Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Habeas corpus n'est pas un gros mot (Arrêt Moulin c. France, 23 nov. 2010)

Oh. Ça alors. Quelle surprise. La Cour européenne des droits de l’homme, que vous me permettrez d’appeler CEDH par la suite, vient de condamner la France sur le contrôle de privations de liberté par le seul parquet, au motif que ce dernier n’est pas une autorité judiciaire indépendante au sens de l’article 5 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, que vous me permettrez d’appeler CSDH par la suite.

Oui, je sais, je joue très mal la comédie. Mais l’arrêt Moulin contre France (n°37104/06) n’a pas grand chose de nouveau. Mes lecteurs auront aussitôt fait le parallèle avec l’arrêt Medvedyev dont j’avais déjà parlé ici. Et de fait, l’arrêt Moulin s’inscrit dans cette ligne jurisprudentielle, à tel point que la Cour a copié-collé pas moins de deux pages de ce premier arrêt dans celui qu’elle a rendu hier.

Néanmoins, cet arrêt doit être salué et apprécié à sa juste valeur. Parce que cela fait plus d’un an que je soulève des conclusions de nullité de garde à vue du fait de cette absence de contrôle par une autorité judiciaire indépendante, et que je me fais bananer. Ce qui est toujours agaçant, certes, mais tout particulièrement quand on sait qu’on a raison.

Cela dit, attendu que je me faisais toujours bananer après l’arrêt Medvedyev en mars dernier, je crains de ne pas faire preuve d’un pessimisme exagéré en disant que les parquets, d’Île de France à tout le moins, qui sont ceux que je pratique le plus, continueront malgré l’arrêt Moulin leur déni de réalité, avec la bénédiction des juges du siège qui leur donnent systématiquement raison. Un jour viendra où tous les juges français appliqueront la CSDH au parquet avec la même rigueur qu’ils appliquent le Code pénal aux citoyens. Pas une minorité, car il y en a, tous. J’y crois, mais que le temps me paraît long quand on parle des libertés fondamentales.

L’arrêt Moulin, donc.

L’affaire Moulin dira sans doute quelque chose à mes plus anciens lecteurs. J’en avais déjà parlé ici. Cet arrêt et le recul dans le temps permettent d’en savoir un peu plus.

France Moulin est avocat au barreau de Toulouse. À l’époque des faits, elle est collaboratrice d’un avocat d’affaire de la ville rose.

Le 13 avril 2005, elle a été interpellée alors qu’elle se trouvait au tribunal d’Orléans, dans le cadre d’une affaire de blanchiment dans laquelle elle était soupçonnée d’avoir communiqué à des personnes impliquées des informations sur l’enquête en cours. Détail important : cette garde à vue a eu lieu dans le cadre d’une instruction judiciaire, c’est-à-dire d’une enquête menée par un juge d’instruction (ici deux, ils agissaient en ce qu’on appelle une co-saisine, qui permet à deux juges d’instruction du même tribunal de travailler de conserve sur le même dossier complexe). Or dans ce cas, c’est le juge d’instruction qui contrôle la mesure de garde à vue, et non le procureur de la République.

Dans le cadre de cette garde à vue, France Moulin va être conduite à Toulouse pour une perquisition à son cabinet. Comme la loi l’exige, les deux juges d’instruction étaient présents, une perquisition dans un cabinet d’avocat ne pouvant être effectuée par la police seule. Puis, après que la garde à vue a été prolongée par un juge d’instruction de Toulouse, territorialement compétent, les juges d’instruction vont rentrer à Orléans, et délivrer un mandat d’amener à l’encontre de Mme Moulin.

Le mandat d’amener est l’ordre donné à la force publique de conduire immédiatement devant le juge l’ayant décerné (seul un juge peut délivrer un tel mandat) la personne à l’encontre de laquelle il est émis (art. 122 du CPP). Cependant, L’article 127 du CPP précise que “si la personne recherchée en vertu d’un mandat d’amener est trouvée à plus de 200 km du siège du juge d’instruction qui a délivré le mandat, et qu’il n’est pas possible de la conduire dans le délai de vingt-quatre heures devant ce magistrat, elle est conduite devant le procureur de la République du lieu de l’arrestation.L’article 128 précise la suite : “Ce magistrat l’interroge sur son identité, reçoit ses déclarations, après l’avoir averti qu’elle est libre de ne pas en faire, l’interpelle afin de savoir si elle consent à être transférée ou si elle préfère prolonger les effets du mandat d’amener, en attendant, au lieu où elle se trouve, la décision du juge d’instruction saisi de l’affaire. Si la personne déclare s’opposer au transfèrement, elle est conduite dans la maison d’arrêt et avis immédiat est donné au juge d’instruction compétent.”

C’est ce qui va se passer pour France Moulin, et elle va être placée en maison d’arrêt après avoir été présentée au procureur adjoint de Toulouse. Elle sera finalement présentée le 18 avril 2005 aux juges d’instructions orléanais, qui la mettront en examen, et demanderont au juge des libertés et de la détention de la placer en détention provisoire, ce qu’il fera.

Sans attendre, France Moulin va attaquer cette première partie de la procédure et en demandera la nullité. La chambre de l’instruction d’Orléans va rejeter sa demande le 13 octobre 2005. France Moulin va former un pourvoi en cassation, qui sera rejeté le 1er mars 2006. Les voies de recours internes étant épuisées, France Moulin va porter son affaire devant la cour européenne des droits de l’homme. Et bien lui en a pris.

L’article 5§3 de la CSDH stipule en effet que

Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience.

Vous vous souvenez qu’en mars dernier, la CEDH avait déjà posé très clairement que le parquet ne pouvait pas être cet “autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires”, puisque pour elle le propre de ce magistrat devait être son indépendance. Or le parquet est hiérarchiquement soumis à l’exécutif, d’une part, et d’autre part et surtout, il est l’adversaire de la personne poursuivie. Tout comme on ne confie pas au voleur le soin de garder les banques, on ne va pas demander à celui qui souhaite envoyer Untel en prison si sa privation de liberté se justifie.

À la suite de cet arrêt on ne peut plus clair, et rendu à l’unanimité des 17 juges de la Grande Chambre, la France avait fait comme à son habitude : elle avait nié la réalité. Pas la moindre réforme législative en projet, rien. Quant au parquet, face à cela, son attitude a été un mélange de déni et de bouderie. Je n’exagère pas. À chaque fois que j’ai soulevé des conclusions de nullité fondées sur l’arrêt Medvedyev, l’argument qui m’a été opposé était : primo, le Code de procédure pénale dit que c’est moi qui contrôle, alors il a été respecté (déni de réalité : je soulevais précisément que le CPP était contraire à la CEDH sur ce point, et ce que celle-ci étant un traité international, c’est elle qui gagne, en vertu de l’article 55 de la Constitution), agrémenté d’une remarque outrée sur le fait qu’oser dire que LUI, le procureur d’audience, personnellement, n’était pas indépendant, était un peu fort de café, voire insultant. Ce qui était agaçant : ils opéraient un glissement sémantique entre l’indépendance organique, dont la CEDH a constaté l’absence, et l’indépendance d’esprit, dont personnellement je me contrefiche et qui n’est pas l’objet du débat. Mais finalement, comment les en blâmer, puisque le tribunal leur donnait systématiquement raison. Medvedyev ? Connais pas.

La CEDH a visiblement compris qu’elle avait affaire à des cancres, et a décidé de faire encore plus clair.

Dans sa décision, elle va d’abord citer in extenso les §117 à 125 de l’arrêt Medvedyev, avant tout simplement et sans un mot d’explication supplémentaire les appliquer à l’affaire Moulin. C’est donc une confirmation ferme et sans ambiguïté de ce premier arrêt.

Ici toutefois, nous avions des juges d’instruction qui étaient aux commandes de la procédure, et l’on sait que la CEDH considère que ces magistrats remplissent les conditions d’indépendance pour être le juge visé par l’article 5.

Mais la Cour constate que les juges d’instruction orléanais n’avaient pas de pouvoir sur la garde à vue se déroulant à Toulouse, étant hors du ressort de leur tribunal, et que leur collègue toulousain territorialement compétent a ordonné la prolongation sans entendre France Moulin pour lui permettre d’argumenter. En outre, les juges d’instruction orléanais, bien que présents physiquement dans le commissariat, n’ont jamais entendu France Moulin. De fait, le premier magistrat à avoir enfin accepté que France Moulin lui fasse des déclarations, c’est le procureur adjoint de Toulouse, au bout de 3 jours de privation de liberté.

Et ça ne s’arrête pas là. Ce procureur était-il un magistrat au sens de l’article 5 ? Non, répond la cour.

§56. La Cour constate tout d’abord que si l’ensemble des magistrats de l’ordre judiciaire représente l’autorité judiciaire citée à l’article 66 de la Constitution, il ressort du droit interne que les magistrats du siège sont soumis à un régime différent de celui prévu pour les membres du ministère public. Ces derniers dépendent tous d’un supérieur hiérarchique commun, le garde des sceaux, ministre de la Justice, qui est membre du gouvernement, et donc du pouvoir exécutif. Contrairement aux juges du siège, ils ne sont pas inamovibles en vertu de l’article 64 de la Constitution. Ils sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques au sein du Parquet, et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la Justice. En vertu de l’article 33 du code de procédure pénale, le ministère public est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44 du même code, même s’il développe librement les observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice.

(…)

§58. Par ailleurs, la Cour constate que la loi confie l’exercice de l’action publique au ministère public, ce qui ressort notamment des articles 1er et 31 du code de procédure pénale. Indivisible (paragraphe 26 ci-dessus), le parquet est représenté auprès de chaque juridiction répressive de première instance et d’appel en vertu des articles 32 et 34 du code précité. Or la Cour rappelle que les garanties d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties excluent notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale (voir, en dernier lieu, Medvedyev et autres, précité, § 124 ; paragraphe 46 ci-dessus).

Donc, le procureur adjoint ne compte pas comme magistrat. Ce n’est que lorsque France Moulin arrivera dans le cabinet des juges orléanais, 5 jours après son interpellation, qu’elle sera enfin mise en présence d’un magistrat indépendant au sens de la CEDH.

Or 5 jours sans voir un magistrat indépendant, c’est trop long pour être considéré comme correspondant au aussitôt de l’article 5 de la Convention. La France est condamnée.

Quelle est la solution ? La création d’un habeas corpus. Ce n’est pas un gros mot, ce n’est même pas de l’anglais, c’est une procédure permettant dès le début de la garde à vue au gardé à vue de saisir un juge d’une demande de levée de cette mesure, juge qui devra l’entendre avant de statuer, et un passage obligé devant ce juge pour la prolongation à la 24e heure. Et rappelons qu’en vertu de l’arrêt Brusco, le gardé à vue doit pouvoir être assisté d’un avocat lors de ces procédures. Ce que déjà Medvedyev exigeait.

Alors, nihil novi sub sole ? me demanderons mes lecteurs latinistes. Ce n’est qu’une confirmation banale de l’arrêt Medvedyev ?

Pas sûr. Sur le statut du parquet, rien de neuf, en effet, ce qui rend la couverture médiatique de cet arrêt un peu disproportionnée. Le principe est connu depuis Medvedyev, et rien n’a changé.

Cependant, je me demande si l’apport de cet arrêt ne se situerait pas au §48 de l’arrêt.

§48. La Cour note que les juges d’instruction n’ont pas davantage procédé à une telle audition en se rendant à l’hôtel de police le 15 avril 2005 (paragraphe 10 ci-dessus), le procès-verbal semblant au contraire indiquer qu’ils ne se sont adressés qu’aux seuls policiers chargés de la garde à vue.

Quand la Cour prend la peine de noter, c’est toujours intéressant. Ici, il est facile d’en déduire que pour la Cour, si les juges avaient pris la peine de s’entretenir avec France Moulin, les exigences de l’article 5 de la CSDH eussent été satisfaites.

Mes amis, n’assistons-nous pas à la fin de l’instruction sous-traitée à la police, selon l’heureuse formule de mon confrère François Saint-Pierre, avocat au barreau de Lyon et auteur du Guide de la Défense Pénale, bientôt réédité chez Dalloz (annoncé le 12 janvier 2011) ?

En effet, l’article 105 du CPP dispose que

Les personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves et concordants d’avoir participé aux faits dont le juge d’instruction est saisi ne peuvent être entendues comme témoins.

Ce principe remonte à la loi du 8 décembre 1897, qui a vu l’avocat entrer pour la première fois dans les cabinets des juges d’instruction. Depuis cette réforme, tout inculpé pouvait être assisté d’un avocat et ne pouvait être interrogée par le juge que si son avocat avait été préalablement convoqué et mis en mesure de consulter le dossier. L’esprit de la loi était d’interdire au juge d’instruction de feindre de croire que le suspect était un simple témoin pour l’interroger hors la présence d’un avocat.

Les juges d’instruction de l’époque, opposés à cette réforme, vont alors confier à la police le soin d’entendre les suspects (l’article 105 ne s’appliquant qu’au juge d’instruction). La loi ne prévoyait en effet l’assistance d’un avocat que devant le juge d’instruction (qui était à l’époque un passage obligé ; c’est encore le cas en droit monégasque). La police obtenait ses aveux, qui étaient découverts par l’avocat lors de l’inculpation. C’est la naissance de la garde à vue, qui va avoir un tel succès qu’elle a bien failli tuer ses inventeurs 120 ans plus tard.

François Saint-Pierre peste inlassablement et avec talent contre cette pratique très répandue, pour ne pas dire systématique, de l’audition du suspect avant la présentation au juge d’instruction. Elle est pour lui contraire à la lettre du texte, même si la jurisprudence de la cour de cassation, que l’on sait peu suspecte de complaisance à l’égard des libertés, l’a depuis longtemps validée.

Et avec cet arrêt, je me demande comment cette pratique va pouvoir perdurer. Quand le juge d’instruction est saisi des faits, il est l’autorité judiciaire indépendante de l’article 5, ce n’est contesté par personne. Or cet article 5 exige que le suspect lui soit aussitôt présenté. Aussitôt ne peut s’entendre comme “au bout de 48 heures de garde à vue” surtout si c’est ce magistrat qui a autorisé la prolongation. S’il a eu le temps de prolonger, il aurait eu le temps d’entendre. Et le juge ne peut entendre un suspect que dans les formes de l’article 116, c’est à dire en présence d’un avocat.

Je me demande donc si cet arrêt ne recèle pas une nouvelle bombe procédurale, passée inaperçue pour le moment, bien plus importante que la question de l’indépendance du parquet, que la Cour considère manifestement comme définitivement tranchée.

La discussion continue ailleurs

1. Le jeudi 9 décembre 2010, 09:02 par Combats pour les droits de l'homme

Affaire France Moulin : Chronique d’une condamnation

Absence d’indépendance des membres du ministère public vis à vis de l’exécutif français par Nicolas Hervieu  Après un arrêt de Grande Chambre rendu en mars dernier qui avait pu être interprété au mieux comme un avertissement san......

Commentaires

1. Le jeudi 9 décembre 2010 à 08:12 par Clafoutis

“… on ne confie pas au voleur le soin de garder les banques.”

Vous êtes sûr ???

2. Le jeudi 9 décembre 2010 à 08:17 par Le_Pompiste

…Si je comprends bien, vos objections, le Parquet n’en a rien à cirer ?
…oui, bon, d’accord.

3. Le jeudi 9 décembre 2010 à 08:35 par Guerandal

C’est avant tout un problème de mentalité et non pas de texte.

Les juges ne sentent pas l’obligation d’appliquer les textes mais de défendre la société malgré elle.

Que pèse une liberté individuelle par rapport à cette noble mission qui est la sauvegarde de la société ? Rien !

Donc s’il faut tordre les textes pour arriver à mettre les prévenus coupables en prison, tant pis. D’où la validation quasi systématique des procédures par les juges du fond.

Au surplus, ils passent facilement du parquet au siège et vice-versa. Alors comment mettre à mal les procédures des collègues quand on sait que soi-même on risque d’en subir un jour les conséquences ?

4. Le jeudi 9 décembre 2010 à 08:46 par Olik

Bravo et merci cher maître pour ce billet : assurément un sujet en or pour les partiels!

5. Le jeudi 9 décembre 2010 à 08:48 par melianos

Ecouter les musiques de Star Wars (version orchestrale) donne un côté épique à votre billet.

Merci encore pour ce blog qui nous permet, à nous mekeskidi de comprendre un peu mieux toutes ces histoires de droit.

6. Le jeudi 9 décembre 2010 à 08:51 par Mathaf Hacker

Tout ce qu’ont trouvé les vieux crabes du Conseil Constitutionnel à faire, c’est de temporiser.

7. Le jeudi 9 décembre 2010 à 08:54 par LordPhoenix

@clafoutis en #1 : Ben non ils ne les gardent pas,

ils les dirigent…

8. Le jeudi 9 décembre 2010 à 09:00 par LEF

Bonjour Maître,

Je comprends bien que vous souhaitez la création de l’habeas corpus comme solution de réponse aux incohérences entre notre code de procédure pénale actuel et les articles CEDH.

J’ai deux questions sur le cas particulier de ce billet.

1) Je raisonne en mékeskidi de base : s’il a fallu un juge d’instruction territorialement compétent pour prolonger la garde à vue, c’est que les juges d’Orléans n’étaient pas territorialement compétents à Toulouse. Dans ce cas, comment la CEDH peut reprocher aux juges d’Orléans de ne pas avoir entendu la gardée à vue au commissariat à Toulouse puisqu’ils n’y étaient pas territorialement compétents ?

2) Pourquoi vous soulevez l’article 105 du CPP, alors que les juges d’Orléans ne l’ont pas violé, puisqu’ils n’ont manifestement pas donné commission rogatoire aux policiers de Toulouse pour entendre la personne gardée à vue comme témoin ?

9. Le jeudi 9 décembre 2010 à 09:02 par Léna la Rousse

Une fois n’est pas coutume, je vais jouer les emm…yeuses.

L’article 5§3 de la CSDH stipule en effet que

Vous vouliez dire “dispose” je pense.

Néanmoins merci pour ces éclaircissements, je vais persévérer dans mes conclusions de nullité de garde à vue.

10. Le jeudi 9 décembre 2010 à 09:06 par Schmorgluck

Juste une demande de précision, à moitié hors-sujet, sur un aspect des évènements que vous avez rappelé, je veux dire la perquisition du cabinet de France Moulin. Vous précisez que la perquisition d’un cabinet d’avocat ne peut être effectué par la police seule, et vous liez à ceci la présence des juges d’instruction. Dans la limite de mes connaissances parcellaires en droit, il me semble qu’en plus la présence d’un représentant du bâtonnier est indispensable. Juste pour être sûr, de deux choses l’une : soit mes connaissances sont à jour sur ce point, et vous vous êtes juste abstenu de cette précision parce qu’elle sortait du sujet ; soit je me fourvoie.

Une petite confirmation ou infirmation, s’il vous plait ?

11. Le jeudi 9 décembre 2010 à 09:21 par Alex

@8: la CEDH est une convention (internationale), donc elle peut “stipuler” autant qu’elle veut. De même que “Cour de cassation” ça prend une majuscule à Cour, même dans les billets d’Eolas, même si sa complaisance est effectivement rageante.

12. Le jeudi 9 décembre 2010 à 09:28 par CARO MIO

Cher Eolas, vous avez très bien fait de ne vous coucher qu’à 2h du matin…Au-delà de commentaires que j’approuve entièrement je voudrais souligner combien je trouve préoccupant ce que cette affaire-là, parmi tant d’autres, illustre en tant que fond de scène quant à l’attitude générale des juges tous corps confondus face à la loi. Je parle de ce quelque chose que l’on peut nommer de “culture” , ce quelque chose que vous décrivez ici, au cas particulier, et qui consiste à faire “comme si..;”la loi n’existait pas au pretexte que c’est le juge qui “applique(sic)” la loi et qui en réalité ne l’applique pas!!C’est quoi celàVoyez par exemple les trois arrêts récents de la Cour de Cassation justement sur la GAV et reconnaissant que l’article 6 CSDH s’y applique…et puis qui décide de suspendre l’effet de la CSDH jusqu’au 1er juillet 2011!!De quel droit Où est-il dit qu’un juge peut décider de suspendre l’application de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme??On peut multiplier les exemples et vous aurez certainement d’autres encore..Où l’on voit qu’en réalité le juge sort de son rôle de serviteur de la loi. Il se conduit comme un autre pouvoir politique qui décide d’une politique, dans l’espèce citée, en connivence avec le pouvoir exécutif. Je trouve celà effrayant!! Et cette attitude irradie dans tout le corps jusqu’au plus bas..où maintes fois le juge “s’assoit sur la loi”et dit “ce que je dis est la loi”parceque!!!!”C’est cela le fond de l’histoire de cette attitude que vous illustrez et que nous vivons constamment au quotidien. C’est au sens fort du terme une attitude corporatiste et d’un corps qui dit “j’ai aussi ce pouvoir politique”pas tellement pour se conférer des privilèges mais pour s’affirmer comme un”Pouvoir”au point de sortir ( s’affranchir!!) de la subordination à la loi.Aujourd’hui comme celà.., comme on le voit, et parfois pour rendre aussi dans des décisions qui rompent avec les régles, éventuellement ses propres jurisprudences et rendre ce qu’on nomme gentiment des “arrêts d’espèce”, où la régle est complètement tordue…c’est que ce n’est plus l’application “d’une règle”, sa fixation mais le jeu du bon vouloir, d’un arbitraire. Salut à tous!!

13. Le jeudi 9 décembre 2010 à 09:35 par Gascogne

Très délicate, la comparaison des parquetiers à des voleurs…Un certain syndicat de policier s’est retrouvé en justice pour avoir osé un parallèle douteux au sujet des avocats.

Eolas:
Nenni (outre le fait que ne compare pas le parquet à un voleur, pas plus que je ne compare mon client à une banque). Le syndicat en question a été poursuivi pour nous avoir qualifié de “commerciaux dont les compétences en matière pénale sont proportionnelles au montant des honoraires perçus”. Ce qui est idiot, puisque nos honoraires facturés sont proportionnels à nos compétences en matière pénale, pas l’inverse. Mais l’idiotie n’étant pas un délit, même chez les syndicats de policiers, le syndicat n’a pas été condamné. Son secrétaire général n’eut pas cette chance, lui qui avait fait observer pour sa part que donner accès aux dossiers aux avocats de la défense dans les dossiers de grand banditisme était ouvrir la voix à la subornation de témoins, puisque nous sommes par définition payés avec l’argent du crime. La 17e chambre a jugé qu’en ce qui le concerne, le syndicalisme n’était pas une excuse, et que la sottise élevée à ce niveau se sublimait en injure (je résume).


Quant au fait de considérer le parquetier comme un adversaire, vous ne m’en voudrez pas de ne pas être d’accord. En ce qui me concerne, je ne suis l’adversaire de personne, juste le représentant de l’intérêt général. Un commissaire du gouvernement est-il l’adversaire d’une partie ? Et pour que les choses soient claires chez nos amis mekeskidi, je n’ai aucune prime à la fin du mois en fonction du nombre de mandats de dépôts prononcés…

Eolas:
Vous n’êtes l’adversaire de personne ? Vous êtes un commissaire du gouvernement rapporteur public ? Pardon pardon ?

Je vous rappelle que vous (le parquet en général) êtes demandeur au procès pénal, et que mon client est défendeur. Vous êtes mes adversaires, au même titre que mon confrère de la partie civile, la seule différence étant que vous n’avez pas les mêmes clients. Quand vous demandez que mon client soit jeté en prison, quand il y a trente ans vos collègues demandaient à ce que des accusés soit coupés en deux vivants, ils ne se comportaient pas comme des adversaires, peut-être ? Je vous rappelle que le rapporteur public est indépendant, il a le même statut que les conseillers du TA. Il ne peut recevoir de consigne de qui que ce soit et surtout, il ne peut pas, en aucun cas, jamais, saisir le tribunal administratif. Le rôle essentiel du parquet est précisément de saisir le tribunal, et de supporter la charge de la preuve.

Tous mes dossiers pénaux, et ceux de tous mes confrères sont intitulés “Contre MP” pour ministère public. Contre. Bien sûr que le parquet est l’adversaire de mon client. C’est accessoirement ce qui permet au procès pénal d’être contradictoire (parce qu’au TA, pour avoir les conclusions du Rapporteur public, on peut crever).

14. Le jeudi 9 décembre 2010 à 09:35 par Simone

@ Schmorgluck (10)
Bonne remarque. Présence du bâtonnier ou son délégué. Voir ici.

15. Le jeudi 9 décembre 2010 à 09:43 par Simone

@ Gascogne (13)
Très délicate, la comparaison des parquetiers à des voleurs…Un certain syndicat de policier s’est retrouvé en justice pour avoir osé un parallèle douteux au sujet des avocats.”
Rappelons, pour l’anecdote, que les malotrus syndicalistes avaient comparé les avocats à des commerçants.

Eolas:
Des commerciaux, pas des commerçants. Mais ce n’est pas pour ce mot que le syndicat a été poursuivi.

16. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:01 par Léna la Rousse

@Alex

Le rouge de la honte m’envahit.
Je m’en vais me fouetter avec un code de procédure pénale…

17. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:02 par Nicolas Hervieu

Cher Maître,

Je ne suis pas du tout convaincu qu’il soit possible de tirer de l’arrêt Moulin et de son § 48 l’interprétation que vous en faîtes in fine s’agissant de la fin de la pratique “de l’audition du suspect avant la présentation au juge d’instruction”.

Vous le savez parfaitement, il ne faut pas confondre deux terrain bien distincts : celui de l’article 5 (droit à la liberté et à la sureté) et celui de l’article 6 (droit à un procès équitable). Ce qui évoqué par la Cour dans un raisonnement sur le premier n’emporte pas logiquement et ipso facto de conséquences sur le second. Ici, me semble-t-il, il faut comprendre le § 48 dans son contexte – et uniquement dans son contexte - : la Cour évoque ce point simplement dans sa démarche tendant à vérifier si une “autorité judiciaire” a eu l’occasion de se prononcer effectivement sur la privation de liberté. En l’espèce, puisque que les juges d’instruction “ne se sont adressés qu’aux seuls policiers chargés de la garde à vue”, ils n’ont pas pu jouer le rôle visé à l’article 5 (vous le dîtes vous-même : “si les juges avaient pris la peine de s’entretenir avec France Moulin, les exigences de l’article 5 de la CSDH eussent été satisfaites”).

Toutefois, il n’est pas possible de déduire de ce passage sur une question relative au respect de l’article 5 une conclusion telle que la vôtre au sujet des garanties du suspect lors de son audition par la police et/ou par le juge d’instruction, éléments qui relèvent essentiellement de l’article 6. Si j’ai bien compris votre raisonnement, vous estimez que la Cour pourrait exiger que le juge d’instruction soit présent – au moins très vite – lors de ces “auditions” (au sens générique). Mais la Cour n’exige absolument pas la présence d’une “autorité judiciaire” pour ces auditions, qui relèvent du champ du procès équitable. Ce qu’elle exige c’est que la privation de liberté (Art. 5) soit contrôlée par une telle autorité, la question de l’audition devant elle seulement répondre aux exigences de l’article 6 (comme l’assistance d’un avocat – Cf. arrêt Brusco c. France). Et parmi ces dernières ne figurent pas la présence d’une “autorité judiciaire” – hors examen de la privation de liberté éventuellement liée à cette procédure.

Par ailleurs, il me semble utile de nuancer l’idée que “quand le juge d’instruction est saisi des faits, il est l’autorité judiciaire indépendante de l’article 5, ce n’est contesté par personne”. Aux yeux de la Cour, peu importe qui est responsable de l’instruction (ou de l’enquête) : ce qui compte est seulement qu’une “autorité judiciaire” au sens de l’article 5.1 c) puisse se prononcer sur la privation de liberté. Que cette autorité soit liée ou non à la procédure au fond (et qu’il s’agisse donc ou non du juge d’instruction) n’a pas de conséquences, son seul rôle étant l’examen de la privation de liberté.

Enfin, sur l’idée d’”aussitôt” au sens de l’article 5, même si l’on ne peut déterminer abstraitement le délai maximal que la Cour autorise puisque (et le législateur français à du mal à le comprendre) cela est déterminé en fonction des circonstances de l’espèce, en l’état actuel de sa jurisprudence et en principe, la Cour n’exige pas l’intervention d’une telle autorité judiciaire avant 48h (donc, personnellement, je pense qu’“Aussitôt (…) peut (globalement) s’entendre comme “au bout de 48 heures de garde à vue”).

Cependant, votre proposition d’habeas corpus serait une excellente façon de recevoir les exigences conventionnelles en France.

Bien à vous,

18. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:03 par alain mikowski

le délai retenu par la CEDH pour la présentation devant l’autorité judiciaire n’est il pas de 4 jours et 6 h ? cf Brogan/Ru

19. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:09 par Pascal

Et sur le fond et le respect du Code de Déontologie de la dite avocate, on en sait un peu plus? Les faits sont ils avérés ou pas?

Eolas:
France Moulin a été finalement condamnée le 16 septembre 2008 par la cour d’appel d’Orléans à un an de prison avec sursis pour révélation d’information d’une enquête. Ce qui démontre que les 23 jours de détention provisoire qu’elle a subis étaient disproportionnés. Sa victoire devant la CEDH lui ouvre un pourvoi en révision de cette condamnation. Que je sache, l’instance disciplinaire n’a pas encore statué.

20. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:09 par CC

Sauf erreur de ma part, la CEDH dit “promptly” en anglais, interprété jusque là comme inférieur à 72 heures. Donc à mon sens cet arrêt ne fait pas directement obstacle à l’existence du parquet sous sa forme actuelle ni à l’audition du gardé à vue par la police ou le procureur.

Il dit juste : faites ce que vous voulez, je m’en fous, mais présentez moi cette personne à un juge avant 72 heures.

21. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:26 par Ferdydurke

@ Gascogne (13)

“Je ne suis l’adversaire de personne, juste le représentant de l’intérêt général.”

Votre adversaire euh… interlocuteur est-il du même avis ?

22. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:27 par beldeche

Je trouve également que la comparaison avec les voleurs n’est pas adéquate.
Ceci dit la critique sur l’indépendance doit être fondée car sinon je ne comprends pas l’insistance du parquet à vouloir conserver la main: on se battrait pour garder plus de travail ?

Voyez par exemple, avec l’Habeas Corpus, le contrôle de la GAV passerait à un magistrat indépendant. Plus de contrôle = moins de travail pour l’avocat (surtout au milieu de la nuit).

C’est un peu la critique entre la Maîtrise d’Oeuvre et la Maîtrise d’Ouvrage.

23. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:38 par Cinquo

@ Eolas,

Merci une fois de plus e ces billets. Attention toutefois à ne pas devenir nyctalope à force de veiller aussi tard…

Vous parlez à plusieurs reprises de déni de réalité de la part du parquet et des juges. Si cette expression peut s’appliquer au ministère de la Justice qui ne fait rien devant une situation évidente, il me semble que pour les parquetiers et les juges il serait plus approprié de parler de déni de légalité ce qui est beaucoup plus grave. Comment en effet des professionnels du droit peuvent-ils ignorer superbement la prééminence de la convention internationale sur la loi interne ? Passe que les parquetiers confirment ce déni dans leurs écritures puisqu’ils y sont obligés mais rien ne les y oblige dans leurs réquisitions orales.

Au passage, je note que jusqu’à la fin du XIXème siècle le passage devant le juge d’instruction était obligé. Il serait intéressant de se replonger dans ce que lors de mes lointaines études on appelait encore les comptes de la justice pour savoir combien d’affaires étaient traitées à l’époque et combien de juges d’instruction étaient en poste. Cela permettrait de relativiser la sempiternelle chanson sur le manque de moyens.

24. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:39 par Ferdi

Bonjour,

Pardonnez-moi une question, mais quelqu’un sait-il pourquoi France Moulin a refuse son transferement initialement ?
J’ai du mal a comprendre si c’est de son propre chef ou si elle a ete placee en maison d’arret sans qu’on lui demande son avis.

Est-il possible qu’en vertu des arrets pre-cites elle eut espere que l’annulation de la procedure lui permette de se sortir de ce mauvais pas, les faits etant prescrits 5 ans plus tard ?

25. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:44 par Jean-Christophe

@ Léna la rousse (9):

Non non, la convention STIPULE bien: ce n’est pas une loi mais une convention internationale. Un contrat, quoi.
Et le contrat, il stipule!

Bien à vous.

26. Le jeudi 9 décembre 2010 à 10:44 par lapocompris

Question bête : étant elle-même avocat, pourquoi a-t-elle besoin d’un avocat en GAV ?

27. Le jeudi 9 décembre 2010 à 11:00 par sir yes sir

Je ne peux qu’approuver le commentaire de mon vénérable et d’ailleurs vénéré collègue GASCOGNE…
Anecdote : je suis de perm’. Je dois déférer un prévenu demain matin (un vilain stupeux). Mon collègue JLD m’a demandé de le maintenir en GAV jusqu’à demain après-midi, le matin il a un rendez-vous perso qu’il ne peut pas louper. Pourtant moi demain j’aurai fini mes investigations… Ce qui n’a pas l’air de soucier mon superbe collègue, si indépendant, si préoccupé de la protection des libertés individuelles.

Je veux bien qu’on m’accable de tous les maux, mais vraiment, quelques temps en juridiction permettent de voir que les principes, c’est bien, mais que ce sont les pratiques qui font la justice. Je connais bien des parquetiers bien plus tournés vers les droits de la défense (qui est allé en compa hier en ayant à peine vu les dossiers car il avait confié le double de la procédure à l’avocat ?) que des juges.

Eolas:
C’est pour cela que je le demande pas qu’un juge remplace le procureur mais s’y ajoute. Deux protections, même si une est imparfaite, valent mieux qu’une. Et vous savez très bien que pour chaque anecdote où un procureur aura agi pour protéger les libertés d’une personne soupçonnée, je peux vous en produire deux, si ce n’est dix, relatant le contraire. Tenez, par exemple : la garde à vue inutile mais prolongée du mail à Rachida Dati (100 euros d’amende avec sursis, quel trouble à l’ordre public !), et ce syndicaliste retenu au commissariat sous un prétexte fallacieux pendant une visite présidentielle.

28. Le jeudi 9 décembre 2010 à 11:09 par Simone

@ Cinquo (23)
Votre remarque sur le recours aux juges d’instruction est intéressante. Cependant, il me paraît a priori difficile de comparer la délinquance (et surtout son traitement) du XIXème siècle et celle d’aujourd’hui.

29. Le jeudi 9 décembre 2010 à 11:51 par Sanfran

A Gascogne (13)

“Très délicate, la comparaison des parquetiers à des voleurs…Un certain syndicat de policier s’est retrouvé en justice pour avoir osé un parallèle douteux au sujet des avocats.”

Il n’est peut-être pas nécessaire de s’alarmer : contrairement au syndicat en question, Maître Eolas n’a pas établi de comparaison mais a procédé par analogie (une fois n’est pas coutume ! la banque semblant avoir plus grâce à ses yeux que le kiosque à journaux - pardon, Maître).

Je ressors, je ressors

30. Le jeudi 9 décembre 2010 à 11:53 par SB

@Léna la rousse et Jean-Christophe: il semble qu’on peut dire les deux: http://dinersroom.free.fr/index.php…

31. Le jeudi 9 décembre 2010 à 11:54 par Nnj

cet arrêt doit être salué et apprécié à sa juste valeur. Parce que cela fait plus d’un an que je soulève des conclusions de nullité …
Ha ha ha !
Bon, la formule peut paraitre un brin prétentieuse … mais je serais quand même d’avis d’obliger certains politiques a lire votre blog

32. Le jeudi 9 décembre 2010 à 11:57 par Fred

@ sir yes sir (27)

Vous tombez justement dans le travers qu’évoque Eolas : nul de remet en cause votre dévouement personnel.

Ce qui était agaçant : ils opéraient un glissement sémantique entre l’indépendance organique, dont la CEDH a constaté l’absence, et l’indépendance d’esprit, dont personnellement je me contrefiche et qui n’est pas l’objet du débat.

C’est l’évolution des principes qui bouscule lentement les pratiques, en particulier de certains de vos collègues moins scrupuleux que vous.

Note : il n’empêche que l’utilisation de la métaphore voleurs/banque n’est pas très productive : sans être parfaitement représentative ni aider à la compréhension, elle braque une partie des lecteurs.

33. Le jeudi 9 décembre 2010 à 12:01 par Sanfran

A Gascogne (13)

“Très délicate, la comparaison des parquetiers à des voleurs…Un certain syndicat de policier s’est retrouvé en justice pour avoir osé un parallèle douteux au sujet des avocats.”

Il n’est peut-être pas nécessaire de s’alarmer : contrairement au syndicat en question, Maître Eolas n’a pas établi de comparaison mais a procédé par analogie (une fois n’est pas coutume ! la banque semblant avoir plus grâce à ses yeux que le kiosque à journaux - pardon, Maître).

Je ressors, je ressors

34. Le jeudi 9 décembre 2010 à 12:09 par Clafoutis

@ Simone 9:43
Si je me souviens bien, les commerçants et les voleurs ont le même dieu : Mercure.

35. Le jeudi 9 décembre 2010 à 12:18 par Cinquo

@ Simone.

La vérité serait-elle plus difficile à faire éclater aujourd’hui qu’il y a 120 ans ?

36. Le jeudi 9 décembre 2010 à 12:59 par salah

Nicolas Hervieu :
« Aux yeux de la Cour, peu importe qui est responsable de l’instruction (ou de l’enquête) : ce qui compte est seulement qu’une “ autorité judiciaire” au sens de l’article 5.1 c) puisse se prononcer sur la privation de liberté. »

Pas tout à fait puisque la Cour exige qu’« une autorité judiciaire compétente » statue sur la privation de liberté . Autrement ,la privation de liberté devient l’accomplissement d’une peine sans aucune forme de procès légal et dans les règles.

C’est toute la différence entre une justice organisée et une organisation qui fait de la justice .

37. Le jeudi 9 décembre 2010 à 13:34 par javert

Quand la nécrose est répandue de façon dangereuse on pratique l’amputation du membre. Pourquoi ne pas supprimer les deux cancres de la chaîne pénale à savoir la Police et le ministère public ?

En tout cas, je félicite une très bonne partie des avocats qui se sont présentés en garants des libertés fondamentales, et en défenseurs de la veuve et de l’orphelin, contre l’arbitraire du parquet et contre les violents policiers : vous avez gagnés.

Arrêtons l’acharnement thérapeutique et laissons le soin à des professionnels, totalement indépendants et compétents, le soin d’arrêter et de juger en toute conformité de la CESDH.

Ami(e)s du parquet, c’est un grand honneur d’avoir attendu des plombes la section P4 ou P12. Et comme je suis un cancre, violent, extorqueur d’aveu, c’est avec grand plaisir que je rends mon tablier pour enfiler celui du conformisme, la société ne s’en portera que mieux.

Le meilleur dans cette histoire et que je n’ai jamais été contre la présence de l’avocat pendant les auditions (l’application pratique sera intéressante mais j’aurai préféré en plus un enregistrement vidéo pour toutes les auditions) mais quand je vois comment est présentée cette bataille, à savoir une espèce de lutte contre le fantasme de la violence policière en gav, je suis outré. Je suis celui qui passe le plus de temps avec le MEC, mais nous n’avons pas eu notre mot à dire ! (même si synergie représentant à peine 5% des effectifs l’a pris avec beaucoup de classe.)

Quant au Parquet, j’ai au téléphone de façon quotidienne des magistrates qui sont capables de penser par elles-mêmes et qui exercent une action plus que noble : celle de représenter la société. Alors dans cette ambiance de pensée unique, je voulais vous rendre hommage ami(e)s du Parquet de Paris (et d’ailleurs), et sachez que votre voix matinale, enrouée du contre-rendu de la nuit, va me manquer.

Je rêve d’un jour où les décisions de la CEDH ne seront pas qu’en faveur des transgresseurs, je rêve d’une procédure qui arrête de nous soupçonner. Si ce n’est pas le cas : supprimez-nous et faites notre boulot, on vous regarde.

Eolas:
Vous avez tout à fait raison de  pointer du doigt un oubli impardonnable de la part de votre serviteur. La réaction à la Caliméro n’est pas l’apanage du parquet, les policiers et gendarmes aussi nous jouent la ritournelle des mal-aimés. Ça évite d’argumenter en droit.

38. Le jeudi 9 décembre 2010 à 13:38 par Mangèle

@ Eolas :

Mon cher confrère,

Dans la ligne de la jurisprudence actuelle de la CEDH, et à l’opposé de celle du Conseil Constitutionnel et de la Chambre Criminelle (sur le report, notamment, de la notification du droit au silence en début de GAV), je vous invite à lire le remarquable jugement du Tribunal correctionnel de Charleville-Mézières du 4 novembre 2010.

L’analyse est limpide, qui mène le juge à faire application immédiate de la CEDH et de la jurisprudence de la Cour européenne.

VDB

39. Le jeudi 9 décembre 2010 à 13:41 par Mangèle

Erreur :

Le jugement est du 2 décembre 2010 !

40. Le jeudi 9 décembre 2010 à 13:52 par Triskael

@eolas ou toute autre personne sachant suffisamment le droit :

la CEDH a dit ça. Très bien. Quels moyens a-t-elle pour obliger l’Etat français à appliquer ces changements à 100%, et non en façade comme c’est le cas jusqu’à présent ?

41. Le jeudi 9 décembre 2010 à 13:52 par XavXav

@ Alex (11) & Jean-Christophe (25).

Komprenpa : Si la CSDH est assimilable à un “contrat” (et donc “stipule), kesskisspass si on ne respecte pas le contrat ? Dans un contrat avec un fournisseur en France, c’est le Code de commerce me semble-t-il qui encadre cette situation de non-respect des engagements d’un contrat. Mais pour une convention internationale ?

42. Le jeudi 9 décembre 2010 à 13:52 par sir yes sir

A FRED (32) : soit, alors mettons en place de beaux principes, drapons-nous d’une scintillante indépendance organique, et confions la direction des enquêtes, le contrôle de la GAV et la protection des libertés individuelles à un magistrat IN-DE-PEN-DANT, un juge du siège… J’ai déjà dit que la première conséquence pour moi serait de ne plus être réveillé la nuit.

Ce qui m’inquiète c’est de croire que c’est la solution miracle, car ma pratique quotidienne me permet de dire que ce n’est pas le cas.

43. Le jeudi 9 décembre 2010 à 14:00 par Tonio

J’ai une question pratique. En une année, ca monte à combien les DI que doit payer la France aux victimes suite aux condamnation de la CEDH?
merci

44. Le jeudi 9 décembre 2010 à 14:03 par Scytales

Mangèle (comm. n°38, et 39), souffrez que je partage un lien direct vers le jugement auquel vous semblez vous référer :

http://www.cercle-du-barreau.org/me…

45. Le jeudi 9 décembre 2010 à 14:04 par Mangèle

@ Scytales

Je souffre…!

46. Le jeudi 9 décembre 2010 à 14:13 par Cinquo

@ Javert en 37

“Je rêve d’un jour où les décisions de la CEDH ne seront pas qu’en faveur des transgresseurs”

Réjouissez-vous puisqu’à travers la France ce sont les transgresseurs que vous êtes (policiers, parquetiers et juges) que la CEDH condamne régulièrement…

47. Le jeudi 9 décembre 2010 à 14:17 par BB-Avocate

@ Triskael:
La CEDH ne dispose pas d’un pouvoir de coercision contre les Etats membres, contrairement à la CJUE. Elle condamne les Etats à indemniser leurs victimes. C’est une condamnation à des DI (sans doute provisionnée dans le budget de l’Etat…si c’est pas le cas, il faudrait y penser parce que ca ne risque pas de s’arrêter!!)
Les condamnations prononcées font référence à des principes fondamentaux, des libertés publiques et par conséquent, dans le pays qui se dit “des droits de l’homme” ca fait toujours mauvaise impression… pour sa pomme d’abord mais aussi pour l’opinion internationale.
Un changement à 100% est donc possible, oui, mais ca tient surtout du bon vouloir des Etats… Sinon, ils enchaineront les condamnations…

48. Le jeudi 9 décembre 2010 à 14:26 par Thierry76

@ 16. Léna la Rousse

“Le rouge de la honte m’envahit.
Je m’en vais me fouetter avec un code de procédure pénale…”

Boudiou, une avocate, en robe, fouettée, … les mains liées avec son épitoge on peut rajouter ? Raaah lovely, le beau fantasme.
Ce blog devient d’un érotisme torride. On se croirait chez Mô  !

;-)

49. Le jeudi 9 décembre 2010 à 14:28 par Archicham

@ Gascogne

J’ai du mal à comprendre comment vous (le parquet) pouvez dire que vous n’êtes l’adversaire de personne : vous représentez la société, l’intérêt général, et c’est à ce titre que vous réclamez des sanctions, non ?
Que ce soit au nom de l’intérêt général n’empêche pas que cet intérêt est “adversaire” de la partie en défense. C’est un rôle absolument nécessaire, qui doit être tenu et qui je pense l’est dans le respect des droits de la défense. Mais de la même manière que ce n’est pas le parquet qui décide de la sanction finale, on peut penser que ce n’est pas au parquet de décider du maintien ou non en détention…

Sans dire que l’intervention d’un juge indépendant (au titre de la CSDH) est LA solution miracle, ça peut être une piste à explorer, non ? Ne serait-ce que pour éviter à la France de multiples condamnations.

50. Le jeudi 9 décembre 2010 à 14:32 par Schmorgluck

@lapocompris Question bête : étant elle-même avocat, pourquoi a-t-elle besoin d’un avocat en GAV ?
(Sous contrôle des juristes alentours, n’hésitez pas à me fesser si je dis des bêtises)
Un point clé de la position de l’avocat, qui lui permet de jouer son rôle, en GAV comme ailleurs, est de ne pas être impliqué dans le dossier autrement que par l’office qu’il exerce auprès de son client. Et puis, franchement, travailler sur un dossier judiciaire, c’est pas évident depuis une geôle.

Si l’on étend la question à “pourquoi un avocat aurait-il besoin de faire appel à un avocat ?”, il se trouve que d’une part la représentation par un avocat est obligatoire devant certaines juridictions, et que d’autre part, même devant les juridictions où ladite représentation est facultative pour le citoyen lambda, elle est quand même obligatoire pour un avocat en exercice⁽¹⁾.

Ceci dit pour (tenter de) montrer que j’ai bien retenu les leçons.

(1) Et par “avocat en exercice”, je ne parle pas d’Eolas a vélo, hein…

51. Le jeudi 9 décembre 2010 à 15:24 par jbsorba

Bonjour ou bonsoir.

Si le but initial de ce blog est de rapprocher le mékeskidi comme moi de sa justice c’est gagné.

@3

Ce n’est pas que une question de mentalité mais aussi (avis perso) de formation et d’organisation:

Formation des magistrats, formation des policiers formation des “formateurs” (professeurs) etc.

Organisation comme la séparation entre police en uniforme (police de tout les jours, police qui se voie) et police judiciaire (police qui recherche la vérité, police que l’on ne voie pas). etc.

Création d’un vrai juge des libertés qui ne peut être contourné une perquisition, juge des libertés, une écoute téléphonique, juge des libertés, obtenir des données personnelles (log internet donnée de comptes en banque, historique de téléphone etc.) juge des libertés, une demande de GAV etc. de sorte que a chaque foi que on cherche a porter atteinte a une liberté dans le cadre d’une instruction il y est un regard neutre sur l’affaire “objet de la demande”, une demande qui a chaque foi devrait être motivée, en cas d’avis positif l’autorisation serait assortie de conditions de mise en application et d’un suivi par le JDL (juge des libertés) qui a délivré la dite autorisation. Une autorisation qui peut aussi être révoquée par ce même JDL etc.

52. Le jeudi 9 décembre 2010 à 15:30 par Simone

@ Eolas
Permettez moi de faire quelques remarques suite à la lecture de votre (intéressant) papier sur notamment, si j’ai bien compris, l’absence actuelle de contrôle des gardes à vue par une autorité judiciaire indépendante et la nécessité d’un habeas corpus.

Vous avez eu raison de rappeler que dans le cas d’espèce “cette garde à vue a eu lieu dans le cadre d’une instruction judiciaire” et que c’est donc le juge d’instruction qui contrôle la dite mesure, et non le procureur de la République. En l’espèce, deux juges d’instruction ont donc effectué un contrôle de la garde à vue, et ce dès le début de celle-ci.

Vous indiquez : “comme la loi l’exige, les deux juges d’instruction étaient présents, une perquisition dans un cabinet d’avocat ne pouvant être effectuée par la police seule.” Rappelons que c’est surtout la présence du bâtonnier ou de son délégué que la loi exige.

Eolas:
Je ne sais pas quelle partie de la première phrase de l’article 56-1 du CPP vous échappe : « Les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué…»

“… la garde à vue a été prolongée par un juge d’instruction de Toulouse, territorialement compétent...” Donc deuxième contrôle, de surcroît par une autorité indépendante différente de celle qui instruit le dossier.

Eolas:
Précisément, la Cour relève que de contrôle il n’y eut point puisque ce magistrat n’a pas jugé utile d’entendre la gardée à vue.

Puis, à l’issue de cette garde à vue, et en raison d’impératifs géographiques, la mise en cause a fait l’objet d’un mandat d’amener pour être présentée le plus rapidement possible aux deux magistrats instructeurs. Dès lors, déclenchement de la procédure de ce mandat, et donc présentation au Procureur de la République. Tout cela prend du temps, notamment en raison de la mauvaise volonté affichée de l’intéressée. Résultat : la CEDH condamne la France à payer des DI pour violation de l’article 5§3 de la CSDH. Et certains ici en deviennent rouge de honte.

Eolas:
Question de vocabulaire : ce que vous appelez “mauvaise volonté” s’appelle juridiquement exercice du droit de se défendre. Je sais, c’est chiant, ça fait perdre du temps, ça empêche de condamner en rond, et à la fin, ça fait condamner la France.

“… la Cour constate que (…) leur collègue toulousain territorialement compétent a ordonné la prolongation sans entendre France Moulin pour lui permettre d’argumenter.”
D’où ma question (déjà posée ici même) : le contrôle de la garde à vue passe t-il nécessairement par l’audition du mis en cause par l’autorité judiciaire indépendante chargée de se pencher sur la question ? C’est visiblement ce que vous estimez : “Quelle est la solution ? (…) un passage obligé devant ce juge pour la prolongation à la 24e heure.” Vous me direz que les droits de l’homme n’ont que faire de certaines préoccupations matérielles, et je ne pourrai pas vous contredire.

Eolas:
Ce n’est pas mon estimation. C’est la rédaction de l’article 5 : la personne doit être traduite devant le juge. Je ne crois pas que personne ait compris cela comme visant à permettre au juge de claquer la bise au gardé à vue.


Et rappelons qu’en vertu de l’arrêt Brusco, le gardé à vue doit pouvoir être assisté d’un avocat lors de ces procédures.” Il est étonnant de constater que Maître Moulin a oublié de soulever ce point alors qu’elle a attaqué la garde à vue pour d’autres motifs, certains farfelus.

Eolas:
Elle a soulevé mais uniquement sous l’angle de l’accès à l’avocat, pas de l’entretien effectif. À sa décharge, le recours a été déposé 4 ans avant l’arrêt Salduz. Je vous laisse vous étonner toute seule que cette avocate n’ait pas anticipé de 4 ans une jurisprudence décisive.

Ensuite votre billet devient beaucoup plus intéressant, vous écrivez : “… si les juges avaient pris la peine de s’entretenir avec France Moulin, les exigences de l’article 5 de la CSDH eussent été satisfaites.” Et vous citez l’article 105 du CPP, article particulièrement intéressant que les professionnels de la profession ont tendance à oublier. Je le rapprocherai personnellement des articles 113-1 et 113-2. Une lecture attentive des dispositions qui y sont consignées laisse en effet supposer que le mis en cause (dans le cadre d’une information judiciaire) ne peut finalement pas être entendu par les policiers, mais uniquement par les magistrats instructeurs.
Je vous rejoins donc sur cette question : “… n’assistons-nous pas à la fin de l’instruction sous-traitée à la police… ?
Oui… mais… la présence (très) prochaine de l’avocat au cours de la phase policière risque de perturber vos plans. Puisque les gardés à vue seront entendus en présence de leurs conseils, ne pourront-ils pas dès lors être entendus par les membres de cette méchante institution ?
Dans le cas contraire, cela ne me dérange pas, cela nous fera un peu boulot en moins.
Bien à vous.

Eolas:
À condition que j’aie accès au dossier de l’instruction au commissariat, je n’ai aucune objection de principe. Je crois que cela enterre votre hypothèse.

53. Le jeudi 9 décembre 2010 à 15:33 par v_atekor

@gascogne : les personnes poursuivies ne sont pas non plus des banques …

enfin pas toutes.

… ca dépend des saisons …

54. Le jeudi 9 décembre 2010 à 15:42 par Guerandal

@13. par Gascogne

- Quant au fait de considérer le parquetier comme un adversaire, vous ne m’en voudrez pas de ne pas être d’accord. En ce qui me concerne, je ne suis l’adversaire de personne, juste le représentant de l’intérêt général. Un commissaire du gouvernement est-il l’adversaire d’une partie ?

Si vous n’êtes l’adversaire de personne, vous allez donc cesser de réclamer aussi bien des sanctions que des relaxes lors des audiences pénales.

Vous vous contenterez de dire le droit (càd de donner votre interprétation en toute indépendance) comme les ex-commissaires du gouvernement (dénommés rapporteur public depuis le 1er février 2009).

Mais alors, qui va poursuivre et requérir contre les vilains ?

55. Le jeudi 9 décembre 2010 à 16:01 par Tadam

Il est juste temps de supprimer la CEDH. Des vieux grabataires qui veulent dicter leur loi sous prétexte de défendre les droits de l’homme (les droits des délinquants en fait). Ils extrapolent et vont bien au delà de leurs attributions. C’est inadmissible, ils ne font pas de la justice , ils font de la politique.

Qu’ont me dise sur quel texte précis ils se basent. Sur aucun. Tout est de leur interprétation. Ils auraient très bien pu décider du contraire. Il est plus que temps de supprimer cette institution symbole du fascisme judiciaire européen.

Eolas:
Vous êtes tellement ridicule que c’en est mignon. Vous n’êtes pas un troll, vous êtes un lolcat.

56. Le jeudi 9 décembre 2010 à 16:28 par Caporal

Comme l’évoque certains collègues parquetiers, la dévolution du contrôle de la garde à vue par les fonctionnaires du Parquet au juge du siège ne dérangera aucunement les premiers (cela nous permettra peut être de dormir quelques heures d’affilées quand nous sommes de permanence).
Je ne suis pas convaincu que, sur le fond, cela change grand chose au contrôle de ces mesures. Je lève les mesures quand elles sont illégales ou qu’elles ne sont plus nécessaires. je ne vois pas ce que les magistrats du siège pourront faire de plus.

Une autre bombe passée inaperçu :

“Sur ce dernier argument, la Cour considère que le besoin de repos des juges et de leur greffier invoqué par le Gouvernement ne saurait justifier une atteinte aux exigences de l’article 5 § 3”.

Dans la mesure où les magistrats n’ont pas besoin de dormir (on réfléchi toujours mieux après une nuit blanche), ils pourront sans difficulté être saisi par les avocats à toutes heures du jour et de la nuit.

je suis content d’être fonctionnaire depuis le 23 novembre.

Enfin, 4 ans pour obtenir une décision par la CEDH, cela me paraît contraire au délai raisonnable évoqué dans la convention et rappelé régulièrement par cette Cour.

57. Le jeudi 9 décembre 2010 à 16:39 par Simone

@ Eolas
“… n’assistons-nous pas à la fin de l’instruction sous-traitée à la police… ?”
L’audition du mis en cause peut-être (et encore), mais le reste des investigations, cela m’étonnerait. Je vous rappelle, cher Maître, qu’une enquête ne se limite pas à l’interrogatoire du suspect.

58. Le jeudi 9 décembre 2010 à 16:52 par Clafoutis

@ Tadam
” les droits de l’homme (les droits des délinquants en fait)”
” Il est plus que temps de supprimer cette institution symbole du fascisme judiciaire européen.”

Laissez le volant à quelqu’un d’autre, vous n’êtes pas en état.

59. Le jeudi 9 décembre 2010 à 16:53 par Holmes

Eolas : “Mes amis, n’assistons-nous pas à la fin de l’instruction sous-traitée à la police…”

Javert (37) : “Ami(e)s du parquet, c’est un grand honneur d’avoir attendu des plombes la section P4 ou P12…”

Touché-Coulé …

“Javert sentait dans sa conscience le devoir se dédoubler,…il y avait eu en lui quelque chose du loup qui ressaisit sa proie et du chien qui retrouve son maître… Il voyait devant lui deux routes également droites toutes deux, mais il en voyait deux ; et cela le terrifiait… Et, angoisse poignante, ces deux routes étaient contraires. L’une de ces deux lignes droites excluait l’autre. Laquelle des deux était la vraie ? Sa situation était inexprimable.

Javert demeura quelques minutes immobile, regardant cette ouverture de ténèbres…L’eau bruissait. Tout à coup il ôta son chapeau et le posa sur le rebord du quai. Un moment après une figure haute et noire, que de loin quelque passant attardé eût pu prendre pour un fantôme, apparut debout sur le parapet…et tomba droite dans les ténèbres ; il y eu un clapotement sourd, et l’ombre seule fut dans le secret des convulsions de cette forme obscure disparue sous l’eau.”

Victor Huguo - Les Misérables - : Chapitre 1 : Javert déraillé -

60. Le jeudi 9 décembre 2010 à 17:36 par Nom ou pseudo

Je cite le billet : une co-saisine, qui permet à deux juges d’instruction du même tribunal de travailler de conserve sur le même dossier complexe (soulignage rajouté)

J’imagine que vous aviez l’image des petits pois dans la tête au moment de l’écriture de cette phrase ?

61. Le jeudi 9 décembre 2010 à 17:44 par Boule de neige

Comme le dirait le comique Hortefeux,”à ce stade il n’y a pas de pagaille” ni sur les routes ni dans le tribunaux!

62. Le jeudi 9 décembre 2010 à 18:09 par chimere

Maître,
Vous écrivez
“Un jour viendra où tous les juges français appliqueront la CSDH au parquet avec la même rigueur qu’ils appliquent le Code pénal aux citoyens”

Que voulez-vous dire ?

Merci

Un étudiant en droit

63. Le jeudi 9 décembre 2010 à 18:16 par Clems

Le procureur est le représentant du ministère public, il est l’adversaire d’une partie puisqu’il tente de lui opposer l’intérêt de la société qui serait de la tenir loin d’elle.

Comment pourrait il être l’intérêt d’une partie que d’aller en prison ? Quand on est en prison, on n’est plus dans la société donc vous ne pouvez en aucun cas prétendre être un tiers de confiance pour ce qui est la défense de ses intérêts. Quand à l’idée de faire de l’avocat et du procureur des partenaires. Elle est ridicule, ils servent juste à la manifestation de la vérité mais de façon contradictoire, et si la vérité éclate, ce n’est qu’une conséquence involontaire.

Plutôt que l’analogie des banques; je préfère celle du chasseur qui tente de nous faire croire que l’animal doit lui dire merci. C’est du même ordre.

64. Le jeudi 9 décembre 2010 à 18:23 par Strangler

Maître, ainsi que l’ensemble des participants, avez vous vu/lu cet article ?

http://www.lemonde.fr/politique/art…

Je sais que c’est hors sujet mais je remarque que nous dépassons toujours les limites de l’indécence du côté de l’Intérieur et de ses représentants.

65. Le jeudi 9 décembre 2010 à 19:19 par Fafnir

Pourquoi utilisez vous le mot “bananer” qui n’est pas dans le dictionnaire alors qu’il existe “houspiller”?

66. Le jeudi 9 décembre 2010 à 19:35 par Frank

Peut être parce que cela ne veut pas dire la même chose?

67. Le jeudi 9 décembre 2010 à 19:51 par willycat

peace and love and habeas corpus.

68. Le jeudi 9 décembre 2010 à 20:38 par loloaml@yahoo.fr

Nous pouvons porter plainte contre notre chirurgien quand il commet une faute. Et contre un juge… Quand ?

Eolas:
Si un juge vous opère de la prostate, immédiatement.

69. Le jeudi 9 décembre 2010 à 20:43 par marsan

Habeas corpus ? why not ! et inutile de faire de grande loi - il suffit de confier au juge des libertés et de la détention le controle de toutes les gardes vue

un mot à mon ami Gascogne pour lui dire que décidément il fait toujours un tabac sur ce blog

70. Le jeudi 9 décembre 2010 à 20:45 par Major_MacLambert

@Fafnir #64 : c’est pour se faire comprendre des Mékéskidis, pardi ! xD

Il est où, le bouton “J’aime” de Facebook ?

71. Le jeudi 9 décembre 2010 à 21:03 par F

@67

On peut faire appel et faire réformer la décision.

Vous avez déjà essayé de faire appel contre l’amputation d’une jambe ? Sans trop m’y connaître, je suppose que cela n’est pas aisé de greffer une jambe déjà amputée. D’où une réparation pécuniaire.

Deux situations totalement incomparables, en somme.

72. Le jeudi 9 décembre 2010 à 22:08 par Jean-Christophe

@ Xavxav (41):

Si le “contrat” n’est pas respecté par une partie, l’une des 46 autres parties peut saisir la cour EDH (cour qui est instituée par le “contrat” lui-même) par ce que je crois être un “recours en constatation de manquement” (c’est le nom utilisé dans l’Union européenne pour saisir la CJUE lorsqu’un des 27 Etats membres ne respecte pas les traités communautaires, donc je pense que dans le cadre du Conseil de l’Europe c’est la même chose).
Mais diplomatiquement c’est difficile de dénoncer son petit camarade!

73. Le vendredi 10 décembre 2010 à 01:46 par XS

Bonsoir Maître,
Bonsoir Gascogne et tous les autres,

A propos d’habeas corpus -qui au 21eme siècle passe aussi par les droits électroniques-, que pensez vous de l’ordonnance rendue par le TGI de Lille concernant l’affaire Wikileaks-OVH-Besson ??

Est-il usuel de rendre un tel .. papier? Avec une première décision laconique, prenant partie (La LCEN dit vraiment que le contenu de wikileaks est manifestement illicite?) raturé par une seconde décision, refusant de répondre, tout en estimant que OVH devrait juger elle-même si le site est illicite.

Pourquoi faut-il payer des juges, si leur travail consiste à dire “jugez à notre place”?
En informatique, on appelle cela du “déni de service” (DoS).

La thèse de “l’engagement de responsabilité” est aussi un peu curieuse. On pourrait par exemple proposer à des policiers de ne pas arrêter telle ou telle personne, ou à des JI de ne pas instruire telle affaire, “s’ils estiment que leur responsabilité peut être engagée”.

74. Le vendredi 10 décembre 2010 à 03:36 par TERZIBACHIAN

Bonjour,
La CEDH devrait avoir le pouvoir de démettre les responsables qui les ignorent.
Sinon, c’est de la rigolade.

Bien cordialement:
J.T.
MARSEILLE.

75. Le vendredi 10 décembre 2010 à 10:02 par Ben

Il arrive parfois que le parquet se prononce en faveur de la relaxe ou l’acquittement. Dès lors, comment pouvez-vous affirmer, sans la moindre nuance, que le ministère public est l’adversaire du prévenu?

76. Le vendredi 10 décembre 2010 à 10:16 par villiv

hey mais on est vendredi…..

donc hors’sujons ;-)

quoique pas tant que cela !!

il s’agit, pour reprendre le titre du présent billet, de relever que le mot dédommagement n’est plus, désormais, un gros mot ,non plus,… pour (ou vis à vis de) la SNCF

et oui, après un premier procès évoqué ici meme en février,

voici que là, toute le monde (en France, donc c’est tout le Monde ;-) ) parle de la condamnation obtenue par …. un avocat à l’encontre de la SNCF

et voila, c’est partiiiiii  : la-sncf-condamnee-pour-un-retard

PS. tentons tous des actions mais notons qu’au final, comme disait Coluche, c’est nous qui paye !!!! ;-)

77. Le vendredi 10 décembre 2010 à 10:39 par Gascogne

Le gouvernement semble avoir réagi.

78. Le vendredi 10 décembre 2010 à 11:04 par Cat

Signalé par un ami:

{{Je recentre la discussion sur les gardes à vue en signalant qu’en Chine, ce pays ultra-totalitaire bafouant quotidiennement les droits de l’Homme, qui n’a pas signé de convention européenne à ce sujet (et pour cause…) et se fout de la CEDH comme d’une guigne, donc, la Chine vient d’autoriser la présence d’un avocat lors des gardes à vue afin de lutter contre la torture et les aveux forcés:

http://www.chinadaily.com.cn/china/… }}

Bonne journée,

Cat

79. Le vendredi 10 décembre 2010 à 11:09 par Parquezaco

Je crains que cette agitation autour du Parquet ne se retourne comme un boomerang vers ses zélateurs.

Je gage ma première chemise d’audience qu’à trop forcer le trait le Parquet ne prolongera plus les gardes à vues et que celles-ci pourront être prises, pour 48 heures, voire plus, sans intervention d’aucun magistrat.

Car il est inconcevable de mettre en place une usine à gaz un mécanisme prévoyant le défèrement à un juge des gardés à vue au bout de 24 heures.

Pour le reste, dans l’affaire MOULIn et dans d’autres du même tonneau, il est en quelque sorte fait reproche aux parquetiers (toujours sur le pied de guerre et présents) d’avoir placé quelque suspect en détention, alors même qu’aucun juge n’était disponible pour l’interrogatoire dans les délais légaux!

Pour qui appellerait l’Habéas Corpus de ses voeux, c’est un peu fort de café!

80. Le vendredi 10 décembre 2010 à 11:31 par kuk

Eolas:
France Moulin a été finalement condamnée le 16 septembre 2008 par la cour d’appel d’Orléans à un an de prison avec sursis pour révélation d’information d’une enquête. Ce qui démontre que les 23 jours de détention provisoire qu’elle a subis étaient disproportionnés

Par quel calcul jugez-vous de la disproportion ? Cette personne risquait 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende. Si l’examen des faits par le juge des libertés (JLD) amenait celui-ci à constater qu’il y avait des indices concordants et circonstanciés mettant en cause la prévenue, et que les nécessités de l’enquête imposaient le maintien en détention de cette personne, je ne vois pas en quoi on peut se permettre de juger rétrospectivement, en fonction de la condamnation, que cette détention provisoire était disproportionnée. D’autant plus que la personne a bien été condamnée.

Sous réserve que les fait fussent avérés, vous étiez bien plus sévère, de prime abord avec votre consœur, dans votre article initial. Vous étiez déjà dubitatif sur sa détention provisoire, mais au moins vous argumentiez sur les motivations du JLD. (Vous ne pouviez pas faire autrement, le jugement n’ayant pas encore eu lieu)

81. Le vendredi 10 décembre 2010 à 12:00 par récap59

Bonjour Parquezaco (79)

“Pour le reste, dans l’affaire MOULIn et dans d’autres du même tonneau, il est en quelque sorte fait reproche aux parquetiers (toujours sur le pied de guerre et présents) d’avoir placé quelque suspect en détention, alors même qu’aucun juge n’était disponible pour l’interrogatoire dans les délais légaux!”

Si aucun juge n’était disponible, ce n’était pas la faute de la suspecte.

Donc cela n’avait pas à être retenu contre elle. Il fallait la laisser libre.

82. Le vendredi 10 décembre 2010 à 12:14 par Narduk

Bonjour,

2 questions, svp.

Le droit d’être jugée dans un délai raisonnable : qu’appelle-t-on raisonnable ? Cette notion me semble excessivement floue alors que les articles de loi sont détaillés au point de faire peur.

Juge et procureur, je commence à m’embrouiller sur leur rôle respectif.

Merci.

83. Le vendredi 10 décembre 2010 à 12:18 par jalmad

Il est amusant de voir comment un certain nombre de parquetiers se sentent ipso facto attaqués à titre personnel sur leurs pratiques dès qu’on se contente de rappeler l’évidence que constitue leur statut.

Il n’est absolument pas question, selon moi, de dire qu’ils sont tous des suppôts du pouvoir, des malades de la répression qui foulent à coeur joie les droits de la défense. Sur la très élégante (je me moque un peu, pardonnée, mais je trouve ça un peu minable, comme système de défense de dire “ah ouais, d’accord, mais moi je fais de mon mieux et il y a pire ailleurs” ; je suis certaine que vous ne manquez pas de le souligner à l’audience quand un prévenu vous fait le coup) remarque de Sir Yes Sir quant au fait que certains parquetiers sont bien plus à la pointe que certains juges du siège, qu’on ne s’y trompe pas : je suis entièrement d’accord avec lui. C’est un fait. C’est d’ailleurs pour cela notamment que le parquet m’aime bien, dans mon TGI : il sait que jamais je ne rechigne à une présentation, à quelque heure que ce soit, et n’importe quel jour, et que je rabroue mes collègues du siège quand ils se lamentent que le parquet ceci, le parquet cela, blabla, levée de GAV à 16 heures, présentation à 18 h00 un vendredi. Chers parquetiers : n’hésitez pas à vous fritter avec le siège là-dessus, vous avez raison.

Il n’empêche que l’on connaît malheureusement des situations où des ordres sont donnés par la hiérarchie parquetière à leurs ouailles de ne pas agir dans le seul intérêt de la société. Parfois, et même souvent, au grand dam de nombre de parquetiers d’ailleurs ; je me souviens de billets amers de Gascogne ici même sur certaines affaires. Alors, pas pour le commun des affaires, nous en sommes d’accord ; et encore, la circulaire sur la conduite à tenir en matière de GAV, c’est pas mal dans le genre “je dicte aux magistrats du parquet, grands enfants qu’ils sont, éventuellement susceptibles d’être tentés de velléités d’appliquer la CEDH, la conduite à tenir”, et ça a bien vocation à s’appliquer à nos affaires du quotidien. Moi, je ne sais pas vous, mais je n’estime pas que cela fasse partie de la “politique pénale” stricto sensu ; c’est de la procédure pénale, c’est à dire question de garantie des libertés fondamnetales, que chaque magistrat est sensé appércier au cas par cas. En gros, c’est le truc pour lequel on a prêté serment, il me semble. Vous trouvez ça normal, que la chacellerie vienne vous donner des leçons là-dessus, vous ? que les parquetiers “de terrain” estiment devoir tenir des réunions, se concerter, pour envisager une conduite à tenir qui éviterait l’apparition de pratiques trop disparates sur l’ensemble du territoire, je peux tout à fait le concevoir ; ce serait même louable, dans un souci d”égalité des citoyens. Mais là, ce qui s’est passé, ce n’est absolument pas ça : c’est “statu quo jusqu’à nouvel ordre, fermez le ban”. Et, je peux me tromper, mais je n’ai à ce jour, pas entendu parler d’un seul parquetier ayant tenté quelque chose pour aller à l’encontre de cette circulaire. De juges d’instruction qui l’ont fait, si ; s’étant heurtés à obstacles importants, peut-être, mais l’ayant tenté. Pourquoi d’après vous ? pas parce que j’estime les juges d’instruction intrinsèquement plus disposés à respecter les droits de la défense, mais, plutôt, selon moi, because of their statut de magistrat indépendant. Notez : tous les JI ne l’ont pas fait, loin de là, et même la majorité ne l’ont pas fait. Mais on a d’un côté “zéro” pour le parquet pour “un petit nombre” chez les JI. Avec quoi, à peu près 4 à 5 fois plus de parquetiers en France que de magistrats instructeurs ?

Et donc, il s’agit juste de dire : il est plus facile d’agir dans le meilleur intérêt des droits et dans la stricte application de la loi lorsque notre statut nous protège beaucoup mieux de toute pression extérieure visant précisément à ne pas le faire, pour privilégier d’autres intérêts. Cela n’est certes pas suffisant, mais ça me paraît nécessaire.

84. Le vendredi 10 décembre 2010 à 12:51 par Cinquo

@ Gascogne

Ben, il a pas trop réagi puisque c’est toujours vous qui prendrez la décision pour jouer les prolongations au bout de 24 heures…

85. Le vendredi 10 décembre 2010 à 12:54 par Barbapabéas Corpus

Article 7 DDHC- Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites (article 55 Constitution Traité>loi donc remplacer “dans les cas déterminés et selon les formes prescrites par la loi” par “dans les cas déterminés et selon les formes prescrites par Traités= ici CEDH).

“oser dire que LUI, le procureur d’audience, personnellement, n’était pas indépendant, était un peu fort de café”
article 7 DDHC “Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis “. Punis? What else?

86. Le vendredi 10 décembre 2010 à 13:49 par plaidoirie ou plaidoyer

Maitre,

Je me permets de vous poser une question, n’ayant pas aujourd’hui invité mon code de procédure pénale à déjeuner.
Si mes souvenirs sont bons, les exceptions de nullités sont, dans le cadre d’un procès correctionnel, soulevées avant toute discussion au fond.

Si tel est bien le cas, les moyens développés sur la nullité de la garde à vue, que ce soit sur le fondement de l’arrêt Medvedyev ou sur la base de l’arrêt Senud servent donc d’apéritif au TC avant même le frugal déjeuner correctionnel.

Certes j’apprécie la ténacité du maitre des lieux à faire valoir encore et toujours le droit. Mais je m’interroge sur l’intérêt du client dans les cas d’espèce. Car c’est en réalité à lui que nous devons le plus d’égard, car c’est lui qui subira ou bénéficiera des conséquences de notre impertinence.

J’ai dû fut un temps réfléchir sur l’opportunité de rappeler à un jury populaire les conséquences physiques de la réclusion: troubles de la vision, défaillance osseuse et autres réjouissances. Était-il pertinent de rappeler l’inefficacité de telles mesures d’enfermement, sur le strict plan de la défense de la société?

Un célèbre avocat toulousain aime à déclarer “Je préfère une bonne plaidoirie avec un mauvais résultat, à une mauvaise plaidoirie avec un bon résultat”.
Je suppute que le maitre de ces lieux ne partage pas un tel point de vue.

Ma question est donc celle d’une élève avocate qui s’interroge. N’avez-vous jamais l’impression que vos rappels au droit, à l’égard des magistrats puissent nuire aux intérêts de vos clients?
Je ne prônerai jamais la soumission en matière de violation des droits de l’homme mais je ne cesserai probablement pas non plus de douter.

87. Le vendredi 10 décembre 2010 à 13:51 par salah

Jalmad
Comme à votre habitude : Toujours sublime !

88. Le vendredi 10 décembre 2010 à 14:13 par biarnes

Le juge qui embastille est-il l’adversaire de la partie?

En cas d’appel, le parquet qui est adversaire de tous peut-il ne pas être adversaire du juge d’appel qui n’est pas forcément l’adversaire du prévenu.

Et l’avocat n’est-il pas souvent le plus grand adversaire de son client dans l’adversité, lui-même adversaire du parquetier, suspect de ne pas être adversaire du juge car à la même école?

Tout ceci sent la grande foutaise… vite une aspro!

89. Le vendredi 10 décembre 2010 à 14:18 par Simone

@ Eolas
(Très courte intervention, là tout de suite je dois extorquer des aveux à quelqu’un que je sais par ailleurs étranger aux faits qui lui sont reprochés)
Vous n’avez pas répondu à la question suivante : le contrôle de la garde à vue passe t-il donc nécessairement par l’audition du gardé à vue par la fameuse autorité judiciaire indépendante ? C’est visiblement ce que semblent admettre les magistrats de la CEDH.

90. Le vendredi 10 décembre 2010 à 14:26 par Olivier

“Mes lecteurs auront aussitôt fait le parallèle avec l’arrêt Medvedyev dont j’avais déjà parlé ici. “

Un parralèle très relatif puisque la violation de l’article 5.3 est rejetée par la CEDH dans Medvedyev alos qu’il est acté dans Moulin. Ce qui doit vous donner espoir, Maitre, sur vos futures demandes contre les parquets d’idf.

Une chose qui ne me parait toutefois pas très claire dans l’arrêt, c’est en quoi la présentation au juge d’instruction a fins de prolongation de la garde-à-vue (au paragraphe 9) ne répond pas aux exigences de la convention ? C’est l’audition “physique” de la gardée à vue qui fait défaut, ou la compétence du juge sur l’affaire? C’est expédié assez vite au §50 et le raisonnement est trop rapide pour moi.

91. Le vendredi 10 décembre 2010 à 14:47 par Lars Wool

Habeas Corpus ?

C’est pas une formule magique à la Harry Potter ça ?…..

….. ohhh regardez cette splendide tapisserie sur le mur !

92. Le vendredi 10 décembre 2010 à 15:24 par Epaulard

  1. 52 - #89 : j’attends avec un plaisir anticipé (et coupable, mettez moi en GAV) la suite de l’échange avec le Maître des lieux :)

Question annexe liée au sujet : Par quelle contorsion intellectuelle le parquet (enfin les personnes de chair et de sang qui en sont membres) arrivent-elles à s’estimer indépendante quand elles sont liées à ce point au pouvoir politique?

Pour précision, je suis un mekeskidi :)

93. Le vendredi 10 décembre 2010 à 15:38 par jbsorba

@69

C’est pour cela que dans mon post en 51 je parle d’un vrai juge des libertés (car le JLD de mon point de vu de meksekidit n’a pas les pouvoirs que il devrait avoir un peut comme “un juge ou il manque un bout”), d’un magistrat dont la mission est le respect des libertés, libertés public ou de la personne, ce serait a lui de faire la conciliation entres toutes les libertés lorsque on doit violer l’une d’elles dans le cadre de l’instruction par exemple le tout sans tomber dans l’usine a gaz procédurale.

@73

Dans le cas OVH vs BESSON c’est une des raisons qui me font détester une partis de la LCEN (a ajouter le scandale ARJEL et LOPPSI2) ou on demande a un tiers privé (ou une administration) de prendre une décision qui ne relève manifestement pas de sa responsabilité. Déterminer la légalité d’un site internet ou plutot de ses activités (si le site opère bien en France car la France n’est pas le monde dans ce cas il faut interdire les voyages a LAS VEGAS par exemple si on applique la méthode ARJEL) revient a un juge a la suite d’un procès dans les règles. Ce que OVH a fait en demandant a la justice de trancher la question (ce que la justice semble ne pas avoir été capable de faire?). Même si le Conseil constitutionnel a limité au manifestement illicite (LCEN) un opérateur technique n’est pas un magistrat.

94. Le vendredi 10 décembre 2010 à 15:53 par sir yes sir

Cher Epaulard, mékesdidi de son état : je ne me contorsionne point. Je n’ai jamais dit qe j’étais indépendant, ce serait de la pure mauvaise foi : ma dépendance est statutaire. Les parquetiers qui prétendent le contraire se voilent la face, ou sont des menteurs.
J’ai dit que je n’étais pas partial. Ce n’est pas pareil. Personne ne me croit, mais en plus de ne pas être partial, je suis également imperméable à l’avis des autres.

Et à Maître Eolas, n° 27, sous mon commentaire : et si on ajoutait une troisième protection . On met un juge, un procureur et un jury populaire pour contrôler la GAV ?
Ok, je sors…

Non sans rire, Maître, je comprends et partage même une partie de vos arguments et force est de constater que la CEDH y souscrit. Je déplore juste la vision que cela transmet de mon office, mais peut-être est-ce moi qui suis à côté de la plaque, après tout.

95. Le vendredi 10 décembre 2010 à 16:12 par loloaml

Cher Maître, pour ma prostate, le juge n’aura pas le temps d’y toucher qu’il en aura pris une…. Mais, dans notre beau pays (si, quand même) les magistrat peuvent s’asseoir sur le droit européen en attendant tranquilement que la France (éternelle?) soit condamnée ? De responsabilité pour eux, walou, nada, que dalle  ? ? (si j’avais su…)

96. Le vendredi 10 décembre 2010 à 16:14 par Epaulard

@94 Chef oui chef ;)
“J’ai dit que je n’étais pas partial” : Là, je m’interroge.

En effet, dans ma version simplifiée de la justice, il y a trois éléments : l’accusateur, le défendeur et le juge
L’accusateur défend les intérêts de la société
Le défendeur défend les intérêts de l’individu
Le juge tranche (enfin moins depuis l’abolition de la peine de mort)

Quand je lis les billets de Maître Eolas, j’y voit un point de vue partial. Souvent juste à mon sens, mais partial.
Le juge, lui, se DOIT d’être impartial.

Comment un membre du parquet peut-il être impartial?

97. Le vendredi 10 décembre 2010 à 16:17 par Petruk

Comme c’est vendredi je me permet un HS avec ici le jugement sur le groupe de policiers ayant menti et commis des faux, accusant dans leur procès-verbal le conducteur de la voiture qu’ils poursuivaient d’avoir percuté un des leurs, alors que l’accident était le fait de collègues.

Le syndicat Alliance est écœuré qu’on ne puisse pas tranquillement commettre des faux pour balancer au trou qui on veut. Où va le monde, je vous le demande…
En bonus track ici, la version du Figaro, qui sans doute pour des raisons de difficulté de mise en page, se contente de rapporter l’indignation d’Alliance en omettant les faits à l’origine la condamnation.

98. Le vendredi 10 décembre 2010 à 16:28 par Cinquo

@ plaidoirie ou plaidoyer.

Nous devons partir du principe que le juge est là pour dire le droit et non pour exprimer ses sentiments personnels et donc écouter avec autant de neutralité que possible et sans état d’âme les arguments des uns et des autres. Il ne doit donc pas avoir lieu de craindre une défense qui ne “plaise pas”. C’est sans doute très différent avec un jury populaire dont on nous chante pourtant les louanges.

Ceci démontre d’ailleurs par essence la nécessité de deux adversaires et de deux thèses dans tout procès (n’en déplaise aux parquetiers ci-dessus commentants).

Le problème aujourd’hui, semble-t-il, c’est qu’un certain nombre de magistrats, on ne sait pour quelle raison, s’éloignent de ce qui devrait être l’expression du droit. On le voit quand la cour de cassation se permet de reporter dans le temps les effets d’un texte qu’elle juge illégal, ou que des magistrats se basent sur la prééminence du droit local sur la convention internationale pour refuser d’appliquer cette dernière.

Doit-on pour autant, devant ces déviations, se censurer ? Il me semble au contraire que c’est en demandant, sans cesse, d’appliquer les règles que l’on a le plus de chances que cela, un jour, se produise.

99. Le vendredi 10 décembre 2010 à 16:48 par récap59

Et si Julian Assange avait été piégé en Suède par des agents dormants de la CIA ?

Après tout il a ravi à Oussama Ben Laden le titre d’ennemi public numéro 1 des USA, difficile de croire que cela n’a rien à voir avec les poursuites engagées contre lui en Suède.

http://www.slate.com/id/2277407/

Sans compter qu’il est rare que les criminels sexuels se révèlent subitement à son âge, sans aucun antécédent.

“En 1991, la police australienne l’arrête et le menace de 31 chefs d’accusation pour piratage informatique (après une enquête de plusieurs années il s’en tirera finalement par une amende).”

31 chefs d’accusation, quel acharnement !

S’il y avait eu quoi que ce soit de sexuel à trouver contre lui, la police australienne ne l’aurait pas raté.

http://www.lalibre.be/actu/internat…

100. Le vendredi 10 décembre 2010 à 17:04 par bavard

A quand un procès contre les banques de notre pays? Ah oui, j’oubliais, la force moderne de mercantilisme vise aujourd’hui à concentrer tout le pouvoir , il est donc impossible de lutter contre ce système marchand…

http://lecancanier.over-blog.com/ar…

101. Le vendredi 10 décembre 2010 à 17:24 par Dubitatif

et ceux-là, le Parquet en dit quoi, en toute indépendance:

Sept policiers condamnés à de la prison ferme pour dénonciation calomnieuse

LEMONDE.FR avec AFP | 10.12.10 | 15h19 • Mis à jour le 10.12.10 | 17h12
{{
Sept policiers jugés à Bobigny pour avoir porté de fausses accusations contre un homme ont été reconnus coupables vendredi 10 décembre de “dénonciation calomnieuse” et “faux en écriture” et condamnés à des peines allant de six mois à un an de prison ferme, jugement “inattendu” qui a suscité la fureur de leurs collègues.}}

“On a appelé les collègues du département à venir devant le tribunal. L’objectif est de montrer au président du tribunal qu’on n’est pas d’accord”, a déclaré Sébastien Bailly, secrétaire départemental adjoint du syndicat Alliance. “On est scandalisé par le jugement. Pour nous c’est une atteinte au métier de policier”, a fustigé M. Bailly. A 16 heures, plus de 200 policiers de Seine-Saint-Denis étaient rassemblés devant le tribunal alors qu’hurlaient les sirènes d’une quarantaine de voitures.

C’est fort, ça, quand même!

ben il en dit qu’il fait appel:

Le parquet de Bobigny a fait appel de la condamnation des sept policiers. “Il apparaît nécessaire au procureur de la République qu’un second jugement du dossier soit assuré au niveau de la cour d’appel”, écrit dans un communiqué la procureur de Bobigny, Sylvie Moisson. Cet appel est “nécessaire (…) tant au regard des faits que de la personnalité des policiers, qui n’avaient naturellement jamais été condamnés, qu’en considération de la jurisprudence habituelle du tribunal”.

CQFD: le Parquet prouve son indépendance à l’égard des magistrats du siège.

102. Le vendredi 10 décembre 2010 à 17:32 par ARIE

Cher Maitre,

Je tiens à vous remercier pour vos billets toujours très instructifs et intelligibles.

Cet Arret Moulin c/ France fut le sujet de DLF de mon Grand O (CRFPA). Je regrette de ne pas avoir parcouru votre site hier soir, trop pris par les mises au points de dernière heure que j’étais, cela m’aurait été de toute évidence d’une aide précieuse (notamment pour certains aspects procéduraux), quoique je pense avoir assuré l’essentiel, étant dejà au fait de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg en la matière.

Soyez donc assuré qu’aux portes de l’antichambre des Barreaux, vos futurs (je l’espère) confrères sont dejà conscients et soucieux des progrès que notre Pays doit faire sur la question.

Cordialement.

103. Le vendredi 10 décembre 2010 à 17:35 par Jalmad

@ Petruk :

Merci pour ce moment d’anthologie: des types d’Alliance s’interrogeant, voire s’offusquant, sur le fait que des prévenus n’auraient pas joui des droits de la Défense (la parole en dernier), voire n’auraient pas bénéficié d’un procès équitable (manque de sérénité car “jugé à chaud”), et de ce que les peines prononcées seraient trop sévères.

Alors là, franchement, les articles, j’me les imprime, et j’me les encadre.

C’est marrant comme on change de point de vue, d’un coup, quand on se rend compte que tout citoyen est un prévenu potentiel. La cerise sur le gâteau, c’eût été que les avocats des prévenus soulèvent la nullité des GAV faute d’assistance par un avocat….

Il y a quand même un truc que je comprends pas, peut-être Simone pourra-t-elle m’éclairer : ces types là, ils ont été condamnés sévèrement non pas pour avoir fait leur travail de policier, mais justement parce qu’ils ont fait exactement l’inverse de ce qu’on attend du travail d’un policier, et en usant des pouvoirs exorbitants du droit commun qui leur sont attribués (les faux, par exemple, c’est pour moi, et je pense pour n’importe quel policier qui exerce avec conscience, une infraction hyper grave en soi).

Je sais pas moi, un de mes collègues magistrats est sévèrement condamné pour une infraction quelconque commise dans le cadre de ses fonctions, et bien, je lui souhaite évidemment d’avoir une bonne défense et d’avoir un procès équitable, je n’irai pas crier “haro sur le baudet”, peut-être même qu’à titre personnel je pourrais trouver la peine prononcée sévère, mais je n’irai certainement pas défiler dans la rue pour le soutenir.

Bref, je comprends pas.

104. Le vendredi 10 décembre 2010 à 17:42 par sir yes sir

Toujours aussi cher Epaulard (et vous avez de la chance que je ne connaisse pas la traduction de votre pseudo en anglais ! ;) )
c’est là que le bât blesse : je ne me considère pas comme un accusateur public. Oui le Parquet poursuit, mais il classe sans suite aussi, parfois juste en opportunité ; il fait des alternatives aux poursuites ; il fait des rappels à la loi. Oui il réclame une peine devant le tribunal correctionnel et la Cour d’assises, mais parfois aussi, la relaxe ou l’acquittement. Oui il dirige l’enquête, mais il veille aussi à sa régularité, et il doit savoir s’incliner et ne pas poursuivre quand la procédure est irrégulière. C’est en cela que moi non plus je ne me vois comme un adversaire de personne : je défends la société, dont le prévenu fait partie. Bien sûr je suis la partie poursuivante, j’assume ce rôle ; mais l’intérêt général peut commander la clémence, la dispense de peine, la non inscription au B2, toutes choses qui ne collent pas forcément à ce rôle de grand accusateur public et que je requiers très fréquemment.

105. Le vendredi 10 décembre 2010 à 18:07 par kuk

Vous avez raison Sir yes sir, le parquet fait même parfois appel des condamnations ! (cas des 7 policiers condamnés à de la prison ferme, et radiation de 5 d’entre eux). Ca ne colle pas vraiment avec ce rôle de grand accusateur public qu’on essaie de vous coller.

106. Le vendredi 10 décembre 2010 à 18:17 par XS

@Dubitatif
A 16 heures, plus de 200 policiers de Seine-Saint-Denis étaient rassemblés devant le tribunal alors qu’hurlaient les sirènes d’une quarantaine de voitures.
Cela fait combien de PVs pour tapage diurne? Personne pour dire “Sarkozy je te vois”?

Intéressant le concept de défendre des collègues “parce qu’ils n’avaient jamais été condamnés”. De l’art d’éviter de parler de l’infraction. On dirait du Hortefeux ..

Julian Assange, mais aussi Villepin, Gergorin, Jerôme Kerviel peuvent-ils aussi se prévaloir de tels arguments?

107. Le vendredi 10 décembre 2010 à 18:22 par OuvreBoîte

@Jalmad(103) : comprendre les gesticulations d’alliance ; un petit dessin d’explication ?
http://www.simpsonstrivia.com.ar/si…

@sir yes sir(104)
C’est un raisonnement curieux ; la société dans son ensemble et un individu en faisant partie peuvent avoir des intérêts parfaitement antogonistes, le poids de l’intérêt général étant généralement pas le même que celui de son intérêt particulier - beaucoup de gens n’auront que des scrupules très limités à léser l’intérêt commun pour un bénéfice personnel.
Même en laissant de côté la question de la position du parquetier, une personne peut très bien se positionner comme adversaire de la collectivité dont elle fait partie.

108. Le vendredi 10 décembre 2010 à 19:23 par Boule de neige

A ce stade il n’y a pas de pagaille…. devant le TGI Bobigny mais une simple manifestation anti républicaine….mais que fait la police!

109. Le vendredi 10 décembre 2010 à 20:10 par goon

Le pire c’est que ce n’est pas un “simple” faux pour disculper un copain (ce qui, peut être compréhensible mais non admetable) mais il y aussi la mise en cause d’un innocent (avec GAV au passage) et des coups (ITT de 5 jours)
Après les policiers s’étonne qu’on ne les respecte plus.
Je me demande pourquoi les policiers honnêtes ne s’offusque de leur collègues qui jettent l’opprobre sur leur profession, plutôt que d’un jugement qui montre qu’ils sont aussi des justiciables.

110. Le vendredi 10 décembre 2010 à 21:22 par Myslate

Bon, puisqu’on dérive vers les pandores condamnés pour faux, quelques réflexions.

Il est certain qu’un parquetier qui travaille tous les jours avec des policiers de son ressort sera enclin à une certaine indulgence ou peut subir d’amicales pressions lorsque certains d’entre eux (même s’il ne les connait pas) se retrouvent au tribunal “en face” de lui. Ne faudrait-il pas dépayser ce genre de dossiers ?

On pourrai considérer au regard des condamnation prononcées que l’indulgence a déjà suffisamment joué dans le cas présent puisque l’article L 441-4 précise : “Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et à 225000 euros d’amende lorsque le faux ou l’usage de faux est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.”

Un appel dans ces circonstances ne peut que faire douter de l’objectivité du parquet.

Quant à la manif devant le tribunal et les déclarations des deux syndicats de policiers, j’aimerais avoir sur ces points le sentiment de Simone.

111. Le vendredi 10 décembre 2010 à 22:32 par Fassbinder

@Dubitatif

« “On a appelé les collègues du département à venir devant le tribunal. L’objectif est de montrer au président du tribunal qu’on n’est pas d’accord”, a déclaré Sébastien Bailly, secrétaire départemental adjoint du syndicat Alliance. “On est scandalisé par le jugement. Pour nous c’est une atteinte au métier de policier”, a fustigé M. Bailly. A 16 heures, plus de 200 policiers de Seine-Saint-Denis étaient rassemblés devant le tribunal alors qu’hurlaient les sirènes d’une quarantaine de voitures. »”

Je souhaite “à l’instar” de l’escouade citée plus haut, un bon séjour de peine et de joyeuses fêtes à ces individus si, mandat de dépôt fût requis à l’audience…

De ce fait, j’adresse mes plus hauts respects au magistrat requérant en première instance et au juge délibérant…
Respectueusement vôtre.

112. Le vendredi 10 décembre 2010 à 23:55 par malpa

@ sir yes sir 104
épaulard en anglais : Killing whale ou Orca.

113. Le samedi 11 décembre 2010 à 00:28 par prometheefeu

Si les juges continuent d’ignorer la CEDH on fait quoi? Je sais, le changement ca peu prendre du temps, mais bon, j’imagine que les victimes des gardes a vus n’apprecient pas de passer la nuit au frais pour caus de frilosite judiciaire.

114. Le samedi 11 décembre 2010 à 01:10 par ervilan

@ sur 109 Après les policiers s’étonne qu’on ne les respecte plus.
Je me demande pourquoi les policiers honnêtes ne s’offusque de leur collègues qui jettent l’opprobre sur leur profession, plutôt que d’un jugement qui montre qu’ils sont aussi des justiciables.

Pour rétablir l’égalité, il suffirait simplement que les voleurs (et tout autres “méchants”) prêtent serment :
un truc du genre :

“Je jure de bien et loyalement dépouiller la vieille, me remplir les poches en fonction de ce que je trouverais, de bien observer où est planquée sa réserve “

lamentable attitude des policiers qui ont “pimponné” devant et alentours du palais !
Pour se tirer une balle dans le pied , il n’y avait pas mieux

115. Le samedi 11 décembre 2010 à 08:27 par marsan

@ Dubitatif

je ne sais pas si le parquet de BOBIGNY démontre son indépendance par rapport aux magistrats du siège ce qui est sur c’est qu’il montre bien le lien de dépendance avec son ministère voire indirectement avec celui de la place Beauvau.
On est pas Procureur de la République dans ce tribunal par hasard. Une fois de plus la courroie de transmission a bien fonctionné dans la région parisienne.

Après il n’y a pas de quoi s’offusquer que quelques policiers syndicalisés fassent du bruit - moi je n’ai pas entendu tous les autres qui n’ont rien dit. Quant à M BAILLY qu’il retourne à l’école pour apprendre ce qu’est la déontologie policière : je suis sur qu’il va découvrir des choses qu’il a apprises et oubliées (c’est un peu comme le code de la route à force de ne pas le respecter on croit qu’on est dans notre droit quand on se fait attraper)

116. Le samedi 11 décembre 2010 à 09:02 par Simone

A la demande de certains, je reviens… après un petit passage, sirène hurlante, du côté de la Seine Saint Denis. Plus sérieusement (cette affaire ne m’incitant en réalité pas vraiment à la galéjade), on ne peut que déplorer le comportement de certains policiers, tout d’abord ceux qui ont monté un dossier en grande partie bidon, accusant notamment un individu d’être l’auteur de faits très graves dont il était pourtant étranger, ensuite ceux qui sont allés manifester bruyamment devant les portes du Palais de Justice de Bobigny pour marquer leur mécontentement face à un verdict qui peut sembler sévère. Personnellement, je ne me prononcerai pas sur le bien-fondé ou non de cette condamnation. Je ne connais en effet de cette histoire que ce que j’en ai lu dans les journaux. Je suis cependant toujours mal à l’aise quand je vois des policiers, des syndicalistes en tête du cortège, se mobiliser pour “défendre” des collègues au comportement a priori inacceptable et totalement incompatible avec leurs fonctions.
Ceci dit, je remarque que les organes de contrôle et d’enquête interne ont parfaitement fonctionné. Rappelons que c’est la hiérarchie de ces policiers qui a soulevé l’incohérence des déclarations. L’Inspection des services semble avoir mené une enquête objective, loin du corporatisme dont elle est souvent taxée. Enfin, les autorités judiciaires n’ont pas non plus, comme on le lit souvent, “couvert” les exactions policières.
Mais tout cela nous éloigne de notre “amie” France Moulin, du statut des membres du Parquet et de l’interprétation de la CSDH par les magistrats de la CEDH.

117. Le samedi 11 décembre 2010 à 09:25 par choqué par l'histoire de bobigny

@simone (116)
“Mais tout cela nous éloigne de notre “amie” France Moulin, du statut des membres du Parquet et de l’interprétation de la CSDH par les magistrats de la CEDH.”

Pas tant que ça. A mon sens, le plus choquant dans cette histoire, outre l’intervention du ministre, c’est l’appel du parquet.
Pourquoi le parquet a t il fait appel ? Parce qu’on lui a demandé de. Parce qu’il n’est pas indépendant.

118. Le samedi 11 décembre 2010 à 09:57 par noisette

Bonjour,

je ne tiens pas à commenter l’appel du parquet, ni les vociférations des (sans doute) rares policiers mécontents du jugement,

si ce n’est que j’aimerais qu’ils doivent répondre après l’appel de leurs dires et positions, (je n’ose imaginer que l’appel diminue la gravité des peines)

mais des peines elles-mêmes.

Envoyer quelqu’un en prison, un innocent, pour une durée “interminable psychologiquement” (un grand nombre d’années !), vivre dans les conditions que l’on connait pendant toutes ces années, n’est-ce pas tout simplement une sorte de torture que l’on a tenté de lui infliger ?

Leur fonction étant une circonstances aggravante.

Je suis loin d’être parmi ceux qui aiment les peines lourdes, mais il me semble qu’en l’occurrence, les peines infligées sont légères. Ce sont des peines pour “délinquants”, (délinquance pourtant parfois punie bien plus lourdement que les faits dont nous discutons) qui posent à mes yeux le problème de la proportions des peines.

Leur fonction étant une circonstances agravante

119. Le samedi 11 décembre 2010 à 10:32 par unread

Sur l’indépendance de la justice, on a ce matin un cablounet que je ne suis sincèrement pas certain de bien comprendre :

Selon le message, Bruguière aurait demandé l’avis du gouvernement français avant de délivrer un mandat contre des Rwandais, mettant les relations diplomatiques à mal, mais la ligne officielle serait qu’il est indépendant.

Je traduis un morceau du résumé :
Separately, XXXXXXXXXXXX conceded that the GOF had given Bruguiere the green light to issue his report, in response to Rwanda’s continuing probes into, and allegations concerning, France’s role in the events of 1994 in Rwanda; the same source surmised that the GOF had miscalculated and had not envisioned the severe measures Rwanda would take in response

Ma traduction : Par ailleurs, XXXXXXXXXXXX concéda que le gouvernement français avait donné le feu vert à Bruguiere pour la publication de son rapport en réponse aux preuves et allégations continues du Rwanda concernant le rôle de la France dans les événements de 1994 au Rwanda ; la même source ajouta que le gouvernement avait fait une erreur de calcul et n’avait pas anticipé les mesures sévères prises par le Rwanda en réponse.

-

Je traduis une petite note du corps du «câble» :
The party¹ and public line has been that Bruguiere, exercising his judicial independence, had done so without consulting other GOF elements.
Ma traduction, mon emphase : La communication politique et publique a été que Bruguière, exerçant son indépendance judiciaire, a agi ainsi sans consulter d’autres membres du gouvernement français.

¹pas d’autre occurrence de party, comment comprendre ? C’est l’UMP ? Il est très possible que ma traduction ici soit fausse.

120. Le samedi 11 décembre 2010 à 10:52 par Eowyn

Merci Simone pour votre éclairage. J’attendais, je l’avoue, votre réaction. Je ne comprends pas la réaction des policiers dans cette affaire, qui donnent l’impression de minimiser, sinon de vouloir justifier les actes de leur collègues.

Ayant fait des stages en police dans le cadre de ma formation, je sais que l’opinion des policiers en commissariat est souvent éloignée de celles exprimée publiquement par les syndicats. Mais ça fait du bien de l’entendre (enfin de le lire).

Comme citoyen, je ne peux croire que les policiers se reconnaissent le droit de faire des faux en écriture publique et de faire encourir la perpétuité à quelqu’un, fut-il poursuivi par eux en voiture pour de bonnes raisons.

121. Le samedi 11 décembre 2010 à 11:50 par Richelieu

@noisette, 118 :

Je suis loin d’être parmi ceux qui aiment les peines lourdes, mais il me semble qu’en l’occurrence, les peines infligées sont légères. Ce sont des peines pour “délinquants”, (délinquance pourtant parfois punie bien plus lourdement que les faits dont nous discutons) qui posent à mes yeux le problème de la proportions des peines.

Ce sont effectivement des peines légères. L’acte qu’ils ont commis était passible de 15 ans de réclusion criminelle, comme la torture et actes de barbarie, le viol ou le proxénétisme de mineur de 15 ans : la société affecte donc à l’acte qu’ils ont commis la valeur d’une faute très grave, incontestablement.

Le tribunal de Bobigny est régulièrement accusé d’être clément dans ses condamnations, c’est une illustration de cette tendance, qui ne sanctionne pas lourdement ceux que la police arrête. Je comprends qu’ils manifestent, les 200, s’ils sont partisans des peines plus lourdes pour les délinquants, ils doivent enrager de voir des criminels aussi légèrement réprimandés !

Après, justement, ils sont 200… Ce n’est pas toute la police non plus. Ce qui me choque, c’est que la préfecture ait autorisé une manifestation destinée à faire pression sur la justice à se dérouler à proximité du tribunal. Je les croyais plus à cheval sur le risque d’atteinte à l’ordre public. C’est courant ?

122. Le samedi 11 décembre 2010 à 13:40 par goon

@Richelieu “Ce sont effectivement des peines légères. L’acte qu’ils ont commis était passible de 15 ans de réclusion criminelle, .”
C’est quel chef d’accusation qui est passible de 15 ans ?

123. Le samedi 11 décembre 2010 à 14:11 par gil

@ goon: c’est le “faux en écriture publique par personne dépositaire de l’autorité publique agissant dans l’exercice de ses fonctions”.

124. Le samedi 11 décembre 2010 à 14:51 par goon

Merci. Je ne trouvais pas le bon dans toutes les possibilités de faux existant.

125. Le samedi 11 décembre 2010 à 15:17 par Gil

PS: d’après Georges Moreas sur son blog policetcetera

126. Le samedi 11 décembre 2010 à 15:19 par Cinquo

Les policiers manifestants ainsi que Boutefeux ne doivent pas avoir beaucoup de connaissance du code pénal. Ils devraient plutôt être contents que de tels criminels (et non délinquants) évitent les assises et s’en tirent avec des peines aussi faibles.

Quant à Simone, qui ne se prononcera pas sur le bien fondé du jugement…

127. Le samedi 11 décembre 2010 à 15:44 par citoyenlambda

Cela me surprend toujours que les magistrats du Parquet se plaignent d’être mal vus à l’issu de billets de Maitre-Eolas.

Permettez moi de vous dire que vos Collègues Courroye dans l’affaire Woerth Bettencourt (“nous connaissons le procureur”) et Marin dans l’Affaire Clearstream (en faisant appel de la relaxe de “de Villepin”) font incommensurablement plus pour ternir l’image de votre fonction auprès du Public que n’importe quel article de Maitre Eolas.

Autrement dit si vous voulez vous en prendre à ceux qui nuisent à votre image, commencez par ceux qui y nuisent le plus.

Sur le fond je comprends que quand en tant qu’individu on s’efforce d’agir avec une certaine éthique, c’est toujours désagréable d’être amalgamés avec ceux qui ne s’embarrassent pas d’autant de scrupules mais encore une fois focalisez vous en priorité sur ceux qui nuisent le plus à votre image.

P.S Merci à Jalmad pour tout ce qu’elle écrit, votre existence, vos écrits sont un réconfort pour tout citoyen qui veut pouvoir continuer à croire à une vraie république, merci.

P.P.S et merci aussi à maitre-eolas

128. Le samedi 11 décembre 2010 à 16:38 par Tsuki

Pour revenir sur le sujet et l’arrêt Moulin, rien de tel que des considérations essentiellement de droit !

Voici un commentaire personnel de l’arrêt en question pour essayer de répondre à certaines des questions posées, apporter des précisions et peut-être quelques correctifs aux propos de Maître Eolas.
(désolé d’avance pour sa longueur et pour le côté technique propre au juriste…)

Voici d’abord quelques précisions en ce qui concerne les violations reconnues de la CESDH :

Quant à la satisfaction équitable :

  • Lorsque la Cour constate une violation, si le constat de violation de la CESDH ne suffit pas à apporter une réparation adéquate à la victime de ladite violation, la Cour peut décider d’octroyer une satisfaction équitable à celle-ci (concrètement elle fait obligation à l’Etat condamné de verser une telle somme à la victime, et ce net d’impôt).
  • Cette satisfaction équitable peut couvrir les dommages moraux et physiques, ainsi que les frais et dépens.
  • En 2007, la France a du verser plus de 3 millions d’euros à ce titre. En 2008, les sommes ont considérablement baissées : à peine plus de 150 000 euros.

Quant au caractère contraignant des arrêts, contrairement à ce que l’on pense généralement et à ce qui s’est parfois dit ci-dessus sur ce sujet, les arrêts de la Cour sont contraignants pour les Etats.

  • D’une part, les Etats peuvent être contraint d’adopter des mesures individuelles non pécuniaires (comme une remise en l’état ou la réouverture des procédures judiciaires internes), ou des mesures d’ordre général en cas de problème structurel constaté par la Cour ou entre autres le Comité des ministres (mesures qui consisteront en des modifications normatives et/ou en des revirements de jurisprudence sur le plan interne). En principe, c’est à l’Etat condamné de faire ce qu’il faut pour remédier au problème posé, cependant, la Cour précise de plus en plus dans ces arrêts (cf. la procédure de l’arrêt pilote par exemple) le type de mesure à adopter ou le type de réforme à prendre.
  • D’autre part, à la suite d’un arrêt s’ouvre une phase d’exécution de l’arrêt où l’Etat condamné doit rendre compte devant le Comité des ministres du Conseil de l’Europe du redressement de la violation constatée. Cette procédure, où le requérant déclaré victime de la violation de la CESDH est absent, est collective et multilatérale : l’Etat condamné doit répondre de la violation devant le secrétariat du Comité des ministres, devant la direction des droits de l’homme et devant les autres Etats (ce qui a permis l’émergence de bonnes pratiques et à permis d’éviter une certaine complaisance des Etats entre eux). En cas de non redressement de la violation, le Comité des ministres (appuyé sur le terrain notamment par le Commissaire aux droits de l’homme et par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en ce qu’ils permettent de faire pression sur les Etats condamnés par des visites de terrain et un rapport spécial annuel) peut mettre en demeure les autorités de l’Etat concerné de remédier à la violation. Enfin, à défaut de bonne exécution, le Comité portera l’affaire devant la Grande chambre de la CEDH par la voie d’un recours en manquement. Celle-ci, s’il y a lieu, condamnera l’Etat pour violation de la CESDH (l’article 46 de cette Convention stipule que “Les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties”) et renverra au Comité des ministres qui décidera des sanctions à prendre (une suspension du droit de vote au Conseil de l’Europe par exemple pour une violation importante, sanction très pénalisante sur le plan politique et très stigmatisante sur la scène publique : en gros, on annonce que tel Etat refuse la Convention en tant que telle). En pratique les Etats évitent ce type de condamnation le plus possible (une bonne preuve que ce système est efficace), ils (et particulièrement la France au vu des statistiques) préfèrent jouer la montre et retarder le plus possible l’exécution de l’arrêt…
  • Par ailleurs, en cas de problème structurel dans l’Etat en question, celui-ci a tout intérêt a ne pas trop tarder pour le régler, faute de quoi de nouvelles requêtes seront introduite devant la Cour, qui mèneront à de nouvelles condamnation et aux versements de nouvelles satisfactions équitables (possiblement plus importantes).

Pour ce qui est de l’arrêt de Grande chambre Medvedyev :

  • Au passage je précise, à titre de correction, que pour l’arrêt de Grande chambre Medvedyev c. France, il n’y a pas du tout eu unanimité pour adopter l’arrêt comme semble le dire Maître Eolas (10 voix contre 7 pour la violation de l’article 5 § 1 et 9 contre 8 pour l’absence de violation du § 3 de ce même article), même s’il y a eu unanimité sur la “qualité” du procureur de la République (cf. l’arrêt en question et les opinions dissidentes qui y sont jointes)
  • Cet arrêt ne portait pas sur le statut du parquet à titre principal, mais d’une part sur l’existence d’une loi (au sens de l’article 5 § 1 CESDH) permettant une arrestation et une détention légale en haute mer, d’autre part sur le délai exceptionnel (dû aux circonstances exceptionnelles de l’espèce, caractère sur lequel il y avait justement discussion) de présentation de la personne détenue devant l’autorité judiciaire (le juge d’instruction - et c’est à ce titre que la Cour a rappelé les raisons pour lesquelles le parquet français ne peut être considéré comme une autorité judiciaire, ce constat datant de 1979, arrêt Schiesser c. Suisse, certes à propos du parquet suisse et non français, mais ceux-ci étant organisés organiquement sur le même modèle…).

Bref, tout cela pour dire que cet arrêt n’a pas le même objet que l’arrêt Moulin c. France.

En effet, l’arrêt Moulin a trait au contrôle en tant que tel de l’autorité judiciaire : un contrôle effectif, automatique et prompt de la régularité de l’arrestation/détention (on se trouve ici dans les conditions de délai “normales” du contrôle et non dans des conditions de délai “exceptionnelles” comme dans l’arrêt Medvedyev) par une autorité judiciaire compétente.
La jurisprudence de la CEDH a déjà fixé les conditions de ce contrôle :

  • Un contrôle rapide (apprécié au regard des circonstances de l’espèce), sachant que la Cour a jugée dans l’arrêt Brogan c. Royaume-Uni de 1988 qu’il y avait eu violation de l’article 5 § 3 pour un cas de détention d’une durée de 4j et 6h sans comparution de la personne détenue devant une telle autorité, même dans le contexte spécial d’enquêtes sur des infractions terroristes (ce qui était le cas de l’arrêt Brogan). Cela ne veut pas dire que le maximum autorisé soit de 4j et 6h ! En effet, la Cour, qui a déjà validé des procédures de détention avant contrôle de l’autorité judiciaire de 2j et quelques heures, n’a pas eut à statuer (à ma connaissance) sur un délai proche de 4j, le maximum est donc possiblement, et certainement à mon sens, inférieur à 4j 6h, bien sûr en fonction des circonstances de l’espèce (criminalité organisée, terrorisme…).
  • Un contrôle automatique, c’est-à-dire qu’il ne peut être rendu tributaire d’une demande formée par la personne détenue.
  • Un contrôle effectué par une autorité judiciaire compétente, étant précisé que cette autorité judiciaire doit réunir plusieurs caractéristiques et pouvoirs (sa compétence ayant trait au cadre légal de son action). Tout d’abord, la cour a rappelé (notamment dans l’arrêt Medvedyev) que l’expression « autorité judiciaire compétente » du § 1 c) de l’article 5 constitue un synonyme abrégé de « juge ou (…) autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » du § 3 de ce même article. Ensuite, elle a précisé que ce magistrat doit présenter les garanties requises d’indépendance tant à l’égard de l’exécutif qu’à l’égard des parties, ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public. De plus, il doit avoir le pouvoir d’ordonner l’élargissement, après avoir entendu la personne et contrôlé la légalité et la justification de l’arrestation/détention. A ce titre, il doit entendre personnellement l’individu traduit devant lui et il doit se pencher sur le bien-fondé de la détention en examinant les circonstances qui militent pour ou contre la détention, en se prononçant, selon des critères juridiques, sur l’existence de raisons la justifiant, et, en leur absence, en ordonnant l’élargissement (cf. notamment les arrêts Schiesser, Irlande contre Royaume-Uni de 1978, T.W. c. Malte de 1999 et Aquilina c. Malte de 1999). Donc, ce contrôle automatique initial portant sur l’arrestation/détention doit permettre d’examiner les questions de régularité, de savoir s’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne arrêtée a commis une infraction, c’est-à-dire de déterminer si la détention rentre dans le cadre de l’article 5 § 1 c), et à défaut, ou si la détention est illégale, le magistrat doit avoir le pouvoir d’ordonner la libération (cf. l’arrêt McKay c. Royaume-Uni de 2006).

Venons-en maintenant au cas d’espèce, qui est intéressant à mon sens sur trois points :

Tout d’abord, sur le contrôle de la détention par le juge d’instruction.

  • La Cour vient rappeler que le contrôle de l’autorité judiciaire doit passer nécessairement par un entretien entre la personne détenu (au sens de l’article 5 § 1c) et le magistrat, à défaut il n’est pas valable. Ce qui est logique, le but de cette autorité judiciaire étant de vérifier concrètement l’arrestation/détention sans passer par le filtre d’un intermédiaire (comme la police). En l’espèce la condition n’est pas remplie : à aucun moment les juges d’instructions d’Orléans n’ont procédé à cet entretien. Mieux, la Cour précise qu’il ne ressort pas des PV de la perquisition et du dossier qu’ils l’aient fait, ce qui signifie que ce contrôle doit : 1. être prévu par la loi 2. être effectuer pleinement 3. donner lieu à une trace dans la procédure pour garantir l’absence de décision arbitraire (ce qui va dans le sens de l’article 5 § 4 CESDH qui prévoit un droit de recours devant un tribunal pour tous les cas de l’article 5 § 1, et donc en particulier un recours à l’encontre du contrôle effectué par une autorité judiciaire dans le cadre d’une arrestation /détention ; la trace dans la procédure du contrôle effectué au titre du § 3 permet de vérifier, lors du contrôle dans le cadre du § 4, l’absence d’arbitraire de l’autorité judiciaire).
  • De surcroît, la Cour rajoute que, quand bien même les magistrats d’Orléans auraient effectués ce contrôle, ils n’étaient pas compétents pour le faire au vu de la loi française (au titre de la compétente géographique, ceux-ci n’avait pas compétence pour contrôler une garde à vue dans le ressort de Toulouse), et ne pouvaient donc dans tous les cas passer pour une autorité judiciaire “compétente” au vu de l’article 5 § 3.
  • Le premier contrôle effectué par une autorité judiciaire (un juge d’instruction) compétente s’est donc fait en pratique 5j après le début de la détention… donc trop tard ! Violation de l’article 5 § 3 c) !

Ensuite, sur le procureur de la République.

  • Il est indéniable que le gouvernement français a soulevé devant la Cour la qualité d’autorité judiciaire du procureur. Ceci explique que la Cour a eu besoin de noter noir sur blanc que ce dernier n’était pas une autorité judiciaire au sens de l’article 5 CESDH, ce qui ne faisait aucune doute depuis 1979 et l’arrêt Schiesser. Maître Eolas a suffisamment rapporté pourquoi il en était ainsi, et je l’ai déjà expliqué par ailleurs quant aux qualités requises de l’autorité judiciaire par la Cour.
  • Le point le plus intéressant à mon sens se trouve ailleurs : lorsque la Cour précise dans l’arrêt Moulin :

La Cour n’ignore pas que le lien de dépendance effective entre le ministre de la Justice et le ministère public fait l’objet d’un débat au plan interne (voir, notamment, paragraphes 25 et 28 ci-dessus). Toutefois, il ne lui appartient pas de prendre position dans ce débat qui relève des autorités nationales : la Cour n’est en effet appelée à se prononcer que sous le seul angle des dispositions de l’article 5 § 3 de la Convention, et des notions autonomes développées par sa jurisprudence au regard desdites dispositions. Dans ce cadre, la Cour considère que, du fait de leur statut ainsi rappelé, les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif, qui, selon une jurisprudence constante, compte, au même titre que l’impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de « magistrat » au sens de l’article 5 § 3 (Schiesser, précité, § 31, et, entre autres, De Jong, Baljet et Van den Brink c. Pays-Bas, 22 mai 1984, § 49, série A no 77, ou plus récemment Pantea c. Roumanie, no 33343/96, § 238, CEDH 2003﷓VI (extraits))

  • Les paragraphes 25 et 28 de l’arrêt étant les suivants (oui quand je vous avez dit que mon commentaire serait long, ce n’était pas pour rien) :

Dans son rapport de l’année 2008, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) donne les résultats de l’enquête qu’il a menée auprès des magistrats de l’ordre judiciaire sur le thème « Les magistrats et la déontologie ». Il ressort d’une étude réalisée par un institut de sondage à sa demande que si les magistrats de l’ordre judiciaire sont à 95 % d’accord sur le fait que les juges du siège sont indépendants, ils sont globalement 64 % à penser que les membres du parquet ne le sont pas (Conseil supérieur de la magistrature, rapport d’activité 2008, La Documentation française, pp. 104 et 106). Par ailleurs, seuls 58 % des membres du parquet s’estiment indépendants et uniquement 27 % des juges du siège estiment que leurs collègues du parquet sont indépendants (p. 127)

Dans son rapport d’activité de l’année 2005, le CSM a renouvelé une proposition de réforme du ministère public, déjà formulée dans ses rapports des années 1998, 2001 et 2003-2004. Il a proposé un alignement complet des modalités de désignation des magistrats du siège et du parquet, estimant que tous les procureurs généraux près la Cour de cassation et les cours d’appel, ainsi que tous les procureurs de la République, soient nommés sur sa proposition, les autres magistrats du parquet devant être nommés sur proposition du ministre mais sur avis conforme, donc contraignant, du CSM. Selon ce dernier, une telle réforme assurerait « un bon équilibre entre, d’une part, les implications de cette organisation hiérarchique du parquet et, d’autre part, les exigences et garanties attachées au statut de magistrat qui serait plus sûrement et ostensiblement assuré » ; elle permettrait « d’écarter toute suspicion quant au choix des magistrats appelés à exercer l’action publique », ce qui est « d’autant plus nécessaire aux yeux du CSM qu’on assiste depuis quelques années à un accroissement continu des pouvoirs du parquet ». Corollairement, le CSM a estimé qu’il conviendrait également d’aligner la procédure disciplinaire des magistrats du parquet sur celle des juges du siège (Conseil supérieur de la magistrature, rapport d’activité 2005, La Documentation française, pp. 191-192)

  • Ainsi, la Cour ne demande pas aux autorités françaises de rendre le parquet indépendant ! (l’insistance sur le contrôle de la Cour au seul vu de l’article 5 CESDH est très net dans le communiqué de presse rendu par la Cour sur l’arrêt Moulin) Ce qu’elle demande, c’est que la personne qui contrôle la régularité d’une arrestation/détention au sens de la CESDH soit indépendante de l’exécutif et des parties (ce qui est impossible pour le ministère public, à moins d’imaginer un parquet divisé en deux branches - on abandonnerai donc en partie le principe d’indivisibilité - dont l’une ne serait pas impliquée dans les poursuites et serait indépendante du pouvoir exécutif - tient, ne s’agit-il pas justement du juge d’instruction tel que nous le connaissons ?).

Enfin, sur la garde à vue (et je laisse de côté la perquisition et l’histoire du sac à mains et de la palpation de sécurité), puisque la Cour a conclu à la non-violation de l’article 6 §§ 1 et 3 (ce que l’on a tendance à moins remarquer).

  • Sur ce point, pas de surprise, la requérante se plaignait de l’absence d’avocat lors de sa garde à vue, sauf que la Cour remarque que les autorités compétentes ont fait droit à sa demande de prévenir un avocats (indisponible sur le moment) et que finalement c’est le bâtonnier (prévenu par l’avocat) en personne qui l’avait assistée lors de ladite garde à vue.

Pour finir, une dernière précision procédurale et terminologique quant à la formation de Grande chambre de la CEDH :

J’ai noté dans les journeaux que la France s’était empressée de faire appel de l’arrêt rendu.
Dommage, l’appel devant la CEDH n’existe pas ! On parle de demande de renvoi devant la Grande chambre.
Et alors, qu’elle est la différence, me direz-vous ?

  • D’une part, la Grande chambre peut être saisie après le prononcé d’un arrêt (comme le gouvernement français l’espère en l’espèce), mais aussi en cours de procédure par la formation de chambre. Dans le second cas, il n’y a donc pas un “double degré de juridiction” si ces termes pouvaient avoir un sens à l’égard de la CEDH.
  • D’autre part, et c’est le point important ici, la demande de renvoi est analysée par un collège de cinq juges décidant ou non de renvoyer l’affaire devant la Grande chambre, sans recours possible. Cela est dû aux conditions de renvoi devant la Grande chambre : le gouvernement ou le requérant doit montrer que l’affaire soulève une “question grave relative à l’interprétation et à l’application de la Convention” (c’est à dire une question importante ayant trait au contenu de la Convention) ou une “question grave de caractère général” (c’est à dire une question importante ayant trait au système juridique de l’Etat défendeur). A n’en point douter, l’affaire Moulin ne rentre pas dans le premier cas. Pour le second, si l’on prend en compte que la qualité d’autorité judiciaire (au sens de l’article 5 CESDH) est refusée par la Cour au parquet depuis 1979 selon une jurisprudence constante, en tout cas lorsque le parquet est organisé comme en France - c’est-à-dire une autorité de poursuite indivisible sous la hiérarchie du pouvoir exécutif, et que l’arrêt a été adopté à l’unanimité des 7 juges, il y a peu de chances pour que la demande de renvoi soit accepté !

Voilà, c’est long je sais, mais ce sont des précisions intéressantes sur une procédure et devant une cour souvent méconnue et où les interprétations non juridiques vont bon train !

129. Le samedi 11 décembre 2010 à 17:30 par kuk

C’est long, mais c’est très clair et précis. Merci !

130. Le samedi 11 décembre 2010 à 20:58 par Simone

@ Cinquo (126)
Quant à Simone, qui ne se prononcera pas sur le bien fondé du jugement…
C’est un des traits de caractère qui nous différencient : j’évite d’être péremptoire sur les dossiers (ou plus généralement les sujets) dont je n’ai qu’une vision parcellaire. Dès lors, je suis bien incapable de dire quelle condamnation était la plus appropriée : 1 mois, 1 an, 5 ans… sursis, pas sursis ?
Synergie, Brice et vous-même semblez avoir un avis bien tranché, j’en suis heureuse pour vous.

131. Le samedi 11 décembre 2010 à 21:04 par citoyenlambda

@ Tsuki 128 :

présentation aussi claire que possible.

Je n’ai pas vraiment tout saisi (je ne suis pas juriste) mais votre point me semble magistralement précis et bien construit.

132. Le samedi 11 décembre 2010 à 21:36 par IPADO

Hi,
toujours les même remarques et problèmes, c’est important pour le développement.

133. Le samedi 11 décembre 2010 à 22:14 par Almostlawyer

Bonjour à tous,
pour mettre un terme à la querelle sur l’emploi du verbe stipuler à propos de la CSDH, ce texte étant bien une Convention, l’emploi du verbe “stipuler” est approprié.
Néanmoins, le bât blesse sur la tournure de phrase.
La stipulation est en effet toujours faite par une personne physique.
N’ayant pas eu le plaisir de dîner avec la CSDH depuis quelque temps, j’en conclus qu’il aurait fallu écrire: “Il a été stipulé dans l’article que”.
Petite précision sans grande importance. M’enfin, c’est un bon prétexte pour un premier post sur ce blog.
A très bientôt!

134. Le samedi 11 décembre 2010 à 23:57 par Misc

[…] me demanderons mes lecteurs latinistes”
—> demanderont

135. Le dimanche 12 décembre 2010 à 08:17 par Simone

@ Tsuki (128)
La Cour vient rappeler que le contrôle de l’autorité judiciaire doit passer nécessairement par un entretien entre la personne détenu (au sens de l’article 5 § 1c) et le magistrat, à défaut il n’est pas valable.”
La présentation obligatoire du gardé à vue lors des phases de contrôle de cette mesure (à savoir dès le début puis dans le cadre de la demande de prolongation) risque de poser de gros problèmes d’organisation, dans les services de police et de gendarmerie et surtout dans les tribunaux. Le Maître des lieux nous dira que les “droits de l’homme” n’en ont cure.
Personnellement, si je comprends et trouve assez logique la position de Maître Eolas, je pense néanmoins que cela ne va pas révolutionner le dispositif de contrôle actuellement en vigueur. J’estime de plus que le dit contrôle peut certainement être effectué dans de bonnes conditions sans que le gardé à vue s’entretienne nécessairement avec l’organe chargé de se déterminer sur la question. La présence (très prochaine) des avocats tout au long de la garde à vue sera un élément important dans l’accomplissement de ce contrôle, surtout si on laisse à ces derniers la possibilité d’actionner, chaque fois qu’ils l’estiment nécessaire, l’autorité de contrôle.

136. Le dimanche 12 décembre 2010 à 08:28 par noisette

@simone en 130:

Votre prudence confine à la mauvaise foi aujourd’hui (ou plutôt hier).
C’est dommage.

137. Le dimanche 12 décembre 2010 à 10:49 par Jalmad

@ Simone en 135 :

vous avez raison pour les difficultés pratiques de présentation au magistrat. Mais, à l’heure où on nous met de la visio-conférence et de la technologie à toutes les sauces, je crois que pour le coup, en pareille matière, ce serait particulièrement utile : équiper les commissariats et gendarmeries trop loin du TGI, ou au moins essayer d’avoir un maillage suffisant de tels équipements dans les commissariats, afin d’éviter des déplacements trop importants, ça me parait pouvoir s’envisager. Dans mon ressort, qui va s’agrandir prochainement avec la réforme de la carte judiciaire, et des gendarmeries qui seront pour certaines à plus d’une heure de route, le parquet essaie de récupérer du matériel pour monter ça.

Sur le fait que la présence de l’avocat pourrait rendre superflu l’entretien avec le magistrat du gardé à vue au moment de la prolongation, je vois ce que vous voulez dire, mais je ne suis pas d’accord : la présence de l’avocat ne relève pas de la même logique ; en l’état, il s’agirait pour l’avocat d’être présent lors des auditions, d’avoir accès au dossier, et le cas échéant de suggérer des actes d’investigation au fond. Mais en revanche, dans le projet actuel de réforme, rien quant à la possibilité pour lui de contester auprès du magistrat, à ce stade de l’enquête, la pertinence de la mesure de garde à vue, ou de son renouvellement, ou de demander des aménagements quelconques (médecin à une heure intermédiaire, etc…). Vous me direz que ce contrôle par le magistrat peut être fait par téléphone en demandant rapport aux OPJ, et le cas échéant en se faisant faxer les PV au fur et à mesure. De fait, c’est ce qui se fait la plupart du temps, notamment avec le parquet qui n’a pas les moyens en terme de temps, de se faire présenter ou d’aller visiter tous ses gardés à vue.
Il n’empêche qu’en qualité de juge d’instruction, j’ai remarqué à diverses reprises que rencontrer le gardé à vue pour recueillir ses observations, hors la présence des policiers, sur les conditions de sa garde à vue, et lui expliquer le cas échéant le déroulement de la suite de la procédure, pourquoi on renouvelle, ce qui peut se passer à l’issue, etc….est assez utile, et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, parce que la plupart du temps, d’après mon expérience, je n’ai recueilli qu’observations dans le sens d’une garde à vue qui se déroulait très correctement, d’enquêteurs corrects, qui laissent les personnes non seulement jouir de leurs droits, mais sont plutôt arrangeants pour les laisser fumer ou autres choses du style qui détend un peu l’atmosphère. Et, selon moi, ça n’est pas inutile d’acter ces observations, recueillies donc par le magistrat hors la présence policière (voire, bientôt, en présence d’un avocat).

Ensuite, parce que même dans les cas où ces policiers sont tout à fait corrects, il peut y avoir des choses qu’un gardé à vue va dire au magistrat mais pas aux policiers sur les conditions de garde à vue ; pourquoi ? parce que les policiers sont pris dans leur enquête et, légitimement, ne demandent pas toutes les 10 minutes au gardé à vue s’il a des observations sur le déroulement de la garde à vue, tandis que les gardés à vue n’oseront pas ou ne penseront pas toujours demander certaines choses. En tête, j’ai divers exemples de gardés à vue qui m’ont demandé s’il serait possible de leur procurer plus de couvertures, un matelas plus épais car ayant des pb de dos ou autres essayer de dormir en geôle est un calvaire, ou toxicomane jugé apte à subir la garde à vue mais qui d’un coup, et alors qu’on n’est pas encore à l’heure du nouveau droit au médecin se sent très mal, ou bien n’a pas usé de son droit au médecin alors que pas bien du tout, ou fini par dire que sans ses lunettes ou ne parlant pas suffisamment bien le français, pour la relecture des PV, c’est dur dur, etc……..bref, le magistrat que je suis est déjà intervenu pour tenter d’améliorer le déroulement de la garde à vue, voire éviter une potentielle nullité (faire relire les PV par l’OPJ, restituer les lunettes au moment relecture, tout cela étant acté) en général avec succès et sans se heurter à une quelconque hostilité des OPJ. En général, ça apaise encore un peu plus les choses, les droits sont mieux respectés sans nuire à l’enquête, parfois pour pas grand chose.

Et puis, deuxième chose, cette fois ci d’ordre plus général : il est selon moi très bon, que les magistrats qui gèrent ces garde à vue mettent régulièrement les pieds dans les gendarmeries ou commissariats, pouvant ainsi mieux se rendre compte des conditions (état des geôles notamment) réelles de garde à vue, et également, des conditions matérielles de travail des OPJ.

138. Le dimanche 12 décembre 2010 à 14:02 par Fred

Bien le bonjour sieur Eolas, un petit mot très anecdotique car beaucoup de commentaires ont déjà été faits, il s’agit de l’expression “de conserve” que vous avez employée et dont je rigolais jusqu’à présent pensant que les auteurs de cette expression confondaient avec celle-ci “de concert”, vous sachant pointu et précis dans l’écriture, j’ai fait un petit tour sur les dictionnaires en lignes, et je me suis aperçu que l’expression existait bien, avec le même sens, mais avec une petite nuance que vous avez su exploiter à bon escient, de conserve est apparu dans la marine au XVIeme siècle où pour se protéger et se défendre des pirates (entre autre) les navires naviguaient de conserve. Comme quoi vos articles peuvent nous faire déprimer en nous ouvrant les yeux sur notre triste réalité, mais jamais nous décevoir ne serait-ce pour leur forme et leur capacité à nous faire réfléchir même sur une expression populaire.

139. Le dimanche 12 décembre 2010 à 15:46 par Simone

@ Noisette (136)
Nulle mauvaise foi, je vous assure. De la prudence, certes, c’est exact… quoique, est-ce vraiment de la prudence que d’avouer son incompétence pour juger de la pertinence de la peine prononcée ? Personnellement, le fait que que ces 7 “collègues” soient reconnus coupables par la Justice me paraît cohérent et satisfaisant, que certains d’entre eux doivent passer par le Pôle Emploi très prochainement, de même… mais savoir s’ils méritaient de se voir infliger des peines plus lourdes ou moins lourdes… non, désolée, je serais bien incapable de répondre à cette question. Et il en est d’ailleurs toujours de même quelque soit la qualité du mis en cause. Ma compétence s’arrête au moment où je rédige mon procès-verbal de clôture et de transmission.

@ Jalmad (137)
Vos propos sont limpides et pertinents. Mais, bien que d’accord avec vous, je me permettrai éventuellement de revenir plus tard sur vos remarques.

140. Le dimanche 12 décembre 2010 à 18:51 par noisette

@ Simone en 139:

J’entends bien, cela vous honore, et explique au passage pourquoi certaines responsabilités incombent mieux à certains qu’à d’autres.

N’empêche, vous ne me convainquez pas aujourd’hui, mais quelque chose me dit (c’est que j’ai l’intime conviction facile, dirait-on) que vous vous en remettrez. :)

141. Le dimanche 12 décembre 2010 à 21:30 par Tsuki

@ Simone en 135

J’ai oublié de préciser un point important quant au contrôle effectué par l’autorité judiciaire au titre de l’article 5 § 3 de la CESDH :­ il n’y a pas méconnaissance en soi de la première partie de l’article 5 § 3 (celle portant sur le contrôle par une autorité judiciaire après arrestation/détention) si l’intéressé recouvre sa liberté « aussitôt » avant qu’un contrôle judiciaire de la détention ait pu se réaliser (cf. arrêt Jong, Baljet et van den Brink c. Pays-Bas de 1984). Autrement dit, si la détention prend fin avant le délai butoir imposé par la Cour, ce contrôle n’est pas obligatoire.

Il faut garder à l’esprit que la CESDH, en son article 5 § 3, a pour but de protéger les citoyens, dans le cadre d’une “procédure pénale”, contre les arrestations/détentions arbitraires, les détentions au secret et les risques de mauvais traitement (l’arrestation/détention légale en ce cas étant autorisée par l’article 5 § 1 c)). L’article 5 § 4 CESDH prévoit alors un recours devant un tribunal pour faire contrôler la légalité de cette détention (en fait pour toutes les sortes de détentions autorisées par la CESDH en son article 5 § 1), mais celui-ci suppose une action de la part du détenu, ce qui peut poser problème au titre de l’article 5 § 1 c) puisque l’individu est aux mains des forces de l’ordre (et par hypothèse la CESDH cherche a prévenir les abus de pouvoir de ces forces là). C’est dans cette optique que le contrôle automatique de l’autorité judiciaire a été instauré “aussitôt” après l’arrestation/détention dans le cas c) du § 1.
Il est évident que plus le temps de détention augmente plus les risques précités augmentent.

  • Ainsi, soit la mesure de détention prend fin assez vite (suffisamment vite au vu de la notion “aussitôt”) et la Cour considère que les autorités compétentes sont restées dans la marge d’appréciation qui est la leur quant à l’opportunité de la mesure (au vu de la première partie de l’article 5 § 3, c’est-à-dire que la mesure peut toujours poser problème sur un autre point de la Convention).
  • Soit la mesure de détention se prolonge au-delà de ce que le terme “aussitôt” permet et le contrôle doit être automatique. La CEDH appréciant cette durée avec intelligence : si plusieurs mesures de détention différentes se succèdent selon la qualification en droit interne, pour la Cour, ces mesures peuvent très bien n’en former en fait qu’une seule (d’ailleurs dans l’arrêt Moulin, le gouvernement français a prétendu qu’il s’agissait en fait de plusieurs mesures différentes (garde à vue, perquisition, placement en centre de rétention en vu d’un transfèrement), découpage que la Cour a balayé du fait que ces mesures avaient été prises pour la même raison : une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne avait commis ou tenté de commettre une ou des infractions au sens de l’article 5 § 1 c)).

La majorité des gardes à vue ne nécessite donc pas un contrôle obligatoire de l’autorité judiciaire, c’est lorsque celle-ci se prolonge au-delà d’une certaine durée ou lorsque plusieurs formes de détention se succèdent que cela peut poser problème ! Attention de ne pas confondre le contrôle de la garde à vue effectué au regard du droit interne (bien sûr ce contrôle a son importance et contribue notamment à l’équité du procès…) et celui exigé par la CESDH.

  • Un exemple suffira à faire la différence : une personne est placée en garde à vue, au bout de 20h le procureur décide de lever la garde à vue car elle lui semble désormais inutile.
  • Du point de vue de la première partie de l’article 5 § 3 CESDH, l’absence de contrôle de l’autorité judiciaire ne sera pas sanctionné.
  • Du point de vue interne, le contrôle du procureur qui a mis fin à la garde à vue à permis d’éviter le contrôle obligatoire par l’autorité judiciaire. Cependant, le contrôle effectué par le procureur n’a pas à répondre aux exigences du contrôle imposé au titre de la CESDH (donc la présentation du gardé à vue n’est pas obligatoire au contraire de ce que vous sembliez comprendre - à moins que je me trompe).

La présence de l’avocat que vous mentionnez est un élément distinct ayant trait à l’équité du procès à ne pas mélanger avec le contrôle effectué par l’autorité judiciaire.

142. Le lundi 13 décembre 2010 à 19:52 par tschok

@ Tuski, com 128 et 141,

Aheuh…

Vous avez un raisonnement fer à cheval: vous ne joignez jamais les deux bouts.

Bon, alors, cette putain de convention européenne des droits de l’homme, j’ai pas très bien compris ce que je dois en faire.

Soit c’est le mode d’emploi d’un magnétoscope japonais, auquel cas je la jette à la poubelle (les modes d’emploi des lecteurs de DVD sont devenus hyper simples: c’est un CD rom de pub que vous mettez dans votre ordi)

Soit c’est de la loi, avec un ++ dans la hiérarchie des normes, sachant qu’à Paris, comme ailleurs sur la majorité du territoire de la république, le juge français se fout de la convention comme moi de ma première paire de chaussette.

On se fait chier à étudier la hiérarchie des normes et après, on apprend que c’est juste un problème d’agenda (en France, les droits de l’homme ont été renvoyés en 2011 par la c cas et le CC).

Comment votre brillante démonstration s’insère dans l’agenda?

En fait c’est ça ma question.

143. Le mardi 14 décembre 2010 à 00:01 par Tsuki

@ tschok 142

Vous la mettez au 25 décembre sous le sapin !

Plus sérieusement (je vous fais la version courte), pour bien comprendre les articles de la CESDH (CESDH pour la Convention et CEDH pour la Cour) il faut préalablement avoir en tête son but : faire respecter les droits de l’homme dans les 47 Etats parties au Conseil de l’Europe.
Hors, pour un respect efficace de la Convention, la CEDH a été instaurée pour permettre aux particuliers de se plaindre directement des violations de la CESDH par les Etats dont il sont les ressortissants. Cependant les moyens financiers et humains de ladite Cour étant ce qu’ils sont, elle ne peut suffire à elle seule pour que le respect de la CESDH soit assuré effectivement. Les Etats ont aussi un rôle à jouer dans la protection des droits de l’homme, et même un rôle très important : à ce titre on parle de principe de subsidiarité, c’est-à-dire que la CEDH n’intervient que lorsque l’Etat n’a pas fait respecter lui-même les droits de l’homme sur son territoire.
Pour résumer, lorsqu’une question se pose sous l’angle des droits de l’homme, c’est aux autorités internes qu’il revient en premier lieu de faire appliquer la Convention par l’intermédiaire des lois et de la jurisprudence. Lorsque celles-ci font défaut (soit qu’elles “s’assoient” purement et simplement sur les droits de l’homme, soit qu’elles interprètent à leur sauce ces dits droits), la Cour se charge de faire respecter la CESDH.

Comment les autorités internes peuvent-elle savoir comment interpréter la Convention ? La CEDH est là pour ça et développe toujours dans ces arrêts les points à prendre en considération dans le type d’affaire présenté devant elle, au vue de l’article de la CESDH en jeux, puis applique ces principes au cas d’espèce.

Quel problème peut se poser ? Je crois que les juristes ne connaissant pas la CESDH de prêt “fantasment” un peu, voire beaucoup, sur les arrêts rendus, surtout les français. Mais cela se comprend, en France on n’a pas l’habitude des constructions d’arrêts du type de ceux que la CEDH rend (les anglais ont moins de problèmes à ce niveau). Pour le juriste français, il faut faire attention à ne pas prendre un élément isolé d’un arrêt et vouloir l’appliquer dans toutes les situations puisque la CEDH raisonne différemment et sur un ensemble d’éléments et de principes à prendre en consdération.
Voici une illustration : mettons que pour tel article de la CESDH, la Cour a déjà développé les principes A, B, C et D. Dans un cas d’espèce, elle va rappeler dans l’arrêt les principes pertinents qui sont concernés, disons A et B. Ensuite, elle va conclure, par exemple, qu’au vu de ces deux principes il y a eu violation de l’article de la CESDH parce que dans le système juridique de l’Etat en cause un point, qui par exemple a trait au principe A, n’y est pas conforme. Se faisant, elle va souvent apporter des précisions quant à ce principe, au vu de l’affaire en cause, de l’article examiné et du raisonnement qui l’a amené à ces précisions. Pour faire simple, disons qu’elle a développé un sous-principe A’. Le danger pour nous est de conclure que le sous-principe A’ s’applique quelle que soit la situation, en oubliant les principes A, B, C et D, la spécificité de l’affaire et l’article concerné !

Cette difficulté d’interprétation est accrue, d’une part du fait que la CEDH essaie de développer des règles générales au travers d’une affaire particulière, règles qui devront pouvoir s’appliquer aux 47 Etats signataires de la CESDH, d’autre part du fait que la CEDH répond par son arrêt à une allégation de violation de la CESDH, qui peut ne porter que sur certains points biens particuliers et qui implique un argumentaire du gouvernement défendeur et du requérant auquel la CEDH s’efforce de répondre.

Bon, après ce préalable (en fait à destination de tout le monde) je réponds vraiment à votre question :
(1er correctifs à vos propos) La théorie de la hiérarchie des normes c’est bon pour les étudiants des premières années (et pour quelques irréductibles publicistes parisiens et toulousains notamment, mais uniquement français, c’est comme qui dirait une spécificité nationale), sans vouloir vous vexer (cette théorie est très pratique pour l’apprentissage et pour poser une structure compréhensible, même si elle révèle vite ses limites – attention cela ne veut pas dire qu’il faille la rejeter en bloc, seulement la nuancer, ce que je ferai par la suite).
(2ème correctif) La CESDH vous la gardez et vous vous en servez de parapluie ou de parasol suivant la saison, mais à ne pas mélanger avec vos bottes et vos gants ; en effet à chacun sa place : le conseil constitutionnel contrôle la loi au vu de la Constitution, la CEDH contrôle le système juridique étatique dans son ensemble au vu de la CESDH, et le juge fait application de la loi, peut transmettre au conseil constitutionnel des problèmes vis à vis de la Constitution (la fameuse QPC, ou QC à mon sens) et peut appliquer directement la CESDH (l’homme – ou la femme – à tout faire quoi… mais qui a ses humeurs).
Le conseil constitutionnel décide qu’une loi est inconstitutionnel ? Il a un problème d’agenda ? La CEDH ne s’en occupe pas, elle continue à contrôler le respect des droits de l’homme, même en temps de pluie. (3ème correctif : la cour de cassation et le conseil constitutionnel ont renvoyé leurs droits de l’homme - c’est-à-dire les droits de l’homme selon leur interprétation - en 2011, et pas les droits de l’homme de la CESDH)

Si vous devez ne retenir qu’une chose de la CESDH, retenez cela : visualisez le système interne comme un bloc (avec à l’intérieur votre fameuse hiérarchie des normes sur un axe vertical : Constitution>loi>règlement…) que l’on appellera “ordre interne”. Ajoutez y maintenant un autre bloc à côté comprenant la CESDH et la CEDH. A l’intérieur de l’ordre interne, la Constitution est tout en haut et c’est le conseil constitutionnel, aidé du juge qui se charge de la faire respecter. Cependant, vis à vis de l’ordre interne pris dans son ensemble, la CEDH a le dessus pour vérifier le respect de la CESDH (et uniquement pour cela), contrôle qui se fait peu importe les mesures prises à l’intérieur de l’ordre interne (ce qui changera c’est le constat ou non d’une violation de la CESDH).

Si les mesures prises dans l’ordre interne vont dans le sens du respect de la CESDH, c’est mieux (le principe de subsidiarité prend alors tout son effet), sinon condamnations possibles !
Le rôle du juge est donc très clair vis à vis de la CESDH : il peut apporter des correctifs dans l’ordre interne pour éviter lesdites condamnations, ou pas… Et contrairement à ce que vous semblez penser (4ème correctif), les juges sont sensibles à la CESDH, même s’ils n’en ont pas forcément conscience (la Convention c’est d’abord des principes transcendants, et pas besoin de les connaître textuellement pour qu’un juge puisse les appréhender en son for intérieur et le manifeste extérieurement dans son travail de tous les jours).

PS vis à vis du “fer à cheval” : c’est normal que les deux bouts ne se joignent pas puisque mes démonstrations avaient justement pour but de montrer et de distinguer les deux branches du fer à ne pas confondre !

144. Le mercredi 15 décembre 2010 à 16:44 par Le chaton en robe

Bon, on ne peut donc pas y couper…

Il faudra bien que les mesures de garde à vue soient contrôlés par un magistrat indépendant. Or les magistrats du Parquet étant par essence (ne leur en déplaise) dépendants hiérarchiquement du garde des sceaux, la solution ne peut être que de désigner un magistrat du siège (sauf à proclamer l’indépendance hiérarchique du Ministère public)

Mais alors, quel magistrat du siège désigner ?

Deux magistrats du siège agissent au stade de l’enquête : le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention. Donc, à moins de créer une énième fonction de juge ou de ressortir de sous les fagots le « juge de l’enquête », il me semble que seul un de ces deux magistrats pourrait être désigné. Le premier étant en désaveu total vis à vis de nos gouvernants et tendant à disparaître là où ne sont créés des pôles d’instruction mais surtout ayant un champ de saisine strictement déterminé par la loi, mon coeur irait vers le second…
Donc le choix du législateur pourrait être d’ajouter une nouvelle attribution au bien nommé JLD : le contrôle de tous les placements en garde à vue ordonnés sur le ressort du TGI….

Et dans l’état actuel des juridictions, ce choix serait il applicable ?

Reprenons l’a procédure telle qu’elle existe encore à ce jour :

Un OPJ (puisque c’est encore lui qui décide des GAV d’où la nécessité qu’ils soient totalement intègres et dignes de confiance) décide de placer une personne contre laquelle il existe « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ».et il avise immédiatement le parquetier de permanence.
En principe, au sein de chaque TGI, un membre du parquet assure une permanence de jour comme de nuit, ce 7 jours sur 7 (il y a un roulement). Normalement le téléphone portable de la permanence ne le quitte jamais (à moins qu’il n’oublie nonchalamment de l’allumer ou que les OPJ préfèrent, de nuits, des avis par fax …) Il contrôle ainsi toutes procédure d’enquête ouvertes et en cours et leur durée, autorise les perquisitions, prélèvements, réquisitions… et contrôle les mesures de GAV décidée dans le ressort du TGI. Et vous l’aurez compris, ce contrôle ne se fait généralement que par téléphone… Sauf cas exceptionnel, il se fie aux éléments qui lui sont communiqués par les OPJ verbalement et non sur la procédure (même si les plus diligents auront pris soin de demander le B1 du CJN pour connaître le « palmarès » des personnes concernées) Là encore, il doit avoir pleine confiance en ses OPJ (et je doute que les parquetiers de Bobigny aient désormais pleine confiance dans certains OPJ du ressort…) Il tient un registre de toutes les GAV décidées mentionnant les personnes soupçonnées (le mise en cause ou MEC dans le jargon judiciaire), leur identité et âge (puisque les règles de GAV varient selon qu’on est face à un mineur ou un majeur), les fais reprochés (avec date et lieu) et surtout la date et l’heure de début de la GAV. Vous ne trouverez que peu de parquetiers (sinon aucun) qui contrôleront de visu sur place le déroulement de la GAV… Si je vous parle de manque d’effectifs, vous me croirez ? Et il suit ainsi toutes les mesures jusqu’à leur levée ou jusqu’au déferrement du MEC devant lui…

Bref, un membre du ministère public doit être disponible 24heurs sur 24 et 7 jours sur 7 pour assurer ce contrôle des GAV, aussi insatisfaisant soit il.

Transposons désormais ces règles (encore en vigueur jusqu’au 01/07/2011) à un magistrat du siège, un juge par opposition au parquetier. il nous faut donc un juge disponible 24h/24, 7j/7, un téléphone portable, un bureau de permanence et (s’il a le temps) un chez lui…

Or, mis à part peut être dans des cas rares au sein de grosses structures, un juge n’a pas une fonction exclusive et unique. Il jongle en général avec plusieurs « casquettes »
A titre d’exemples:
- un juge d’instance pourra fort bien être président de la CIVI et assesseur d’une des formations collégiales civiles et/ou pénales du TGI.
- un juge affecté à une chambre civile pourra fort bien siéger au sein de la formation collégiale de cette chambre, être Juge de la mise en état, juge unique ou juge rapporteur, mais également être juge des référés ou des requête ou magistrat chargé du contrôle des expertises et avoir des permanences hebdomadaires afin de compléter les défaillances au sein des formations collégiales civiles ou correctionnelles du TGI.
- un Juge d’application des peines pourra fort bien être juge aux affaires familiales et siéger en tant qu’assesseur au sein des formations collégiales civiles ou correctionnelles du TGI.
…etc…

Bref en général, chaque juge cumule plusieurs fonctions au sein d’une juridiction, voire de plusieurs juridictions.
Or, nous l’avons vu, un « magistrat chargé du contrôle des mesures de garde à vue » se devrait d’être disponible à tout instant de jour comme de nuit. Il lui serait donc impossible de siéger à toute audience durant ses permanences. Au mieux pourrait il rédiger des décisions, à tout le moins si les OPJ lui en laissent la possibilité…

En conséquence de quoi, une éventuelle réforme en ce sens nécessiterait l’augmentation considérable des effectifs des magistrats (et accessoirement des fonctionnaires de greffe pour prêcher pour ma propre paroisse) et nous le savons tous : il n’est pas dans l’habitude de nos gouvernants d’accompagner leurs réformes de moyens suffisants tant matériels qu’en effectifs…

145. Le mercredi 15 décembre 2010 à 16:58 par tschok

@ Tsuki, com 143,

Merci pour cette longue réponse.

En fait j’ai réagit à votre com, parce que je l’ai mis en parallèle avec l’affirmation d’Eolas, dans son post, selon laquelle les juges l’envoient sur les roses lorsqu’il prend des conclusions de nullité fondé sur la JP européenne.

Il est vrai qu’il existe une mauvaise habitude intellectuelle en France: considérer que la CESDH et la CEDH, c’est un truc qui se passe dans l’appartement d’à côté. C’est chez les voisins, quoi. Ca nous concerne pas.

Et puis, qu’est ce que c’est que la CESDH, franchement, je vous le demande? C’est un texte qui énonce des principes vagues, plus ou moins philosophiques auxquels on peut être sensible, sans forcément en avoir conscience, parce que la “Convention c’est d’abord des principes transcendants, et pas besoin de les connaître textuellement pour qu’un juge puisse les appréhender en son for intérieur et le manifeste extérieurement dans son travail de tous les jours”.

C’est un peu comme les Dix Commandements de la Bible: on ne les connait peut être pas tous par cœur, mais finalement on les respecte sans même s’en rendre compte car ils baignent dans cette universalisme transcendant où vient se ressourcer notre conscience, sans même qu’on le sache.

Bref, la CESDH, on ne peut que la respecter, surtout nous, la France, patrie des droits de l’homme.

A partir de là, l’ordre juridique imposé par le traité, et incarné par la cour, est externe. Sa jurisprudence n’a pas de caractère obligatoire. C’est juste un avis, quoi. Pourquoi on irait s’emmerder avec ça.

Mouais…

Mais tout ça, c’est de la mauvaise habitude intellectuelle. Quand vous regardez les textes, c’est pas du tout ça.

Tout commence à l’article 55 de la constitution qui dispose qu’un traité a une autorité supérieure à celle de la loi.

Eh merde! Cette putain de hiérarchie des normes, ce truc d’écoliers qu’on a mis au point pour leur expliquer comment ça marche, à ces neuneux, ben elle est inscrite noir sur blanc dans la constitution.

C’est con ça.

Et ça continue: l’article 46 de la convention précise que les hautes parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la cour, mais ATTENTION: uniquement dans les litiges auxquels elles sont parties. Pas les autres.

Avec l’arrêt Moulin, c’est fait. On est dedans. Les mauvaises habitudes, c’est fini. Là on rigole plus. On n’est plus dans le for intérieur machin chose sans se référer au texte, on est dans un texte qui a une valeur supérieure à la loi et que je juge est tenu d’appliquer.

Sinon, il y a une procédure pour cela (elle est décrite dans le même article): un pays peut être un mauvaise élève de l’Europe et il peut se faire taper sur les doigts pour ça.

Donc, pour plus se faire jeter, faut viser l’arrêt Moulin dans les conclusions, plus les articles 46 CESDH et 55 C. L’arrêt Moulin a sifflé la fin de la récré: maintenant, on est dans l’obligatoire.

A mon avis, vous confondez deux choses dans votre analyse: ce qu’un grand Etat comme la France s’oblige à appliquer parce qu’il veut “tenir son rang”, pour des raisons diplomatiques, mais qui ne dépend finalement que de sa propre volonté et, d’autre part, ce que n’importe quel Etat est tenu d’appliquer dès lors qu’il se fait poisser par la cour.

Nous, en matière pénale, on n’est plus au niveau “tenir notre rang”, on est comme les voyous: on attend de se faire poisser par la cour (pour chaque chapitre de notre code de procédure pénale). Et une fois qu’on se fait poisser par la cour, on dit “ok, on le fait, mais c’est vraiment parce que c’est vous”.

Sinon, en ce qui concerne le fond de votre analyse (deux ordres juridiques, l’interne et l’externe, qui se juxtaposent, sans se rencontrer), elle fait totalement abstraction du fait que les deux ordres, en droits français, s’interpénètrent.

Quand vous avez un article de la constitution qui vous dit que le traité a une autorité supérieure à celle de la loi, cela signifie qu’il y a injection de droit externe dans le droit interne.

La question de savoir comment se fait cette injection (directement ou pas) est un autre problème.

Et quand vous avez un système constitutionnel qui dit que la contrariété de la constitution au traité implique la modification de la constitution, vous avez au bout du compte un système semi ouvert au niveau constitutionnel.

Mais pas deux blocs séparés par le for intérieur du juge.

146. Le mercredi 15 décembre 2010 à 17:58 par Simone

@ Le chaton en robe (144)
J’ai bien cru que vous alliez terminer votre synthèse par “Finalement, au quotidien, concrètement, et pour être honnête, le contrôle du JLD risque fort de beaucoup ressembler à celui actuellement réalisé par le Parquet“… à moins que, effectivement, on assiste soit à une augmentation significative du nombre de magistrats du siège soit à une baisse drastique des gardes à vue. Personnellement je ne miserai pas mon traitement (exorbitant) de décembre sur cette dernière éventualité, la garde à vue, bien que privative de liberté, restant la seule mesure réellement créatrice de droits pour le MEC.

147. Le mercredi 15 décembre 2010 à 18:12 par Simone

La Commission des lois à l’Assemblée Nationale a visiblement tiré des enseignements de la jurisprudence France Moulin, et semble, de surcroît, avoir été sensible aux arguments du Maître des lieux sur l’audition libre.

148. Le mercredi 15 décembre 2010 à 18:29 par ranide

La Cour de cassation vient de le dire aujourd’hui : proc n’est pas une autorité judiciaire indépendante mais il peut continuer à contrôler les gardes à vue tant que la privation de liberté qui en résulte est d’une durée compatible avec l’exigence de brièveté imposée par la CEDH.

Il n’y a pas à prévoir l’intervention du JLD ou d’un juge de l’enquête pour les GAV de droit commun. C’est pour la durée comprise entre 2 et 4 jours de GAV que le problème se pose au regard de la CEDH.

Mes confrères avocats ont tort sur ce point. Et je ne suis pas sûr du tout que ce qu’ils ont réussi à faire voter cet après-midi par la commission des lois sera retenue par l’Assemblée lors du débat en audience publique en janvier.

149. Le mercredi 15 décembre 2010 à 20:20 par Tsuki

@ à Tschok

Je crois que vous vous êtes égaré quant à mes conclusions … et que vous tirez des conclusions attives de mes propos en me prêtant des déductions que je n’avais pas faîtes, bien au contraire…

Lorsque vous dîtes :
Et puis, qu’est ce que c’est que la CESDH, franchement, je vous le demande? C’est un texte qui énonce des principes vagues … A partir de là, l’ordre juridique imposé par le traité, et incarné par la cour, est externe. Sa jurisprudence n’a pas de caractère obligatoire. C’est juste un avis, quoi. Pourquoi on irait s’emmerder avec ça.

Faux : dans mes propos, je disais au contraire qu’indépendamment du caractère obligatoire de la jurisprudence de la CEDH (je ne vois pas d’où vous sortez que ce n’est qu’un avis), les juges (de par leur formation juridique, leur respect des principes déontologiques des magistrats…) faisaient application de principes contenus dans la CESDH dans l’exercice quotidien de leurs fonctions (et se faisant permettaient d’éviter des condamnations de la France par la CEDH).
Par ailleurs, j’avais bien précisé que si vous deviez placer la CEDH/CESDH quelque part, ce serait au dessus de l’ordre interne.
PS : éviter de confondre “principes vagues” et “principes transcendants”, ces derniers (à la lumière de la juisprudence), en tout cas pour la CESDH, sont on ne peut plus précis (faîtes une étude de la jurisprudence de la CEDH et vous verrez).

Sinon, en ce qui concerne le fond de votre analyse (deux ordres juridiques, l’interne et l’externe, qui se juxtaposent, sans se rencontrer), elle fait totalement abstraction du fait que les deux ordres, en droits français, s’interpénètrent

Faux : au contraire (j’ai bien dit de façon imagée que les deux blocs étaient juxtaposés mais jamais qu’il n’y avait pas d’interraction entre les deux), en affirmant que la CEDH contrôle le respect par l’Etat de la CESDH, mon analyse soutient que ces deux ordres se rencontre nécessairement. De même lorsque je dis que le juge interne peut faire application directe de la CESDH !

Mais pas deux blocs séparés par le for intérieur du juge.

Quand je parlais de conclusion attives et de déductions contraires à mes propos, là on est en plein dedans !

150. Le mercredi 15 décembre 2010 à 20:32 par Tsuki

@ ranide

La Cour de cassation vient de le dire aujourd’hui : proc n’est pas une autorité judiciaire indépendante mais il peut continuer à contrôler les gardes à vue tant que la privation de liberté qui en résulte est d’une durée compatible avec l’exigence de brièveté imposée par la CEDH. Il n’y a pas à prévoir l’intervention du JLD ou d’un juge de l’enquête pour les GAV de droit commun. C’est pour la durée comprise entre 2 et 4 jours de GAV que le problème se pose au regard de la CEDH.

C’est bien ce que j’avais dit ! (cf. commentaire 128 et 141) Et je serais totalement d’accord avec les conclusions de la Cour de cassation (telles que vous les rapportez) sur les conséquences de l’arrêt Moulin si on l’interprête de la façon suivante : mettez dans le même sac (comprendre la privation de liberté juste après une arrestation) garde à vue et mesures coercitives équivalentes (transfèrement, comme pour Me France Moulin, …).

151. Le jeudi 16 décembre 2010 à 08:39 par Le chaton en robe

@ Simone 146

En définitive, vous avez déviné ce que j’ai délibéremment tû… ;-)
Ne soyons pas dupe, si toutefois, un transfert total de compétence sur le contrôle de la GAV devait avoir lieu entre parquet et siège, (ce qui ne semble pas être à l’ordre du jour au vu de l’arrêt de la cour de cassation visé par Ranide), sans nul doute, concrètement, le juge ne se contenterait que du contrôle “à distance et sur parole” en vigueur actuellement. Ne nous leurrons pas, les moyens n’accompagneraient pas cette éventuelle réforme…

Mais, parlons un peu procédure pure et théorie , une interrogation m’est venue en cette fraîche matinée (et j’espère que les juristes présents ici pourront y répondre): un juge ne peut connaître d’un litige ou plus généralement d’une affaire que s’il est saisi par une partie ou, à tout le moins, s’il se saisit d’office dans certains cas. Or, tout réquérant doit avoir un intérêt à agir en justice. Si je peux aisément déceler l’intérêt à agir d’un MEC, quel pourrait il être concernant un OPJ qui décide d’un placement en GAV ? Comment un juge pourrait il statuer sur la légalité d’une GAV en cours sans saisine préalable ? Faudrait il instaurer une saisine automatique par le MP dès qu’il a connaissance de la mesure ? Ne vaudrait il pas mieux laisser cette compétence du “contrôle” au parquet mais créer un recours ouvert au MEC (assisté d’un avocat) dès le début de la mesure ou à son renouvellement, relevant de la compétence d’un juge (JLD ou autre), un peu sur le modèle du “référé-liberté” ?

152. Le jeudi 16 décembre 2010 à 09:51 par Simone

Cour de Cassation (15.12.2010) : “Attendu que, si c’est à tort que la chambre de l’instruction a retenu que le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, alors qu’il ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure, dès lors que le demandeur a été libéré à l’issue d’une privation de liberté d’une durée compatible avec l’exigence de brièveté imposée par ledit texte conventionnel
Au delà du principe posé, il aurait peut-être été judicieux d’être plus précis sur cette fameuse durée compatible avec l’exigence de brièveté imposée par la CESDH.

153. Le jeudi 16 décembre 2010 à 10:09 par Simone

Quant aux députés, ils ne chôment pas non plus. Plusieurs amendements au projet de réforme de la garde à vue ont été présentés hier dont un prévoyant que cette mesure privative de liberté soit contrôlée par le juge des libertés et de la détention ou par le président du tribunal de grande instance, et non plus par le procureur de la République. Un autre amendement prévoit la suppression des dispositions relatives à l’audition dite «libre» d’un suspect.
Les choses évoluent, se façonnent petit à petit. Maître Eolas et ses confrères vont inéluctablement finir par obtenir le régime de garde à vue qu’ils réclament depuis quelques mois. J’espère que ce jour là il pensera à offrir une larme de son meilleur champagne à ses fidèles lecteurs (et lectrices).

154. Le jeudi 16 décembre 2010 à 11:55 par tschok

@ Tsuki, com 146,

On ne s’est pas compris, je crois.

En ce moment, nous sommes dans une période de latence et je me posais précisément (com 142) une question d’agenda: d’ici à 2011, comment gérer le problème compte tenu de la résistance du juge français à la jurisprudence européenne?

Dans l’affaire Medvedyev, aux yeux des autorités françaises, le statut du parquet n’était qu’une résurgence incidente, même si pour la CEDH cette problématique s’inscrit dans une lignée, avec une parentèle de décisions ancienne et consolidée (comme vous le dites fort bien en com 128).

Pour le praticien, la difficulté consistait donc à concilier cette différence de perspectives entre la façon dont la CEDH aborde le problème et la façon dont on le reçoit en France, difficulté qui s’est majoritairement traduite par un rejet des conclusions de nullité fondées sur le JP Medvedyev (et c’est un thème que vous abordez lorsque vous recadrez le rôle de la CEDH, qui est certes une instance régulatrice, mais pas selon la technique de la cassation, ce qui change à peu près tout).

On pouvait donc retirer l’impression, assez fâcheuse du reste, que l’arrêt Medvedyev avait certes impulsé quelque chose, mais n’avait pas été décisif.

Et puis vient l’affaire Moulin. Là, c’est beaucoup plus nette: une mesure privative de liberté est prise contre une personne. Le juge du siège intervient, mais il se met hors course et le parquet ne fait pas l’affaire. Fin du match.

La question de l’agenda se repose donc avec une acuité nouvelle. Et je vous la pose. Vous me répondez “le for intérieur du juge”, les qualités intrinsèques de sa personne et les efforts qu’il déploie quotidiennement dans l’accomplissement de sa mission pour éviter que la France ne soit condamnée (visiblement, dans ces deux affaires là, il y a des progrès à faire).

Bon, très bien. Moi aussi je suis prêt à saluer son courage légendaire, son dévouement admirable, et à commander Pompe et Circonstance à la fanfare municipale du coin.

Mais c’est quand même un peu court.

Or, pendant que nous devisions tranquillement, l’agenda a parlé: la cour de cassation a rendu un bel arrêt dans une affaire de carabine à air comprimé et de servitude de passage (les desseins du tout puissant sont décidément insondables).

Vingt cinq heures de garde à vue et une poignée de minutes auront suffit à sceller le sort du parquet là où 30 ans de jurisprudence européenne ont lamentablement échoué.

Mais, comme pour mieux exprimer sa réticence face au texte européen, la cour s’est empressée d’écarter l’application du principe qu’elle venait de reconnaitre quelques instants auparavant. Et la rédaction de l’attendu de principe fait clairement comprendre que c’est la cour de cassation qui interprète le traité.

Et le match continu: les joueurs d’échecs de la cour de cassation se sont engouffrés dans l’angle mort laissé par la jurisprudence européenne.

Sinon, mais ce serait presque un sujet de discussion séparé, je pense que vous avez tort de représenter comme deux blocs séparés (bien que vous reconnaissiez des interactions) l’ordre juridique interne et l’ordre juridique engendré par la CESDH et la JP de la CEDH.

Ce qui les distingue, ce n’est pas l’extranéité, et je crois vraiment que c’est une erreur conceptuelle fondamentale de poser les choses ainsi. Ce qui les distingue vraiment c’est la technique de régulation: cassation dans un cas, satisfaction équitable dans l’autre (ou règlement amiable).

J’ai bien saisi que c’était pour vous une façon imagée de présenter les choses, ce qui inclut donc la possibilité de l’approximation, mais malgré cela, je pense que cette façon imagée est topique d’une représentation mentale de la CESDH qui, finalement, nous coûte cher et nous fait marcher à reculons.

Mais à vrai dire, c’est un autre sujet.

En tout cas je vous remercie de m’avoir fait la réplique.

155. Le jeudi 16 décembre 2010 à 14:29 par ranide

@ Simone

Allons, allons Simone. Remettez-vous.

Le texte de la commission ne sera pas voté sans d’importantes modifications. Il est bien trop tôt pour se désoler ou pour se réjouir…

156. Le jeudi 16 décembre 2010 à 15:58 par Taz

J’aime cette phrase d’un article du monde “La chancellerie, invariablement satisfaite des décisions des cours suprêmes même quand elle est condamnée, “

En tout cas je suis content de voir que le maitre de ces lieux est suivi par les plus hautes cours et peut prédire les décisions à l’avance.

Cher maitre, êtes vous en capacité d’utiliser vos dons de prédiction dans un autre domaine que le droit (par exemple les courses hippiques….)

157. Le jeudi 16 décembre 2010 à 16:29 par ranide

Oui, c’est l’heure de la lecture du Monde :

C’est pas chez nous qu’on verrait ça

158. Le jeudi 16 décembre 2010 à 16:41 par Tsuki

@ tschok

Merci et de rien, c’est justement en échangeant (donc dans les deux sens) que l’on peut pointer du doigt les problèmes et avancer des solutions.

Je crois que pour synthétiser ma pensée quant au rôle du juge interne (et des autorités en général) vis à vis de la CESDH, il convient de voir les choses de la chose suivante : il revient en premier lieu, après l’arrêt Moulin, au législateur et au juge interne de faire ce qu’il y a à faire pour apporter les corrections nécessaires au système français pour être en conformité avec l’article 5 § 1 c) CESDH. Et les enjeux sont importants puisque si l’évolution n’est pas faîtes dans un sens correct, d’une part la France risque des condamnations “en série” par la CEDH, maintenant qu’elle s’est exprimée clairement, par deux fois, aux autorités françaises quant à la qualité du procureur de la République, et d’autre part il en va des droits des citoyens. La Cour de cassation et le Conseil constitutionnel ont “choisi” de laisser le législateur régler le problème en premier (même si il est vrai que cela est d’abord du ressort de celui-ci, ces solutions peuvent se discuter).

La question importante et de savoir, comme vous le disiez, que va-t-il se passer en attendant ?

  • D’une part, d’ici que la loi sur la garde à vue soit votée et entre en vigueur. Là je dirais que tout reposera sur les juges, les procureurs et officiers de police judiciaire : feront-il en sorte qu’un contrôle d’une autorité judiciaire soit effectif quant aux privation de liberté premières d’une durée totale de plus de 2 jours ? Le rôle de l’avocat peut ici être important en faisant remarquer aux autorités concernées les problèmes qui peuvent se poser dans telle affaire donnée (après tout dépend de la façon de présenter la chose au juge ou au procureur - “M. le procureur vous devez faire effectuer un contrôle de cette garde à vue par une autorité judiciaire parce que vous n’en êtes pas une, comme le dit la CEDH” aura du mal à passer. A défaut, l’avocat pourra introduire une requête devant la CEDH, qui aura de bonnes chances d’aboutir et même qui pourra faire condamner plus sévèrement la France (soit par une sanction plus lourde, soit par des indications plus contraignantes encore quant aux solutions à adopter). De ce côté, il faut s’en remettre aux praticiens, qui auront des avis divergeant à n’en pas douter, mais si vous avez affaire à quelqu’un de borné, le recours devant la CEDH sera la seule solution.
  • D’autre part, si ladite loi ne satisfait pas aux exigences de la CESDH, que se passera-t-il ? On peut raisonnablement penser que là aussi, les juges pourront être sensibles à la CESDH, mais en moins grand nombre à mon avis, préférant estimer que la loi nouvelle règle le problème. Le recours devant la CEDH sera donc encore une issue, et si celle-ci condamne à nouveau la France, au reviendra au point de départ…

En définitive, si la CEDH est là pour sauvegarder la CESDH, les autorités internes, de par leur comportement responsable - ou non, ont une grande part à jouer dans le respect des droits des citoyens au vu de la CESDH ! Le législateur et le juge sont les premiers garants de la CESDH ne l’oublions pas.
Mais au vu de la fâcheuse tendance de la France quant aux exécutions des arrêts de la CEDH (jetez un œil sur la proportion d’affaires où elle a été condamnée et dont l’exécution de l’arrêt est fait en retard), j’espère que la loi adoptée sera vraiment en phase avec la CEDH/CESDH.

Concernant la décision dernière de la Cour de cassation (qui faudrait d’ailleurs que je lise), il semblerait que son interprétation de l’arrêt Moulin ne soit pas erronée et soit au contraire en adéquation avec la CEDH. Mais là, je ne peux m’avancer plus sans la lire.

Pour en revenir une dernière fois sur les deux “blocs”, je crois que nous avons des avis plus proche que vous ne le croyez en fait. J’ai effectivement présenté un ordre interne, mais l’autre ordre (CESDH/CEDH) n’est pas à mon sens un ordre extérieur, mais plutôt complémentaire (d’ailleurs, regardez la Constitution et la CESDH, beaucoup de principes très proches se retrouvent dans les deux). La juxtaposition des deux blocs est une façon imagée de parler, et je crois que vous avez cru qu’à mon sens ils étaient cloisonnés (avec des interactions qui passaient à travers cette cloison). Pas du tout, voyez plutôt cela comme un tout avec comme distinction leur domaine respectif de compétence qui est répartie de la manière suivante : l’ordre interne fonctionne sur la base de la Constitution (qui est “voisine” sur certains plans de la CESDH) et sur la CESDH à titre moins direct mais aussi important (mais à l’égard de cette dernière, une certaine marge de manœuvre de l’Etat est possible), et la CEDH intervient de manière transversale, sur l’ordre interne pris comme un tout, pour vérifier que l’utilisation de cette marge de manœuvre est conforme à la CESDH.
Voilà j’espère qui devrait nous mettre d’accord sur le fond, seule la manière d’aborder la question étant vraiment différente (vous me demandiez au départ placer la CESDH/CEDH dans la hiérarchie des normes - ce qui n’était pas à mon sens la bonne question, celle-ci étant plutôt comment la placer par rapport à notre système juridique pris comme un tout, d’où l’utilisation imagée de deux blocs pour essayer de vous faire voir qu’il ne valait mieux pas raisonner en terme linéaire mais complémentaire).

159. Le jeudi 16 décembre 2010 à 16:47 par ranide

Ici, un dossier sur l’arrêt Creissen (comme quoi, il y a plusieurs façons de se faire un nom quand on est avocat) rendu hier par la Cour de cassation qui comprend la plaidoirie de Me Spinosi et les réquisitions de l’avocat général Marc Robert

160. Le vendredi 17 décembre 2010 à 10:05 par Simone

La question allait se poser inévitablement : celle de l’indemnisation des avocats intervenant au cours des gardes à vue. Apparemment le gouvernement proposerait d’instaurer des forfaits de permanence sur la base d’une indemnisation évaluée entre 9 et 13 € de l’heure. Je me dis que les dents vont grincer dans les cabinets !

161. Le vendredi 17 décembre 2010 à 12:44 par Le chaton en robe

@ Simone

Les dents des avocats grincent déjà quand ils reçoivent l’indemnisation due au titre de l’AJ pour leurs interventions… :-)

162. Le samedi 18 décembre 2010 à 07:18 par Simone

@ Ranide (159)
Papier très intéressant. A lire impérativement.

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