Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Parlons programme : Ségolène Royal et la justice

Je vous propose dans les semaines qui viennent d'étudier les programmes des principaux candidats en matière de justice. Ce sera sur ce thème seulement : c'est mon domaine d'expertise, je peux tenter d'expliquer certaines propositions obscures, et j'espère pouvoir faire des critiques pertinentes de fait de mon expérience pratique. Je m'assurerai que les cellules internet des candidats concernés soient informés de l'existence de ces billets, libre à eux d'en faire ce qu'ils veulent.

Pour l'ordre, j'ai décide de commencer par les trois candidats majeurs, j'entends par là ceux qui ont des intentions de vote à deux chiffres ET la certitude d'avoir les 500 parrainages nécessaires, soit François Bayrou (UDF), Ségolène Royal (PS) et Nicolas Sarkozy (UMP). J'irai également voir le projet du Front national, non que ça me réjouisse, mais je ne peux pas faire l'impasse sur un candidat qui, s'il arrive à se présenter, ce qui ne fait guère de doute dans mon esprit, arrivera aussi bien classé. Les autres candidats passeront sous mes fourches caudines si j'ai le temps.

Avertissement préalable : là encore, je vais faire le ménage. Les commentaires qui ne visent qu'à indiquer un soutien inconditionnel à tel candidat ou à conspuer tel autre seront supprimés. Pas de slogans, des arguments.

Pour l'ordre de passage, j'ai décidé de pratiquer par tirage au sort. Et c'est Ségolène Royal qui s'y colle pour le premier passage. Si vous n'êtes pas content, allez vous plaindre au hasard.


Photo Désirs d'avenir

Mes sources pour ce programme sont doubles : d'une part, le projet socialiste "Réussir ensemble le changement", Partie III, paragraphe IV, et d'autre part le "ce que je retiens" sur ce thème sur le site Désirs d'avenir. Je sais qu'un programme supplémentaire doit être présenté le 11 février prochain, mais gageons qu'il n'y aura pas de revirement spectaculaire, et s'il le faut, je compléterai mon analyse.

Le programme socialiste.

Il est antérieur à la désignation de la candidate socialiste, mais la candidature à l'investiture supposait l'adhésion à ce projet.

Voici les propositions du projet, suivi de mes commentaires.

IV La Justice rénovée

C'est le titre. J'approuve ce refus d'une justice vétuste, mais je me demande si on n'est pas dans le slogan, là.

Notre système judiciaire doit être revu dans son fonctionnement tant pour la justice civile que pour la justice pénale. - Nous augmenterons le budget de la justice : notre pays se situe au 23ème rang sur 40 en Europe, pour son budget de la justice. Nous ferons passer le budget de la justice française dans les premiers rangs.

Vous connaissez mon point de vue sur la question. C'est en effet indispensable. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et je me méfie de ces promesses faites alors qu'elles ne coûtent rien. Mais sur ce point, j'approuve.

- Nous rendrons la justice accessible à tous en faisant en sorte que chaque justiciable puisse bénéficier des services d’un avocat, garanti par un service public de la défense. Nous renforcerons les maisons de la justice et du droit et le réseau d’information et d’aide aux victimes. Nous limiterons les coûts financiers inutiles pour élargir l’accès à la justice civile et au droit. Nous moderniserons le fonctionnement de la justice civile, de la justice prud’homale, de la justice commerciale et de la justice administrative.

Un service public de la défense ? Tiens. La dernière fois que j'ai été de permanence aux comparutions immédiates pour une indemnité ridicule, que j'ai défendu des prévenus qui n'avaient pas à me payer, et que je suis sorti d'audience à 22 heures, j'avais vraiment l'impression d'assurer le service public de la défense. J'ai dû avoir un moment d'égarement.

Le service public de la défense existe, il s'agit de l'aide juridictionnelle et des commissions d'office. Vous savez, ce truc pour lequel on s'est battu en décembre. Alors, puisqu'il ne s'agit pas de créer quelque chose qui existe, concrètement, c'est quoi, ce service public de la défense ? Créer des avocats fonctionnaires ? Débloquer un vrai budget pour que des avocats puissent se consacrer à plein temps à des dossiers d'aide juridictionnelle (je n'y crois pas une seconde) ?

Travers fréquent des candidats ici : on lance des idées plus que des projets concrets. Ca donne l'impression qu'on ne sait pas où on va mais on y va.

Renforcement des maisons de la justice et du droit : formule creuse, sauf s'il s'agit de poser des contreforts et des arcs-boutants, mais je ne pense pas qu'on parle d'architecture ici. Idem pour le réseau d'aide aux victimes. Concrètement, c'est quoi, par rapport à ce qui existe déjà ?

Limiter les coûts financiers inutiles : lesquels ? De quoi parlent-ils ? Des honoraires d'avocat ? Des émoluments d'huissiers ? Mystère. En tout cas, on parlait il y a cinq minutes d'augmenter le budget, et on en est déjà à faire des économies. Ca promet.

- Nous organiserons une justice respectueuse des libertés. Les procédures pénales d’exception seront limitées ; une réforme de la procédure pénale sera engagée pour renforcer les droits de la défense et mieux garantir la présomption d’innocence. Le juge des libertés et de la détention bénéficiera d’un véritable statut. Le juge d’instruction travaillera en collégialité. Nous interdirons les poursuites sur dénonciation anonyme.

Bon, le parti socialiste ne veut pas d'une justice liberticide, me voilà rassuré. Les procédures pénales d'exception : je pense qu'il s'agit des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et d'ordonnance pénale en matière correctionnelle, mais ça irait mieux en le disant. La CRPC, ce serait idiot. Elle est rodée, elle soulage les comparutions immédiates et on est loin des abus potentiels dénoncés lors du vote de la loi Perben II : concrètement, à Paris, elle est appliquée surtout aux conduites en état d'ivresse hors récidive et aux étrangers en situation irrégulière poursuivis parce que la préfecture n'a plus de place en centre de rétention (il faudra que je vous en parle, de ça, mais il faut que je me calme d'abord, j'en suis encore malade).

Et, ho surprise, une réforme de la procédure pénale ! Ca au moins, c'est original. Vraiment, ça manquait : il y en a eu une grosse en 2002 (Perben I), une énorme en 2004 (Perben II), une petite en 2005 (Loi antiterroriste), et quatre grosses sont en discussion au parlement en ce moment même (loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance et les trois lois "Outreau". A titre indicatif, le code de procédure pénale a été modifié par 37 textes différents en 2005, et par 41 textes en 2004. Je n'ai pas encore les chiffres pour 2006, qui a aussi été une bonne année. Bon, je ne vais pas résilier mon abonnement au JO...

Le juge d'instruction travaillera en collégialité. Là, matériellement, c'est impossible, et le rendre systématique n'est pas opportun. Matériellement, cela suppose de doubler les postes de juges d'instruction dans les petits tribunaux n'ayant qu'un juge d'instruction, donc augmenter le recrutement ou les prendre ailleurs, mais qui récupérera leur charge de travail ? Si cela se fait sans augmenter le nombre des magistrats, concrètement, cela aboutira à ce que les juges se répartissent les dossiers par moitié et les traitent seuls, bref retour à la situation initiale. En opportunité, il y a bien des dossiers, la majorité en fait, qui peuvent être fort bien traités par un juge d'instruction travaillant seul. En vrac, les plaintes avec constitution de partie civile pour diffamation, les dossiers techniques où tout reposera sur une expertise (délinquance informatique...). Donc, il faut limiter la collégialité aux dossiers complexes et sensibles, mais là, il y a juste un problème : ça existe déjà.

Aucune procédure sur dénonciation anonyme. Ha, voilà qui est vertueux. Mais cela me paraît entrer en conflit avec la première loi annoncée par la candidate sur les violences conjugales (première loi qui ne figure dans aucun des deux programmes que je commente ici d'ailleurs), où la candidate annonce qu'on pourra poursuivre sans plainte de la victime : ce ne sera donc pas possible sur dénonciation anonyme. Alors, comment on fait ? les RG vont-ils mettre des micros dans chaque foyer ?

- Nous rendrons la justice responsable et indépendante. Les carrières des magistrats du siège et de ceux du parquet pourront être séparées au bout de 10 ans d’exercice. Le parquet, responsable de la mise en œuvre de la politique pénale définie par le pouvoir politique, sera mis à l’abri des pressions, notamment par la suppression des instructions individuelles de nature à dévier le cours de la justice. La composition du Conseil Supérieur de la Magistrature sera modifiée pour garantir son pluralisme et un équilibre entre magistrats et non-magistrats. Ses attributions seront étendues. Il sera consulté sur les aspects essentiels du fonctionnement de la justice ainsi que sur les projets de réforme la concernant, et aucune nomination de magistrats ne pourra intervenir sans avis favorable. Nous améliorerons le système d’évaluation du service public de la justice en mettant en place un mécanisme permettant aux justiciables d’adresser au Conseil Supérieur de la Magistrature des plaintes visant le comportement d’un magistrat.

La justice responsable et indépendante. Elle ne serait donc ni l'une ni l'autre. Sur le premier point, on sait que c'est faux, sur le second, ça sonne comme un aveu de la part d'un parti qui était encore aux affaires il y a peu...

La mise à l'abri des pressions du parquet : rappelons que le parquet est hiérarchiquement soumis au Garde des sceaux. Je n'ai jamais rien trouvé à redire que l'action du parquet, qui représente les intérêts de la société, soit soumis au pouvoir politique en démocratie. Il faut un chef unique au sommet de la pyramide pour coordonner la politique pénale au niveau national, et le Garde des Sceaux, membre du gouvernement, est donc placé sous la surveillance du parlement. L'indépendance du parquet fait partie des promesses non tenues par Chirac. Ségolène Royal la reprend-elle à son compte ?

La suppression des instructions individuelles de nature à dévier le cours de la justice : cela signifie donc qu'il serait interdit au Garde des Sceaux d'ordonner au parquet de requérir la remise en liberté de mis en examen en cas de nouvel Outreau, car cela dévierait le cours de la justice ? Non, ces interventions ne sont en soi en rien condamnables, à condition qu'elles ne soient pas mues par des motifs inavouables, comme Jacques Toubon s'en était fait une spécialité mémorable. Il suffirait d'exiger que ces instructions soient écrites et figurent au dossier afin que la défense en soit informée, et le public lors du jugement de l'affaire, et que ces instructions ne puissent tendre qu'à l'ouverture de poursuite et non au classement d'une affaire.

La séparation des carrières au bout de dix ans : rappelons que les magistrats du siège (juges) et du parquet (procureurs) forment un corps unique. On peut passer au cours de sa carrière du siège au parquet, et vice versa. Un magistrat peut ainsi commencer juge d'instruction à Thionville, puis être nommé substitut du procureur à Dijon, avant d'être juge des affaires familiales à Strasbourg, puis premier substitut à Créteil, etc. (sous réserve de la compatibilité de ces exemples de promotions avec les échelons de carrière des magistrats, que je ne connais pas très bien). Je ne comprends pas le "pourront être séparées". Cela semble signifier une faculté. Je pense que le projet imposera cette séparation au bout de dix ans, c'est à dire qu'au bout de ce laps de temps, le magistrat devra choisir définitivement s'il sera assis ou debout[1]. Au début, quand j'avais trois poils au menton, cette unicité du corps me paraissait une anomalie et j'étais plutôt favorable à cette séparation. J'en suis revenu, car elle apporte vraiment quelque chose au niveau de la formation des magistrats en élargissant leur expérience (un procureur qui a été juge d'instruction évitera d'ouvrir des informations pour un oui ou pour un non, un ancien JAP fera un excellent président de correctionnelle car il pourra faire du tuning de peine), et j'ai pu constater que les magistrats du siège ne perdent généralement pas leur impartialité à l'audience en faveur du parquet. Il y a des maladresses de comportement (l'entrée simultanée par la même porte, une connivence trop affichée...), mais des procureurs se font durement remettre à leur place par des présidents quand un dossier mal ficelé arrive à l'audience, esprit de corps ou pas. De sorte que j'ai tendance à penser qu'il s'agit d'une réforme plus symbolique que réelle. Par exemple, dans l'affaire d'Outreau, l'unicité du corps des magistrats n'a joué aucun rôle dans la tragédie, puisque les deux juges d'instruction occupaient leur premier poste. Donc une loi plus inutile que nuisible, mais qui risque de provoquer une résistance des magistrats.

- Nous présenterons une nouvelle loi pénitentiaire qui donnera davantage de moyens pour lutter contre la surpopulation carcérale, pour améliorer la qualité des soins, pour favoriser l’effectivité des petites peines en milieu ouvert, pour permettre la réinsertion à la sortie de prison. La prison doit impérativement être un lieu de respect des droits et de la dignité de la personne.

Je ne puis qu'approuver le principe. Mais je ne comprends pas le "plus de moyens pour lutter contre la surpopulation carcérale" : est-ce l'annonce de la construction de nouvelles prisons ? Il le faut, eu égard à l'augmentation de la population française, mais je pense qu'il s'agit plutôt de financer des alternatives à l'emprisonnement, ce qui fait alors doublon avec la suite. Je n'aime pas l'ambiguïté des programmes électoraux.

En conclusion : le programme du parti socialiste manque de propositions concrètes, ce qui a pour effet de voir beaucoup de belles phrases qui n'engagent à rien et laissera toute latitude à la candidate élue de faire ce qu'elle veut, toute loi retouchant le code de procédure pénale pouvant aisément se réclamer de ce programme. J'en sors dubitatif.

Sur Désirs d'avenir.

Le thème dont la synthèse est proposée est "Quelle prison pour quelle justice ?". Lecture faite, mes craintes se sont révélés non fondées : il ne s'agit pas de savoir où on va incarcérer les 7000 magistrats français, mais bien de propositions de réformes de la justice tout d'abord, puis de la prison ensuite.

Sur la justice.

Les citoyens attendent une justice efficace, mais humaine. L’instruction pénale est aujourd’hui critiquée parce que le juge d’instruction est, dans les affaires les plus lourdes, mais aussi au quotidien, noyé sous la masse des dossiers, sans repères et sans recul suffisants, et qu’il doit être à la fois l’enquêteur et l’arbitre de sa propre enquête. Le juge d’instruction doit donc retrouver les moyens juridiques, matériels et humains d’être à égale distance des victimes, des mis en examen et de l’accusation, d’avoir la sérénité sans laquelle la justice est aveugle, d’agir vite, pour raccourcir les procédures, mais sans être poursuivi par l’urgence.

L'opposition efficacité et humanité et l'invocation de cette qualité tellement lumineuse aux yeux des politiques que personne ne s'est donnée la peine de la définir me laisse toujours dubitatif. La justice, c'est avant tout l'application de la loi. Une loi mauvaise sera appliquée avec zèle par les magistrats, parce qu'ils ont juré de le faire en prenant leurs fonctions. Ce n'est pas à eux de corriger les manquements du législateur, ou ses contradictions quand il incite à la détention provisoire et se scandalise que des innocents soient placé en détention. L'humanité du juge me paraît une façon de se défausser sur lui de ses obligations.

Le ton pompeux n'évite pas le piège du ridicule : "la sérénité sans laquelle la justice est aveugle". La justice EST aveugle, cela symbolise son impartialité, et ce n'est pas la sérénité qui l'aveugle, mais un bandeau.

Trois principes doivent à mes yeux contribuer à cette justice plus humaine : renforcer la collégialité, donner des moyens enfin à la hauteur des enjeux, redéfinir précisément les fonctions du juge d’instruction.

De fait, la synthèse proposée ne porte que sur l'instruction. C'est oublier que l'instruction ne concerne que 5% des affaires jugées. Certes les plus graves, mais le volume devrait aussi être pris en considération. Je suppose que cet aspect est encore en cours d'étude.

Pour mémoire : quand le procureur de la république décide d'engager des poursuites, il peut saisir directement le tribunal correctionnel sur la base du dossier réuni par la police, parfois pour une audience du jour même (les comparutions immédiates), ou saisir un juge d'instruction afin qu'il mène une enquête approfondie. L'instruction est obligatoire si les faits sont un crime (puni de peines maximales allant de 15 ans à la perpétuité) et relèvent de la cour d'assises. Elle est facultative pour les délits, et est utilisée principalement dans trois cas : si les faits sont complexes (délinquance financière), ne sont pas encore connus dans leur intégralité (trafic de stupéfiant, victime entre la vie et la mort), ou si les auteurs sont en fuite ou ne sont pas identifiés.

Le juge d'instruction est un juge unique qui peut faire appel aux services de la police, d'experts, peut interroger lui même les personnes concernées, et décide à la fin s'il faut mettre fin aux poursuites (non lieu), ou faire juger les faits par le tribunal correctionnelle ou la cour d'assises. Il peut demander au juge des libertés et de la détention de placer les mis en examens en détention provisoire.

1 - Même expérimenté, le juge d’instruction est aujourd’hui très seul. Si les fonctions de l’instruction sont par nature des fonctions indépendantes et individuelles, la gravité ou la complexité particulière de certains dossiers peuvent imposer que plusieurs magistrats soient associés pour les mener à bien. La chambre de l’instruction, qui contrôle en appel les décisions du juge d’instruction, devrait pouvoir imposer une co-saisine, la même affaire étant alors traitée par deux juges, et dans les affaires les plus lourdes, un pool de magistrats devrait pouvoir être mobilisé.

On mélange ici constats et propositions. Le président du tribunal de grande instance peut décider de saisir plusieurs juges d'instructions d'une seule affaire : il n'est limité que par le nombre de juges d'instruction de sa juridiction (article 83 du CPP). L'affaire Clearstream est ainsi instruite par deux juges. Le duo Eva Joly et Laurence Vichnievsky a fait les mauvais jours des vendeurs de bottines et de pétrole. Le juge d'instruction peut également demander au président de désigner un ou plusieurs autres juges d'instruction. C'est un constat, et cet état de fait remonte à la loi du 4 janvier 1993, votée sous le gouvernement Bérégovoy.

La chambre de l'instruction ne peut par contre décider de saisir des juges d'instructions supplémentaires. Voilà ce qui serait la nouveauté. Mais sachant qu'elle peut évoquer le dossier, c'est à dire au lieu de le renvoyer au juge d'instruction, le garder et continuer à instruire elle même, en désignant un de ses conseillers à cette fin, elle peut donc faire mieux qu'ordonner la collégialité : confier le dossier à trois conseillers de cour d'appel ayant l'expérience de l'instruction. Dès lors cette réforme ne crée ni ne renforce la collégialité, mais ajoute une nouvelle façon de la provoquer. Reste la question des moyens humains, passée sous silence, malheureusement.

2 - La chambre de l’instruction, chargée d’examiner en appel les décisions prises par les juges d’instruction, pourrait voir ses prérogatives considérablement élargies pour assurer un contrôle effectif et périodique du travail effectué dans chaque dossier par les magistrats instructeurs. En fin d’instruction, la chambre de l’instruction serait tenue d’examiner toutes les procédures. Elle aurait ainsi pour mission de s’assurer que le dossier est complet et que peut utilement s’ouvrir un procès pénal. Si ce n’est pas le cas, la procédure serait systématiquement renvoyée au juge pour complément d’enquête.

Très mauvaise idée. C'est totalement irréaliste et inutile dans la plupart des cas. Irréaliste car cela suppose une charge de travail immense, pour des cours déjà débordées et tenues par des délais très courts pour examiner les recours. Cette réforme noierait les chambres de l'instruction sous les dossiers, au détriment de la qualité du travail. Inutile car la chambre de l'instruction peut être saisie par les parties (mis en examen, partie civil et procureur) qui contesteraient l'ordonnance finale du juge (on parle d'ordonnance de règlement). Dès lors que les parties ne contestent pas sa décision, pourquoi imposer à la cour un examen systématique manifestement inutile ? Il existe une exception : une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ne peut être soumise par la voie de l'appel à la chambre de l'instruction. Tout simplement parce que le tribunal reste compétent pour apprécier les faits : si le mis en examen aurait voulu un non lieu, qu'il plaide la relaxe. S'il voulait une requalification, qu'il la demande au tribunal. L'appel est possible contre la décision du tribunal, et l'argumentation peut être à nouveau soulevée devant la chambre des appels correctionnels : vous voyez que cette règle est même favorable aux parties, car une décision de la chambre de l'instruction, qui est une formation de la cour d'appel, ne peut être contestée que par le pourvoi en cassation.

3 - Toutes les décisions portant atteinte aux libertés individuelles devraient être prise par un collège de magistrats du siège, après un débat contradictoire où l’accusation et la défense interviendraient à armes égales. Il s’agit d’un approfondissement de la voie ouverte par la loi du 15 juin 2000, qui a retiré au juge d’instruction les décisions de placement en détention provisoire au profit du juge des libertés et de la détention.

Donc le juge des libertés et de la détention deviendrait une juridiction collégiale. Si les moyens suivent, parfait. Mais ce principe s'applique-t-il aussi au juge unique en matière correctionnelle ? Car il peut condamner à des peines de prison ferme et même décerner mandat d'arrêt et de dépôt. Ce serait donc la fin du juge unique en matière pénale, y compris devant le tribunal de police (il peut porter atteinte à la liberté d'aller et venir en suspendant le permis de conduire), et en matière d'ordonnance pénale. Je ne suis pas sûr que ce soit que ce Ségolène Royal a à l'esprit, mais face à des principes généraux si vagues, on peut se poser la question.

4 - Il est également nécessaire de mieux garantir les droits de la défense tout au long de la procédure pénale, et ce dès le stade de la garde à vue.

Qui dirait le contraire ? Mais est ce trop demander que de savoir comment, concrètement ?

5 - La formation des magistrats et leur affectation à la sortie de l’Ecole Nationale de la Magistrature doivent être adaptées aux évolutions de la justice souhaitées par nos concitoyens.

En effet, il ne manquerait plus que ce ne fût point le cas. Mais concrètement, encore une fois, ça veut dire quoi ? Que change-t-on à la formation ? Quelles seraient les nouvelles règles d'affectation ? Quelles sont les orientations de la justice souhaitées par nos concitoyens qui sont le critère de ces réformes ? Ce n'est pas un programme, là, c'est de l'incantation.

6 - Enfin, et c’est essentiel, la Justice doit avoir des moyens supplémentaires à la hauteur de ses missions. La loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 (LOPJ), adoptée par le Gouvernement Raffarin, affichait cette ambition. Force est de constater que l’effort budgétaire n’a pas suivi : le retard accumulé sur quatre ans d’exécution de la loi (2003-2006) s’établit à plus de deux mille emplois.

Je ne peux qu'applaudir à cette déclaration d'intention. Mais je suis un esprit chagrin, que voulez-vous. Ce paragraphe peut se résumer ainsi : « Je veux augmenter les moyens de la justice. Le gouvernement Raffarin a fait voter une loi qui prévoyait une augmentation des moyens de la justice. Mais malgré cela les moyens de la justice n'ont pas augmenté. »

Alors, je me demande : que va faire Ségolène Royal ? Voter une loi qui prévoira une augmentation des moyens de la justice ?

Rappeler que le gouvernement précédent a voulu faire la même chose et ne l'a pas fait n'est pas de nature à me faire croire que le futur gouvernement, qui affiche sa volonté de faire la même chose, le fera effectivement. Surtout quand cette augmentation n'est pas chiffrée, mais rappelons que le programme du PS, lui, est un peu plus précis : faire passer le budget de la justice dans les premiers rangs européens. Que cette promesse là soit tenue et ce serait déjà formidable.

Je n'aborderai pas la question de la prison, je le ferai dans un futur billet. Il y a déjà beaucoup à dire sur cet aspect.

Prochain candidat désigné par le sort : Nicolas Sarkozy.

Notes

[1] On parle en effet de magistrature assise pour les juges, qu'on appelle encore magistrats du siège, et de la magistrature debout pour les procureurs, qui se lèvent au même titre que les avocats quand ils prennent la parole, encore que l'usage limite cet exercice pour les seules réquisitions, alors qu'en principe même en cas de question au prévenu, le procureur devrait se lever.

Commentaires

1. Le vendredi 2 février 2007 à 16:23 par arbobo

au vu de votre préambule, avant de vous lire et avant d'oublier,
si je ne m'abuse les candidats, en tout cas SR et NS, ont répondu sur le thème des prisons dans les colonnes de Libération courant janvier. logiquement, leurs réponses évoquaient des postions plus largement sur la justice.
maintenant que je n'ai plus peur d'oubvlier, je vais vous lire, avec intérêt.

2. Le vendredi 2 février 2007 à 16:27 par Vicnent

preum's, c'est fou !

Concrétement : merci pour cette analyse, et merci par avance pour les autres.
Sur le fond. Vous prenez une candidate à la présidentielle, un projet (murement réfléchi etc...), vous prenez un avocat qui connait son métier et hop : plein de bonnes remarques immédiatement ! Comment est ce possible ?
Gageons que NS s'en sortira mieux, ses conventions faisant appel à une grande majorité d'experts et de professionnels du métier et du domaine.

3. Le vendredi 2 février 2007 à 16:27 par Grégoire

Encore un billet clair et incisif. Il est vrai que les candidat(e)s ne brillent pas par leurs propositions concrètes (les médias seraient-ils en cause?). Comment veulent-ils concilier développement durable et reprise de la croissance, par exemple (je vous prie de m'excuser, je m'égare un peu).
Ainsi, rien sur le droit du travail, de l'environnement, sur le fonctionnement de la justice prud'hommale dans le programme de Mme Royal?
Si vous aviez un programme idéal en matière de justice, quels en seraient les principaux points?

Amicalement,

Grégoire

4. Le vendredi 2 février 2007 à 16:29 par Fred

C'est une très bonne initiative que de soumettre les propositions des candidats à la lumière de vos critiques...

Une nouvelle fois merci pour la qualité de vos apports

5. Le vendredi 2 février 2007 à 16:33 par arbobo

oups, mon ajout précédent tombe de lui-même à la fin de votre billet.
désolé :-p

6. Le vendredi 2 février 2007 à 16:48 par riri

J'ai hâte de voir la réplique des colleurs d'affiche...

Sinon, que ce soit sur la justice ou autre chose, le programme législatif du PS est tellement vague qu'on peut se demander si c'est un programme et si des mesures législatives y sont prévues.

Ca fait des mois qu'il est sorti, et aucun observateur (presse, télé) n'a eu le courage de dénoncer ce flou (ou le courage de le lire)

Sur la justice, les résultats de la convention ump www.conventions-ump.org/s... et les propositions ont le mérite d'être plus précises.
Pas forcéments 100 % pertinentes et financées, mais incontestablement moins floues

7. Le vendredi 2 février 2007 à 17:17 par EB

J'anticipe un peu sur les deux prochains billets. Je crois que Bayrou (ou est-ce Sarkozy?) propose un Garde des Sceaux indépendant du gouvernement, qui serait élu par le parlement à une majorité qualifiée. De mémoire un porte parole d’un de ces 2 candidats (H. Morin peut-être ?) avait évoqué le consensus nécessaire autour de la personne à ce poste en citant comme exemple R. Badinter dont les qualités sont reconnues même à droite et S. Veil dont les qualités sont reconnues même à gauche. C'est une idée intéressante je crois car cela évitera peut être que le Garde des Sceaux (déjà reconnu par ses pairs) contribue à l’inflationnisme normatif en souhaitant à tout prix apposer son nom sur « sa » loi...

8. Le vendredi 2 février 2007 à 17:29 par Coujou

Une partie de vos analyses (par exemple, un résumé plus un lien vers vos articles) ne mériterait-elle pas d'apparaitre sur le wiki de débat 2007 ?

Sauf erreur de ma part, j'ai l'impression que la Justice ne fait pas partie des chantiers étudiés (www.debat2007.fr/wiki/ind... Votre série d'articles serait peut-être l'occasion de poser les bases pour ce sujet.

Sinon, "Pas de slogans, des arguments" fera un bon slogan pour ceux qui se plaignent du niveau actuel du débat politique.

9. Le vendredi 2 février 2007 à 17:33 par Clems

Je ne vois pas pourquoi on se plaindrait de l'analyse d'Eolas en la matière. C'est plutôt correct. Effectivement, c'est un sujet difficile. La solution est bien entendu d'augmenter les moyens, mais dire cela avant qu'un budget soit voté cela relève de la promesse électorale. On ne peut pas reprocher à Maitre Eolas de se méfier des promesses. En revanche, ce qui compte c'est les principes. Je pense qu'il ne sera pas effrayé par un certain classicisme. En ce qui ce concerne le projet des prisons, je pense qu'il faut effectivement reconstruire et réformer pas mal de nos prisons, on ne peut pas rester dans cet état. Par contre, je pense que tout le monde est d'accord au PS sur le principe que la prison n'est pas une solution à systématiser et qu'il faut préférer des initiatives visant à l'insertion.

Donner des papiers à des étrangers pour qu'ils sortent de la petite délinquance en serait déjà une bonne. Maintenant, allez dire cela en campagne électorale...

10. Le vendredi 2 février 2007 à 17:35 par Joe

Instructif, j'attends vos autres analyses avec impatience.

Merci
Juste une coquille ici:

"En conclusion : le programme du parti socialiste manque de propositions concrètes, ce qui a pour effet de voir beaucoup de • belels • phrases "

11. Le vendredi 2 février 2007 à 17:50 par XIII

Le tirage au sort a-t-il eu lieu en présence d'un huissier de justice ? Sinon, ils sont intéresserants, mais longs, vos billets, Maitre ! :-)

12. Le vendredi 2 février 2007 à 17:51 par XIII

Je voulais écrire "intéressants", bien entendu.

13. Le vendredi 2 février 2007 à 17:57 par Nici

Merci pour cette mise en lumière "éclairée" de l'idée de justice de S.R.

Je profite de ce billet pour former une requête s'agissant de lieux-communs.

Je trouve que l'idée de réunir de savants esprits pour disséquer les faits, gestes et programmes des candidats est excellente.

Cependant devant la richesse de certaines analyses, je ne peux m'empêcher de me demander quel serait le programme pour la présidentielle de lieux-communs.

Je suis persuadé qu'un Jules aux affaires européennes, un eolas en garde des sceaux pourraient donner lieu à des propositions et donc des débats très intéressants et certainement très pointus.

Et qui sait, compte tenu du taux d'écoute de vos réflexions, pourquoi ne pas imaginer devenir des sources pour le monde politique ?


Nicolas

14. Le vendredi 2 février 2007 à 18:07 par Rorschach

Merci de cette analyse, qui m'inspire une remarque et une question.

Une remarque : cela ne me paraît pas scandaleux que les programmes soient lacunaires (certes, il ne faut pas exagérer), qu'ils indiquent des intentions, des orientations,et non des prescriptions à appliquer, comme une ordonnance de médecin, ce qui ne serait guère démocratique. Laisser la place au débat, c'est laisser du jeu, où les citoyens viennent s'engouffrer pour commenter, protester, pinailler, ce que vous faites fort bien. Bref je ne suis pas trop d'accord pour critiquer le manque de "concret" dans des programmes, mais plutôt leur manque de "clarté" quant à la ligne politique qui devraient être suivie.

Une question, de pur profane : "La justice, c'est avant tout l'application de la loi", dites-vous. Mais à "application", ne faudrait-il pas ajouter "interprétation" ? N'est-ce pas cette "interprétation" qui fait tout l'intérêt du métier que vous exercez ? Je crois (au sens de "je ne suis vraiment pas sûr") que la jurisprudence n'a pas le même statut selon les pays, et qu'elle a moins d'importance en France qu'ailleurs (je veux bien être éclairé là-dessus), mais elle demeure quand même une notion importante, qui dérive de cette pratique "interprétative", non ?

Bonne soirée à vous

15. Le vendredi 2 février 2007 à 18:12 par Danilo

Merci beaucoup !

Cet éclairage est le bienvenu, et j'irai même jusqu'à en demander plus : il pourrait être utile de lister, pour chaque candidat, les mesures concrètes du programme et virer le bla-bla/paroles en l'air. J'ai comme l'impression que le résultat serait très maigre...

16. Le vendredi 2 février 2007 à 18:15 par monsieur raoul

Bonjour,

Je decouvre votre (fine) analyse du "programme justice" de SR.
Bien.
Elle n'entre pas dans le détail et enfonce avec délice des portes ouvertes...
Avocat en province, j'ai plus souvent l'habitude d'une justice chiche en moyens que probablement mes confrère de Paris, et les promesses de la gauche, je n'y croie pas (plus?)
Alors j'attends vos commentaires sur NS...peut être vais-je découvrir des informations que je ne connais pas encore!

Bravo pour votre Blog!

Monsieur Raoul

17. Le vendredi 2 février 2007 à 18:27 par guichoune

Petite piqûre de rappel issue de Wikipédia:

"La démagogie (du grec :demos « le peuple » et ago : « conduire ») est une notion politique et rhétorique désignant l'art de mener le peuple en s'attirant ses faveurs, notamment en utilisant un discours simpliste, occultant les nuances, dénaturant la vérité.

Le discours du démagogue sort généralement du champ du rationnel pour s'adresser aux passions, aux frustrations de l'électeur. Il recourt en outre à la satisfaction des souhaits ou des attentes du public ciblé, sans recherche de l'intérêt général mais dans le but unique de s'attirer la sympathie et de gagner le soutien. L'argumentation démagogique est délibéremment simple afin de pouvoir être comprise et reprise par le public auquel elle est adressée. Elle fait fréquemment appel à la facilité voire la paresse intellectuelle en proposant des analyses et des solutions qui semblent évidentes et immédiates".

Loin d'être un colleur d'affiches, je ne suis qu'un citoyen (avisé en la matière car avocat par ailleurs) éberlué par tant d'approximations que je ne veux plus souffrir de celles et ceux qui se présentent à nos suffrages.

Où est le programme de SR en matière de justice ? En a t-elle un ?

Vos commentaires, cher confrère, bien que drappés de beaucoup de diplomatie, m'incitent à croire que vous n'êtes pas loin de penser comme moi. Alors disons le franchement, je crois que cela est de nature à faire avancer le débat.

Suggestion: Ne souhaiteriez vous pas être le Nicolas Hulot - que je crois désinteressé- de la justice, je vous en sais parfaitement capable et auriez mon entier soutien)

18. Le vendredi 2 février 2007 à 18:34 par glomp

C'est ce qui est le plus épuisant avec les programmes politiques: avoir toujours cette impression qu'on nous prend pour des amateurs à qui il faut tout expliquer par des mots unisyllabiques. Les programmes politiques utilisent ainsi un langage simple (ponctué de belles phrases), dans le but de substituer l'espoir à la migraine chez la plèbe.

Or il s'avère que les gens sont en réalité loin d'être des amateurs, et qu'ils n'ont pas forcément la migraine facile: ils manquent d'informations parfois, s'expriment par l'émotion souvent, mais ont toujours un avis à partager.

A propos du budget de la justice, j'ai découvert le site debat2007.fr (apparemment peu ou pas partisan) qui tente de chiffrer les programmes des deux prétendants favoris des médias.
Ils avancent le chiffre de 3 milliards d'euros pour la proposition socialiste (www.debat2007.fr/index.ph...

19. Le vendredi 2 février 2007 à 18:38 par guillaume_78

D'abord, merci pour cette analyse du projet de la gauche.
Une petite remarque ensuite concernant la "collégialité des juges d'instruction" que vous critiquez. Ne dit-on pas "juge unique, juge inique"? L'augmentation du nombre de magistrats visant, à plus ou moins long terme, à obtenir la collégialité chez les juges d'instruction n'est-elle pas un point positif du programme du PS, contrairement à de nombreux autres beaucoup moins fameux que vous commentez dans votre billet?

Sinon merci pour votre blog qui m'est une lecture précieuse pour mes études!!

20. Le vendredi 2 février 2007 à 18:40 par Major Tom

"Si vous n'êtes pas content, allez vous plaindre au hasard."

Cher Maitre, il n'y pas de hasard. Cela n'existe pas. Votre ame est-elle le fruit du hasard? Je ne pense pas.

Programme Socialiste: "Notre système judiciaire doit être revu dans son fonctionnement tant pour la justice civile que pour la justice pénale. - Nous augmenterons le budget de la justice : notre pays se situe au 23ème rang sur 40 en Europe, pour son budget de la justice. Nous ferons passer le budget de la justice française dans les premiers rangs."

Ce a quoi le gardien de ces lieux repond: "Vous connaissez mon point de vue sur la question. C'est en effet indispensable. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et je me méfie de ces promesses faites alors qu'elles ne coûtent rien. Mais sur ce point, j'approuve."

J'ai une question Maitre Eolas:

1) Augmentation du Budget de la Justice? Soit! C'est une mesure tres louable et qui peut-etre s'impose. Mais ou vont-ils trouver les ressources necessaires a la revalorisation de ce budget? Des coupes dans celui de la Defense? De l'Education Nationale? De l'Environnement? Des Affaires Sociales?

21. Le vendredi 2 février 2007 à 18:41 par Kaem

"Je n'ai jamais rien trouvé à redire que l'action du parquet, qui représente les intérêts de la société, soit soumis au pouvoir politique en démocratie. Il faut un chef unique au sommet de la pyramide pour coordonner la politique pénale au niveau national, et le Garde des Sceaux, membre du gouvernement, est donc placé sous la surveillance du parlement."

Vous n'êtes donc pas pour la séparation des pouvoirs? Il me semble qu'un des gros défauts de la 5ème est que la Justice ne soit pas indépendante. La puissance de contre-poids d'une Cour Suprême américaine, même si elle a ses défauts (ce que nous appellerions un déficit démocratique) me semblerait bien plus profitable pour la France quand il s'agit de contrer un parlement qui, vous le montrez assez souvent, a tendance à faire n'importe quoi.

22. Le vendredi 2 février 2007 à 18:55 par JR

Le "vrai" programme serait attendu pour fin février si j'ai bien compris. Attendons... Peut-être sera-t-il plus clair que ces quelques incantations essentiellement autour du juge d'instruction, qui, comme vous le rappelez, ne voit passer que 5% des affaires pénales (les affaires civiles, elles, n'intéressent que les parties au procès, leurs avocats, et les juges qui tranchent ces litiges, c'est bien connu...).
Je voudrais aussi dire mon malaise de voir l'amalgame entre justice et prison. Tous les débats sur la justice sont assortis d'un chapitre sur la prison.
Nos prisons sont indignes d'un grand pays moderne et de longue tradition démocratique. Je suppose que tous les lecteurs de ce blog le savent.
Or :
Certes, c'est la justice qui prononce des mandats de dépôt et des peines de prison.
Certes, depuis le début du XXe siècle (1911 de mémoire ?), l'administration pénitentiaire est rattachée au ministère de la justice, alors qu'elle dépendait auparavant de celui de l'Intérieur.
Mais c'est tout.
Tout ce qui concerne la prison et son fonctionnement est entre les mains du seul gouvernement. Il ne dépend que du seul gouvernement d'adapter le nombre de places aux besoins ; de raser les établissements vétustes ; d'imposer le respect de la dignité humaine ; d'y faire dispenser des soins médicaux dignes de ce nom, etc, etc...
Alors ? alors, mélanger les questions de justice et les questions de prison me semble erroné.
En tout cas, il doit être clair que les hommes et les femmes de justice, juges, procureurs, avocats, n'ont pas à porter sur leurs épaules le poids des choix politiques en matière d'organisation et de fonctionnement des prisons.

23. Le vendredi 2 février 2007 à 18:59 par X.

Je tire sur ségolène (mais je ferais de même sur Nicolas, François et les autres) ...

Augmenter les moyens de justice et faire des économies, c'est déjà fait (sous la droite et sous la gauche).

1 magistrat = n heures de travail, on divise par deux, on mets deux assistants de justice sous statut dérogatoire, qui rédigent tout et font signer au magistrat ... Testé avec succès par moult juridictions !

Et puis un AJ coute tellement moins cher qu'un magistrat (alors qu'il a plus de baggage juridique d'après les textes !!!)...

So french !

24. Le vendredi 2 février 2007 à 21:52 par Reflex

Bonsoir,

Il y a quelques temps, j'ai lu dans un article du nouvel Observateur que Ségolène Royale était avocate depuis 1994.

En parcourant les pages du site de l'Assemblée nationale, on constate que les députés avocats sont très majoritairement UMP, à l'exception de quelques socialistes dont notamment Claude Evin que j'ai connu lorsqu'il donnait des cours en droit hospitalier à Paris 8.

Peut-on considérer que l'appartenance à cette famille politique et la conversion professionnelle de la candidate puisse être un facteur explicatif d'une certaine volonté interventionniste de l'Etat dans la justice ?

Service public de la défense...A quand les avocats fonctionnaires ?

N'est-ce pas déjà la situation d'un grand nombre d'avocats qui perçoivent plus de 70 % de leurs recettes dans le cadre de l'aide juridictionnelle ?

Coridalement

25. Le vendredi 2 février 2007 à 22:11 par Erwin

Il y'a tout de même matière à reflechir dans ce beau billet.

-Des réformes déjà proposées, émises, en service depuis les 3 dernières années.

-Un suspens quant-au vrai programme frisant limite le plus ridicule coup de bluff (Et j'espère pour SR qu'elle a réellement un bon atout en main).

Ceçi dit Maître Eolas croyons-y ! Oserai-je dire: Pourquoi pas?...

Non ne partons pas dans ce chemin si.. hanté de déjà vu. Bref le programme de SR ressemble beaucoup à un croquis de dessin où les français tentent d'y mêttre les couleurs qui pourraient les satisfaire du résultat final.

Il a été noté que son programme final apparaîtra fin février, j'ai bien peur de n'y voir que les astérix aux gros titres ou alors de petits chiffres afin de donner aux lecteurs une annotation auquelle il faudra se référer. Tout comme de simples conditions générales de vente.

Je ne m'attarderai pas sur le sujet principal et les rerformes sur le judiciaire.

26. Le samedi 3 février 2007 à 01:08 par Lucas Clermont

Travail précieux ! (Je le relirai, réveillé)

Trois petites remarques.

Ce n'est pas incompatible de vouloir augmenter un budget et en même temps de rechercher des économies. Les économies ne sont un désastre que dans le cadre d'une vision comptable sans perspective.

Dans le cadre d'une alternance, voter de nouvelles lois en matière pénale, ce n'est pas nécessairement empiler de nouvelles lois. Ce peut être changer d'orientation politique. Ou apporter de la cohérence à un fatras de lois.

Enfin, toute réforme n'a de sens que si elle est financée, et les promesses en cette matière n'engage que ceux qui y croient. Aussi, selon vous le gouvernement Jospin a-t-il été plus généreux que les deux gouvernements de droite ? Les Socialistes vous paraissent-ils plus enclins à moins lésiner sur ce budget que l'UMP. Tout le reste n'aurait-il dans les faits d'autre intérêt que celui du réel plaisir de vous lire ?

27. Le samedi 3 février 2007 à 01:48 par gros chat

Cher Maître,

Il est dommage qu'un candidat contradictoire n'éveille pas en vous une certaine curiosité. En effet, il semble contradictoire, en politique, de faire de (mauvais) jeux de mots, ce qui aliène toujours une partie de l'électorat, tout en ayant souvent des positions de Cassandre, aujourd'hui imitées, du moins verbalement à l'occasion, par d'autres. Je parle, bien entendu d'un candidat qui ne souhaite visiblement que participer, avec panache comme tout bon tribun : J.-M. Le Pen.

Cordialement

28. Le samedi 3 février 2007 à 02:27 par Geo

Bonjour Maître.

Vous avez analysé sous un point de vue juridique: c'est à dire stricte: qui ne souffre pas de manque de précisions et manque de logique,
une proposition politique de réformes de la justice.
(bref, faudrait mieux attendre les textes des propositions de lois, cela sera plus constructif?).
Il me semble que vous avez fait un procès d'intention (au premier sens de ces termes),
non ?? enfin: je pense surtout à la premiere partie,
ensuite: l'analyse des propositions du site Désirs d'avenir vous donne des éléments de réflexions.

Vous semblez penser, par expérience,
que ces propositions pourraient être transformées en lois par copier-coller sans plus d'approndissement et de réflexions ?: dite le nous clairement,
c'est bien sur beaucoup plus pré-occupant, si l'habitude du législateur est de bacler son travail ?? (il faut faire vite, 'urgence déclarée', 'nous n'avons que 5ans ou moins pour changer la france '..)
En attendant au mois de mars votre synthèse non politique des réformes de la justice à faire.. ;)

29. Le samedi 3 février 2007 à 05:14 par Jacques Adam

Ca me fait penser, ce texte, au petit exercice qui consiste à éplucher au mot par mot le texte d'une chanson... L'exercice est souvent assasssin pour la chanson...

Un programme pour des présidentielles c'est un air , une petit musique, une mélodie et des paroles... Si l'on coupe l'un de l'autre on arrive au petit jeu assassin décrit ci-dessus...

Un bon analyste doit être capable de décrypter la petite musique qu'évoque le programe plus que de s'échiner sur le découpage pointilleux de chaque phrase

Mais vous êtes avocat pas politologue...

Quand, dans un prétoire, nous appliquons la loi, nous pesons chaque mot, car ils comptent. Le droit est une science rigoureuse, or faire une loi, c'est faire du droit, réformer la justice, c'est modifier la machine qui applique le droit. La rigueur s'impose. Ce n'est pas une petite musique qui envoie des innocents ne prison.

Eolas

30. Le samedi 3 février 2007 à 05:57 par Christian

Cher Maître,

Merci de cette brillante analyse.

Cependant, je ne partage pas votre point de vue concernant le conflit entre la première loi annoncée sur les violences conjugales et les dénonciations anonymes. En effet, corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble que le propre de cette loi est de permettre aux proches parents ou amis de la victime, ayant connaissance de ces violences, de les faire cesser sans le consentement de celle-ci. Et je crois que, lorsqu’on en arrive à prendre la décision d’engager une procédure judiciaire contre l’avis de la victime (qui pourrait être sa mère, sa sœur, sa fille, …), l’absence d’anonymat n’est certainement plus (ou pas) un obstacle.

A ceci près qu'il n'a jamais< été nécessaire en France d'avoir le consentement de la victime pour exercer des poursuites (sauf en matière de presse).

Eolas

31. Le samedi 3 février 2007 à 08:48 par Marc

Sur la séparation des carrières juges/procureurs:
Lorsque j'étais auditeur à l'Ecole nationale de la magistrature, cette séparation me paraissait une abomination: je pouvais voir lors de mon stage "parquet" que le magistrat du ministère public, avant de faire le travail d'accusation à l'audience (et l'avocat ne voit parfois que cet aspect de la fonction), effectuait un véritable travail de protection des libertés publiques lors de la phase de garde à vue, au moment du choix des poursuites, etc...C'est vrai, et il faut donc tenir compte de cet aspect essentiel du travail de magistrat du Parquet.
Et puis je suis rentré dans la vraie vie d'une juridiction, et j'y ai vu aussi les grognements, voire les véritables récriminations de la hiérarchie du parquet vers la hiérarchie du siège au sujet de tel ou tel JLD trop peu porté sur la détention provisoire, sur tel président d'audience "laxiste" ou exigeant sur le respect des procédures, le résultat en étant parfois une modification des tableaux de service (comme par hasard...).
Alors, que les procureurs aient un statut de magistrat et soient protégés contre les interventions extérieures (élus, forces de police), c'est indispensable, mais il faut aussi mieux protéger les juges contre la hiérarchie parquetière. Et sur ce point, la séparation des carrières pourrait être envisagée.
Un problème matériel toutefois: si on séparait les carrières, il faudrait que chaque magistrat se détermine une dernière fois (siège ou parquet? fromage ou dessert?). Or, le métier de procureur est difficile, en terme de disponibilité, de pression, et de charge de travail. Le résultat en est qu'actuellement, pour 1 juge demandant à devenir parquetier, on compte 8 parquetiers demandant à passer au siège.
La séparation des carrières entraînerait un exode massif du parquet, problème concret auquel nul politique ne s'intéresse encore et qui menace la faisabilité même d'une séparation des carrières.

Merci des ces éléments de réflexion ; mais une séparation organique suffira-t-elle à mettre à l'abri la présidence d'une pression "amicale" du procureur de la république ? Rien dans la loi actuelle n'autorise une telle pression. Dès lors qu'elle se fait contra legem, en quoi une modification de la legem changerait quelque chose ?

Eolas

32. Le samedi 3 février 2007 à 10:09 par silas

Ce billet très complet me semble toutefois montrer une limite du commentaire juridique de l'actualité: on ne peut pas analyser un slogan, ou un paragraphe tiré d'un programme électoral avec la même rigueur juridique que celle qu'on emploi pour commenter un arrêt de la cour de cassation ou critiquer les motifs d'un arrêté de reconduite à la frontière.

l'expression "service public de la défense" ne veut rien dire en droit. C'est un slogan. Et j'ai suffisamment lu et approuvé vos billets sur l'aide juridictionnel pour ne pas avoir à vous en expliciter les lacunes.
A mon avis ce type d'expression signifie: "on va améliorer l'aide juridique et juridictionnelle". Cela passe notamment par l'augmentation de la contribution de l'Etat à l'AJ, et pas comme le fait Clement par la création d'un groupe de travail...

je suis d'accord que tout ça n'est pas très concret. Mais le concret je l'attends dans un projet de loi, pas dans un programme...

Je reconnais les limites de l'exercice. Mais l'analyse des projets de loi suppose l'élection du porteur du programme, et dès lors, l'analyse devient inutile comme trop tardive. L'étude des programmes permet d'évaluer la qualité de la réflexion, sa cohérence, et la direction générale qu'elle va prendre. Il y a des propositions concrètes : collégialité systématique, pouvoir de la chambre de l'instruction d'ordonner la collégialité de l'instruction. Ces propositions doivent être mises en perspective avec le droit actuel. Et on se plaint assez de l'absence de débat sur les programmes pour renoncer sous prétexte que les programmes ne sont essentiellement que de la communication.

Eolas

33. Le samedi 3 février 2007 à 11:03 par La Vieille

@Jacques Adam
"Un programme pour des présidentielles c'est un air , une petit musique, une mélodie et des paroles..."
j'ajoute : destiné à attirer les sirènes, euh je veux dire les électeurs et après pshuit...
ce billet sur la justice mettant en perspective les propositions d'un des candidats avec les réalités d'aujourd'hui, permettra de comparer avec les programmes des autres candidats...
On a bien besoin d'un éclairage sur le fond des propositions. Merci Me Eolas.

34. Le samedi 3 février 2007 à 14:09 par wesson

Bonjour maitre,
une fois n'est pas coutume, voilà un propos clair et constructif. Merci de cet éclairage d'un "pro" du droit.

A ceci près que, au niveau de l'intention, vous pouvez toujours vous gausser des promesses faites. Cependant, étant donné que tous les candidats en font de même, il n'est pas à considérer que les promesses de l'un ne valent pas les promesses de l'autre.

Dans votre décortiquage du volet justice du programme Ump, Udf, Fn, je m'attends à voir autant de scepticisme face a la pluie d'€ et le renforcement de l'indépendance judiciaire que chacun n'aura pas manqué de promettre

35. Le samedi 3 février 2007 à 15:49 par Rongé

Je répète que j'admire votre capacité à produire des billets sur les thèmes juridiques, appuyés sur une solide culture juridique.
Je suis également un peu effaré par l'amateurisme du programme du PS en matière de justice. Toutefois, il faut parfois excuser la méconnaissance - voire le désintérêt -et ne pas systématiquement jeter la pierre, notamment lorsqu'il est dit que "Toutes les décisions portant atteinte aux libertés individuelles devraient être prise par un collège de magistrats"... On doit bien entendu comprendre "les décisions attentatoires à la liberté", c'est à dire les privations de liberté - la détention - plutôt que les restrictions de liberté parmi lesquelles on peut classer le retrait de permis de conduire.
Restez indulgents.

36. Le samedi 3 février 2007 à 18:33 par Veriter

Dommage qu'il soit peu question de la justice administrative

37. Le dimanche 4 février 2007 à 01:42 par Christian

Ah! Maître, je suis confus!

Dans votre billet, vous écrivez :" la candidate annonce qu'on pourra poursuivre sans plainte de la victime",
puis : " A ceci près qu'il n'a jamais été nécessaire en France d'avoir le consentement de la victime pour exercer des poursuites".

Donc, dois-je comprendre que la première loi de la candidate ne modifiera rien à ce qui existe actuellement?

Merci

38. Le dimanche 4 février 2007 à 16:10 par Place Vendôme

Votre analyse confirme mes propres recherches sur le programme de Mme Royal : rien sur la justice administrative (les administrés ne sont-ils donc pas des justiciables comme les autres?), presque rien sur la justice civile ...C'est navrant. Pas davantage sur la justice de proximité dont l'objet et le fonctionnement devraient pourtant séduire l'intéressée alors qu'elle se trouve dans une grave crise des vocations.
Patience, peut-être.

39. Le dimanche 4 février 2007 à 18:13 par charles- édouard

@eolas (com 31: marc)
Si les magistrats du parquet doivent rester des magistrats, la séparation des carrières au bout de 10 ans, apparait une chose inéluctable compte tenu du fait que le magistrat du parquet est soumis à sa hiérarchie et au ministre de la justice.
Permettre les passages du parquet au siège et du siège au parquet tout au long de la carrière est incompréhensible pour le justiciable et est de nature à porter atteinte à l esprit d indépendance des juges. Etre un juge du siège et un magistrat du parquet sont deux métiers aussi différents que ceux d avocat et de juge. Au bt de 10 ans il est dc normal de pvoir faire un choix.

40. Le dimanche 4 février 2007 à 18:18 par charles edouard

" un ancien JAP fera un excellent président de correctionnelle car il pourra faire du tuning de peine". Le JAP est comme le juge correctionnel un juge du siège. L exemple est mal choisi ici.

41. Le lundi 5 février 2007 à 09:40 par clic

juste une courte remarque dans l'attente (impatiente) de votre billet sur les prisons: l'augmentation de la population française n'impose pas une augmentation du nombre d'établissement tant des variables influent de façon bien plus forte sur la population pénale. La première, c'est la durée des peines, la seconde, c'est la pénalisation des déviances (ce qui ne sont que deux éléments du même phénomène). Je n'ai jamais vu une d'étude qui fasse intervenir dans les variations de la population pénale les évolutions démographiques, les travaux de Christie (entre autres) montrent plutôt que les taux d'incarcération peuvent être très différents dans le temps et dans différentes sociétés.
Tournier (est-ce que vous recevez ACP, le bulletin qui fait suite à ICH?) a montré qu'un programme d'aménagement de peine tout à fait réaliste (on en prononce peu en France) permet de résoudre largement les problèmes de surpopulation pénale. Tout ça est un peu hors sujet, mais vu que vous préparez des billets sur la prison, autant que ce soit dit tout de suite.

42. Le lundi 5 février 2007 à 09:44 par DG

Bonjour Maître,

Une des réformes les plus urgentes serait à mon avis de séparer dans les prisons les condamnés des personnes placées en détention provisoire dans l'attente d'un jugement et qui sont de ce fait présumés innocent jusqu'à ce qu'un tribunal les condamne.

Et pour être logique, il faudrait même que ces personnes (en détention provisoire) soient placées dans des cellules individuelles afin que les futurs condamnés ne soient pas au contact des futurs "reconnus innocents".

C'est un minimum syndical (du Syndicat National de la Préventive ! )

43. Le lundi 5 février 2007 à 12:52 par Blue

@ DG
Et si l'on évitait tout bonnement de priver de liberté les futurs "reconnus innocents" ?
:-)

44. Le lundi 5 février 2007 à 13:11 par dadouche

@ Marc (31)

Et vous n'avez jamais vu de policiers s'arranger pour déclencher des garde à vue durant la semaine du permanence du juge d'instruction qui leur plaît le plus ? Ou contacter la permanence parquet quand ils sont sûrs de tomber sur le substitut de leur choix ? Ou un avocat d'une petite juridiction choisir, pour un référé JAF "urgentissime" la semaine de vacances d'un JAF qu'il pense peu susceptible de lui donner raison ?
Le problème n'est pas dans l'unité du corps...

@ charles-edouard (39)
Il y a bien plus de différences entre un parquetier et un avocat qu'entre un parquetier et un magistrat du siège.
Le but d'un magistrat du parquet n'est pas d'obtenir une condamnation à tout prix, contrairement à une opinion encore répandue... Il passe une bonne partie de son temps à classer sans suite des procédures, à contrôler (pour autant qu'il en ait les moyens, mais c'est un autre débat) l'activité des officiers de police judiciaire. Il arrive régulièrement d'ordonner la levée d'une garde à vue irrégulière, de classer une procédure entâchée de nullité, de requérir une relaxe etc...
Le travail du parquetier et celui du juge ne sont finalement que les phases successives d'un même processus : la phase de préparation et mise en état et la phase de décision. Si le positionnement institutionnel et le rôle de chacun sont différents, l'essence des fonctions est la même : la sanction des comportements anti-sociaux tels qu'ils sont définis par la loi, dans le respect des libertés individuelles et des droits des prévenus. Le rôle du parquet le porte un peu plus vers la protection de l'ordre public, celui du siège un peu plus vers la protection des libertés individuelles, voilà tout.
Le passage par différentes fonctions, s'il en a le goût, enrichit l'expérience de chaque magistrat et lui permet d'avoir une vision d'ensemble du système et des contraintes de chacun, afin de prendre la décision la plus adaptée. Et je peux vous dire qu'il y a rarement plus exigeant et "râleur" envers le parquet qu'un magistrat du siège qui a été parquetier...
La séparation entre siège et parquet n'a guère plus de sens qu'une séparation entre chaque fonction.

Que l'on restreigne les possibilités de changement au sein d'une même juridiction, voire au sein d'une même cour d'appel, pour assurer l'impartialité objective, c'est un autre débat.

45. Le lundi 5 février 2007 à 14:47 par DG

@ Blue

C'est certain que ce serait préférable mais c'est justement sur ce point que l'affaire Outreau a révélé toute la complexité du problème.

Selon moi, c'est un sacrifice nécessaire, les relaxés ne l'étant qu'à l'issu du procès, dans le lot des personnes placées en détention provisoire certains seront peut-être reconnus coupable (ce qui a été le cas dans l'affaire Outreau) si l'on décidait de laisser tout le monde en liberté, les criminels le seraient aussi et continueraient leurs méfait ou entraveraient le bon déroulement de la justice.

On peut soutenir le contraire et penser qu'il faut laisser tout le monde en liberté pour ne pas porter attteinte à la liberté de ceux qui sont innocent, liberté qui passe avant tout le reste, ce reste étant de taille : sanctionner les auteurs d'infractions.

Mais je soutiens que dans notre système, la moindre des choses serait de ne pas enfermer ensemble des coupables avec des "futurs jugés" que ces derniers soient placés dans des cellules individuelles pour ne pas mélanger "futurs reconnus innocents" et "futurs reconnus coupables" et aussi d'indemniser royalement la détention provisoire des "futurs reconnus innocents"
Pour ces derniers ce ne serait pas la panacée mais déjà un grand pas.

A bon candidat, salut !

Vous savez, il y a beaucoup de criminels et de délinquants qui, laissés en liberté avant d'être jugés, ne s'enfuient pas, ne continuent pas leurs méfaits et ne font pas pression sur les témoins.

Eolas

46. Le lundi 5 février 2007 à 16:22 par DG

C'est quand même un risque et c'est justement la dessus que repose tout le problème de cette détention provisoire.

Il faut mettre dans la balance deux risques :
- le premier est celui de mettre des innocents en prison le temps que la justice fasse son travail
- le second est celui moins probable mais qui existe de voir des auteurs d'infractions réitérer, s'échapper ...

Ces deux risques ont des conséquences qu'il faut comparer, est-il préférable de :
- Causer du tort à des citoyens en les emprisonnant alors qu'ils sont innocents (la privation de liberté est une chose horrible mais il n'y aurait jamais mort d'homme si l'on ne laissait pas ces personnes enfermées avec des reconnus coupables).
ou
- Causer du tort aux citoyens qui seraient les nouvelles victimes d'un mis en examen que l'on aurait laissé en liberté (le risque est plus faible mais les conséquences peuvent être plus graves et irréparableS car dans le pire des cas il peut y avoir mort d'homme !)

En conclusion :
- Détention provisoire d'innocents => risque important => conséquence grave mais pas extrême si des précautions sont prises.
- Récidive, fuite, pression => risque faible => conséquence pouvant être extrême

Donc il faut à tout prix éviter les conséquences extrêmes même si le risque est faible et en rester au risque important de provoquer des conséquences "seulement" graves (mon premier message allant dans le sens de la limitation au maximum de cette gravité).

Cher DG, je pense que le juge des libertés et de la détention, dans l'affaire d'Outreau, ne raisonnait pas autrement.

Eolas

47. Le lundi 5 février 2007 à 17:37 par kombucha

Billet intéressant. Merci.

48. Le lundi 5 février 2007 à 17:43 par Daniel

"Selon moi, c'est un sacrifice nécessaire, les relaxés ne l'étant qu'à l'issu du procès, dans le lot des personnes placées en détention provisoire certains seront peut-être reconnus coupable (ce qui a été le cas dans l'affaire Outreau) si l'on décidait de laisser tout le monde en liberté, les criminels le seraient aussi et continueraient leurs méfait ou entraveraient le bon déroulement de la justice."
Je suis d'accord sur la nécessité du sacrifice. Le mot est bien choisi en plus je trouve.
Enfin, quand je dis que je suis d'accord... tant que je ne fais pas partie des innocents sacrifiés, s'entend.
Parce que sinon, voir ma vie foutue en l'air à cause d'une détention provisoire qui peut durer plusieurs mois, je suis pas très chaud.
D'autant que pour ce qui est conséquences, il y'a déjà eu des innocents mis en détention provisoire qui ne l'ont pas supporté et qui s'en sont sortis par le suicide.

49. Le mardi 6 février 2007 à 00:04 par major tom

Cher Maitre: je vous avais pose une question (commentaire #20). Une chance de reponse? Merci

Aucune. De rien.

Eolas

50. Le mardi 6 février 2007 à 05:58 par Regard d'Asie

Un point particulier a retenu mon attention dans le programme :

" Nous interdirons les poursuites sur dénonciation anonyme ".

Maitre Eolas vous relevez la contradiction avec la loi sur les violence conjugales que SR souhaierait faire voter. Mais qu'elle est votre position sur le fond ?

Personellement je ne trouve pas que la denonciation anonyme soit particulierement choquante : elle a l'avantage de reveler des crimes/delits par des temoins qui ne le feraient pas autrement. Il serait ridicule de s'en priver.
A charge de la police et de la justice d'etablir les preuves et s'il y a lieu de poursuivre, condamner ou relaxer..

SR et le PS appliquerait il ce principe au fisc ??

Notons que ce point figure également dans le programme de Nicolas Sarkozy. Le problème avec la dénonciation anonyme, c'est que par définition on ne peut en vérifier la réalité. Du coup, il y a le risque que cela permette à la police d'agir en flagrance sur ce qu'elle veut. Chaque fois que ce point est soulevé, les tribunaux répondent : mais l'enquête a démontré que les faits dénoncés étaient réels. Si pour une fois le législateur veut se faire plus protecteur des liberttés que les juges, tant mieux.

Eolas

51. Le jeudi 8 février 2007 à 07:37 par speller

cher maitre,

merci pour ce billet

il y a, je pense, une faute d'accord a "tribunal correctionnelle"

c'est tout...

52. Le dimanche 11 février 2007 à 22:51 par marie-ange

quelle est la différence entre un programme concernant la justice émis par ségolène (avocate) et sarkozy (avocat); ce n'était pas la peine de tirer au sort; la justice est un service public (principes égalitaires issus des valeurs républicaines) qui souffre, dans son fonctionnement (au regard de l'intérêt des justiciables)de cotoyer des auxiliaires de justice(avocats,avoués) dont le mode d'organisation professionnel remonte à l'ancien régime, les fameux ordres professionnels réapparus sous vichy!et ce n'est pas gratos! et c'est incompétent 8 fois sur 10, et ça vous graisse la patte des magistrats pour gagner ses procès! et comme ces derniers sont débordés,ils n'ont même pas le temps de vérifier les dossiers; la machine JUSTICE ne risque pas de bien fonctionner! Ce n'est pas par hasard qu'après que la loi le chapelier ait supprimé les corporations, on ait attendu 1901 pour proclamer la liberté d'association (on avait peur que par ce biais réapparaissent les corporations de l'ancien régime, crainte qui s'est avérée totalement fondée car, dès Vichy, periode où la république était en danger,les avocats, médecins, architectes en ont profité pour revenir à ce mode de fonctionnement pervers).
Cher monsieur, si vous êtes avocat, vous saurez parfaitement de quoi je vous parle; j'espère que vous êtes un bon mais je dois constater que votre mode de fonctionnement couvre plus d'un incompétent!
Alors un gouvernement des avocats me fait plutôt peur et honte pour la France, patrie des droits de l'homme qui n'auraient jamais vu le jour si la révolution ,en plus des corporations, n'avait pas aussi chassé les avocats...

53. Le lundi 12 février 2007 à 17:58 par Trop humble

Cher Monsieur, ne croyez vous que le corporatisme dont vous faites preuve est en train de faire beaucoup de mal a cette belle France? Tout ne peux pas être parfait, un peu d'indulgence, les avocats ne sont certainement pas ce qui souffre le plus de la carence de la justice.

C'est précisément parce que je ne suis pas de ceux qui souffrent le plus des carences de la justice que je peux m'en indigner sans être taxé de corporatisme.
Parfois, le pire ennemi des candidats, c'est leurs supporters...

Eolas

54. Le dimanche 25 février 2007 à 01:58 par kaisso

que repondé vous a ce qui dise que vous n'etes pa prete pour ce poste que vous n'etes pa compétente. moi personnellement je pense que votre programme va considérablement agraver la dette de l'état



merci de mavoir ecouter

55. Le dimanche 25 février 2007 à 12:58 par Danielle

Merci pour vos commentaires . Je n'ai pas de formation de juriste mais votre contribution,engagée sans être partisane, m'a permis à la fois d'apprendre et de comprendre un peu mieux le sous-texte des programmes des candidats quant au domaine concerné .

56. Le vendredi 2 mars 2007 à 13:16 par DanRi76

Bonjour,
Merci pour cette analyse et pour le travail que cela a représenté; je trouve également bonne l'idée de faire décortiquer un programme par les personnes compétentes dans chaque domaine.
Salutations.
RN

57. Le vendredi 2 mars 2007 à 13:24 par le chat

greffier, fonctionnaire dans les juridictions depuis 25 ans, je vois, que, une fois de plus, le personnel qui authentifie les actes des magistrats, qui répond aux demandes de plus en plus nombreuses des justiciables et des auxiliaires de justice (dont vous êtes) est oublié : pas de poste de créé, pas d'augmentation de salaire, aucune reconnaissance ; nous n'apparaissons même pas dans le texte... pourtant chaque jour les greffes ouvrent leurs portes pour vous, les audiences sont tenues jusque tard dans la nuit, le week-end nous assurons les permanences. Alors, que vous soyez avocat, huissier ou politicien, ne nous oubliez pas. Merci. Le chat

Que le ciel me foudroie si un jour je cesse de porter les greffiers (et surtout les greffières) dans mon coeur. Fouillez ce blog, vous ne verrez que louanges sur votre profession. Je sais ce que je vous dois, et combien de mes dossiers ont trouvé une issue heureuse grâce à l'intervention avisée d'un greffier.

Eolas

58. Le mercredi 7 mars 2007 à 14:03 par Lezig

Je tombe par hasard sur votre billet à l'occasion de recherches sur le sort qui pourrait être réservé à ma profession : celle d'huissier de justice.

Mon Cher Maître, j'ai véritablement le sentiment qu'il vous faudra apprendre à composer avec les aléas des postes et, à l'horizon 2009, avec les sociétés privées... Les idées lumineuses de monsieur Montebourde, exprimées il y a plusieurs mois à La Rochelle semblent faire leur chemin.

Comme vous le soulignez vous même, supprimer les "coûts financiers inutiles", peut s'analyser en une vision sommaire des inconcevables "honoraires" d'huissiers (13€ HT une assignation au passage...). Comment ? En substituant la notification postale à la signification obligatoire des actes introductifs d'instance (plus tellement désormais puisqu'elle n'est devenu devant certaines juridiction qu'un mode de saisine parmi d'autres...) et des décisions rendues.

La voie est toute tracée et pour s'en convaincre il suffit d'observer dans les dernières lois la prolifération des notifcations postales. La dernière en date prevoit même que les mises en demeures adressées par les syndics en matière de copropriété puissent se faire par fax (regardez également la réforme sur les procédures collectives)

Qu'il est de bon de parler de sécurisation...

Au delà de la signification, l'exécution des décisions de justice, autre composante de notre métier, semble être mis à mal. La procédure d'expulsion des gens du voyages est désormais une simple procédure administrative (mise en demeure adressée par la préfecture et affichage sur le campement puis expulsion... au passage je voudrais connaitre le sentiment du facteur, savoir qu'elle adresse sera indiquée sur la mise en demeure, et quel agent administratif assurera l'affichage au milieu de 80 caravanes...).

Prenons encore la réforme de la carte judiciaire qui dans l'hypothèse de la suppression de tribunaux d'instance entrainera certainement une redistributions des compétences territoriales des offices à l'échelon du TGI (ce qui est loin d'être actuellement le cas en province) ou du département. Il va y avoir de l'officier ministériel au tapis...

Les mots me manquent... Mais après quelques 5 ans de bons et loyaux services, je me demande si je ne me suis pas trompé de métier.

La france pose des principes comme le respect du contradictoire. L'europe intègre l'exéuction d'une décision de justice au droit à un procès équitable. Et pourtant... nos dirigeants ne souhaitent plus se donner les moyens d'une application effective de ces grandes idées et préfèrent envoyer des faxs... Le conseil constitutionnel vient de retoquer un article qui prévoyait que nous puissions avoir accès aux parties communes des immeubles (et oui... une société de portage de presse le peut mais pas nous...). Pour avoir connaissance des comptes bancaires d'un indélicat ils nous faut attendre plus de 6 mois. Les parquets ne répondent même plus à nos demandes d'enquêtes tendant à connaitre l'employeur ou l'adresse d'un débiteur. J'en passe et des meilleures...

Ont ils pensé que les greffiers qui ont une formation juridique poussée en sont réduits dans certaines juridictions à occuper 50 % de leur temps à envoyer des lettres ? Savent ils que dans certaines matières la LRAR est inefficace dans des proportions de près de 25 % ? Ont ils une fois réfléchit au budget postal des juridictions ?

Faire appliquer une décision de justice relève de plus en plus du parcourt du combattant. Savent-ils que certains propriétaires dépités, vendent leurs immeubles, ne les louent plus, ou engagent des gros bras pour mettre tout le monde dehors ?

Au delà du sort de ma pauvre petite personne, et en essayant de ne pas faire de corporatisme, je me demande si notre pays pourra continuer longtemps à faire croire qu'elle est un pays respectueux des Droits quelqu'ils soient.

Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour ces propos déplacés mais mes doigts me démengeaient...

Un huissier en sursis

59. Le jeudi 8 mars 2007 à 11:11 par A.B.

Mon Cher Maître,
Mon Confrère huissier de justice est inquiet comme beaucoup d'entre nous et à juste raison. Peu de responsables politiques ou hauts fonctionnaires juges, avocats... ont pris conscience du profond malaise qui traverse notre profession. Nous en sommes réduits à naviguer sur la toile pour savoir ce que l'avenir réserve à notre justice en général et la profession d'huissier de justice en particuler tant les programmes sont peu lisibles. Votre site et les remarques de mon confrère me donnent l'occasion de vous exposer ce qui suit et je vous remercie par avance de votre attention :

Qui est l’Huissier de Justice ? A quoi sert-il ? Quel est son rôle ? Quelle est son utilité ? mais aussi comment améliorer le service que le justiciable, le juge et la société attendent de lui.


L’huissier de justice est :


un professionnel du droit,

un juriste proche du justiciable,

un spécialiste de la procédure civile.


Auxiliaire du juge :


il convoque les parties au procès,

les informe de la décision prise par le magistrat,

fait respecter cette dernière en la rendant effective.


De cette manière l’huissier de justice participe à l’œuvre de justice, justice si essentielle à la vie démocratique de notre société.


*L’huissier de justice donne sa crédibilité à l’institution judiciaire et permet d’éviter que l’on s’interroge sur ce que vaut la décision du juge si celle-ci, une fois rendue, n’est pas appliquée.


A la fois officier public et ministériel l’huissier de justice exerce une profession libérale réglementée qui à l’occasion de ses interventions inspire confiance, apporte garantie et sécurité aux parties.

Bien que séculaire, nous sommes en présence d’une profession moderne à la pointe de la technologie qui délivre des actes frappés du sceau de la qualité.

L’huissier de justice a su envisager la mise en commun de moyens et de structures pour être toujours plus proche du justiciable et lui apporter le service de qualité attendu dans de brefs délais.

Enfin, mais est-il besoin encore de le souligner, l’huissier de justice s’est hissé au niveau de formation des autres professionnels du droit et n’a pas ménagé, dans plusieurs domaines, ses efforts d’adaptation aux contraintes de son temps.

Il a initié et développé par des moyens qui lui sont propres le modèle du droit judiciaire français non seulement dans l’espace européen mais aussi planétaire.

Le paradoxe est que ce modèle, qui prospère parfois bien mieux dans d’autres pays qui l’ont adopté pourtant plus récemment, est aujourd’hui sans doute mieux compris et accepté que là où il a vu le jour, c’est-à-dire dans l’hexagone.



*Par l’acte qu’il est amené à dresser et signifier l’huissier de justice façonne l’outil grâce auquel les échanges entre les justiciables sont parfaitement sécurisés.

Et parce que l’acte d’huissier de justice sauvegarde les intérêts du demandeur dans le respect de ceux du requis, il est le moyen par lequel les droits respectifs des parties sont intégralement conservés.


Outre le contenu de l’acte lui même, qui assure une information sécurisée, devenue aujourd’hui mieux comprise par le justiciable, sa méthode de transmission unique en fait un vecteur d’une très grande fiabilité.

L’huissier de justice poursuit ses efforts pour que l’acte devienne plus accessible au plus grand nombre.


Cependant l’avenir de l’acte d’huissier de justice est incertain.


Il est menacé dans le pays par la baisse de l’activité judiciaire française, qui est la conséquence d’une réelle déjudiciarisation.

La signification est menacée dans l’espace européen qui semble lui préférer la notification alors que les garanties apportées au justiciable par les deux méthodes ne sont pas comparables.



Mais si l’acte est menacé l’huissier de justice l’est également.


Si l’on reconnaît ses mérites, il exerce néanmoins plus dans l’inconscient collectif que dans la réalité une profession au rôle ingrat qui finalement guette et menace chacune et chacun d’entre nous qui pouvons un jour ou l’autre connaître un accident de la vie. Ainsi qu’on le veuille ou non, l’huissier de justice souffre d’un vrai déficit d’image jusque et y compris auprès de ses interlocuteurs privilégiés.

Trop peu associé aux réformes qui touchent pourtant de très près son activité, peu considéré comme un interlocuteur utile à la réflexion en amont, son existence, au fil du temps, a été réellement mise en danger.


En effet son activité est freinée par un accès aux informations trop restreint et trop contraignant. Ce fait est un handicap majeur qui relativise son efficacité et celle du système judiciaire tout entier parce que l’huissier de justice ne bénéficie pas des moyens pourtant confiés à de simples agents du Trésor ou à des chefs de service d’organismes comme les caisses de retraites.

Parallèlement cet accès à l’information à la fois lent et confiné fait les beaux jours des officines non réglementées qui n’hésitent pas à employer des moyens qui favorisent un retour particulièrement inquiétant de la justice privée.

Le marché européen et l’ouverture à la concurrence menacent des pans entiers de l’activité de l’huissier de justice.

L’exclusion de la profession du champ d’application de la directive service n’offre dans ce contexte qu’un bref répit

On doit déplorer que l’huissier de justice ne soit pas mis, dés aujourd’hui, en capacité de se préparer à l’éventualité d’une ouverture à la concurrence en ce qui concerne ses activités accessoires (recouvrement notamment) du fait des contraintes statutaires et tarifaires qui ne lui permettent pas de négocier librement ses prestations.

Ces handicaps risquent de remettre en cause l’accomplissement de ses missions de service public :

Signification en matière d’aide juridictionnelle
Signification en matière pénale
Service des audiences

Ces différentes missions qui étaient jadis la contrepartie du monopole conféré et dont l’Etat dit aujourd’hui ne pouvoir rémunérer dignement sont devenues à juste titre des contraintes parfois insupportables. Ceci parce que ledit monopole s’est progressivement vidé de sa substance et que parallèlement, la diversification d’activités a été muselée.

Pourtant ces contraintes pourraient redevenir la simple contrepartie d’avancées significatives pour un meilleur exercice général de la profession et par conséquent un service de plus grande qualité rendu au justiciable et à l’administration judiciaire.

On pourrait redonner une vraie place à l’huissier de justice dans le procès en faisant de lui un véritable auxiliaire du juge dont il peut redevenir un partenaire et non pas un serviteur.



L’huissier de justice est, au profit de l’expertise, trop peu utilisé dans l’administration de la preuve et en particulier à l’occasion des mesures d’instructions envisagées par le juge. Or avec le constat d’audience, prévu par la loi, rapide, sûr et peu onéreux, le juge pourrait être rapidement et parfaitement éclairé et éviter un recours systématique et souvent excessif à l’expertise qui demeure beaucoup plus chère, surtout plus exigeante en temps ce qui pénalise le procès et grève les budgets.

En matière de signification pénale, comme en matière de recouvrement des créances publiques l’huissier de justice est en concurrence avec des fonctionnaires (officiers de police judiciaires qui ont mieux à faire qu’à délivrer des citations) et huissiers du Trésor qui n’ont pas le même statut, ni les mêmes contraintes. Ce dernier point pose également la question de la légalité des pratiques de recouvrement par l’Etat de ses propres créances.

Est il légitime que l’Etat dont l’huissier de justice est délégataire impose à celui-ci de travailler à un tarif qui ne rémunère qu’insuffisamment les prestations de qualité qu’il fournit.

Il est parfois reproché à l’huissier de justice d’être un partenaire onéreux alors même que le coût de ses prestations est alourdi par des taxes fiscales diverses dont la suppression ou la minoration en certaines matières permettrait au citoyen un accès plus facile à la justice.

Car enfin, la vraie question qui se pose est de savoir si l’on reconnaît une utilité de la mission de l’huissier de justice dans le système judiciaire et plus généralement dans notre société.

Doit-on assurer la survivance de cette profession en donnant une réelle consistance à son activité en lui permettant si elle le désire de s’ouvrir au marché avec des moyens adéquats en ce qui concerne ses activités accessoires ?

Doit-on dans son domaine de prédilection revaloriser ses interventions et notamment ses actes et ses significations ?

Doit-on lui donner tous les moyens adaptés à notre époque pour les accomplir efficacement et dignement ?

Doit-on en faire un vrai partenaire du juge en lui donnant enfin la place à laquelle il aspire dans le Tribunal ?

Doit-on lui conserver sa proximité avec le justiciable ?


Autant d’interrogations qui appellent de la part de toutes les personnes concernées politiques, magistrats, avocats, hauts fonctionnaires des réponses urgentes pour une fois sans langue de bois.

Un responsable de la profession.


60. Le lundi 26 mars 2007 à 16:58 par FX

Le Monde, dans un "Article interactif" du 26.03.07 appelé "Institutions : les propositions des candidats", fait figurer la transformation suivante au programme de S. Royal: "Le Conseil constitutionnel est transformé en Cour constitutionnelle." Je n'ai pas vu mention dans votre billet (ni dans sa "Mise à jour") de cette mesure, et je vous avoue que j'aurais pourtant lu avec grand intérêt un paragraphe de votre main détaillant les implications de cette courte phrase.

PS: lien vers l'article : www.lemonde.fr/web/articl...

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