Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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[Journée d'action des magistrats administratifs] La vie d’une audience OQTF entre les mains d’un assistant de justice

Par AJT, Assistant de Justice


Les dossiers arrivent : 8 pour le président et 16 pour l’un des rapporteurs. Un autre rapporteur, troisième membre de la formation de jugement aura 16 dossiers à faire seul et alternera avec l’autre rapporteur pour bénéficier des services de l’assistant d’une audience à l’autre. Soit 24 dossiers à instruire en six semaines, ou plutôt en 90 heures puisque l’assistant de justice dit AJ est censé travailler 60 heures par semaines [Edit :] mois. Parmi ces dossiers, il y a quelques vieux refus de titre de séjour et une majorité d’obligations de quitter le territoire[1].



Ces dossiers sont des rescapés du tri. Le tri permet de rejeter par ordonnance sans contradiction et sans audience publique les dossiers contenant des irrecevabilités manifestes : par exemple lorsqu’il manque un exemplaire de la requête, que le délai de recours d’un mois est dépassé, lorsque la décision préalable fait défaut ou encore quand le requérant n’habite plus à l’adresse indiquée. Jusque là tout semble normal. Sauf que le rejet par ordonnance est aussi justifié pour défaut de motivation en droit et en fait de la requête (les étrangers malades et les « L. 313-14[2]. » notamment y passent…).



Certains dossiers devant être rejetés au tri sont parfois repêchés grâce à la bienveillance de l’assistant ou d’un agent en charge de rédiger l’ordonnance. Une fois repêché, ce dossier devient susceptible d’annulation[3] et cela arrive fréquemment[4].



Une fois sur le bureau : une oqtf = 3h. Pas le temps de se pencher sur un problème de droit épineux, encore moins d’aller chercher une délégation de signature[5]. Le droit des étrangers paraît alors très simple. Et oui on le sait bien c’est un contentieux facile pour les assistants novices, et dit très formateur mais quand même très barbant puisqu’il y en a beaucoup et que tous les dossiers vus grossièrement sont tous les mêmes ; on en oublie presque que des libertés fondamentales sont en jeu).



L’abattage est en route. Une fois la pile finie, arrive le jour de la clôture d’instruction. Ce jour-là le préfet ou ses avocats attributaires d’un marché public produisent un mémoire en défense pour certains dossiers et demandent parfois même des frais irrépétibles (qui aurait cru que le droit des étrangers, un droit soit disant bien moins technique que les marchés publics ou l’urbanisme, attirerait des gros cabinets… quand il y a de l’argent en jeu, le droit des étrangers devient alors intéressant)[6]. Et puisque le droit des étrangers c’est si facile, l’épaisseur des mémoires en témoigne.



Le projet de jugement est alors repris si le mémoire change le raisonnement et/ou la solution. Pour cette raison, afin d’anticiper et de ne pas se retrouver le jour de la clôture de l’instruction à faire des heures supplémentaires, l’assistant fait toujours un projet de rejet quand il propose une annulation car c’est plus long à faire et que au cas le mémoire change l’issue du litige… Surtout, un rejet est toujours plus facile à justifier qu’une annulation.



Une fois la pile finie, elle part chez le rapporteur chargé des dossiers afin qu’il jette un coup d’œil sur le travail de l’assistant et adapte le projet de jugement à sa manière. Puis les dossiers sont transmis au rapporteur public.



Puis arrive la séance d’instruction. (Moment très intéressant, puisque s’échangent les idées de chacun et un véritable débat se met en œuvre sur chaque dossier.) Cela dure environ une demi-journée. En général l’assistant a déjà fait quelques heures supplémentaires pour finir tous les dossiers, la séance d’instruction est alors faite à titre gracieux : l’assistant défend chacun de ses dossiers face à la formation de jugement Bien souvent même si la séance est un moment crucial et très intéressant, l’assistant a d’autres choses à gérer. Son travail au TA est accessoire à la vie qu’il a en dehors : préparation d’examen ou de concours, thèse par exemple. Il ne peut cependant y renoncer car il a instruit plus de la moitié de l’audience. Il devient alors essentiel dans la cuisine « étranger » interne du TA. Un AJ n’est pas magistrat et pourtant… Pour 8 euros net de l’heure, en CDD de deux ans, cela fait une justice bon marché, suffisante quand il s’agit d’étrangers.



Le rapporteur public dit ensuite s’il est d’accord ou non avec l’assistant. (Si le rapporteur public en matière d’OQTF vient à être supprimé, il n’y aura plus de débat contradictoire lors de cette séance et personne pour reprendre l’assistant qui aurait oublié de répondre à un moyen de droit ou qui n’aurait pas vu une pièce essentielle du dossier.).



A la fin de la séance, sauf quelques modifications, l’assistant est dessaisi des dossiers qui vont être passés à l’audience puis jugé en délibéré par la formation de jugement.



L’assistant attend sa prochaine pile.

Notes

[1] Une obligation de quitter le territoire (OQTF) est une décision administrative émanant du préfet qui refuse à un étranger un titre de séjour ou son renouvellement et le contraint à quitter le territoire, au besoin par la force. L'étranger a un mois pour exercer un recours qui doit être jugé dans un délai de trois mois, ce qui fait une pression supplémentaire sur les juges administratifs, alors que rien ne justifie un tel délai hormis le caprice du législateur.

[2] Article L. 313-14 du CESEDA : la carte de séjour délivrée à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Autant dire le domaine de l'arbitraire absolu de l'administration : tout recours contre un refus de carte "L. 313-14" est irrémédiablement voué à l'échec sauf intervention divine.

[3] Formulation jargonnante. Comprendre : ce dossier devient susceptible d'aboutir à une décision d'annulation par le tribunal de la décision attaquée.

[4] Comprendre : pour respecter le diktat des stats, on évacue en les rejetant par un jugement sommaire des requêtes qui étaient bien fondées. Voilà où en est votre justice, chers citoyens.

[5] Les OQTF sont très rarement signées par le préfet en personne (j''en ai vu une seule) mais par un chef de bureau ayant reçu délégation de signature. C'est une clause de style pour les avocats de contester cette délégation. Ça marche très rarement, mais ça a d'autres avantages procéduraux sans intérêt pour ce billet.

[6] En effet, le préfet est parfois représenté par un avocat. C'est le préfet qui décide s'il sous-traite le contentieux ou pas et selon quelle répartition.

Commentaires

1. Le jeudi 4 juin 2009 à 23:44 par François-Noël

De ce témoignage on déduit que le rapporteur public participe au délibéré.

2. Le jeudi 4 juin 2009 à 23:48 par AD

Et encore... Des fois, on vous colle un(e) magistrat-stagiaire (qui se vexe au début mais qui au bout d'une heure écoute parce que l'AJ/AD est là depuis 1an avec une formation en droit et que le magistrat a fait ScPo+ENA et ne comprend rien à tout ces machins...) ou un(e) stagiaire en DUT/licence pro qui posent des questions pour son rapport de stage

3. Le jeudi 4 juin 2009 à 23:49 par François-Noël

Au fait c'est nettement plus moral qu'un parquetier qui participe à un délibéré de couloir (voir Rue 89).

4. Le vendredi 5 juin 2009 à 00:02 par magistrat qui y croit encore

A François-Noël : non, il participe au pré-délibéré, ou séance d'instruction, qui a lieu quelques jours avant l'audience, et où son rôle est essentiel puisqu'il donne sa propre vision de chaque dossier, ce qui permet d'avoir un double regard sur ceux-ci. Mais il est indépendant de la "formation de jugement", constituée du président de chambre et des magistrats rapporteurs, qui est seule à délibérer après l'audience.

AJT : Un conseil : si vous êtes déjà aussi blasé et que vous trouvez le contentieux aussi "barbant", surtout ne passez pas le concours de conseiller ! D'abord vous périrez d'ennui, et surtout il est difficile de faire correctement son métier quand on estime pratiquer une "justice d'abattage", comme vous dites élégamment. Mais il est vrai aussi que vous êtes mal tombé, et qu'il est parfaitement anormal de ne confier à des AJ, qui sont aussi là pour se former, qu'un seul type de contentieux. Quant à la possible suppression du rapporteur public en contentieux des étrangers, je ne crois pas qu'elle aurait pour conséquence de laisser les AJ "sans filet" : en principe, mais là encore dans une chambre qui fonctionne bien, c'est le rôle du président ou du rapporteur en charge des dossiers confiés aux AJ de superviser leur travail, et de vérifier que rien n'a été oublié. Bon courage quand même !

5. Le vendredi 5 juin 2009 à 00:03 par AD

@François-Noël : Non : il participe à la séance d'instruction... C'est comme le délibéré, mais AVANT l'audience...

6. Le vendredi 5 juin 2009 à 00:37 par Scif

C'est sûr que si c'était la CGT-Assistants de justice qui avait lancé un mouvement de grève reconductible (avec Sud-Stagiaires), çà aurait eu une autre gueule. Tous les présidents de France auraient blêmi en regardant leurs tableaux de stats, les indicateurs LOLF se seraient affolés, la juridiction administrative aurait tremblé sur ses bases, et on serait les rois du pétrole.

Enfin, on aurait eu une paie décente.

Combien de dossiers, il a dit, le prez' ?

7. Le vendredi 5 juin 2009 à 08:42 par Shad

J'ai l'impression, vu tous les billets qui en parlent, que les juridictions administratives sont bien pourvues en assistants de justice. Dans la juridiction où je travaille, on en a deux "qui se courent après" et qui ne sont au service que du président pour débroussailler juridiquement les référés.

@ François-Noël: j'ai lu ça aussi sur cette chambre de l'instruction, si c'est vrai, c'est odieux !

8. Le vendredi 5 juin 2009 à 09:17 par Scif

Un par chambre, à peu près ; on doit arriver à 200 ou 300 (pour 1000 conseillers de TA/CAA environ)

9. Le vendredi 5 juin 2009 à 10:03 par Babar

"'Moment très intéressant, puisque s’échangent les idées de chacun et un véritable débat se met en œuvre sur chaque dossier.'"

Il manque pas quelqu'un dans cette seance d'instruction? genre le demandeur? et puis il n'y a pas quelqu'un d'independant qui est en trop?

En tout cas un grand merci a tous les juges administratifs pour leurs temoignages, cela permet de mieux comprendre qu'on ne pourra jamais faire d amelioration de la juridicton administrative tant que les reformes du a des condamnations de la France a la CEDH sont contournes sans vergogne.

C'est vrai que demander la suppression du rapporteur public n'est pas suffisant.

J'ai un reve demandons que le gouvernement soit un defendeur comme un autre dans un proces civil et que le procureur disparaisse des proces civil..

Je me demandais encore si ma note en delibere avait ete lu..j'ai maintenant ma reponse...

Je vous laisse decouvrir comme les dossiers sont traites dans un pays democratique :

http://www.ait.gov.uk/

Oui oui "days" se traduit par jour et non par mois ;) "months" par mois et non par an ;)

Les recours contre les refus de titre de sejour en 1ere instance sont statues sous 4 semaines et sous 4 mois quand ce sont des refus de visa...

Sinon petit touche d'humour : Si un assistant de justice du TA de Paris a un probleme de salaire avec son tribunal, il attaque ou ? au TA de Paris ? ;)

10. Le vendredi 5 juin 2009 à 11:54 par Aidant

Et ce sont des vies de soi-disant sans-papiers alors qu'ils en trimballent des tonnes qui sont expédiées ainsi.

11. Le vendredi 5 juin 2009 à 12:56 par Stepposs

J'ai croisé pas mal d'AJ durant ma très courte carrière au sein des juridictions judiciaires et je retrouve dans ce billet ce dont j'ai été témoin un beau nombre de fois : des personnes efficaces consciencieuses, quasi ment exploitées et abattant un travail de qualité similaire à celui de magistrats de carrière... La justice administrative n'a rien à envier à son alter égo judiciaire, et inversement...

12. Le vendredi 5 juin 2009 à 13:19 par Granits Porphyroïdes

'' Le tri permet de rejeter par ordonnance sans contradiction et sans audience publique les dossiers contenant des irrecevabilités manifestes : par exemple lorsqu’il manque un exemplaire de la requête, que le délai de recours d’un mois est dépassé, lorsque la décision préalable fait défaut ou encore quand le requérant n’habite plus à l’adresse indiquée. Jusque là tout semble normal. ''

Ben non, pas tellement normal, car seules peuvent être rejetées les requêtes présentant une irrecevabilité manifeste et insusceptible d'être couverte en cours d'instance, ou alors il faut faire d'abord une demande de régularisation (exemplaire de la requête, production de la décision préalable).

''Une fois sur le bureau : une oqtf = 3h. Pas le temps de se pencher sur un problème de droit épineux, encore moins d’aller chercher une délégation de signature5. Le droit des étrangers paraît alors très simple. Et oui on le sait bien c’est un contentieux facile pour les assistants novices, et dit très formateur mais quand même très barbant puisqu’il y en a beaucoup et que tous les dossiers vus grossièrement sont tous les mêmes ; on en oublie presque que des libertés fondamentales sont en jeu). ''

Oui c'est barbant, mais des problèmes de droit épineux en OQTF, il ne s'en pose pas dans toutes les affaires, très loin de là. Et il s'en pose de moins en moins, pas mal de questions ayant déjà été réglées par le Conseil d'Etat. Hormis l'appréciation des faits (qui justifie que l'on ne laisse pas ces dossiers aux AJ, pratique qui n'a pas cours dans tous les TA), la seule difficulté récurrente est de bien identifier les moyens. Le nombre d'affaires par audience peut donner une impression d'abattage, mais il faut arrêter de dire que les OQTF ne font l'objet que d'un examen superficiel.

''Si le rapporteur public en matière d’OQTF vient à être supprimé, il n’y aura plus de débat contradictoire lors de cette séance et personne pour reprendre l’assistant qui aurait oublié de répondre à un moyen de droit ou qui n’aurait pas vu une pièce essentielle du dossier ''

Et le président, il ne révise pas chez vous? La suppression du RP en OQTF ferait perdre un regard nécessaire, mais il y aurait toujours un double regard.

13. Le vendredi 5 juin 2009 à 13:34 par Cat

À François-Noël en @3: De quel article parlez-vous SVP. Auriez-vous un lien ?

Merci,

Cat

14. Le vendredi 5 juin 2009 à 13:54 par combatsdh

@ Granit porphyroïdes (sans conclusions Blum) Je ne sais pas dans quelle juridiction vous êtes, peut-être dans un TA paradisiaque dans lequel la pression de la "norme" n'a pas encore cours, où les dossiers d'OQTF à traiter dans les 3 mois et alors qu'ils représentent 50% des dossiers n'existent pas, mais selon de nombreux témoignages de magistrats, d'assistants de justice ou d'avocats les pratiques décrites ici ont bien cours dans certains TA:

* sur le tri: il s'agit surtout de deux types de pratiques qui sont critiquées:

-d'une part les ordonnances du R.222-1, 7° dans sa rédaction issue du décret du 23 décembre 2006 : qui permet aux présidents de rejeter par ordonnance, sans contradictoire ni audience publique, des requêtes sur des motifs de fond et sans régularisation possible

"7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé."

Or, les avocats de l'ADDE témoignent que dans certains tribunaux de la région parisienne il y a une recrudescence inquiétante des ordonnances de "tri" non pas pour des motifs de formes, et après demande de régularisation (copie de la requête manquante, copie de la décision, etc.) mais sur des motifs de fond comme décrit ici par AJT.

L'ADDE a collecté plusieurs dossiers de rejet au tri par ordonnance sur le fondement du 7° qui ensuite ont fait l'objet d 'un appel et ont non seulement été annulées mais la décision de refus de titre de séjour assortie d'OQTF a, elle-aussi, été annulée.

Et là AJT décrit des cas où des AJ recevant instruction d'un président de rejeter par tri une requête OQTF réussit à "repêcher" le dossier et cela peut aboutir à une annulation dans certains cas (étrangers malades, régul motifs humanitaires, procédures prioritaires de demandeurs d'asile).

Or, que prévoit le projet actuellement proposé par le vice-président du Conseil d'Etat? D'instaurer un mécanisme de "tri" en CAA en contentieux des étrangers. La boucle est bouclée...

- d'autre part, il existe dans certains TA pour les vieux dossiers de refus de séjour, une technique non lieu "en l'état" "NPAI" qui n'est pas un motif prévu par le code. Schématiquement le TA écrit au requérant et si pas de réponse ("n'habite pas à l'adresse indiquée"), le dossier fait l'objet d'un non lieu en l'état.

__

  • sur l'absence de question épineuse en OQTF:__ c'est une aberration de dire cela (et je sais que ce discours est promu par le Conseil d 'Etat): ce n'est pas parce que un contentieux est massif et répétitif qu'il ne donne pas lieu à des problèmes juridiques complexes (expliquez moi simplement le régime transitoire des OQTF à la suite de la demi-douzaine d'avis du CE sur cette question. Je suis curieux de le comprendre cette construction sophistiquée et invraisemblable). Et, ce n'est pas parce qu'il ne donnerait lieu qu'à des interprétations de fait que ça ne mériterait pas le regard extérieur du rapporteur public. Bien au contraire, autant on peut facilement être d'accord sur un problème de droit, autant il est difficile d'apprécier des faits et c'est là que la contradiction est plus qu'ailleurs nécessaire.

Est tout aussi nécessaire de fournir des explications au requérant à l'audience sur cette appréciation des faits par la voix du rapporteur public - car les jugements sont trop sibyllins pour remplir utilement cette fonction.

Il n'est pas écrit que tous les dossiers d'étrangers font l'objet d'un examen superficiel mais que dans cette chaîne, si on supprime le RP, une garantie essentielle disparaît car la pression de la "norme" fait que certains rapporteurs ne peuvent revoir attentivement tous les dossiers et s'appuient sur le travail de l'AJ qui vient défendre ses dossiers en séances d'instruction comme des quasi-rapporteurs.

  • Sur la révision: selon les syndicats de magistrats (conférence à Nanterre le 3 juin), le Conseil d'Etat a reconnu que la mise à l'écart du RP de certains contentieux était finalement pas adaptée (ça présente plus d'inconvénients que davantage) car précisément le double regard censé être porté par le réviseur n'est pas toujours satisfaisant compte tenu de la charge de travail des présidents.

Et comment voulez-vous réviser sérieusement une cinquantaine de dossiers voire plus si le goulet d'étranglement du RP saute en contentieux des étrangers?

15. Le vendredi 5 juin 2009 à 15:22 par Légisphère

Pour être moins sérieux (et moins précis) que Combats pour les droits de l'homme, lorsque vous écrivez:

"qui aurait cru que le droit des étrangers, un droit soit disant bien moins technique que les marchés publics ou l’urbanisme, attirerait des gros cabinets… quand il y a de l’argent en jeu, le droit des étrangers devient alors intéressant"

Cela signifie-t-il que vous espériez que les avocats travaillent gratuitement pour l'Etat? :)

Franchement, si une préfecture lance un marché public pour traiter une partie du contentieux du droit des étrangers, c'est un peu normal que des avocats y répondent. Il se trouve que compte tenu des tarifs partiqués habituellement pour ce type de prestation, ce sont souvent les plus gros cabinets qui ont les moyens de proposer les offres les plus basses. Mais rassurez-vous, concrètement, il arrive souvent que ce soit des stagiaires qui rédigent les mémoires qui échouent sur les bureaux des assistants de justice...A 150 ou 120€ de l'heure, voire moins ou beaucoup moins parfois, ce n'est pas l'associé principal qui va faire le boulot :)

16. Le vendredi 5 juin 2009 à 16:24 par Granits Porphyroïdes

@ combatsdh

Dans un TA francilien, ce qui vous donne une idée de la pression statistique, notamment en matière d'OQTF. Je n'ai jamais dit que les pratiques décrites par AJT n'existaient pas, mais simplement qu'elles n'avaient pas cours partout. Sur le tri: je n'ai pas non plus nié l'existence des deux pratiques que vous décrivez, mais simplement relevé deux cas cités par AJT comme pouvant faire l'objet d'un rejet pour irrecevabilité manifeste, alors qu'il faut une mesure de régularisation (décision préalable et exemplaire de la requête). Sur les OQTF et la révision: je n'ai jamais écrit, ni laissé entendre que le RP n'était pas nécessaire (j'ai même écrit qu'il l'était) mais qu'il y avait aussi la révision. Et dans les chambres à trois rapporteurs, les présidents révisent déjà près d'une cinquantaine d'affaires. Quant à l'aberration, je n'ai pas nié que le contentieux des étrangers puissent se révéler complexe, j'ai simplement dit que cela concernait une proportion très minoritaire d'affaires (sur combien d'affaires par audience avez-vous à vous frottez au régime transitoire dont vous parlez?) Le combat pour les droits de l'homme est noble, mais il s'accommode aussi bien de propos mesurés.

17. Le vendredi 5 juin 2009 à 16:47 par combatsdh

Bon et bien avec ces précisions nous sommes d'accord.

Manifestement AJT évoquait son expérience vécue dans sa chambre de son TA et ne cherchait pas à généraliser. C'était le sens de l'appel à témoignages d'Eolas, non?

Pour ma part, j'aimerais bien voir un jour un dossier d'étranger "simple". Personnellement ma messagerie est saturée de consultations de cas tordus et même après 15 ans de pratique du contentieux des étrangers j'ai encore bien du mal à trouver des réponses. Mais bon j'en conclus que je dois être beaucoup moins bon dans la matière que l'AJ moyen qui fait son quota de 24 OQTF/ 6 semaines ou qu'un président devant réviser un tas de 50 dossiers d'OQTF et qui, eux, ne sont confrontés à aucune difficulté juridique.

Et je vous rappelle que sur le "tri" il s'avère parfois tellement performant que dans l'affaire Gebremedhin il a valu une condamnation de la France par la Cour EDH.

18. Le vendredi 5 juin 2009 à 21:40 par pagnol

pas si facile que ça au vu de la recrudescence d'avis contentieux posés par les ta ou caa au CE! dans un gros TA du sud, chaque magistrat traite lui-même les OQTF et dans le délai de 3 mois.

19. Le vendredi 5 juin 2009 à 22:10 par jean-marcel Valeen

@ combatsdh : les pratiques de R. 222-1, 7° sont très fréquentes, c'est du vécu au quotidien, reste que les cours annulent beaucoup sur cette "pratique", le vent du boulet va bientot se faire sentir...

@ granits porphyroides : je crois que AJT pratique l'ironie lorsqu'elle de rejet par ordo "normal" et de contentieux simple.

@ AJT : c'est difficile, certes, mais rappeler à son président qu'on n'est pas là pour le salaire, ni pour l'abnégation envers le service public peut faire du bien. rappeler que si le poste d'AJ n'est pas aussi là pour FORMER des futurs conseillers... alors il perd de son intérêt pour tout le monde : en terme de turn over, de motivation, de capacité à pourvoir des postes. L'intérêt de la juridiction et de l'AJ n'est pas nécessairement en contradiction, il bon parfois de le rappeler, faut-il encore avoir la parole... et là c'est affaire de personnes. courage.

20. Le samedi 6 juin 2009 à 08:07 par chantal

Au risque de me répéter : quand allons nous réagir face à cette captation rampante des pouvoirs en une seule main, face à la captation de toutes nos libertés : le monde imaginaire, le Meilleur des Mondes d'Aldus Huxley c'est le nôtre aujourd'hui et bien réel celui là ; Pitié pour notre France aux multiples visages; aux multiples traditions ! Pour le respect des Etres Humaisn que ous sommes tous : Réveillons nous !

21. Le samedi 6 juin 2009 à 10:34 par Sylvain

Bonjour AJT, J'adore la narration de cette justice au quotidien ou plutôt cet abatage ....; merci de nous éclairer. OQTF ?.

22. Le samedi 6 juin 2009 à 11:50 par Veuxd'elle

Au 31 décembre 2008 il y avait 237 AJ dans les juridictions administratives (cf. Bilan annuel des AJ 2008)

Je suis heureux de voir que tous les magistrats ne partagent pas certaines pratiques actuelles pour "faire de la stat" et vider les placards.

Pardonnez moi, mais je suis choqué quand je vois qu'on oppose à un étranger qui fait valoir par ex. qu'il est en France depuis 15 ans, qu'il est marié et que ses enfants sont scolarisés, par une ordonnance de tri, que ces "faits sont manifestement inscuceptibles de venir au soutien de sa requête". Je ne crois pas que l'article R222-1 7° permet de porter une appréciation de fond sur le bien fondé de ces arguments, c'est à la formation collégiale de la faire. Pour moi un fait manifestement inscuceptible, c'est par ex. un étranger qui argumente sur la présence en France d'un frère alors que le seul moyen invoqué est tiré de L313-11 11° (état de santé)... voilà comment on traite le contentieux des étrangers dans certaines juridictions... sans audience, sans collégiale, par des ordonnances de tri de dix pages... et personne ne s'en émeut plus que ça.

La AJ sont payés une misère, leur travail devient de moins en moins intéressant, cantonné à des tâches de secrétariat ou à des contentieux jugés "mineurs" par certains, ils ne sont plus vraiment formé quand on ne leur demande même plus de faire des notes... ça justifierai une grève !

23. Le samedi 6 juin 2009 à 13:44 par AJT

Ce billet expose le déroulement d'une audience oqtf et comment l'AJ est inclu dans de processus dans quelques juridictions de France.

Le problème de fond est que certains tribunaux se bureaucratisent afin de rattraper les erreurs grossières des préfectures. Sauf qu'on ne revient pas sur une réforme (de 2006) qui tue à petit feu la qualité de la justice administrative en matière d'étranger pour revenir à des conditions acceptables de travail.

Le cercle semble être celui-ci : encombrement d'un tribunal, délégation à des assistants, rejet au tri (qui atteint presque 70% dans certains tribunaux sur certains mois), magistrats qui suffoquent, rapporteur public qui étouffe, rapporteur public qui choisira ses dossiers, et puis??? que va-t-il se passer lorsqu'un AJ fera tout seul les dossiers et qu'un rapporteur devra valider son travail?

Si on valide ce système, la pression sera d'autant plus forte pour nous quant à la qualité de notre travail. Il faudrait envisager dans ce cas de doubler notre salaire et augmenter de quelques heures notre temps de travail afin d'être payé pour la séance d'instruction. Il est évident que la précarité ne peut engendrer de bons résultats.

Sur les gros cabinets qui produisent les mémoires en défense : ils ne défendent presque jamais les étrangers. voilà le sens du §.

Pour finir, je ne suis pas blasé mais simplement révolté et à la fois satisfait d'avoir eu la chance de me confronter à la réalité d'une juridiction qui doit faire face aux évolutions d'une époque.

24. Le samedi 6 juin 2009 à 14:09 par Scif

D'accord avec toi, Veux d'elle : le 7° du R. 222-1 peut constituer à mon avis une vraie dérive pour la justice administrative (voire les autres items, quand on les "pousse"). Les magistrats eux-mêmes n'en sont peut-être pas tout à fait conscients (lesquels lisent les ordonnances de leur président ?), alors que pour les AJ qui lisent, tapent et trient, c'est bien plus visible. L'usage des ordonnances repose uniquement sur la conscience du président, qui est mise en balance avec la pression statistique - celle-ci peut conduire à araser les difficultés juridiques pour une solution simple et rapide. Et la réforme veut encore accroître le recours aux ordonnances ...

La place prise par les ordonnances est en contradiction avec le souhait des très hautes autorités de développer l'oralité devant la justice administrative. Il risque d'y avoir une dissociation de plus en plus marquées entre, d'une part, un petit nombre d'affaires pré-sélectionnées pour être théâtralisées avec l'aide des mesures d'instruction les plus pointues (les enquêtes à la barre notamment, que B. Stirn évoque beaucoup) et le raffinement exquis du contradictoire (les observations orales présentées à l'appui du mémoire en réplique en réponse au mémoire faisant suite à la réouverture de l'instruction à cause de la note en délibéré suscitée par les conclusions du rapporteur public), et d'autre part, des masses de plus en plus importantes de requérants qui ne verront que l'encre sèche de la signature numérisée d'un greffier sur des ampliations d'ordonnances, y compris lorsqu'ils font usage des voies de recours : le recours à une ordonnance en 1re instance est un cas d'ouverture pour les ordonnances en appel, et en cassation (3° du R. 822-5), sans jamais voir un cheveu de juge administratif.

25. Le samedi 6 juin 2009 à 14:19 par Scif

Peut-être faut-il également ajouter, pour compléter le billet d'AJT et le post n° 23, qu'un AJ gagne une vacation horaire de "5,33/10 000e du traitement annuel brut afférent à l'indice 320 avec indemnité de résidence au taux Paris". Oui, on a un certain humour pour décrire une paie de 466 euros nets par mois (pour 60h théoriques).

26. Le samedi 6 juin 2009 à 14:21 par combatsdh

La dérive des ordonnances de tri du R.222-1, 7° dans les grosses juridictions à saturation étaient inéluctable et d'ailleurs dénoncée par les associations et syndicats de magistrats administratifs au moment de l'adoption du décret du 23 décembre 2006. Rappelons tout de même le recours USMA/ LDH-Gisti-ADDE-Fasti sur cette question

Conseil d'État

302040 Mentionné dans les tables du recueil Lebon 2ème et 7ème sous-sections réunies M. Delarue, président Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur Mme Prada Bordenave, commissaire du gouvernement

lecture du mercredi 11 juillet 2007

Considérant que les articles 6 et 7 du décret attaqué ont, en leur II, ajouté aux articles R. 122-12 et R. 222-1 du code de justice administrative un 7° permettant aux présidents de formations de jugement de rejeter par ordonnance, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant que si les articles L. 3, L. 5, L. 6 et L. 7 du titre préliminaire du code de justice administrative disposent que les jugements sont rendus en formation collégiale après instruction contradictoire lors d'une audience publique comprenant l'audition des conclusions du commissaire du gouvernement, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 122-1 de ce code : « Le président de la section du contentieux et les présidents de sous-section peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l'intervention d'une formation collégiale » et aux termes du premier alinéa de l'article L. 222-1 du même code : « Les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au pouvoir réglementaire de déterminer les catégories de litiges susceptibles de faire l'objet d'une ordonnance, c'est-à-dire d'une décision des présidents de juridiction ou de formation de jugement, qui peut être rendue sans instruction préalable, sans audience et sans conclusions d'un commissaire du gouvernement ;

27. Le samedi 6 juin 2009 à 18:07 par CEM

Si l'on met de côté le problème des ordonnances "de tri" (phénomène qui n'existe pas dans ma juridiction, soit dit en passant), le système que vous décrivez ne me semble pas critiquable. Si je vous résume, chaque dossier est étudié par un AJ, puis par le rapporteur, puis par le rapporteur public, chacun redressant d'éventuelles erreurs commises avant lui, et enfin présenté devant les autres magistrats de la chambre. Au total, si chacun fait son boulot, le dossier est donc étudié à fond par trois personnes (dont deux magistrats) et délibéré en formation collégiale. On ne peut vraiment pas parler de justice d'abattage. Il faut garder le sens de la mesure et ne pas oublier que ce mode de fonctionnement est quasiment luxueux comparé à celui pratiqué dans certains domaines par les juridictions judiciaires.

28. Le lundi 8 juin 2009 à 10:51 par Guile

Ce qui n'est pas normal, c'est que les AJ rédigent le projet d'arrêt, et que lors de l'audience collégiale, seul le président sait de quoi on parle quand l'affaire est plaidée.

Je suis désolé, mais ne me parlez pas d ejustice de qualité ou de normalité quand l'arrêt n'est pas rédigé par un juge, et quand son contenu est laissé tel quel parce que personne n'a pris le temps de le traiter correctement. Ce que je décris n'existe que dans peu de juridiction, mais ce n'est pas une légende, je l'ai vu de mes yeux (de l'intérieur) dans l'une d'entre elles

Enfin, il n'est pas normal non plus qu'un dossier d'étranger ne compte pas UN dossier, mais seulement 0,5. cela pousse les magistrats à aller plus vite pour les traiter.

Les juges de TA et de CAA que j'ai rencontré n'avaient pas l'air choqué par cette pratique imposée par le CE.

29. Le mardi 9 juin 2009 à 11:20 par L'abbé Toule

Un dossier moyen d'oqtf est beaucoup moins long à traiter qu'un dossier moyen d'urbanisme, de marché, de fiscalité, etc. Il est donc normal d'en préparer plus. N'oublions pas que nous sommes (pas mal) payés avec l'argent public, et que nous devons toute notre activité à notre métier. C'est parfois difficile, mais on y arrive, avec une qualité de résultat très honorable dans l'ensemble.

30. Le mardi 9 juin 2009 à 16:51 par Guile

Vous avez raison, c'est plus rapide à traiter, ce qui me fait dire que plutot que de refiler ça, à tout le monde, pour diviser ces dossiers qui ne permettent pas d'atteindre son quotas, il faudrait créer une chambre étranger. Ce serait plus efficace encore. Et pas besoin de quotas...

Mais personne ne veut faire ca à plein temps. C'est bien malheureux, car même si ce sont à peu près tout le temps les mêmes moyens soulevés, il n'en demeure pas moins que ce contentieux est important, et mérite toute l'attention et la qualité qu'il mérite. De surcroît quand les enjeux sont humains, pour la plupart des cas.

Or, aujourd'hui, dans l'esprit d'un TA ou d'une CAA, le contentieux des étrangers est "mal aimé". Cette valuer à 0,5 ne fait qu'accentuer ce phénomène... Les nouvelles réformes ne vont que conforter cet état de fait.

31. Le mercredi 10 juin 2009 à 09:57 par Veuxd'elle

Le problème est surtout que si l'idée même d'un indicateur de performance n'est pas remise en cause (le service public de la justice doit s'adapter et être efficace dans le contexte de modernisation de l'Etat), l'utilisation actuelle et déviante des critères quantitatifs tempérés par des considérations qualitatives plus que douteuses conduit à une véritable dérive qui - bien qu'elle ne soit pas encore devenue inévitable - devient alarmante : démotivation des magistrats, baisse de l'attractivité de la fonction, pratique de moins en moins contrôlées au sein même des juridictions, atteinte aux garanties fondamentales du procès équitable dans certains contentieux, tentative de remise en cause de l'indépendance de la justice administrative et judiciaire.... je ne sais pas pour vous mais de là où je suis, je crois que la maison brûle et qu'il faut absolument inverser la tendance !

La seule réponse viable et durable, surtout dans le contexte actuel, est d'accentuer les moyens financier, humain et matériel à disposition des juridictions tant judiciaire qu'administrative. Il faut également donner un vrai statut au troisième pouvoir, la Justice, qui lui assure l'indépendance et l'impartialité dont à besoin toute justice pour assurer la paix sociale et le respect du Droit, mission essentielle dans une démocratie. C'est la seule option qui soit à la fois efficace et digne d'un Etat de droit, qui se dit "patrie des droits de l'homme", tel que la République française. Il n'y a qu'à voir l'inertie parfaitement scandaleuse des plus hautes autorités pour se convaincre de l'urgence de la situation. Souvenons nous de l'exemple suivant qui est certes un débat périphérique mais néanmoins tout à fais enrichissant : il a fallu une jurisprudence intraitable avec la dignité de la personne humaine - bafouée depuis longtemps par les conditions de détention dans les trop nombreux établissements pénitentiaires français - pour que le pouvoir exécutif "débloque" (où étaient ils cachés ceux là ?) 1 milliard d'euro "d'urgence" pour la réfection du dépôt du TGI de Paris... On rappellera qu'il s'agit là d'un courant jurisprudentiel qui dépasse largement le seul champ de l'ordre judiciaire, le juge administratif, sous la plume du Conseil d'Etat, vient de son coté soumettre l'administration pénitentiaire à des exigences juridiques de plus en plus rigoureuses tant en ce qui concerne le droit des détenus et les recours permettant d'en assurer l'exercice effectif, que la responsabilité de l'administration en cas de décès voulu ou non...

Pour en revenir à la justice administrative, force est de constater que la politique actuelle mise en place à la suite du "statistisme bureaucratique" ambiant à donner des résultats merveilleux, inespérés : à magistrat constant, la productivité du juge administratif a explosé... mais il faut voir dans quelles conditions (merci au passage à l'hôte de ces lieux pour la formidable tribune qu'il a offert). Au lieu de recruter de former des jeunes magistrats, on préfère contractualiser la justice avec des jeunes impétrant hautement qualifiés et payés une misère pour préparer les dossiers (60 à 80% du travail final suivant les cas je dirai). Au lieu de donner le temps nécessaire à la justice pour examiner une affaire, on impose une "norme", mots barbare terriblement négateur du particularisme de chaque dossier, symbole du culte de la statistique qui va jusqu'à déterminer en partie la rémunération et la carrière du magistrat. Mais je pose la question, une norme - cad un nombre de dossier minimum à faire dans une année pour les mékeskidis - et plus généralement toute la politique actuelle qui ne tient pas bien compte de la réalité des dossiers et qui - à moyen constant - conduit à une dégradation exponentielle des conditions de travail et des garanties du procès équitable, est elle encore objectivement justifiée et légitime ?

N'est il pas ironique de lire à l'aune de ce qui précède les propos de Pascal Clément, Garde des sceaux, tenu le 6 février 2007 devant M. le Vice-Président JM Sauvé : "Ce qui compte, c’est la qualité substantielle de la justice, en laquelle le citoyen doit avoir confiance sans recours à des artifices « visuels ». Ce qui compte, c’est la certitude que, par son statut et les garanties d’indépendance qui entourent son activité, le juge soit effectivement indépendant. De ce point de vue, la justice administrative est à coup sûr exemplaire."

32. Le mercredi 10 juin 2009 à 11:42 par Guile

De mon point de vue, une "norme" est utile, mais pas en nombre de dossier à traiter par an et par magistrat, mais en délai maximum pour traiter un dossier. Ca ce serait une avancée considérable pour le justiciable et pour l'image de la justice.

Comme vous le dites, il faut tenir compte des particularismes des dossiers, et ne pas promouvoir, à plus ou moins long terme, une justice d'abattage.

Les normes, en nombre de dossiers traités ne sont là que limiter le cout de la justice, peu importe les conséquences.

Au regard de ce que j'ai vu, on est pas encore à la dégradation grave des conditions de travial, mais on est déjà dans la dégradation de la qualité de la justice administrative. Du côté judiciaire, on a franchi les dux limites depuis longtemps malheureusement...

Quant à l'indépendance, j'y croyais... Moins maintenant.

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