Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Arrêt de Montpellier : explication de texte.

Voici les motifs de la décision de la cour d'appel de Montpellier du 10 mars 2005 (via Juriscom.net, merci à Frédéric).

"(...) Attendu qu'aux termes des articles L122-3, L122-4 et L122-5 du code de procédure pénale (sic, lire : code de la propriété intellectuelle), lorsqu'une oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire les copies ou reproduction strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ;

Attendu que le prévenu a déclaré avoir effectué les copiés uniquement pour un usage privé; qu'il n'est démontré aucun usage à titre collectif ;

Que tout au plus le prévenu a admis avoir toutefois regardé une de ces copies en présence d'un ou 2 copains et avoir prêté des CR (sic : lire : "CD") gravés à quelques copains ;

Attendu qu'on ne peut déduire de ces seuls faits que les copies réalisées ne l'ont pas été en vue de l'usage privé visé par le texte ;

Que c'est par suite à bon droit que le premier juge est entré en voie de relaxe (...)"

Bon, la cour a fait dans le concis.

En somme, elle confirme la relaxe parce que le prévenu déclare ne pas être coupable. Un rêve d'avocat.

La cour n'aborde pas du tout la question de l'origine des copies : FTP, P2P, gravage direct, ni celle des sources des copies (originaux licites ? Copies privées ? Copies illicites ?).

Ce qui est étrange, c'est que la cour semble créer une présomption de copie privée. La relaxe est prononcée car la preuve de caractère non privé de la copie n'est pas produite : le paragraphe 4 est très parlant à cet égard :

Attendu qu'on ne peut déduire de ces seuls faits que les copies réalisées ne l'ont pas été en vue de l'usage privé visé par le texte.

Or la lecture de l'article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle montre que la copie privée est une exception à la protection des droits patrimoniaux de l'auteur, protection assurée entre autres par le délit de contrefaçon. La définition de la contrefaçon n'inclut pas dans ses éléments constitutifs la preuve que la copie ne soit pas réalisée pour un usage privée. La charge de la preuve pèse donc sur la défense, et je suis étonné que la cour considère cette preuve rapportée par les déclarations du prévenus (et qu'on ne me dise pas que cette juridiction ne voit jamais de menteurs : je vous rappelle que j'ai plaidé devant elle !)



Je ne sais pas ce qu'il y avait dans le dossier, mais aucun élément à charge n'en est tiré...

Pour le pourvoi en cassation, un écueil guette les parties civiles : en effet, la Cour de cassation ne peut pas remettre en cause le fait que ces copies soient toutes des copies privées. C'est une question de fait, tranchée souverainement par les juges montpeliérains. Seule leur raisonnement juridique peut être critiqué devant la cour suprême. Par exemple, ne pas s'être interrogé sur la licéité des sources des copies, ou avoir fait de la copie privée une présomption, renversant ainsi la charge de la preuve.

Affaire à suivre donc, et chat échaudé craignant l'eau froide, je me garderai bien d'un quelconque pronostic sur la décision de la Chambre criminelle du Quai de l'Horloge.

(Cour d'appel de Montpellier ; photo Eolas)

Commentaires

1. Le vendredi 11 mars 2005 à 17:52 par LapinLove404

Cool, ce post va me permettre de poser une question qui me turlupine depuis quelques temps:

Pourquoi la charge de la preuve est elle à charge de la défense dans le cas de copies licites?

Je comprend que la copie à usage privé (fair use ?) soit une exception à la protection des droits patrimoniaux de l'auteur mais la présomption d'innonce ne s'applique-t'elle pas à un délit comme la contrefaçon ?

Faut il comprendre que:
- la présomption s'applique normalement pour le délit de contrefaçon
- La contrefaçon est cependant avérée -> il y a délit
- a charge du prévenu de prouver que la contrefaçon était bien à usage privée et constitue donc une exception à la protection des droits patrimoniaux

Damned, si ca se trouve je vient de me répondre à moi même!

2. Le vendredi 11 mars 2005 à 18:14 par Philippe

La preuve du caractère privé n'est elle pas tout simplement "Attendu que le prévenu a déclaré avoir effectué les copiés uniquement pour un usage privé".

Je veux dire : quelle preuve *supplémentaire* le prévenu aurait il pu apporter ?

Aurait il fallu qu'il dépose ses films copiés chez son notaire, se les fasse livrer par huissier pour les visionner, l'huissier devant compter le nombre de personnes présentes, se bander les yeux pendant le visionnage puis remporter les copies à la fin ???

Comment peut on prouver que quelque chose s'est passé en privé autrement qu'en le déclarant ?

Puisque c'est privé, et qu'il dit que c'est privé, c'est que c'est privé ... !

Non ?


Comme j'aimerais que ce fût le cas ! Mais les juges sont des personnes à l'esprit mal tourné : ils ne croient jamais nos clients sur parole (sauf à Montpellier, on dirait).

Plus sérieusement, la loi prévoit que c'est l'intime conviction du juge qui s'applique (l'intime conviction n'est citée que dans l'instruction aux jurés d'assises, mais cette formule s'applique en réalité à tous les juges). Les juges ne doivent jamais croire quiconque sur parole (sauf les avocats bien sûr), il faut qu'on leur prouve ce qu'on avance.

Le point de départ de leur réflexion, c'est la présomption d'innocence.

"Ce type qu'on m'amène menotté, dans le box, encadré par des gendarmes est innocent. Ca se voit, d'ailleurs. Roger... Pardon, Monsieur le procureur, avec qui j'ai déjeûné à la cantine (quel marrant ce Roger), va tenter de me démontrer qu'en fait il n'est pas innocent."

Le procureur doit rapporter la preuve que le prévenu a copié une oeuvre (c'est fait, on a saisi 400 CDs), qu'il n'avait pas l'autorisation de l'auteur (c'est téléchargé depuis internet, les auteurs ne l'ont jamais autorisé, d'ailleurs ils se sont constitués partie civile), qu'il a agi en connaissance de cause (il n'est pas dément, il sait très bien ce que c'est qu'un téléchargement) : la preuve est donc bien rapportée.

A ce stade le juge est convaincu de la culpabilité du type avec les menottes.

La défense peut soulever que certes, il s'agit de copies faites sans l'accord des ayant droits MAIS qu'il s'agissait de copies privées. Dans ce cas, le délit de contrefaçon ne s'applique pas car il y a autorisation de la loi (article 122-4 du Code pénal).

Mais, comme pour les autres motifs d'irresponsabilité pénale, tels la légitime défense, la charge de la preuve pèse sur l'accusé.

Il est présumé innocent, certes, mais pas présumé innocent et subsidiairement dément, en légitime défense, en état de nécessité, mû par la force majeure, commettant une erreur de droit, obéissant à un commandement de l'autorité légitime ou un acte autorisé par la loi (ce sont là les causes d'irresponsabilité pénale prévues par le Code pénal). Ces exceptions (c'est un terme de procédure) doivent être établies par la défense. La loi ne fait pas obligation au ministère public de prouver qu'en plus, ces exceptions ne sont pas établies, c'est à la défense de le faire, le parquet se contentant de démolir les arguments de la défense.

Sur la question de la preuve du caractère privé de la copie, il n'y a pas de preuve parfaite liant le juge. Il s'agit des éléments du dossier et des autres éléments qu'on aura pu réunir qui emporteront la conviction du juge.

En l'espèce, le tribunal avait relevé des éléments qui indiquaient qu'il s'agissait de copies privées : les CD ROMs étaient au domicile du prévenu, en un seul exemplaire, il n'y a nulle traces de commandes et d'annonces proposant des copies à qui en veut, il n'est pas établi qu'il se livrait à des visionnages collectifs autres qu'avec quelques amis : il y a de quoi convaincre qu'il s'agit de copies privées. Mais sa seule parole ne suffit pas. Un prévenu a le droit de mentir : il ne prête pas serment. Et en pratique, il ne s'en prive pas, je vous renvoie à mes billets sur les rois du baratin.

Eolas

3. Le vendredi 11 mars 2005 à 20:23 par guerby

Si j'ai bien compris votre raisonnement : j'ai achete legalement un CD, je n'ai pas gardé la facture (classique) ou je l'ai acheté d'occasion, j'en fait une copie sur mon disque dur et/ou sur mon ipod, je perds le CD original, une perquisition chez moi et hop menotte prison 300 000 euros d'amendes car je suis un vilain pirate incapable de prouver materiellement mon innocence car je n'ai ni l'oiginal ni la facture (qui d'ailleurs ne prouve pas que j'ai revendu le CD) !!!

J'ai du mal a croire a ce que vous dites...

Sincerement,

Laurent


Ce sont vos yeux et non mes paroles qu'il vous faut ne pas croire. Je n'ai jamais soutenu ce que vous me faites dire.

Je dis que la cour crée une présomption de copie privée alors que la copie privée s'analyse comme une exception, et doit donc être prouvée par celui qui s'en prévaut, le prévenu. Dans cette affaire, le prévenu n'a même pas prétendu qu'il s'agissait de copie faites à partir d'originaux qu'il avait achetés légalement mais perdu.

Eolas

4. Le vendredi 11 mars 2005 à 21:21 par Julien

«la Cour de cassation ne peut pas remettre en cause le fait que ces copies soient toutes des copies privées. C'est une question de fait, tranchée souverainement par les juges montpelliérains.»

Franchement, ne croyez-vous pas Eolas que si la Cour de cassation veut mettre les points sur les "i", elle trouvera le moyen de le faire ? Ca ne serait pas la première fois…

5. Le vendredi 11 mars 2005 à 21:48 par Philippe

Eolas, merci de votre réponse détaillée, mais vous n'avez pas répondu à ma question :

« Quelle preuve supplémentaire le prévenu pouvait il apporter ? »

A partir du moment où un certain nombre d'élements caractéristiques étaient établis (exemplaires uniques, pas d'argent en jeu, etc.), en quoi le juge aurait il pu mettre en doute la bonne foi du prévenu qui déclarait que les copies étaient destinées à son usage privé et donc relevait de l'exception prévue au CPI ?


Howdy y'all.

Je pense vous avoir répondu, mais peut être ma réponse était-elle trop diluée. Je la résume.

Simple affirmation du prévenu "c'est privé" = insuffisant.

exemplaires uniques + pas d'argent en jeu + pas d'offre publique d'échange de copie = indices rendant crédible le caractère privé que le juge peut estimer suffisant.
Si vous cherchez la preuve absolue vous mettant à l'abri de toute poursuite, elle n'existe pas. C'est la glorieuse incertitude du droit pénal, celle qui me permet de gagner ma vie.

Notez enfin que malgré la décision de Montpellier, je demeure très réservé sur la légalité de la copie privée à partir d'une source illicite. En l'état actuel du droit, je ne conseillerai toujours pas à mes clients de s'y livrer sans retenue.

Eolas

6. Le samedi 12 mars 2005 à 03:49 par LostintheNet

Eolas,

je découvre votre blog et ai lu avec intérêt le débat sur le p2p.
Je m'aperçois que deux thèses divergent quant à savoir si le p2p est légal ou non, et donc quelle que soit la valeur des arguments des uns et des autres, aujourd'hui personne n'est en mesure de donner une réponse juridique sûre vu les divergences de situations et de jurisprudences.

Alors je me pose la question suivante: comment est-il possible qu'on fasse à l'échelle nationale une campagne pronant que le p2p est illégal, alors que le droit à ce jour n'est pas établi sur cette question ?
N'y a t'il pas pression du pouvoir exécutif sur le judiciaire ( la campagne gouvernementale contre le p2p donne par son affirmation "cest illégal" un message aux magistrats, ce qui me choque ), et je me demande s'il serait possible de faire un recours juridique contre ce genre de campagnes qui présentent comme absolument établi un fait qui ne l'est pas ?

On donne un très large écho dans la presse et même les journaux tv à toute décision relatant la condamnation d'internautes, mais lorsque il y a des décisions de relaxe, les médias ne la relaient que très peu . Pourquoi un tel parti pris alors que deux positions ( légal - illégal ) sont juridiquement envisageables que seule la Cour de cassation pourra trancher.

Concrêtement, nous internautes pourrions nous agir en justice contre toutes les sociétés de droits d'auteur qui ont une attitude intrusive par rapport à nos données personnelles ( collecte des adresses ip, dénonciations en justice) alors qu'à ce jour bien malin qui pourrait sérieusement affirmer que le p2p est un délit ou non, et donc ces sociétés dénoncent des délits qui n'en sont pas, du moins à l'heure tardive ou j'écris ces lignes.

Plus je le lis et plus j'adore votre blog et les commentaires des lecteurs.


Merci d'abord pour ce compliment. La qualité des commentaires de ce blog est aussi un grand plaisir pour moi.

Tout d'abord, le P2P n'est pas illégal, et je n'ai vu aucune campagne financée par le gouvernement qui affirmerait une telle chose. Le P2P est légal en soi car il n'est absolument pas illégal de partager des fichiers informatiques dont on est l'auteur. Cela a déjà été rappelé. C'est, mutatis mutandi, ce que je fais en mettant en ligne des billets sur ce blog. L'illégalité survient quand celui qui met un fichier contenant une oeuvre à disposition ur un réseau P2P n'a pas le droit de reproduire cette oeuvre. Un problème peut surgir quand il s'avère que la majorité des fichiers mis en réseau sont illégaux. Cela peut entrainer une réaction législative.

Ensuite, si une telle campagne avait lieu, je ne vois a priori comment on pourrait s'y opposer, quand bien même le message qu'elle promeut est susceptible de critique. Le gouvernement a lui aussi une liberté d'expression qu'il faut respecter. L'action en jactance n'existe plus en droit français (c'est l'action par laquelle on somme celui qui se prétend titulaire d'un droit de le prouver faute de quoi il sera réputé ne plus avoir ce droit ; par extension, une action visant à contraindre celui qui affirme quelque chose de le prouver ou de se taire).

Pression sur les magistrats ? ranchement, je ne pense pas. Si le gouvernement voulait contraindre les magistrats à statuer comme il l'entend, il a un moyen plus efficace et moins cher : modifier la loi. 90% des lois votées le sont sur initiative gouvernementale, ne l'oublions pas. Si le gouvernement voulait prohiber le P2P, il le pourrait, sous réserve de la position du Conseil constitutionnel et du droit européen qui à ma connaissance ne s'est pas saisi de la question pour le moment.

Eolas

7. Le samedi 12 mars 2005 à 08:22 par globo

La décision est sans doute attaquable sur au moins un point: le prévenu reconnaît avoir "prêté" des copies à quelques camarades. Or, dans une espèce du 4 janvier 1991 (n° 87-81995), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a approuvé la Cour d'appel qui avait jugé que: s'étant volontairement dessaisi, au profit de tiers, des copies de films réalisées par lui, [le prévenu] en a perdu le contrôle, abandonnant ainsi à d'autres personnes la maîtrise de leur reproduction, et ce, en violation des droits des auteurs, quelles qu'aient été ses intentions. L'exception de copie privée a donc été écartée.

L'arrêt est peu clair et il ne s'agit que d'un inédit titré (ce n'est pas un arrêt de principe) mais l'idée s'en dégage que l'exception de copie privé n'est recevable qu'à la condition que la personne qui s'en prévaut a conservé la totale maîtrise de la copie. Tel n'est, semble-t-il, pas le cas en l'espèce et la Cour de cassation pourrait casser l'arrêt d'appel sur ce fondement.

Plus généralement, le p2p comme <technologie> est a priori légal. Certains usages sont illicites. On attend la décision de la Cour suprême des Etats-Unis pour voir confirmer ces deux points (voir ici: eff.org/IP/P2P/MGM_v_Grok...

A titre personnel, j'espère que les parties civiles formeront un pourvoi et que la Cour de cassation cassera l'arrêt d'appel.


Merci pour cet arrêt, qui peut être lu ici.

J'en vaais entendu parlé mais n'avais jamais eu les références. C'est vrai que ce n'est pas un arrêt de principe : la cour approuve la cour d'appel d'avoir légalement justifié sa décision, en laissant à leur appréciation souveraine les éléments constitutifs de l'infraction (il est vrai que le pourvoi s'attache un peu trop aux faits).

J'ai l'impression que ce qui a pu déterminer la condamnation du prévenu est l'envoi de ces cassettes à l'étranger, c'est à dire hors du territoire touché par la diffusion télévisée licite.

Eolas

8. Le samedi 12 mars 2005 à 10:03 par Roland Garcia

Rien n'empêche la cour d'Appel de Montpellier de jouer au ping pong en ne suivant pas la cour de Cassation.


Si : le code de procédure pénale. Si l'arrêt devait être cassé, l'affaire serait renvoyée devant une autre cour d'appel, ou, moins probablement, devant la même cour autrement formée.

Eolas

9. Le samedi 12 mars 2005 à 10:15 par all

Le fac-simile du jugement (source : Juriscom)
hometown.aol.com.au/All12...


Oups, j'avais oublié de mettre le lien, merci.

Eolas

10. Le samedi 12 mars 2005 à 10:33 par all

La copie privée est une faculté (ou un droit) accordée au public dans sa sphère privée (remarquons au pasage l'oxymoron).
Sortir de la sphère privée c'est entrer dans le domaine de la diffusion et dans ce cas la copie devient de la contrefaçon.
Dans ce jugement la qualité de contrefacteur ne pose pas problème puisque tout s'est déroulé dans le "cercle de famille", échappant à toute détection (heureusement...). Au delà de la copie privée, c'est purement et simplement le droit à la vie privée qui a été confirmé.
Pour ce qui concerne le caractère licite (on traduit version 'industrie culturelle': pour lequel tu as sorti le pognon) de la source, ce n'est écrit nulle part.


Cela pourrait être une explication. Mais tout le monde gagnerait à ce qu'elle soit clairement posée, pour que chacun connaisse la frontière ne ce qui est interdit et ce qui ne l'est pas. Restera la question : où s'arrête la sphère privée ? Famille proche ? Amis ? Amis d'amis ? représentation à son domicile seulement ou le prêt est il licite ? Ces limites doivent être connues.

Eolas

11. Le samedi 12 mars 2005 à 18:43 par fanjag

Cher Eolas,
je découvre aujourd'hui votre blog et ne peux m'empecher de saluer votre entreprise. Je n'emettrais qu'une seule réserve, il est vrai que la copie privée est licite à condition que l'oeuvre ait été divulguée, or l'auteur est le seul à pouvoir décider de la divulgation, de son procédé et de ses conditions (L 121-2 du code de propriété intellectuelle). En l'espèce, il est évident que les conditions de la divulgation ne comprenait par Internet. Donc à l'origine le simple fait de proposer la musique à télécharger sur un logiciel de P2P est une violation des droits moraux de l'auteur. Comment peut-on dès lors relaxer une personne qui, ayant connaissance de l'iilégalité, profite de cette infraction pour faire une "copie privée"? A quand le recel d'oeuvres artistiques en matière de téléchargement?


Pas tout à fait. L'article L.121-2 précise des modaliéts de la divulgation (conditions et terme), pas des modalités limitant erga omnes la reproduction de l'oeuvre par la suite. La question est : l'oeuvre est elle divulguée ou non ? Si la réponse est oui, le droit de copie privée existe, l'auteur n'y peut mais.

Le recel ne s'applique pas non plus car la copie privée bénéficie d'une autorisation de la loi (article 122-4 du code pénal). Dès lors, elle ne peut constituer ni contrefaçon ni recel d'icelle. La question demeure de sa voir quelles sont les limites de la copie privée.

Eolas

12. Le samedi 12 mars 2005 à 19:26 par cedcox

Bonsoir cher maître,

Je voulais vous signaler que j'avais écrit un petit article sur mon site qui parle de cette affaire mais d'un point de vue technique...

www.coxprod.org/article.p...

Bien sûr, je suis totalement subjectif et je n'ai pu m'empêcher de porter quelques critiques sur le système judiciaire et je vous présente dès maintenant mes excuses... :)

ced


Vous y qualifiez mon blog d'excellentissime : vous êtes donc tout pardonné.

Eolas

13. Le samedi 12 mars 2005 à 21:23 par Alarc'h

>fanjag
Votre remarque est intéressante, mais me porte à une réflexion sur les obligations réciproques du législateur et de l'usager. Si l'on considère que "nul n'est censé ignorer la loi", doit-on accepter que "la loi ignore le monde réel" ? J'entends par là que le fait qu'un moyen de communication, duplication etc. n'existe pas à un époque donnée quand un auteur décide du mode de diffusion de son oeuvre, doit-il conduire automatiquement à condamner l'emploi de ce moyen quand il apparaît ? Cela me semble bien rétrograde. A ce compte là Albrecht Dürer n'a a ma connaissance jamais autorisé la diffusion de ses gravures sur bois par impression offset, photographie ou photocopie... Donc les livres d'art qui les reproduisent seraient une atteinte à son droit moral ?

J'aimerais bien un éclaircissement sur ce point.


La divulgation est la publication de l'oeuvre, l'auteur révèle par son comportement que son oeuvre est achevée. Il ne peut restreindre la divulgation aux seules méthodes qu'il décide. Il a seul le droit de reproduction de l'oeuvre droit patrimonial qu'il peut céder.

Ce droit de reproduction est ainsi défini :

La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte.

Elle peut s'effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique.

Contrairement à une idée reçue très répandue dont vous vous faites le véhicule, la loi n'ignore pas le réel et n'est pas déconnectée du monde. Peu importe que Dürer n'ait pas expressément consenti à la reproduction de ses oeuvres par impression offset : le progrès technique s'impose à lui par l'effet de la loi.

Eolas

14. Le dimanche 13 mars 2005 à 08:22 par all

[citation(...) or l'auteur est le seul à pouvoir décider de la divulgation, de son procédé et de ses conditions]
Le oeuvres idoines ont été divulguées (=rendues publiques) puisque vendues dans le commerce, sur CD et DVD. Internet intervient ici en tant que moyen de reproduction et non comme medium de diffusion.
Quant à savoir si l'exception de copie privée couvre le moyens modernes de reproduction, lire cette jurisprudence svp :
www.tekool.com/engine/ind...

15. Le dimanche 13 mars 2005 à 13:05 par Roland Garcia

-> 8

Et si la nouvelle cour d'appel rendait le même jugement que celle de Montpellier ?

Il me semble que seule la cour de cassation mais réunie en assemblée pleinière peut arrêter le yoyo, non ?

16. Le dimanche 13 mars 2005 à 17:39 par fanjag

le simple fait de mettre en vente le produit ne supprime pas le droit de l'auteur de contrôler sa divulgation, il peut dès lors parfaitement refuser que soit divulgué sur Internet son oeuvre. Pour ce qui est d'Internet, le fait de télecharger la musique est effectivement un moyen de reproduction, néanmoins offrir au téléchargeemnt ces mêmes oeuvres c'est faire acte de divulgation et non de reproduction. Donc le fait de mettre "sur Internet" une oeuvre artistique sans autorisation de l'auteuer reste une violation des droits moraux de ce dernier.


Non, de ses droits patrimoniaux : droits de reproduction, et de représentation. Le droit moral est le droit au respect de l'oeuvre, or par définition, la diffusion par internet en respecte l'intégrité.

L'auteur ne peut que contrôler la divulgation, mais c'est un événement instantané et unique. A partir du moment où l'oeuvre est divulguée, l'auteur en perd définitivement le contrôle absolu, ce qui relève de la nature incoporelle d'une oeuvre.

C'est le sens de la formule qui ouvre l'article L.122-5 du CPI : "Lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire :...".

Eolas

17. Le lundi 14 mars 2005 à 08:46 par troll des bois

<citation>L'auteur ne peut que contrôler la divulgation, mais c'est un événement instantané et unique. A partir du moment où l'oeuvre est divulguée, l'auteur en perd définitivement le contrôle absolu, ce qui relève de la nature incoporelle d'une oeuvre.</citation>

Avec la limite que l'article L. 131-3 CPI pose que: La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

A ma connaissance, l'auteur n'a pas cédé les droits d'exploitation de ses oeuvres aux personnes les mettant à disposition sur l'internet. Il y a donc violation non du droit moral mais des droits patrimoniaux de l'auteur et contrefaçon. Cela a déjà été jugé dans le cadre des repassses électroniques d'articles de journaux (toute la jurisprudence est ici: www.snj.fr/droits_auteur/... La jurisprudence est unanime en France et à l'étranger (cf aux Etats-Unis Tasini v. NYT: www.nwu.org/tvt/tvthome.h... et en Belgique Central Station: www.legalis.net/jurisprud... A ma connaissance, il n'y a qu'en Allemagne que les journalistes ont été boulés mais sur la base du Urheberrecht allemand qui inclut des dispositions apparentées au work made for hire américain (si vous ne savez pas ce que c'est, google est votre ami. Cherchez la jurisprudence Playboy ;) ).

Bref, par quelques bouts qu'on prenne l'affaire on retombe sur une contrefaçon, sauf à être de très très mauvaise foi ou n'avoir pas assez potassé son CPI.

18. Le lundi 14 mars 2005 à 09:41 par all

[Ciitation (...)A ma connaissance, l'auteur n'a pas cédé les droits d'exploitation de ses oeuvres aux personnes les mettant à disposition sur l'internet.]

Ah bon ? Et comment ce fait-il alors qu'on trouve sur les plateformes légales de téléchargement, iTunes ou autres, tous les catalogues des majors du disque ? Entend-on les auteurs protester, uuuh ?
D'autant plus que la SACEM est en conflit avec Pascal NEGRE qui ne veut pas payer les droits d'auteur pour E-Compil ... Pirate !!

19. Le lundi 14 mars 2005 à 10:07 par trollons en choeur

<citation>Et comment ce fait-il alors qu'on trouve sur les plateformes légales de téléchargement, iTunes ou autres, tous les catalogues des majors du disque ?</citation>

Moi pas comprendre. Est-ce que le prévenu avait téléchargé les fichiers sur iTunes?


Non : le téléchargement via iTunes est légal, Apple rémunère les auteurs, qui ont autorisé la vente de leurs chansons sur ce support.

Eolas

20. Le lundi 14 mars 2005 à 16:21 par jean-marc

Bonjour,

D'abord merci pour toutes ces explications : instructif pour le néophyte total que je suis. J'en profite pour glisser cette question qui me travaille depuis longtemps. J'aimerai connaître la valeur juridique au regard du droit français, je ne sais pas si on doit le dire comme cela, des licences libres "creative commons" par exemple où par le biais de ces licences et en fonction de son choix, l'auteur peut autoriser ou non la libre diffusion, copie et modification de sa création pourvu que la modification, copie ou diffusion reste sous la même licence.



21. Le mardi 15 mars 2005 à 17:08 par Fred

cette discussion m'inquiète un peu de part divers flous.

Concrètement le droit de copie privée s'applique t'il à un logiciel?

Si je copie des CD audios ou des logiciel afin d'utiliser, pour mes seuls besoins, cette copie plutôt que de risquer de perdre l'original en cas de mauvais fonctionnement de mon lecteur de CD en ai-je le droit?

je fini par plus rien comprendre la dedans?


Non, le droit de copie privé ne s'applique pas aux logiciels : les articles L.122-6 et L.122-6-1 du Code de la propriété intellectuelle créent un régime dérogatoire pour les logiciels, excluant le droit de copie privé mais instaurant un droit de copie de sauvegarde.

Donc vous avez le droti de faire une copie d'un logiciel que vous avez acquis légalement pour ne pas risquer de perdre le CD original, mais il faut que vous soyez titulaire d'une licence. Vous pouvez vous faire une copie de vos CDs, et même des CDs de vos amis, pour votre seul usage privé.

Quant à aller piocher sur internet pour votre usage privé, c'est toute la controverse actuelle. Le droit n'est pas fixé.

Eolas

22. Le mercredi 16 mars 2005 à 01:08 par Fred

merci, ça me rassure.

Quelle est la différence entre copie privée et copie de sauvegarde. C'est la première fois que j'entends ça?

23. Le mercredi 16 mars 2005 à 22:53 par yves

LostintheNet a dit un truc qui m'a fait tilter:

Loi Informatique et liberté révisée le 6 aout 2004 ("ceux qui sont prêts à échanger un peu de liberté contre un peu de sécurité ne méritent ni l'une, ni l'autre").
Article 9
Les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en oeuvre que par :
....
4° Les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d’atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d’assurer la défense de ces droits.

Dans le mesure ou les gens qui «téléchargent pour leur seule copie privée» ne semblent pas condamnables d'après ce jugement, est-ce que cela ne rend pas illégaux les fichiers éventuels traquant sans distinction tous les utilisateurs du p2p ? Il me semble que si mon nom se baladait dans un de ces fichiers alors que je n'avais échangé par p2p que des trucs légaux, ça me plairait pas du tout.

Au près de qui peut-on s'adresser pour avoir la liste de ces fichiers et vérifier si son nom est dedans?

24. Le vendredi 18 mars 2005 à 11:50 par Patrick

Mes respects Maître,
Je me permets de soulever un point technique. Si on télécharge avec un client p2p comme emule, alors on partage obligatoirement les fichiers qu'on télécharge pendant toute la durée du téléchargement. Il est probable que ce monsieur pratiquait ainsi puisqu'il a été repéré. Ne sortons-nous pas alors de fait du cercle de famille ? Les cd en sa possession (ajouté au fait qu'il a été repéré) ne sont-ils pas la preuve qu'il a diffusé certaines de ces oeuvres au moins à un certain moment ?
Ma question est probablement naïve, mais je connais mieux l'informatique que le droit ;-)
Bravo, j'aime beaucoup ce blog

25. Le dimanche 20 mars 2005 à 15:48 par Tock en stock

Ce qui est assez surprenant c'est que cet arrêt suscite un débat ... de fond.

Car si l'on regarde bien l'arrêt de Montpellier on s'aperçoit que tout s'est joué sur le terrain de la preuve.

Et c'est bien là le talon d'achille des méchants producteurs.

La Cour a estimé qu'elle n'avait pas suffisament de preuve pour considérer que le délit de contrefaçon était constitué.

De plus, si l'on lit l'arrêt ainsi que celui du TC de Rodez, jamais la question de la source des téléchargements n'a été abordée.

En résumé X a fait l'objet d'une perquisition chez lui sur commission rogatoire d'un juge d'instruction. On y trouve 488 CD.

Or rien dans la prévention n'indique si ces CD ont été copié à partir d'un échange de fichier ou suite à un téléchargement légal.

Et quand bien même on aurait trouvé un logiciel de P2p sur l'ordinateur, cette découverte ne présume en rien la commission d'une infraction au même titre que le fait de trouver un 359 parabellum sous votre oreiller.

En mon sens, la CA de Montpellier n'a pas créée une présomption de copie privée, elle à tout simplement considéré que les éléments dont elle disposaient ne lui permettaient pas de "déduire de ces seuls faits que les copies réalisées ne l'ont pas été en vue de l'usage privée (...)".

L'attendu me paraît assez clair : la Cour ne dit pas qu'il y a eu "copie privée", elle dit qu'elle ne sait pas s'il y a usage privé ou contrefaçon au regard des éléments de preuve dont elle dispose.

Elle en conclu donc que l'infraction n'est pas constituée, faute de preuve. Il n'y a rien à redire à cela dans la mesure où le doute doit profiter à l'accusé.

A mon sens tout moyen de cassation fondée sur le renversement de la charge de la preuve en matière de copie privé ira droit dans le mur dans la mesure où la Cour n'a pas affirmé qu'il y avait copie privée.

Je pense dés lors que le pourvoi en Cassation sera rejeté. Sans pour autant crier victoire dans un débat où je ne partage pas les convictions de mon confrère Maitre Eolas, dans la mesure où cet arrêt ne tranche pas réellement un débat de fond.

Tous les avocats savent que le droit de la preuve est un terrain riche en chausse trappe au même titre que l'arme procédurale.

En mon sens cet arrêt n'apporte rien d'intéressant sur le débat de fond relatif à cette question.

Ce dernier reste donc ouvert.

Bref beaucoup de bruit pour rien....

Je note toutefois une coquille de l'arrêt : "Attendu qu'aux termes des articles L122-3, L122-4 et L122-5 du code de procédure pénale (...)", le CPI ne doit pas être souvent manié par les greffières de TC....

26. Le samedi 23 avril 2005 à 17:18 par human

Bonjour maitre,
J'aurais une petite question pour vous :
Quand est il de la copie privée lorsqu'on loue un dvd ?

Merci et longue vie a votre blog !

27. Le mercredi 18 mai 2005 à 14:36 par Guignolito

Sur le thème de la copie (plus ou moins) privée, un article récent qui donne un point de vue intéressant (même si on n'aime pas trop libé) :
www.liberation.fr/page.ph...

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