

Cet accusé voué aux gémonies, cet accusé que l’on voudrait vous voir détester, dénigrer, mépriser et n’est-ce pas facile, en effet ? Il est facile de détester celui-là et son air de ne pas vouloir en avoir l’air, son passé sulfureux, ses passions déviantes – n’a-t-il pas le tort de préférer aux trajectoires fantasques du ballon ovale, les lignes droites et franches du ballon rond ?

Mais ne vous y trompez pas.

Cet accusé est en réalité le porte-parole étrange et fascinant d’une cause sublimée, qu’il porte hautement, et fièrement. Et cette cause porte un nom, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs de la Cour.

C’est celle de l’Imaginaire.

Car oui, si dans un passé trouble - dont on ne saurait parler qu’avec une infinie et douloureuse pudeur - M. Jeanpierre a pu s’égarer dans le milieu du FOOTBALL – il faut savoir nommer les choses, même celles qui choquent – je crois que tout, en réalité, tout, dans ce qui lui est reproché aujourd’hui vous démontrera que, sincèrement repenti, il est désormais voué corps et âme à la défense passionnée – que dis-je, passionnée, passionnelle ! Mesdames et Messieurs – des trajectoires heurtées et délirantes qui sont le monopole et la gloire des référentiels de forme ovale.

Dans un exercice d’une audace qui interpelle les plus blasés d’entre nous, au lieu de prétendre décrire par la grâce de mots qui lui échappent les subtilités d’un jeu et d’un règlement que nul en ce bas monde ne peut sérieusement prétendre connaitre, tel un prophète émerveillé, voilà qu’il ne peut que répéter « charge de truc », « ouverture de machin », sur le ton morne et obstiné de l’homme encore abasourdi par une épiphanie que son âme peine à concevoir.

Et comment ne pas comprendre ! Comment ne pas lui pardonner !

Qui trouve les mots justes, les mots qui disent la Vérité d’un jeu tombé du ciel telle une Apocalypse ? Qui parmi nous jettera la première pierre, à Jeanpierre?

Si son passé n’excuse pas tout, du moins la pitié qu’il nous inspire devra guider notre jugement.

Les mots qu’il ne trouve pas, son phrasé banalement répétitif et «blanc», comme l’on parle en littérature d’une «écriture blanche», est l’écrin banal qui n’en fait que mieux ressortir la beauté d’un sport que l’on ne saurait décrire sans l’affadir.

Vous l’avouerai-je ? Frappée jusqu’à l’âme par cet exercice de pauvreté stylistique, j’ai parfois été jusqu’à couper le son pour aller jusqu’au bout de cette géniale intuition, et mieux savourer encore la parfaite rencontre entre le vide intérieur d’un homme et la grâce du sport qu’il commente sans savoir en parler.

Au-delà de cette adaptation du style et du fond, je dois également admettre avoir admiré, profondément admiré, cette capacité de l’accusé à ne jamais douter. A voir, dans les moments les plus sombres, briller encore la possibilité d’une victoire, dans un délire si violemment positif qu’il suscite un mélange de bonheur et d’effroi.

Comment, voilà nos joueurs maltraités, perdus, malmenés par l’une des équipes les plus fortes du monde et l’accusé s’écrit, au beau milieu de nulle part, et alors que rien de précis ne se dégage d’un vague mouvement sur le terrain «HA HA ! Là les choses vont changer !».

Eh quoi ! La suite lui donnera tort, mais Monsieur le Président, Mesdames Messieurs de la Cour, qui sommes nous pour prétendre que ce n’est pas la Réalité qui se trompe ? L’espoir – l’espoir fou, l’espoir absurde, l’espoir vain, enfin – ne mérite-t-il pas néanmoins d’avoir trouvé son héraut ? Celui qui le soutiendra, envers et contre tous, et à commencer par ceux qui se contentent d’observer les faits, avec cette triste certitude qu’ils ne sauraient mentir…

Mais les faits mentent parfois, les faits nous leurrent! Ne vous laissez pas aveugler par eux, et regardez le dossier avec les yeux de la foi : que verrez-vous ?

Une équipe de France qui, sans sembler jamais être au meilleure de sa forme, jouera dans deux jours la finale de la Coupe du Monde.

Une équipe de France qui a magistralement éteint la vigilance de la Nouvelle-Zélande, notamment par le truchement de cette astuce géniale qui consista à perdre contre eux – ce qui aujourd’hui nous laisse dans la position confortable de ceux qui n’ont plus qu’à gagner – et c’est en partie grâce à des personnes comme l’accusé que nous en sommes là.

Nous avons perdu contre les Tongiens, non pas que nous avons mal joué, expliqua l’accusé, mais là encore, simplement pour préparer ce beau match qui nous vit triompher de l’équipe anglaise – avec une grâce que nous devons à des personnes comme lui, de ceux qui ne s’en laissent pas compter par la logique mortifère et calculatrice des scientifiques et des experts.

Nous avons gagné si petitement contre le Pays de Galles que l’effet en est presque identique – et ce, n’en doutons pas, afin de préparer encore le triomphe qui ne pourra manquer de suivre !

Astuce ! Génie ! Portés par les intuitions d’un entraineur de haute tenue et la Geste de son héraut le plus habile, nos joueurs du XV de France, habités par la grâce de ceux qui sont su perdre et vaincre néanmoins, n’ont plus qu’à parachever leur histoire, et nous, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs de la Cour, n’avons plus qu’à nous incliner devant la force de cette évidence : l’accusé n’est coupable en rien, sinon d’avoir mesuré l’impossibilité de sa tâche et de continuer à croire – et ce n’est pas un crime.

Vous ne pourrez donc que l’acquitter, et le laisser aller, petit homme gris, porter son rêve de victoire dans la litanie de ses mots creux, inoffensif et génial, et lancer avec lui, à tout moment, et ce dès la deuxième seconde de jeu : « HA HA ! Sera-ce le tournant du match ? »

Et vous tous et moi-même, l’écouterons, bienveillants et sereins, bercés d’espoirs infinis, jusqu’à l’ultime seconde de l’ultime rencontre, qui nous verra, sans nul doute, et grâce à lui, triompher sur le terrain imaginaire de nos espoirs les plus fous.

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Dans cet ultime moment de tension qui précède le départ de la Cour et du Jury pour le délibéré, le président donne la parole à l’accusé : “Accusé Jeanpierre, souhaitez-vous ajouter quelque chose pour votre défense ? - Fffff…. La charge de l’avocat général ! Heureusement que j’ai pu compter sur une défense hermétique de mon avocate…”

La dernière parole revenant en la matière au peuple, c’est avec une très grande confiance que nous laissons les commentateurs décider du sort de l’accusé.

Notes

[1] Malheureusement, j’ai entendu un journaliste sportif, Pierre Fulla, pour ne pas le nommer, dire à David Douillet que non, la technique qu’il disait être une technique de jambe était en fait une technique de hanche…

mardi 18 octobre 2011

Avis de Berryer : Jean-François Zygel

Peuple de Berryer ! La Conférence entre dans la traditionnelle frénésie qui la saisit dans la saison des amours où elle engendre sa descendance. À peine les échos des vivats d’hier soir se sont-ils dissipés dans les froids couloirs de pierre du Palais que nous sommes semoncés à nouveau pour garnir la cour, et cette fois-ci les mélomanes sont à l’honneur.Zygel_jean_francois.jpg

La Conférence aura l’honneur de recevoir le jeudi 20 octobre 2011 à 21 heures,en Salle des criées, Monsieur Jean-François Zygel, pianiste, improvisateur, compositeur, homme de télévision, et professeur d’écriture musicale et d’improvisation au Conservatoire National Supérieur de Paris.

Les sujets proposés aux valeureux candidats seront les suivants :

1. Est-ce qu’un mélomane transi gèle ?

2. Le pipeau mène-t-il au violon ?

Le rapport sera présenté par Monsieur Pierre Reine, 3ème Secrétaire.

Comme toujours, l’entrée est libre, sans réservation possible. Perdez tout espoir après 19 heures.

Toute personne, avocat ou non, peut assister à la Conférence Berryer.

Les candidats (et non les spectateurs) sont invités à s’inscrire auprès de M. Matthieu Hy, 4ème Secrétaire :
 
Tél : 01.77-32.13.61 / hy.avocat@gmail.com

vendredi 14 octobre 2011

Devine qui vient dîner demain matin ?

Nos amis Gallois, et ils sont en très, très grande forme actuellement.

Drapeau du Pays de Galles : divisé en deux bandes, blanche en haut et verte en bas, et frappé d'un dragon rouge vu de profil, tête vers la gaucheLe drapeau du Pays de Galles, appelé le Dragon Rouge (Y Ddraig Goch) est un des plus vieux qui soient, à tel point que son origine se perd dans la nuit des temps.

Une théorie plausible est que l’emblème aurait été apporté par la cavalerie romaine lors de la conquête de l’île au Ier siècle après JC (2000 avant l’Origine selon le calendrier UNIX, cf. hommage d’hier), cavalerie qui avait emprunté cet emblème aux Daces (peuple barbare vivant dans l’actuelle Roumanie) ou aux Parthes (dans l’actuel Iran).

Il est réputé avoir été l’emblème de bataille du roi Arthur Pendragon, mais l’usage le plus ancien attesté remonte au 9e siècle, soit trois siècles après le roi Breton insulaire.

Le drapeau Gallois est composé de ce dragon rouge sur fond blanc et vert, couleurs de la Maison des Tudor, rois d’Angleterre de 1485 à 1603, et unique dynastie galloise à avoir ceint la couronne. C’est depuis cette époque que le Pays de Galles est devenu l’apanage de l’héritier du trône, à l’instar du poste de président de l’EPAD du Dauphiné chez nous (d’où le titre de Dauphin de France pour le prince héritier), ou des Asturies en Espagne. Il est à noter que ces couleurs sont également celles de l’autre symbole du Pays de Galles : le leek, c’est-à-dire le poireau.

Ce symbole remonte au VIIe siècle, à l’époque du roi Cadwaladr ap Cadwallon, roi de Gwynedd (la langue galloise raffole des consonnes et méprise les voyelles ; témoin le nom de cette ville, que je vous mets au défi de prononcer). Ce sont les Armes de ce royaume qui sont aujourd’hui les armes du Pays de GallesArmes du Pays de Galles : écartelé : aux 1 et 4, d'or au lion rampant de gueule, armé et lampassé d'azur : aux 2 et 3, de gueule au lion d'or rampant armé et lampassé d'azur. Lors d’une bataille contre les Saxons, envahisseurs germains venus de l’est, il ordonna à ses troupes de porter sur leur casque un de ces légumes qui abondaient dans la plaine où il se tenait, pour s’identifier (la notion d’uniforme était à l’époque fort contingente). La victoire fut écrasante, et le poireau, adopté.

Le drapeau du Pays de Galles ne figure pas dans l’Union Jack. Cela est dû au fait que le Pays de Galles a été annexé par Edouard Ier (Les Longues Pattes, le méchant de Braveheart, celui-là à qui l’hymne écossais rend un vibrant hommage) en 1282 et a été intégré juridiquement à l’Angleterre au XVIe siècle. Drapeau de Saint David : une croix jaune couchée sur fond noirDepuis, des projets d’intégrer le drapeau du Pays de Galles ont vu le jour, ou à tout le moins la croix de Saint-David, Saint patron du pays (fête le 1er mars), mais avec peu d’adhésion populaire. En fait, les Gallois sont bien contents de ne pas se mélanger aux Anglais même sur un drapeau.

L’équipe de rugby galloise joue en rouge, couleur du dragon. Son symbole représente trois plumes d’autruche ceintes d’une couronne. Logo de la Wales Rugby UnionCela remonte à la terrible bataille de Crécy (1346), première des trois honteuses défaites de la Guerre de Cent Ans (avec Poitiers en 1356 et Azincourt en 1415). Les archers gallois et leur redoutable Long Bows ont fait ces trois fois des ravages dans la chevalerie française, et à Crécy, les troupes anglaises étaient dirigées par Edouard, The Black Prince Of Wales, le Noir Prince de Galles. Du côté français se trouvait Jean Ier de Luxembourg (Jang de Blannen), roi de Bohême, un chevalier old school qui nonobstant sa cécité voulut participer à la bataille. Il monta à cheval et guidé par deux écuyers, se rua au combat. Où il fut tué, étonnamment (des témoins affirmèrent que c’est le Duc lui même qui, en faisant tournoyer sa masse d’arme à l’aveugle, a occis lui-même ses deux écuyers). Le Prince de Galles, impressionné par tant de conn… bravoure, prit le cimier du casque de Jean ,composé de trois plumes d’autruche, et en fit son emblème personnel, de même que de sa devise, Ich dien, “Je sers”.

L’hymne du Pays de Galles est Hen Wlad Fy Nhadau, Vieux Pays de mes Ancêtres. Si vous voulez le chanter sportivement, en voici les paroles :

Mae hen wlad fy nhadau yn annwyl i mi,
Gwlad beirdd a chantorion, enwogion o fri;
Ei gwrol ryfelwyr, gwladgarwyr tra mâd,
Dros ryddid collasant eu gwaed.

(Refrain)

Gwlad, gwlad, pleidiol wyf i’m gwlad.
Tra môr yn fur i’r bur hoff bau,
O bydded i’r hen iaith barhau.

Le vieux pays de mes ancêtres est cher à mon cœur,
Pays de poètes et chanteurs, et d’hommes à la fameuse renommée,
Ses braves guerriers, splendides patriotes,
Ont versé leur sang pour la Liberté.

Mon pays, Mon pays, je suis fidèle à mon Pays,
Que la mer soit un rempart pour la terre pure et bien-aimée
Ô puisse le vieux langage perdurer.

Les Bretons qui me lisent et ouïront l’hymne auront la surprise de reconnaître leur propre hymne : c’est en effet la même musique qui est utilisé pour le O Breizh ma bro Bro gozh ma zadou , l’hymne breton bretonnant.

Après l’étonnante et inattendue victoire sur les Anglais, bien malin qui prédirait l’issue de cette rencontre. En temps ordinaire, on ne donnerait pas cher de la peau des Gallois, qui n’ont pas joué une demi finale de coupe du monde depuis 1987. Mais ce ne sont pas des temps ordinaires. Jusqu’à la semaine passée, la France a montré un jeu en-dessous de son niveau, avant la performance, que dis-je, la résurrection de la semaine dernière ; tandis que les Gallois ont montré un excellent niveau, éliminant les Irlandais qui avaient pourtant battu les Australiens.

Mais hélas, la France est aussi la spécialiste des exploits sans lendemain, surtout en Coupe du monde, comme en 1999 où après une victoire extraordinaire sur les All Blacks, nous avons perdu piteusement en finale face aux Asutraliens, ou en 20073 ou après avoir battu les mêmes All Blacks en quart de finale, nous avons piteusement perdu face à l’Angleterre (qui n’a même pas eu à marquer un essai pour cela) avant de nous incliner en petite finale face à l’Argentine, qui eu ainsi le privilège de nous battre par deux fois.

Ce sera donc sans doute le France - Galles que j’aborderai avec le plus d’inquiétude. Ce sera serré et le résultat est imprévisible. Un Yunnan Pointe d’Or s’impose donc.

Et naturellement,

Allez les bleus !


Crédits images : Wikipedia.

jeudi 13 octobre 2011

In Memoriam Dennis MacAlistair Ritchie

La semaine dernière, le monde, dont votre serviteur, a pleuré la mort de Steve Jobs. Tout a été dit sur cet homme, et même votre serviteur s’est fendu d’un petit mot là-dessus, en d’autres lieux puisque la nouvelle ne me paraissait pas avoir sa place ici, pour expliquer en quoi il était légitime que sa disparition puisse causer du chagrin à ceux qui ne l’avaient pas connu personnellement.

Mais le week-end dernier, une autre figure de l’informatique est morte, dans une indifférence médiatique qui confine à l’injustice, d’où le lien avec mon blog.

Modestement, moi qui n’utilise qu’un seul langage, le français (ce qui de nos jours n’est  cependant pas sans quelque mérite), et qui ne puis me targuer que d’être un amateur béotien en matière d’informatique, je voudrais lui consacrer, à lui l’inventeur de langages, un billet d’hommage, même si je ne doute pas que les informaticiens, qui sont nombreux à me faire l’honneur de me lire, expliqueront mieux que moi qui il était dans les commentaires.

Dennis_MacAlistair_Ritchie_.jpgDennis MacAlistair Ritchie (9 septembre 1941 - 8 octobre 2011)

Dennis MacAlistair Ritchie fut un pionnier de l’informatique, et principalement le co-créateur d’UNIX, un système d’exploitation créé en 1969 et qui a posé la fondation de systèmes d’exploitations comme GNU/Linux ou Mac OS X, le système d’exploitation des ordinateurs d’Apple (et indirectement donc des iPhones et iPad), et le créateur du langage de programmation C, dont la dernière version l’héritier (C++) est parmi les plus utilisés aujourd’hui (le Livre Blanc de Ritchie sur le C est le petit livre rouge de la révolution informatique que nous vivons, je ne plaisante que sur la forme).

Je sais que beaucoup diront “gné ?” en lisant cela. Disons que s’il n’a pas inventé la poésie, il a inventé l’alphabet et contribué à inventer la grammaire.

L’informatique telle qu’elle est aujourd’hui doit énormément à Ritchie. Et les logiciels qui font tourner ce blog, tout comme ceux qui font tourner le serveur qui l’héberge et vous permet de le lire, n’existeraient pas sans lui. Je lui suis redevable du succès de ce blog, et de son existence même.

Je ne prétendrai pas pouvoir expliquer son apport, et je ne vais pas recopier ici les pages Wikipédia qui lui sont consacrées. D’autres le feront mieux que moi en commentaires. Mais son œuvre, dont je ne perçois qu’une ombre, suffisante toutefois à me donner le vertige, mérite d’être saluée. Il entre au Panthéon ingrat des scientifiques qui ont changé le monde sans que le monde s’en rende vraiment compte. Puisse ce billet réparer un tout petit peu cette injustice.

Que la terre lui soit légère.

mercredi 12 octobre 2011

Avis de Berryer : Nicolas Bedos

Peuple de Berryer !

320px-Nicolas_Bedos_20100330_Salon_du_livre_de_Paris_1.jpgLa Conférence, qui, telle une Première Dame, est dans les douleurs de l’enfantement, ne cesse pas ses travaux durant son travail. C’est ainsi que le lundi 17 octobre 2011 à 21 heures, en Salle des criées, elle recevra comme il se doit Monsieur Nicolas Bedos, dramaturge, metteur en scène et acteur.

Sur le rapport de M. Fabrice Epstein, 2ème Secrétaire, elle traitera les sujets suivants, confiés à de valeureux et masochistes candidats :

1. Faut-il faire tourner les bedos ?

2. Un mythomane est-il un âne à chroniques ?

Comme toujours, l’entrée est libre, sans réservation possible, dans la limite des places disponibles, hélas limitées. Vous qui entrez après 19 heures, abandonnez tout espoir.

Toute personne, avocat ou non, peut assister à la Conférence Berryer.

Les candidats (et non les spectateurs) sont invités à s’inscrire auprès de M. Matthieu Hy, 4ème Secrétaire : Tél : 01-77-32-13-61 / hy.avocat[arobase]gmail.com

Bonne Berryer à tous.


Crédit photo : CC Georges Seguin - BY-SA.

vendredi 7 octobre 2011

Devine qui vient bruncher demain ?

Gare mes amis : les Anglais vont débarquer.
Un parfum de crunch en quart de finale avec ce France - Angleterre.

Ce sont nos pires amis, ou nos meilleurs ennemis, comme vous préférez, qui viennent nous voir à l’heure du Breakfast Tea : les abominables et formidables Anglais, aussi beaux joueurs que tricheurs sans vergogne, adeptes du fair play et de la baffe dans la mêlée. Quelle joie de les retrouver.

Drapeau de l'Angleterre

Voici donc le drapeau  anglais, dit drapeau de Saint-George. Il vous dira sans doute quelque chose : il rappelle en effet celui de la Géorgie, que nous affrontâmes lors de la dernière coupe du monde.

La croix rouge sur fond blanc est un emblème très répandu dans la chrétienté, Saint Georges étant le Saint Patron, outre de l’Angleterre et de la Géorgie, de l’Aragon, de la Catalogne, du Canada, de l’Éthiopie, de la Grèce, de la Serbie, du Montenegro, du Portugal, de la Russie et même de la Palestine, ainsi que des villes de Beyrouth, Barcelone ou Moscou. C’est ainsi que le symbole du club de football de Barcelone, le fameux Barça, comporte la croix de Saint George.FC Barcelone

Ce symbole remonte aux Croisades, où il était le symbole des chevaliers et soldats français, le pape ayant décidé que les anglais porteraient une croix blanche sur fond rouge, les germains ayant une croix bleue et jaune, devenue le drapeau suédois. Les Anglais, qui ne font JAMAIS ce qu’on leur dit de faire, ont néanmoins adopté la croix rouge sur fond blanc, et la croix de St George est ainsi devenue le symbole des croisés dans leur ensemble, étant à son tour adoptée par les Templiers. Lors de la Réforme, tous les drapeauxs représentant des saints ont été abandonnés en Angleterre à l’exception de celui de St George. Dans la Navy, le drapeau de Saint Georges indique un navire amiral.

Le drapeau du Royaume Uni s’appelle le drapeau de l’Union, ou Union Jack dans la marine (“Jack” indiquant un pavillon de marine), car il est composé de la réunion des drapeaux des trois couronnes réunies sur la tête des rois d’Angleterre, chacun représenté par une croix liée à un saint : la croix de Saint George pour l’Angleterre, la croix de Saint André pour l’Écosse, et la croix de Saint Patrick pour l’Irlande. Cette union s’est faite en deux temps : en 1606, quand James VI d’Ecosse devient roi d’Angleterre sous le nom de James Ier, les croix de Saint George et Saint André sont réuniesNaissance du drapeau d'Union pour faire le premier drapeau d’Union. Puis en 1801, la croix de Saint Patrick est ajoutée quand l’Acte d’Union fusionne les royaumes d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande pour former le Royaume-Uni, dénomination encore officielle de nos voisins d’Outre Manche. Le pays de Galles n’est pas représenté dans ce drapeau car il ne s’agit pas d’un royaume mais d’une principauté, apanage de l’héritier du trône d’Angleterre, actuellement le Prince Charles, Prince de Galles, le titre de princesse étant vacant nonobstant le second mariage du prince. À la mort de Charles ou d’Élisabeth, selon celui de ces événements qui arrivera en premier, Harry sera Prince de Galles, et en attendant, il est Duc de Cambridge.

L’équipe d’Angleterre joue isolément car le Royaume-Uni n’a pas de fédération de rugby. L’Acte d’Union a ses limites. À la place, chaque royaume a sa propre fédération, reconnue par l’International Rugby Board, et sa propre équipe (l’Irlande du Nord est intégrée à l’équipe d’Irlande). Il en va de même au football, d’où le match d’ouverture Brésil Écosse lors de la coupe du monde 1998.

Le symbole du XV d’Angleterre est la rose rouge. RFUIl s’agit d’une allusion à la rose rouge des Lancastre, famille opposée à celle d’York au cours de la guerre des Rose (1455-1485), qui aboutit à la chute de la maison des Plantagenêts, dont Lancastre et York étaient deux branches, au profit de la maison des Tudor (qui n’étaient pas des meuniers contrairement à la chanson). Je ne crois pas que la fédération anglaise prête allégance à la maison des Lancastre cinq cent ans après la fin du conflit, mais le maillot de l’équipe d’Angleterre étant blanc (couleur royale, comme le maillot du Real Madrid, que je me devais de citer ayant mentionné le Barça afin d’éviter une autre guerre civile), une rose blanche ou la rose des Tudor (rouge et blanche pour marquer la réconcilation du royaume) serait peu visible sur le maillot.

L’Angleterre n’ayant pas d’hymne officiel propre, c’est bien le God Save The Queen qu’entonne le XV d’Angleterre, qui est pourtant l’hymne du Royaume-Uni. Une scène fort cocasse a lieu quand l’Angleterre joue contre l’Ecosse à Murrayfield, quand l’hymne (lui aussi non officiel) écossais, Flower Of Scotland, est entonné, car on voit la Princesse Anne, fille de la reine Elisabeth et Duchesse d’Edimbourg, chanter de bon cœur cet hymne nationaliste célébrant la victoire des Ecossais contre les Anglais à Bannockburn en 1314 (la bataille qui clôt le film Braveheart). Au  Royaume Uni, le pragmatisme est la vraie religion d’Etat.

Mais en réalité, le XV à la rose a un hymne non officiel, qui galvanise autant les Anglais qu’une Marseillaise fait oublier la fatigue aux Français. 
Le Swing Low, Sweet Chariot, la kryptonite universelle. 
Fichier audio intégré


Swing low, sweet chariot
Coming for to carry me home
Swing low, sweet chariot
Coming for to carry me home


L’histoire de cette chanson se confond avec l’histoire de notre vieille rivalité rugbystique qui nous oppose à nos cousins d’Outre-Manche. En fait, une vieille rivalité oppose l’Angleterre à un peu tout le monde, et c’est une des équipes les plus cordialement détestées, chacune de ses (trop rares) défaites étant savourée d’un hémisphère à l’autre, mais la France jouit d’une position de détestation cordiale privilégiée. Un adage écossais dit ainsi “I support two teams : Scotland and whoever is playing England” : je soutiens deux équipes : l’Écosse, et celle qui joue contre l’Angleterre.

Tout d’abord, l’Angleterre n’a accueilli la France dans le concert des nations rugbystiques qu’avec réticence en 1910. Le sport de l’aristocratie anglaise était en France pratiquée par les paysans rugueux du sud, et l’Anglais n’aimait guère se mélanger. Il faut dire qu’au début, la France a tout fait pour lui donner raison. En 1913, la foule envahit le terrain pour assommer l’arbitre de France-Ecosse. La France est exclue du tournoi, mais sauvée si j’ose dire par la première guerre mondiale qui suspend le tournoi, qui reprend en 1918 toutes rancoeurs oubliées au nom de la fraternité d’armes. En 1927, c’est la première victoire contre les Anglais (le pays de Galles résistera jusqu’en 1948). En 1931, la France est à nouveau exclue pour son comportement violent jusqu’en 1939. En fait, deuxième guerre mondiale oblige, la suspension durera jusqu’à la reprise du tournoi en 1947. En 1952, l’Angleterre accuse la France de professionnalisme des joueurs (ironie de l’histoire, l’Angleterre sera la première à passer au professionnalisme dans les années 90 : en Angleterre, le pragmatisme est religion d’Etat) et des joueurs français sont définitivement exclus de la sélection pour apaiser les Anglais. Voilà donc le terreau de la rivalité. La fleur éclora à la fin des années 80.

En 1988, le XV d’Angleterre était en train de traverser une des plus mauvaises passes de son histoire, battu notamment par la France plusieurs années de suite, y compris sur son sol sacré, à Twickenham. L’Angleterre jouait face à l’Irlande, et avait perdu 15 de ses 23 derniers matchs du Tournoi des Cinq Nations, tournoi qu’elle n’avait plus gagné depuis 1980. En deux ans et demi, les supporters de Twickenham n’avaient vu qu’un seul misérable essai marqué par les Anglais. A la mi temps, l’Irlande menait 3 à 0. Et puis comme cela arrive parfois au rugby, l’espoir changea de camp, le combat changea d’âme, et tout à coup, rien ne semblait plus pouvoir arrêter les Anglais, qui gagnèrent 35 à 3, dont trois essais marqués par Chris Oti, qui faisait ses débuts de jour là. Les collégiens d’une école bénédictine de Woolhampton qui assistaient au match entonnèrent alors un gospel en l’honneur d’Oti, Swing Low, Sweet Chariot, que la foule reprit en choeur.

Ce fut le signal d’une résurrection, et d’un nouvel âge d’or pour le XV à la rose, l’époque de Will Carling et Brian Moore, époque qui se construisit sur le dos de l’équipe de France. Pendant sept ans, nous ne gagnerons jamais, et toujours pour la même raison : être poussé à la faute par les Anglais, de préférence à 20 mètres en face de nos poteaux, ce qui donnait trois points aux Anglais, et faisait résonner le Swing Low. Le clou était enfoncé par Will Carling qui félicitait les Français vaincus d’un “Good game” dont l’évocation fait encore monter les larmes aux yeux des joueurs de l’époque. Il faudra des années pour que le XV de France vole aux Anglais leur sang froid, et il est encore fragile : la propension des Français à garder le ballon au sol, à le talonner à la main, quand ce n’est pas distribuer des baffes sous les yeux de l’arbitre est pudiquement appelée “le jeu latin” des Français. C’est la défaite assurée quand il pointe son vilain nez. 

Cette rivalité prendra fin brutalement, du jour au lendemain, lors de notre inoubliable victoire en petite finale de la coupe du Monde en 1995 (19 à 9), où enfin, la série noire prendra fin, et au plus beau moment, la Coupe du Monde. Les joueurs Français sont tous allés serrer la main de Will Carling abattu en lui disant un “Good game !” chantant avec l’accent du sud ouest. La partie s’est en réalité terminée le lendemain à l’aube, les joueurs des deux équipes s’étant donné rendez vous pour faire une fête de tous les diables jusqu’à l’aube, enterrant définitivement la hache de guerre. Cela sera aidé par le virage vers le professionnalisme, des Anglais venant jouer en France et des Français allant jouer en Angleterre (Sébastien Chabal a joué cinq ans dans le club de Sale, près de Manchester), ce qui comblera un peu le fossé d’incompréhension, les Anglais allant jusqu’à recruter un entraîneur français, Pierre Villepreux en 1995. Il fut naturellement tondu à son retour, rassurez-vous.

Cette époque a laissé une tradition, une rivalité qui fait que vaincre l’autre équipe est un plaisir sans nul pareil, mais la terrible tension 1988-1993 a disparu. On la rejoue pour s’amuser. Il n’empêche : piétiner les Anglais est toujours une coupe d’ambroisie. 

Et cette coupe du monde, alors ?

Malgré la joie d’affronter les Anglais, ce match promet peu. L’Angleterre s’est qualifiée aux forceps, tout comme la France. En outre un scandale touche plusieurs de ses joueurs qui sont accusés d’avoir voulu jouer au Directeur du FMI avec une femme de chambre. L’équipe de France ne va guère mieux, qui n’a d’équipe que le nom, car force es tde le constater : l’alchimie n’a pas pris. On a un groupe, pas une équipe, des joueurs talentueux individuellement mais qui ne se parlent pas sur le terrain, qui semblent n’avoir aucune vision du jeu, aucune stratégie de jeu servie par une tactique adéquate sur le terrain. C’est triste à dire, mais celle de ces deux équipes qui ira en demi finale aura volé sa place. Espérons quand même que ce sera la notre.

Nonobstant l’amertume qui m’étreint, je ne jetterai la pierre à personne. Marc Lièvremont a échoué, et sera remplacé après la coupe du monde par Philippe Saint-André, ce qui n’est pas le meilleur moyen de le motiver. On critique beaucoup le professionnalisme, mais les trois grandes équipes du Sud baignent dedans depuis 20 ans et savent jouer au rugby. Le moment le plus douloureux pour moi a été de voir Vincent Clerc intervenir en direct après France-Tonga pour débiter sans conviction un texte convenu selon lequel tout allait bien entre les joueurs et le staff. Je revoyais Ribéry en chaussettes et tongs sur la même chaine il y a un an (vision déjà douloureuse en soi) et ce déni de l’évidence n’est pas le signe d’une prise de conscience du problème.

Mais, comme je vous l’ai raconté, le XV de France a connu des longs hivers, mais toujours suivis de printemps. Je lui pardonnerai toujours tout.
Ceux d’entre vous qui le souhaitent pourront suivre mes commentaires éclairés (hum…) en direct sur Twitter, sur le compte spécial @EolasRugby.

Alors, plus que jamais…

ALLEZ LES BLEUS ! ! !

Mise à jour :
Je n’en reviens toujours pas. Non seulement on a battu les Anglais, mais avec l’art et la manière ; surtout en première mi-temps. L’alchimie a pris semble-t-il, en une semaine. Que c’est bon de se tromper.

Bon, le Pays de Galles est sacrément en forme, donc méfiance. Mais on est en demi-finale, avec deux défaites et 96 points encaissés en phase de poule, et quoiqu’il arrive, on a deux matchs à jouer. Ne boudons pas notre plaisir. Bravo les gars, et merci.

mardi 4 octobre 2011

La lutte contre la délinquance, en (soustr)action

Ci-dessous, une circulaire à diffusion restreinte (oups…) de la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale sur les orientations en matière de lutte contre la délinquance du 15 septembre 2011, révélée par le député Jean-jacques Urvoas. Outre son aspect involontairement comique quand on voit un général de gendarmerie parler comme un énarque, quelques commentaires s’imposent.

CIRC-GEND-MPP-93086

§2 Que diable vient faire dans ce paragraphe, mettant l’accent sur la nécessité de la lutte contre le trafic de stupéfiant, cause de beaucoup de délinquance satellite (notamment des vols et agressions pour financer une consommation coûteuse) l’instruction de lutter contre… l’immigration illégale ? D’où diable vient ce lien entre ces deux délinquances, qui sur le terrain n’est pas avérée : une activité de trafic nécessite une visibilité et une mobilité que n’ont pas les sans-papiers, qui craignent le moindre contrôle d’identité ; quant à la simple consommation, elle est très coûteuse alors que leur premier souci est généralement de financer leur famille, souvent restée au pays.

Je ne vois qu’une explication : il faut motiver les troupes. Les policiers et gendarmes ne cachent plus leur malaise voire leur ras le bol à faire la chasse aux clandestins, qui sont pour la plupart des pères de famille qui veulent offrir un avenir à leurs enfants, bref pas vraiment la définition du voyou. Débarquer dans des maisons à l’heure du petit déjeuner, ramasser des enfants en pyjama qui hurlent de terreur, leur laisser 5 minutes pour choisir les jouets qu’ils peuvent emporter, ben figurez-vous que ça les laisse mélancoliques. Alors on assimile les clandestins aux dealers, et hop, le tour est joué, on en a fait des méchants. Du moins on essaie d’y croire là-haut dans les étoiles.

§3 : Comment faire baisser les chiffres de la délinquance ? Thème récurent de cette circulaire. La méthode trouvée est géniale : refuser d’enregistrer les plaintes (ce qui est pourtant illégal). Plaintes pour violences ? Houlala, mais certains inventent pour être mieux remboursés d’un téléphone volé. Vérifiez les faits AVANT d’enregistrer la plainte, et dans le doute, n’enregistrez pas. C’est vrai qu’en n’enregistrant que les affaires déjà élucidées, on fait péter les stats. Les femmes battues apprécieront.

§4 : Là on bascule dans l’hallucinant. Même en présence de victimes avérées d’escroqueries sur internet, il faut dissuader le dépôt de plainte car les victimes peuvent se faire rembourser par leur banque. On ne va pas non plus s’embarrasser à rechercher les auteurs de l’escroquerie, ça pourrit les chiffres de la délinquance, et à l’approche d’une campagne électorale, ça relève de la Haute Trahison. Quand la politique sécuritaire aboutit à laisser les escrocs agir en toute impunité. Fabuleux, non ?

§5 : Encore une conséquence malheureuse de 10 ans de politique hystérico-judiciaire. Plus de peines, moins de moyens, et on se retrouve avec un stock de 80.000 peines de prison à faire exécuter, sans autre alternatives que l’incarcération. Sachant que le parc carcéral français a 56.150 places occupées par 64.584 personnes (non, il n’y a pas d’erreur de typo sur les chiffres), vous voyez dans quelle quadrature du cercle on se trouve. Mais pas de problème, la solution a été trouvée : le ministre de l’intérieur a écrit au Garde des Sceaux. On est sauvé.

§6 : Là, on touche à la poésie sur l’insuffisance des moyens : “Vous disposez, de manière insuffisante mais régulière, du renfort de forces mobiles”. L’insuffisance est régulière, et ça, c’est une bonne nouvelle.

§7 : Bon, on vous demande de faire tout et son contraire, mais on ne va pas s’arrêter là : en plus, il faut que vous soyez sur le terrain, “visibles” pour dissuader, mais, en vocabulaire technique de statistique, occupés à rien foutre. En échange, une contrepartie : “la suppression des charges indues”. Comme tenir les stats pour le ministère ? Ah ! Ah ! Je plaisante. Non, ce sera plutôt l’escorte des détenus pour être jugés, tiens, une tâche bien moins utile.

Enfin, la dernière phrase de la circulaire sonne curieusement à mes oreilles comme un appel à l’aide.

Cette circulaire m’a éclairé sur un comportement étrange auquel j’ai assisté récemment dans les commissariats parisiens, et qui semble révéler que la Police nationale a reçu des instructions similaires : à deux reprises, j’ai constaté la présence derrière le bureau d’accueil d’un commissariat (bureau occupé par un personnel civil) d’un gardien de la paix, dont la seule mission semblait être de dissuader des particuliers venus porter plainte, y compris quand l’objet de la plainte était une infraction avérée. Je l’ai vu ainsi pour une femme disant que son ex-époux n’avait pas ramené les enfants chez elle la veille (“allez voir le juge aux affaires familiales pour faire supprimer son droit de visite”) alors que c’est un délit de non représentation d’enfant (art. 227-5 du Code pénal), ou un homme venu se plaindre que l’acquéreur de sa voiture n’avait pas fait changer la carte grise, ce qui faisait qu’il recevait les avis de contravention à son nom (“écrivez à la préfecture pour qu’il annulent la contravention”), alors que c’est une contravention de 4e classe (art. R.322-5 du Code de la route).

En tout cas, voilà une bonne nouvelle : dans les mois qui viennent, les chiffres de la délinquance vont baisser.

Attention, hein. J’ai bien dit les chiffres, pas la délinquance.

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