Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Combien ça vaut ?

Par Dadouche



« A la majorité de 8 voix au moins, la Cour et le jury réunis condamnent X à la peine de.... ».
Cette formule quasi rituelle annonce la réponse à la question que se posent (peut-être pas en ces termes, mais dans l'esprit) tous ceux qui participent à une décision pénale : combien ça vaut ?
Elle est ici formulée crûment, elle résonne comme un réflexe d'épicier, elle paraît faire litière de toute la complexité d'une affaire criminelle et d'un procès d'assises, et pourtant on ne peut mieux le résumer.
Combien vaut une vie humaine ? Certaines ont-elles plus de valeur que d'autres ? Le passé d'un homme peut-il excuser un crime ou en atténuer les justes conséquences ? Doit-on souffrir à la hauteur des souffrances que l'on a infligées ? Pourquoi 10 ans plutôt que 15 ? 1 plutôt que 12 ? perpétuité plutôt que 5 dont une partie avec sursis ? La personnalité de l'accusé doit-elle prendre le pas sur la gravité intrinsèque des faits ? Ou l'inverse ?
Est-ce qu'un meurtre « vaut » plus qu'un viol ? Est-ce que la mort de la victime « vaut » plus qu'une tentative ? est-ce que quinze braquages, "ça vaut" plus que douze ? Et combien d'années par braquage ? Est-ce qu'il y a un barême, une échelle absolue des valeurs ?

Le remarquable article de Pascal Robert-Diard a suscité parmi les commentateurs des interrogations, des assertions, et quelques divagations sur les peines prononcées par les cours d'assises.

On retrouve en vrac les questions ou affirmations suivantes :
- pourquoi 12 ans, alors qu'un meurtre c'est 30 ans ?
- depuis un bon nombre d'années les cours d'assises, lorsqu'il y a un doute, au lieu d'acquitter, condamnent à demi: 7 ans, 10 ans pour un meurtre...
- en cas de doutes graves et sérieux, on acquitte, en cas de doutes légers, on condamne à demi-peine, en cas d'absence totale de doute, on condamne lourdement.
- pour un même meurtre (tuer quelqu'un d'une balle de coup de fusil dans la cervelle, après une dispute), on peut recevoir huit, douze ou trente ans, en fonction"de la personnalité de l'auteur et des circonstances des faits",il devient difficile de prévoir. On a l'impression que le jugement se fait "à la tête du client".

Signalons d'abord qu'Eolas et Anaclet de Paxatagore (message personnel : Paxa ! Reviens !) avaient, dans un temps que seuls des lecteurs ante jugement de Lille peuvent connaître, consacré un fort intéressant billet à quatre mains sur le juge et la peine, dans lequel ils rappelaient (notamment) que la peine résulte à la fois de la gravité intrinsèque des faits et du parcours du délinquant.

J'avais moi même tenté dans un billet-fiction de retracer dans les grandes lignes comment une cour d'assises peut, dans son délibéré, déterminer une peine.

Le documentaire Cour d'assises : crimes et châtiments diffusé par France 3 ce soir, qui suscitera lui aussi j'en suis sûre de nombreux commentaires, donne à voir trois crimes, trois criminels [1], trois peines.

Tous encouraient la réclusion criminelle à perpétuité.

Jeannot R. est condamné pour tentative d'assassinat sur son épouse, séquestration et violences avec arme contre les gendarmes à 10 ans de réclusion (15 ans requis)
David A. est condamné pour le meurtre de son père à 5 ans d'emprisonnement dont 3 ans et demi assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve (6 ans requis)
Benjamin C. est condamné pour meurtre aggravé à 30 ans de réclusion (perpétuité requise).

A titre liminaire, rappelons que si on se pose cette question, c'est que l'on considère la culpabilité acquise. Dans un délibéré, on n'aborde la question de la peine qu'une fois que l'on s'est prononcé sur la culpabilité.
Chaque intervenant dans un procès pénal a sa réponse sur ce que "ça vaut", en fonction des intérêts qu'il représente.

Le premier à se poser la question du « combien ça vaut », c'est le législateur.
C'est lui qui fixe dans le code pénal la peine maximale qui peut être prononcée par une juridiction pénale pour une infraction donnée.
Ici, qu'il s'agisse de la tentative d'assassinat, du meurtre d'un ascendant ou du meurtre avec torture et acte de barbarie, le législateur a décidé que « ça vaut » le plus en prévoyant la réclusion criminelle à perpétuité.
C'est la fonction dissuasive de la peine : on espère effrayer les criminels en puissance en leur promettant un dur châtiment s'ils contreviennent aux lois de la société.

C'est ensuite à l'avocat général de résoudre l'équation impossible : dans cette affaire précise, pour cet accusé, quelle est la peine qui garantira au mieux les intérêts de tous et notamment ceux de la société.
C'est à lui qu'est revenu, dans les trois affaires montrées dans le documentaire, la tâche de rappeler que c'est à la vie humaine qu'on a attenté.
Même si c'est la vie d'un tyran domestique, qui a battu sa femme et ses enfants impunément pendant des décennies à coups de « Mirza ».

Des réquisitions particulièrement clémentes, s'agissant d'une victime haïssable, ne risqueraient-elles pas de sous-entendre qu'il y a des vies qui ne méritent pas d'être protégées ? A quelle durée d'emprisonnement évalue-t-on la vie humaine ?
L'avocat général doit aussi s'interroger sur l'avenir : la société doit-elle être protégée durablement du criminel ? S'agissant de Benjamin C., c'est clairement une peine d'élimination qui a été requise contre un jeune homme qui présente une personnalité dangereuse. S'agissant de Jeannot R., plus tout jeune, peut-être bien aussi.
Le rôle de l'avocat général est cependant plus complexe que cela et ne se limite pas à la défense des intérêts de la société. Mais il est certainement celui qui les a le plus à l'esprit.

Les avocats tentent également de répondre à cette question, que ce soit en défense de l'accusé ou au soutien des intérêts de la partie civile.
La partie civile ne requiert pas de peine. Elle fait cependant souvent savoir quel degré de sévérité elle attend de la cour. Il arrive, dans des drames familiaux, que l'avocat plaide une relative clémence, pour sauvegarder les intérêts et l'avenir commun de tous.
Il arrive, plus souvent, qu'il souligne l'horreur du crime et s'attache à rappeler à la cour et aux jurés que la peine a une fonction rétributive et doit être une sanction à la hauteur des souffrances infligées. Et c'est ce que fait l'avocat de la famille de la victime de Benjamin C.
L'avocat de l'accusé doit quant à lui (quand il plaide la peine et non l'acquittement) mettre en perspective les faits commis par son client avec l'histoire personnelle de celui-ci. Non seulement son passé, qui peut comporter des éléments d'explication du passage à l'acte, mais aussi son avenir, qui dépendra étroitement de la décision. Les « paliers » se situent souvent à des durées symboliques : celle qui implique un retour en prison, celle qui prive d'un espoir de réinsertion sociale rapide, celle qui élimine durablement voire définitivement.

Enfin, c'est à la Cour et aux jurés d'apporter la réponse, singulière à chaque affaire, à cette question lancinante : « combien ça vaut  ?».
Ils doivent avoir à l'esprit les intérêts de tous et ne trahir ni ceux de l'accusé, ni ceux de la victime, ni ceux de la société. La quadrature du cercle quoi.
Chaque jury d'une même session est unique. Chaque session d'assises comporte un panel différent de jurés potentiels. Chaque semaine de la session (voire chaque affaire) voit siéger des assesseurs différents. Chaque cour d'assises a son président. Et chacun a son idée sur ce que « ça vaut ».

Il n'y a aucune réponse absolue. C'est vertigineux. Mais c'est bien comme ça.

Parce que chaque affaire est unique. Chaque criminel est singulier. Chaque plaidoirie ou réquisitoire porte différemment.

Bien sûr, les magistrats professionnels, qui siègent régulièrement aux « assiettes » ont en tête des points de référence. Chacun se souvient que, pour des faits « du même genre » la cour avait prononcé telle peine. Mais pourquoi « ça vaut » 10 ans plutôt que 5 ? Pourquoi 15 plutôt que 12 ?

Parce que c'était lui, parce que c'était eux. Parce que c'était cette audience, cet accusé, ce jury, cet avocat, parfois cette actualité.

S'il n'y a en fait aucune réponse in abstracto à ce "combien ça vaut", on peut néanmoins apporter des éléments aux interrogations rappelées plus haut :

- pourquoi 12 ans, alors qu'un meurtre c'est 30 ans ?

Parce que la peine est individualisée en fonction non seulement des circonstances de fait mais aussi de la personnalité de l'auteur (et parfois de la victime), de son âge, de ses perspectives de réinsertion. Qui imaginerait condamner Jeannot R. ou David A. à la perpétuité qu'ils encouraient ?

Il ne faut pas non plus se leurrer. Comme le souligne Florence Aubenas dans le documentaire, certains sont plus égaux que d'autres devant la justice.
Ceux qui parviennent à verbaliser, ceux qui présentent bien, ceux qui ont un avocat expérimenté et parviennent à s'en remettre à lui, ceux qui ont fait leur paix avec eux-mêmes, ceux qui expriment des regrets, pour tous ceux là, "ça vaut" moins que pour ceux qui dissimulent leur peur derrière une apparente arrogance, ceux qui ne trouvent pas les mots qu'il faut ou qu'on attend d'eux, ceux qui ne peuvent eux mêmes croire à ce qu'ils ont fait et nient des évidences, ou ceux qui n'ont (et souvent à tort) pas confiance dans leur avocat commis d'office et à l'aide juridictionnelle parce que "si c'est gratuit c'est que c'est moins bien".
C'est aussi le rôle des magistrats professionnels, qui voient défiler toute l'année en correctionnelle, en surendettement ou encore en assistance éducative les petits cousins de ces accusés difficiles, de désamorcer l'impression laissée aux jurés.
C'est parfois difficile...

-depuis un bon nombre d'années les cours d'assises, lorsqu'il y a un doute, au lieu d'acquitter, condamnent à demi: 7 ans, 10 ans pour un meurtre...

Cette affirmation ne repose sur rien.
Je ne dis pas qu'il n'arrive jamais qu'un juré vote la culpabilité alors qu'il n'a pas d'intime conviction, parce qu'il voit que c'est l'opinion générale. C'est regrettable, c'est trahir son serment, mais c'est humain. Comme il est humain, trois jours après le délibéré, de se réveiller en sueur en se demandant si on n'a pas fait une erreur.
En revanche, les mécanismes de vote et de majorité me paraissent limiter considérablement le risque de décisions de culpabilité malgré un doute réel.
Une peine de 7 ou 10 ans d'emprisonnement pour un meurtre n'a en soi aucune signification à cet égard. Sauf peut-être que le cours de la vie humaine a baissé, tandis que celui de l'innocence abusée a grimpé en flèche, si l'on en croit les peines régulièrement supérieures à 10 ans de réclusion prononcées pour des viols sur mineurs.
Par ailleurs, il faut se rappeler que la culpabilité n'est pas nécessairement votée à l'unanimité (elle doit recueillir 8 voix sur douze) [Et dix sur quinze en appel - NdEolas]. Quoi de plus normal que les jurés ou magistrats qui ont pu voter "non" à cette première question s'attachent, dans la suite du délibéré, à faire descendre autant qu'ils le peuvent la peine finalement prononcée ?

- en cas de doutes graves et sérieux, on acquitte, en cas de doutes légers, on condamne à demi-peine, en cas d'absence totale de doute, on condamne lourdement.
Il me semble que le documentaire de France 3 apporte un démenti éclatant à cette affirmation si étayée...

- pour un même meurtre (tuer quelqu'un d'une balle de coup de fusil dans la cervelle, après une dispute), on peut recevoir huit, douze ou trente ans, en fonction"de la personnalité de l'auteur et des circonstances des faits",il devient difficile de prévoir. On a l'impression que le jugement se fait "a la tête du client".

C'est exactement ça, à ce léger détail près qu'aucun meurtre n'est jamais le même, dans ses ressorts ou dans ses protagonistes.
Et pourtant, beaucoup de greffiers d'assises peuvent prédire, avec une marge d'erreur infime, à la fin des débats, la peine qui sera finalement prononcée.

On ne sait sans doute toujours pas "combien ça vaut", mais j'espère qu'on comprend un peu mieux comment on calcule.

Notes

[1] dans la dernière affaire, je ne mentionnerai que Benjamin C., seul majeur des deux criminels et ne pouvant donc prétendre à une atténuation de la peine en vertu de l'excuse de minorité

Commentaires

1. Le mardi 23 septembre 2008 à 09:11 par louane

Dans la question "combien sa vaux ?" on ne parle que de la vie et de l'avenir des criminels.
Je voudrais que l'on tourne la question dans l'autre sans.
Combien vos la vie d'une mère de famille assassiné par son mari qui laisse 2 orphelins, ou encore, combien vos la vie d'une personne qui a était violer et qui à cause de c'est acte sa vie ne sera plus jamais la même ...
Peut être que cela aiderer les magistrats à prendre leur décision
si ils ce poser la question "quel est le préjudice causé à la victime" et prendre leurs décisions en fonction de la réponse à cette question.
Je fait parti des gens qui sont pour que la peine du criminel soit égale à la soufrance qu'il a infligé à sa victime ou à ces proches .


Dadouche :
J'ai failli vous faire grâce en lâchant troll detector, mais à la réflexion je préfère laisser votre orthographe et votre syntaxe. C'est plus cruel.

2. Le mardi 23 septembre 2008 à 09:22 par Moi

La vie de cette femme n'a pas de prix, du coup ça complique beaucoup les calculs.

3. Le mardi 23 septembre 2008 à 09:27 par Eolas

@ Moi : non, puisque l'objet des débats n'est pas d'estimer son prix (c'est l'objet de l'audience civile, à laquelle la presse n'assiste jamais).

4. Le mardi 23 septembre 2008 à 09:31 par Maboul Carburod....z

La justice humaine n'appliquant pas la loi du Talion, il ne lui appartient pas de venger telle ou telle victime. Je souscris totalement aux propos de Dadouche qui résume parfaitement la démarche judiciaire. L'émission d'hier résumait parfaitement l'état d'esprit des jurés et les questions que se posent les Cours d'Assises ainsi que les tribunaux correctionnels.

Je souhaiterai que toutes les personnes qui tiennent des propos maximalistes sur l'institution judiciaire soient jurés d'assises. J'en connais peu qui après une telle expérience n'en sortent pas transformés.

Ce serait un vrai service civil et civique.

5. Le mardi 23 septembre 2008 à 09:35 par Anne

Merci beaucoup pour avoir indiqué ce documentaire.
Je l'aurai autrement évité par peur de trop de voyeurisme.
Une chose est sure, il n'est en aucun cas "facile" d'estimer combien cela vaut ... Mais il est heureux que les actes ne soient pas uniquement estimés en fonction d'un barème. Nous sommes chacun issu d'une histoire, d'un contexte, qui explique, au quotidien nos décisions, nos choix. Pourquoi devrait il en être autrement devant un Tribunal ?

6. Le mardi 23 septembre 2008 à 09:45 par Moi

@Eolas.
Donc la question de la valeur de la victime (ou la valeur de sa souffrance) n'a pas lieu en cour d'assise. Bien.

Il me reste encore un doute sur comment est engagé la responsabilité de l’accusé (alors coupable) lors de l’audience civile. Par exemple si le résultat des débats peut aggraver la peine du coupable ou si la réparation ne porte que sur des sanctions financières.
Mais avant de vous faire répéter je vais aller relire vos articles sur le sujet, quand j’aurais le temps.

Eolas:
L'audience civile ne fait qu'accorder des dommages-intérêts ; elle ne peut en aucun cas aggraver la peine.

7. Le mardi 23 septembre 2008 à 10:07 par grumlee

@Moi #6

l'audience civile a lieu juste après que le verdict ne soit rendu,
et ne porte que sur les intérêts financiers (réparation préjudice moral...)
la peine est déjà prononcée et ne change plus (à moins d'un appel)

8. Le mardi 23 septembre 2008 à 10:08 par Juliette

"L'avocat de l'accusé doit quant à lui (quand il plaide la peine et non l'acquittement) ..."
L'avocat de l'accusé peut-il plaider l'acquittement et "au cas où" demander un verdict clément?

Eolas:
Oui, mais aux assises, l'art du subsidiaire est délicat. Il est trop pris comme un aveu. C'est courant au correctionnel, face à des juges professionnels, parfaitement habitués aux demandes subsidiaires : chez eux, le subsidiaire n'affaiblit pas le principal.

9. Le mardi 23 septembre 2008 à 10:20 par Alex

@8: il est courant en correctionnelle qu'un avocat plaide en "demande principale" la relaxe, et, en cas de déclaration de culpabilité, une peine faible. C'est ce qu'on appelle en droit une "demande subsidiaire". Mais vous voyez le risque: n'est-il pas à craindre qu'une défense passionnée de l'innocence de son client soit anéantie par les dernières phrases implorant seulement la clémence?
C'est une question apparemment classique chez les avocats: le subsidiaire n'affaiblit-il pas le principal?
A mon avis, pas du tout en matière civile, pas vraiment en correctionnelle, mais ça me semble bien risqué aux assises.

10. Le mardi 23 septembre 2008 à 10:22 par adrien

Dadouche votre article est superbe.

@Louane en 1:
Tenter de soulager la victime en châtiant le coupable tient plus de la vengeance que de la justice. Cette dérive est a bannir. Souvenez vous de cette affaire a Pau, où un fou avait décapité deux infirmières. Personne n'a jamais contesté, ni la réalité du crime ni la réalité de la folie. D'ailleurs cela se passait dans un hôpital psychiatrique. (il me semble que le maître avait fait un article dessus)

Il était en principe irresponsable. On l'a quand même jugé, pour "aider les familles à faire leur deuil." Le jugement a fini par conclure qu'il était irresponsable. Les familles ont répondu qu'il "aurait aussi fallu le condamné, pour aider le mécanisme de deuil". Et probablement qu'ils auraient aimé une peine plus lourde que celle donnée si la justice avait suivie.

Parce que les victimes ne cherchent qu'a se venger, même si c'est humain, la justice doit continuer de ne se préoccuper que de l'accusé. Si on égorgeait ma fille, après lui avoir fait subir les pires outrages, je n'aurais de cesse que de tenir l'assassin entre mes mains pour qu'il paye. Il serait juste que la justice calme le jeu et empêche de telle dérive.

Et puis, quand un juré vois une salle remplie de personnes en deuil, il doit aussi en tenir un peu compte non? Je pense qu'il n'y a pas besoin de plus.

11. Le mardi 23 septembre 2008 à 10:23 par v_atekor

C'est exactement ça, à ce léger détail près qu'aucun meurtre n'est jamais le même, dans ses ressorts ou dans ses protagonistes.
Le contraire serait plutôt amusant.

Encore vous? Mais c'est la seconde fois que vous le tuez ce Monsieur .... Lazare, c'est bien ça?

12. Le mardi 23 septembre 2008 à 11:01 par Hervé_02

Bonjour,

en réponse à Louane au numéro 1.

Je sais qu'il est difficile de 'réfléchir' sereinement sur l'acte lorsque l'on imagine les victimes meurtries dans leurs chairs. J'imagine combien il est doit être difficile d'exercer son métier dans des circonstances ou le pathos est fort, ou l'affect est exacerbé par un parallélisme que l'on peut facilement faire avec sa femme, ses enfants, son cousin, sa voisine. Dès lors, on peut avoir tendance à superposer la situation et être moins 'impartial', moins 'juste' que l'on devrait être.

J'ai pour cela 2 petits exemples qui peuvent être pris pour ce qu'ils sont, juste des exemples.

scène 1

Alors que vous roulez normalement un 'connard/pétasse' vous double comme une bombe et se rabat juste sur votre capot. Vous devez freiner en catastrophe. Quel chauffard... Mérite pas de conduire blablabla permis pochette surprise blabla les flics jamais là ou il faut blabla ...

Maintenant vous vous apercevez que c'est votre collègue que vous appréciez et cela devient moins grave tout de suite.
C'est un papa qui a appris que sa femme accouche et ne veut pas manquer cela. Bon ok
c'est une maman en retard à la sortie de l'école et son enfant pannique seul sur le trottoir. C'est vrai.
C'est un ivrogne chauffard multi-récédiviste terroriste pédophile. Que les foudres conjuguées de R.D. et de N.S le calcinent dans un feu éternelle.

Même acte, situations différentes, même risques pour soi et les autres, regards différents.

Scène 2

Votre dernier est odieux à table, il ne mange pas, sème le dawa, énerve tout le monde et met en péril la tranquillité d'un dîner paisible. Après avoir tenté par les moyens à votre disposition de le ramener dans la droite ligne d'une société juste et sereine sans succès, vous l'envoyez se coucher sans manger, malgré ses pleurs et ses suppliques, malgré ses regrets. Lorsque le jugement est tombé il doit devenir exécutoire, jugement de proximité, pas d'appel possible. Le petit bout de choux monte, tel un condamné à l'echafaud et votre coeur se serre à l'idée qu'il puisse avoir faim cette nuit et mal dormir. Vous êtes presque puni plus que lui. Pourtant il fallait bien faire cesser ce trouble à l'ordre public (même si vous êtes un peu responsable et que vous n'avez pas su préparer une soirée calme en lui faisant extérioriser son énergie.)

Un acte, une punition, et c'est vous qui êtes le plus touché. Et si c'était l'enfant des voisins invités ce soir là (vous savez ceux qui ont des enfants si mal élevés, c'est pareil ? vous êtes aussi affecté ?

Pourquoi ces 2 exemples : tout simplement parce que les relations humaines (que ce soit social ou juridique) ne pourront jamais (je devrais dire : ne devrons jamais) se résumer à des formules mathématiques ou des jugements déséquilibrés. Peut être que le violeur après une période de 'décompensation' va être affectivement fini, peut être que la fille a été un peu trop avenante et qu'il ne pouvait pas gérer ce qu'il à pris comme un appel et a 'pété' un câble. Peut être aussi que c'est un pervers qui prend plaisir à faire souffrir ses victimes. Oui il faut penser aux victimes, mais il ne faut pas agir pour elles.
Rien ne pourra jamais annuler l'acte, rien ne pourra faire revenir avant. Il faut maintenant vivre avec, malheureusement. La vengeance n'est pas un met sucré et agréable, mais bien une boisson amère. La société devrait plutôt chercher des moyens pour diminuer la population des gens qui passent à l'acte avant que l'irréparable ne soit fait.

Je remercie sincèrement que ce ne soit pas à moi de juger. Car si cela devait arriver à un de mes proches je n'aurais pas la capacité de faire la part des choses et j'aurais une envie maladive de faire mal, très mal. Même si je ne pense pas que cela soit 'bien' et que cela ne n'apporterais pas forcement repos et satisfaction.

13. Le mardi 23 septembre 2008 à 11:02 par Kerri

tient, dans le reportage d'hier, j'ai entendu une chose qui m'a, je dois le dire, un peu surpris: dans la deuxième affaire, l'avocate de la défense a déclarée qu'elle voulait récuser les personnes jeunes parce que, selon elle, "les jeunes sont plus intolérants".
Est-ce une chose que vous avez vous même vérifiez dans vos expériences professionnelles? et est-ce une pratique répandue dans les cours d'assise que l'avocat de la défense récuse les plus jeunes?

Eolas:
Chacun sa méthode. Je suis réticent à récuser les jeunes, l'ayant moi-même été il n'y a pas si longtemps pour me souvenir encore de mon état d'esprit. C'est de l'instinct, du délit de faciès.


Dadouche :
Je n'ai jamais remarqué d'intolérance particulière chez les jurés les plus jeunes. J'ai en revanche toujours eu l'impression (je ne sais pas si elle serait statistiquement vérifiée) qu'ils étaient sous représentés dans les listes de jurés. Peut-être sont-ils moins inscrits sur les listes électorales ?

14. Le mardi 23 septembre 2008 à 11:16 par Minghella


Questions : qu'en est-il de la déresponsabilisation pénale aujourd'hui qui semble de moins en moins "utilisée", et qu'en est-il de la place de l'expert "psy", de son influence ? S'agit-il d'un juge-bis dont le pouvoir est grand ?

D'ailleurs, comment se fait-il qu'il y ait des experts psychologues et des experts psychiatres ? Y-a-t-il une différence, issue de leur différence de formation (médicale pour les seconds) ?

Dans le reportage d'hier, j'ai été très surprise par le caractère totalement "fou" du dernier accusé. Relèverait-il de la déresponsabilisation pénale ?

Et puis enfin, je crois que le CPP parle d'atténuation du discernement. Comment cette notion est-elle mise en pratique ?

Eolas:
L'expert n'est pas un juge bis, mais face à lui, les juges sont des mékéskidis. Il est influent, un peu comme un blogueur. Les experts psychologues ne sont pas médecins, et font une enquête de personnalité. L'expert psychiatre cherche des pathologies mentales pouvant révéler une dangerosité particulière ou au contraire abolir le discernement. Dans le cas de Benjamin Copel, l'expertise a exclu toute pathologie mentale. L'absence de compassion n'étant pas en soi une pathologie mentale.

15. Le mardi 23 septembre 2008 à 12:17 par bob

c'est 12 ou 15 jurés en Appel ???? Douze selon moi

Eolas:
Première instance : 9 jurés + 3 magistrats = 12 voix. En appel : 12 jurés et 3 magistrats = 15 voix. Les magistrats prennent part au vote.

16. Le mardi 23 septembre 2008 à 12:28 par raven-hs

@ bob : c'est bien 12 jurés en appel mais il faut y ajouter le président et ses 2 assesseurs, ce qui fait en tout 15.

17. Le mardi 23 septembre 2008 à 12:42 par mourkose ne

oui c'est bizarre cette formulation de 8 sur 12 et 10 sur 15 mais il ne s'agit pas des jurés mais de la formation de jugement. Une petite précision pour les keskidi pourrait être utile (car moi aussi cela m'a interloqué sur le moment et j'ai la prétention de croire que je ne suis plus un keskidi)

18. Le mardi 23 septembre 2008 à 12:56 par mourkos

Parler du prix de l'homme est un peu rétrograde, cela renvoie à la Wergeld celte, un point de vue très privatiste de la justice pénale. A mon avis, la peine a trois fonctions : faire souffrir autant que nécessaire pour satisfaire la société, protéger la société en écartant le délinquant et éventuellement prévoir la réinsertion du délinquant. Je me rappelle d'une audience d'un jeune majeur arrêté pour consommation et détention de stupéfiant. C'était un jeune dépressif, arrêté pour la première fois, dont le père venait de mourir qui repassait le bac et qui les larmes aux yeux reconnaissaient sa connerie en demandant des TIGs auprès d'une association, qu'il avait déjà trouvé. Le tribunal l'a condamné à une amende de 1000€ (un truc comme ça) alors qu'il n'avait pas une tune. Joli travail de personnalisation.
deuxième affaire : une bande de jeunes ont volé une voiture, l'on conduite toute la nuit et ont forcé un barrage de police (on ne sait pas trop comment) avant d'engloutir la voiture dans un pylone. Pause : ils sont dehors et discute de leur affaire avec une connaissance déconcertante de la procédure pénale : " au pire on va prendre 5 mois ferme et avec le juge d'application des peines, on en fera pas plus de deux..."
Ils ont eu moins, pour dire qu'ils ont eu vraiment la sensation d'être punis...

Eolas:
Le wergeld était germanique. Les celtes parlaient d'ericfine.
Votre condamné qui n'a pas une tune, sa drogue, il l'achetait avec un crédit CETELEM ?
Enfin, vos experts de la procédure pénale n'y connaissent rien. Ils en parlent doctement pour jouer aux caïds, et ça peut impressionner les béotiens en la matière.

19. Le mardi 23 septembre 2008 à 13:25 par Véronique

" On ne sait sans doute toujours pas "combien ça vaut", mais j'espère qu'on comprend un peu mieux comment on calcule."

Oui, à vous lire on comprend mieux.

Mais.

"Jeannot R. est condamné pour tentative d'assassinat sur son épouse, séquestration et violences avec arme contre les gendarmes à 10 ans de réclusion (15 ans requis) "

Le commentaire en off du journaliste à l'issue du procès a précisé que la peine couvre la durée de la détention préventive (4 ans) de ce monsieur.

Comment est débattue dans un délibéré la question des remises de peine ?

Eolas:
Elle n'est pas débattue, elle relève de la compétence du juge d'application des peines. Ici, on a 10 ans, 120 mois. Crédit de réduction de peine : 3 mois pour la première année, deux mois pour les suivantes, soit 21 mois. Restent 99 mois. Mi-peine à 49 mois et demi, soit quatre ans et un mois. S'il a fait quatre ans de détention provisoire, il doit être recevable à demander la libération conditionnelle, sans même solliciter des réductions de peine complémentaire. Il a dû sortir dans les six mois de sa condamnation, s'il a un projet de sortie cohérent (il a déjà encore sa maison).


Dadouche :
Si la question n'est pas débattue ouvertement, elle est en tout cas très souvent posée soit en délibéré soit pendant la petite formation dispensée aux jurés le premier jour de la session. Certains jurés attaquent directement sur le thème "combien il faut prononcer si on veut qu'il fasse tant ?".
En réalité, la question ne se pose pas en ces termes. Si les crédits de réduction de peine sont automatiques, ils peuvent être retirés en cas de mauvais comportement. Les mesures d'aménagement de peine ne sont en principe octroyées que sur des gages sérieux de réinsertion, particulièrement pour des peines criminelles.
Quand une peine est prononcée, rien ne peut assurer qu'il y aura ou pas un aménagement in fine. Et je rappelle que l'aménagement ne fait pas disparaître la peine, mais est un mode d'exécution de la peine autre que l'incarcération. La libération conditionnelle peut même faire "durer la peine" plus longtemps, puisque le délai d'épreuve peut être plus long que la peine restant à subir.
Je pense qu'il est important, quand on prononce une peine, d'avoir à l'esprit les possibilités d'aménagement parce que cela laisse un espoir au condamné, mais surtout parce que nous en pouvons pas croire qu'aucune rédemption n'est possible.
en revanche, tenir compte des aménagements possibles dans la détermination de la peine pour en éviter les effets revient à nier cette possibilité de rédemption. si on en est là, autant prononcer le maximum pour tout le monde tout de suite.

20. Le mardi 23 septembre 2008 à 13:41 par Tache d'Huile

Comment se fait-il qu'ii ait fallu autant de temps pour audiencer des affaires relativement simples devant cette Cour (4 ans pour la première affaire et 6 ans pour la deuxième)?

Eolas:
Ces affaires ont été instruite à Compiègne, petit TGI à un seul juge d'instruction, dont le poste n'a pas été pourvu pendant des années ; c'est donc des intérimaires, si j'ose dire, qui ont occupé ce poste.


Dadouche :
et parce que les cours d'assises sont surencombrées depuis l'instauration de l'appel criminel. La durée plus longue pour le deuxième dossier s'explique très vraisemblablement par le fait que l'accusé était sous contrôle judiciaire : on fait passer en priorité les dossiers où les accusés sont détenus, parce qu'il y a un délai butoir à compter de l'ordonnance de mise en accusation.

21. Le mardi 23 septembre 2008 à 14:22 par Augustissime

J'ai regardé la partie du documentaire relative à David A. La peine ne m'a pas vraiment surpris, je trouve même plutôt positif que le parricide, qui est le symbole même du crime passionnel, ne soit plus vu comme le comble de l'horreur.

Ce qui m'a sidéré en revanche c'est d'apprendre que l'accusé sortait libre parce que sa condamnation était couverte par la détention préventive. Ce type a fait plus d'un an et demi de préventive ! On se demande bien pourquoi, puisque d'après ce que nous montre le reportage, aucun des motifs prévus par la loi ne semble s'appliquer. A croire que la détention provisoire est un réflexe dans la magistrature.

Le pire dans cette affaire, c'est que les jurés pensant bien faire prononcent une peine de prison ferme légèrement inférieure à la détention effectuée. Pourquoi être plus tendre, puisque la peine est faite ? C'est une manière de condamner à bon compte. La détention provisoire apparaît du coup comme justifiée dans les statistiques.

Il y a fort à parier que si l'accusé n'avait fait que 13 mois de préventive, le tribunal n'aurait prononcé qu'un an de prison ferme. La vraie sanction dans cette affaire échappe au jury populaire.


Dadouche :
Qu'est-ce qui est le plus important en l'espèce : que la peine ferme soit de 18 mois ou 2 ans, ou qu'il ne retourne pas en détention ? Car c'était bien ça la vraie décision du jury et de la cour dans ce dossier.
Et la cour d'assises, s'il n'avait pas été incarcéré un seul jour, aurait-elle pris une décision intégralement assortie du sursis ?
Je suis pour une limitation au maximum de la détention provisoire et je trouve qu'elle est encore utilisée dans des situations où un contrôle judiciaire suffirait. La plupart des mis en examen que j'ai renvoyés en cour d'assises y ont comparu libres et une part non négligeable sans un seul jour de détention. Cela dit, la multiplication des cas où les accusés ont comparu libres a posé des cas de conscience à certaines juridictions, prises dans une alternative difficile : prononcer la peine qui leur paraissait juste au vu des faits et de la personnalité de l'accusé en le renvoyant en détention malgré une réelle insertion sociale, ou lui permettre de continuer sa vie en prononçant une peine qui ne leur paraissait objectivement pas à la hauteur du crime commis.
Je ne dis pas qu'on devrait revenir aux pratiques anciennes du mandat de dépôt automatique en cas de faits criminels, mais la modification (encore insuffisante mais, j'en reste persuadée, réelle) des pratiques en matière de détention a entraîné une modification de la réflexion sur la peine

22. Le mardi 23 septembre 2008 à 15:20 par Kerri

@augustissime: pas sur du tout que cette année et demi de détention provisoire ne soit pas justifiée:
n'oubliez pas: d'une part qu'il a tiré sur son père et l'a poursuivit.
d'autre part, que le père n'est pas mort sur le coup, mais plusieurs mois plus tard.
en outre les différents témoins de la scène étaient membres de la même famille, des lors, une détention provisoire pour éviter des pressions sur les témoins et la victime ne me semble pas totalement infondée (je ne suis toutefois pas juge d'instruction).
Il est vrai qu'être enfermé 18 mois sans jugement c'est long, d'autant que l'affaire aurait pu, du moins me semble t-il, être instruite relativement vite. Toutefois, je ne crois pas que le juge d'instruction et le JLD aient décidés de placer cette personne en détention juste parce que c'est un "vieux réflexe" pour eux

23. Le mardi 23 septembre 2008 à 15:33 par Augustissime

@Kerri
Bien sûr, sans le dossier on ne peut pas refaire l'histoire et les risques que vous évoquez existaient peut-être. Mais l'accusé n'étant semble-t-il pas un fou furieux menaçant, il est très difficile de croire qu'il n'y avait pas d'alternative à la détention (par exemple interdiction de revoir les victimes et témoins).

Je veux bien vous croire quand vous dites qu'il n'y a pas de "vieux réflexe", mais quand on lit dans la presse le compte-rendu de l'affaire Kerviel ou encore l'histoire des enfants corses qui ont tué un bébé avec une pierre, on a l'impression persistante que la détention provisoire est utilisée à tort et à travers. Impression que les statistiques n'infirment pas.

(et vous aurez remarqué que je n'ai même pas parlé d'Outreau)

24. Le mardi 23 septembre 2008 à 15:48 par Johnny

J'ai lu avec attention votre billet. Pour ma part, j'aurais abordé le problème en disant simplement que, ne pas savoir a priori combien "ça vaut" est le revers de la médaille de la personnalisation de la peine.

À partir du moment où le dogme est la personnalisation de la peine, c'est un biais enfoncé (actuellement très profondément) dans le principe de la légalité criminelle.

Et encore, vous étourdiriez vos lecteurs à leur dire qu'on ne traite là que de la différence entre la peine encourue et la peine prononcée. Mais quid de la peine exécutée? Combien "vaudra" le crime au final? On vient encore d'augmenter d'un an la période pendant laquelle le condamné est recevable à demander une libération conditionnelle (un an avant la fin de la peine, désormais deux ans), etc.

Bref, tout ça pour dire que je ne suis pas foncièrement contre la personnalisation de la peine, c'est tout l'objectif de réinsertion sociale qui se trouve caché derrière, certes. Mais il me semble aussi qu'à force de personnaliser on court le risque du sentiment d'arbitraire, si ce n'est de l'arbitraire tout court.

25. Le mardi 23 septembre 2008 à 15:54 par Kerri

@augustissime: les témoins si j'ai bien compris étaient: d'une part sa mère et ses soeurs, avec lesquels il vivait, et sa petite amie. Il me semble très difficile de l'empêcher de retourner chez lui pour ne pas qu'il les revoit.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas de détentions provisoires, notamment pour un motif de "trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public", qui, après coup, semble peut-être inappropriée, mais tout de même ce n'est pas parce que certains "abus" fort regrettables, et qu'il est normal de dénoncer, ont été constatés ici ou là, qu'on doit présumer que toute détention provisoire est forcément abusive.
En outre, je vous rappelle que les gardes fous (la création du jld, la possibilité de contester la décision de placement en détention devant la chambre de l'instruction,...) sont nombreux, et, s'ils peuvent faillir épisodiquement, empèchent à mon humble avis, que le placement en détention soit ordonné par "réflexe", la dessus je ne vous suivrais pas.

Contrairement à vous, je n'ai pas de statistiques sur le nombre de détentions provisoires ordonnées, leur durée,... Si vous aviez l'amabilité de me dire où je puis les trouver, je vous en remercierais.

26. Le mardi 23 septembre 2008 à 16:01 par Augustissime

@Kerri "les témoins si j'ai bien compris étaient: d'une part sa mère et ses soeurs, avec lesquels il vivait, et sa petite amie. Il me semble très difficile de l'empêcher de retourner chez lui pour ne pas qu'il les revoit."
Je suis certain que l'accusé aurait préfèrer aller habiter au camping plutôt que de moisir en prison.

"Contrairement à vous, je n'ai pas de statistiques sur le nombre de détentions provisoires ordonnées, leur durée,... Si vous aviez l'amabilité de me dire où je puis les trouver, je vous en remercierais."
Vous pouvez chercher l'annuaire de la justice sur Google, qui montre combien les prisons sont engorgées par les prévenus. Environ 90% des demandes de mise en détention sont validées par les JLD (la statistique n'est pas très facile à trouver), ce qui en fait des chambres d'enregistrement très contestées.

27. Le mardi 23 septembre 2008 à 16:04 par mourkos

"Votre condamné qui n'a pas une tune, sa drogue, il l'achetait avec un crédit CETELEM ?"
Il n'avait vraiment pas 1 000€ à lui et vu son usage de drogue, je pense que c'était sévère. Néanmoins, la question n'est pas là, c'est que la fonction de resocialisation de la peine, d'un gamin qui était scolarisé, pas trop mauvais résultat... a été nulle. Ce dont il avait besoin, c'était d'un psy et d'un peu d'attention.
quant aux caïds, bien sur qu'il ne connaisse rien de la procédure mais c'était pour souligner, d'une part qu'ils s'étaient des délinquants qui avaient déjà eu à faire avec la justice, et d'autre part, qu'ils se contrefoutaient complètement de ce qui allaient leur arriver. La prison pour eux, n'était même pas une punition et il se foutait du juge qui allait prononcer une peine qu'ils savaient qu'elle ne serait pas appliquée. De nouveau, la punition était inefficace.

28. Le mardi 23 septembre 2008 à 16:16 par Ferdi

@Augustissime

Vous me paraissez aller un peu vite en besogne dans vos suppositions. Sur quoi vous fondez-vous pour dire que les jurés (et magistrats) n'ont pas été "tendres" ?
Et si à l'origine ils voulaient condamner pour cinq ans dont trois ferme, et qu'ils s'étaient dit "ah, il a déjà fait 18 mois, il s'est amendé ... bon ça va, on ne va pas lui en mettre plus pour son moral" ?
(vous réalisez que même s'il avait été condamné à trois ans, il aurait pu être libre à la fin du procès de toutes manières grâce à la conditionnelle à mi-peine).

N'oubliez pas qu'ils ont quand même "donné" 5 ans de prison en tout. Ca a du leur faire un cas de conscience à mon avis de ne mettre QUE 1 an et demi de ferme.

A titre complémentaire, j'aurais bien aimé voir votre réaction si d'aventure un jury avait donné 5 ans de prison dont 4 ans et demi avec sursis (genre je te pique avec une aiguille, mais si tu recommences, c'est la mort par la torture et les neufs enfers) ... n'auriez-vous pas été le premier à monter au créneau pour fustiger une décision en dépit de toute logique ?

29. Le mardi 23 septembre 2008 à 16:26 par Ferdi

Dans le même ordre d'idées que le commentaire #8, je me demandait comment diable pouvait faire un avocat pour changer de discours au cas ou son client changeait de point de vue en cours de séance.
Je pense là à un des échanges entre Me Lafarge et son client où il dit en substance "ne vous inquiétez pas, si vous changez de version je m'adapterai".
N'est-ce pas au contraire catastrophique de changer de version en cours de "partie", que ça discrédite l'avocat et son client et que le jury lui en gardera un grief au cours du délibéré ?

Eolas:
Pas nécessairement. Si l'accusé abandonne une version catastrophique pour tout d'un coup éclater en sanglot, reconnaître les faits, et demander pardon à la victime avec des mots sincères, c'est noël pour l'avocat. Un peu moins si après avoir fait des aveux circonstanciés devant le juge d'instruction, l'accusé nie tout, crie au complot et dit qu'on l'a forcé.

30. Le mardi 23 septembre 2008 à 17:00 par Frédéric Bastiat

Sait-on pourquoi dans le dernier procès, alors que l'accusée était mineure au moment des faits, celle-ci n'a pas été jugée par une juridiction spéciale ou pour le moins à huis-clos ??

Eolas:
Je me suis posé la question, et n'ai pas trouvé de réponse.

31. Le mardi 23 septembre 2008 à 17:31 par procproc

Maitre Eolas cachant une batte de baseball derrière son dos se trouve a coté d'un troll assommé, portant une longue bosse sur le sommet du cuir chevelu. Un texte “Commentaire modéré par troll détector™” surplombe l'image.

32. Le mardi 23 septembre 2008 à 17:37 par Alex

"Snif, snif, snif ?
Mmmmhhhhh, grrrrrrrrrr..."

[Grognements, souffle rauque et fétide de Troll detector, ayant humé une proie aux alentours du commentaire n°31, et s'en approchant discrètement]

33. Le mardi 23 septembre 2008 à 18:00 par Augustissime

@Ferdi
"Sur quoi vous fondez-vous pour dire que les jurés (et magistrats) n'ont pas été "tendres" ?"

Je ne dis pas qu'ils ont été durs, au contraire. En revanche :
1 - Je trouve très étonnant le placement en détention préventive pour cet accusé.
2 - Je suspecte le jury d'avoir tenu compte de la durée de cette dernière pour fixer la peine de prison ferme. Je pense même que cela doit se faire assez souvent : si le juré X demande 1 an et que Y demande 2 ans de prison ferme, Y doit assez vite dire à X : "arrête de nous embêter, il a déjà fait 2 ans, qu'est-ce ça peut faire"

Maintenant, vous pouvez répéter que je n'ai pas de preuves de ce que j'avance, vous avez raison. Mais je trouverais intéressant qu'un magistrat donne son point de vue sur la question.

34. Le mardi 23 septembre 2008 à 18:12 par A.

Quelque chose qui m'a plus que surprise hier, c'est qu'un avocat qui n'a jamais plaidé aux assises, de surcroit spécialisé dans le droit commercial, se retrouve commis d'office dans les premiers des trois reportages.... la il y a vraiment qqchose qui m'échappe!

35. Le mardi 23 septembre 2008 à 18:44 par GD

@30 : un mineur de plus de 16 ans poursuivi pour crime est jugé par une cour d'assises des mineurs devant laquelle les débats ont lieu normalement avec une publicité restreinte.

Cependant l'accusé mineur peut accepter la levée de cette publicité restreinte et l'audience devient dès lors publique. Je pense que c'est ce qui a dû se passer dans ce cas.

36. Le mardi 23 septembre 2008 à 19:20 par Atreyuh

@ Augustissime

"Ce qui m'a sidéré en revanche c'est d'apprendre que l'accusé sortait libre parce que sa condamnation était couverte par la détention préventive. Ce type a fait plus d'un an et demi de préventive ! On se demande bien pourquoi, puisque d'après ce que nous montre le reportage, aucun des motifs prévus par la loi ne semble s'appliquer. A croire que la détention provisoire est un réflexe dans la magistrature."

Heureusement que vous êtes là pour nous le dire!
Pensez-vous qu'un jour l'institution judiciaire risque de voir ce "réflexe" se retourner contre elle, genre grande affaire où des accusés font 4 ans de détention provisoire, suicide en prison, opinion publique émue?
En tout cas merci pour votre clairvoyance...

37. Le mardi 23 septembre 2008 à 19:25 par Véronique

" elle (la question de la remise de peines) relève de la compétence du juge d'application des peines. " (réponse d'Eolas à mon post 19, dont je le remercie)

« A la majorité de 8 voix au moins, la Cour et le jury réunis condamnent X à la peine de....10 ans ».

Que peut signifier pour X " la Cour et le jury condamnent X à la peine
de 10 ans " ?

Sachant qu'il peut espérer une libération dans les 6 mois suivant le verdict, et sachant que les 4 années effectives de détention ont été accomplies dans le cadre de sa détention provisoire ?

De quelle façon, pour ce monsieur, le mot peine et le chiffre 10 ans seront-ils intelligibles et cohérents ?


Dadouche :
Vous qui connaissez le sens des mots, la différence entre "peut espérer" et "obtiendra" ne vous aura sans doute pas échappée.

38. Le mardi 23 septembre 2008 à 20:40 par mussipont

@Véronique : effectivement on peut imaginer que ces 10 ans ne veulent plus dire grand chose pour cet homme et le problème vient des 4 ans de détention provisoire, durée complètement aberrante surtout pour une affaire relativement "simple". Il y a vraiment quelque chose qui cloche dans cette justice. Le sens de la peine en prend un sacré coup.


Dadouche :
Je suis d'accord avec vous, c'est sans doute cette affaire qui m'a le plus surprise, tant sur la détention provisoire que sur la peine requise. Mais je n'ai connaissance que de ce qui est livré dans le documentaire (et dans l'article de Florence Aubenas). Comme celle-ci l'indique, il y a (et je le regrette) fort à parier que les circonstances de l'interpellation, la durée de l'instruction liée aux vacances de poste, le côté "Casper le Fantôme" de l'avocat initialement désigné aient pesé sur la détention provisoire. Peut-être aussi la proximité géographique de la victime, qui a fait craindre qu'une interdiction d'entrer en contact dans le cadre d'un contrôle judiciaire serait insuffisante.

39. Le mardi 23 septembre 2008 à 21:07 par Augustissime

@mussipont
Effectivement dans ce cas le procès d'assises devient un grand barnum bien coûteux alors que la vraie sanction s'est décidée en quelques dizaines de minutes bien loin du jury populaire.


Dadouche :
Chère Mémé, vous êtes sûre que vous n'avez jamais été juré d'assises ? Parce que vous m'en rappelez furieusement un qui avait su convaincre ses confrères d'un jour de renvoyer en détention pour six mois un gamin de 20 ans qui en avait déjà purgé 18, juste pour le principe de ne pas avoir à faire dépendre sa décision de celle de magistrats professionnels qui l'avaient précédemment remis en liberté en application de la loi. C'est la seule fois où je suis sortie écœurée des assises, convaincue que nous avions prononcé une peine profondément injuste.
Vous avez dit control freak ?

@Ayrethu
Vous avez perçu une prise de conscience dans la magistrature, vous ? Relisez les billets et commentaires de ce blog, il y a quelques perles sur le thème : quand le législateur se trompe, c'est la faute du gouvernement, quand le magistrat se trompe, c'est aussi la faute du gouvernement et s'il se trompe vraiment beaucoup, c'est la faute de l'opinion publique.

Tout au plus les professionnels concèdent-ils que l'affaire d'Outreau pose des questions, interpelle... mais il est plus facile de critiquer la presse insatiable ou la loi sur la détention provisoire, même si elle est plutôt bien faite, que de remettre en cause les pratiques actuelles en la matière. Comme dirait un ex-magistrat célèbre, ça leur en a touché l'une sans remuer l'autre.

Eolas:
Chère mémé à moustache, comme c'est l'heure de ton clystère, on va s'offrir des vacances, disons une quinzaine de jours. Au revoir.

40. Le mardi 23 septembre 2008 à 21:54 par Joel

Merci a Gascogne pour ce billet qui repond a beaucoup de mes questions, et a celles
d'autres lecteurs.


Dadouche :
Faites tourner la molette pour remonter tout en haut de la page. Lisez à voix haute.
Vous avez trouvé ?

41. Le mardi 23 septembre 2008 à 22:05 par Alex

@Augustissime:
"Comme dirait un ex-magistrat célèbre, ça leur en a touché l'une sans remuer l'autre."

C'est sans doute en raison de ces pratiques et du fait que la détention provisoire serait un réflexe que le nombre de placements judiciaires ab initio concerne désormais 40% des mis en examen, contre 20% en 1997 et 13% en 1982...
source: commission nationale de la détention provisoire


Dadouche :
Il n'est sans doute pas inutile de pondérer ces chiffres par quelques explications : les saisines des juges d'instruction ne cessent de diminuer, particulièrement depuis le développement des modes de jugements rapide (comparution immédiate, comparution sur procès verbal avec placement sous contrôle judiciaire) et des convocations par officier de police judiciaire décidées dans le cadre du traitement en temps réel. Il y a vingt ans, un cabinet d'instruction se composait de beaucoup de petites affaires qui nécessitaient peu d'investigation et au plus un contrôle judiciaire, et qui sont désormais jugées par ces voies. Ce qui reste aujourd'hui, ce sont les crimes, les trafics de stups, les escroqueries multiples, les infractions en bande organisée etc... Bref, des dossiers dans lesquels la probabilité d'avoir besoin de recourir à la détention provisoire pour protéger l'enquête est bien plus élevée que pour les filouteries d'aliment.

42. Le mardi 23 septembre 2008 à 22:37 par mussipont

@Augustissime : je ne discutais pas de l'opportunité du placement en détention provisoire de cet homme, je ne possède pas les éléments pour juger si cette mesure était justifiée. C'est la durée excessive de 4 ans qui me navre, profondément.

43. Le mardi 23 septembre 2008 à 22:45 par styves

Juste deux remarques, comme ça en passant :
- la totale inadéquation du terme de "perpétuité" dont seul l'impact justifie encore son usage.
- un recours systématique à la détention provisoire et pour des durées peu justifiables, qui doit soulever bien des questions au regard des droits et libertés fondamentaux

44. Le mardi 23 septembre 2008 à 22:48 par Fiéffégreffier

@ Augustissime
"Je veux bien vous croire quand vous dites qu'il n'y a pas de "vieux réflexe", mais quand on lit dans la presse le compte-rendu de l'affaire Kerviel ou encore l'histoire des enfants corses qui ont tué un bébé avec une pierre, on a l'impression persistante que la détention provisoire est utilisée à tort et à travers"

"Vieux réflexe"... Mauvais exemple que celui de Jérôme Kerviel puisque le juge d'instruction n'a pas saisi le JLD et l'a placé sous contrôle judiciaire. Le parquet a fait appel de cette décision et c'est la chambre de l'instruction (audience collégiale : 3 magistrats) qui a ordonné la mise en détention provisoire de Jérôme Kerviel.

45. Le mardi 23 septembre 2008 à 22:49 par mussipont

@Alex : j'ai du mal à comprendre les chiffres que vous donnez car le nombre de prévenus incarcérés est plutôt stable depuis 1982, entre 15 et 20000 au 1er janvier de chaque année. (source "Prison et récidive", Annie Kensey, ed Armand colin).

46. Le mardi 23 septembre 2008 à 23:23 par Augustissime

@Fiéffégreffier
Les juges d'instruction n'ont pas le monopole des mauvais réflexes.

Dans cette affaire, malgré un juge d'instruction courageux, on a argué de collusions possibles avec un complice pour mettre en prison celui qui reste un innocent présumé. Si l'on en croit la presse, plusieurs mois après les faits la police n'a toujours pas établi l'existence du dit complice, à quoi a servi cet emprisonnement ?

A posteriori, trouvez-vous justifiée cette détention provisoire ?

47. Le mercredi 24 septembre 2008 à 00:15 par Augustisime

@Alex
Plutôt que de prendre dans le rapport le chiffre qui vous arrange, développez une vraie analyse, qui explique la fréquence constante des mandats de dépôt demandés depuis 20 ans, ou les 91,5% de mandats de dépôt délivrés après débat contradictoire.

48. Le mercredi 24 septembre 2008 à 00:41 par Joel

@ Dadouche sous 40

Desoe, j'etais distrait :-)

49. Le mercredi 24 septembre 2008 à 06:59 par dura lex sed lex

Il y a un problème de mise en page des commentaires, je crois. Ils sont tous en colonnes de plus en plus restreintes.(prière d'effacer ce commentaire par la suite)

50. Le mercredi 24 septembre 2008 à 08:58 par Alex

@46, Augustissime:
je vous renvoie au commentaire de Dadouche sous mon commentaire sur les mandats de dépôt ab initio. Le parquet ne saisit plus le juge d'instruction que pour du "lourd" désormais: homicides volontaires, trafics de stupéfiants, violences sexuelles, bref du criminel (là où l'intervention du JI est obligatoire), les délits empruntant d'autres voies.
Bref, si on mettait une mémé à moustaches dans un fauteuil de JLD, il y a fort à parier que son taux de mandat de dépôt ne descendrait guère en dessous de 90%...
Vous pourriez par ailleurs faire preuve de l'honnêteté que vous semblez exiger de moi, en précisant que le taux de 91,5% de mandats de dépôt que vous évoquez concerne les seuls débats JLD "ab initio", alors que le taux de mandats de dépôt délivrés après un débat différé (la colonne de droite du tableau dans lequel vous n'avez voulu lire qu'un chiffre...) a chuté de 90% environ il y a 15 ans à 60% en 2005.
60/40, si ça n'est pas un débat ouvert, que vous faut il...

51. Le mercredi 24 septembre 2008 à 10:25 par Ferdi

@Dadouche

Il ne manquerait pas par hasard une balise fermante à la fin de vos commentaires ? :)

52. Le mercredi 24 septembre 2008 à 11:30 par Lucas Clermont

Chacun conserve sa part d'irrationnel pour proposer un quantum de la peine mais naturellement cette part est moindre pour les magistrats professionnels : les cas vus à l'ENM, l'expérience établissent une échelle. En revanche pour les jurés, combien de logiques différentes amènent à la formation du chiffre ! Je suis surpris que les greffiers parviennent à prévoir plus ou moins le résultat des délibérations.


L'autre aspect qui glace dans cet exercice au doigt mouillé, c'est que 9 ou 10 ans de réclusion — deux durées assez proches — ce n'est pas pareil : 1 an de plus emprisonné (ou même seulement quelques mois avec les réductions) cela fait une sacré différence. Et pourtant on imagine mal qu'on puisse faire autrement que approximativement pour évaluer la peine, sauf à se satisfaire des peines automatiques. Ou alors... est-ce que les jurés apportent quelque chose ?


53. Le mercredi 24 septembre 2008 à 11:53 par Lily

Bonjour,

Je voudrais "agrémenter" cet article et le débat qui s'en suit d'un témoignage, qui je l'espère, éclairera quelque peu ce qui croient pouvoir penser à la place des victimes ou s'interrogent sur le "prix de la souffrance".
Je ne prétends pas moi-même pouvoir me mettre à la place des autres, mais je tiens à réagir depuis la mienne à des affirmations telles que "parce que les victimes ne cherchent qu'a se venger".

J'espère que ce témoignage ne sera pas jugé hors sujet dans la mesure où il ne se réfère pas au meurtre mais au viol. Je ne souhaite nullement entrer dans les détails mais me dois d'en dire trois mots afin que mon commentaire ait un sens. Dix années d'inceste commis par mon père (de la petite enfance au début de l'adolescence) suivies de dix autres par mon frère. Perversité la plus abjecte du premier, la plus tragique du second. Je ne tiens pas à récolter la commisération de qui que ce soit, cette dernière est pour moi une humiliation.

Toute victime que j'ai pu être, je ne conçois pas la justice comme un instrument destiné à assouvir un quelconque désir de vengeance. Si j'éprouve toujours de la haine, je sais que celle-ci me lie encore à eux et je travaille donc à m'en libérer. Ainsi, une justice qui condamnerait dans un esprit de vengeance me porterait préjudice. La seule chose qui compte pour moi (ie qui peut contribuer à ma réparation) serait la pleine reconnaissance des atteintes subies, par la société, via la justice. Celle-ci reposerait sur la reconnaissance de la culpabilité de mes agresseurs par la prise en compte des faits commis, ce dans toute leur gravité. La peine qui en découlerait ne m'importe pas. Elle me concernerait si l'un de ses objectifs était d'amener le criminel à s'amender auprès de sa victime. Mais force est de constater que ce sens a été perdu et que la condamnation ne se comprend qu'en terme de bénéfices collectifs. Je le déplore mais c'est ainsi. Partant de là, elle ne me concerne pas en tant que victime mais seulement en tant que citoyenne.

La question du "prix de la souffrance" est un brin plus pertinente dans le cadre des dommages et intérêts. Mais il ne s'agit pas là de compensation en euros de sévices subis dans la chair. Car si l'on part par là, cela reviendrait à dire que la victime est payée voire récompensée pour ce qu'elle a enduré. Ce qui donnerait a posteriori un mauvais goût de prostitution aux viols subis.
A mon sens, les dommages et intérêts ne sont là que pour rembourser les pertes financières et manques à gagner que le préjudice a entraîné. Sans doute cherchent-ils également à pallier un relatif manque d'équité engendré par la perte de sens que j'évoquais plus haut.

Cordialement.

54. Le mercredi 24 septembre 2008 à 12:58 par Véronique

@ Dadouche

Oui. C'est bien parce que je suis attachée au sens des mots que j'ai utilisé " peut espérer ".

Sachant que j'aurais pu écrire:

Peut très raisonnablement espérer une libération..., peut projeter une libération..., peut compter sur une libération..., peut obtenir une libération... obtiendra sa libération, sauf événement très exceptionnel, dans le trimestre qui suit le verdict.

De la part d'une Cour et d'un jury confondre une condamnation avec une durée de détention provisoire me paraît tout autant absurde - au sens absence de sens - que lorsque un de vos jurés:

" avait su convaincre ses confrères d'un jour de renvoyer en détention pour six mois un gamin de 20 ans qui en avait déjà purgé 18, juste pour le principe de ne pas avoir à faire dépendre sa décision de celle de magistrats professionnels qui l'avaient précédemment remis en liberté en application de la loi. " (Dadouche à Augustissime - post 39 )

Si pour la Cour et le jury, la décision de la peine de 4 ans était un moyen de réaliser une sorte d'opération blanche, cette peine m'apparaît également tout aussi injuste.

Par ailleurs, d'un point de vue personnel, avec la réserve évidente que je ne fonde mon appréciation du verdict qu'en fonction de ce que le documentaire montrait de cette affaire, cette peine m'apparaît plutôt trop clémente.

Mais ce n'est pas pour cette raison que, dans notre discussion, ce verdict me dérange. Ce qui ne me convient c'est la l'équivalence et la confusion établies par la Cour et le jury entre détention provisoire et condamnation.

55. Le mercredi 24 septembre 2008 à 13:05 par mussipont

@Lily : merci pour cet éclairage rare.

56. Le mercredi 24 septembre 2008 à 13:39 par Lulu

"Plutôt que de prendre dans le rapport le chiffre qui vous arrange, développez une vraie analyse, qui explique la fréquence constante des mandats de dépôt demandés depuis 20 ans, ou les 91,5% de mandats de dépôt délivrés après débat contradictoire."

Evidemment, Augustissime, si vous partez du principe que les magistrats du siège ou du parquet ne songent qu'à embastiller tout ce qui bouge...


Sur les mandats de dépôt délivrés par le juge d'instruction: j'ai déjà eu l'occasion de le dire sous d'autres billets. Si le JLD suit souvent les demandes du Juge d'instruction en matière de détention provisoire, et bien... c'est parce que ces demandes sont justifiées.

Et si le Juge d'instruction suit souvent les réquisitions du ministère public et saisit le JLD, et bien... c'est parce que les demandes du ministère public en la matière sont justifiées.

L'instruction ne représente qu'une toute petite partie du contentieux pénal. Et pour ma part, je suis saisie bien plus souvent de réquisitions de placement sous contrôle judiciaire que de placement en détention provisoire.

57. Le mercredi 24 septembre 2008 à 14:46 par GreG

Pour en revenir au commentaire de Tache d'Huile en #20 qui évoque le nombre d'années au bout desquelles les audiences ont enfin lieu, que se passe t-il si l'accusé vient à décédé avant ? Le jugement se fait-il exactement dans les mêmes conditions ? Hormis bien sûr l'absence du principal intéressé.

58. Le mercredi 24 septembre 2008 à 15:07 par Ferdi

@ Greg (#55)
Non, l'action pénale s'éteint pour faute de participants.
En France, on ne juge ni les animaux, ni les morts ni les fous (pour l'instant ...).
L'action civile subsiste par contre il me semble, mais je n'en suis pas bien sur ... ni de qui mettrait la main au portefeuille en ce cas.

59. Le mercredi 24 septembre 2008 à 15:32 par GreG

Merci Ferdi, on ne juge pas les morts donc mais les jugements par contumace permettent bien de juger les absents. En posant cette question je me mets surtout à la place des familles des victimes qui attendent ce jugement pour connaître toute la vérité et ainsi faire leur deuil. Est-ce une frustration pour les juge de ne pouvoir mener à son terme une telle procédure ? Ou est-ce qu'au contraire cela les arrange quelque part ? compte tenu de leur surcharge de travail, leurs manques de moyens ou de personnels, et bien sûr des coûts engendrés.

60. Le mercredi 24 septembre 2008 à 16:19 par Ferdi

@Greg (#56)
A mon humble avis, qui sait réellement ce qui s'est passé à part le coupable ? et s'il est mort, il risque d'avoir bien du mal à apprendre la vérité à la famille de la victime.
... outre la parodie de procès et l'impression de farce, je doute que ça leur laisse autre chose qu'un sentiment de frustration de savoir qu'il aurait été condamné même à la perpétuité.

Je pense que là se trouve la différence avec un procès par contumace. On peut garder un espoir que justice sera faite un jour, que nul n'échappe à la loi, etc ...

Par rapport au juge, je ne peux dire, mais ça doit être plutôt frustrant de devoir jeter à la poubelle un dossier dans lequel on a placé 4 ans d'efforts (je pense au JI bien sûr).
Dire que ça les arrange, et ce surtout pour des motifs économiques, c'est un peu pousser Augustissime dans les orties ...

(Sincèrement désolé, elle était facile)

61. Le mercredi 24 septembre 2008 à 16:28 par Bernard

Selon mes informations, le prénom du journaliste au Monde serait Pascale et non Pascal...

62. Le mercredi 24 septembre 2008 à 17:27 par gf

@59-60 : la contumace, ça n'existe plus depuis quelques années ; on parle désormais de défaut criminel.

63. Le mercredi 24 septembre 2008 à 17:43 par GreG

@ Ferdi : Chaque cas est unique bien sûr mais lorsqu'il ne reste plus que les audiences permettant d'établir un verdict on peut on déduire que toutes les pièces du puzzle ont été étudiées. Il s'agit donc de confronter toutes ces pièces (preuves, reconstitutions, expertises, voire contre-expertises, témoignages, etc...) qui comme vous l'avez dit peuvent représenter plusieurs années de travail, et je n'y verrais donc pas "une parodie de procès" ou bien encore moins farce.
La justice Française semble estimer qu'il ne sert plus à rien de prononcer une peine qui ne pourra jamais être appliquée, soit, mais qu'en est-il si le dossier révèle que l'accusé est innocent et qu'il aurait donc pu bénéficier d'une relaxe, d'un acquittement ou d'un non-lieu (je ne connais pas la différence entre eux) ? Je veux dire qu'à défaut de faire prononcer un jugement par des jurés et des magistrats, est-ce qu'au moins la famille de la victime mais aussi celle de l'accusé sont informées, soit par je juge ou par leur avocat, des dernières conclusions de l'affaire ?

64. Le jeudi 25 septembre 2008 à 01:41 par Marcel

J'ai quand-même un peu l'impression parfois que les magistrats de ce blog défendent leur corporation en dépit de la bonne foi. Ainsi donc, les détentions provisoires seraient rares selon Lulu, qu'on en juge : La loi dispose que " La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire".
L'unique moyen ! Ce n'est pas moi qui le dit, c'est la loi. La détention provisoire, c'est quand vraiment, mais vraiment, on ne peut pas faire autrement. Alors on se dit que bon, elle doit être ordonnée dans une petite minorité de cas hein.
Malheureusement, les chiffres sont tout différent : avec 33% des détenus en préventive, on comprend que la détention provisoire est loin d'être une exception. Avec entre 40 et 50% des mis en examen placés sous mandat de dépot, je me demande à qui on essaye de faire croire que la détention provisoire demeure aujourd'hui "l'exception quand on ne peut vraiment plus faire autrement".
Car si Lulu prétend que les demandes de détention provisoire sont "justifiées", il faudrait déjà s'entendre sur ce qu'est une demande justifiée : selon la loi, une demande n'est justifiée que quand vraiment, vraiment, aucune autre solution n'est possible. Est-ce toujours le cas ? Evidemment pas. Les lecteurs de cet espace ont rappelé plusieurs affaires sensibles (et pas seulement Outreau), mais le débat est plus large : dans quels cas, concrètement, la détention provisoire est le "seul moyen de mettre fin au trouble à l'ordre public" ? C'est à la libre appréciation des magistrats : pas étonnant qu'ils trouvent ces appréciations justifiée ! C'est un peu comme si je devais me fixer mon propre salaire et qu'on me demandait ensuite si mon salaire est justifié ou pas... je ne vais évidemment pas dire le contraire.
La réalité, c'est qu'à chaque fois, je dis bien à chaque fois, que la détention provisoire pouvait, d'une manière ou d'une autre, être évitée, elle aurait dû l'être. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est la loi. Qui peut prétendre qu'elle l'a été à chaque fois ? Ce n'est pas pour rien qu'il a fallu encadrer le recours au joker "ordre public", ce qui a fortement déplu au magistrat Jean de Maillard : il permettait d'appliquer une véritable pré-peine, et l'utilisation de la détention provisoire comme pré-peine, elle est difficile à nier. Le problème, c'est que du coup, de Maillard montant au créneau se trahit, en écrivant : "toutes ces infractions ne sont plus considérées comme assez graves pour justifier la détention provisoire."

Vous avez bien lu : une détention provisoire justifiée, pour un magistrat, c'est une détention provisoire donnée à quelqu'un accusé d'un acte grave. Et point final. A quoi sert le procès, dans ces circonstances, puisque la gravité et l'actualité de l'acte sont déjà décidés dans le bureau du JLD, et qu'ils justifient de toute façon la prison ? Mais c'est vrai que ça permet d'affirmer qu'une détention provisoire est toujours justifiée : il suffit de dire que l'acte est très grave.

Sincèrement, et puisqu'il y a plusieurs avocats sur ce blog, je vous demande si vous confirmez l'affirmation de Lulu : est-ce que tous vos clients sont toujours placé en détention provisoire uniquement parce que c'était "l'unique solution", et non pas parce que c'était la solution privilégiée à un instant T par les magistrats ?

Parce que, somme toute, c'est ce que dit la loi : toute détention provisoire qui peut être évitée DOIT être évitée. Les avocats confirment-ils que c'est systématiquement le cas ?

Mais l'abus de détention provisoire, ce n'est pas seulement l'abus dans le nombre, c'est aussi l'abus dans la durée : elle est en augmentation constante, comme le dénonce la Commission de Suivi de la Détention provisoire. Pire : la durée moyenne explose les délais "normaux". En matière délictuelle par exemple, la détention provisoire, censée être exceptionnelle, ne peut excéder douze mois. Bien-sûr, on peut la renouveler de 6 mois, mais c'est censé être l'exception. Bien-sûr, on peut le renouveler d'encore 6 mois supplémentaire, mais c'est une exception supplémentaire. Pour un total de 2 ans dans les cas les plus exceptionnels des cas les plus exceptionnels. Mais ça ne s'arrête pas là puisque cette limite de 2 ans peut subire exceptionnellement un dépassement... Bon là on a bien compris, c'est tellement exceptionnel que ça ne doit arriver qu'une fois tous les 10 ans, dans des cas vraiment rarissimes. Avec une telle exceptionnalité, on s'attend logiquement à un pourcentage infime, on se dit que vraiment, pas plus de 5% des mises en examen pour crime ne dépassent les 1 an de détention provisoire. Et pas plus d'un demi-pourcent ne dépasse les 2 ans.

Or, quelle est la durée moyenne de détention provisoire pour crime ? En 2005, je vous le donne en mille : elle était de 25,7 mois ! Plus que les deux ans fatidiques et déjà censés être rarissimissimes !

Mais tout va très bien Madame la Marquise. Et puis après tout, ce n'est pas comme si la Cour Européenne des Droits de l'Homme était obligée de taper régulièrement du poing sur la table concernant les abus de détention provisoire par la France, à la suite de décisions de nos magistrats...

Tout va très bien madame la marquise, vous dis-je...

PS: Désolé pour le ton un peu virulent du message, mais je suis las d'entendre que tous ceux qui défendent une baisse de l'utilisation de la détention provisoire sont ignorants ou malhonnêtes.

65. Le jeudi 25 septembre 2008 à 04:50 par Zotto

"David A. est condamné pour le meurtre de son père à 5 ans d'emprisonnement dont 3 ans et demi assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve (6 ans requis)"
J'en reviens à cette décision avec une candide question :
Le sursis mise à l'épreuve ne vaut que pour l'acte d'homicide et non celui de paricide ?
Car en l'espèce il me semble, au vu des résultats de la première tentative que la récidive soit impossible.

66. Le jeudi 25 septembre 2008 à 05:34 par Androm

15 ans ? 12 ans ? perpète

Mais "dénoncer" Pascal Robert-Diard au lieu de Pascale Robert-Diard, et l'on va tout droit à l'erreur judiciaire.

67. Le jeudi 25 septembre 2008 à 09:34 par Lulu

Cher Marcel,

Dans quelques minutes, j'interroge un mis en examen (libre); je vous répondrai donc de manière plus détaillée un peu plus tard.

Mais bon sang, de 40 à 50% des mis en examen sous mandat de dépôt? Où êtes-vous allé chercher ces chiffres qui sont exagérés et complètement erronés?

68. Le jeudi 25 septembre 2008 à 10:21 par Lily

@ mussipont
Merci. Si j'ai pu contribuer à éclairer une personne, je suis contente.

69. Le jeudi 25 septembre 2008 à 11:43 par Gascogne

@ Marcel : avant de vous énerver, prenez un Lexomil, et quelques conseils de lecture. Ne vous arrêtez pas au seul article 137 du CPP pour affirmer péremptoirement que les magistrats corporatistes ont la libre appréciation des critères de détention. Lisez aussi l'article 144 et vous devriez y découvrir des choses pas inintéressantes.
Deuxième conseil : essayez de distinguer les différents types de détention provisoire avant de nous balancer Outreau à la figure : le mis en examen sous mandat de dépôt n'est pas dans la même situation que le prévenu en attente de jugement, qui peut lui même se trouver sous un mandat de dépôt de quelques jours dans le cadre d'une comparution immédiate, ou détenu provisoire comme ayant fait appel d'une décision de condamnation en première instance, ou encore comme s'étant pourvu en cassation après condamnation en appel. Tout ce petit monde est en détention provisoire, mais vous conviendrez je n'en doute pas puisqu'aucun soupçon de corporatisme ne peut vous toucher que les situations sont bien différentes, et que vos chiffres à la louche ne les reflètent pas.
Désolé pour le ton un peu virulent, mais je suis las d'entendre que les magistrats font tout pour embastiller leurs concitoyens de la manière la plus irresponsable qui soit. Donnez leur les méthodes pour deviner l'avenir des justiciables qu'ils ont en face d'eux (s'enfuira, s'enfuira pas ? Recommencera ou pas ?..), donnez leur les moyens de juger dans des délais décents, et vous verrez le nombre de détention provisoire diminuer. Mieux, demander à votre député de supprimer la détention provisoire dont notre pays a si honte. La CEP en avait la possibilité, mais bizarrement, personne n'a proposé cette solution.

70. Le jeudi 25 septembre 2008 à 18:35 par tschok

@ Gascogne,

Oh! Vous n'avez pas honte?

La liberté ne se monnaye pas: subordonner la baisse des détentions provisoires à une augmentation des moyens (donc du budget de la justice) revient à en faire le commerce.

D'ailleurs la liberté sous caution en dérive.

Vous y croyez vraiment vous?

(je prends mon lexomil, ne vous fatiguez pas à répondre)

(au fait je n'en ai jamais pris, ça se prend comment? faut mettre de l'eau?)

Eolas:
Non, c'est des suppositoires.

71. Le jeudi 25 septembre 2008 à 19:18 par Marcel

@Lulu : J'ai beaucoup de défauts, sans doute, mais je ne donne jamais de chiffres au hasard. Aussi, c'est un plaisir pour moi de répondre à votre question : Rapport 2007 de la Commission de Suivi de la Détention Provisoire, pages 31 et 32.
" Au-delà des épisodes conjoncturels et des difficultés de calcul, il semble bien que la fréquence des mandats de dépôt par rapport aux personnes mises en examen
oscille sur le long terme autour de 40 % (graphique 8) et donc que la baisse du
nombre absolu est très largement le résultat de la décroissance du nombre d’affaires
passant par les cabinets des juges d’instruction."

Le graphique montre que ces 25 dernières années, seules les années 92-93-94 présentent un taux inférieur à 40%.


@Gascogne : Qu'il y aie divers cas de détention provisoire ne change rien à un fait très simple : Chaque fois que la détention provisoire peut être évitée, elle DOIT être évitée. Parce qu'elle est par essence injuste. C'est un mal nécessaire, mais un mal, à réduire au minimum indispensable. L'idée n'est pas nouveau, elle est inscrite dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 qui fait partie intégrante de notre constitution : "Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi."
TOUTE rigueur qui ne serait pas NÉCESSAIRE doit non-seulement être évitée, mais réprimée.

Alors, j'entend bien que le juge des libertés n'est pas Madame Soleil : je comprend sans problème qu'il aie des cas de consciences dans lesquels il ne sait pas, honnêtement, si l'individu une fois dehors se tiendra correctement. Et bien que le doute soit censé bénéficier à l'accusé, a fortiori un présumé innocent, je conçois fort bien que dans certains cas, on veuille jouer d'un certain "principe de précaution", parce qu'on a en face de soi un individu visiblement effrayant, dangereux, et dont on ne sait rien du comportement qu'il adopterait sous contrôle judiciaire. OK ok, pas de problème avec ça.

Mais puisque vous justifiez la détention provisoire ainsi, la magistrature est-elle prête à renoncer, définitivement, sans demi-mesure, sans exceptions qui deviennent la règle, dans toutes les affaires et pour toujours, au privilège de pouvoir justifier, même en partie, une détention provisoire par le fait que "les actes commis sont très graves" et/ou "portent atteinte à l'ordre public" ?

Commençons par là, si vous ne vous sentez pas l'envie de prendre le risque qu'un type parte en cavale : commençons par arrêter d'incarcérer les gens (souvent des mômes de 18 ou 20 ans d'ailleurs) qui ont une situation, un logement, un travail ou des études, une famille, et qui ne sont ostensiblement pas des Emile Louis, sous prétexte que "l'acte commis est très grave", qu'il "porte atteinte à l'ordre public".
On pourra continuer, aussi, en demandant aux magistrats de justifier - sérieusement - de leurs craintes, parce que la soi-disante peur de la cavale à l'autre bout du monde pour des mômes de 18 ans sans le sou et tentant de suivre des études pour avoir une situation, juste parce qu'ils sont accusés d'un délit et qu'ils ont des chances raisonnable de se prendre 2 mois ferme et 2 ans de SME (ce qui est un peu juste, niveau risque, pour tout quitter sans laisser d'adresse), ça ne tient juste pas debout. Et pourtant je l'ai vu.

Je ne demande pas l'abolition de la détention provisoire : c'est un mal nécessaire. Je ne demande pas aux magistrats d'avoir le don de voyance : je comprend bien évidemment que le JLD n'est pas omniscient et ne peut juger qu'à partir des pièces dont il dispose à l'instant T de sa décision.

Je vais même vous dire mieux : je ne considère même pas qu'une décision de détention provisoire soit injustifiée "dès lors que le prévenu a finalement été acquitté" : c'est la pire chose qui puisse arriver à un innocent que d'être incarcéré, c'est un malheur monstrueux que celui là, et pourtant je veux bien comprendre qu'il y aie des fois où on ne pouvait pas faire autrement, parce que le risque était vraiment trop gros.

Par contre, je réaffirme qu'il faut mettre fin à tous les excès. Et qu'est un excès toute détention provisoire qui n'apparaissait pas - au regard des éléments dont on dispose - strictement, rigoureusement indispensable au moment de sa décision. Et j'affirme enfin que la gravité supposée d'un acte non encore jugé ne fait pas partie des critères qui permettent de décider que la détention est indispensable : ça, c'est le rôle du procès.

Est-ce vraiment trop demander ? Ou bien s'agit-il de dire qu'il n'y a jamais de détentions provisoires qui ont été décidées alors qu'elles n'étaient pas strictement indispensables ?

72. Le jeudi 25 septembre 2008 à 22:14 par Lulu

Quant aux chiffres, dont acte, Marcel. J’avoue néanmoins ma perplexité puisque mon “propre taux de placement en détention provisoire” depuis le 1er janvier 2008, atteint à peine les 29%, alors même que j’ai explosé mes stats à cause d’un dossier de braquages et d’un dossier de stupéfiants.

Et fixez-vous un taux en-dessous duquel vous considéreriez le nombre de mandats de dépôts comme raisonnable? 10%, 20%? Je sais que je vais vous énerver mais j’avoue ne pas très bien comprendre l’importance que vous attachez à ce chiffre, qui à mon sens, ne signifie pas grand chose en soi: ben oui, en matière de détention provisoire, il faut voir les dossiers... Ainsi, un chiffre de 10% me paraîtrait abusif s’il s’appliquait à un cabinet d’instruction fait de dossiers de banales escroqueries et de dossiers en limite de prescription.

Dadouche a souligné, à juste titre, que depuis quelques années le parquet saisit de moins en moins le juge d’instruction (en cause sans doute les bureaux d’enquête du parquet) et que lorsqu’il le saisit, c’est parce qu’il est obligé de le faire, pour des dossiers objectivement plus graves et plus complexes que la moyenne: en matière de trafic de stupéfiants, par exemple, s’il y a un moyen de tirer le fil et de remonter la filière, difficile de ne pas recourir au juge d’instruction. Et dans ces dossiers plus graves et plus complexes, il y a plus de chances (ou de risques) de recours à la détention provisoire.

Tout comme Gascogne, je suis lasse d’entendre l’antienne sur les magistrats qui ne songent qu’à embastiller (antienne qui il est vrai, nous change de celle qui consiste à dire que l’on envoie pas assez au trou). Comme lui, je peux vous assurer que nous recourons à la détention provisoire lorsqu’elle nous paraît indispensable. Mais je ne suis pas persuadée que vous ayez très envie de nous croire...

“Commençons par là, si vous ne vous sentez pas l'envie de prendre le risque qu'un type parte en cavale : commençons par arrêter d'incarcérer les gens (souvent des mômes de 18 ou 20 ans d'ailleurs) qui ont une situation, un logement, un travail ou des études, une famille, et qui ne sont ostensiblement pas des Emile Louis, sous prétexte que "l'acte commis est très grave", qu'il "porte atteinte à l'ordre public"”.

Bon, apparemment, vous avez le critère du trouble à l’ordre public dans le nez. Je rappellerai au préalable qu’il a été maintenu par le législateur après l’affaire dite d’Outreau, en tout cas pour les affaires criminelles. Nos parlementaires ont donc estimé qu’il avait son utilité. Mais je ne m’abriterai pas derrière le législateur, que j’adore vilipender par ailleurs quand il touche au CPP... Pour ma part, j’estime que le trouble à l’ordre public est un motif justifié de placement en DP.

Ben oui, désolée Marcel, mais pour moi un viol ou un meurtre, c’est un événement qui trouble gravement l’ordre public et qui justifie une incarcération. Et quand j’évoque l’ordre public, je ne parle pas du tohu-bohu médiatique. Quand je mets en examen un homme qui reconnaît des viols répétés sur des gamins de son entourage, je conçois mal de le mettre en liberté au motif qu’il n’y a pas de critères de DP autres que le trouble à l’OP (il existe certes souvent le risque de renouvellement des faits, qu’il m’apparaît indispensable d’évaluer au moyen d’une ou des expertises psychiatriques). Quand je mets un examen un homme qui a trucidé sa femme qui avait l’outrecuidance de vouloir le quitter, je n’hésite pas à demander la DP principalement au nom du trouble à l’ordre public (parce que là, franchement, le critère de renouvellement des faits...).

Et d’ailleurs, je crois que mes mis en examen ne comprendraient pas très bien pourquoi je les mettrais dehors. Une pensée au passage pour ce mis en examen qui il y a quelques années, tua son épouse, appela les gendarmes en leur expliquant la situation et en leur demandant de venir très vite et alla s’asseoir dans le salon avec son petit sac plein d’affaires pour la maison d’arrêt, parce qu’il ne concevait pas de dormir ailleurs le soir même...

Je regrette même que le législateur n’ait pas maintenu le trouble à l’OP pour les délits punis de dix ans d’emprisonnement comme les stups. Car je considère qu’un quidam qui fait fortune en vendant sa marchandise de mort cause un trouble à l’ordre public. Mais bon, le législateur en a décidé autrement donc bien évidemment, je respecte le nouveau texte.

En tout cas, souffrez Marcel, que tout le monde n’ait pas la même appréciation que vous de ce qui rend une détention provisoire indispensable.

“Or, quelle est la durée moyenne de détention provisoire pour crime ? En 2005, je vous le donne en mille : elle était de 25,7 mois ! Plus que les deux ans fatidiques et déjà censés être rarissimes !”

Vous touchez là à un autre problème, différent à mon avis, de celui des mandats de dépôt: celui de la durée des détentions provisoires. Mais il n’y a pas de mystère: experts débordés, cours d’assises surchargées (1 an quasiment dans mon ressort pour juger les détenus aux Assises). Que l’on nous donne des moyens supplémentaires et la situation ne pourra que s’améliorer.

Un point qu’il me paraît important de relever: si ces détenus au criminel estiment, à juste titre, qu’ils attendent trop longtemps avant de comparaître devant les Assises, le plus souvent ils ne présentent aucune demande de mise en liberté. Et leurs avocats non plus. Parce que lorsque les faits sont reconnus et qu’ils anticipent une peine importante, mis en examen et avocats estiment préférable, à juste titre à mon avis, de purger la détention d’un seul tenant.

D’où la demande récente d’un de mes mis en examen, en fin d’information, de ne “surtout pas le mettre en liberté provisoire” avant sa mise en accausation aux Assises (sic). Pour purger la peine d’un seul coup. Et pour éviter une deuxième fois le choc de l’incarcération.



73. Le vendredi 26 septembre 2008 à 11:59 par Marcel

J'aurais une seule question à vous poser, Lulu, concernant le trouble à l'ordre public : Si vous avez déjà décidé, quelques heures après l'ouverture de l'instruction, quels étaient les faits, et qu'ils méritaient X jours/mois/années de prison : à quoi bon poursuivre l'instruction et faire un procès ? Visiblement vous avez déjà décidé des faits et de la peine. Alors pourquoi diable faire un procès ? Pour y rajouter l'amende ? Pour décider qu'un acte est grave, il faut déjà décidé qu'il a eu lieu : c'est le rôle de l'instruction et du procès, ou alors il faut supprimer la possibilité de non-lieu et d'acquittement. Décider à quel point un acte est grave, et s'il mérite de la prison (et combien de temps), c'est encore une fois le rôle du procès, et le travail demandé aux jurés. Si vous avez déjà pris la décision (forcément bonne), à quoi bon poursuivre dans la procédure ?
Vous me parlez d'hommes qui ont violé plusieurs enfants de leur entourage... voilà pourtant typiquement le genre d'affaires où il arrive qu'au cours de l'instruction, voire à l'issue d'un médiatique procès dans des cas exceptionnels mais pas passés inaperçus, on se rende compte qu'on s'est planté. Il y a quelques années notamment, on s'est aperçu que certaines mères en instance de divorce avaient trouvé le bon filon en accusant le père des pires crimes sur leurs enfants : combien de ces pères ont dormis en prison pour trouble à l'ordre public ? N'était-ce pas au procès qui suit l'instruction de décider si oui ou non ces hommes devaient dormir en prison ?

Sincèrement, je dois dire que je suis un peu surpris de lire que le juge d'instruction et le JDL seraient donc à même de déclarer un individu coupable et d'affirmer que les circonstances et la personnalité du prévenus font qu'il mérite d'aller en prison, avant même que l'instruction aie réellement commencé.

J'en reviens à ce petit bout de notre Histoire et de notre Constitution, pour lequel nos ancêtres se sont battus :
"Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi."
[Préambule à la Constitution Française, Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, Article 9]

74. Le vendredi 26 septembre 2008 à 13:26 par Véronique

@ Lulu

" Parce que lorsque les faits sont reconnus et qu’ils anticipent une peine importante, mis en examen et avocats estiment préférable, à juste titre à mon avis, de purger la détention d’un seul tenant.
D’où la demande récente d’un de mes mis en examen, en fin d’information, de ne “surtout pas le mettre en liberté provisoire” avant sa mise en accusation aux Assises (sic). Pour purger la peine d’un seul coup. Et pour éviter une deuxième fois le choc de l’incarcération. " (post 72)

Je dois dire que cet argument que vous avancez m'apparaît de prime abord important et intéressant à prendre en considération.

Mais il n'empêche que cette position exprimée par le mis en examen et l'avocat puis, semble-t-il, validée par le juge d'instruction détourne, selon moi, l'objet d'une détention provisoire et celui d'un procès.

Cette position peut laisser penser et accréditer l'idée selon laquelle la peine est évaluée en dehors des débats du procès et du jury. Cette logique peut conduire à multiplier des condamnations du même type que celle du prévenu du documentaire condamné à 10 ans, mais qu'il faut comprendre comme condamné à 4 ans, durée de sa détention provisoire.

Est-ce tenable cette idée selon laquelle, pour des raisons psychologiques - éviter une deuxième fois le choc de l’incarcération - ou d'intendance - vacance d'un poste de JI pendant des années - que des mesures de détention provisoire se substituent à des peines de condamnation , et inversement ?

Par ailleurs, j'ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi une vacance de poste de JI est aussi longue . N'est-ce pas d'abord une question de gestion de ressources humaines ?

Si un poste comme celui de ce tribunal n'est pas pourvu, n'est-ce pas également en raison du fait qu'aucun magistrat du siège ne le demande lors des mutations ?

Par hypothèse:

Pourquoi, par exemple, maintenir des magistrats détachés dans des ministères ou dans des organisations institutionnelles diverses, alors que des postes opérationnels restent vacants ?

75. Le vendredi 26 septembre 2008 à 22:17 par Lulu

Véronique,


Mon propos n’était pas de dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes s’agissant de la détention provisoire. Et non, je ne trouve pas normal qu’un type attende deux ou trois ans l’audience de jugement, quand bien même il reconnaît les faits et peut s’attendre, à juste titre, à une lourde peine.

Seulement voilà: les magistrats, les avocats et les justiciables doivent faire avec le manque de moyens et les rôles d’audience engorgés. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les détenus développent des stratégies d’adaptation et fassent quelques calculs.

Mon mis en examen si désireux de rester derrière les barreaux est mis en cause pour des faits de moeurs (sur mineurs). Il reconnaît les faits, il les a toujours reconnus. L’enjeu des Assises pour lui, ce n’est pas la déclaration de culpabilité mais la peine. Son avocat lui a certainement dit à quoi s’attendre: une peine oscillant entre 8 ans (hypothèse optimiste) et 12-13 ans. C’est à peu près le barème habituel de ma Cour d’Assises pour des faits similaires (et à mon sens, le barème de toutes les Cours d’Assises).

Quant ce mis en examen sera jugé, il aura déjà passé deux ans derrière les barreaux. Dans son esprit, c’est toujours ça de fait. Et ainsi que je l’ai déjà indiqué, il évite de subir le choc de l’incarcération une deuxième fois. Enfin, je suppose qu’un détenu dans sa situation estime, à juste titre d’ailleurs, qu’il aurait bien du mal à se réinsérer pour quelques mois, dans l’attente de la comparution devant la juridiction de jugement. Trouver un emploi ce n’est déjà pas simple, alors imaginez la tête de l’employeur auquel vous annoncez que vous sortez de prison et que dans quelques mois, vous y retournerez probablement...

Cela ne signifie pas, contrairement à ce que vous écrivez, que la peine est évaluée en dehors des débats du procès et du jury. Simplement avec un peu d’expérience, compte tenu de la nature des faits et de la personnalité de l’accusé, un magistrat ou un avocat peut estimer la peine qui sera prononcée (comme la fourchette indiquée plus haut pour les affaires de moeurs).
Quant à la vacance de certains postes de magistrats, rappelons que dans la magistrature, on ne va quelque part que si on le demande (hors sanctions disciplinaires bien sûr). Et force est de constater que les cours d’appel d’Amiens et de Douai n’attirent pas les foules. D’où les bataillons de magistrats qui y sont affectés en sortie d’école puisque les auditeurs de justice sont la seule variable d’ajustement à la disposition de la chancellerie (navrée pour les auditeurs qui me lisent mais c’est un peu vrai).

Quant aux détachements, c’est un autre problème. Il y en a beaucoup, car les magistrats souhaitent de plus en plus aller voir ailleurs quelques temps, compte tenu du stress et du manque de moyens endémique qui touche l’institution. D’ailleurs suite à la fameuse affaire dite d’Outreau, le législateur avait souhaité, me semble-t-il, encourager ces détachements, histoire que les magistrats “aillent un peu se frotter à la vie”.

De toute façon, on ne résoudra pas les problèmes de vacances de postes dans les cours d’appel délaissées en empêchant les détachements. Car les candidats au détachement ne se rabattront pas forcément sur les postes desdites cours d’appel...

Marcel,

Merci de me rappeler les grands textes, au cas où je n’en aurais jamais entendu parler.

J’avoue ne pas très bien comprendre pourquoi vous focalisez à ce point sur le critère de trouble à l’ordre public.

Car regardez les choses en face: c’est la détention provisoire en son ensemble qui porte atteinte à la présomption d’innocence.

Oh certes, c’est une atteinte socialement acceptée, la détention provisoire étant prévue dans tous les systèmes judiciaires démocratiques et validée par la CEDH, mais une atteinte à la présomption d’innocence quand même.

Tenez, si le JLD vise le critère: “-prévenir le renouvellement des faits”; c’est qu’il part du principe que l’intéressé a commis les faits pour lesquels il est mis en examen...

S’il vise le critère: “-conserver les preuves ou indices matériels”; c’est qu’il part du principe que le mis en examen sait où se trouve l’arme du crime, quand bien même celui-ci protesterait de son innocence et affirmerait n’avoir jamais eu celle-ci entre les mains;

“-prévenir toute concertation avec les coauteurs ou complices”; etc...

Je continue?

Bref, je ne vois pas en quoi le critère du trouble à l’ordre public porte plus atteinte à la présomption d’innocence que les autres critères de placement en détention provisoire.

Quant à décider si des faits, à les supposer avérés, causent un trouble à l’ordre public, un indice: ils sont réprimés, et durement par le Code pénal. Car ce sont nécessairement des infractions criminelles.

Quoiqu’il en soit et ainsi que le maître des lieux a déjà eu l’occasion de l’exposer, l’importance des charges a un rôle décisif dans le placement, ou non, en détention provisoire. Si on anticipe d’ors et déjà un non-lieu, on ne place pas en détention provisoire.

Et c’est souvent le cas dans les affaires de moeurs; quand le dossier se résume selon la formule traditionnelle “à la parole de l’un contre la parole de l’autre”, il y a rarement, sinon jamais placement en détention. Cela vaut bien sûr pour les affaires que vous évoquez car croyez-bien Marcel, que lorsqu’un enfant se met soudainement à accuser son père des pires sévices en plein milieu d’une procédure de divorce apocalyptique, tous les clignotants des magistrats du siège et du parquet sont au rouge...





76. Le samedi 27 septembre 2008 à 08:27 par Véronique

@ Lulu

Si j'ai mentionné votre commentaire, c'est bien parce que ce qui y était écrit m’apportait des éléments auxquels, spontanément, je n'aurais pas pensé.

" Quant ce mis en examen sera jugé, il aura déjà passé deux ans derrière les barreaux. Dans son esprit, c’est toujours ça de fait. Et ainsi que je l’ai déjà indiqué, il évite de subir le choc de l’incarcération une deuxième fois. Enfin, je suppose qu’un détenu dans sa situation estime, à juste titre d’ailleurs, qu’il aurait bien du mal à se réinsérer pour quelques mois, dans l’attente de la comparution devant la juridiction de jugement. "

Ce qui m'intéresse dans ce paragraphe, c'est l'idée que dans une décision - une remise en liberté avant le procès -, les réalités d'une situation particulière prennent le pas sur la pureté théorique des principes.

Si je devais comme vous devoir prendre une décision de cet ordre, je veux juste vous dire que les éléments que vous apportez, me parleraient et qu‘ils compteraient dans ma réflexion. Quand bien ces éléments se heurteraient, dans mon esprit, à des perfections théoriques, mais qui ne seraient que théoriques.

Quant aux postes vacants, du type juge d'instruction sur une période de 4 ans, j'ai tout de même de la difficulté à comprendre que ceux qui ont la responsabilité de gérer les mouvements de postes consentent à laisser les choses en l'état - vacance, remplacements "intérimaires" ou magistrats précoces - au seul prétexte que ces postes ne sont pas désirés au moment des mutations.

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