Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Salon littéraire

Madame Michèle Bernard-Requin, conseillère[1] à la cour d'appel de Paris, que mes lecteurs connaissent pour l'avoir vue dans "10e chambre, instants d'audience", le documentaire de Raymond Depardon, vient de publier un livre, intitulé « Juges accusés, levez-vous ! ».

Ce livre est né du documentaire précité, auquel il fait souvent référence. Madame Bernard-Requin a participé à de nombreux débats publics après la projection de ce documentaire, et ce contact direct lui a beacoup plu et l'a convaincue de la nécessité de développer ses réponses et obervations.

L'événement qui l'a déterminée à achever cet ouvrage fut l'affaire d'Outreau et particulièrement l'audition du premier juge d'instruction dans cette affaire, moment d'hallali qui a profondément choqué la magistrate.

Estimant que l'hostilité d'un peuple envers ses juges est la ruine d'une nation (elle ne le dit pas avec cette grandiloquence, qui est ma marque de fabrique) et que le mécontentement observé repose essentiellement sur une méconnaissance des citoyens de la réalité judiciaire, elle a écrit cet ouvrage, au ton très personnel, qui est en même temps qu'un plaidoyer pour la magistrature, un cri d'amour pour sa profession.

Michèle Bernard-Requin est une magistrate remarquable, devant laquelle j'ai eu l'honneur de plaider à plusieurs reprises (une des audiences que je raconte sur ce blog a eu lieu devant sa présidence), qui a commencé par être avocate, avant d'être procureur à Paris, puis de devenir juge, positio nqu'elle n'a plus quittée, en présidant la 1e chambre du tribunal, puis en siégeant à la première chambre de l'instruction (compétente pour les demandes d'extradition, elle a participé à l'arrêt Battisti), avant de présider des assises, fonctions qu'elle exerce encore ce jour. Elle a donc une vision extraordinaire du prétoire puisqu'elle a occupé toutes les fonctions hormis greffier et gendarme d'escorte. Elle a une volonté d'aller vers le public, de faire passer sa connaissance du milieu judiciaire aux antipodes de l'image caricaturale du magistrat reclu dans son monde. C'est marrant, mais ça me fait penser à un blogue tenu par un avocat... Madame le président, à quand votre blogue ? Le parquet a déjà le sien, après tout.

Mes lecteurs qui manifestent un intérêt pour la chose judiciaire et qui ont apprécié 10e chambre y trouveront une lecture très intéressante, que je leur recommande fortement. Je pense que lorsque j'aurai achevé cette lecture, je reviendrai sur ce livre pour approfondir certaines observations de l'auteur.

Je précise que j'ai acheté ce livre, et que le lien que je donne vers Amazon ne donne lieu à aucune rémunération pour moi.

Notes

[1] Les juges judiciaires prennent le titre de conseiller quand ils siègent non plus dans un tribunal mais dans une cour ; les juges administratifs sont quant à eux conseillers dès le départ.

Commentaires

1. Le vendredi 13 octobre 2006 à 19:44 par Régis Grimbert

Peste, il faudra que je me procure cet ouvrage, de façon légale ou non...

2. Le vendredi 13 octobre 2006 à 19:58 par K'lo

Et l'hostilité d'un peuple envers ses policiers est-elle la ruine d'une nation ? (mais gardons nous d'atteindre le point Eolas à ce stade des commentaires)
Blague à part, rien que le parcours professionel de cette dame me donne envie de l'écouter (de la lire si vous préférez). Tiens, pourquoi pas ce week-end ?
Je me demande aussi quel genre de procureur vous seriez ....

3. Le vendredi 13 octobre 2006 à 20:00 par georgewalter

Merci, je lirai ce livre avec intérêt, car l'affaire "Outreau" m'a choqué à plus d'un titre et pas forcément dans le sens strict dans lequel les "médias" et l'hystérie "poulaire" ont bien voulu nous aiguiller. Ah, l'éternelle question Platonique "qui jugera les juges?"... Et l'autre sempiternelle question, QUI est digne d'être juge? erare humanum est, pour l'étaler fine.
Sinon,quelque lecteur assidu de ce blog pourrait-il m'indiquer si le maître des lieux a traîté ici de "l'affaire Baudis" ? Cette affaire là est au moins aussi intéressante que l'affaire "Outreau".

4. Le vendredi 13 octobre 2006 à 20:24 par bayonne

j'attendais avec impatience, un livre que le maitre de ce lieu nous/me conseillerais. Je suis enfin satisfait

vous pouvez prendre l'habitude de nous conseiller un livre de temps en temps, je pense ne pas etre tous seul a avoir besoin de suggestion de lecture, dans le domaine du droit ou non. Mais bon cela ajoute l'activité 'lire un livre' dans la longue liste des taches quotidiennes.

5. Le vendredi 13 octobre 2006 à 20:52 par Fred

Je vais certainement acheter ce livre ce week end, il y a peut être des choses intéressantes à apprendre.
Quoique la présentation données par maitre Eolas m'en fasse douter.

Si ce livre défend effectivement l'idée que "le mécontentement observé repose essentiellement sur une méconnaissance des citoyens de la réalité judiciaire", et bien il est hors sujet. Je crois que ce sont plutôt les juges qui ne comprennent rien au pourquoi de l'émotion suscitée par l'affaire Outreau. D'ailleurs il suffit de lire Paxatagore ou Gascogne pour ne plus avoir de doutes à ce sujet.

Mais je ne veux juger que sur pièce. De tout façon si le profil de l'auteur est effectivement à la hauteur de celui dressé par le maître des lieux, ce livre sera moins déshonnorant pour la magistrature qu'un certain papier publié dans le Monde par un certain syndicat.



Ceci tant j'ai une question:

Lorsque vous parlez de juges, vous n'employez pas le mot de magistrat. Quels sont les professionnels recouverts par ce terme de magistrat?
Quelle est la diffrence entre la cour et le tribunal, je pensais que c'était la même chose.

merci bien

6. Le vendredi 13 octobre 2006 à 21:07 par Delio

Tribunal correctionnel (ou de police)
Cour d'assises, de cassation

Me trompé-je ?

Je vais essayer de lire ce livre. Le simple parcours juridique de son auteur m'invite à lui accorder un a mriori favorable.

7. Le vendredi 13 octobre 2006 à 21:17 par ano et nyme

Si vous avez apprécié, tant mieux pour vous et pour votre envie de faire partager une lecture enrichissante, il n'y a rien de mieux que le bouche a oreille, ou plutot le clavier a l'écran pour partager ses poles d'interet....
Malheureusement je ne serais pas client pour deux choses... La premiére est que j'ai un tel retard de lecture ( j'ai toujours 5 a 7 bouquins ouvert en meme temps), et avec ces futures élections j'ai de la lecture politique de bandes dessinées/ouvrages humoristiques/politique spectacle/oui oui au cirque.... et j'en passe..... a achever histoire de bien rire en connaissance de cause...
La seconde raison, est que j'ai bien vu le film de Depardon, et j'ai été quelque peu choqué par le coté ( si on parle bien de la meme personne), donneur de leçon du juge/je n'ai pas que ça a faire/moi je sais tout/.... et j'en passe.... le fait de passer en jugement est déjà assez pénible pour un justiciable ( mérité ou non, ce n'est pas le probléme ), si en plus on a droit au chapitre pan-pan cul-cul et raisonnements...c'est pénible, meme si certaines personnes méritaient leurs chatiments/peines/amendes/.....
Mais bon je schématise, ce n'est peut etre qu'une approche que je qualifierai de rejet du paternaliste ( maternaliste ? ), je pense avoir passé l'age de certaines remarques si par malheur ( quoique, un coup de chance), je devais les subir......

Cordialement de continuer a tout lire

Vous avez parfaitement raison. Tenez vous en à votre opinion issue de ce documentaire, basée sur des extraits d'audience dont vous ignorez le contexte et que vous avez vu confortablement installée dans un fauteuil de cinéma ou devant votre télévision. N'allez surtout pas lire les explications que cette magistrate s'est crue devoir donner à la suite de ce documentaire. Et surtout, venez vous en vanter sur mon blogue.

Eolas

8. Le vendredi 13 octobre 2006 à 22:07 par courbet

Perso, si je puis me permettre, je suis en train de lire l'ouvrage de votre consoeur, Gisèle Halimi, "Avocate irrespectueuse".

Il y est relaté un vieux procès qui fait écho à l'affaire "Aussaresses". En revenant sur les événements de la guerre d'Algérie qui ont conduit à des condamnations à mort (sujettes à caution selon elle), Gisèle Halimi se fait la critique de décisions provenant de juridictions d'exception (du Tribunal de guerre au Tribunal de cassation d'Alger) qui ont jugé au nom du peuple français.

L'auteure souhaiterait notamment que ledit procès où elle a plaidé naguerre soit révisé aujourd'hui.
Ne trouvez vous pas que faire toute la lumière sur les dérives de la justice en temps de guerre ne serait pas également un moyen de faire entrevoir à nos concitoyens qu'elle n'est pas si imparfaite en ce moment ?

Pour ma part, j'ai été particulièrement choqué par ce qu'elle relate de cette époque où je savais que les principes des droits de l'Homme avaient été chahutés, mais je n'imaginais pas que cela pouvaient concerner aussi la justice française, au-delà des dérapages de l'armée et de certaines milices relatés par le général Aussaresses.
Je trouve que ça permet de relativiser les loupés judiciaires qui ont été médiatisés ces dernières années, même si cela ne les excusera jamais.

Bonne lecture en tout cas.

9. Le vendredi 13 octobre 2006 à 22:15 par ano et nyme

Voyons, voyons, maitre.... Je me vanterais, j'aurais utilisé un ton quelque peu désagréable.. Ne supportez vous pas les remarques ? ....Je dis et je le répéte, je ne suis qu'un justiciable en devenir ou en puissance.... hormis les remarques glanées du trou de la serrure de vos clients (donc de seconde main).....sur le fonctionnement et l'approche de la justice, comprendriez vous que la vision hors caste de nous...pauvre pécheurs....est peut etre une vision tronquée...(je me fais fort de vous faire honte si vous hantez ma fonction professionnelle)...
Si vous n'acceptez que les remarques allant de le sens de votre vision, je me vois désolé de boucher votre horizon, ou tout au moins juste une poussiere de coin.....
Pour ce qui est de mon opinion, bien heureux qu'elle me soit encore personnelle..désolé justement d'avoir une opinion....

Cordialement de continuer a vous lire malgré votre hire du vendredi soir...mais je suis comme vous ...encore au bureau....

10. Le vendredi 13 octobre 2006 à 22:21 par Ludovic

En route pour une nouvelle lecture !

11. Le vendredi 13 octobre 2006 à 23:11 par ano et nyme

Euh...une question d'un pauvre ignorant..magistrate ?

12. Le vendredi 13 octobre 2006 à 23:20 par brigetoun

je ne dois pas avoir vu le même film - elle est parfois un peu donneuse de leçons mais c'est son rôle et elle ne le fait guère qu'avec ceux que cela peut éventuellement aider à comprendre. Moi je l'ai bien aimée. Voler le livre ? ou attendre un peu

C'est la dernière audience, celle de l'homme à l'opinel, qui clot le film et qui laisse sur cette impression désagréable, d'autant plus que la décision n'étant pas donnée dans le film, un sentiment de frustration vient s'y ajouter.

Eolas

13. Le vendredi 13 octobre 2006 à 23:21 par beranger

Publicité effacée

14. Le samedi 14 octobre 2006 à 00:31 par Cardabelle

Oui, l'arrêt Battisti me reste un peu en travers....

15. Le samedi 14 octobre 2006 à 02:01 par jop

@Eolas #12
je crois bien avoir vu ce documentaire, maintenant que vous parlez de l'homme à l'opinel.. Pourriez-vous nous dire ce qu'il est advenu de lui? Cela est-il précisé dans le livre? Si je me souviens bien, une espèce "d'arrogance" (d'ailleurs comment est perçu le fait de se présenter en défense tout seul?) a dû le déservir, mais sur le fond je n'ai pas bien compris ce qui lui était reproché: le fait qu'il n'ait pu montrer l'intérêt de porter un opinel? Je crois que j'ai bien fait d'offrir à mon père un L..man avec tout plein d'autres fonctions, lui que j'ai toujours vu avec un opinel dans la poche, comme son père d'ailleurs, sans autre motif que de pouvoir mieux couper sa pomme ou son saucisson.. Enfin je suis peut-être un peu hors sujet là...

16. Le samedi 14 octobre 2006 à 09:29 par kombu

Le coup de l'opinel avait fait peur à pas mal de gens, il y avait eu un article dans Télérama

17. Le samedi 14 octobre 2006 à 09:51 par Floreal

On peut etre magistrate ou avocate, mais pas procureurE ni présidentE, dans votre profession? Et comment doit-on s'adresser à une avocate, en l'appelant maitresse? Ou serait-ce cette manie de certains titres honorifiques fossiles, que je n'ai jamais pu me résoudre à utiliser, comme "maitre" qui fait que certaines avocate se disent "avocat"? "Monsieur", ou "Madame", seraient-ils des termes constituant un manque de respect envers votre fonction?

En toute rigueur, je ne devrais pas utiliser la forme féminine de magistrat ou d'avocat. Je le fais par facilité, pour éviter une formule trop longue, et quand le sexe de la personne a son importance. Mais comme par principe, il n'en a pas puisqu'un avocat est un avocat quel que soit son sexe, je parle d'avocat pour mes confrères féminins, et je les appelle cher confrères. Quant aux titres fossiles, soyez rigoureux. Jetez à la poubelle le "docteur" dont votre médecin croit devoir faire précéder son nom ; honnissez Monsieur et Madame, qui sont la formulation qu'un paysan usait pour parler à son seigneur. Revenez au "Citoyen, citoyenne" et au tutoiement systématique. Vous passerez alors pour un gougnafier, mais résolument moderne.

Eolas

18. Le samedi 14 octobre 2006 à 10:40 par kombu

Mieux vaut ne pas vexer son défenseur, non ? (sinon gare à la majoration de 10% des tarifs en euros ou en peine privative de liberté).

19. Le samedi 14 octobre 2006 à 11:24 par Lincoln

Le documentaire de Depardon est l'un des meilleurs documentaires qu'il m'ait été possible de voir dans le domaine judiciaire. Il évite le sensationnalisme et, surtout, n'est pas émaillé de commentaires. Il est extrêmement difficile de filmer des audiences car le procès est déjà fortement ritualisé, alors lorsque les caméras sont là, il peut être surthéatralisé (voire ridicule). Toutefois, pour en avoir fait l'expérience, on oublie rapidement micros et caméras à l'audience. Mme BERNARD-REQUIN faisait bien son travail mais comme tout être humain a ses moments d'agacement, de fatigue ou d'empathie plus ou moins grande pour certains prévenus. Le fait de paraître "donneur de leçons" n'a rien de choquant, je rappelle que la la loi n'est rien d'autre que l'état d'une conscience morale à un temps donné pour une société donnée. Rappeler la loi c'est rappeler la morale collective qui s'impose à chacun pour vivre sereinement en société. Pour les 98% des citoyens qui ont intégré cette notion, qui n'ont nul besoin d'un rappel à cette morale parce que l'éducation leur sert de guide - les règles du jeu sont naturelles -, cela peut paraître infantilisant. Mais pour ceux qui passent devant un tribunal, souvent très immatures, cela sert.

Le problème n'est pas d'avoir des sentiments en qualité de juge - ou de procureur d'ailleurs -, le métier de juge ce n'est pas le robot du droit - ce qui est d'ailleurs étrange, car trop de froideur rebute le spectateur, et, trop d'empathie sème le doute sur l'impartialité du magistrat - déshumanisé, le rôle du magistrat ce n'est pas d'être neutre, le rôle du magistrat c'est de juger en s'appuyant sur le droit et, également, sur ce qu'il est. Car la peine est toujours fonction, quoiqu'on dise, mais cela me semble une évidence, de ce qu'est le magistrat, son vécu, ses sensibilités. Il est guidé par la loi (prévention de la récidive, réinsertion) mais le panel des peines existe parce que pour une situation donnée, il n'y a jamais une peine donnée. La vrai qualité, c'est de savoir ce que l'on est, connaître ses préférences, ses sensibilités, ses failles pour justement pouvoir les tempérer, modérer. Connais toi toi même et tu jugeras, requéreras bien.

Sur l'homme à l'opinel, chacun réagit comme il est, et fonction du contexte. J'ai moi même été atteré de ce qui passait en correctionnelle à PARIS (en compa ou autre d'ailleurs) alors que toutes les juridictions sont sommées de développer alternatives aux poursuites ou modes de jugements simplifiés. La politique pénale, comme dans beaucoup de grosses juridictions, est de tout déférer au parquet, au siège d'aiguiller ensuite strictement (relaxe, supplément d'info, expertise psy etc..). C'est très particulier.

Au delà de cela, toujours concernant l'opinel, à 10h du matin, je suis par exemple sûr que ce n'est pas la même chose qu'à 00h30. Ce que je dis pourrait être politiquement incorrect, mais juger c'est avant tout un acte entre - au minimum - deux êtres humains, avec toutes les interactions de la vie. Le moment de l'audience est par ailleurs un temps, celui du délibéré un autre. On peut être agacé par certaines attitudes pendant l'audience (allez au Tribunal Pour Enfants, vous verrez ce que peut être un mineur -ou quinze à la suite - dans la toute puissance et la provocation), et au moment de la décision, savoir prendre le temps de son délibéré et mettre de la distance. Seules les décisions ab irato sont dangereuses.

20. Le samedi 14 octobre 2006 à 11:31 par Sirey

Précision inessentielle sur la notule finale.

Les juges administratifs ne sont pas tous conseillers : ils le sont évidemment lorsqu'ils appartiennent au corps des conseillers des TA - CAA ou des conseillers de CRC, mais lorsqu'ils sont membres du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes, ils sont d'abord auditeurs puis effectivement conseillers référendaires et enfin maître (à la Cour) ou maître des requêtes et enfin conseiller d'Etat (au Conseil).

Ultime précision : seuls les conseillers d'Etat et les maîtres appartiennent au siège (i.e. délibèrent) ; les autres rapportent (i.e. instruisent) ou concluent (commissaires du Gvt / Parquet général).

21. Le samedi 14 octobre 2006 à 12:34 par Dadouche

@ Fred

"Je crois que ce sont plutôt les juges qui ne comprennent rien au pourquoi de l'émotion suscitée par l'affaire Outreau. D'ailleurs il suffit de lire Paxatagore ou Gascogne pour ne plus avoir de doutes à ce sujet."

Je crois que justement l'incompréhension réciproque vient de ce que l'opinion publique a réagi à cette affaire essentiellement sur le registre de l'émotion, aidée en cela par la mise en scène permanente de ses aspects les plus émouvants (l'audition des acquittés par exemple).
La connaissance de la réalité judiciaire peut permettre de mettre en perspective certains aspects.
Cela pourrait par exemple, au lieu de multiplier les généralisations et de se focaliser sur la responsabilité des magistrats, amener à se pencher sur la question de la détention provisoire, qui est à mon sens le dysfonctionnement majeur dans cette affaire : à quelles conditions juridiques est-il acceptable de priver quelqu'un de sa liberté avant jugement ? Quelles alternatives peuvent être développées qui répondraient aux mêmes objectifs de protection de l'enquête et des victimes ? Peut-on successivement s'indigner de la libération du "Chinois", ultérieurement acquitté, et pleurer sur les acquittés d'Outreau ? Quel budget pour l'administration pénitentiaire ?

Nous avons peut être du mal à comprendre l'opinion publique, mais il faut reconnaître qu'elle nous envoit parfois des messages assez contradictoires. Tantôt nous sommes liberticides, tantôt nous sommes laxistes. Un jour on ne prend pas assez en compte les victimes, le lendemain on n'aurait pas du les croire. On veut à la fois nous encadrer davantage parce que nos décisions sont irresponsables et marquées du sceau de notre idéologie, et nous laisser nous démerder au cas par cas pour décider si l'euthanasie doit être punie.
Il faudrait savoir.

22. Le samedi 14 octobre 2006 à 12:41 par costanza

j'ai encore en mémoire le film de Depardon et ce grand moment Montypythonesque du sociologue lui donnant des cours de droit, elle était l'autre matin à la matinale de Canal et je trouve qu'elle est assez impressionnante

23. Le samedi 14 octobre 2006 à 12:50 par Gwenwed

@ Eolas: "En toute rigueur, je ne devrais pas utiliser la forme féminine de magistrat ou d'avocat."

Pourquoi ne devriez vous pas? Au sein des juridictions, moultes circulaires nous enjoignent de tout féminiser: magistrate, procureure, greffière, et même, le très élégant "substitute".
J'ai même vu un directeur de cabinet se faire reprendre par sa ministre qu'il avait eu le malheur d'appeler Madame le garde et non madame la garde.


@Fred #5

Le terme magistrat regroupe d'une part les juges "du siège" et les parquetiers (procureurs et substituts). Ces derniers sont donc magistrats sans être juges.
Le tribunal est la juridiction de première instance. La cour désigne la Cour d'appel, et éventuellement la Cour de cassation.

24. Le samedi 14 octobre 2006 à 15:17 par Irène Delse

@ Bridgetoun : "Voler le livre ? ou attendre un peu"

Il ne faut pas voler les livres. Il vaut mieux voler, emprunter ou mendier l'argent pour en acheter ;-)

(Enfin, comme le ferait remarquer l'hôte de céans, voler c'est illégal, hein...)

25. Le samedi 14 octobre 2006 à 16:09 par coquecigrue

Merci à Dadouche, qui exprime parfaitement, dans son dernier paragraphe, les difficultés dans lesquelles se trouvent les juges. L'opinion publique est changeante...au gré des faits divers, et les médias réagissent trop vite, parfois sans vraiment réfléchir aux conséquences de leurs papiers.

26. Le samedi 14 octobre 2006 à 16:46 par ano et nyme

"Jetez à la poubelle le "docteur" dont votre médecin croit devoir faire précéder son nom ; honnissez Monsieur et Madame, qui sont la formulation qu'un paysan usait pour parler à son seigneur. Revenez au "Citoyen, citoyenne" et au tutoiement systématique. Vous passerez alors pour un gougnafier, mais résolument moderne."

Juste pour remarque...je pensais que le titre de docteur ne faisait qu'honnorer, si c'est le terme exact une personne ayant satisfait aux exigences d'un doctorat en quelque matiere que ce soit (these et experience d'internat)....Maitre pour une maitrise..? c'est un peu court....Mon avocat (qui est un ami depuis) me disait qu'il preferait le titre de maitre, simplement pour bien faire acte de suffisance envers ses clients.... mais bon , ce n'est qu'un simple exemple, je le précise avant toute critique qui ne manquera pas de fuser..

Le fait de donner du Monsieur et Madame est tout simplement une marque de politesse, comme le Mademoiselle, cela n'a rien de de frustrant, la semantique vous gene peut etre .Quant au citoyen, citoyenne hormis la prise de la bastille et ses suites quelque peu chaotiques... cela relevait du simple fait de mettre tout le monde sur un meme pied d'égalité, nobles compris...
A y etre, pourquoi ne par parler de camarade docteur, ou camarade avocat....mais bon là je pousse le bouchon un peu loin...juste parce nous sommes samedi....

Cordialement de continuer a tout lire, nous sommes samedi et lachons le peu de neurones qui nous restent....

C'est amusant, mais pas surprenant à vous lire, comme dans l'ignorance, vous sautez immédiatement aux conclusions les plus désobligeantes. Il faut dire que si vous avez des amis qui se vantent de faire acte de suffisance, vous n'avez guère de bons modèles. Alors vous pourrez dire à cet ami la prochaine fois que se faire appeler maître n'est absolument pas faire acte de suffisance, sauf dans l'esprit des gens qui se pensent insuffisants. Maître est un terme qui était attribué aux clercs, c'est à dire à ceux qui savaient lire et écrire tout en restant laïcs. Ainsi, en Espagne, on utilise encore le terme "letrado", en catalan "literato", pour désigner un avocat. Il n'a rien à voir avec le maître de l'esclave, ou le titulaire d'une maitrise (le titulaire d'une licence e ndroit ne se fait pas appeler licencié !). En fait, c'est exactement le Maître de la Fable de La Fontaine Le Corbeau et le Renard : "maître Corbeau, sur un arbre perché, ... Maitre Renard, par l'odeur alléché...". Le même que l'ouvrier atteignant le grade de maître après avoir fait son chef d'oeuvre. En fait, garder le terme de maitre est plus une marque de modestie, c'est un titre qui n'intimidait pas... C'est donc très drôle de voir qu'aujourd'hui on nous reproche d'être prétentieux de l'utiliser. Enfin, cela reste un bon détecteur à fâcheux...

Eolas

27. Le samedi 14 octobre 2006 à 16:59 par Pierre-Selim

@Gwenwed, @Fred:
La féminisation des titres, des fonctions est sujet à controverse. L'académie française déconseille d'ailleurs de féminiser les titres, et noms de métiers:

www.academie-francaise.fr...

28. Le samedi 14 octobre 2006 à 19:31 par Gascogne

Fred : " D'ailleurs il suffit de lire Paxatagore ou Gascogne pour ne plus avoir de doutes à ce sujet."
Et c'est vous qui direz que les juges n'ont pas assez douté dans le dossier d'Outreau. Je ne peux que reprendre un commentaire déjà fait : contrairement à vous, je ne suis pas rempli de certitudes.
Merci Dadouche d'avoir essayé, mais je n'ai jamais cru possible de discuter avec un mur.

29. Le samedi 14 octobre 2006 à 19:41 par Floreal

Il m'avait semblé, monsieur, m'etre adressée à vous courtoisement et sans animosité en vous posant une simple question. Il ne me parait donc pas mérité de me voir traitée de gougnafier, d'autant que je suis une femme et que je ne suis pas une avocate se faisant appeler avocat comme certaines de vos consoeurs que vous appelez confrères, et que pour ce simple fait je n'irai JAMAIS requérir leurs services si je devais en avoir un jour besoin; ce que je n'espère pas.

Croyez bien que je connaissais l'origine de ce titre commme d'autres que je n'emploie jamais.

Vous insistez tellement sur la "modestie" qu'il y a à se voir attribuer ce titre qui n'est autre qu'un archaisme, dans l'exercice de votre profession, allant jusqu'à aller chercher des exemples espagnols, que je ne résiste pas au plaisir de vous citer un exemple italien. Vous ne sauriez ignorer à quel point on raffole de ces titres ronflants dans ce pays procédurier de juristes. Berlusconi, par exemple, qui n'est pas avocat mais en utilise bon nombre, est "cavaliere"; mais il est "démonté", depuis les dernières élections.

30. Le samedi 14 octobre 2006 à 20:52 par Doc Gynéco

Moi le coups de l'opinel ça m'a mis hors de moi.
D'accord l'accusé n'était pas sexy ni sympathique et en bon gauchiste sociologue il avait pas l'air d'aimer ni les flics, ni l'autorité.
N'empêche que c'était clair dès le début qu'il avait été victime de flics qui avaient envie de faire chier le monde.
Et au tribunal, tout ce qu'on trouve à lui dire, c'est "l'ordre est plus fort que toi". Et en plus en se fouttant de sa gueule. "Ah oui, vous avez un couteau comme les scouts", et cette scène ou la juge s'énerve quand il lui lit, sur un code civil visiblement emprunté à la BU, l'article de loi référençant son délit. Et qu'elle ne trouve rien de mieux à inventer que son canif rentrait bien dans la catégorie "arme de sixième catégorie". La décision n'est peut être pas rendu (je ne me souviens plus de ça) mais il se fait quand même bien pourrir.
Je suis désolé, mais pour tout le monde la justice a déjà failli, même avant la remise de la décision. Quel besoin la juge avait-elle de l'humilier comme ça. Tout ça parce qu'il ose contester un contrôle de policier arbitraire et violent? En plus ça se voyait que ce gars était un anar de salon, le genre de gars qui n'aime pas les flics mais qui traverse dans les clous et paye ses impôts. Pas vraiment un danger pour la société.

Enfin, voilà moi ça m'a énervé ce truc dans le film et fallait que je le dise.

La prochaine fois je vous parlerai du paternalisme condescendant teinté de relent de colonialisme et d'anti-communisme qui suinte dans buena vista social club (j'ai failli sortir pendant la séance, mais j'ai tenu, pour mieux pouvoir critiquer).

31. Le samedi 14 octobre 2006 à 22:38 par georgewalter

@ano et nyme et al. "@eolas" (cf 26): Ano et nyme, je partage entièrement et sans réserve votre point de vue. J'ai pour ma part toujours appellé mes avocats Monsieur ou Madame, ce qui est une marque de respect bien suffisante et sincère, d'autant que je les ai toujours payés (ah, la porte ouverte à la cinglante réplique...) pour exécuter de besognes que je ne qualifierai de basses, pour ne pas me déshonorer, s'agissant d'obtenir via décision de justice le reouvrement de sommes que je m'estimais dues.

Je suis désolé Maître Eolas, mais je ne vois pas en quoi il est utile ou cohérent d'appeler un avocat Maître... Monsieur l'avocat en dernier recours, mais "maître"... Je ne fait pas de ce "détail" un cassus belli, je tente simplement de défendre un point de vue.

Dans le contexte socio-culturel actuel, se faire appeler maître et y tenir témoigne soit d'un besoin qui releverait à mon sens ou de l'orgueil personnel, ou d'une notion d'efficacité professionnelle en ce sens qu'en imposant une distance on se fait "respecter"; ou d'une pratique désuète qui se perpetue, se perpetue...

Bien repectuseusement, sans animosité ou volonté tendancieuse de quelque ordre,

Georgewalter, partageur de cheveux en 4 force 4

Vous préférez Monsieur l'avocat, cinq syllabes, à Maître, une syllable ? Je trouve que là, c'est l'orgueil personnel qui passe avant la simplicité et l'efficacité.

Eolas

32. Le dimanche 15 octobre 2006 à 00:21 par Lincoln

à Doc gynéco

Pour se focaliser sur l'histoire de l'opinel, (décidemment...), la personne en question avait demandé à s'expliquer devant un tribunal, refusant, de façon assez véhémente, de remettre gentiment son fameux opinel aux services de police pour destruction - il s'agit effectivement d'un port d'arme de sixième catégorie, et cela est un délit -. Dans ce cas là, les policiers avaient sans doute mieux à faire que faire une procédure sur ça, dresser convocation devant le tribunal et tout et tout...il s'agissait plus d'une tribune politique à l'audience - avec une pointe d'arrogance par ailleurs, il faut quand même bien le dire - qu'une défense assurée par un citoyen qui à tout à fait le droit de se défendre seul s'il le souhaite. Je pense que la réaction du juge, qui, elle, connaît la procédure, s'explique dans ce cadre. Après, on peut toujours penser ce que l'on veut de la manière dont cela a été exprimé, effectivement.

33. Le dimanche 15 octobre 2006 à 00:25 par Lincoln

enfin, sur l'histoire du contrôle policier arbitraire et violent, c'est pure spéculation et si cela avait été le cas, le juge n'aurait pas manqué d'annuler le contrôle d'identité en question et toute la procédure subséquente, si besoin. Même agacé, le juge est le garant des libertés individuelles et, seul face à la procédure, on est parfois bien content de le trouver...

Là dessus, je dois hélas vous contredire. La loi ne permet pas au juge d'annuler de lui même une procédure. Il faut soulever l'argument et le faire "in limine litis", à peine de forclusion. C'est ce qui arrive à notre malheureux amateur de canifs. Quand l'Etat poursuit un de ses citoyens, on est TRES loin de l'égalité des armes.

Eolas

34. Le dimanche 15 octobre 2006 à 01:18 par Leroy

J'ai été peu surpris de l'"affaire outreau", tous les 5 ans, il y a un "scandal judiciaire" quelconque. question de quantité, les avions sont les plus sûrs moyens de transport. il s'en écrase pourtant un au moins chaque jour..., il y a tellement de dossiers, de temps en temps, ca merde, c'est humain... la cause est entendue, les prévenus relachés et réparation octroyée, le dossier est clos.

Ce qui me gene le plus, c'est la différence très nette en droit et justice.
Etant proche d'un avocat civil, j'ai pu entrevoir certaines procédures en cours et les dénouements qui vont avec.
Je suis las de constater que la justice, comme d'autre corps de métier est pervertie par les "petits arrangements", les querelles de pouvoirs, de clocher, les pressions, les ascenseurs en aller-retour réguliers etc...
J'ai de l'estime profondément pour les magistrats, les avocats, les greffiers et les autres, qui font ce travail merveilleux, mais qui ressemble de moins en moins à l'application de la justice d'un pays libre où "tous demeurent égaux en droit".

Continuez maitre éolas, vous êtes un exemple pour votre profession.

Leroy

35. Le dimanche 15 octobre 2006 à 09:46 par Doc Cardiologue

@ Lincoln,

L'argument employé par la juge pour classé l'arme de destruction massive savoyarde dans la catégorie arme de sixième catégorie est que ça peut être une arme par destination... En fait le sociologue révolté fait le mariole en lisant le code pénal, en disant que la lame ne doit pas dépasser telle dimension, etc, et que son cran d'arrêt en bois fait un peu moins que la taille réglementaire, et c'est là que madame le juge qui n'aime pas qu'on lui fasse des cours de droit, lui dit que si puisque ça peut être une arme par destination.
A ce compte là, je propose qu'on mette tous les bouchers charcutiers en prison pour détention illégal d'arsenal. En ensuite vous irez tous acheter vos steak emballé dans du plastique au Supermarket, et vous serez bien déçus.

Et pour l'histoire des contrôles policier violents, le juge se contente en général de dire, nous sommes là pour vous juger, pas pour pour juger la police. Si vous avez des doléances à leur encontre, il faut aller porter plainte. Et si le procureur décide de poursuivre, l'affaire sera juger...

Alors bon, le mec qui se fait taper en garde à vue tout ça parce qu'il a mis le feu à une poubelle, bon et bien on va se dire "Ouais enfin il a foutu le feu à une poubelle!" OK certes, il a fait des choses pas bien, et la police est obligé de recourrir à la force pour neutraliser les individus recalcitrants, mais une fois ceux-ci neutralisés, la violence n'est plus d'une quelconque utilité. Et est même très destructrice à l'égard du crédit et du respect que l'on est censé vouer aux forces de l'ordre.

C'est la même argumentation pour la peine de mort, l'état peut-il faire ce qu'il reproche aux autres?

36. Le dimanche 15 octobre 2006 à 11:07 par Lincoln

deux éléments de réponse:

1) concernant l'annulation du procès-verbal d'interpellation, en l'occurence un contrôle d'identité (sans doute administratif, peut-être sur réquisitions du PR mais j'ai des doutes), il n'est pas, à mon sens, chose aisée de dire si le juge peut soulver d'office ou non cette nullité, eu égard aux dernières jurisprudences de la C Cas (chambre civile !(statuant en matière de contentieux du droit des étrangers) et de la CEDH. Il est vrai que la tendance de la chambre criminelle a toujours été de limiter le pouvoir du juge à soulever d'office les exceptions de nullité, à l'exception de la prescription de l'action publique - d'ordre public et non soumis à la règle de l'invocation in limine litis - et de l'amnistie.

En matière de nullité de garde à vue, actuellement, aucune ne semble susceptible d'être soulevée d'office par le juge alors que la plupart sont dites substantielles, donc faisant nécessairement grief aux termes de l'article 802 du CPP. Seul le prévenu pourrait la/les soulever.

Je serai au siège, je m'interrogerai (non pas qu'en étant au parquet, je ne m'interroge point...la preuve) et en tout cas, je pense que je souleverai d'office la nullité (la cassation sera vraisemblable mais comment fait-on avancer les choses autrement ?) et dès lors que le contrôle est le support de la procédure (découverte de l'arme donc de l'audition ou de la GAV (?) subséquente), la nullité entacherait les autres actes.

Cas pratique:
A une dernière audience ( de comparution immédiate évidemment), Monsieur Z,fort connu des services de police, se fait contrôler par la BAC. Il est apparemment en état d'ivresse (nous dit le pv), tient deux cannettes de bière à la main, et serait agressif avec un passant qu'il insulte copieusement. la BAC intervient,il ne comprend pas, il se fait menotter. Evidemment, tout cela ne se passe pas dans la plus grande douceur. Quelques noms d'oiseaux...et hop, GAV pour rebellion et outrage. Quatre pages de casier, une CI.

Pbe à l'audience: le passant agressé, jamais entendu. Les cannettes de bière sont contestées par le prévenu qui indique qu'il se promenait gentiment dans la rue en rigolant avec un copain (il n'a pas été soumis à un éthylotest). Il se plaint d'avoir été malmené par les policiers. Quel est le fondement du contrôle d'identité ? Rebellion et outrage découlent des conditions d'interpellation alors que faire ? La présidente a fait une toute petite allusion, mais bien sentie par le parquet, sur les conditions d'interpellation mais le tribunal a condamné (en fait, à la hauteur du problème de procédure). Bref, le débat est lancé.

2) sur le fameux couteau, je ne pense pas qu'un boucher porte sur lui ou dans le métro son "arsenal", comme il est indiqué (ne faisons pas offense au bon sens tout de même). Par ailleurs, et dans cette hypothèse précise, un boucher aurait une bonne raison d'avoir ces ustensiles, lesquels seraient par ailleurs vraisemblablement conditionnés à cet effet (ferait défaut l'élément intentionnel). Le fait de porter un couteau sur soi est effectivement un délit, et il me semble difficile de venir contester cette infraction qui semble tant choquer parce que l'autoriser me semblerait, malgré tout, et sans être un grand liberticide, nettement plus dangereux...

3) sur les contrôles policiers violents - qui ne me semblent pas la règle, les policiers étant bien plus souvent agressés et, d'ailleurs sans déposer plainte, qu'agresseurs-, halte à la caricature qui me fait hérisser visant à dire que la justice couvre. Non le juge ne dit pas circulez y a rien à voir, non le parquet ne classe pas sans avoir fait d'enquête. Cela devient même de plus en plus lourd du point de vue procédurale puisqu'à n'importe quelle allégation ( très souvent, très farfelue, une minorité sait très bien se taper la tête contre la vitre des véhicules (cas pathologique lourd néanmoins)), un service distinct du service interpellateur est saisie et on a droit au rapport au PG en direct. Ce n'est donc pas pris par dessus la jambe, ce qui me semble la moindre des choses, au vu de la gravité de tels agissements.

4) enfin, l'histoire du feu à la poubelle, je n'ai pas très bien compris ni l'argument sur la violence institutionnelle et la conclusion sur la peine de mort. A lire certains, on a vraiment l'impression de vivre dans une république bananière...

A quand l'échevinage en matière correctionnelle afin d'éviter des arguments aussi caricaturaux et stéréotypés ...

Merci de ces intéressants commentaires.

Sur le 1) : Il est évident que le régime des nullités en procédure pénale vise à faire prévaloir le pouvoir répressif de l'Etat sur les droits individuels. Surtout quand le prévenu n'a pas d'avocat, n'a pas accès au dossier et ne connaît pas le code de procédure pénale sans parler de la jurisprudence de la cour de cassation. Il y a là un vrai scandale qui finira par une nouvelle condamnation de la France à Strasbourg : le juge ne peut même pas exercer son office de protection des libertés face à une nullité manifeste. Tous les procureurs n'ont pas l'honnêteté de les soulever eux-même, et je pense que dans une audience de CI, ils ne vérifient pas la notification des droits, sautant directement à l'essentiel. Cela aboutit à des condamnations qui reposent sur une procédure illégale. C'est inadmissible dans un Etat de droit.

Sur le 2) Rappelons au lecteur que le port d'arme blanche (6e catégorie) est interdite sans motif légitime. Un électricien se rendant sur les lieux de son travail a un motif légitime d'avoir un tournevis et un cutter sur lui. Le même se trouvant à une manifestation contre la privatisation d'EDF aura de lourds ennuis s'il est trouvé porteur d'un tournevis et d'un cutter...

Sur le 3) Je confirme : je suis déjà allé faire des entretiens de garde à vue rue Hénard, au siège de l'IGS. Les gardés à vue sont des policiers, pas fiers, i lfaut le dire. Les locaux de l'IGS sont superbes en tout cas.

Sur le 4), in fine : L'échevinage apparaît : à Paris, la 23e, en charge des CI, est systématiquement complétée par un juge de proximité. C'est une forme d'échevinage, et une bonne formation pour ceux ci, d'ailleurs.

Eolas

37. Le dimanche 15 octobre 2006 à 11:11 par Lincoln

enfin quatre pardon, j'ai été emporté par ma plume

j'ai fait droit à votre requête en rectification d'erreur matérielle.

Eolas

38. Le dimanche 15 octobre 2006 à 11:59 par Doc Knock


Je sais je vais un peu loin, je m'emporte souvent quand je parle des policiers, mais force est de constater que les policiers français ne me mettent pas à l'aise.

Et pourtant je suis blond, csp+, et quand je suis bourré dans la rue c'est en compagnie de filles blondes qui parlent en étranger. Enfin le genre de gars que le flics ne viennent pas faire chier.

Mais il n'empêche. J'habite chez nos amis belges, où la présence policière et assez forte, mais où on ne sent pas les flics agressifs. Ca a encore l'air d'être un service public. Je me suis fait rapellé à l'odre plusiers fois pour des délits routiers (griller des feux rouges à vélo - 185 € au passage), et ça se passe bien. Les flics sont en général courtois, connaissent l'utilisation du vouvoiement, et se contente d'expliquer que c'est pas bien et dangereux, voir de verbaliser. Comme je suis bien élevé, je ne fait pas le mongol à nier, je reconnais et voilà, tous se passe bien.

Essayer de passer la frontière en thalys. Soit arrivé à paris, petit commité d'accueil au bout du quai. La douane. M'en fous, je suis pas noir pu arabe donc je passe. Soit contrôle dans le train, avec une équipe mixte flics en civils et flics en uniforme. Les caïds en civils se dirigent directement vers les "alochtaunes", et leurs collègue en uniforme viennent contrôler les gens assis pas trop loin de la personne "d'origine ethnique", pour faire style, qu'on contrôle tout le monde.

Moi je ne peux m'empêcher de vivre ça comme une agression. Ou comme un climat chargé tout au moins. Quel est le but d'avoir des flics en civils dans un train, qui est un lieu clos? Si ce n'est de créer un climat de tension. "Attention on vous surveille".

Ce que je dis juste c'est que les policiers français se prennent souvent pour des caïds et que je trouve les policiers allemands ou belges peut-être moins intransigeants, mais plus juste, moins enclin à la bavure. Ils sont juste beaucoup plus professionnels.
Etant jeune, je me suis déjà fait contrôlé en voiture en France et en Allemagne, pour des simple contôle routier systématique, où je béficiat donc de toute la présomption d'innonce que l'on peut accorder à n'importe quel citoyen. En France, le ton du policier était agressif, jusqu'à ce qu'il sentent que c'était bon, je me chiais dessus. En Allemagne, c'était avec du vouvoyement et avec un proffessionalisme extrème. Le mec faisait son boulot, il ne testait pas sa capacité de domination / humiliation.

Et c'est là que la police détruit le plus son image et la confiance qu'on a en elle, en laissant s'exprimer les petites envies de pouvoir de ses employés.

Celà dit je reconnais que c'est pas un métier facile, mais bon rien n'est facile.

39. Le dimanche 15 octobre 2006 à 18:02 par Fred

@Dadouche 21, Gascogne28
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je vais faire simple.

Je crois que l'essentiel de l'argumentation développée par dadouche est contenue dans une phrase telle que "Tantôt nous sommes liberticides, tantôt nous sommes laxistes.". Du moins c'est le fond du problème soulevé par cette intervention.

Mais QUI vous parle de cela? Je signe TOUS mes propos avec le pseudo Fred. OK, il y a d'autres Fred par ici, mais peu importe. Vous m'avez vu quand polémiquer la dessus?
Le problème n'est pas que les magistrats font des erreurs. Tout le monde en fait moi le premier.
Le problème est très simple à formuler et vous ne voulez pas l'écouter ni nous expliquer. Alors je vous l'écris lentement, lisez bien. Peut être que Paxa ou monsieur Eolas (ont doit dire monsieur maintenant) fera un jour un papier la dessus, ce ne pourra être qu'intéressant j'en suis sûr:

En tant que magistrat vous disposez d'immense pouvoirs. De vos décisions dépendent la ruine (dans tous les sens du terme) de vos clients (vous avez d'autres mots je sais, mais c'est de cela dont on parle).
Expliquez moi en quoi, oui EN QUOI, le fait de sanctionner un magistrat incompétent par quelque chose de plus cohercitif qu'une promotion est une atteinte à votre serennité et votre indépendance?

Depuis quand avoir des pouvoir à la hauteur des votres est synonyme d'irresponsabilité?
Pourquoi en tant que citoyen lambda la moindre de mes fautes professionnelles peut m'être reprochée par la perte de mon emploi voire jusque devant des tribunaux? (et moi je trouve cela normal)

Il y a quelques temps M. Eolas entamât une série (jamais terminée au passage) sur la responsabilité d'un avocat. Il expliquait clairement qu'en tant que professionnel son action se doit d'être efficace? Pourquoi est-ce différent pour un magistrat? Vous n'êtes pas des professionnels?

Pourquoi autant d'avocats sont sanctionnés par leur corps , mais si peu de magistrats!? Il n'y a que des voyous parmi les avocats?

Vous voyez c'est simple, pas besoin de déplacer le problème sur un terrain où je ne l'ai jamais mis. Si vous m'expliquez je suis certain de pouvoir comprendre. Simplement vous refusez d'écouter et débattez sur d'autres sujets.

40. Le dimanche 15 octobre 2006 à 18:54 par doc gynéco

@36

A propos des armes de sixième catégorie, j'y tiens à mes opinels, je suis bien d'accord qu'aller se ballader dans une manif avec des objets contondants, voir une bouteille d'alcool à brûler et du coton, peut légitimement suciter l'opprobe des forces de l'ordre, et être interprété comme possession d'arme. Mais pour le coup de l'opinel, c'est pas un cran d'arrêt. Faut pas être plus royaliste que le roi non plus. Si ça se trouve le pauvre sociologue faisait partie de ces gens qui reçoivent du courrier qui n'ont pas de coupe papier. Ou bien il aimait bien éplucher ses pommes avec une lame oxidé. Je trouve que valider l'accusation de posséssion d'arme de sixième catégorie est loufoque dans ce cas là. Et le juge et le procureur se discréditent totalement en faisant ça.
Je suis d'accord qu'interdire de se ballader avec des poignards n'est pas liberticide, mais confondre opinel et poignard et tout simplement débile.
Et également donner autant d'importance à cette affaire. Qu'est ce qu'il y avait à prouver là? Qu'elle connait mieux le code civil que lui? Qu'elle peut lui dire de la fermer quand elle veut? Facile, c'est elle qui a la robe.

C'est aussi une des chose qui m'a choqué dans le film. Dans le cas de l'avocat qui fait la plaidoirie de l'homme accusé de violences et harcèlement envers son ex, l'avocat, très mauvais, commence une plaidoirie ultra-mauvaise, pleine de machisme, enfin vraiment un discours qui n'excuse rien du tout et qui n'apporte rien. La juge pousse un soupir impoli (j'aurais fait la même chose) mais l'écoute jusqu'au bout. Imaginez vous un seul instant que quelqu'un assurant sa défense seul, ait pu tenir plus d'une phrase avec un discours aussi mauvais?

Enfin c'est sûrement les règles de la conversation lors d'un procès, et heureusement que le juge joue un peu le rôle du président de séance, à attribuer la parole à qui de droit, mais il devrait aussi respecter l'interlocuteur...

Ca me déprime les procès.



41. Le dimanche 15 octobre 2006 à 20:36 par georgewalter

@35 Doc Cardiologue: vous faites une regrettable confusion entre les minsisteres de la justice et de l'intérieur. Lol MDR comme on dit de nos jours

42. Le dimanche 15 octobre 2006 à 22:13 par Doc Cardiologue

C'est l'effet sarko ;-)

Mais même si ça va déplaire à certains, je trouve que la justice soutient la police, et c'est un peu normal, quand on travail avec des gens faut être un minimum en confiance.

Par exemple. Prenez des flics qui plient un étranger en deux et se s'assoient dessus en l'expulsant en avion. Le personnel naviguant fait savoir aux policier que c'est pas super bon pour la santé de faire ça... L'étranger, dont on se branle total, on s'est même pas de quel pays il est, meurt.

Les flics se disent surpris et embêtés.

Il y a meurtre avec violence. On pourrait même dire assassinat car quand on est assis depuis 10 minutes sur quelqu'un on a peut être le temps de se dire qu'on est en train de faire une connerie.

Le procureur demande de la prison avec sursis...

Imaginez un médecin qui médecin qui foire un accouchement. L'enfant est handicapé. Le médecin a mal travaillé, mais à aucun moment il n'avait conscience qu'il était en train de mal faire, et surtout il n'a jamais essayé de faire du mal sciemment à quelqu'un.

Il va sûrement devoir payer des idemnités toutes sa vie.

Alors imaginez si un médecin empoisonnait délibérement un patien.
Ce serait un procès de sorcière et de la prison ferme.

Imaginez une compagnie de CRS qui viole des putes (qui aiment ça de toute façon) et qui raquette des taxis.

Imaginez un beau jeune de banlieu à casquette faire la même chose?

Voilà c'est tout...




43. Le lundi 16 octobre 2006 à 08:12 par dadouche

@ Fred

Oui les magistrats prennent des décisions qui ont un grand impact sur la vie des justiciables. Ces décisions peuvent être contestées par les voies de recours prévues par la loi. Il est par ailleurs faux de dire que les magistrats sont irresponsables. Ils sont responsables pénalement et, dans les mêmes conditions que tout autre agent de l'Etat, pécuniairement. Leur responsabilité disciplinaire ne s'étend pas au fond des décisions juridictionnelles, c'est différent.

Des magistrats incompétents, il y en a. Certains sont sanctionnés disciplinairement pour insuffisance professionnelle, à cause de comportements répétés (importants retards de délibérés, manquement à la loyauté...). Il faudrait certainement que les chefs de cour soient plus vigilants et osent un peu plus secouer le cocotier dans certaines situations.

Mais vous partez du présupposé qu' Outreau est le résultat d'une incompétence. Je ne suis pas d'accord avec votre analyse.
Une affaire hors norme qui a dépassé tous ceux qui l'ont approchée, c'est sûr. Le symptôme ultime de l'ambivalence du traitement judiciaire des affaires de moeurs impliquant des mineurs, j'en suis convaincue. Une procédure émaillée de maladresses et d'erreurs d'appréciation, probablement. La preuve qu'un juge d'instruction qui a 120 dossiers dans son cabinet n'a pas le temps de prendre le recul nécessaire par rapport à tous ses dossiers, évidemment. L'occasion de mener enfin une vraie réflexion sur la détention provisoire et ses alternatives, mille fois oui.
Mais une question d'incompétence, vraiment, après avoir vu ou lu la retranscription de toutes les auditions de la commission et lu le rapport de l'IGSJ, je ne le crois pas.

Je n'ai pas connaissance de statistiques comparatives sur les sanctions disciplinaires des avocats et des magistrats. Je ne sais pas ce que ça donne rapporté au nombre de membres de chaque corporation. Il m'a toujours semblé qu'une bonne partie des sanctions disciplinaires concernant les avocats était liées à des charges impayées, des problèmes sur le compte Carpa mais pas majoritairement à des fautes professionnelles. Peut-être m'a-t-on "enduite d'erreur".

Enfin, sur la question de la faute disciplinaire et de l'indépendance, je ne peux que reproduire ci-après ce que j'écrivais le 15 juin en réponse à un autre contributeur. Je doute que cela vous satisfasse et j'en suis désolée.
J'ajoute simplement un élément : A ma connaissance, un médecin, sauf urgence, peut décliner sa compétence. Un avocat, si on le sollicite dans une matière qui n'est pas sa spécialité, peut orienter le client vers un autre confrère. Un entrepreneur peut refuser un chantier s'il estime ne pas pouvoir le mener à bien.
Quand je suis chargée d'un dossier, si je dis "non, je n'y arriverai pas, ce dossier là est trop compliqué", c'est un déni de justice, sanctionné par la loi. Ca n'est pas anodin quand on examine les conditions d'une responsabilité.


Voici donc ma réponse à un autre contributeur sur le sujet
"LA limite, c'est la sphère de la décision juridictionnelle. Et c'est en cela que l'extension de la responsabilité disciplinaire des magistrats telle que projetée pose un problème quant à leur indépendance. Toute décision de justice comporte un risque d'erreur, s'agissant de trancher entre deux thèses, entre des intérêts contradictoires.
Si le juge est amené à statuer sur des faits passés, comme un litige civil ou une infraction pénale déjà commise, il statue en fonction des éléments qui lui sont soumis. Au civil, ça dépend du bon vouloir des parties, dont il peut arriver qu'elles aient toutes intérêt à taire certains éléments. Au pénal, la conviction du juge doit se faire face aux preuves qui ont pu être rassemblées, à la vérité propre de chacune des parties.
De même, toute décision d'un juge d'application des peines, d'un juge aux affaires familiales, d'un juge des enfants, d'un juge d'instruction, qui statuent sur des situations pas encore décantées ou qui comportent parfois une part de "pari sur l'avenir" (une libération conditionnelle, le retour au domicile d'un enfant placé). Dès l'instant où on prend une décision dans ces matières, même si on s'est entouré de toutes les précautions possible, on saute dans l'inconnu.
L'acte de juger, c' est l'application de règles de droit à des situations humaines, c'est trancher entre des intérêts qui peuvent être tous très estimables mais n'en demeurent pas moins contradictoires. Alors oui on peut se tromper. On peut prendre une décision parfaitement sensée qui se révèlera plus tard être cause d'un drame. C'est pour ça qu'existent des voies de recours, qui permettent d'avoir des regards en principe multiples et d'essayer de limiter ces risques d'erreur. Mais, on l'a vu, on peut autant se tromper à 12 que tout seul.
Un juge qui statue dans la crainte permanente des conséquences disciplinaires de ses décisions, qui ouvre le parapluie en multipliant les expertises, qui essaie de, sinon satisfaire tout le monde, du moins ne mécontenter personne, ce juge là n'est plus indépendant. Et si le juge n'est pas indépendant, ce n'est pas à lui que ça cause du tort, mais au justiciable lambda. Si le juge n'est pas protégé des pressions, on court le risque que ce soit la prime à celui qui gueule ou qui menace le plus fort. Ce sera la victoire de tous ces procéduriers qui dès qu'une virgule leur déplaît dans une décision vous envoie un courrier en recommandé pour vous annoncer qu'ils saisissent d'ores et déjà le Garde des Sceaux de votre cas et que vous pouvez encore changer d'avis. De l'avocat qui vous sussure à la fin de chaque interrogatoire d'un dossier où subsistent des zones d'ombre "ça va faire lourd en indemnisation pour détention abusive". De ceux qui, pour vous déstabiliser alors que vous êtes un peu trop efficace dans un dossier, vont chercher la petite bête dans un autre où vous avez oublié un détail. De ceux qui vous annoncent solennellement que "Julien Courbet s'intéresse à l'affaire". De ce père éploré qui, parce que l'instruction concernant le meurtre de sa fille prend un sens qui ne lui convient pas, utilise sa notoriété pour faire prévaloir son point de vue dans une émission de TF1. De cet avocat qui, parce que le juge d'instruction refuse de mettre en examen quelques jeunes gens contre lesquels n'existent que des rumeurs, vient agiter devant la caméra un enveloppe qu'il n'ouvrira jamais. De ces parents divorcés qui refusent de représenter leurs enfants à leurs ex-conjoints à grand renfort de grève de la faim. De ces comités de soutien informels qui accompagnent des prévenus ou des parties civiles à l'audience et qui se répandent en invectives si la décision ne leur plaît pas. On a beau avoir le cuir épais, on a pas tous une âme de chevalier blanc.
Alors oui, même si ça peut empêcher de poursuivre quelques magistrats qui auraient rendu une décision aberrante, je pense qu'il est dangereux d'étendre la responsabilité disciplinaire à la sphère juridictionnelle.

Le système tel qu'il existe, s'il était appliqué de manière plus ferme, pourrait suffire à traiter les quelques cas problématiques. Il faut reconnaître que, même si on note depuis quelques années une plus grande fermeté, tout n'est pas mis en oeuvre pour régler ces problèmes. Une véritable gestion des ressources humaines au sein de la magistrature serait déjà une première réponse. Une augmentation des moyens de la justice viendrait aussi j'en suis persuadée résoudre un certain nombre de cas, où les magistrats ont été fragilisés par une surcharge de travail insensée. Et oui, il faudrait parfois un peu plus de courage à nos hiérarques pour faire un peu de ménage.

Mais si je me réjouis que les débats actuels sur la responsabilité des magistrats aient au moins le mérite d'obliger à s'interroger sur nos pratiques, cela ne doit pas se faire pas au prix de notre indépendance qui, je le répète, n'est pas là pour nous arranger et nous mettre au dessus des lois mais pour garantir aux justiciables que le juge qui examinera leur affaire, s'il n'est pas à l'abri d'une erreur, est au moins à l'abri des pressions."

44. Le lundi 16 octobre 2006 à 19:44 par polinyce

Je n'ai pas d'admiration particulière pour Madame le Conseiller Bernard-Requin : je lui préfère, et de loin, un Portelli ou un Getty.

Qu'elle ait été, avant de prêter le serment de magistrat, avocat et même ancien secrétaire de la Conférence du Stage, rend encore plus étonnant cette absence d'écoute qui résulte de ce que j'appellerai volontiers "l'orgueil du magistrat".

La plus parfaite démonstration de cette expression orgueilleuse est le passage de 10ème Chambre où Mme le Président s'emporte violemment contre ce prévenu qui s'était mis en tête de disserter sur les textes légaux, notamment sur la notion d'arme de telle catégorie.

Je ne vois pas pourquoi un citoyen lambda n'aurait pas le droit, dans le cadre de sa défense, de se livrer à sa propre interprétation des textes : ce n'est pas un privilège réservé aux gens de robes.

Tant que les propos d'un prévenu ne portent pas atteinte à la police de l'audience, je ne supporte pas qu'un magistrat interrompe un justiciable pour lui rappeler que la seule compétence pour faire du droit, c'est encore lui, le magistrat.

Interrompre la parole d'un prévenu ou d'un accusé me semble une hérésie : qu'on les écoute, et qu'on les juge ensuite, mais par pitié, laissez-les s'exprimer et faire valoir librement leur point de vue, quand même il serait absurde, pour qu'ils aient au moins l'impression d'avoir été entendus avant d'être jugés.

J'étais venu plaider un petit dossier devant la 10ème Chambre, à l'époque où Depardon faisait ses enregistrements : mon client avait refusé d'être filmé. En découvrant le film, je n'ai pas eu l'impression de trouver le même magistrat que celui que j'avais connu, à l'occasion de cette audience...

La présence d'une caméra est tellement influente, et modifie le comportement de tous.

"Juges accusés, levez-vous", comme l'on demande au prévenu de se lever lorsque le tribunal souhaite l'interroger ?

45. Le lundi 16 octobre 2006 à 19:54 par doc gynéco

Je vous suis tout à fait quand vous dites que le juge doit être indépendant... Enfin peu-être que la justice va finir par être privatisée comme tout le reste, et je trouve aussi très important qu'il n'ait pas de compte à rendre à qui que ce soit.

Par contre, il serait peut-être pas mal que les magistrats soient informés de ce qu'adviennent leur décision. Appel, pas appel, quelle décision en appel, etc... Bien sûr, il y aurait le risque que les magistrats prennent ensuite des décisions mainstream, mais ça serait peut-être plus grattifiant pour leur travail.

Moi quand je présente un papier à une conférence (scientifique) ça me fait plaisir quand ça intéresse des gens. Je me dis que c'était peut-être pas si inutile que ça...

D'autre part si le magistrat peut travaillé sereinement car il sait que peu importe la décision qu'il prends celle ci ne viendra ni affecter sa carrière ni son train de vie ni sa sécurité, je pense que la médecine gagnerait aussi en efficacité (surtout en coût) à ne pas travailler avec une épée de Damocles qui s'apelle procès au dessus de sa tête.

En effet, pour prendre l'exemple de notre star adoré Fabrice B. (histoire de bien le pourrir une fois de plus), il a juste commis une erreur d'appréciation. Et c'est la nature de son métier qui veut ça...

Par contre, si un médecin apprécie mal une situation qui peut-être parfois urgente, il se peu que quelqu'un meurt. Et là c'est procès assuré. Alors que sans le médecin le patien serait mort avant d'arriver à l'hopital.

Enfin voilà, deux métiers à risque, et pas de conséquences identiques, en cas de ratage.

46. Le lundi 16 octobre 2006 à 23:41 par Lincoln

Quelques réflexions soumises à l'agorablog en réponse notamment à Doc "X":

1) "sur les décisions mainstream": cela ne fonctionne pas comme cela dans le cadre judiciaire. Un décision n'est pas correcte ou incorrecte. Il n'y a pas de vérité scientifique ou technique en la matière, à part le cas de défauts "techniques" de la décision - et c'est encore très complexe car la forme n'est finalement en droit que l'expression du fond mais cela nous emmenerait trop loin ...-. La question qui se pose au juge est souvent une question d'appréciation: au pénal, la culpabilité puis le choix de la peine. Le choix de la peine est nécessairement subjectif même si la loi guide le juge: un sursis avec msise à l'épreuve ou un sursis simple ? une peine d'emprisonnement avec ou sans mandat de dépôt ?. Je veux dire que si la Cour d'appel infirme le jugement, cela ne veut pas dire que la première décision du juge était "mauvaise".

Faut-il renouveler le placement d'un enfant ou au contraire privilégier une AEMO ? La garde doit elle être accordée àla mère plutôt qu'au père ? En matière civile, la question se pose identiquement. La cour peut apprécier différement sans qu'elle soit détentrice de la vérité révélée. Mais parce que tout système n'est viable que dès lors qu'il a une fin, il faut accepter à un moment donné que cela s'arrête. Le second degré sert à fixer, une fois pour toutes (sauf problème de droit où on peut aller plus loin) à déterminer,non pas la vérité, mais la vérité judiciaire.

Enfin, certaines cours sont beaucoup plus obnubilées par un souhait d'être désengorgé en multipliant par deux les peines en appel que par une authentique volonté d'examiner à nouveau le dossier. La décision de la Cour dans ce cadre est-elle si empreinte de sagesse pour le justiciable et de nature à servir de modèle pour le premier degré ?

Denier cas pathologique:
les chambres de l'instruction: j'ose dire qu'il est anormal qu'elle "couvre" pour une bonne partie - par manque de temps, par conviction ? - les actes du magistrat instructeur, que ce soit sur la détention ou sur d'autres recours (refus de demande d'acte, requête en nullité). Très souvent, la chambre confirme et pourtant, la décision du magistrat instructeur peut paraître contestable, c'est certain. Il est également abérrant que le réquisitoire du parquet général ne soit que le copier coller du rapport officieux dressé par le parquet qui, non seulement doit se cogner les douze tomes de la procédure souvent du jour au lendemain, pour un audiencement efficace mais en plus doit fournir un avis éclairé, notamment en matière de détention. Il serait à mon sens plus sain que le substitut général d'audience fasse lui-même son rapport ainsi que son idée (et les parquets généraux me semblent suffisamment pléthoriques à cette fin, à une activité beaucoup moins dans l'urgence que les parquets).

Enfin, un jour évoquera-t-on peut -être cette chambre civile de la Cour d'appel qui statue sur les détentions provisoires injustifiées - suite à non lieu ou relaxe - et sur ces décisions qui font que, j'espère, jamais aucun juge du premier degré statuant sur la réparation d'un préjudice dans un quelconque contentieux civil, ne s'inspirera...

2) sur la responsabilité du magistrat : une vaste question. D'une part, elle se pose avec OUTREAU, alors qu'elle est hors sujet dans ce cadre. Le vrai pbe d'OUTREAU, c'est - notamment- la détention. Si toutes ces personnes avaient été placées sous contrôle judiciaire, il n'y aurait jamais eu de retentissement médiatique, peut-être même pas une ligne dans un quotidien national. OUTREAU pose la question essentielle de la détention en matière de délinquance sexuelle (renforçons le PSE, le contrôle judiciaire avec des moyens de surveillance efficace, et je suis personnellement prêt à l'abandonner, sauf potentialité de récidive (à fixer par une expertise psy notamment qui pourrait être ordonnée dans un bref délai avant de statuer à nouveau sur la DP). Dans ce cas, il ne faudra pas que l'opinion publique s'émeuve, en stigmatisant notamment l'autorité judiciaire, que tel violeur d'enfant, par exemple, a été placé sous contrôle judiciaire dès lors que le risque de récidive est très faible ( ce qui est d'ailleurs très fréquemment le cas)))

Ensuite, je pense que beaucoup de choses doivent évoluer en matière disciplinaire, et pas en étendant les sanctions disciplinaires au cas des mal-jugés. Car, à la différence du médecin, qui applique un protocole technique, qui peut effectivement être fort complexe, dans des situations d'urgence difficiles avec peu de moyens, le magistrat, s'il applique bien la loi - ce qui est le plus souvent le cas - n'a pas de guide de la bonne décision - et pour cause, elle n'existe pas -. Il doit gérer l'avenir et l'avenir, en matière humaine, est incertain, profondément incertain. C'est ce qui fait toute la beauté du métier et toute sa terrible difficulté. On ne sait jamais: on doit s'entourer du maximum de précautions mais l'être humain ne se résume pas à des calculs techniques ou telle série d'actes chirurgicaux. Le médecin gère le présent, le magistrat pense au présent mais décide pour l'avenir. Même s'il y a beaucoup de points communs entre ces deux professions - plus encore avec la psychiatrie -, le domaine de la responsabilité, il faut bien l'avouer, est spéciale pour les magitrats.

Surtout, et enfin, il faut que chacun prenne ses responsabilités en sanctionnant les incompétents, soignant les malades (qui sont souvent incompétents aussi ) avec une vraie politique de soins et de prévention (où est la médécine du travail dans la magistrature ? y a t il un psychologue dans les tribunaux ?). C'est une infime minorité, mais cette minorité visible - sans connotation politique - est désastreuse pour la justice. Elle ternit l'image de tout le corps...Il y aurait encore beaucoup de choses à dire mais voilà pour l'essentiel.

47. Le mardi 17 octobre 2006 à 14:31 par doc gynéco

Merci pour vos commentaire Mr Lincoln...

Vous êtes intéressant à lire...

48. Le mercredi 18 octobre 2006 à 01:40 par BrunoNation

Bof Bof ...
En tous cas, 10ème chambre était affreux : d'abord l'étonnante nullité intellectuelle des avocats (sauf 1) qui coulent littéralement leur client ; la magistrate si on la compare est une flèche, elle fait preuve d'un "paternalisme" (si l'on peut dire) et d'un autoritarisme (avec le maître de conférence) vraiment dégoutants malgré une apparente volonté de bien faire et de comprendre les parties (avec un biais très important en faveur des personnes qui battent leur coulpe, s'écrasent devant elle, et jurent de ne jamais recommencer cf. l'attitude contre ce pauvre maître de conférence en socio versus le jeune drogué qui tire à la carabine sur des bouteilles en étant sous calmants !). La procureur est odieuse contre le jeune des halles mais c'est son rôle théâtral dans cette commédie judiciaire où malheureusement l'autre partie n'est pas jouée (ou plutôt est sabotée par la bêtise, l'impréparation).
MAIS il y a une scène où l'on s'échappe de toute cette pesanteur crasse , c'est la rencontre entre la jeune voleuse de voiture et son avocat commis d'office qui pétillent tous les deux d'intelligence. Le moment où ils co-trouvent l'idée qu'elle n'a pas pu vouloir voler la voiture parce qu'elle n'a pas de permis de conduire est merveilleux. Tout cela malgré la misère et le VIH en fond de tableau. Il n'y a de richesse que dans les personnes.

49. Le vendredi 20 octobre 2006 à 10:43 par Zythom

Le psychologue d'Outreau reste Expert.
L'information est publiée dans un article du journal Le Monde du 13 octobre 2006. « Quand on paie les expertises au tarif d'une femme de ménage, on a des expertises de femmes de ménage ! »"
Le Garde des Sceaux avait alors demandé sa radiation.
La Cour d'Appel de Rouen a estimé le 29 mai 2006 que l'expert n'avait commis aucune faute susceptible d'entraîner sa radiation. Elle relève que le travail de l'expert "est extrêmement fouillé et individualisé".
Je cite encore l'article du Monde:
"La Cour a également tenu compte du fait que [l'expert] avait saisi l'occasion de son audition, en mars, devant la commission d'enquête parlementaire de l'Assemblée Nationale, pour s'excuser publiquement de ses propos maladroits."

Je suis choqué du faible écho médiatique de la confirmation d'un expert, qui certe a commis une maladresse devant les micros.
Je n'ai pas entendu par contre le Garde des Sceaux s'excuser publiquement pour ses propos maladroits et hatifs.

50. Le samedi 21 octobre 2006 à 23:09 par Un citoyen curieux

Cher Éolas, avez-vous une autorisation du titulaire des droits sur la couverture de l'ouvrage pour la reproduire sur votre site ?

Avez vous l'autorisation d'Isaac Newton pour être aussi lourd ?

Eolas

51. Le dimanche 22 octobre 2006 à 10:49 par Un citoyen curieux

Bon, j'en conclus qu'Éolas n'a pas cette autorisation, mais qu'il s'en moque parce qu'il ne sera pas poursuivi. Je crois que c'est une bonne illustration du côté décalé de notre droit de la propriété intellectuelle et de son exception de citation étriquée...

Moui. Bien sur. Bernard Pivot se faisait d'ailleurs assigner par les auteurs des couvertures de tous les livres qu'il osait montrer à l'écran. Vous avez tout compris à la propiété intellectuelle.

Eolas

52. Le lundi 23 octobre 2006 à 13:02 par Un citoyen curieux

Pivot faisait, de fait, de la publicité pour ces ouvrages. C'est également ce que vous faites. Aussi, bien évidemment, il n'est pas dans l'intérêt des auteurs ou éditeurs de ces ouvrages de vous poursuivre.

Reste qu'ils pourraient fort bien s'opposer à cette utilisation de leur couverture... et qu'ils le feraient peut-être si votre critique était trop acerbe.

Cette situation en droit français est différente de la situation en droit américain, où règne la notation d'usage équitable (fair use). Utiliser une couverture pour introduire une critique d'ouvrage est bien évidemment du "fair use" en droit américain, mais il me semble que les tribunaux français ont toujours rejeté la notion de droit de citation en matière d'images. C'est d'ailleurs tellement vrai que les lobbies de la presse française ont obtenu une exception spéciale pour motif d'information...

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