Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Ouch

Lors des audiences d'assises, où la procédure est orale, c'est à dire où toutes les preuves doivent être présentées au cours de l'audience pour y être débattues oralement, la vérité jaillit parfois de manière brutale. Ca peut être un témoin à la barre qui craque. Ca peut être la propre voix de l'accusé, tirée d'une écoute. Et des fois, ça fait très mal.

Naïma: “je t’ai apporté des vêtements pour que tu fasses semblant devant madame la juge d’être en deuil. Tu as compris. Tu dis: “je l’aimais”. Tu vas sortir [de prison] à l’aise. Mais il faut que tu dises où il est, le corps. Il faut que tu dises, il faut que tu dises.

Jamila: Mais ils vont me dire, comment je sais?

Naïma: tu dis, c’est lui [Mohammed, le frère], qui m’a dit. Ne va pas faire du détail, tu leur fais un film. Il faut qu’ils trouvent le corps, qu’ils l’enterrent. Tu dois dire où il est.

Jamila: ils vont dire, je suis complice. On sait jamais. Il paraît que si Mohammed, il dit que c’est une bagarre d’ivrognes, il n’aura pas beaucoup. Qu’il aura moins.

Voyez aussi les dernières répliques.

Je précise que l'effet de surprise ne joue qu'à l'égard des jurés et des journalistes : les avocats ont accès à l'intégralité du dossier, notamment aux écoutes qui font toutes l'objet d'une transcription mot à mot. Mais on n'entend l'enregistrement qu'à l'audience, et parfois, ça prend une toute autre dimension.

J'en profite pour saluer le blog de Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde, de très bonne facture. Elle y adopte un ton vraiment différent de ses chroniques judiciaires, sans doute du fait qu'elle y est sa propre rédactrice en chef et n'a pas de limite d'espace. C'est un blog intermittent, qui est en activité quand elle suit un procès, mais qui mérite bien de figurer dans votre agrégateur si vous vous intéressez à la chose judiciaire.

Commentaires

1. Le vendredi 25 mai 2007 à 10:08 par Gastiflex

On a du entendre une mouche péter dans la salle.

Cette affaire, c'est bien l'anglais qui a été assassiné à Cannes ?

2. Le vendredi 25 mai 2007 à 10:11 par v_atekor

Ca fait mal.

3. Le vendredi 25 mai 2007 à 10:20 par Grom

Vos collègues, très cher maître, ont dû avoir un instant pénible en découvrant la transcription. D'un autre côté, ça leur enlève de la pression: que leur plaidoirie soit excellente, passable, ou nulle, ça va se terminer en perpet avec une bonne grosse période de sûreté ...

4. Le vendredi 25 mai 2007 à 10:43 par Gilbert Sorbier

Impressionnant,
Mais, en France, l'essentiel n'est-il pas dans le non-dit ?
Je parle de tous ces sujets Tabous dès lors qu'il abordent les problèmes sensibles, la pédophilie, la religion, les zones de non droit ou les réseaux de drogues au vu et au su de tout le monde et y compris parfois en plein centre ville et que la police à renoncé a contrôler comme la presse a renoncé à commenter ?

5. Le vendredi 25 mai 2007 à 10:45 par Marguerite

@Gastiflex,
Oui il s'agit bien de cette affaire.

6. Le vendredi 25 mai 2007 à 11:50 par jop

je ne sais jamais comment réagir:
rester bouche bée devant la facilité avec laquelle on peut faire du déni une stratégie de défense (?) face à la preuve,
ou me dire qu'on a pu condamner des personnes "évidemment" coupables et pourtant innocentes.. remarquez pour ce dernier cas il est possible que je sois un peu trop influencé par les complots des séries/films américains...

Bon, dans ce cas précis, je suis plutôt bouche bée, en attendant le verdict.

petite question: qu'en est-il de l'héritage? L'assassinat d'un époux change-t-il les règles de succession ou le crime paie-t-il?

Le réponse se trouve à l'article 726 du Code civil.

Eolas

7. Le vendredi 25 mai 2007 à 12:06 par Gilbert Sorbier

Jop,
Oui je suis d'accord avec vous, je suis (depuis quelques années) sidéré que les juges puissent se laisser manipuler sur simple négation d'une évidence.
J'ai "l'impression" que c'est une nouvelle donne ?

Puis-je vous demander d'où vous sortez qu'un juge se laisse manipuler sur une simple négation d'une évidence ? Parce que mon expérience contredit légèrement cette assertion.

Eolas

8. Le vendredi 25 mai 2007 à 13:07 par adrastee

@ jop
non le crime ne paie pas. L'indignité de l'héritier fait obstacle à ce qu'il vienne à la succession.

9. Le vendredi 25 mai 2007 à 13:10 par Olivier

Et hop ! Ajoutée dans mon Google Reader, Pascale Robert-Diard.

Merci, maître.

10. Le vendredi 25 mai 2007 à 13:19 par Grand Bry

Evidemment, un tel enregistrement est ravageur pour la défense.
Mais ce qui suscite le malaise, quant au procédé utilisé c'est qu'on ne sait jamais ce qui se passe avant et après la séquence enregistrée telle qu'elle est diffusée.

N'imaginons même pas l'éventualité d'un montage de la bande.
Mais qui peut garantir qu'après l'enregistrement versé au dossier les personnes qu'on y entend n'ont pas échangé d'autres propos qui - sait-on jamais ? - donneraient une autre impression, une autre image d'elles-mêmes ? Ou du moins qui leur seraient moins défavorables ?
Qui choisit ce qui est conservé dans l'enregistrement diffusé aux jurés ? Qui décide à quel moment on coupe le micro ?
Si on prétend donner aux jurés une représentation de la vérité - et une représentation est toujours par nature différente de l'objet représenté - au moins faudrait-il s'assurer que cette représentation n'est pas trop orientée. Est-ce possible ?

11. Le vendredi 25 mai 2007 à 13:19 par Delio

Petite précision concernant le droit britannique. Si la victime avait divorcé, du fait de la législation de son pays son "ex-femme" (Jamila) aurait été déboutée de plein droit de toute légitimité à prétendre à la succession. (En France, c'est différent).

12. Le vendredi 25 mai 2007 à 13:29 par Adèle

à grand Bry:

L'extrait donné sur le site de Pascale Robert-Diard est plus long.

En ayant entendu toute la séquence, je vois mal comment des propos tenus par la suite auraient pu changer quoi que ce soit à l'interprétation que l'on peut faire de cet échange.

13. Le vendredi 25 mai 2007 à 13:38 par A.N.

Question peut être naïve, maître : savez vous pourquoi votre confrère, connaissant l'existence de cette enregistrement, n'a pas déconseillé à ses clients une stratégie de défense de déni total ? Ou peut être l'a t il fait sans succès ?

Je n'ai aucune information sur la stratégie de la défense, qui est rigoureusement confidentielle entre l'avocat et son client. Mais oui, parfois, on a beau dire à un client que ça va lui péter à la figure, il faut que ça arrive pour qu'il nous croie.

Eolas

14. Le vendredi 25 mai 2007 à 13:51 par omadhawn

Me posais la même question que A.N.@13.

15. Le vendredi 25 mai 2007 à 14:37 par jop

je pencherais pour le manque de succès...

Merci pour les réponses quant à la succession. Par contre je n'ai pas réussi à trouver comment on pouvait être condamné à une peine correctionnelle en cas de meurtre, afin de comprendre les 1°et 2° de l'article 727 du code civil.

(" Peuvent être déclarés indignes de succéder :
1º Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ;
2º Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner )

16. Le vendredi 25 mai 2007 à 14:43 par glop

Petite question : Est-ce que la soeur de l'accusée risque quelque chose pour avoir donné ces "bons conseils" à sa soeur (incitation à mentir devant la cour et autre) ?

17. Le vendredi 25 mai 2007 à 15:38 par Lucas Clermont

Si l'attitude du prévenu est absurde, obéissant à une logique irrationnelle, on peut imaginer qu'ensuite il sera tenté de trouver un responsable des conséquences induites par sa propre attitude. Comment l'avocat se protège-t-il ? La stratégie qu'il conseille est-elle écrite ?

Grand Dieu non ! Tout n'est que verbal. C'est à l'accusé ayant adopté un tel style de défense de prouver que c'est bien son avocat qui le lui a conseillé, et que s'il avait fait autrement, il eût été condamné à moins. Je lui souhaite bonne chance pour prouver cela.

Eolas

18. Le vendredi 25 mai 2007 à 15:51 par bigot de prea... etc

la probité dû par l'avocat ne commande-t-elle pas ceci dit que ce dernier se dessaisisse du dossier si son client persiste dans une stratégie vouée a l'echec et ne reposant que sur le mensanonge?

L'avocat peut-il serieusement menée sa noble mission s'il est lui-même convaincu de la vilainie de son client?

19. Le vendredi 25 mai 2007 à 15:55 par capélo

vraiment faire tant de faute en si peu de mots c'est horrible

Vous dites cela à cause de l'absence de majuscule en début de votre phrase, de point en fin de phrase, ou de l'oubli du S final à "faute", qui est au pluriel ?

Eolas

20. Le vendredi 25 mai 2007 à 16:25 par Esurnir

@18: La derniere fois que j'ai vu Eolas parler de ce genre de cas, il parlait de se dessaisir comme une trahison, c'est signer les aveux du client quand on dit "Madame le juge je me dessaisis car je pense que le client ment a la cours, tchao bye bye".

Sinon, un avocat defend -rarement- des innocent, si la personne passe au tribunal correctionnel ou a la cours d'assise, c'est qu'un juge d'instruction est convaincu de la possibiliter que la personne soit coupable des faits qu'on lui reproche (ou alors un procureur suite a l'enquette preliminaire).

Comment un avocat defend-il un coupable ?

Le lien en haut a gauche :) maitre.eolas.free.fr/jour...

21. Le vendredi 25 mai 2007 à 16:43 par nap1128

Bonjour,

"Mais on n'entend l'enregistrement qu'à l'audience, et parfois, ça prend une toute autre dimension."
N'est ce pas une atteinte au principe du contradictoire ? (le parquet a lui, je suppose, tout le loisir d'écouter l'enregistrement ?)
En effet, l'intonation, les hésitations etc. peuvent avoir une grande importance et une même phrase pourrait avoir des sens opposés suivant la façon de le dire.
L'avocat n'a-t-il pas le moyen de demander à écouter l'enregistrement avant l'audience ?
@+

22. Le vendredi 25 mai 2007 à 17:29 par Grand Bry

@ Delio :
C'est entendu, mais je ne visais pas que ce cas particulier.
Je pensais, de manière plus générale, à l'utilisation de moyens de preuve comme ceux-là : les écoutes, les interceptions de communications, etc...
D'ailleurs, comment peut-on avoir la garantie que les entretiens entre l'avocat et son client ne sont pas pareillement enregistrés et exploités par l'accusation (même si elle ne peut en faire état ouvertement).

23. Le vendredi 25 mai 2007 à 17:36 par Gilbert Sorbier

Cher Maître,
Ce n'est pas une "assertion" de ma part, mais une simple impression.
Lors des "manifs" qui ont suivi l'élection de Sarkozy, un jeune homme qui avait été pris entrain de commettre un délit (j'ai oublié lequel), c'est contenté de nier les faits, c'est du moins ce que racontait I>télé, et le juge a dû s'incliner.
Mais je ne prétend pas que j'ai raison, mais juste une forte "impression".
Je me demandais si ce n'était pas dû au fait que n'ayant de toutes façons pas de place pour mettre les délinquants.... autant ne pas les condamner. Il est quand même pas très sérieux de les condamner, pour qu'ensuite le juge d'application des peines se donne tout le mal du monde pour leur demander "une bonne raison" de ne pas les envoyer en cabane ?

24. Le vendredi 25 mai 2007 à 17:41 par henriparisien

Est-ce que cela fait vraiment très mal ?

Dans la conversation il y a cette phrase :

"Naïma: C’est tombé à pic. Parce que toi, un jour ou l’autre, il te tue. parce que toi, tu sais toute la vérité. T’as compris? Tôt ou tard, il t’égorge."

Le il, c'est le frère. Qui visiblement est violent et qui a porté les coups.

On peut voir cette conversation comme celle de deux soeurs, placés dans une très mauvaise situation et qui essayent de se dépatouiller d'un frêre violent.

Je ne connais pas le procès en détail. Mais il me semble que la défense de l'accusée est de dire : Ce n'est pas moi qui l'ait tué, c'est mon frère. Ce n'était pas prémédité.

Et rien dans cette conversation ne le dément.

Quand suite, elle lui ait donnée de l'argent, qu'elle l'ait accompagné pour cacher le corps, cela la rend complice de non dénonciation de crime. Pas du crime lui-même.

Mais je me trompe surement.

25. Le vendredi 25 mai 2007 à 17:50 par Ed

@ 15 (Jop)
Une peine correctionnelle peut aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement (articles 131-3 et suivants du code pénal). On peut très bien imaginer qu'un accusé renvoyé devant les assises pour meurtre soit condamné à une peine inférieure à 10 ans. Dans ce cas l'automaticité de l'indignité de l'article 726 du code civil devient une simple faculté (article 727).

26. Le vendredi 25 mai 2007 à 18:17 par jop

merci
donc si je comprends bien, à partir du moment où la personne est condamnée à moins de 10 ans, la peine est qualifiée de correctionnelle, même s'il s'agit d'un crime?

27. Le vendredi 25 mai 2007 à 18:17 par Raph

Et toujours pas de récit d'audien ce devant un tribunal adminstratif (récent). Pourtant, il peut aussi y avoir de l'émotion : raphaels.blog.lemonde.fr/...

28. Le vendredi 25 mai 2007 à 19:03 par Ed

@ Jop : Vous avez tout compris, c'est la différence entre la qualification pénale et la peine. Et pour la petite histoire, avant 2001 l'article 727 du code civil était ainsi rédigé que la distinction n'existait pas, de sorte que vous ne pouviez pas hériter quelle que soit la peine qui avait été prononcée. Le crime ne payait jamais...

29. Le vendredi 25 mai 2007 à 19:38 par Triskael

@13 : "savez vous pourquoi votre confrère, connaissant l'existence de cette enregistrement, n'a pas déconseillé à ses clients une stratégie de défense de déni total ? Ou peut être l'a t il fait sans succès ?"

Je pencherais pour la seconde hypothèse :

1°) la lecture de ce blog m'a appris que s'il existait des avocat peu compétents (extrêmement rares c'est logique, et heureusement), les clients d'avocat stupides, il y en a plein. Je ne donnerais pas d'exemple, il suffit de consulter les archives de ce blog pour en avoir quelques uns.

2°) news.fr.msn.com/Article.a... (dépèche Reuteurs) : "Dans son réquisitoire, Jean-Louis Moreau [, l'avocat général,] a fustigé l'attitude "inadmissible et indécente" des accusés tout au long du procès.
"Ils se sont permis d'invectiver la famille de Lord Shaftesbury", a-t-il dit."
A moins que leurs avocats soient vraiment stupide (voir mon 1°) pour savoir ce que j'en pense) les deux prévenus ne les ont pas écoutés.

Malheureusement, lorsqu'on risque plus de 20 ans de prisons, ce genre de comportement, c'est plus que de la stupidité, c'est de l'inconscience.

Bonne soirée,
Triskael.

30. Le vendredi 25 mai 2007 à 21:34 par marseillai

Maître. Un lecteur silencieux mais toujours assidu s'interroge.
Les avocats de ces personnes ont donc eu accès a cette pièce, au moins une retranscription écrite, et savait donc pertinemment qui nier était inutile, et leur conscience professionnel les a obligé a tenir informé leurs clients.
Néanmoins ces clients ont souhaité conserver cette ligne de défense.

Et c'est la que je m'interroge même une personne fort peu sensé aurait changé de ligne de défense en apprenant l'existence de cet enregistrement. Mais leurs avocats ont ils le droit d'informer leurs clients des preuves les accablant?

Enfin je ne comprends pas que l'on puisse conserver un avocat si visiblement on a pas confiance en lui.

Pour finir je souhaite signifier mon opinion sur ce genre d'enregistrement. Ce genre d'enregistrement me fait penser que nous risquons de dériver vers une surveillance permanente. En effet comment face a ce que nous lisons pourrions nous être contre le fait d'enregistrer tout le monde, tout le temps partout, ceci permettrait de connaître tout les coupables. Bref même si dans ce cas présent je rend grâce a l'existence de cette preuve je regrette qu'elle puisse être jugée comme valable devant un tribunal tant que les personnes ne savent pas qu'elles sont enregistrés (avec autre chose qu'une petite ligne en police 2 en bas d'un papier de 50 pages signé sur un coin de table).

En espérant que vous puissiez trouver le temps de m'éclairer succinctement sur ces quelques questions et vous remerciant pour vos éclairement toujours aussi instructif et agréable a lire.

Bien sur que nous pouvons informer nos clients des preuves les accablant ! C'est l'essence de notre rôle. Quand un client n'a pas ou plus confiance en son avocat, il en change. Mais il faut tenir en compte la puissance d'inertie d'un client enfermé dans ses mensonges depuis tellement longtemps qu'il s'en est à moitié convaincu, ou pense depuis le début que dévier de sa version empirera sa situation. Vous êtes face à un roc inébranlable.

Eolas

31. Le vendredi 25 mai 2007 à 22:19 par jop

@Ed
Merci.
Cette évolution pourrait-elle avoir un rapport avec l'euthanasie? (je n'ai pas trouvé d'exposé des motifs)
C'est la seule situation avec une portée générale où la justice pourrait se poser la question de la succession concernant l'auteur d'un homicide volontaire qui me soit venue à l'esprit .

32. Le vendredi 25 mai 2007 à 22:55 par Stéphane Boudin

@ Triskael en 29 :

Les avocats peu compétents, il y en a. Peu mais cela existe comme dans toutes les professions. Mais, même peu versé en droit, un avocat reste quand même un individu un peu sensé, contrairement à une grande majorité de nos clients, qui nient souvent l'évidence et adoptent un comportement qui les dessert fortement.

Eolas l'a rappelé à de nombreuses reprises dans ses premiers billets. Alors même que nous intervenons pour leur défense et leur expliquons qu'il vaut mieux jouer franc jeu avec nous, la plupart du temps, les prévenus et accusés essayent leur baratin sur nous afin de tester leur histoire. Nous avons beau tenter alors de leur raisonner en leur présenter les conséquences des deux alternatives (nier l'évidence et en prendre plein la tête ou reconnaître les faits et assumer et s'en tirer un peu mieux), certains s'entêtent sur la mauvaise pente. Dans ce cas, l'avocat n'a que deux solutions : soit il se décharge du dossier (ce qui arrive assez peu souvent), soit il est contraint de suivre la version du client (même s'il n'en pense pas moins).

A noter que malheureusement, ce genre d'attitude arrive aussi dans les procédures civiles. Ce n'est pas que l'apanage du pénal.
Il faut savoir aussi gérer les clients qui partent en vrille dans les procédures de divorce ou les procédures prud'homales, en passant outre nos recommandations et en faisant n'importe quoi.

Il est important de se rappeler que notre intervention vise avant tout à atteindre un objectif voulu par le client mais qu'il perd souvent de vue en cours de route par manque de distentiation sur son dossier.

33. Le samedi 26 mai 2007 à 00:01 par Grand Bry

25 ans de réclusion criminelle.
Chacun.


34. Le samedi 26 mai 2007 à 11:10 par Adèle

"Ce genre d'enregistrement me fait penser que nous risquons de dériver vers une surveillance permanente."

Entre enregistrer quelqu'un soupçonné d'avoir commis un meurtre (alors que le procès est déjà en cours, si j'ai bien compris) et une "surveillance permanante", il me semble qu'il y a encore un long chemin à parcourir.

J'ajoute que ces enregistrements doivent être ordonnés par un juge. C'est une sacrée garantie;

Eolas

35. Le samedi 26 mai 2007 à 13:34 par longlongjohn

Adèle 34, je rejoins votre analyse, certes, et malgré tout je ressens un malaise en vérifiant une fois de plus que les moyens d'écoute et d'espionnage de la vie privée sont devenus les outils de base de l'instruction et de la police.
Maître Eolas me corrigera peut être si je dis une bêtise,mais ilme semble bien que la loi Perben II légitime et légalise l'installation de micros ou de caméras dans le domicile même des gens soupçonnés.
Il faut bien être conscient que depuis quelques années un déséquilibre inquiétant s'est instauré entre les droits d'inquisition de l'état et les droits du citoyen, en matière de respect de la liberté, de la vie privée et du droit à l'anonymat.
Un état qui systématise ces pratiques est un état totalitaire. Ni plus ni moins.
Dans le cas présent, on peut arguer que c'est pour une bonne cause. Mais quelle garantie avons nous que ces méthodes ne seront pas progressivement systématisées, y compris et surtout dans une quête "préventive" de la sécurité.
Vous comprenez bien que la position "Si on n'a rien à se reprocher, on n'a rien à cacher" atteint vite ses limites.
Si un état devient scélérat et porte atteinte aux principes des droits de l'homme et du citoyen, le devoir moral de résistance et de révolte s'impose. Alors, on n'a toujours rien à se reprocher vis à vis de ses valeurs propres, de sa conscience propre, mais on devient un délinquant aux yeux du pouvoir, de cet état totalitaire contre lequel on se dresse. Et alors on réalise, mais trop tard, que la confusion entre droit moral et droit légal coûte très très cher (la liberté ou la vie...)....

36. Le samedi 26 mai 2007 à 15:36 par Triskael

@32, Stéphane Boudin : C'est très exactement ce que je voulais dire, et ce à quoi je faisais allusion lorsque je disais de fouiller dans les archives de ce blog pour en avoir des exemples.

37. Le samedi 26 mai 2007 à 23:36 par Adèle

à longlongjohn:

Je ne voulais pas minimiser les problèmes que peuvent soulever ce genre d'enregistrement, qui sont bels et biens réels. Mon intention était de relever le fait que dans cette affaire, cela ne me parait pas si abusif, et je trouve compréhensible que l'on puisse les utiliser comme preuve. Je ne soutiens absolument pas une utilisation préventive de ce genre de méthodes, et je partage votre opinion quant aux gouvernements qui les utilisent.

38. Le dimanche 27 mai 2007 à 04:40 par Esurnir

@longjohn : Certe la loi perben II a elargis les conditions pour lesquels on peut avoir recours aux "interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications". Mais il y a quand meme plus de garde fous concernant ces interception dans la loi Perben II que les dispositions prevu par l'article 100 du cpp (disposition voter sous Mitterand). Les ecoutes sont demander par le procureur et autoriser par le juge des libertes et de la detention tout comme une detention provisoire, et seulement dans le cas des crimes et delits vise par la loi Perben II. Alors que la decision du juge d'instruction peut etre pris par simple demande ecrite pour tout delit encourant plus de deux ans d'emprisonnement sans recours possible.

39. Le dimanche 27 mai 2007 à 17:34 par Ram

Je me demande quelle est la réaction des jurés, qui sont finalement les seuls impliqués dans le procès à avoir la surprise. C'est un coup à en voir se braquer avec l'impression que l'accusation tente de les manipuler avec des coups de théâtre.

« L'accusée nie les faits. L'accusation me fait entendre la propre voix de l'accusée qui prouve qu'elle a bien trempé dans l'assassinat de son mari... mais c'est un coup bas, je vais l'acquitter pour apprendre à l'accusation à me présenter des preuves ? »

Eolas

40. Le dimanche 27 mai 2007 à 18:19 par Esurnir

@Marseillai "je regrette qu'elle puisse être jugée comme valable devant un tribunal tant que les personnes ne savent pas qu'elles sont enregistrés (avec autre chose qu'une petite ligne en police 2 en bas d'un papier de 50 pages signé sur un coin de table)."

Cette preuve est tout aussi valable que le reste des preuves présenter par l'officier de police judiciaire.

"Article 100-4

Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations d'interception et d'enregistrement. Ce procès-verbal mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée.
Les enregistrements sont placés sous scellés fermés."

Comme le reste des preuves, mise sous scellés fermés juste après l'enregistrement, ce dernier étant effectuer par :
article 100-3
"tout agent qualifié d'un service ou organisme placé sous l'autorité ou la tutelle du ministre chargé des télécommunications ou tout agent qualifié d'un exploitant de réseau ou fournisseur de services de télécommunications autorisé, en vue de procéder à l'installation d'un dispositif d'interception."

Qui vont juste enregistrer la communication. Faire un montage sur un scelles, ça me parait un peu compliquer, choisir un passage accablant ce n'est pas l'objectif d'un juge d'instruction de faire condamner quelqu'un, la tache du juge d'instruction est la manifestation de la vérité.

Quand au fait qu'on doit prévenir le suspect (souriez vous êtes filmer) soyez un peu sérieux. Imaginons que j'ai sur mon ordi une correspondance par émail prouvant que j'ai assassiner la totalité de mes frères et soeur pour récupérer le magot du vioc. Que croyez vous que je ferais si on me dis "En raison de l'article 1337 du code de la procédure pénal, nous vous prévenons que nous allons passez chez vous demain matin pour effectuer une perquisition" ?

Très simple, je telecharge un joli programme comme gdshredder et je passe la totalité de mes émail dans ce jolie gadget qui rendra impossible la tache des technicien pour récupérer mes email.

41. Le dimanche 27 mai 2007 à 21:12 par Fred

Pour quelles raisons les jurés ne peuvent pas avoir accès à toutes les pièces du dossier?

42. Le dimanche 27 mai 2007 à 22:29 par Esurnir

@42: Parceque la procedure d'assise est oral. Un dossier d'instruction dans les affaires complexes peuvent faire la taille d'une encyclopedie avec la consistence de plusieurs code dalloz sans table des mattieres ni annotation. Toutes les pieces qui semble importante pour le procureur les avocats des partie civile et bien sur de la defense utiliserons toutes les pieces qui sont importante du dossier pendant le proces d'assise.

43. Le lundi 28 mai 2007 à 10:13 par Ed

Pour répondre à la question 41 par un problème d'arithmétique dérivé d'un exemple réel :
Sachant que le dossier Emile Louis comportait grosso modo 7000 pièces ; qu'en appel il y avait 12 jurés sans compter les jurés supplémentaires ; qu'il est nécessaire pour chacun des jurés de consacrer de une minute à une heure à chaque pièce en fonction de son importance (un rapport d'expertise qui compte pour une pièce peut faire une centaine de pages) ; qu'il faut ensuite de toutes façons en débattre à l'oral, (sinon quelle est l'utilité de cette lecture préalable ?) ; quelle est la durée prévisible du procès ?

44. Le mardi 29 mai 2007 à 18:55 par Rama

@39: Acquitter certainement pas, mais s'il y avait une hésitation sur la peine à prononcer, j'imagine assez bien un juré s'agacer de se faire surprendre ainsi parce qu'il n'a pas les pièces du dossier. Il n'est pas du tout dit que cela influerait sur la peine, mais c'est certainement de nature à troubler la sérénité des jurés (ou ce qu'il en reste, vu les faits)

45. Le mercredi 30 mai 2007 à 14:15 par Un citoyen curieux

@Eolas:

Je ne sais pas si vous avez souvent plaidé aux Assises. Cependant, que ce soit aux Assises, ou éventuellement en Correctionnelle, à quel point est-il courant d'avoir comme cela des révélations, versées au dossier mais inattendues du public?

Et quid de révélations non prévues au dossier, du style le témoin qui craque en direct à la barre et "balance" tout?

Mes logiciels, comme mes clients, sont libres. Ce blog est délibéré sous Firefox et promulgué par Dotclear.

Tous les billets de ce blog sont la propriété exclusive du maître de ces lieux. Toute reproduction (hormis une brève citation en précisant la source et l'auteur) sans l'autorisation expresse de leur auteur est interdite. Toutefois, dans le cas de reproduction à des fins pédagogiques (formation professionnelle ou enseignement), la reproduction de l'intégralité d'un billet est autorisée d'emblée, à condition bien sûr d'en préciser la source.

Vous avez trouvé ce blog grâce à

Blog hébergé par Clever-cloud.com, la force du Chouchen, la résistance du granit, la flexibilité du korrigan.

Domaine par Gandi.net, cherchez pas, y'a pas mieux.