Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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General

Parce qu'il y a des billets qui restent généraux.

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mercredi 3 septembre 2008

Je ne suis pas Jean-Baptiste Soufron

… et m'en désole chaque jour. Ha, être à nouveau jeune et beau, porter avec nonchalance un blouson de cuir et dire “tu” aux journalistes du Mouv'.

Mais non. Je suis un vieux barbon qui ne passe que sur France Culture (Ha, pardon, lui aussi), dis « vous » aux journalistes et ne parviens pas à parler djeunz dans mes explications juridiques radiophoniques.

Et d'ailleurs, jean-Baptiste Soufron le sait, qu'il n'est pas moi. Il a d'ailleurs son blog à lui.

Alors, pourquoi diable a-t-il laissé dire au début de son intervention de ce matin sur le Mouv', dans la rubrique “Tête À Net” du Morning du Mouv', qu'il était l'auteur du Journal d'un avocat ? Je l'ignore. Un moment d'inattention fatal, sans doute. On se demande d'ailleurs où le journaliste est allé pêcher une telle énormité. Quand le journaliste a itéré son errement à la fin, je puis comprendre qu'étant bouté hors antenne, mon confrère ne pouvait plus récriminer ; mais au début, lors du lancement, pourquoi être resté coi ?[1] Il avait l'opportunité de dissiper le malentendu qui nuit tant à sa réputation d'avocat le plus hot du barreau désormais.

Lui, jeune avocat, qui a prêté serment il n'y a pas un an, beau, évidemment, brillant, forcément, ami des stars, laisser croire par inattention qu'il était un dinosaure du web et du barreau comme moi, c'est un coup à détourner la clientèle et, ce qui est pire, faire fuir les filles.

Je lui présente donc mes sincères excuses pour le préjudice que cette méprise va causer à sa réputation, en espérant que ce qui pro quo ne provoquera pas des appels téléphoniques erronés à son cabinet. Je ne puis invoquer comme excuse que le fait que je n'y suis pour rien.

Le corpus delicti :


Épilogue :

Notes

[1] Quand je vous dis que je ne sais pas parler djeunz…

vendredi 29 août 2008

La faute du père est-elle la faute du journaliste ?

Billet écrit à quatre mains par Eolas et Aliocha, journaliste et juriste


— Le bonjour cher Maître…

— Ah, ma chère lectrice, quel plais… Mais… Mais ? Vous n'êtes pas ma chère lectrice habituelle ?

— Non, c'est moi, Aliocha. Votre lectrice habituelle est indisposée, ainsi que les molosses qui gardent votre jardin, d'ailleurs ; et aujourd'hui, vous aurez une contradictrice un peu plus mordante. Cela changera vos lecteurs de vos roucoulements.

— Hé bien, prenez place dans mon salon et dites-moi ce qui me vaut cette visite. Une tasse de thé ?

— Un verre de vin plutôt. Sympa, les murs fuschias. C'est Valérie Damidot ?

— Non, Dadouche et Fantômette. De quoi allons nous parler ?

— De Ferrari.

— Je ne vous savais pas versée dans la mécanique italienne.

— J'ai de nombreux talents que vous ignorez, mais en l'occurrence, je pensais à Laurence Ferrari.

— La nouvelle titulaire du très envié poste de présentateur du journal de 20 heures sur TF1.

— Celle-là même. Figurez-vous que ma consœur a décidé de donner du travail à une de vos consoeurs.

— Vous m'en voyez ravi pour ma consœur. Contre qui ?

— Contre un de mes confrères.

— On ne pourra donc vous accuser de corporatisme. Pour quel motif ?

— Atteinte à sa vie privée par Lyon Mag, qui a publié une interview de son père, dans laquelle il parle de sa fille et évoque certains détails douloureux de son enfance.

— Je vous avoue que je n'ai pas lu cet article.

— Moi non, plus, mais qu'importe : c'est sur le principe plus que sur le contenu que je suis contrariée.

— Et qu'est-ce qui vous chiffonne ?

— Ce qui me chiffonne ? Qu'elle s'en prenne au journal alors que celui-ci n'a fait que reproduire les propos de son père.

— Votre sens de l'équité serait plus satisfait si elle faisait un procès à son seul père, ou à son père ET au journal ?

— Mon sens de l'équité serait satisfait si elle s'abstenait de faire un procès au journal. Le reste la regarde exclusivement. Vous voyez qu'on peut être journaliste et avoir le sens du respect de la vie privée.

— Pour ma part, je suis plutôt un tenant de la théorie des rotatives intelligentes.

— Bah, il faut de l'intelligence en tout, mais qu'entendez-vous exactement par rotative intelligente ?

— Un organe de presse n'est pas un simple mégaphone, qui ne ferait que répéter des propos en les amplifiant, substituant à l'oreille du journaliste les milliers d'oreilles de son lectorat. Le journaliste, et au-dessus de lui son rédacteur en chef, relit ce qui doit être publié et l'approuve. Au besoin, il retire des passages, que ce soit pour des problèmes de place, d'intérêt du propos… ou de sa licéité. Dès lors qu'il y a eu exercice libre d'un choix du contenu de l'article (ce qu'on appelle liberté de la presse), l'organe de presse engage sa responsabilité sur le contenu de ce choix.
Le fait que ce soit le père de la journaliste qui fasse cette révélation portant atteinte à l'intimité de sa vie privée ne prive pas le magazine de sa liberté de ne pas reprendre cette révélation afin d'éviter que l'indiscrétion faite à un journaliste devienne une indiscrétion faite au public. D'où mon expression de rotative intelligente, rappel de la théorie des baïonnettes intelligentes qui n'exonère pas de sa responsabilité un militaire qui obéit à un ordre manifestement illégal. La faute du père n'exonère pas Lyon Mag de sa propre faute. Ce d'autant que des deux fautes commises, c'est celle de Lyon Mag qui a causé l'essentiel du dommage.
Au reste, vous n'êtes pas sans savoir, en tant que juriste et journaliste, qu'en matière de presse, la responsabilité pénale pèse au premier chef non pas sur celui qui a tenu les propos (l'auteur) mais sur celui qui les a publié (le directeur de publication). Ce qui vaut au pénal vaut aussi au civil.

— Vous vous emballez mon Cher Maître. Que la presse soit responsable de son contenu, c'est incontestable et d'ailleurs les tribunaux nous le rappellent régulièrement. La justice pèse sur nos têtes comme une épée de Damoclès, nous le savons tous et tremblons en écrivant chaque mot à l'idée qu'un esprit chagrin pourrait venir nous assigner. Et quand on nous assigne, c'est le journaliste, son chef de service, le rédacteur en chef et le directeur de la rédaction, pour être sûr de n'oublier personne. On ne nous fait pas de cadeau.
Soit dit en passant, les gens préfèrent souvent appeler la direction pour demander, voire exiger notre licenciement, c'est plus simple et moins coûteux. Voyez, l'impunité des journalistes est un préjugé tristement erroné, comme nombre de préjugés d'ailleurs.
Mais déjà vous parlez de faute, et du père et du journal. L'avocat que vous êtes sait bien que ce n'est pas parce que quelqu'un allègue d'un préjudice qu'il a forcément raison. Laurence Ferrari se dit blessée, soit. Elle invoque une atteinte à sa vie privée, c'est entendu. Mais voyons cela de plus près. La journaliste a l'honneur d'être choisie pour présenter le journal de 20 heures sur une grande chaîne. Elle donne donc des interviews ici et là, toutes plus lisses les unes que les autres.
Sachez en effet que les personnalités n'hésitent plus à décider des questions qu'il faut leur poser à la place des journalistes et exigent souvent de relire les interviews avant parution. Vous osez refuser ? On vous menace d'aller s'épancher auprès de la concurrence. C’est ainsi que le journalisme se confond avec la communication au détriment du lecteur qui croit lire une discussion sincère reproduite fidèlement alors que ce n'est que du marketing téléguidé.
Sachant cela, que fait Lyon Mag ? Il décide d’offrir à ses lecteurs autre chose qu’un portrait lisse et marketing de la l’intéressée, en d’autres termes de faire un vrai travail de journalisme. Et pour cela, il se tourne vers l'entourage. Ô bonheur, le père accepte de parler.
Et le père raconte, la personnalité de sa fille, ses ambitions, ses rêves, ses douleurs, son enfance. Au chapitre des douleurs, lui, le père, il évoque le point qui fait débat. Vous voulez comprendre ma fille dit-il au public, alors sachez cela. Et le journal publie, pas un bruit de couloir, pas des propos infamants, pas des rumeurs, non. Un portrait paternel, livré en connaissance de cause, sans intention malveillante mais avec celle d'informer. Où est la faute ? Quel est le journaliste le plus fautif, celui qui ment en faisant passer pour objectif un article revu, corrigé et censuré ou celui qui propose une vraie information ?

— Vous cherchez la faute ? Permettez que je vous souffle : article 9 du Code civil. « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »
Toute atteinte à la vie privée est une faute en soi. C'est la loi qui le dit, ce n'est pas moi.
J'ajoute, pour répondre à votre argumentation, que présenter un JT n'est pas un honneur mais un travail, fût-il fort recherché, le poste ne se libérant qu'une fois tous les 25 ans ; que si la communication maîtrisée des people vous irrite, vous n'êtes pas obligés (vous les journalistes, pas vous Aliocha) de leur prêter votre chambre d'écho, et qu'enfin le fait d'être journaliste avec un large public ne vous dépouille pas de votre droit à une vie privée.
Du reste, chère Aliocha, à partir de combien de lecteurs trouverez-vous justifié qu'on aille tirer les vers du nez à vos proches pour pouvoir étaler sur la place publique vous douleurs d’enfance ?

— La loi donc qualifie de faute toute atteinte à la vie privée, dont acte. Dans ce cas, poursuivez la citation de l'article, je suis impatiente de connaître la définition que donne la loi de la vie privée.

— La loi s'arrête là, faisant, pour une fois, sienne l'aphorisme de Portalis[1], et laissant au juge le soin de délimiter ces contours. Tâche dont il s'est fort bien acquitté.
Est privé tout ce que la personne a décidé de ne pas révéler ou qui n'est pas directement lié à sa vie publique, c'est à dire sa profession, son activité politique ou syndicale, ses responsabilités dans tel organisme ou son engagement public pour telle ou telle cause. Ainsi l'état de santé, la situation de fortune, les relations sentimentales et familiales, les convictions religieuses, la maternité, même le numéro de sécurité sociale [2] !
L'enfance d'une personne fait également partie de sa vie privée, ne serait-ce que parce qu'à l'époque de ces événements, elle était mineure. J'ajoute que la jurisprudence va très loin puisqu'elle admet que la reprise sans autorisation de révélations faites par le passé par une personne peut constituer une atteinte à sa vie privée.

— Ah ! Donc c'est le juge qui apprécie au cas par cas. La loi trouverait-elle que la notion est trop difficile à définir ? Qu'elle dépend essentiellement des circonstances de chaque affaire, et notamment des rapports entretenus par la personne concernée avec la presse, de son degré de célébrité, de l’information concernée, de la manière dont l’information a été obtenue, de la façon dont elle est présentée ? Ne peut-on imaginer que tout récit de vie privée ne soit pas forcément constitutif d'une atteinte à la vie privée ?
Et tant qu'on y est, je me pose une autre question : pourquoi réclamer 40 000 euros de dommages intérêts ? Le mal, si mal il y a, a été fait, une demande de sanction symbolique aurait plaidé en faveur de la sincérité de la démarche non ?

— Bien sûr que le juge apprécie au cas par cas. Cela fait deux siècles qu'il apprécie l'existence de la faute, du lien de causalité et estime le préjudice au cas par cas ! Non que la faute soit trop difficile à définir (encore que tel soit le cas), mais pour les raisons si bien exprimées par Portalis. J'ajoute que la procédure précédant la décision du juge permet à chaque partie, révélateur comme sujet de la révélation, d'exposer en quoi, selon elle, il y a ou non atteinte à la vie privée, le juge tranchant entre les points de vue qui lui sont soumis. Il demeure, et vous le savez fort bien, que chaque décision forme la brique d'un édifice qui à la longue devient fort cohérent (et en l'occurrence, on a 38 années de jurisprudence à se mettre sous la dent).
Et en l'espèce, je ne vois pas par quel tour de souplesse dorsale on peut affirmer sans rire qu'une tragédie familiale remontant à l'enfance ne ressortirait pas de la vie privée d'une femme de 42 ans, sous prétexte qu'elle a été nommée à un poste fort exposé, tant au regard du public qu'aux jalousies de ceux qui n'y sont pas.
Enfin, pour l'estimation de son préjudice, qui suis-je pour juger du prix de sa douleur ? Mais reconnaissons que demander un euro en justice n'est pas très dissuasif pour prévenir et décourager d'autres révélations à l'avenir, surtout quand le révélateur a quant à lui un intérêt financier à cette révélation. Face à une telle demande, Lyon Mag se contenterait d'acquiescer, en envoyant un chèque d'un euro à la dame, avant de commander un deuxième tirage du numéro épuisé. En la matière, de pureté des intentions il n'y a ni d'un côté ni de l'autre.

— Il n’y a nulle souplesse dorsale à considérer que certains éléments du passé d’une personne publique peut utilement éclairer les lecteurs. Vous savez comme moi que dans ce genre d’affaires, la cour européenne des droits de l'homme met en balance les intérêts en présence pour déterminer si l'atteinte à la vie privée, ou encore au secret des affaires ou à tout autre droit ne se justifie pas au regard de la liberté d'expression, ce qui s'apprécie notamment au vu de l'intérêt de l'information. C'est ainsi qu'elle a pu considérer que la publication de la déclaration d'impôt d'un patron de groupe automobile dans un journal satyrique était justifiée puisqu'elle montrait que ledit patron s'était augmenté au moment même où il procédait à des licenciements.

— L'affaire Fressoz et Roire c. France. Mais il ne vous a pas échappé qu'il existait un lien entre les faits révélés et la vie publique de l'intéressé. La cour de cassation applique d'ailleurs cette règle puisque dans son arrêt Schuller (civ 1e, 12 juillet 2005, au bulletin n°330), elle distingue dans le même article certains faits dont la révélation était justifiée au regard de la nécessité d'informer le public (titres de personne publique, sa fuite à Saint-Domingue et ses activités dans la société locale) d'autres dont la révélation ne se justifiait pas (divulgation de leurs conversations avec leur entourage, la scrutation des sentiments existant entre eux et vis-à-vis de leurs enfants, les tensions ayant opposé l'intéressé à son fils et les motifs ayant pu inciter le second à dénoncer la retraite du premier). Or ce lien fait cruellement défaut ici.

— Il fait défaut à Vos yeux. Mais ne peut-on considérer que le public a le droit d'être informé de la personnalité de la journaliste qui va faire le 20h sur une grande chaîne et que cette personnalité, son père est bien placé pour l’éclairer ? Par ailleurs, le juge ne manquera pas d'apprécier le fait qu'il ne s'agit pas d'un article de la presse people nourri de bruits et de rumeurs, mais une interview du père, présentée avec sobriété.
N'oublions pas qu'on reproche aujourd'hui à la presse de s'être tue sur l'existence de la fille de Mitterrand. Elle aurait pu à l'époque révéler son existence, elle a préféré s'auto-censurer. Cela aussi relevait de la vie privée, mais la nature de la personne concernée et surtout ses fonctions de président aurait justifié la révélation au nom précisément du droit à l'information. C'est donc qu'il existe des atteintes à la vie privée qui sont non seulement admissibles mais considérées comme nécessaires.

— Absolument, mais ce qui justifiait la révélation de l'existence de la fille naturelle de Mitterrand est que cette existence a eu un impact sur les décisions prises par son père en tant que président, à savoir placer illégalement des personnalités sur écoute et faire supporter au budget de l'État des dépenses liées à l'entretien et l'éducation de cette jeune fille promise à un si brillant avenir littéraire. Si feu le président Mitterrand n'avait pas commis ces actes graves et illégaux, la révélation de cette paternité aurait relevé du strict cadre de sa vie privée. Vous voyez ? Il y a un lien entre les faits et la vie publique, qui légitime l'information.

— Toujours est-il qu'elle était justifiée. Et que dans bien des affaires, le juge, en particulier le juge européen des droits de l'homme, a considéré que la liberté d'expression primait sur toute autre chose. Parce que le juge, sait bien que la liberté d'information est un pilier de la démocratie. Il sait aussi, ce juge, que le journaliste par nature dérange et qu'il dérange souvent des gens puissants, il doit donc être protégé. C'est aussi pour cela que la loi française accorde un statut particulier à la presse dans la loi de 1881. Vous voyez que finalement, l'affaire est moins simple qu'il y parait. Ce qui montre toute la difficulté de l'exercice journalistique, car la frontière entre le permis et ce qui ne l'est pas est plus ténue et plus mouvante qu’elle n’apparaît au premier abord.

— Le juge européen n'a jamais dit que la liberté d'expression primait sur toute autre chose, et il aurait du mal, puisque l'article 10 de la CESDH qui la protège précise bien que « l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. » Cela fait beaucoup de choses qui priment.
Notez les mots « responsabilité » et « droits d'autrui» ; parmi ces droits se trouvent celui au respect de sa vie privée… vie privée qui d'ailleurs est expressément protégée par l'article 8 de la même déclaration. D'autant plus que la nécessité d'informer le public est aussi invoquée pour publier à la Une la photo de telle starlette les fesses à l'air. Elle a bon dos, la nécessité d'informer (et la starlette aussi, d'ailleurs, mais passons).

— D'accord, j'ai parlé trop vite, disons donc que le juge dans les affaires qu'il examine peut considérer que la liberté d'expression prime sur le droit qu'on lui oppose. Et il l'a fait. A plusieurs reprises.

— Oui. Et les critères qu'il applique sont connus. Il s'agit de l'intérêt légitime pour le public de cette révélation. Étant entendu que l'intérêt du public n'est pas l'intérêt morbide du badaud mais celui du citoyen qui doit être informé pour se forger une opinion sur les faits relatifs à la vie de Cité. Je doute encore de l'intérêt pour le citoyen de savoir que telle présentatrice télé a subi une tragédie quand elle était enfant, ce qui visiblement ne l'a pas empêché de mener une brillante carrière la menant au pinacle.

— Je vous rappelle que présenter le 20 heures est un poste impliquant des responsabilités très lourdes, nous sommes loin de la météo ou de question pour un champion. Le présentateur du 20 heures décide du contenu de son journal, il est aussi garant du respect de la déontologie de l’information. Souvenez-vous qu’on a vu à plusieurs reprises des présentateurs en fâcheuse posture pour des raisons éthiques. Ce même présentateur, que je préfère appeler d’ailleurs journaliste, est amené à réaliser des interviews d'hommes politiques, et en particulier du Président de la République. Ceci, devant des millions de téléspectateurs. L'impact de ce poste sur l'opinion publique est énorme. Je ne trouve pas choquant que la contrepartie d’un tel pouvoir réside dans une certaine transparence et impose la sincérité. Quant à l'épreuve qui nous occupe, elle l'a surmontée en effet, ce qui ne fait que renforcer mes interrogations : pourquoi s'offusquer d’un récit qui n'a rien de négatif, bien au contraire ?

— Ah, mais si les faits révélés remettent en cause les exigences déontologiques, voilà un intérêt légitime. Sinon, la vie privée d'un homme public reste privée. En l'espèce, ce qui a de quoi mécontenter l'intéressée est que ce récit d'une souffrance intime entraîne des regards de commisération. Tout le monde n'apprécie pas l'apitoiement. Des gens moins aimables insinueront qu'elle n'est du coup pas assez solide pour ce poste. D'autres enfin qui voudront lui faire du mal sauront désormais où taper. Révéler un fait “positif” peut avoir des conséquences négatives.

— Vous extrapolez Maître. J’ajoute que si nous devons nous assurer avant d’écrire un article, non seulement que nous ne commettons aucune infraction pénale, ce qui est légitime, mais que nous n’allons contrarier personne, alors nous n’écrirons plus rien. Il me semble que vous-mêmes résistez vaillamment à ce type de chantage. La presse dont le métier est d’informer ne devrait-elle pas se voir reconnaître au moins la même liberté ? Laissons donc la justice trancher en espérant que sa décision, quel qu'en soit le sens, n'aboutisse pas à réduire la liberté de la presse.

— Certes, il y aurait encore tant à dire, mais j'entends du bruit dans le parc du château. Voici la foule des lecteurs qui vient se joindre à notre discussion. Finissons nos verres de cet excellent nectar tout droit issu de la réserve personnelle de Gascogne, et allons nous joindre à eux, le temps pour moi de passer au chenil pour détacher Troll Detector™ en lui priant d'attaquer à vue toute mention expresse au fait révélé par Lyon Mag : il ne présente aucun intérêt pour notre discussion, et nous pouvons nous contenter de mentions allusives.

Notes

[1] « Nous n'avons pas cru devoir simplifier les lois au point de laisser les citoyens sans règle et sans garantie sur leurs grands intérêts. Nous nous sommes également préservés de la dangereuse ambition de vouloir tout régler et tout prévoir. Un code, quelque complet qu'il puisse paraître, n'est pas plutôt achevé que mille questions inattendues viennent s'offrir au juge. Une foule de choses sont donc nécessairement abandonnées à l'empire de l'usage, à la discussion des hommes instruits, à l'arbitrage des juges. L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit; d'établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière. C'est au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l'esprit général des lois, à diriger l'application. «De là, chez toutes les nations policées, on voit toujours se former, à côté du sanctuaire des lois et sous la surveillance du législateur, un dépôt de maximes, de décisions et de doctrines, qui s'épure journellement par la pratique et par le choc des débats judiciaires, qui s'accroît sans cesse de toutes les connaissances acquises, et qui a constamment été regardé comme le vrai supplément de la législation. » Portalis, Discours au projet de Code civil, 1802.

[2] civ 1re, 9 décembre 2003, au bulletin, n°254

mercredi 27 août 2008

Eolas crucifié

Décidément, je suis la coqueluche des médias. Le journal La Croix publie un portrait de votre serviteur.

Capture d'écran de l'article de la Croix. (D.R.)

Il est toujours fascinant de voir l'art de la synthèse, quand un journaliste doit réduire un entretien téléphonique (qui a du durer un quart d'heure), outre ses propres recherches, à un feuillet, citations incluses. Antoine Bayet s'est livré à l'exercice et je ne me sens pas trahi par le résumé de mes propos. Je salue le tour de force.

Par contre, je suis dubitatif en voyant la mention D.R. à côté de la copie d'écran de mon blog. D.R. veut dire droits réservés. C'est un usage dans la presse, qui tend à devenir un abus, quand on utilise une photo dont on ne connaît pas l'auteur (on les appelle “orphelines”). On “réserve ses droits”, sous entendu, s'il se manifeste, nous le rémunérerons et lui rendrons la paternité de l'œuvre.

Il s'agit d'une capture d'écran de mon blog, faite manifestement hier puisque le billet est celui sur la relaxe de Georges Frêche sans S. C'est donc quelqu'un de la Croix qui l'a fait. Soit il s'agit d'une œuvre, ce qui est douteux faute d'originalité, et l'auteur doit la signer, soit c'est une reproduction de mon œuvre, et dans ce cas, j'en suis l'auteur, il faut me mentionner, et avoir obtenu mon autorisation. Mais en aucun cas ce n'est une photo orpheline.

Pour en savoir plus sur l'abus des D.R. selon les photographes professionnels : vidéo d'une très intéressante conférence (en Flash) organisée par l'Union des photographes Créateurs, à la Maison de la Photographie à Paris, en février dernier.

Ce n'est pas du presse-bashing gratuit : pour une fois que j'ai un journaliste qui est déontologiquement tenu par la ligne de son journal de tendre l'autre joue, je ne vais pas laisser échapper cette opportunité.


Mise à jour : Quels rabat-joies à La Croix ! Ils ont rectifié en ôtant la mention D.R. Ce qui, je suppose, implique qu'ils considèrent cette reproduction comme une courte citation. Dont acte, ça me paraît correct. En tout cas, voici la preuve que je suis un blogueur influent. Quel sentiment de puissance…

Bon, assez ri, je suis en code jaune. On se retrouve après-demain.

mardi 26 août 2008

Eolas fait sa rentrée médiatique

L'émission Du Grain à Moudre, animée par Julie Clarini et Brice Couturier sur France Culture, m'a invité sur son plateau demain à 18 heures 30, pour une émission consacrée à la décision du Conseil d'État confirmant un refus de nationalité à une femme en raison de sa pratique intégriste d'une religion, décision que j'ai analysée ici. L'intitulé exact sera : une pratique radicale de la religion est-elle incompatible avec la nationalité française ? Vous verrez que la réponse est non, Dieu merci.

Les autres invités sont Mohamed Sifaoui, grand reporter, notamment auteur chez Grasset de “Combattre le terrorisme islamique”, 2007 et Samir Amghar, chercheur à l'EHESS, spécialiste du salafisme.

Quelqu'un qui y a eu accès pourrait-il m'envoyer une copie des conclusions du commissaire du gouvernement dans cette affaire ? Trouvé, merci.

Le site de l'émission (où elle pourra être ouïe en différé et podcastée).

Logo de l'émission Du Grain à Moudre









mercredi 6 août 2008

Kärcher

Fermeture des commentaires pour les jours à venir. Je suis en vacances, et côté personnes inutiles désespérément en mal de reconnaissance, j'ai ce qu'il me faut avec les adolescents sur la plage.

Bonnes vacances.

jeudi 24 juillet 2008

Arrêt sur ma cravate

Le 2 juillet dernier, j'ai participé à l'enregistrement de l'émission d'@rrêt sur image version web. Pendant la pause estivale, @SI fait une série thématique sur “comment l'internet a changé l'info”. Première émission sur le thème de la justice et les blogs, aux côtés d'un aréopage judiciaire : Philippe Bilger, redoutable avocat général à la cour d'appel de Paris, et Pascale Robert-Diard, fine et spirituelle chroniqueuse judiciaire au Monde. Le sourire de Pascale et le verbe de Philippe, Daniel Schneidermann avait mis en place un irrésistible appeau à Eolas.

L'émission est en ligne. Pour les abonnés. Mais je ne peux pas croire que vous ne soyez pas déjà abonnés…

L'équipe technique a relevé le défi de recevoir sur un plateau un invité ne voulant pas montrer son visage, et c'est donc à un plan sur ma cravate que vous aurez droit. Procédé déjà utilisé, mais Blogonautes n'a pas déposé de brevet.

L'émission dure une heure, je n'ai pas encore eu le temps de la voir, mais cette discussion avec deux personnes que je respecte et admire a été, très égoïstement, un excellent moment en non moins excellente compagnie. J'espère que ce plaisir que nous avons pris tous les trois à nous rencontrer s'est ajouté à celui éprouvé par Daniel Schneidermann à nous recevoir, et qu'il sera communicatif aux spectateurs.

vendredi 13 juin 2008

Reddition

Un petit mot à tous mes lecteurs, un peu en forme de capitulation, je le crains.

Depuis quatre ans, ce blog connaît un succès croissant et constant. De plus, il connaît de temps en temps des pics d'audience, qui, s'ils retombent rapidement, ne retombent jamais au même niveau qu'avant, signe que des lecteurs attirés par un événement ponctuel se plaisent et restent.

J'en suis ravi, mais depuis l'affaire du mariage annulé, un cap a été franchi. Outre des billets à 1500 (j'ai fermé les commentaires à ce chiffre), 700, 400 commentaires (le précédent record était à 370 environ), quasiment plus aucun ne reçoit moins de 100 notules.

Je m'efforce de tous les lire et, pour participer à la discussion qui se crée ainsi, qui est parfois plus intéressante que le billet, d'y répondre par insertion dans le commentaire.

Mais c'est désormais impossible face à un tel volume de commentaires, sauf à consacrer à ce blog un temps tel que cela nuirait à ma pratique ; et de cela il n'est pas question.

Je vous demande donc de me pardonner de ne pouvoir vous répondre à tous et de devoir donner l'impression d'abandonner une discussion en plein milieu. Comprenez que tous les billets vivant simultanément, quand je reviens d'une audience, c'est par dizaines que se comptent les messages à lire, quand ce n'est pas au-delà de la centaine. Et j'ai une épouse et des procureurs qui se languissent tous de moi et me le font sentir, chacun à leur façon (et je ne sais lesquelles des deux convocations sont les plus dirimantes).

Ma vigilance s'en ressent aussi, et si vous estimez qu'un commentaire n'est pas à sa place, n'hésitez pas à me le signaler via ce formulaire.

Mes excuses vont tout particulièrement aux nonistes venus se faire fesser sous mes billets sur l'Europe : je ne puis satisfaire tout le monde et en suis fort marri.

Je ne suis qu'un homme.

samedi 7 juin 2008

Teachtaireacht pearsanta

Le do thoil, abair is ea.

Et pour les Irlandais qui ne parlent qu'anglais :

Si avec tout ça vous n'avez pas compris…

vendredi 30 mai 2008

N'y a-t-il que les vierges qui puissent se marier ?

Bon, au début, je souriais, mais le pétage de plomb généralisé qui saisit la classe politique ne m'amuse plus. Le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 1er avril dernier (cette date n'aurait pu être mieux choisie) annulant un mariage à la demande du mari ayant découvert que son épouse en savait un peu trop donne lieu à un festival d'outrances comme j'en ai rarement vu. D'autant plus que l'unanimité n'est que de façade, car personne ne le condamne pour les mêmes raisons. Et pour cause, il y a gros à parier que personne ne l'a lu, ce jugement. Car il ne casse pas trois pattes à un canard boîteux, comme disait ma grand-mère, qui, elle était vierge (ascendant sagittaire).

Et là où je commence même à ressentir les premiers symptômes d'un agacement certain, c'est quand on répète en boucle que les époux étaient musulmans. Argh, l'Islam nous impose sa loi (la virginité de l'épouse n'ayant jamais préoccupé les chrétiens, c'est connu), les juges plient, la République est en danger, la laïcité agonise, que fait la police ? Ah, oui, elle est occupée.

Alors de quoi s'agit-il ?

Tout d'abord, l'époux est Français. L'épouse, je l'ignore, le jugement est muet là-dessus. Pour des raisons philosophiques et religieuses, que précisément la laïcité républicaine nous interdit de juger, il voulait absolument épouser une jeune femme de la même confession, et vierge.

Il rencontre une jeune femme qui répond au premier critère et qui, leur relation devenant sentimentale, lui affirme qu'elle répond aussi au second, alors qu'il n'en est rien. Pourquoi ? Je l'ignore. Toujours est-il que son fiancé ne lui a jamais caché l'importance que ce critère représentait pour lui et qu'elle a prétendu mensongèrement le remplir.

Vient la nuit de noce, et le mari découvre que son épouse lui a menti, et sur un point dont il n'a jamais caché l'importance qu'il lui attachait. L'épouse lui révèle alors qu'elle a déjà eu une relation sentimentale qui, si elle n'a pas eu de fruit, lui a coûté une fleur.

L'époux ne veut plus de cette union qui s'est construite sur un mensonge. Dès le soir des noces, il se sépare de son épouse et veut faire dissoudre ce mariage.

Il saisit donc la justice, mais par une procédure fort rare, la nullité du mariage. Quasiment tombée en désuétude depuis la libéralisation du divorce en 1975, elle n'est plus enseignée à la faculté que comme une curiosité, ses effets divergeant de la nullité contractuelle de droit commun.

Cette nullité repose sur l'article 180 du Code civil :

Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage.

Cet article protège le consentement des époux, qui doit être libre et sincère. C'est là un point essentiel du mariage. Le mariage tient en effet à la fois du contrat (un accord de volonté qui fait naître des obligations) et de l'institution (certains de ces effets et sa dissolution sont fixés par la loi et ne sont pas laissés à la liberté de choix des époux). Sa nature contractuelle exige un consentement pur : monsieur veut vraiment épouser madame.

Cela exclut que monsieur soit menacé de mort s'il ne dit pas oui (je n'invente pas : c'est une jurisprudence de la cour d'appel de, je vous le donne en mille : Bastia, 27 juin 1949), ou subisse quelque pression que ce soit. C'est le sens de la question posée par le maire : voulez-vous prendre pour époux … ?

Outre la violence faite aux époux, l'alinéa 2 prévoit que le consentement d'épouser la personne porte non seulement sur son identité mais sur qui elle est vraiment. Tout couple, a fortiori un couple qui se lie par le statut contraignant du mariage, repose sur la confiance en l'autre. Si cette confiance a été trahie avant même le mariage, la loi considère que le consentement au mariage peut en être atteint.

Mais la loi se garde de définir ces qualités essentielles, et la jurisprudence de la cour de cassation laisse le juge décider si, selon lui, les qualités invoqués sont ou non essentielles. On appelle cela le pouvoir souverain du juge du fond, la cour de cassation n'étant pas juge du fond mais du droit. Seules exigences de la jurisprudence : l'erreur doit être objective et déterminante, c'est-à-dire reposer sur un fait et être telle que, sans cette erreur, l'époux ne se serait pas marié.

On a donc une collection de décisions qui donnent des exemples ponctuels. Ont ainsi été considérés comme qualités essentielles :l'existence d'une relation extraconjugale que l'époux n'avait nullement l'intention de rompre ; la qualité de divorcé (qui fait obstacle à la tenue d'un mariage religieux chrétien) ; la qualité d'ancien condamné ; la qualité de prostituée ; la nationalité ; l'aptitude à avoir des relations sexuelles normales (le jugement ne définit pas la relation sexuelle normale, pour la plus grande tristesse des étudiants en droit) ; la stérilité ; la maladie mentale ou le placement sous curatelle.

Venons-en à notre jugement. Sa lecture est fort instructive. Dommage que les spécialistes de l'indignation sur commande s'en soient manifestement passés.

Premier point intéressant. Contrairement à ce que Libé laisse entendre en écrivant «Dès le lendemain, l’époux cherche à faire annuler son mariage », les époux n'ont pas fait preuve d'un empressement frénétique. L'époux a délivré son assignation fin juillet 2006, soit trois semaines après le mariage, et il ne va plus rien se passer pendant plus d'un an. Ce qui va faire que le tribunal, lassé d'attendre va radier l'affaire le 4 septembre 2007, qui sera rétablie pour être jugée en octobre 2007. Mais bon, le mari musulman qui répudie sur le champ sa femme pas assez chaste, c'est plus vendeur, n'est-ce pas ?

Une procédure en nullité de mariage, c'est un procès presque comme un autre. Il y a un demandeur. Ici, c'est le mari. Il expose au juge ses prétentions, que voici :

il demande l' annulation du mariage sur le fondement de l'article 180 du code civil, que chacune des parties supporte ses propres dépens. Il indique qu'alors qu'il avait contracté mariage avec [son épouse] après que cette dernière lui a été présentée comme célibataire et chaste, il a découvert qu'il n'en était rien la nuit même des noces. [son épouse] lui aurait alors avoué une liaison antérieure et aurait quitté le domicile conjugal. Estimant dans ces conditions que la vie matrimoniale a commencé par un mensonge, lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux pourtant essentielle dans le cadre de l'union conjugale, il demande l' annulation du mariage.

Il y a un défendeur. Ici, c'est l'épouse. Et que dit-elle pour sa défense ? Voilà ce que tous les indignés oublient de dire ou ignorent :

Elle demande au tribunal de lui donner acte de son acquiescement à la demande de nullité formée par [son époux], dire que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens, ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Bref, l'épouse consent à la procédure de nullité.

Le mariage, en France, comme tout ce qui touche à l'état des personnes, est d'ordre public : la procédure doit être communiquée au parquet pour qu'il indique sa position. Il faudra qu'un jour je fasse un billet sur le rôle civil du parquet, qui est très important et méconnu, on ne lui connaît que son rôle pénal de poursuite des infractions.

Dans ce dossier, le parquet dit : « Je m'en rapporte à la sagesse du tribunal », ce qui signifie que ça ne lui pose aucun problème.

Mettons nous un instant à la place du juge : il a un demandeur qui lui demande d'annuler son mariage car son épouse l'a trompé. Il a un défendeur qui lui demande d'annuler son mariage car il a trompé son époux. Il a un procureur qui dit de ne pas l'ennuyer avec ce dossier, car il y a un nouveau billet sur le blog d'Eolas. Et il a un article 408 du Code de procédure civile qui lui dit :

L'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action.

Pourquoi diable le juge rejetterait-il cette demande qui ne pose de problème à personne ?

Certes, le même article 408 précise que :

[L'acquiescement] n'est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition.

Ce qui n'est pas le cas de la nullité du mariage qui est d'ordre public. Il a le pouvoir légal de rejeter cette demande et l'obligation légale de la justifier s'il y fait droit.

Il va décider d'y faire droit, en motivant sa décision ainsi :

D'abord, il rappelle le droit tel qu'il va l'appliquer.

- Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 180 du code civil, s'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage ; que, par ailleurs, l'article 181 - dans sa rédaction issue de la loi du 4 avril 2006 applicable à la cause - précise qu'une telle demande n'est plus recevable à l'issue d'un délai de cinq ans à compter du mariage ou depuis que l'époux a acquis sa pleine liberté ou que l'erreur a été par lui reconnue ;

Simple rappel des textes en vigueur.

- Attendu qu'il convient en premier lieu de constater qu'en l'occurrence, l'assignation a été délivrée avant l'expiration d'un délai de cinq années suivant la célébration du mariage et la découverte de l'erreur ; que l'action en annulation du mariage s'avère dès lors recevable ;

Premier point qu'il doit vérifier : la demande est-elle recevable, doit-il l'examiner ? La réponse est oui. Deuxième question, la demande est-elle fondée ? Ce qui induit la question : quelles sont les règles applicables ?

- Attendu qu'en second lieu il importe de rappeler que l'erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l'empire d'une erreur objective, mais également qu'une telle erreur était déterminante de son consentement ;

C'est-à-dire que l'erreur ne vient pas de celui qui l'invoque mais était connu de l'autre époux, et que sans cette erreur, il n'aurait pas consenti au mariage.

Ces règles posées, le juge va constater qu'elles s'appliquent, et ce par un raisonnement fort habile qui fait que ce juge mérite plus des applaudissements que les injustes lazzis dont il fait l'objet :

Attendu qu'en l'occurrence, [l'épouse] acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s'en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de [l'époux] au mariage projeté ; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint.

L'habileté échappera à qui n'est pas juriste, mais je m'y attarde car c'est un superbe cas pratique pour des étudiants de première année (tiens ? Les partiels approchent…)

L'acquiescement de l'épouse à la demande en nullité n'était pas possible, car la matière est d'ordre public : art. 408 alinéa 2 du code de procédure civile. Alors que fait le juge pour faire droit à cette demande ? Étudiants en première année, prenez le temps de réfléchir, c'est un beau cas pratique du droit de la preuve.

Il déduit de cet acquiescement inefficace un aveu judiciaire : article 1356 du Code civil. L'épouse dit acquiescer à la demande de son mari. Elle ne le peut pas, mais ce faisant, elle avoue devant le juge qu'elle savait que son hymen importait à son époux et qu'elle savait qu'elle ne l'avait plus (son hymen, pas son mari ; quoique maintenant elle n'a plus ni l'un ni l'autre).

Le juge y trouve donc une preuve irréfutable (l'aveu judiciaire ne peut être rétracté) du caractère objectif et déterminant de l'erreur. Ite missa est, comme ne dit pas le Coran.

Et hop, mariage annulé.

Ce qui est une action d'une banalité affligeante, faite sur un fondement anecdotique, est devenu en quelques jours un scandale national car chacun y projette ses fantasmes, la religion musulmane des intéressés n'y étant pas pour rien, la palme revenant à ce communiqué de l'association Ni Putes Ni Soumises, que j'ai connue plus inspirée, et qui aboutit à faire dire à ce jugement que les femmes non vierges n'ont plus le droit de se marier.

Ce jugement ne dit absolument pas que le mariage d'une femme non vierge est nul, ni que la virginité est une qualité essentielle de la femme. Il dit ceci et rien d'autre. Madame Y… a menti à Monsieur X… sur un point qu'elle savait très important pour lui. Elle savait que si Monsieur X… avait su la vérité, il ne l'aurait probablement pas épousé. Et d'en tirer les conséquences légales que lui demandent les deux époux dans ce qui après tout est leur vie.

Là où les indignés des micros se muent tous en Tartuffe, c'est quand on se demande ce qu'il serait advenu en cas de rejet de la demande. Ces époux seraient-ils restés mariés et auraient-ils vécu heureux avec beaucoup d'enfants ? Non, ils auraient divorcé. Par consentement mutuel, puisqu'ils étaient d'accord pour se séparer. Consentement mutuel qui exclut que soient abordés les raisons du divorce. Donc dissolution du mariage, mais l'honneur est sauf : on ne saurait pas pourquoi.

Bref, prenez ce mouchoir et cachez-moi cette virginité que je ne saurais voir. Tartuffe est toujours face à Dorine.


Pour ne pas mourir idiot : Le texte presque intégral du jugement.

jeudi 22 mai 2008

Rions un peu

Je sais, il fait moche, les sirènes des pompiers sonnent partout sans raison, et Bertrand Delanoë vient de faire son coming-out libéral. Bref, la morosité nous guette.

Alors je vous propose deux choses qui, je l'espère, arriveront à vous arracher un sourire, et tant pis si d'habitude les billets légers sont réservés au dimanche.

Le premier, c'est cette désopilante vidéo sur le Tibet. Ce que serait la politique sans langue de bois (je ne puis créditer les auteurs, Youtube étant muet là dessus, si un lecteur peut m'aider à réparer cette injustice)Crédit : Le Groupe d'Action Discrète, merci Fanch Guy.

Le deuxième, c'est le commentaire du jour sur ce blog. Comme quoi la langue de bois peut être encore plus drôle que son absence.

Il est signé “PL”, et, passé à travers le filtre du shorter, donne :

Si Nicolas Sarkozy ne tient pas ses promesses, c'est parce que nous ne sommes pas en dictature.

Merci, PL.

Si j'ai le temps aujourd'hui, je vous ferai un billet sur la vraie fausse consécration du droit opposable au logement par le tribunal administratif de Paris. Il y a de quoi rire aussi.

vendredi 9 mai 2008

Un peu de musique pour fêter une si belle journée

Montez le son à fond : c'est un pont aujourd'hui, cabinets et palais sont vides.

BBC Philharmonic Orchestra ; direction : Gianandrea Noseda.

mardi 6 mai 2008

Mes lecteurs sont formidables (2)

… et le second apport est dû à une de mes Taupes®, qui m'a fourni des documents statistiques internes au ministère de la justice sur la CRPC, plus récents que ceux que j'ai pu trouver.

On y apprend que sur les 181 tribunaux de grande instance (TGI) existant à ce jour, le nombre de tribunaux n'utilisant pas cette procédure est passé de 62 à 15 (ce chiffre fluctue selon les mois, des petits tribunaux pouvant n'avoir aucune affaire en CRPC pendant de longues périodes). D'octobre 2004 à décembre 2007, 126 839 affaires ont été traitées en CRPC dont 97% sur convocation (le prévenu est libre et a le temps de préparer sa défense) et 3% sur déférement (le prévenu est en état d'arrestation et est amené directement du commissariat au procureur) soit 3 808 dossiers.

Des affaires terminées sur cette période, 88,1% se terminent par une peine homologuée. Parmi les échecs, 7,1% s'expliquent par la non comparution du prévenu, 2% par un refus de la peine par le prévenu, et 2,8% par un refus d'homologation par le juge.

Le nombre d'affaires nouvelles progresse régulièrement sur 2007, hormis les mois d'été où ce nombre chute brutalement (5 668 affaires nouvelles en juin 2007, 2 757 en juillet, 1 357 en août, 6 046 en septembre).

Le TGI pionnier en la matière est celui de Lyon, qui en 2004 a à lui seul audiencé la moitié des affaires. Il en reste le premier utilisateur parmi les “gros”[1] TGI devant Paris (1 508 CRPC à 1 446). Quand on sait que Dominique Perben est depuis mars 2004 vice-président du Conseil Général du Rhône et conseiller général de Lyon (6e canton), on comprend mieux.

Le champion de France 2007 est un poids moyen : le TGI de Grasse, avec 1 692 dossiers.

Ce sont les moyens et petits tribunaux qui ont le plus recours à la CRPC : depuis septembre 2007, elles représentent plus de 10% des poursuites correctionnelles engagées par ces tribunaux.

À titre indicatif, le nombre de “réponses pénales” pour des délits (suites données à une plainte, ou à la constatation d'une infraction par la police) est en 2007 de 1 226 255.

42,2% de ces réponses sont des alternatives aux poursuites (médiation, rappel à la loi, injonction thérapeutique, composition pénale). Cela laisse 708 247 poursuites dont 500 328 sont portées directement devant le tribunal correctionnel, 30 398 donnent lieu à une instruction, 58 208 concernent des auteurs mineurs et vont au juge des enfants, et 51 000 en CRPC.

Le taux de classement sans suite est passé en 10 ans de 45% à 20%. Si je ne mets pas en doute l'acharnement au travail des parquetiers, la vraie explication à cette baisse spectaculaire est due au gouvernement Jospin, qui en 1998 a modifié le mode de calcul de ce taux, en passant du taux d'affaire dont l'auteur n'est pas identifié au taux d'affaires dont l'auteur identifié n'est pas poursuivi (résultat : taux 1998 : 45,9% ; taux 1999 : 34,9%).

Notes

[1] Les “Gros” sont : Lyon, Paris, Toulouse, Bobigny, Evry , Bordeaux, Pontoise, Versailles, Lille, Nanterre, Marseille, Créteil.

Mes lecteurs sont formidables (1)

Deux compléments à mes deux derniers billets, fournis par mes lecteurs.

Le premier concerne les avoués.

Mon confrère Polynice use de son droit de réplique sur son propre blog. Voici un point de vue contraire au mien sur l'utilité des avoués.

La défense devant avoir la parole en dernier, je reprends ici le riche commentaire de Billy Bud, lui même avoué, qui répond aux arguments les plus souvent soulevés. Il était perdu au fin fond des commentaires et mérite d'être élevé au rang de billet tant il apporte au débat et par respect pour le temps que maître Bud y a consacré.


Je voudrais en liminaire remercier Eolas pour son billet qui a le mérite de présenter la fonction d’avoué, qui en a bien besoin, de façon simple et claire.

Le nombre de commentaires auxquels je souhaite réagir est très élevé, je ne citerai donc pas chacun des intervenants, mais essaierai de répondre à tous de façon synthétique.

Je précise que mon approche de la question sera en premier lieu motivée par l’intérêt du justiciable ainsi que celle des magistrats.

1. Le coût

La critique essentielle, sinon unique, articulée à l’encontre des avoués est leur coût unanimement décrété comme trop élevé.

Force est cependant de constater que jamais je n’ai lu d’exemple précis sur ce point, ni ici, ni dans les attaques régulières du Conseil National des Barreaux.

Ainsi que l’a fort justement rappelé le maître des lieux, la rémunération des avoués est soumise à tarif institué par le décret du 30 juillet 1980 qui a subi de menues modifications depuis lors.

Je ne dis pas que ce tarif est parfait, loin de là, je pense même que la profession d’avoué gagnerait énormément à le rendre plus lisible, mais il ne mérite tout de même point d’être voué aux gémonies comme c’est souvent le cas.

En substance, la rémunération de l’avoué est calculée proportionnellement à la plus forte condamnation prononcée soit par le Tribunal, soit par la Cour.

Dans certains cas, impossibilité d’évaluer l’intérêt du litige en argent, en cas de divorce par exemple, absence de condamnation ou émolument supérieur à 5.400 € HT, l’avoué de l’appelant établit un bulletin d’évaluation soumis au contrôle de la Chambre de sa Compagnie, puis au magistrat ayant jugé l’affaire qui vérifie si au regard de l’importance et de la difficulté de l’affaire, l’émolument paraît justifié.

De façon quasi systématique, l’état de frais fait en outre l’objet d’une vérification par le greffe.

Mais, concrètement me direz-vous, et vous aurez raison, il coûte combien l’avoué ?

Si la plus forte condamnation prononcée est de 15.000 € … l’émolument de l’avoué est de 591,60 € HT.

Hors aide judiciaire, inférieure devant la Cour pour l’avoué que pour l’avocat (!), je mets tous les participants à ce blog au défi de trouver un avocat moins onéreux pour pareil dossier.

Certes, ainsi qu’il a été vu, la rémunération peut atteindre et même dépasser 5.400 € HT.

Toutefois, pour atteindre ce niveau, il faut que les condamnations prononcées soient au moins égales à 1.370.000 € ; nous sommes donc loin d’un dossier ordinaire et là encore, mais je puis me tromper, je doute que les honoraires de l’avocat, même en cas de perte du procès, soient véritablement inférieurs.

D’autre part, dans 95 % des cas, la partie succombante est condamnée aux dépens, c’est à dire que sauf insolvabilité totale de l’adversaire, le gagnant d’un procès en appel n’aura à payer que son avocat.

Il appert donc que si votre dossier est bon, votre avoué ne vous coûte pour ainsi dire rien.

Pour autant, il peut parfois coûter à votre avoué pour peu qu’il y passe du temps, ce qui arrive, alors que l’intérêt du litige est modéré, sinon dérisoire – et je vous arrête de suite, oui, les avoués passent régulièrement du temps sur les petits dossiers, non rentables donc, qui, puisqu’ils viennent devant la Cour en dépit du faible montant des condamnations, sont très contentieux et suivis de près tant par les avocats correspondants que par les clients en personne.

Je ne vais pas pour autant soutenir que les avoués sont à plaindre, mais je pense qu’il est aisé de comprendre que pareil système ne peut fonctionner, c’est à dire être suffisamment rentable, que si d’autres dossiers sont rémunérateurs.

Il s’agit donc d’une certaine façon de mutualiser le coût du procès en appel ce qui n’est possible qu’en limitant le nombre d’offices par Cour.

Je sais bien que l’époque ne s’y prête pas forcément, mais il faut prendre conscience qu’il s’agit véritablement d’un choix de société : doit-on ou non permettre à chacun le libre accès à la justice et notamment au second degré de juridiction ce que seul l’actuel système permet ?

En effet, contrairement à l’idée largement répandue, sans doute en raison de son apparente simplicité, la suppression du (sur)coût de l’avoué dans le procès d’appel n’aboutira pas à une baisse du coût d’une procédure d’appel pour le justiciable.

Ainsi, comme il a été rappelé dans le billet de Maître Eolas, le travail, quel qu’il soit, de l’avoué ne sera pas fait gratuitement par un avocat qui, a minima, facturerait en sus de ses honoraires, directement ou par le biais d’un de ses confrères constitué, les frais de postulation soumis aussi à un tarif qui prévoit essentiellement un calcul sur le montant des demandes …

L’avoué remplit en outre différentes tâches « invisibles » incombant souvent aux greffes ce qui simplifie leur fonctionnement, diminue leur coût et donc aussi, cette fois de façon indirecte, celui pour le justiciable.

Enfin et surtout, pour en finir avec le coût, quoique je serai amené à y revenir infra, deux comparaisons s’imposent, curieux qui personne n’y ait encore songé ici :

- le coût actuel d’un procès à l’étranger – puisque la France est la seule à avoir des avoués et qu’il faut regarder ce qui fonctionne à l’étranger : au Royaume Uni par exemple, le coût d’un procès représente 3,5 fois l’intérêt du litige … - le coût d’un procès en appel en France dans une Cour dépourvue d’avoués : j’admets ne pas le connaître, mais le commentaire de Avocat à la Cour me laisse à penser qu’il ne diffère guère de celui des Cours où le ministère d’avoué est obligatoire.

Bref - pour ceux qui ont eu la patience de lire jusque là : je plaisante - il me semble erroné, sinon mensonger, de justifier la suppression éventuelle des avoués par leur coût pour le justiciable.

Etant une nouvelle fois précisé que je suis néanmoins favorable à une modification du tarif, je suis ouvert à toute discussion sur ce point qui reviendra nécessairement à plusieurs reprises dans la suite de ma réponse.

2. L’apport pour le justiciable et la justice

L’avoué est donc quasi gratuit me direz-vous, avec ou sans ironie, mais sert-il pour autant à quoi ou qui que ce soit ?

Je ne vais pas revenir sur les aspects déjà défendus par le maître des lieux sauf à apporter quelques menues précisions.

2.1 La première est aussi la principale, elle aurait donc aussi bien pu être la dernière : l’avoué est utile pour peu qu’on l’utilise.

Les clients dits « institutionnels », banques, compagnies d’assurances, mandataires judiciaires, l’ont compris depuis fort longtemps et recourent devant chaque Cour à leur avoué habituel qui, de façon quasi-systématique, rédige les conclusions, assure les éventuels référés ou incidents et ce pour un coût constant.

Dans les dossiers de ces clients, généralement directement adressés aux avoués, l’intervention se limite souvent à des observations sur les écritures s’il y a lieu et aux plaidoiries sur le fond qui sont au demeurant de plus en plus rares, de nombreux magistrats favorisant les dépôts de dossier.

2.2 L’avoué intervient aussi parfois avant même l’inscription d’un appel : il peut conseiller son correspondant, avocat ou client, sur la stratégie à adopter dans un dossier pendant devant le Tribunal dont la décision sera probablement « appelée ».

Il joue le rôle de filtre lorsqu’il déconseille un appel ce qui arrive plus souvent qu’on ne le pense : il suffit pour s’en convaincre de comparer le pourcentage de décisions des Conseils des Prud’hommes faisant l’objet d’un appel avec celui des jugements rendus par les Tribunaux civils ou commerciaux.

2.3 En raison de leur nombre restreint, les avoués sont des interlocuteurs privilégiés des magistrats qui les connaissent, les fréquentent quotidiennement etc …

Ce lien particulier permet un traitement plus efficace des dossiers en particulier lorsqu’ils sont sensibles – sans connivence aucune, je pense que chacun s’accordera sur le fait qu’un auxiliaire de justice « reconnu » aura davantage l’oreille d’un magistrat qu’un autre totalement anonyme lorsqu’il s’agira de négocier une date à bref délai en raison de l’urgence présumée d’un dossier.

2.4 D’ailleurs, si l’avoué ne sert véritablement à rien, il faudrait que les avocats m’expliquent pourquoi même les plus virulents d’entre eux à l’encontre de cette profession, font néanmoins appel à elle dans de très gros dossiers où la représentation n’est pas obligatoire – Conseil de la Concurrence, AMF etc …

2.5 L’avoué est un véritable auxiliaire de justice en ce qu’il participe au fonctionnement de sa juridiction.

Cette participation s’est récemment accrue par le biais de la communication électronique en place dans plusieurs Cours et qui s’étendra à l’ensemble d’entre elles dès que l’avenir de la profession sera assuré.

Ainsi, dans les Cours concernées, les déclarations d’appel et constitutions sont aujourd’hui adressées au greffe non seulement au format papier, qui disparaîtra le jour venu, mais aussi par la voie électronique.

L’avantage n’est pas seulement lié à la déforestation : la communication effectuée par les avouées est dite « structurée », c’est à dire que toutes les informations contenues dans la déclaration d’appel, par exemple les copropriétaires appelants, sont directement intégrées dans le dossier informatique de la Cour.

Il ne s’agit point d’un gadget, mais autant de travail de saisie en moins pour les greffiers qui peuvent pendant ce temps travailler à autre chose – le nombre de personnes dans les greffes gérant les déclarations d’appel a été divisé par deux, parfois trois, depuis la mise en place de ce système.

Raison de plus pour supprimer les avoués diront certains puisque à l’heure d’internet, ils sont plus obsolètes que jamais.

Ils auront tout faux.

D’une part, parce qu’en dépit de leurs efforts, et la volonté déterminée du Président Magendie, les avocats ont été incapables à ce jour d’approcher de près ou de loin pareille communication, la leur se limitant à de la consultation de pages html et aucunement la transmission de données, ce n’est cependant pas en raison de leur incompétence en informatique, je vous rassure.

En effet, et d’autre part, le système n’est une nouvelle fois réalisable qu’en cas d’un nombre restreint d’intervenants ne serait-ce que pour des raisons de sécurité.

La communication électronique réelle ne peut sérieusement être mise en place que dans un système intranet.

Or, si demain la profession d’avoué était supprimée, tous les avocats européens pourraient postuler devant toutes les Cours françaises – j’en expliciterai les raisons en fin de post, soit, ouf, bientôt.

Je ne vois donc pas comment, mais je suis à l’écoute de toute démonstration, pourrait être créé un réseau intranet entre les Cours françaises et TOUS les avocats européens dont le nombre fluctue sinon quotidiennement, au moins de façon hebdomadaire – il suffit de se rendre au Palais de Justice à Paris le mercredi pour s’en convaincre, le nombre de prestations de serment hebdomadaires y est impressionnant.

La communication électronique et la dématérialisation de la procédure, soit les objectifs affichés par le Ministère de la Justice lorsqu’il s’agit d’évoquer du bout des lèvres la justice autre que pénale, ne pourront donc exister que pour autant que les avoués soient maintenus.

Les sceptiques me demanderont mais pourquoi la postulation ne pourrait-elle pas être assurée par les avocats de chaque Cour, ce qui, à l’exception notable de Paris et de quelques rares barreaux de province, assurerait un nombre restreint d’intervenants et donc la possibilité d’un intranet ?

C’est la faute à l’Europe !

En effet, il est aujourd’hui strictement interdit de créer des règles favorisant des ressortissants nationaux au détriment des ressortissants extra-nationaux.

Tel serait le cas si la France décidait d’accorder aux avocats français, qui plus est selon des critères géographiques, le monopole de la représentation devant les Cours.

Je ne sais si ces quelques lignes ont pu convaincre ne serait-ce qu’un seul sceptique, le sujet est vaste et mérite plus que « quelques » lignes rédigées entre appels téléphoniques, conclusions, audiences etc … surtout lorsque l’auteur n’a pas le talent de Maître Eolas.

Je finirai pour eux en rappelant une autre règle européenne.

Supprimer la profession et la fonction d’avoué revient aujourd’hui à ouvrir une véritable boîte de Pandore dans la mesure où si en application des règles européennes qui nous gouvernent aujourd’hui, la déréglementation est évidemment possible, revenir en arrière sera strictement interdit.

Certains pays comme le Danemark, dont le système judiciaire n’était pas, fut un temps, éloigné du notre, regrettent amèrement la libéralisation du marché du droit, soit une approche marchande de la justice que je me refuse à accepter pour mon pays.

lundi 5 mai 2008

Où l'on reparle de la CRPC

Souvenez-vous : ce blog venait de naître, et le Garde des Sceaux de l’époque était tout heureux de sa trouvaille, le « plaider coupable à la française », pour l’état civil « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité », CRPC pour ceux du sérail.

À l’époque déjà, j’expliquais n’avoir ”a priori” rien contre cette nouvelle procédure, qui était loin de la révolution annoncée par ses promoteurs comme de la Géhenne annoncée par ses détracteurs. Je vous invite à relire ce billet pour comprendre le fonctionnement de cette procédure.

On se souvient que son lancement fût accompagné d’un pataquès, la loi ayant oublié de préciser ce qui pour le législateur était un des intérêts essentiels de la réforme : le procureur n’a pas à être présent à l’audience d’homologation. La loi y ayant mis bon ordre le 26 juillet 2005, les audiences d’homologation ont lieu désormais hors la présence du procureur.

Alors, quatre ans plus tard, qu’en est-il ?

Les statistiques du ministère de la justice ne donnent que peu d’informations. Le dernier annuaire statistique publié l’année dernière n’a les chiffres que de 2005, où 27 200 requêtes en homologation ont été présentées, contre 2 187 en 2004, mais s’agissant de l’année d’entrée en vigueur de la mesure pour la dernière, et le pataquès n’ayant été réglé qu’en juillet 2005, ces chiffres ne sont pas révélateurs. Si quelqu’un a des données plus récentes…

Autant de 2004 à 2005, la Chancellerie faisait tout pour que cette procédure soit un succès, autant à partir de 2006, l’intérêt officiel a décru. Le départ de Dominique Perben, père de la réforme, et l’arrivée de Pascal Clément a été le premier virage, les Garde des Sceaux n’étant guère enthousiastes à l’égard des réformes de leurs prédecesseurs, persuadés que la leur sera bien plus brillante. Le deuxième virage a eu lieu en 2007 avec l’arrivée au pouvoir d’une autre tendance de la droite qui ne cachait pas son animosité avec ses prédécesseurs. Bref : la CRPC n’est plus une priorité, et c’est sans doute ce qui pouvait lui arriver de mieux. Dégagée d’impératifs politiques, les parquets sont plus libres de recourir à cette procédure quand elle semble opportune.

Concrètement, les CRPC concernent essentiellement des délits routiers. Je dis essentiellement car tous les dossiers que j’ai eu à traiter en CRPC concernaient des délits routiers, de même que tous les dossiers qui étaient convoqués le même jour. J’aurais tendance à penser à un usage exclusif en la matière mais n’ai aucun moyen de m’en assurer. Les délits routiers concernés sont principalement des conduites sans permis ou malgré l’annulation ou la suspension d’un permis, des conduites en état d’ivresse délictuelles (taux d’alcool dans l’air expiré supérieur à 0,4 mg/l), ou de grands excès de vitesse (>50 km/h) en récidive (le premier n’étant qu’une contravention). Bref : des délits sans victime, même si la procédure prévoit la possibilité pour la victime de se faire indemniser dans le cadre de la CRPC.

Une pratique s’est mise en place dans le silence des textes, avec des variantes selon les tribunaux, mais qui sur l’essentiel ne diffèrent pas. L’avocat a naturellement accès au dossier avant l’entretien avec le procureur. La simplicité des dossiers fait qu’on peut se contenter de les consulter le jour même. L’avocat (dont la présence est obligatoire pour une CRPC ; il y a un avocat de permanence pour assister les prévenus qui le demandent) se rend donc au bureau où le procureur reçoit les prévenus. C’est lui qui fait seul le travail de manutention des dossiers et de rédaction des actes, un greffier étant de nos jours un bien rare et précieux. L’avocat peut aller consulter le dossier dans une pièce à cet usage. S’il voit dans le dossier une nullité de procédure, il doit pour la faire valoir refuser la CRPC et demander la convocation devant le tribunal, seul compétent pour prononcer une telle nullité (art. 385 du code de procédure pénale). Avec à la clef le risque d’une condamnation plus sévère que la proposition de peine. En cas de nullité paticulièrement évidente, le parquet peut aussi décider de classer sans suite, bien sûr, ayant autre chose à faire qu’audiencer des dossiers-Titanic. Le choix tactique doit être fait en accord avec le client, bien entendu. Le reste du travail de l’avocat consiste à vérifier que les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis. L’usage est également pour le procureur de laisser dans le dossier un Post-It™ où est inscrit la proposition de peine. C’est un simple gribouillis non signé, mais l’avocat sait d’ores et déjà où il va et peut informer son client de cette future proposition.

S’il a des arguments à faire valoir, l’avocat a un entretien en tête à tête avec le procureur quand il ramène le dossier. L’usage qui s’est instauré est d’éviter ce qui pourrait passer pour une discussion de marchand de tapis devant le prévenu, ce qui permet une discussion plus libre, et ne porte pas atteinte à la dignité de la justice. Je dis “ce qui pourrait passer pour une discussion de marchand de tapis” car ce n’en est pas une. Un avocat qui vient juste essayer de gratter une diminution de peine parce qu’il fait des yeux tristes n’aura guère de succès. Les procureurs veulent des pièces ou des arguments juridiques qui montrent que la proposition initiale n’est pas adaptée. En tout cas, les parquets que j’ai fréquentés dans le cadre de cette procédure n’ont pas une politique du « à prendre ou à laisser », qui aurait été nuisible au succès de cette procédure à mon avis.

Quelques exemples d’argumentations pertinentes dans une CRPC : le prévenu de conduite sans permis produit une inscription à une auto-école montrant qu’il a commencé les cours de conduite (voire a passé le permis), ce qui montre que le trouble à l’ordre public est en voie d’être réparé (ce qui pourrait même se solder par une dispense de peine devant un tribunal). La circonstance aggravante de récidive ne tient pas, car la condamnation qui forme le premier terme n’était pas définitive au moment de l’itération. Le prévenu démontre que la condamnation pourrait nuire de manière disproportionnée à sa carrière et obtient une non inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire. Ces trois exemples (tirés de cas réels) montrent qu’on peut faire valoir des arguments de fait (premier exemple), de droit (deuxième exemple) ou obtenir des aménagements de la peine (troisième exemple). Bref, une CRPC, ça se prépare, et c’est là l’avantage que procure un avocat choisi sur l’avocat de permanence, car si vous arrivez les mains vides, c’est trop tard, il ne peut plus rien pour vous, sauf si vous habitez en face du Palais. Ce qui n’est pas bon signe car en province, c’est généralement l’emplacement de la Maison d’arrêt.

Une proposition définitive de peine émerge de cet entretien, que l’avocat transmet à son client en lui conseillant d’accepter ou de refuser. Un refus met fin immédiatement à la CRPC, et le dossier est ransmis au tribunal pour être jugé, une fois purgé des éléments révélant qu’une telle tentative a eu lieu. Si la proposition est accepté, le procureur remplit à la main les deux documents de la procédure : le procès verbal d’acceptation de la peine, co-signé par le prévenu et l’avocat et la requête en homologation. Ces documents sont pré-rédigés et imprimés, la proposition de peine étant laissée en blanc. Si un délit ou une circonstance aggravante saute, les mentions correspondantes sont simplement rayées par le procureur.

Cette phase a généralement lieu en matinée, l’audience d’homologation se tenant en début d’après midi. En deux heures, un procureur seul peut ainsi traiter de dix à vingt dossiers, ce qui est un grand gain de productivité (une audience correctionnelle traitera au mieux six à dix dossiers dans ce laps de temps, en occupant au moins un juge si ce n’est trois, un procureur et un greffier).

L’audience d’homologation a généralement lieu en début d’après midi. Elle est publique, comme l’a exigé le Conseil constitutionnel. Le public est en fait constitué exclusivement des autres avocats et des autres prévenus, mais cela suffit à exercer un certain contrôle sur les décisions concernant les autres. Le président, en robe (le procureur est en costume civil lors de la phase de proposition de peine), accompagné d’un greffier, constate l’identité du prévenu, rappelle la prévention (c’est-à-dire le délit qui est poursuivi), et la proposition de peine. Il demande au prévenu d’itérer son acceptation, et demande à l’avocat s’il a des observations. Généralement, il n’en a pas, sauf si le président laisse entendre qu’il a des réticences à homologuer, la peine lui paraissant trop clémente (l’hypothèse d’une peine trop sévère est d’école, l’avocat étant là pour conseiller à son client de refuser une telle peine). Le juge rend alors aussitôt une ordonnance homologant la peine ou au contraire refusant l’homologation (je n’ai jamais vu une telle hypothèse), auquel cas le dossier est retourné au procureur pour qu’il saisisse le tribunal compétent.

Mes clients ayant eu à connaître ce type de procédure (qui ont un profil plutôt inséré socialement, la plupart travaillent depuis longtemps) en ont eu une perception plutôt positive (dans la masure où on peut être positif quand on est poursuivi). Ça va relativement vite, la nécessine de l’acceptation par le prévenu et la négociation possible par l’avocat évitent le sentiment d’être pris par une machine qui peut broyer sans s’en rendre compte. L’audience d’homologation fait l’économie d’un ton moralisateur que certains présidents se croient tenus d’adopter et qui peut être profondément humiliant pour le prévenu, les propos du président se résumant à l’énoncé de la prévention, le rappel de la peine, l’indication de l’homologation et les rappels légaux sur les effets du sursis et la possibilité de bénéficier d’un abattement de 20% sur les condamnations pécuniaires en cas de paiement spontané dans le délai d’un mois (une amende de 500 euros plus 90 euros de droit de procédure étant ainsi ramenée à 472 euros tout compris).

En conclusion, mon opinion de départ n’a guère évolué, si ce n’est dans un sens favorable à la CRPC. Une application faite en bonne intelligence en a fait une bonne procédure qui a mon sens satisfait toutes les parties.

Qu’en pensent mes confrères et les magistrats ayant touché à la matière ?

vendredi 2 mai 2008

Quelle idée d'épouser un étranger avant le président de la République ! (Billet mis à jour)

NB : lire l'importante mise à jour à la fin de ce billet.


Jules reprend la nouvelle signalée par Embruns et dont je parlais tantôt : un Français ayant épousé un Hollandais et ayant demandé en conséquence de ce mariage la nationalité hollandaise se serait vu retirer sa nationalité française.

Jules a, je pense, vu juste quant à l'origine de ce retrait. Il s'agit de l'application de la Convention sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités signée à Strasbourg en 1963, car une brève recherche ne m'a révélé aucune convention bilatérale sur ce sujet entre la France et les Pays-Bas.

Cette convention pose le principe qu'un citoyen d'un des pays signataires qui prend, par un acte de manifestation de volonté (déclaration, demande) la nationalité d'un autre pays signataire perd sa nationalité d'origine. Convention qui, en application de l'article 55 de la Constitution, prime sur la loi interne.

Ainsi la loi française, aujourd'hui l'article 23 du Code civil, mais déjà en vigueur à l'époque sous un autre nom, pose le principe suivant :

Toute personne majeure de nationalité française, résidant habituellement à l'étranger, qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ne perd la nationalité française que si elle le déclare expressément, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants du présent titre.

Mais la Convention de Strasbourg primant sur cette loi, si cette acquisition concerne la nationalité d'un pays signataire, la Convention prime et la nationalité est perdue sans qu'il soit besoin d'une déclaration du Français déchu.

Le droit est la science des exceptions, disait un de mes professeurs à un auditoire incrédule. Comme il avait raison. Car cela se complique.

En effet, l'application rigoureuse de ce principe ayant abouti à des situations fort désagréables pour les citoyens français vivant à une époque où l'Europe devenait une réalité concrète (sans que quiconque ne semble se demander si ce n'était pas le principe même qui était absurde), des protocoles ont aménagé ce principe. La situation la plus fréquente était le cas de couples mixtes. Les enfants ayant les deux nationalités des parents, le parent vivant dans le pays qui n'était pas le sien pouvait trouver souhaitable d'acquérir la nationalité du conjoint et qui est aussi celle de ses enfants, pour participer à la vie politique locale, sans désirer pour autant perdre ses droits politiques dans son pays d'origine. À ceux qui froncent le nez, je dirai que les enfants nés de parents de nationalité différente sont généralement citoyens de ces deux pays et votent dans les deux s'ils le souhaitent. Pourquoi en irait-il différemment de leurs parents ? Pourquoi, par exemple, une italienne qui épouse un Français et souhaiterait pouvoir voter pour lui s'il voulait obtenir ou conserver une fonction élective devrait-elle obligatoirement renoncer à son droit à exprimer son choix dans les destinées de son pays de naissance ? Vous allez voir, mon exemple est tout sauf innocent.

Ainsi, le Deuxième protocole additionnel (STE 149) signé le 2 février 1993, prévoit qu'en cas de changement de nationalité par une manifestation de volonté consécutive à un mariage, les États signataires peuvent prévoir que la perte de nationalité ne joue pas.

Or tel était déjà le cas de la loi française : article 23 du Code civil. Exception à l'exception, on applique à nouveau le droit interne.

Pour notre amateur de pédales, les choses se compliquent à nouveau. Le droit français, à la différence du droit hollandais, ne reconnaît pas le mariage entre personnes du même sexe, la cause est entendue. J'insiste là-dessus : c'est le mariage entre personnes de même sexe qui est prohibé, pas le mariage entre homosexuels. Deux homosexuels peuvent parfaitement se marier, à condition que l'un fût homme et l'autre femme ; deux hommes à l'hétérosexualité inébranlable ne peuvent se marier ensemble.

Pour les autorités françaises, il y a donc acte de volonté pour obtenir la nationalité d'un autre pays signataire de la Convention de Strasbourg et pas de mariage, puisque celui-ci ne saurait être conforme à la loi française.

Cette position, à laquelle je n'adhère pas pleinement pour ne rien vous cacher, résulte d'une réponse ministérielle du 9 mars 2006 :

Pour être reconnu en France, le mariage conclu à l'étranger doit être valable tant au regard de la loi du lieu de célébration que de la loi personnelle de chacun des futurs époux qui en régit les conditions de fond. Le mariage suppose que la loi personnelle de chacun des futurs époux l'autorise. Ainsi, au regard de la loi française, deux Français de même sexe ne pourront valablement se marier à l'étranger, même si la loi du lieu de célébration reconnaît ce mariage, dans la mesure où leur loi personnelle, la loi française, le prohibe. Il en va de même du mariage d'un Français à l'étranger avec une personne étrangère de même sexe.

En droit international privé, cette solution est tout sauf évidente : il faudrait que la différence de sexe soit considéré comme une loi de police, ce qui à la lecture des décisions des mariés de Bègles est pour le moins douteux. Mais ceci est un autre sujet.

Revenons en à notre het vroegere Frans[1] : pour les autorités françaises, le raisonnement juridique est le suivant :

- Il y a acquisition d'une nationalité d'un pays signataire de la Convention de Strasbourg, dont l'article 23 ne s'applique pas.
- Il n'y a pas de mariage donc le deuxième protocole additionnel ne s'applique pas (donc pas de retour à l'article 23).
- Conclusion : il y a perte automatique de la nationalité française en application de l'article 1 de la Convention.

Toute la question repose sur la validité au regard du droit français du mariage hollandais entre un Français et Hollandais tous deux mâles. Et il y a ici compétence exclusive du juge judiciaire français, c'est vers lui que notre ex-concitoyen doit se tourner pour itérer en sa nationalité.

La loi est dure pour les couples mixtes, mais c'est la loi, et en France, terre républicaine, elle est la même pour tous.

Sauf si bien sûr elle contrarie un puissant, auquel cas, elle doit bien sûr être immédiatement écartée.

Car il vous souvient que le 2 de ce beau mois de février, le président de la République a épousé une jolie jeune femme, qui parmi ses innombrables qualités a celle d'être italienne.

Le président a un certain empressement à ce que son épouse devienne elle-même française. Des lapsus révélateurs de ses proches, dès le lendemain du mariage, indiquent clairement cet état d'esprit. Ladite épouse n'a rien contre l'idée, mais souhaite conserver sa nationalité italienne, ce qui est fort compréhensible. Qu'à cela ne tienne : l'Italie a ratifié le Deuxième protocole additionnel. La belle Piémontaise a épousé un Français, qu'elle déclare acquérir la nationalité française, et elle conservera l'italienne, me direz-vous.

Coquin de sort ! L'ancien ministre de l'intérieur qui, lui, avait une épouse française, a fait voter une loi repoussant à quatre ans la durée du mariage préalablement à une telle déclaration de nationalité. Quatre ans, la fin du quinquennat, autant dire : la fin de l'éternité pour l'actuel président, qui doit maudire l'ancien ministre.

Reste la voie de la naturalisation, qui, il va de soi sera expresse pour la talentueuse chanteuse.

Quale grande Catastrofe ! Une telle demande de naturalisation, qui doit émaner de la belle, est une manifestation de volonté, et la nationalité acquise ne serait pas la conséquence d'un mariage : elle perdrait donc sa nationalité italienne en application de la convention de Strasbourg.

Cette convention, qui pourrit la vie des Français qui osent trouver l'herbe plus verte dans les champs voisins depuis 45 ans, contrarie donc notre président, premier homme politique de premier plan qui se la voit appliquer.

La loi est dure, mais c'est la loi ? Alors, il suffit de faire en sorte que la loi ne soit plus la loi.

C'est ainsi que par une déclaration consignée dans une lettre du Ministre des Affaires étrangères et européennes de la France, en date du 3 mars 2008, enregistrée auprès du Secrétariat Général le 4 mars 2008, la France a dénoncé le chapitre I de la Convention de Strasbourg, avec effet au 5 mars 2009 (voyez cette page, cherchez le paragraphe France), conformément à l'article 12 de ladite convention. Oui, vous avez bien lu, cette Convention va être abrogée pour la France, par l'effet d'une décision prise un mois pile après le présidentiel mariage, ce qui permettra de naturaliser la belle turinoise dès le 6 mars 2009.

Notre pauvre Français Hollandais eût-il eu l'excellente idée de se marier après notre président de la République qu'il eût pu bénéficier de cette opportune abrogation, épouser son beau batave, déclarer vouloir acquérir la nationalité des tulipes et des polders, et ce tout en restant français, mariage ou pas mariage, puisque faute de convention internationale, c'est l'article 23 de notre Code civil qui s'applique.

En conclusion, ce que cette lamentable, plus que lamentable histoire révèle n'est pas une quelconque homophobie d'État. C'est un mal plus grave encore : c'est que nos présidents se prennent vraiment pour des rois. On avait vu le précédent modifier une Constitution pour le mettre à l'abri des affaires, et promulguer une loi en interdisant de l'appliquer. On avait vu le précédent faire mettre sur écoute ceux de ses concitoyens qu'il jugeait bon.

Espérait-on une rupture sur ce point qu'on est désormais fixé. Qu'une loi s'appliquant en principe à tous, qu'un Traité qui lui est même supérieur et exprime la souveraineté de la Nation sur la scène internationale vienne à contrarier le président et il perd immédiatement sa raison d'être. Quarante cinq ans durant, il a été interdit ou fait restriction aux Français d'acquérir une autre nationalité européenne sans perdre la leur. Que cette interdiction contrarie les projets du président, et un mois plus tard, elle sera abrogée.

Comment ne pas devenir cynique, après tout cela ?


PS : Ha, les nonistes, merci de garder pour vous vos pleurnicheries sur le Traité de Lisbonne. Le projet de Traité simplifié a été expressément débattu lors de la campagne présidentielle. C'est une part du débat public qui s'est traduit en actes, ce qui serait plutôt à porter au crédit du président. Inutile donc de faire de vaseuses analogies. Hors sujet, elles seront supprimées.


Mise à jour de 19 h00 : Quelques éléments supplémentaires :

- Sur le nouveau néerlandais : il serait arrivé aux Pays-Bas en 2002, se serait marié le 6 décembre 2003, et aurait déclaré acquérir la nationalité néerlandaise en 2006.

- Sur la dénonciation de la Convention : un élément qui peut laisser espérer une pure coïncidence, bien que j'en doute encore : le processus de dénonciation du chapitre I (le II, sur les obligations militaires restant en vigueur) a été lancé en 2003. En effet, seuls 13 États ont ratifié cette convention stupide (le 14e, le Portugal, ayant signé mais jamais ratifié). Des 13, l'Espagne a d'emblée écarté le chapitre I dans ses réserves de ratification. Il fallait donc que les 12 restant se mettent d'accord pour dire qu'on pouvait dénoncer le seul chapitre I, l'article 12 de la Convention ne permettant que la dénonciation de la Convention dans son ensemble, Chapitre I (double nationalité) et II (obligations militaires). L'accord des 12 a été obtenu en avril 2007, soit il y a un an.

Toujours est-il que depuis, un seul pays a effectivement dénoncé le chapitre I : la France, le 4 mars 2008. Un empressement contraire à sa tradition en la matière, il n'est que voir notre vitesse de ratification de la Convention européenne des droits de l'homme (signée en 1950, ratifiée en 1974, acceptation du recours individuel devant la Cour en 1981).

En fait, un élément très simple démontrerait que ma théorie du mal partout serait infondée : le fait que Carla Bruni ait d'ores et déjà été naturalisée. Quelqu'un sait-il si c'est le cas ? Les décrets de naturalisation ne sont pas publiés au JO.


Ajout express au 1er mai : Lire le très bon billet de Ceteris Paribus qui m'apporte une puissante contradiction. Je reviendrai sur ce billet, mais je suis retenu loin de mon ordinateur aujourd'hui.


Mise à jour du 2 mai : J'ai enfin le temps de réagir au billet de Ceteris Paribus. Sur la forme, je suis outré qu'un garçon sérieux et prometteur ose réunir autant de calembours et contrepétries par kilo-octet. Il y a des normes à respecter, seul moi suis autorisé à m'en affranchir. Sur le fond, il apporte un argument déterminant qui tend à prouver qu'en l'espèce, il y aurait bien pure coïncidence entre cette dénonciation et la nationalisation naturalisation de la première Donna de France : la loi italienne prévoit bien une dérogation à la perte automatique de la nationalité en cas d'acquisition volontaire d'une autre nationalité, dérogation autorisé par le deuxième protocole additionnel de la Convention de Strasbourg. Ergo, la nationalité ultramontaine de de la Signorina Sarkozy n'était absolument pas menacée par son intégration à la communauté nationale. Le crime perd son mobile, ma théorie s'effondre, et comme m'y invite Ceteris Paribus, je prie le Président de la République d'accepter mes excuses le jour où il apprendra l'existence de ce blog. Et vive la capacité auto-réglatrice des blogs.
Néanmoins, qu'il me soit permis de maintenir ma position sur un point qui devrait faire consensus : il est profondément regrettable qu'un Français se voit privé de sa nationalité pour avoir épousé un étranger mâle conformément aux lois de ce pays, par l'application, critiquable qui plus est, d'une Convention que la France s'apprêtait à dénoncer, ce après avoir lancé l'initiative même de cette dénonciation.

Enfin, c'est à mes lecteurs que je présente les excuses les plus sincères de les avoir un temps entraîné dans mon égarement. Je promets de redoubler de prudence à l'avenir et de faire relire tous mes billets à Ceteris Paribus avant publication.


Mise à jour du 2 mai à 15h30 : (Retiré).

Notes

[1] Anciennement français.

jeudi 17 avril 2008

L'affaire ANPSEDIC

Ou : le Service Public à la française en action.

Sébastien Bourgasser est un informaticien qui, ayant connu les affres de la recherche d'emploi, a conçu en 2004 un logiciel d'aide à la recherche de travail, ou plus exactement de gestion des démarches de recherche. Ce logiciel permet, en quelques opérations simples, d'adapter son CV à l'intitulé de l'offre, d'imprimer une lettre de motivation, et de noter la date d'envoi de la candidature, la date d'une réponse, et d'un éventuel entretien. Cela permet de suivre facilement des dizaines de démarches simultanées et de pouvoir démontrer aisément aux organismes sociaux la réalité et le détail des démarches entreprises, qui peut conditionner le maintien de certaines allocations.

Ce logiciel a été baptisé ANPSEDIC, mélange des signes ANPE et ASSEDIC. Logo ANPSEDIC

Ce logiciel était disponible gratuitement sur le site anpsedic.org, et était recommandé par plusieurs conseillers ANPE pour des personnes ayant du mal à s'organiser dans leur recherche de travail qui, quand elle est sérieusement menée, est une activité très prenante.

Formidable, la solidarité entre chercheurs d'emploi, la créativité de l'un mise bénévolement au service de ses prochains, n'est-ce pas ?

Non. C'est insupportable.

L'ANPE d'abord puis l'UNEDIC, l'organisme national auquel sont rattachés toutes les ASSEDIC, ont mis en demeure Sébastien Bourgasser de cesser de distribuer ce logiciel, car, tenez-vous bien : il contrefait les marques commerciales ANPE et ASSEDIC.

Que les sigles ANPE et ASSEDIC soient des marques déposées peut déjà surprendre, mais cela peut se comprendre : l'ANPE jouissant d'un monopole et l'activité de courtage en matière de contrat de travail étant très encadrée (il est notamment interdit de percevoir une rémunération du candidat), l'ANPE, en déposant sa marque, se prémunit contre du parasitisme. L'UNEDIC exerçant une mission de service public, il est légitime qu'elle protège sa dénomination contre une usurpation commerciale.

Mais nul ne peut prétendre que Sébastien Bourgasser faisait du parasitisme : il proposait gratuitement un logiciel d'aide à la recherche d'emploi qui ne fait que gérer les candidatures entrées par l'utilisateur. D'ailleurs, l'ANPE et l'UNEDIC se sont épargnés au moins le ridicule de cette insinuation.

Cela dit, le juriste peut froncer le sourcil. La marque est protégée par la loi, mais cette protection n'est pas générale et absolue. Quand j'écris : “Honte à l'ANPE et à l'UNEDIC pour ce qu'ils ont fait”, je ne contrefais pas les marques ANPE et UNEDIC, bien que je les reproduise.

La protection recouvre deux situations.

La première, que nous appellerons la protection absolue, est posée à l'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle :

Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ;

b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.

Pour résumer, elle porte sur les produits et services identiques, cette identité résultant de la classe dans laquelle la marque est déposée, selon une nomenclature précise résultant de l'Arrangement de Nice du 15 juin 1957 (on parle de “classification de Nice”).

La deuxième, la protection relative, résulte de l'article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle :

Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;

b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.

Pour résumer, elle s'étend à tout usage de la marque, même pour des produits différents de ceux pour lesquels elle est déposée si cet usage peut entraîner un risque de confusion dans l'esprit du public.

C'est sur ce deuxième plan que l'ANPE et l'UNEDIC attaquent : le terme ANPSEDIC étant une combinaison des termes ANPE et ASSEDIC, utilisés dans un cadre de recherche d'emploi, les deux organismes estiment qu'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, nonobstant la remarque figurant en page d'accueil du site précisant que ce logiciel a été créé sans lien aucun avec l'ANPE et l'ASSEDIC.

Que voulez-vous, les chômeurs sont des gens simplets qu'il faut protéger, et ils pourrait effectivement confondre un Établissement Public Administratif ou une association loi 1901 intitulée Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce avec un logiciel tournant sous Windows.

Résultat : Sébastien Bourgasser, qui faisait ce travail bénévolement, qui n'a pas les moyens techniques de modifier le nom de son logiciel, n'ayant plus accès au programme lui permettant de compiler son logiciel, et qui n'a ni le temps, ni l'énergie ni les moyens de se bagarrer avec ces deux organismes, jette l'éponge et cesse de distribuer son programme.

Bref, grâce à l'UNEDIC et l'ANPE, les chômeurs ont perdu un outil susceptible de les aider. On applaudit bien fort le sens du service public.

Mais vous me connaissez, je vois le mal partout. Je ne peux mettre sur le compte de la bêtise ce qui peut être mis sur le compte de la méchanceté. Allons donc lire le BOPI, le Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle.

Une rapide recherche (pas de lien direct possible, désolé) nous apprend que l'ANPE a déposé 26 marques, et l'UNEDIC, 5 marques ASSEDIC. Que parmi ce florilège, 18 des marques ANPE et les 5 marques ASSEDIC sont déposées dans la classe 42, soit… la conception et développement d'ordinateurs et de logiciels ! Ça alors ! Moi qui croyais que l'ANPE et l'UNEDIC étaient des organismes en charge respectivement de centraliser les offres et les demandes d'emploi et de gérer l'assurance chômage. En fait ce sont des SSII !

Mais alors, me direz-vous, l'ANPE et l'UNEDIC pouvaient revendiquer la protection absolue de l'article L.713-2, en raison de la similitude des produits ?

Absolument.

Pourquoi ne l'ont-elles pas fait ? Je l'ignore. Peut-être parce que cela se serait trop vu qu'elles préparent le lancement de leur propre logiciel ?

Si l'ANPE et l'UNEDIC ou leur Conseil souhaitent apporter des explications, ils sont les bienvenus. Avec leur autorisation, j'inclurai leur réponse ici même sous ce billet, afin qu'elle ne soit pas égarée et moins visible en commentaires. J'avoue que pour ma part, j'espère ardemment une explication qui me révélera en quoi cette attitude est conforme à l'objet de ces organismes, qui reste avant tout, il faut hélas le rappeler, de venir en aide aux chômeurs.


Mise à jour 11h43 : La direction de la communication (oui, de la communication, pas la direction juridique) de l'UNEDIC vient de contacter Sébastien Bourgasser pour organiser un rendez-vous commun avec la direction de la communication de l'ANPE afin de trouver une solution amiable. La réunion aura lieu d'ici quelques semaines. Je vous tiens au courant.

mardi 15 avril 2008

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mercredi 12 mars 2008

Maintenant, ils sont au complet

Il y a des nouvelles insignifiantes en apparence, mais qui sont lourdes de symbole. Lazare Ponticelli Lazare Ponticelli, le dernier poilu, est mort aujourd'hui. Il n'y a plus de mémoire vivante qui garde le souvenir du bruit, de l'odeur, de l'image des tranchées en couleur.

Une page se tourne. Mais grâce à Libération, nous pouvons encore partager ses souvenirs : il a été interviewé par le journal qui a mis en ligne quatre extraits de son récit.

C'est à écouter ici. Absolument. Car le malheur naît de l'oubli.

Ha, oui, sur son nom. Lazare Ponticelli est né italien. Il avait immigré en France avec sa famille pour fuir la misère de son pays. Il s'est engagé volontairement à 16 ans pour se battre pour un pays qui n'était pas encore le sien. C'était une autre époque.

Le malheur naît de l'oubli.

mardi 11 mars 2008

Vous avez du courrier

Histoire de détendre un peu l'ambiance après la foire d'empoigne sous mon précédent billet, voici un courrier que j'ai reçu hier dans ma boîte e-mail.

Je tenais à vous le faire partager. Ainsi que ma réponse.


Cher Maître,

Journaliste pour l'émission people décalée Paparanews produite par Cauet et diffusée à partir d'avril sur Virgin 17, j'aimerais beaucoup vous interviewer en tant qu'expert juridique sur le sujet des « peoples qui ne portent pas de culotte ».

Les questions tourneront autour des peines qu'on encourt éventuellement à se balader sans culotte, est-ce que l'on peut considérer cette pratique comme de l'exhibitionnisme ? etc.

Le reportage fera également appel à d’autres experts (gynécologue, journaliste people…) qui nous parleront des éventuels risques sanitaires encourus par cette pratique ainsi que les raisons qui poussent certains peoples à sortir sans culotte.

Vous trouverez ci-dessous un pitch de l’émission pour vous donner une idée du style du programme.

Par conséquent, j’aimerais beaucoup, si vous en êtes d’accord, m’entretenir au téléphone avec vous en vue de préparer la future interview qui pourrait avoir lieu jeudi 13 avril à votre convenance.

Dans l’attente de votre réponse et vous en remerciant par avance,

Cordialement,

Sandrine B.

Tel : ...

Journaliste BeAware - Paparanews

Paparanews

Le pitch

Plus loin, plus drôle, plus cash, plus trash, telle est la promesse de Paparanews, le seul magazine d’information people réalisé en deux versions :

Une version soft, interdite au moins de 10 ans, pour la journée.

Une version hot, interdite au moins de 16 ans, pour la nuit.

Présenté sous la forme d’un JT incarné par une animatrice, venue d’un autre monde, Paparanews revisite l’actualité people de façon décalée et franchement hors normes

Paris Hilton est-elle une vraie salope ?

Y a-t-il des risques sanitaires liés au fait que les people ne portent pas de culottes ?

Pourquoi n’a-t-on pas de Britney Spears en France?...

Peut-on devenir people rien qu’en montrant ses fesses ?

Des questions essentielles auxquelles Paparanews s’efforcera de répondre avec la rigueur et le sérieux que les téléspectateurs de Virgin17 sont en droit d’attendre.


Chère Sandrine,

C'est avec une certaine fierté que j'ai lu votre courrier m'apprenant que ma réputation n'était plus à faire en tant qu'expert juridique sur le sujet des « peoples qui ne portent pas de culotte ». Je savais qu'en prenant ce sujet audacieux pour mon mémoire de DEA, et ce malgré les réserves de mes professeurs d'alors sur la modestie de l'apport doctrinal prévisible, je m'attelais à un problème juridique essentiel pour les générations postérieures et que cela m'ouvrirait les portes des rédactions les plus prestigieuses. J'en ai à présent la confirmation.

C'est donc avec plaisir que j'aurais été, littéralement, pendu à vos lèvres sur ce thème que je qualifierai de fondamental, à tout point de vue. Je pense avoir d'ailleurs des théories que je me permettrais de qualifier d'originales, voire d'iconoclaste, sur la question de "Paris Hilton est-elle une vraie salope ?" que j'aurais été ravi de faire partager à mes concitoyens au milieu d'un aréopage d'experts au moins aussi renommés que moi.

Malheureusement, vous avez eu la louable prudence de m'avertir que ces questions allaient être traitées avec "rigueur" et "sérieux". Et vous avez raison, ce sont des sujets qui ne méritent ni l'amateurisme, ni l'approximation. Et là, je suis contraint à décliner votre offre. Clairement, je redoute trop de ne pas, comment dire ? Être à la hauteur de l'émission. Voilà. Le mot clef est celui-là. Hauteur.

Notamment, sur la question de "Peut-on devenir people rien qu’en montrant ses fesses ?", je ne saurais rivaliser avec l'expertise de votre patron.

Ce n'est donc que ma lâcheté qui m'oblige, le cœur en lambeaux, à décliner. Et en plus, je dois vous avouer que je ne vous mentirais si je vous promettais que je regarderai votre émission.

En tout cas, je vous félicite de porter haut le flambeau du métier de journaliste. Vous devez être fière de vous.

Quant à moi, je suis et demeure à jamais

Votre très humble et très dévoué serviteur.

Eolas.

vendredi 7 mars 2008

1D10 minutes de silence

Gary Gygax, l'inventeur de D&D, et par extension des jeux de rôles, est mort le 4 mars dernier.

C'est toujours quand on en a besoin qu'on a plus de Scroll of Resurect.

Repose en paix, et merci.

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