Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Stupeur

Les mots me manquent pour exprimer mon émotion au sujet de l'agression, au couteau et en pleine audience de cabinet, du président du tribunal pour enfants de Metz, Jacques Noris, survenue ce matin-même.

Ce magistrat est dans un état très grave, et risque de ne pas survivre à ses blessures.

L'auteur des coups serait la mère d'un mineur dont le juge venait de décider du maintien du placement... chez ses grands-parents. Pas une multirécidiviste, pas une mineure. Ce n'était même pas une affaire pénale, juste une affaire d'assistance éducative, manifestement.

Où en est notre justice si même les Palais, même les cabinets des juges, ne sont plus des endroits surs ?

J'imagine l'émotion des magistrats dans leur ensemble, des juges des enfants qui chaque jour tiennent des audiences dans les mêmes conditions (je reviendrai sur ce type d'audience pour vous expliquer de quoi il s'agit et comment ça se passe), et tout spécialement des magistrats du tribunal de grande instance de Metz, qui connaissent le président Noris - je veux employer le présent de l'indicatif pour conjurer le sort.

Je la partage et suis de tout coeur à leurs côtés.

J'ai une pensée toute particulière pour Dadouche, que mes lecteurs habituels connaissent bien, et dont les commentaires, avec ceux de Gascogne, constituent l'essentiel de l'intérêt de ce blog, car elle exerce ces mêmes fonctions.

Des leçons sont à tirer de ce drame. Je laisse ceux qui sont mieux placés que moi pour cela.

Pour ma part, je m'efface, je me tais, et je prie.

Sur ce sujet :

Le Monde. Libération Le Figaro

Commentaires

1. Le mardi 5 juin 2007 à 14:05 par v_atekor

Je ne savais pas que l'on pouvait rentrer avec un couteau dans un palais ?

On ne devrait pas pouvoir. Pourquoi un avion est-il plus protégé qu'un juge ?

Eolas

2. Le mardi 5 juin 2007 à 14:09 par Alexandre

Affaire évidemment malheureuse, qui amène nécéssairement à se poser la question de la sécurité des personnes dans le "temple de la justice" comme vou le soulignez justement.
On peut également s'interroger sur la possibilité d'une personne de se présenter au tribunal munie d'un objet potentiellement dangeureux. je conçois bien qu'il n'est pas question de céder à la paranoïa et d'instaurer une fouille substantielle de chaque personne présente à l'audiance, mais j'espère toutefois que certaines mesures soient effectivement prises afin que chaque personne puisse travailler dans une relative sécurité.
On ne peut que souhaiter un rétablissement rapide à ce magistrat, à cet homme qui ne faisait après tout, qu'exercer son métier.

Tous les palais de France devraient être munis d'un portillon magnétique permettant à un policier de s'assurer des objets métalliques que le public amène. La réalité en est loin. A Bobigny, ce sont des agents privés qui assurent ce travail. Dans beaucoup de palais en Province, il n'y a aucun contrôle à l'entrée. Et dans certains, il n'y a même plus de policiers en fin de journée.

Eolas

3. Le mardi 5 juin 2007 à 14:19 par v_atekor

Alexandre : a priori il est plus probable de voir quelqu'un en colère contre une décision de justice qui ne lui convient pas que dans d'autres endroits plus neutres, et pourtant plus surveillés (musées)

4. Le mardi 5 juin 2007 à 14:41 par thomas_irlande

La ou je m'interroge, c'est sur la premediatation d'un tel geste. Si j'en crois les différents rapports des faits, la présumée agresseur se serait donc rendue au palais avec une arme, alors que la decision de garde n'etait pas encore prise.

Se promener avec un couteau ne signifie pas qu'on prémédite d'agresser quelqu'un.

Eolas

5. Le mardi 5 juin 2007 à 14:55 par Stéphane Boudin

Il ne s'agit pas ici vraisemblablement d'un acte prémédité mais de la réaction malheureuse d'un justiciable qui n'a pas mesuré la portée de la décision du magistrat.

Ce qui est le plus choquant, c'est que, comme le relève Eolas, l'affaire ne semblait pas se prêter à un acte aussi violent.

On ne peut encore une fois que déplorer le constat que, manifestement, le rôle de la justice est bien mal appréhendé par les justiciables.

Quant à rentrer avec une arme dans un Palais de Justice, il existe dans tous les Palais de Justice de la proche région parisienne des portiques de sécurité pour éviter cela. Cela ne concerne bien évidemment que les bâtiments où se tiennent les audiences pénales (et donc pas les bâtiments accuillants par exemple le Tribunal de Commerce ou le Conseil de Prud'hommes).

Ce genre d'incident n'aurait donc pu se produire à Bobigny, Paris ou Nanterre.

Malheureusement, les faits se sont passés à Metz.

Toutes mes pensées à ce juge et à tous ceux qui exercent ce métier au combien difficile.

6. Le mardi 5 juin 2007 à 15:09 par DRH

Je me joins à vos prières et mes pensées vont à sa famille.

7. Le mardi 5 juin 2007 à 15:10 par Will

Malheureusement, ce dramatique évènement fera une fois de plus les choux gras de ceux qui, sans aucune pudeur, ramènent à la politique la moindre situation. On en voit déjà qui fustigent Sarkozy et l'accusent d'avoir vidé les Palais de leurs policiers, quand d'autre voient au contraire dans cette agression un signe supplémentaire du besoin de rigueur et de sévérité censé redonner aux Français le respect de leurs autorités... Quelle tristesse que d'imputer ainsi de façon éhontée les travers du monde entier à la droite ou la gauche.
Peut-être est-ce aussi le geste d'une déséquilibrée, qui aurait frappé tout symbole de la justice à tout moment, et que l'état de santé du juge Noris rend indécentes ces querelles au dessus de son lit d'hôpital...

Peut être que le fait qu'un magistrat se fasse gravement agressé dans son cabinet intéresse effectivement la politique, et pose encore une fois la question des moyens donnés à la justice ?

Eolas

8. Le mardi 5 juin 2007 à 15:18 par Maïpi

Je viens de lire la nouvelle dans Libé.
Et je me suis empressée de venir ici, sachant qu'il y aurait forcément un billet à ce sujet.
Je voudrais témoigner de mon soutien à tous ceux qui oeuvrent au quotidien pour la justice et se sentent d'autant plus visés par ce fait divers.
Je trouve assez étonnant qu'on puisse se promener avec une telle arme dans un palais de justice, un tribunal etc... j'en suis même étonnée.
Je trouve très triste qu'une mère ait une telle réaction à entendre confirmer le placement de son enfant. Séparer une mère de son enfant n'est pas un acte anodin et souvent source d'extrême souffrance pour les deux. En arriver au point de tuer quelqu'un me laisse imaginer la souffrance de cette mère.
Elle se serait ruée sur le président du tribunal pour le frapper de colère, je n'aurais pas été surprise. Mais si elle a employé une arme c'est tout autre chose. C'est plus que de la colère, de la rage... sans parler de la préméditation possible. Car pourquoi se balader avec une telle arme et pénétrer avec au tribunal si ce n'est dans l'idée de sans servir à un moment donné ? peut-être pas contre le président, peut-être même contre elle-même, mais je doute que cette femme n'ait pas emmené cette arme pour rien...
Son acte d'une extrême violence laisse imaginer aussi l'univers violent dans lequel elle doit vivre... et dont peut-être il vaut mieux préserver son enfant ?

Ce fait divers est terrible car la vie d'un homme est en danger et chaque vie, pour moi, est précieuse. Terrible aussi car il laisse entendre énormément de souffrances de la part de l'agresseur, sans doute son enfant, sa famille, et maintenant la famille de la victime et lui-même.

Je crains énormément la récupération médiatique qui sera faite de cet incident et ce qui en suivra. Je déteste qu'on se serve de la souffrance des uns ou des autres aux fins de faire avaler certaines pilules à nos contemporains...

Maintenant moi aussi je m'efface, je me tais et je prie.

9. Le mardi 5 juin 2007 à 15:24 par Baptiste

Tu pries ?!

Enfin, bon courage à ses proches, et à ses collègues. C'est consternant de voir qu'on peut en arriver là.

10. Le mardi 5 juin 2007 à 15:31 par GeoTrouvetout

En apprenant ce drame effroyable ce matin, je me doutais bien que vous réagiriez.

Quels contrôles sont faits sur les personnes qui pénètrent dans un palais de justice ?

Ca dépend des palais. A Paris, c'est très surveillé : portillon métallique, machine à rayons X pour les sacs, le tout effectué par des gendarmes en nombre (et armés). A Amiens, ou Châteauroux, vous entrerez comme dans un moulin.

Eolas

11. Le mardi 5 juin 2007 à 15:33 par Ludovic Pinto

Cela fait hélàs plusieurs années que l'habitude a été prise de faire de la politique sur des patients entre la vie et la mort ou sur des cadavres encore chauds...

Maïpi a raison de s'en indigner.

Discourir sur un fait divers ne permet pas de faire avancer efficacement ses idées.

D'autant que quand ce genre d'évènement survient, chacun se croit conforté dans ses opinions. Les discours ne servent à rien dans ces circonstances.

12. Le mardi 5 juin 2007 à 15:41 par Maraudeur

On peut penser que ce geste insensé renforce, de dramatique façon, le bien-fondé de la décision de ce magistrat. Nous pensons tous à lui.

13. Le mardi 5 juin 2007 à 16:00 par KickMe

Il me semble avoir lu que la lame du couteau faisait une vingtaine de centimètres. Ce n'est pas le genre de couteau qu'on garde sur soi en permanence... Cela ressemble plutôt à une agression préméditée.

Quoi qu'il en soit, bon courage à lui...

Laissons faire le juge d'instruction en charge de ce dossier pour déterminer ce qui s'est réellement passé.

Eolas

14. Le mardi 5 juin 2007 à 16:00 par personne

à Bobigny, Nanterre, Aulnay, St Denis, c'est plus dans les écoles qu'il peut arriver ce genre de problème. Actuellement, c'est du rodéo à moto tous les soirs, à la sortie d'une école maternelle de Sevran, les institutrices ne savent plus quoi faire, le saviez-vous ? non ? il y a tant et tant de faits semblables. Nous sommes toujours plus choqué par des évènements qui nous concernent, c'est pour ça que tout ne va pas bien, l'égoisme est roi. Faites-vous agresser dans le métro, vous verrez l'aide apportée.
Cette femme était donc très près du Président ? A-t-elle sauté par dessus le bureau pour le frapper à l'abdomen ? (questions diverses autour de moi)
Toutes nos amitiés au Président et sa famille en lui souhaitant un prompt rétablissement.

Je prépare un billet explicatif.

Eolas

15. Le mardi 5 juin 2007 à 16:03 par PEB

Cette affaire me rappelle celle des inspécteurs du travail sauvagement assassiné par un agriculteur qu'il venait de contrôler.

Mes pensées vont vers cet agent de l'Etat fidèle à sa mission, à sa famille à ses collègues et auxilliaires.

Contrôler et sanctionner les usagers devient un métier à risque. il y a, hélas, des gens qui n'entendent pas le vrai caractère libérateur d'une parole de Droit, reflet d'une décision juste.

Exact, le parallèle est pertinent. Le traumatisme pour la profession a été considérable, d'autant que le soutien manifesté par le ministère du travail a été très mesuré. Et il est loin d'être guéri.

Eolas

16. Le mardi 5 juin 2007 à 16:12 par patrice

Cher Eolas,

Vous écrivez que se promener avec un couteau ne signifie pas qu'on prémédite d'agresser quelqu'un.

Si le couteau est accompagné d'un rond de serviette et d'une fourchette, sans doute.

Mais dans le cabinet d'un magistrat dont l'autorité n'a d'autre raison d'être que de vous protéger, ça fait désordre.

Avant de pénètrer dans une église , je crache mon shwingum dans un mouchoir en papier .

Avant d'aller rendre visite à mon vieux père, je laisse mon 357 Magnum dans l'entrée.

Vous-même, cher Maître, vous êtes séparé de ce qui vous paraissait encombrant avant de glisser votre bulletin de vote dans le bureau du même nom, il y a quelques semaines. D'ailleurs votre expression pour le dire m'avait bien plu.

Il y a des endroits où l'on se défait volontiers de ce qui gène le mouvement et le respect.


17. Le mardi 5 juin 2007 à 16:12 par Michel

Cette affaire me touche car je suis originaire de Metz. De plus, il y a quelques mois, j'étais dans le cabinet d'un juge pour enfant dans un TGI de province pour une affaire assez semblable. Et j'ai envoyé d'ailleurs envoyé un fax à ce juge hier.

18. Le mardi 5 juin 2007 à 16:28 par Serge

Sale histoire...

Pour en revenir aux détecteurs de métaux, on ne peut pas en mettre partout où il y a des gens à tuer, il en faudrait un tous les dix mètres sur tout le territoire.

Le patron qui m'a licencié, le collègue qui m'a piqué ma promotion, la femme qui m'a quitté, le commerçant qui m'a carotté ma monnaie, le type qui a rayé ma bagnole avec son Caddie®, la contractuelle qui m'a collé un PV, l'avocat qui m'a mal défendu... Comment voulez-vous protéger tous ces gens de ma vindicte ?

19. Le mardi 5 juin 2007 à 16:36 par flagada

le métier de juge et d'avocat est tres dur.

Pour s'en convaincre, il fallait regarder hier sur planete le "faites entrez l'accusé" sur l'affaire richard roman.

Des juges conspués, des avocats agressés (Leclerc sortant de la reconstitution en sang...)...

20. Le mardi 5 juin 2007 à 16:36 par flagada

le métier de juge et d'avocat est tres dur.

Pour s'en convaincre, il fallait regarder hier sur planete le "faites entrez l'accusé" sur l'affaire richard roman.

Des juges conspués, des avocats agressés (Leclerc sortant de la reconstitution en sang...)...

21. Le mardi 5 juin 2007 à 16:38 par humblavis

Permettez-moi de réagir sur cet espace, puisque l'annonce de cette agression m'a touchée et alertée : nos contradictions sont si fortes (comment éduquer un gamin alors que règnent le dégoût de l'effort, le règne du fric facile, la culture du narcissisme, la haine de l'autorité mais pas de la violence, etc ?) qu'elles ne peuvent que mener à des formes de passage à l'acte comme celui-ci. Et je doute que les réponses soient pleinement appropriées (et se pose la question du budget de la justice en effet - on m'a dit qu'il n'y avait pas de toilettes dans je ne sais plus quel grand tribunal en banlieue parisienne : qu'en est-il de l'espace de l'humanité de chacun ? ) - parce que si N. Sarkozy les sent, les contradictions (ce qui lui a valu d'être élu), il ne les domine pas. En ce sens il est du coup comme un symptôme. Ce qui m'ennuie avec la politique qui se poursuit c'est qu'elle conforte le "chacun pour soi", le "après moi le déluge", qui, à l'oeuvre, mettent à mal ce que les relations entre les uns et les autres pourraient avoir de solidaires.
J'ignore qui est cette femme, qui en trois coups de couteau, a perdu toute chance de s'occuper de ses enfants ! mais je souhaite qu'elle ne devienne pas une meurtrière.

22. Le mardi 5 juin 2007 à 16:52 par dura lex sed lex

Une telle nouvelle glace d'horreur le Mosellan que je suis. M. Noris a tout mon soutien. Il mérite d'ailleurs plus qu'une vague et éphémère récupération médiatique à des fins politiques. La justice n'est plus sereine, et l'on peut même dire qu'elle se doit d'être en colère.
Aux dernières nouvelles, l'état de M. Noris est stationnaire selon l'hôpital Notre Dame du Bon Secours. Espérons...

23. Le mardi 5 juin 2007 à 17:00 par Non

Mais pourquoi voir dans ce dramatique incident un aveu de l'échec de toute une organisation sociale? Quelle est donc cette tendance à soumettre la règle à l'exception? Parce qu'une déséquilibrée a suffisamment perdu la raison pour poignarder un juge, il faudrait considérer qu'un juge pour enfants, parmi tous les autres juges, est systématiquement et potentiellement en danger, et prendre des mesures au niveau national, et remettre en question toutes les politiques connexes? Quelle est donc cette attitude de contestation systématique qui remet en question tout un système au lieu d'admettre le caractère inévitable et imprévisible de certaines agressions totalement irrationnelles? Doit-on, à la lumière d'evènements certes dramatiques mais néanmoins isolés, faire des salles d'audiences et des cabinets des lieux surprotégés? Mais alors, pourquoi ne pas protéger tout les conseils municipaux pour éviter un autre Richard Durn? Pourquoi ne pas protéger toutes les maternelles pour éviter un autre Human Bomb? L'organisation sociale repose sur un minimum de compromis, et sur un présupposé de morale et de normalité: si l'on envisage systématiquement tous les extrémités possibles, comment ne pas sombrer dans la paranoïa et l'angoisse sécuritaire?

Un portique magnétique et un policier à la porte de chaque palais, c'est de la paranoia et de l'angoisse sécuritaire, vraiment ?

Eolas

24. Le mardi 5 juin 2007 à 17:16 par sebada

en réponse à Non

Sans doute la paranoïa n'est pas bonne conseillère,mais ce genre d'incident pose tout de même la question des moyens de la justice.De plus,il convient de ne pas oublier que les aggressions de magistrat et d'avocat ne sont pas si exceptionnelles notamment dans les affaires politico-financiaire.Il convient,raisonnablement,de rester plus qu'attentif à ces questions.
Toutes mes pensées pour ce magistrat.

25. Le mardi 5 juin 2007 à 17:17 par humblavis

@ Non
parce que ce dramatique incident peut-être lu comme un signe du délabrement de la vie sociale. Et quand il n'y a plus d'autorité couplée du respect qui lui est dû, alors on a de l'autoritarisme. Du reste je ne conteste pas (pour autant que cette remarque me soit adressée, je ne sais pas), je constate : l'écrasement, le mépris, la violence excluante, le cynisme, ne sauraient accoucher d'autre chose que d'une forme de régression (sociale, donc).

26. Le mardi 5 juin 2007 à 17:18 par Gascogne

Je ne voulais pas réagir pour ne pas écrire sous le coup de la colère, et alors que nous sommes tous en attente de nouvelles concernant l'état de santé de notre collègue et que la polémique n'est pas de mise en pareilles circonstances, mais j'ai du mal à ne pas réagir au billet n°23.
Il n'y a aucun caractère inévitable et imprévisible à l'agression qui vient de se dérouler. C'est cela qui la rend d'autant plus écoeurante. Vous comparez l'incomparable : les conseils municipaux et les écoles ne sont pas a priori des lieux de conflit : les tribunaux le sont, par leur essence même. Il n'y a donc rien d'imprévisible dans ce qui vient de se passer. Lorsque vous donnez tort à l'un et raison à l'autre, essence même du métier de juger, alors vous faites un mécontent qui réagit avec ses moyens : qui en faisant appel, qui en maudissant son juge, qui en utilisant la violence. Il n'y a rien d'irrationnel là dedans.
La question qui se pose est de savoir pourquoi l'Etat, après nombre de drames, l'agression de Rouen n'en étant pas un des moindres, ne fait toujours rien. Une justice qui n'est pas rendue dans la sérénité, mais la main tremblante, est-elle une bonne justice ?
La justice est rendue au nom du peuple français, et doit être accessible. Cela ne justifie pas l'absence complète de contrôle à l'entrée de la majorité des tribunaux, et l'absence quasi complète de services d'ordre pour les audiences.
Ajoutez à cela le pilonnage dont l'institution a été l'objet depuis plusieures années maintenant, et les barrières s'effondrent. Lisez les commentaires sous les articles de presses sur les sites internet : c'est effrayant. Ces magistrats qui se croient tout permis n'ont au final que ce qu'ils méritent.
Alors, désolé, mais il ne s'agit pas simplement de voir dans un "dramatique incident" l'échec d'une quelconque organisation sociale. Il s'agit simplement de se sentir solidaire d'un magistrat qui a fait son travail pour la société, mais que la société se refuse de protéger dans le cadre de ce travail.
J'ai passé le concours de la magistrature pour servir mes concitoyens, pas pour me faire embrocher à la moindre contrariété.

27. Le mardi 5 juin 2007 à 17:19 par Dini

@23

Il se trouve qu'un Palais de Justice est un lieu très particulier, où se décident en peu de temps la liberté et la vie des gens. Cette situation paroxistique est tout de même plus sensible - et plus propice aux débordements - que celle des maternelles et conseils municipaux. J'ajouterai que le public habituel est également différent dans les Palais et les maternelles...

Tous les avocats ont, je pense, une anecdote à raconter à ce sujet; pour ma part, j'avoue que je n'étais pas à l'aise lorsqu'un confrère m'a glissé pendant une audience correctionnelle passablement tendue, où plusieurs des prévenus disposaient de larges comités de soutiens (lesquels, d'ailleurs, buvaient de la bière sur le parvis du palais aux suspensions d'audience...), que l'un des membres de l'un comité de soutien était armé.

Au mieux, ça nuit à la sérénité des débats. Au pire, des drames tels que celui de Metz surviennent.

Dans ces conditions, demander l'installations de portiques de sécurité ne me semble relever ni de la paranoïa ni de l'angoisse sécuritaire, mais de l'analyse sereine du danger objectif.

28. Le mardi 5 juin 2007 à 17:19 par humblavis

et puis ce n'est pas un "incident", rien que le mot est révélateur d'un délabrement de la pensée (qui va avec le reste), dont je me suis fait complice, désolée.

29. Le mardi 5 juin 2007 à 17:29 par personne

je me demande s 'il y a plus de monde chez les juges que dans les aéroports ? Parcequ'à Roissy, le contrôle est réel, j'ai même eu droit à une fouille au corps avec gants blancs à laquelle je me suis prêtée de bonne grâce, trouvant cela plutôt rassurant. Il est vrai que cela doit représenter une somme certaine. Mais quand on veut.. les voyageurs du ciel sont-ils plus importants que les Juges ?

30. Le mardi 5 juin 2007 à 17:33 par Non

"Incident" n'était pas péjoratif: je regrette que ce mot puisse vous faire croire que je n'accorde pas à ce drame l'importance qu'il mérite.

Je reçois toutes vos critiques qui sont parfaitement fondées. Mais je persiste à dire que vouloir attenter à la vie d'un magistrat, et amener à cet effet une arme, est révélateur d'un comportement suffisamment déséquilibré, et suffisamment rare, pour être malheureusement quasi inévitable. Je reconnais bien évidemment qu'un simple portique à l'entrée aurait pu éviter cet acte au sein du palais. Je n'ai pas voulu me faire l'apôtre d'un relativisme que je condamne, en disant "ca aurait pu arriver dehors, dedans, n'importe où et n'importe quand"; je voulais simplement faire la part des choses. Toutes mes excuses à ceux que j'ai manifestement choqués au vu de leurs réactions.

Disons que votre ton catégorique prêtait au malentendu, ce qui est la malédiction d'internet. Je suis d'accord qu'une personne planifiant l'assassinat de sang froid d'un magistrat y parviendra probablement. Comme pour l'assassinat de toute personne, même le président de la république lui même. Le risque zéro n'existe pas. Mais des précautions élémentaires et tout à fait cohérente avec le fait qu'un palais de justice est le lieu où s'exerce de la façon la plus sensible l'autorité de l'Etat peuvent mettre à l'abri de violences graves et non planifiées, impulsives, dues à la rage et à la frustration. Confisquer les couteaux, les liquides inflammables, et avoir un garde armé dans chaque prétoire faisant du pénal. C'est le cas à Paris, et pas un coup de feu n'a eu besoin d'y être tiré.

Eolas

31. Le mardi 5 juin 2007 à 17:54 par humblavis

@ Non
c'est vrai que la forme "e-mail" ou celle de ce commentaire donnent un ton abrupt aux propos, et comme je ne crois pas aux malédictions, c'est à nous de trouver la manière de s'exprimer qui conviendra. Votre point de vue en 30 est bien sûr recevable, mais il n'invalide pas le mien, ils se situent sur deux plans différents.

32. Le mardi 5 juin 2007 à 21:02 par Enfant de DREYFUS

Je suis bien évidement triste très triste de ce drame et cela ne devrait jamais arriver.

Mais je ne peux m'empecher de penser à toutes ses familles de victimes, comme moi, qui sont brisées par des décisions de justice qui rendent les victimes délinquants et les délinquants victimes (cf. : Interview Le Monde du 1/06/07 de Rachida DATI) et qui ont pensé au suicide combien de fois et qui y pense parfois encore.
Et je pense aussi à toutes ces personnes, ces justiciables, ces citoyens, ces Hommes qui ne sont plus de ce monde....parceque leurs droits ont été bafoués , leur dignité retirée !!!

Toutefois je souhaite et du fond du coeur un prompt rétablissement à ce juge et à LA JUSTICE...

et je remercie tout particulièrement Maître EOLAS et ses fidèles lecteurs qui relèvent le niveau d'une minorité (j'aime à penser)...

33. Le mardi 5 juin 2007 à 21:28 par Vicnent

"et je prie" : je respecte. m'enfin...

34. Le mardi 5 juin 2007 à 23:07 par JR

Merci à Me Eolas et aux commentateurs qui vont dans le même sens pour cette solidarité.
Malheureusement, il faut bien dire que les professionnels s'accordent pour dire qu'il est miraculeusement étonnant que des choses aussi graves n'arrivent pas plus souvent, et que d'ailleurs, elles arriveront plus souvent désormais.
L'émotion va retomber bien vite, comme en 2005 lorsqu'une greffière a été brulée vive à Rouen (vous aviez eu de ses nouvelles, vous ?), et tout reprendra comme avant.
D'ailleurs, même s'ils sont minoritaires ici, il semble bien que nombre de nos concitoyens semblent penser que, oui, bon, c'est triste, mais que, quelque part, ces pourris de juges qui ne savent faire que des victimes, l'ont bien cherché... N'est-ce pas #32 qui en profite pour nous parler (qu'est-ce que ça vient faire ?) des "victimes de la justice", c'est quand même plus intéressant... Et puis, l'exemple vient de haut, de très haut même si on considère l'évolution récente de la carrière d'un des meilleurs spécialistes des attaques médiatico-politiques contre les juges...
A bientôt pour de nouvelles condoléances !

35. Le jeudi 7 juin 2007 à 07:46 par PsychoGun

"Pourquoi un avion est-il plus protégé qu'un juge ?"

C’est une blague? C‘est peut être parce que les 300 vies que contient cet avion valent plus que celle d’un magistrat? Je sais qu’il est assez difficile pour vous de croire à ce nouveau concept, mais c’est vrai.

36. Le vendredi 8 juin 2007 à 17:19 par Je m'ennuie.

Tout cela ne serait pas arrivé si les tribunaux s'étaient trouvés dans les aéroports. Je compatis.

Superbe argument en faveur des audiences de JLD à Roissy...

Eolas

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