Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mai 2013

vendredi 24 mai 2013

A

Il y a une vie au Palais, à côté des audiences et des diverses démarches. Je vous entretiens régulièrement sur ce blog des Conférences Berryer, ce moment de détente où nul ne se prend au sérieux et où les convenances sont reléguées au Dépôt.UJA

Il y a une autre tradition, qui est la lointaine héritière des désordres de la Basoche, la revue de l’UJA. L’UJA, Union des Jeunes Avocats, est une association créée au lendemain de la première guerre mondiale, pour défendre les intérêts des jeunes avocats (jeune s’entendant je crois jusqu’à 42 ans) qui, de retour des tranchées, ont eu les plus grandes difficultés à reprendre leur état, les anciens, trop vieux pour défendre la patrie, leur ayant pris leur pratique et n’ayant guère envie de leur rendre, nonobstant leur gratitude pour avoir versé leur sang dans les tranchées. En toute confraternité.

L’UJA a donc une longue tradition d’agitateurs. Il n’y a qu’à voir comme elle énerve, vous allez voir dans les commentaires. En laissant de côté l’aspect politique de l’association, celle-ci monte chaque année une revue, donnée sur scène, où elle moque les politiques, les magistrats, les bâtonniers, les avocats, en commençant par eux-même. Cela reste un spectacle amateur, mais le talent est là, et il y a des sketchs ou des chansons dont je ris encore dix ans après les avoir vu (qui n’a pas vu Frédéric Bibal imiter Raymond Devos n’a rien vu).

Tout cela pour vous dire que la revue revient, avec cette année un titre minimaliste, “A”, sous-titrée “un spectacle avec des avocats”. Elle sera donnée au théâtre Dejazet du 11 au 14 juin à 20h30, réservations ici, de 26,50€ à 44,50€. tarif réduit pour les adhérents de l’UJA, les élèves-avocats, les chômeurs et les groupes à partir de 6, appeler directement le théâtre.

Allez-y, pour vous souvenir que notre profession n’est pas un gigantesque asile d’aliénés. Ou du moins pas que ça.

Vous me trouverez à la buvette.

jeudi 16 mai 2013

Avis de Berryer : Francis Lalanne II : la mission

Chers lecteurs, et surtout chères lectrices, mon confrère Thomas Klotz, Quatrième secrétaire de la Conférence, vous parle :

“Peuple de Berryer,

Nous aurons l’honneur de recevoir le jeudi 30 mai 2013 à 21h, en Salle des criées, Monsieur Francis Lalanne, auteur, compositeur, interprète.

Les sujets proposés aux valeureux candidats sont les suivants :

  1. Faut-il tisser Lalanne ou faire des ronds de cuir ?
  2. Sommes-nous tous programmés sur son grand ordinateur ?

Le portrait approximatif sera dressé par Monsieur Xavier Nogueras, 11ème Secrétaire.

Comme toujours, l’entrée est libre, sans réservation possible. Pour avoir une place assise, il est recommandé d’arriver avant 19h.

Toute personne (avocat ou non) peut assister à la Conférence Berryer.

Les candidats (avocats ou non), et non les spectateurs, sont invités à s’inscrire auprès de Thomas Klotz, 4ème Secrétaire, par simple e-mail : contact@thomasklotz.com

J’ajoute que Monsieur Lalanne fut déjà invité en 2009 et il fut fort bon dans cet exercice, dont voici un extrait, à la qualité sonore hélas médiocre.

Qu’on se le dise !

lundi 13 mai 2013

De l'absurde jusqu'au droit

Georges Moreas, commissaire de police honoraire et blogueur, écrit son amertume face aux développements en cours dans une dramatique affaire et illustre l’incompréhension encore bien présente chez des policiers sur les conséquences de la réforme de la garde à vue en particulier, et sur les droits de la défense en général.

Cent fois sur le métier remettons notre ouvrage. L’essentiel n’est jamais assez expliqué, et il y a assez de personnes intéressées par la récupération de l’émotion que ce type d’affaires peut causer (le commissaire Moreas n’en fait pas partie, sa bonne foi et sa sincérité sont au-delà du moindre doute, et je ne dis pas ça parce que c’est un excellent tireur) pour que je me fasse un devoir de leur compliquer la vie.

De quoi s’agit-il ?

À Montpellier, la nuit de la Saint-Sylvestre 2010 (donc du 31 décembre 2010 au 1er janvier 2011), une jeune fille de 17 ans se rend à une fête chez des amis de son âge. Ils sont une vingtaine. À l’aube, elle s’éclipse avec un jeune homme de 24 ans rencontré à cette fête. On ne la reverra jamais vivante.

Ses parents, inquiets de ne pas avoir de nouvelles, la cherchent, téléphonent à ses amis et finissent par joindre ce jeune homme, qui dira l’avoir laissée vers 6-7h du matin. La gendarmerie est prévenue, et le père de la jeune fille va à la brigade territoriale avec ce jeune homme pour que sa déposition soit enregistrée. Au moment de signer le PV, il retire le gant qu’il portait et les gendarmes remarquent des traces des griffure et d’ecchymoses sur sa main. Il est pressé de questions par les enquêteurs et finit par s’effondrer en disant “je vais aller en prison, je vais aller en prison”. Il est alors placé en garde à vue, il est 22h45. Ses droits lui sont notifiés, mais à l’ancienne : pas de droit au silence notifié, droit à un simple entretien de 30 mn avec un avocat, qui ne l’assistera pas pendant les interrogatoires et n’aura pas accès au dossier. Il demande un avocat, le barreau en commet un d’office. Mais le jeune homme dit que lorsqu’il a laissé la jeune fille, elle était encore en vie, et est d’accord pour conduire les enquêteurs à l’endroit où il l’a laissée. Vu l’urgence, l’OPJ prévient l’avocat qu’il y a un transport sur place, et que l’entretien est repoussé. Les gendarmes arrivent sur les lieux à 00h35, et découvrent la jeune fille morte. Le procureur de la République, tenu informé des faits conformément à la loi, décide de confier la suite de l’enquête à un service de police judiciaire spécialisé dans les dossiers criminels, qui récupère le dossier et le gardé à vue vers 1h du matin. Le suspect rencontre son avocat pendant 25 mn, et est entendu pour la première fois sur les faits après cet entretien. Et passerait à cette occasion des aveux complets. Ces aveux sont corroborés par des éléments matériels relevés sur les lieux du crime : les traces de lutte relevées sur sa main, sa gourmette, portant son prénom, arrachée par la victime se débattant et retrouvée sur les lieux, des vêtements tachés du sang de la victime retrouvés chez le suspect, et des traces de son sperme retrouvées sur la victime.

Le grain de sable

Le dossier de l’accusation va cependant recevoir un coup quand la défense obtiendra l’annulation de l’interrogatoire du suspect, car il ne s’est pas vu notifier son droit au silence et n’a pu sans raison valable bénéficier de l’assistance d’un avocat tout au long de sa garde à vue. Depuis, interrogé à nouveau, le suspect affirme ne plus se souvenir de rien. Le commissaire Moreas ne digère pas. En effet, explique-t-il, les faits ont eu lieu le 1er janvier 2011, et la loi sur la garde à vue a changé le 15 avril 2011. Comment diable peut-on reprocher aux policiers de ne pas avoir appliqué une loi votée des mois plus tard et mettre ainsi en péril la procédure ? On devine également l’incompréhension de la famille de la victime, et l’angoisse qui peut la saisir à l’idée que celui qui selon toute vraisemblance serait celui qui a tué leur fille dans des conditions sordides puisse échapper à la justice.

Et là je dis : on se calme.

On se calme

Revoyons ce qui s’est passé sous l’angle du droit avant de voir quelles sont les conséquences exactes de ce qui s’est passé.

Tout d’abord, l’argument de la pseudo-rétroactivité de la loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue est erroné.

La réforme de la garde à vue est née de l’application de la Convention européenne des droits de l’homme, de son vrai nom Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CSDH), de son article 6 exactement. Cette convention date du 4 novembre 1950, soit 61 ans avant les faits. Elle a été ratifiée par la France en 1974 et est entrée en vigueur dans notre pays des droits de l’homme le 3 mai 1974. Ce n’est qu’en octobre 1981 que les citoyens ont été autorisés à saisir à titre individuel la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour faire juger que la France a bafoué un des droits reconnus par cette convention. On ne peut pas dire qu’on ait fait preuve de précipitation dans cette affaire.

S’agissant de la réforme de la garde à vue, la CEDH a exigé que l’avocat assiste les personnes en garde à vue dès le début des années 1990. La France a feint de ne pas comprendre et a limité cette intervention à un entretien de 30 mn sans assistance ni accès au dossier (loi du 4 janvier 1993) repoussé à la 21e heure 8 mois plus tard à l’occasion d’un changement de majorité (loi du 24 août 1993) et ramené à la première heure par la loi du 15 juin 2000.

Le 27 novembre 2008, la Cour rend un arrêt Salduz c. Turquie posant qu’une personne en garde à vue doit pouvoir être assistée d’un avocat et qu’à défaut, ses propos ne peuvent être retenus comme preuve. Un certain doute a pu planer sur le sens de cet arrêt, du fait que l’intéressé était mineur, qu’il s’agissait de terrorisme, et que la loi turque excluait toute présence de l’avocat. Mais le 13 octobre 2009, toute ambigüité est levée dans l’arrêt Dayanan c. Turquie :

un accusé doit, dès qu’il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu’il subit (pour les textes de droit international pertinents en la matière, voir Salduz, précité, §§ 37-44). En effet, l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer. (§32)

Dès lors, il était évident que la garde à vue à la française ne convenait plus. Certains magistrats en ont tiré les conséquences qui s’imposaient, d’ailleurs.

Mais la France va s’obstiner dans le déni, le garde des Sceaux d’alors affirmant sans rire que les arrêts Salduz et Dayanan ne s’appliquaient qu’à la Turquie, et que le droit français était parfaitement conforme. Voilà la faute, voilà le péché originel. Le déni de réalité. Car les avocats français n’ont pas accepté ce mensonge, et ce fut d’abord la QPC du 30 juillet 2010 qui constatait l’inconstitutionnalité de la garde à vue mais en repoussait les effets (les droits de l’homme à retardement, on aura tout vu), puis l’arrêt Brusco c. France le 14 octobre 2010, disant clairement ce que tout le monde savait déjà : la garde à vue française violait la CEDH, donc était illégale aujourd’hui, pas dans un an.

Donc voici le premier point essentiel : deux mois avant le meurtre de cette jeune fille, on savait que notre procédure était illégale comme contraire à un instrument international supérieur à la loi et d’applicabilité directe. Et pourtant, en connaissance de cause, on a continué à l’appliquer. Notamment au meurtrier présumé de cette jeune fille. Alors à qui la faute ? Faut-il blâmer l’avocat de ce jeune homme d’avoir fait son travail et d’avoir obligé la justice à respecter la loi et à sanctionner une violation des droits de l’homme ? Faut-il qualifier cette démarche de juridisme absurde ? Non, et même la chambre criminelle de la Cour de cassation, que l’on ne peut soupçonner de soutenir à l’excès les droits de la défense, n’a pu que constater cette évidence, et que la loi du 14 avril 2011 n’est intervenue que bien trop tard, à cause de l’aveuglement de l’exécutif.

Et j’ajoute qu’à ce jour, nous ne sommes toujours pas en conformité, du fait du refus, absurde, lui, de donner accès au dossier à l’avocat, entravant ainsi le libre exercice de la défense. C’est à dire qu’en connaissance de cause, la France refuse d’appliquer la CSDH, après s’être pourtant déjà pris les pieds dans le tapis, faisant à nouveau encourir le risque de ce type de déconvenues dans des affaires criminelles qui ont lieu aujourd’hui. Ne venez pas pas geindre sur la rétroactivité de la loi. La violation de la CSDH a lieu en ce moment même, même si la sanction tombera dans un, deux, ou cinq ans.

L’absurde serait d’ignorer le droit

La sanction est simple : les déclarations incriminantes reçues en violation de la CSDH sont nulles. Elles sont cancellées, retirées de la procédure, ainsi que toute pièce s’y référant ou dont elles étaient le soutien nécessaire. Mais rien de plus, le reste du dossier demeure intact.

Pourquoi cette sanction ? La raison la plus communément donnée est la plus fausse. Il s’agirait de dissuader la police de violer la loi. Il n’en est rien.

D’abord parce que, reconnaissons-lui ceci, la police n’a pas besoin de menaces pour respecter la loi. La police est un corps hiérarchisé et obéissant à l’autorité, et les circulaires qu’elle reçoit sur comment appliquer la loi sont reçues avec plus de dévotion que Moïse recevant les Dix commandements sur le Sinaï.

Ensuite parce que dans les cas où la police violerait la loi par erreur, la loi prévoit la sanction sous forme de la nullité de l’acte illégal, et que cette nullité est entourée de mille et un obstacles procéduraux qui font qu’un acte parfaitement illégal peut être parfaitement admissible en justice : citons notamment la forclusion qui intervient 6 mois après chaque interrogatoire en cas d’instruction judiciaire ou dès qu’une défense au fond est présentée devant le tribunal, et l’exigence d’un grief, c’est-à-dire que si le juge estime que cette illégalité n’a pas porté atteinte aux intérêts du prévenu, celui-ci n’a pas le droit de la soulever. C’est pour ça que seule une infime partie des gardes à vue antérieures au 14 avril 2011 a été annulée, quand bien même elles étaient toutes illégales. La France s’est faite une spécialité de simuler le respect des droits de la défense. Dans les faits, soyez tranquilles, la balance est nettement du côté de la répression.

Enfin, parce qu’un policier qui enfreindrait une règle procédurale ne risque rien à titre personnel. Il n’y a pas de remontée des nullités au niveau de la notation ou de retrait de l’habilitation d’officier de police judiciaire. Et c’est heureux.

Si les domaines du légal et de l’illégal sont à peu près clairs, il y a une zone d’incertitude entre les deux, due aux fluctuations de la jurisprudence et à l’appréciation du juge (et un peu aussi au talent de l’avocat). Si le policier risquait une sanction, il n’oserait pas s’approcher de cette zone, et renoncerait à des actes d’enquêtes qui pourtant seraient légaux et pourraient faire aboutir l’enquête mais en cas d’erreur d’appréciation pourrait pourrir sa carrière et sa vie. Le choix qui est fait est de laisser la bride sur le cou au directeur d’enquête, et simplement d’annuler a posteriori les actes étant allés trop loin, et encore si quelqu’un pense à le demander dans les délais, sinon, le juge ne voudra même pas en entendre parler et sera bien content de sa surdité.

De la quasi nullité des conséquences de la nullité

La jurisprudence veille scrupuleusement à limiter les effets des nullités au strict minimum, et de fait, elles n’ont en pratique d’effets que quand elles entrainent le non-respect d’un délai. En dehors de ces cas, l’appréciation du juge peut se faire sur les autres éléments, et curieusement, ils ont tendance à être toujours suffisants pour emporter sa conviction, malgré la disparition des aveux.

Devant le tribunal correctionnel, cela touche au sublime. Supposons que je sois dans un dossier similaire, mais délictuel : mon client a agressé sexuellement une jeune fille et l’a frappée, mais elle a survécu. Je constate que mon client ne s’est pas vu notifier son droit au silence, n’a pas pu bénéficier de l’accès à un avocat qui lui-même n’a pas eu accès au dossier. Je demande la nullité du procès verbal où mon client a avoué. Je vais donc plaider devant le tribunal la nullité d’un PV où mon client a avoué les faits en détail. Donc attirer l’attention des juges sur ces aveux.

Or le Code de procédure pénale oblige le tribunal à joindre l’incident au fond, c’est à dire à statuer sur ma nullité et la culpabilité par un jugement unique. En attendant, le PV reste au dossier. Mon client va donc être confronté à ses déclarations, et on va lui demander s’il les maintient, ou si le tribunal est un peu plus malin, il va directement lui demander de raconter à nouveau ce qui s’est passé, sachant du point de vue du prévenu que ce qu’il a dit figure déjà au dossier et y restera peut-être après le jugement, ce qui rendrait inutiles ses dénégations et aggraverait son cas. Puis en revenant de délibérer, le tribunal pourra constater qu’en effet, ces aveux étaient nuls, mais que puisque le prévenu a reconnu à l’audience qu’il était l’auteur des faits, le condamnera comme si de rien n’était. Voilà comment en France on respecte les droits de la défense, et tout le monde trouve ça normal, sauf les avocats, mais vous nous connaissez, nous sommes des bobos droitdelhommiste, car dans notre pays, on a fait des mots droits de l’homme une insulte.

Revenons-en à notre affaire qui chiffonne notre policier émérite. La cour d’appel a annulé le procès verbal des aveux. Bien fait, on a vu pourquoi. Et que s’est-il passé d’autre ?

Rien.

Les preuves matérielles (sang, sperme, constations médicales, gourmette) et les premières déclarations spontanées (“je vais aller en prison, je vais aller en prison”) faites à un moment où rien ne justifiait le placement en garde à vue, de même que le fait qu’il ait conduit les enquêteurs sur les lieux où le corps a été découvert, tout cela fait encore partie du dossier.

Le mis en examen est toujours mis en examen et détenu, et a fait l’objet d’une ordonnance de mise en accusation le renvoyant devant les assises. Sa défense a fait appel de cette ordonnance, ce qui est quasi systématique, et estime que la nullité de ces aveux devrait entrainer une requalification en délit. La cour devrait statuer le 18 mai, si j’ai bien suivi. Sans sous-estimer le talent de mon excellent confrère en charge des intérêts du mis en examen, ses chances de succès sont quasi-nulles. Tout simplement parce que la cour dira que la défense peut plaider la requalification des faits devant la cour d’assises, qui est compétente pour cela, et qu’à ce stade, la seule question qui se pose est : y a-t-il des charges suffisantes pour accuser le mis en examen d’avoir commis le crime de viol suivi de mort ? Je prends les paris.

Rappelez-vous l’affaire Jérémy Censier. Là aussi, les aveux de son meurtrier ont été annulés. Cela n’a pas empêché son procès de se tenir, et ce jeune homme, qui désormais niait les faits, d’être condamné pour meurtre (il n’a pas souhaité faire appel).

On ne peut que regretter avec les familles que ces recours, qui sont légitimes et participent de la défense, soient si longs à traiter. La lenteur de la justice n’est pas due à sa complexité (vous avez vu qu’en l’espèce, c’est plutôt simple : à tous les coups la défense perd) ou à la paresse des juges mais à l’insuffisance endémique de ses moyens. La famille de la victime a attendu un an ce qui aurait pu être jugé en 2 ou 3 mois, uniquement parce que leur dossier faisait la queue avec les autres sur les étagères de la chambre de l’instruction. Là, nous serons d’accord pour dire que tolérer cette situation comme l’État le fait depuis des décennies relève bel et bien de l’absurde.

samedi 11 mai 2013

Du mariage pour tous (3e partie) : après la bataille

La modération est fatale. Rien ne réussit comme l’excès.
Oscar Wilde


Troisième et avant-dernier billet de ma trilogie en quatre billets sur le mariage pour tous, officiellement connu sous le nom de mariage entre personnes de même sexe. Un dernier volet sera consacré à la décision à venir du Conseil constitutionnel.

Des raisons professionnelles m’ont empêché de consacrer à mon blog le temps nécessaire pour le nourrir, d’où un long silence, qui aura au moins la vertu d’avoir laissé du temps au temps, au tumulte de s’apaiser, et à présent que le texte définitif a été adopté, de nous pencher sur la version finale de cette loi, pour répondre aux arguments des opposants.

Oh, je ne me fais guère d’illusion. Débat il y a eu, nul ne peut honnêtement dire le contraire, mais triste et pauvre débat, où les anathèmes, les slogans et surtout la Communication ont remplacé la Raison et les arguments. Michel Serres a raison de dire que le débat démocratique est stérile par nature. Soit la question est simple et clivante, comme celle-ci, et le débat vire au pugilat, ou elle est complexe et le débat meurt d’ennui.

Heureusement, il reste les blogs, où les deux camps sont réconciliés : on peut y avoir des débats sur des sujets ennuyeux virant au pugilat.

La loi à venir sera donc connue comme la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Voici son texte définitif tel qu’il est soumis au Conseil constitutionnel. Elle devrait passer la rue de Montpensier sans subir trop d’outrages. Nous y reviendrons le moment venu.

Que dit la loi ?

Pour l’essentiel, cette loi pose clairement que la différence de sexe n’est plus une condition pour se marier, et en tire les conséquences en neutralisant grammaticalement les articles du Code civil qui étaient rédigés en impliquant nécessairement la différence de sexe des époux.

Elle précise que les mariages homosexuels conclus à l’étranger seront reconnus en France, même ceux passés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi et que les Français domiciliés à l’étranger pourront épouser quelqu’un de leur sexe soit au consulat soit, si ce n’est pas possible, en France, dans la commune de leur choix.

Aussi surprenant que cela puisse paraître au regard des prises de position des opposants à ce texte, la loi est muette sur la filiation et quasi muette sur l’adoption (elle ne modifie que quelques règles d’attribution du nom de famille et ouvre un nouveau cas d’adoption par le conjoint, l’adoption simple de l’enfant adoptif par adoption plénière, cas qui profitera aussi aux couples de sexe différent). Le reste n’est que des disposition dites de coordination, c’est à dire la mise en conformité de textes que les modifications apportées par la loi priveraient de sens s’ils étaient laissés en l’état. C’est que, comme je l’avais déjà expliqué dans un précédent billet, l’adoption par un célibataire était déjà ouverte aux homosexuels, seule l’adoption par un couple étant réservé aux couples mariés. Le fait de permettre à deux personnes de même sexe de se marier leur permet automatiquement d’adopter ensemble, sans qu’il y ait quoi que ce soit à changer à la loi.

Voilà pour l’essentiel. Ajoutons qu’au titre des droits créés, elle permet désormais à un salarié homosexuel de refuser sans sanction une mutation dans un pays où l’homosexualité est un crime, pour l’anecdote. Difficile d’y voir la fin de la civilisation française, me direz-vous. Mais c’est parce que les arguments essentiels des opposants à cette loi se trouvaient dans ce qu’elle ne disait pas, mais impliquait selon eux. Soit. Allons donc dans les terres du non-dit et voyons ce qu’il en est.

Que ne dit pas cette loi ?

Je ne pense pas trahir la pensée des opposants à ce projet de loi en disant que leur rejet de cette loi se cristallise autour de trois points : la famille, par le changement qu’elle apporte au mariage, la parentalité, puisqu’elle va institutionnaliser le fait que deux hommes ou deux femmes puissent avoir un lien en commun avec un enfant, et la bioéthique, car cette loi impliquerait nécessairement des changements dans le domaine de la procréation médicalement assistée (PMA) et de la Gestation Pour Autrui (GPA). Tous les arguments soulevés par les opposants se rattachent à une de ces trois catégories.

Pour résumer, première catégorie : cette loi en changeant la définition du mariage changerait la nature de cette pierre angulaire de la famille, ce qui aurait des conséquences aussi graves qu’imprécisément exprimées. Deuxième catégorie : cette loi nierait la filiation père-mère dont nous sommes tous issus, brouillant ainsi les repères ; elle priverait les enfants du droit à avoir une père et une mère, en ce qu’elle permettrait que des enfants soient adoptés par deux hommes ou par deux femmes, les privant d’un référant de l’un ou l’autre sexe, ce qui nuirait immanquablement à leur développement harmonieux, l’explication de ce sacrifice de l’intérêt de l’enfant au profit de la satisfaction du désir d’un couple homosexuel étant la manifestation de l’apparition d’un droit à l’enfant. Enfin, et c’est l’argument le plus juridique, cette loi voulue au nom de l’égalité impliquerait nécessairement, au nom de cette même égalité, de permettre à un couple de personnes de même sexe d’enfanter, ce qui signifie devoir permettre la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes, et, une inégalité apparaissant du coup avec les couples d’hommes, il n’y aurait d’autre choix que de légaliser la gestation pour autrui (GPA), seul le statu quo ante de l’interdiction du mariage homosexuel pouvant maintenir fermée cette boite de Pandore.

Encore une fois, je ne prétends pas à l’exhaustivité de l’argumentation des nombreux et très actifs opposants à cette loi. Je me concentre sur le cœur de leur argumentation, celui qui est partagé par tous (le rejet assumé des homosexuels est un exemple d’argument qui n’est pas partagé par tous les opposants, et je le compterai pour rien, même si le déni qui est apparu autour de la réalité de ce rejet chez bien des opposants est assez spectaculaire).

J’ai ici une bonne nouvelle pour les adversaires de cette loi, qui aura le mérite de les consoler de son adoption et de sa prochaine entrée en vigueur : aucun de ces arguments ne tient.

La fin du mariage tel que nous l’avons connu

Je ne m’attarderai pas sur la réfutation de cet argument, qui a déjà fait l’objet de mes deux premiers billets. Le mariage est inchangé par cette loi, hormis les articles qui, d’après la Cour de cassation, impliquaient implicitement mais nécessairement la disparité des sexes. Rappelons que jamais un texte n’a expressément interdit le mariage entre deux personnes de même sexe. Même la définition coutumière de l’Ancien Droit, repris dans les Institutes de Loysel, qui pose la définition du mariage apparent, ignore cette condition : « Boire, manger, et coucher ensemble c’est mariage ce me semble ». Déjà au XVIIe siècle, la précision de la différence de sexe était superflue.

Le Code civil a une liste de cas où le mariage est prohibé : il s’agit du trop jeune âge, de l’existence d’un précédent mariage non dissous, et de la proche parenté. Les trois prohibitions traditionnelles du mariage de l’impubère, de la polygamie et de l’inceste. La loi nouvelle n’a pas eu besoin de les modifier. Elle ne lève pas une interdiction, elle lève une ambiguité. Que mes lecteurs qui, comme moi, sont mariés se rassurent : rien, absolument rien ne changera à leur situation et à leurs droits. Le mariage civil reste l’union de deux êtres qui décident de lier intimement leurs destins, de s’engager respectivement à s’assister, se secourir, et s’être fidèles, et à régler le sort de leurs biens futurs. Le mariage religieux n’est pas touché par cette loi, puisque la laïcité interdit d’intervenir dans des règles théologiques. Quant au fait pour un adversaire de cette réforme de mal vivre le fait de s’inscrire dans une institution désormais ouverte aux homosexuels, je ne puis répondre que deux choses : primo, apprenez à vivre avec, on ne va pas interdire à des gens de se marier parce que cela vous pose un problème ; secundo : arrêtez de dire que vous n’êtes pas homophobe.

La parentalité, ou : un papa, une maman, oui je parle comme un enfant

La filiation, qui est le lien de droit unissant un être humain à ses deux géniteurs, est absolument inchangée par cette loi, et pour cause. La loi humaine peut beaucoup, mais elle est incapable de renverser celles de la génétique : à l’heure où j’écris ces lignes, pour engendrer un être humain, il faut un homme et surtout une femme. L’enfant ne naît pas du mariage (plus d’un primogène sur deux naît hors mariage en France), il ne naît pas de l’amour (l’espèce humaine aurait disparu depuis longtemps si cette condition était nécessaire), il naît de l’accouplement, de la rencontre de deux gamètes, un mâle et un femelle, le tout aboutissant dans un environnement favorable au développement de l’embryon, à savoir un utérus. Le taux d’être humain né ainsi est de l’ordre de 100%, il n’y a qu’un cas documenté faisant exception à cette règle, mais la fiabilité de cette documentation est sujette à controverse.

La loi dont il s’agit ici ne change rien à cette situation, qui ne relève pas du droit mais du fait. Le voudrait-elle qu’elle ne le pourrait point, mais ça tombe bien, elle n’en avait pas l’intention.

Le Code civil fixe les règles permettant d’établir le lien de filiation avec le père et la mère, car ce lien entraîne des conséquences juridiques très importantes : la filiation engendre l’autorité parentale, les obligations réciproques des parents et des enfants, et fait de l’enfant le continuateur juridique de la personne de son auteur (c’est le terme juridique qui désigne les père et mère biologiques) puisqu’il a vocation à recueillir la succession (notez le terme succession, qui indique bien que cela s’inscrit dans le cycle des générations) de celui-ci.

Pour faire bref, il ne peut y avoir simultanément que deux liens de filiation : un maternel et un paternel. Dans le cas d’un couple marié, l’établissement de ce lien est très simple et se fait sans intervention des parents : la mention du nom de la mère dans l’acte de naissance établit ce lien, et le mari est présumé être le père : sa paternité est établie par cette présomption. Dans le cas d’un couple non marié, la règle change pour le père (pas pour la mère) : il doit reconnaître sa paternité, ou à défaut la mère peut la faire établir en justice, afin de le contraindre à assumer financièrement la charge de son enfant, et à permettre à celui-ci d’hériter le moment venu.

Et la loi sur le mariage pour tous ne change rien à ces règles, même mon ami Koztoujours, opposant à cette loi, est obligé d’en convenir, même si par coquetterie il feint de soutenir le contraire.

Donc rassurez-vous, chers opposants à cette loi : un enfant restera conçu par un homme et une femme. Mais cela ne veut pas dire qu’il a forcément “un papa et une maman”, pour reprendre le registre de vocabulaire régressif adopté dans les manifestations et encore moins qu’il aurait « droit à un père et une mère ». Ce droit n’a jamais existé que dans votre imagination.

Et l’article 7 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) ? Ce traité international, ratifié par la France, ne proclame-t-il pas le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ? Non. Il proclame, voici l’article 7 en entier, c’est moi qui graisse : L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux.

« Dans la mesure du possible ». Ces cinq mots renferment la clé de beaucoup de choses dans cette controverse. Car dans la mesure du possible, un enfant sera toujours élevé par ses parents. C’est quand ce n’est pas possible, et malheureusement c’est souvent le cas, que des solutions alternatives sont envisagées.

Paternité biologique, paternité sociologique

La rencontre d’un homme et d’une femme n’est nécessaire qu’au stade de la conception. Le géniteur, ou la génitrice, peut ne pas avoir la vocation d’être père ou mère, ou pour le premier ignorer qu’il a conçu un enfant ou décéder avant la naissance. Et même si cet auteur défaillant peut être contraint à assumer ses obligations envers cet enfant, rien ne peut l’obliger à l’aimer, à le recevoir, à s’en occuper. Et face à ce parent absent, un autre peut apparaître et prendre sa place, c’est le beau-père ou la belle-mère, terme impropre car il désigne en fait le père ou la mère du conjoint ; en français, le nouveau compagnon de la mère s’appelle le parâtre, et la compagne du père, la marâtre. Hélas, les contes de fée ont eu raison de ces jolis mots qui ont pris un sens trop péjoratif pour être revendiqué.

L’augmentation considérable du nombre de familles recomposées (elles ont toujours existé : Blanche Neige et Cendrillon ont grandi dans une famille recomposée) a conduit les sociologues à distinguer entre deux paternités : la paternité biologique, qui se limite à la transmission du patrimoine génétique mais suffit à fonder le lien juridique de filiation (le juriste est féru de certitude plus que d’amour), et la paternité sociologique, qui est le comportement de celui qui n’est pas le père ou la mère mais se comporte comme tel. C’est celui qui est présent et aide l’enfant à se construire en le bordant le soir et en lui racontant une histoire, en le consolant quand il a du chagrin, en lui apprenant à faire du vélo sans les roulettes ou à contrer un rush Zerg. À tel point que l’enfant peut finir par considérer ce parâtre ou cette marâtre comme son véritable parent, jusqu’à vouloir en prendre le nom, ce qui est impossible. Cet état de fait est sociologiquement admis, et même approuvé, et la loi a ouvert certains droits au parent sociologique en cas de séparation d’avec le parent biologique pour lui permettre de maintenir des liens affectifs avec cet enfant qui n’est pas le sien : c’est lui le tiers visé par l’article 371-4 du code civil. Notons que cet enfant a pourtant affectivement deux pères et une mère ou deux mères et un père, qui peuvent avoir des droits sur lui, et personne n’enfile de sweat-shirt à capuche rose pour autant. À croire que le problème se pose uniquement en présence d’homosexuels. Mais ce n’est qu’une impression trompeuse, puisque les opposants se défendent d’être homophobes, et qui suis-je pour les contredire ?

Le problème serait en fait, m’expliquent les opposants, l’identité des sexes sous le même toit, ce qui ne concerne exclusivement les homosexuels que par une coïncidence cocasse. Admettons la coïncidence, mais passons l’argument au crible de la Raison.

L’adoption par un couple homosexuel

La réforme funeste serait donc de permettre à deux personnes de même sexe d’adopter un enfant.

Rappelons que juridiquement, rien n’interdit à un homosexuel d’adopter, surtout depuis que la France a cessé (ou est censée avoir cessé) sa politique de discrimination systématique, même si ce ne fut pas facile. Le problème se pose pour l’adoption dans le cadre d’un couple homosexuel. L’impossibilité est incidente : elle est due au fait que la loi ne permet l’adoption par un couple que si celui-ci est marié. Cet obstacle va être levé, et deux hommes ou deux femmes mariés ensemble vont pouvoir avoir adopter un enfant, ou, ce qui sera l’hypothèse la plus fréquente, l’époux pourra adopter l’enfant de son conjoint sans que celui-ci se voit dépouiller de son autorité parentale. À suivre les débats parlementaires, qui furent de haute volée, cette perspective a profondément troublé l’opposition à ce texte.

Je ne reviendrai pas sur l’adoption, déjà abordée dans le billet précédent, sauf sur un point qui était erroné (j’ai rectifié mon billet). Rappelons que l’adoption peut prendre deux formes : l’adoption simple, la seule prévue par le Code civil de 1804, et la plénière, créée par une loi de 1966 qui brise le lien de filiation existant et y substitue définitivement un lien de filiation adoptive fictif. Contrairement à ce que j’écrivais dans mon précédent billet, l’acte de naissance original de l’enfant est cancellé et un nouveau est inscrit dans les registres de l’état civil. Rien dans les copies intégrales qui en sont délivrées ne mentionne son caractère fictif, seuls l’officier d’état civil et le procureur de la République, en charge de la surveillance de la tenue de ces registres et y ayant donc un accès direct, peuvent le savoir mais ils sont tous deux tenus au secret.

L’adoption simple ne pose pas de problème, en vérité. Elle crée un lien entre l’adoptant et l’adopté tout en laissant subsister sa filiation biologique avec ses deux parents. Toutefois, ces parents biologiques sont dépossédés de l’autorité parentale qui est transférée à l’adoptant ou aux adoptants. Seule exception : si l’adoptant adopte l’enfant de son conjoint, ce conjoint conserve son autorité parentale, faute de quoi l’adoption perdrait tout son intérêt.

L’adoption plénière est plus brutale en ce qu’elle crée une filiation fictive. Les opposants en tirent argument : comment diable cette fiction tiendra-t-elle en présence de deux hommes ou de deux femmes ? L’enfant ne sera pas dupe une seconde, contrairement à l’enfant adoptif d’un couple hétérosexuel qui aura le bonheur de vivre dans le mensonge peut-être toute sa vie. La réponse que j’apporterai est la suivante : cette fiction tiendra autant que quand un couple hétérosexuel européen adopte un petit africain ou asiatique. Pas une seconde. Et alors ? Faut-il interdire l’adoption interraciale pour maintenir cette précieuse fiction ? Personne ne le pense, et puis, qui donc défilait en nombre au cri de « on ne ment pas aux enfants » ? Que ces amoureux de la vérité dite aux enfants (je suppose que les leurs n’ont jamais cru au Père Noël…) se réjouissent : l’adoption par un couple homosexuel rend impossible tout mensonge aux enfants. Voilà un excellent argument pour qu’ils soutiennent cette loi.

L’absence de référent sexuel

Je mentionne cet argument pour mémoire. Il n’est pas juridique, mais psychanalytique. Cet argument est ramené à sa juste valeur par cet article de Sylvie Faure-Pragier, publié dans Le Monde. La théorie de la nécessité d’une mère et d’un père pour l’équilibre psychique est démentie chaque jour par les orphelins de père et de mère, qui surmontent leur chagrin et deviennent des être humains complets et équilibrés, merci pour eux, ou par les enfants de veuf ou veuves, ou par les parents célibataires. Quant à l’argument que ces enfants seraient plus sujets que d’autres à devenir eux-même homosexuels par imitation (en supposant que ça soit mal d’être homosexuel, ce qui est exclu puisque les opposants nient toute homophobie, et qui suis-je pour les contredire?), il suffira de constater que l’imitation de leurs parents hétérosexuels n’a pas découragé les homosexuels de devenir ce qu’ils sont.

À ce sujet, il me semble nécessaire de dissiper un malentendu qui semble répandu chez les antis : il n’a jamais été question de retirer des enfants à des familles hétérosexuelles épanouies pour les confier de force à des couples homosexuels. L’adoption concerne essentiellement trois groupes d’enfants : les pupilles de l’Etat, les orphelins étrangers et les enfants du conjoint. Les pupilles de l’Etat sont des enfants situés en France et abandonnés, ayant perdu leur famille ou ayant été retirée de celle-ci car ils y étaient en danger. Tous ne sont pas juridiquement adoptables, et tous ceux l’étant sont généralement très rapidement placés dans une famille en vue de leur adoption plénière (800 par an environ pour 25000 candidats agréés, couples et individus mélangés). Les enfants étrangers sont ceux de l’adoption internationale (la Russie étant un des principaux pays d’origine) et les enfants du conjoint étant un cas à part, puisqu’ils sont déjà dans une famille, et que cette adoption vise à permettre aux deux parents d’agir en tant que tels. C’est dans cette dernière catégorie que se situera la très grande majorité des adoptions homosexuelles, c’est-à-dire pour officialiser une situation existant déjà. Pour les pupilles de l’État, l’agrément préalable permet de s’assurer que l’enfant sera accueilli dans les meilleures conditions ; quant à l’adoption internationale, les pays ayant ouvert l’adoption aux homosexuels, comme la Belgique et l’Espagne, n’ont pas connu de diminution des adoptions internationales, au contraire.

L’abominable homme des neiges théorie du gender

Des nombreux moments de rigolade qui ont accompagné mon écoute des débats parlementaires, la référence récurrente à la théorie du genre, ou pour souligner son abomination, prononcée en anglais du gender n’a pas été le moindre. C’est une superbe illustration du néant argumentatif que ce débat a pu atteindre, quand les adversaires à cette loi n’ont eu d’autre recours que d’inventer un ennemi imaginaire, ce qu’en rhétorique on appelle l’homme de paille.

La théorie du genre serait, selon ses détracteurs (vous verrez qu’elle n’a que des détracteurs) une théorie qui nierait la différence des sexes pour n’en fait qu’un acquis social, et voudrait qu’hommes et femmes soient parfaitement identiques et interchangeables, et par conséquence combattrait toute allusion, y compris dans la loi, à cette différence pourtant inscrite dans la nature. La loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe serait frappée du sceau de l’infamie en étant un avatar de cette théorie, qui ne visait qu’à faire disparaître du code toute allusion à la différence des sexes.

Illustration avec cette intervention toute en finesse et en analyse du député Xavier Breton, lors de la 3e séance du 3 février 2013 :

M. Xavier Breton. Cet amendement revient sur la question cruciale de l’altérité sexuelle. Sur les bancs du Gouvernement et de la majorité, vous niez la reconnaissance de l’altérité sexuelle dans notre droit. Vous êtes les porte-parole de l’idéologie du gender, à moins que vous n’en soyez les prisonniers.

Que promeut cette idéologie ? Elle prétend que le seul chemin pour atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes, que nous souhaitons toutes et tous sur ces bancs, ne vous en déplaise, c’est de supprimer les différences en les niant. En fait, vous êtes incapables de penser ensemble l’égalité et la différence.

Le problème, c’est que les différences, notamment corporelles, subsistent. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas lutter contre les stéréotypes qui conduisent à des inégalités et à des injustices.

Mais est-ce qu’au-delà ou en deçà de ces stéréotypes, il reste une différence entre un homme et une femme ? Entre un père et une mère ? Pour un enfant, un père est-il la même personne qu’une mère ? Une mère est-elle la même personne qu’un père ? Pour vous, oui ; pour nous, non.

Voici l’amendement n°3279 en question. Je vous laisse chercher le rapport entre son contenu et le discours tenu pour le défendre.

La réalité est que la théorie du genre n’existe pas. Ce qui existe sont les études de genre (gender studies) : il s’agit d’un domaine de recherche interdisciplinaires visant, je cite wikipédia, une réflexion sur les identités sexuées et sexuelles, répertoriant ce qui définit le masculin et le féminin dans différents lieux et à différentes époques, et s’interrogeant sur la manière dont les normes se reproduisent jusqu’au point de paraître naturelles. Ce n’est que cela, un sujet d’étude, et c’est déjà beaucoup. Il nourrit des réflexions, des critiques, des controverses, et la connaissance de ce que nous sommes en sort grandie. Il est triste de voir dans le pays de Descartes un sujet d’étude transformée en idéologie pour secourir une argumentation qui se sent trop boiteuse avec les faits.

La bioéthique, ou le syndrome de Frankenstein

Dans le Frankenstein de Mary Shelley, le docteur Frankenstein, scientifique de génie, crée la vie, mais sa créature finit par le détruire. Le syndrome de Frankenstein, en sciences, désigne cette peur que le progrès scientifique se retourne contre nous et nous détruise. Cette phobie est très répandue, et se pare volontiers du vocable de principe de précaution pour sous couvert de bon sens refuser tout progrès, au cas où, on ne sait jamais. Le doute interdisant la réflexion. Et la bioéthique lui a fourni un terrain très fertile.

Une précision d’entrée de jeu : le projet de loi déposé comme celui adopté ne traitent pas de la question de la bioéthique. Une réforme est envisagée, ce qui est normal puisque c’est un sujet en perpétuelle évolution et surtout les trois textes de bioéthique (1994,2004 et 2011) ont été adoptés sous une majorité de droite et ont un fort penchant conservateur. La gauche a son mot à dire aussi, et n’a jamais eu l’occasion de le dire. Un projet de loi sur la famille est censé fournir un véhicule législatif adéquat pour rouvrir ce débat, mais je crains fort qu’il ne soit mort-né, le Gouvernement ayant été échaudé par le mariage pour tous et ayant eu son compte de sweat à capuche rose et de bougies en profile pic sur Twitter.

Quels étaient les points soulevés par les opposants à ce texte ? Ils étaient de deux ordres : l’extension de la PMA et la légalisation de la GPA. Étant entendu que ces points ne figuraient pas dans le projet de loi, les opposants, sans se laisser décourager, arguaient qu’ils y étaient contenus en germe, que l’évolution induite par le mariage homosexuel impliquait inéluctablement ces deux points. Malheureusement pour mes lecteurs qui seraient favorables à une telle évolution, les anti-mariages pour tous vous nourrissent de faux espoirs.

La procréation médicalement assistée (PMA)

La PMA est légale, contrairement à la GPA, mais limitée strictement dans son domaine. Il s’agit des techniques médicales permettant à une femme apte à porter une grossesse à terme de pallier les difficultés l’ayant empêché d’y parvenir. Cela recouvre des techniques simples de stimulation hormonales, et surtout toutes les techniques de fécondation in vitro suivi d’insémination artificielle, où l’embryon est fécondé avant d’être implanté, lorsque c’est l’homme qui s’avère être l’origine du problème (au besoin, on prend du sperme de donneur anonyme). La règlementation se trouve aux articles L.2141-1 et suivants du Code de la santé publique. L’article L.2141-2 précise que « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué. »

Un couple : la loi bioéthique de 2011 a supprimé la condition d’être un couple marié, mais maintenu la condition d’être de sexe différent, rappelé à l’alinéa suivant. La PMA ne peut viser qu’à remédier à l’infertilité pathologique du couple, infertilité médicalement constatée. Et l’identité des sexes comme l’orientation sexuelle n’étant pas une cause pathologique d’infertilité ni même une pathologie. Continuons avec l’alinéa 2 :

« L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination. Font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons le décès d’un des membres du couple, le dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l’homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation. »

La PMA a ceci de commun avec une relation sexuelle qu’elle n’est légale que tant que dure le consentement. Les différences sont qu’elle prend beaucoup plus de temps pour aboutir et est nettement moins plaisante. Juridiquement, la loi pose que l’enfant conçu par PMA est l’enfant du couple, même si l’homme n’a pas fourni le sperme, et lui interdit de contester sa paternité, même si, biologiquement, il ne l’est pas.

La crainte exprimée par les opposants au projet de loi est que la PMA ne soit ouverte aux couples de femmes mariées et qu’elles pourraient demander à ce qu’une d’entre elles, voire les deux, soient fécondées avec du sperme de donneur. Cette crainte ne repose sur rien, puisque leur infertilité n’est pas pathologique, et surtout depuis 2011, le mariage n’est plus une condition sine qua non pour accéder à la PMA, donc le fait d’être mariées ne changera absolument rien à leur situation juridique. Si elles n’ont pas accès aujourd’hui à la PMA, elles ne l’auront pas plus avec l’entrée en vigueur de cette loi. Je ne puis dire avec certitude que la loi ne permettra jamais à une femme célibataire ou à un couple de femmes d’accéder à la PMA, mais je peux dire avec certitude qu’en l’état, elle ne le permet pas et que rien n’est prévu pour que cela change dans un avenir proche.

La gestation pour autrui, ou « les mères porteuses »

La gestation pour autrui est un contrat qui consiste pour une femme, ou “mère porteuse”, à porter un embryon à terme et à s’en défaire à la naissance au profit d’une personne ou d’un couple identifié (appelons le “le commanditaire”), puisque dans la mesure du possible l’embryon sera conçu avec les gamètes du ou des commanditaires. Cette pratique a toujours été illégale en droit français. D’abord, au plan civil car elle constitue une convention portant sur l’état des personnes (ici sa filiation), ce qui est interdit car l’état des personnes est indisponible : un contrat qui porterait sur lui serait nul (Civ. 1Re, 13 décembre 1989, Alma Mater, bull. I. n°387) ; et ensuite au plan pénal puisque l’article 353-1 du code pénal ancien (promulgué en 1958, c’est-à-dire avant même que l’insémination artificielle rende possible la GPA, et repris à l’article 227-12 du nouveau code pénal) réprimait le fait d’inciter de quelque façon que ce soit une femme à abandonner son enfant à naitre ou à s’entremettre dans une telle affaire : une association ayant pour objet de commettre ce délit ne pourrait qu’être déclarée illicite CE, 22 janvier 1988, association Les Cigognes, n°80936 . Enfin, pour la Cour de cassation, la mère est celle qui accouche, peu importe ce que dit l’ADN. Une autre femme ne peut se prétendre mère, ce qui voue à l’échec toute convention de mère porteuse. J’insiste sur les mots “pour la Cour de cassation”. Cela ne signifie pas que les juges n’accepteront jamais une autre solution. Mais il faut que ce soit la loi qui l’impose ; en attendant, elle s’en tient aux solutions traditionnelles. Rien, lisez-moi bien, rien, aucun principe supérieur ou fondamental n’interdit à la France de légaliser et encadrer la GPA. Et c’est là que va naitre un problème : il y a des pays où la loi prévoit bien cette situation.

La GPA est en effet légale dans divers pays, notamment dans plusieurs États américains, l’Illinois étant réputé pour avoir la législation la plus libérale en la matière (elle permet la GPA rémunérée, demandée par des individus seuls ou des couples de même sexe, et l’adoption par les parents commanditaires est une simple formalité), et la GPA y est devenu un service comme un autre. Une intervention préalable du législateur est en effet indispensable pour résoudre préalablement les difficultés que pose cette pratique : quel est le statut de la mère porteuse (contrat de travail ? Prestation de service ?) Comment protéger chaque partie, et établir le lien de filiation avec les parents commanditaires, et la renonciation à ses droits par la mère porteuse ? Sans oublier les obligations réciproques des parties : aspects financiers (prise en charge des frais de santé, rémunération éventuelle de la mère), la femme porteuse doit-elle pouvoir garder l’enfant, comment se résout le conflit qui en résulte ? En cas de grossesse à risque qui prend et comment sont prises les décisions, etc. Sans oublier bien sûr la question de la GPA pour des couples d’hommes : possible ou pas ? La GPA doit-elle être réservée à des cas d’infertilité médicalement constatés comme la PMA, ou la GPA de confort doit-elle être admise ? Le débat est passionnant pour les juristes, et il devrait l’être pour les citoyens. Las. La France a choisi la facilité en interdisant tout cela d’un trait de plume et en se drapant dans des discours grandiloquents sur la marchandisation du corps, la location d’utérus, et l’enfant marchandise face à toute volonté d’ouvrir le débat. On l’a vu dans ces débats : les opposants au projet accusaient, faussement, les parlementaires de la majorité de vouloir légaliser la GPA, ce qui permettait de les accuser de tous les maux, le ridicule n’ayant pas arrêté tous les députés. Bref tout pour éviter une réflexion sereine, ce n’est vraiment pas à la mode ces temps-ci.

L’Illinois, la Californie, l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Canada anglophone (le Québec nous a imité en interdisant la GPA) et la Belgique, pour citer quelques exemples, ne sont pas des terres de barbares et la civilisation n’a pas pris fin quand la GPA y est devenue légale. Elle est en effet la seule alternative en cas de stérilité absolue de la femme, ou de son impossibilité physiologique de mener une grossesse à terme, quand bien même elle produirait des ovocytes viables pouvant être fécondés par les spermatozoïdes de son compagnon : il faut que la grossesse ait lieu dans un autre utérus, lequel, en l’état actuel de la science, ne peut être que celui d’une femme. Refuser la GPA, c’est dire aux couples stériles : tant pis pour vous, je ne supporte pas l’idée que vous puissiez avoir un enfant autrement que comme moi j’ai été fait. Tout ça pour votre bien, et le bien de vos enfants qui grâce à moi ne verront jamais le jour. Elle est pas jolie ma bougie ?

Alors pendant qu’en France, on s’admire dans notre immobilisme, d’autres pays ayant compris que cette pratique n’est pas mauvaise en soi permettent d’y avoir recours, et les parents désespérés qui ont la chance d’avoir les moyens vont dans ces pays obtenir ce que leur pays leur refuse. Jusqu’à il y a peu, trois décisions de la Cour de cassation interdisaient de transcrire à l’état civil français les actes de naissance étrangers établissant un lien de filiation avec un enfant issu d’une GPA. Cas assez unique où on fait payer les enfants la faute supposée des parents (en considérant qu’ils serait fautif de faire en Californie ce que la loi californienne permet), au nom de l’intérêt des enfants, sous les applaudissements de la foule. La fameuse circulaire Taubira a mis fin à cette situation en demandant aux consulats étrangers d’enregistrer ces actes et en interdisant aux parquets d’engager les procédures en nullité de ces transcriptions. Je ne puis qu’applaudir. La situation précédente revenait à ce que des enfants aient, dans le cas le plus médiatisé, un acte de naissance californien indiquant que leur père était M. X, citoyen français (de fait il était biologiquement leur père) et leur mère, Mme Y, son épouse (sans lien biologique avec elles), mais pas d’acte équivalent à l’état civil français, ce qui compliquait chacune de leurs démarches et leur interdisait concrètement de se prévaloir de la nationalité française, qu’elles avaient pourtant en tant qu’enfant de Français. Que la Cour de cassation conclue que cela était parfaitement conforme à l’intérêt de l’enfant m’a toujours laissé songeur, et un peu tremblant à l’idée qu’elle était aussi la juge en dernier ressort de l’intérêt de mes enfants.

La situation actuelle est plus supportable, mais reste une tartufferie : cachez moi cette GPA que je ne saurais voir. Tôt ou tard, on ne pourra faire l’économie d’une réflexion sur la GPA, et que la loi, faute de pouvoir interdire et faire respecter cette interdiction partout sur Terre dès lors que cette pratique est légale ailleurs, l’encadre en France. Quand serons-nous assez mûrs pour cette réflexion, qui devra commencer par qualifier correctement les choses et cesser de parler hors de propos de location du corps humain ? Peut-être quand les enfants nés d’une GPA seront devenus si nombreux que nous ne pourrons plus feindre de ne pas entendre leurs rires ?

NB : Full disclosure : je n’ai jamais été avocat dans un dossier de transcription d’acte de naissance d’un enfant né par GPA et ne suis pas concerné par la GPA à titre personnel, j’ai fait mes enfants à l’ancienne. J’exprime ici une opinion strictement personnelle issue de ma seule réflexion.

Quid nunc ?

Dans une semaine environ, le Conseil constitutionnel va rendre sa décision sur la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe. Elle devrait passer sans dommages l’examen du Conseil et entrer en vigueur très vite, puisqu’aucun décret d’application n’est nécessaire pour cela, et les textes règlementaires que cette loi demande pour éviter toute difficulté et dire aux officiers d’état civil quoi faire sont déjà prêts. Des couples d’hommes et de femmes vont se marier, les premiers sous les caméras, les seconds dans la discrétion, les troisièmes dans l’indifférence, et la victoire de ceux qui ont voulu ce texte sera totale. Et nous pourrons enfin parler d’autre chose sur ce blog, ce qui sera fait très bientôt, l’actualité législative étant riche.

PS : vous m’avez manqué.

jeudi 9 mai 2013

Bonne journée de l'Europe

Aujourd’hui, 9 mai, est la journée de l’Europe, en souvenir de la déclaration de Robert Schuman qui fut l’étincelle de concupiscence qui entraîna la conception de l’Europe (après une fausse couche en 1954).

Alors comme il est désormais de tradition, des paroles de sagesse et de la musique pour fêter cette belle Europe dont on a plus que jamais besoin alors qu’elle est plus que jamais attaquée. Sans ouvrir de polémique en ce jour de fête (et je suis en train d’écrire un vrai billet), rappelons que l’Europe est un outil (non, pas une boîte à outil, un outil), un mécanisme politique de décision coordonnée. La politique d’austérité absurdement suivie n’est PAS inscrite dans les gènes de l’Union Européenne, ni gravée dans le marbre (si ça avait été le cas, le non de 2005 nous en aurait mis à l’abri, n’est-ce pas ?) mais le reflet que la majorité des pays d’Europe est dirigée par une majorité conservatrice qui fait passer la discipline budgétaire avant la lutte contre le chômage en assurant faire le contraire. La politique européenne se décide au sein de chaque pays, lors des élections générales. Cette solution n’est pas satisfaisante, sauf pour les dirigeants des pays membres, qui n’ont aucun intérêt à changer la situation. Autant dire que l’hiver européen que nous traversons n’est pas fini. Raison de plus pour se réchauffer en se souvenant de la merveilleuse idée qu’elle était au départ, et demeure malgré tout. Spring is coming.

À toi, oncle Robert.

La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent.

La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. En se faisant depuis plus de vingt ans le champion d’une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre.

L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée. L’action entreprise doit toucher au premier chef la France et l’Allemagne.

Robert Schuman, 9 mai 1950

Texte intégral de la déclaration Schuman.

9e symphonie de Beethoven, BBC Philarmonic Orchestra, direction : Gianandrea Noseda.

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