Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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L'affaire Bissonnet, ou : coup de théâtre aux assises de l'Hérault

Il s’est passé ce vendredi un incident aussi rare que spectaculaire devant la cour d’assises de l’Hérault, dans l’affaire Bissonnet.

La cour d’assises jugeait le meurtre de Bernadette Bissonnet, gérante de société. Dans le box des accusés, celui qui a immédiatement reconnu le meurtre, Méziane Belkacem, celui qui a reconnu avoir été informé du projet et avoir aidé à dissimuler l’arme fatale, le vicomte Amaury d’Harcourt, et celui que les deux autres accusent d’être l’instigateur, l’époux de la victime, Jean-Michel Bissonnet, qui depuis le début affirme être innocent.Voir la série de billets, prématurément interrompue, qu’y consacrait Pascale Robert-Diard sur son blog.

Sa défense était la carte de la respectabilité du notable. Un comité de soutien, très actif - voire trop, au point d’aborder des jurés dans les transports en commun pour leur vanter l’innocence de leur protégé- s’est constitué, et en ces premiers jours du procès, un long défilé du Rotary Club de Montpellier se déroulait devant la cour, chacun venant dire la main sur le cœur quel être humain merveilleux était jean-Michel Bissonnet, et que donc il ne pouvait avoir ordonné le meurtre de son épouse, CQFD.

J’en profite d’ailleurs pour faire un aparté à destination de ce comité de soutien : le sujet de ce billet, vous allez voir, n’est pas la culpabilité ou l’innocence de Jean-Michel Bissonnet, mais la déontologie de la profession d’avocat. Dès lors, tout développement lié à votre conviction de l’innocence de l’accusé serait hors sujet et traité comme tel par une prompte et indolore vaporisation.

Voilà que ce vendredi matin, après un témoin venu exposer ses variations sur le même thème de l’inéluctable béatification de Jean-Michel Bissonnet, que l’avocat général, qui rappelons-le n’est pas plus avocat que général, mais est un membre du parquet qui soutient l’accusation devant la cour, annonce qu’il a un document à verser aux débats, qui lui a été remis le matin même par les services de police. Distribution de copies du document. Il s’agit d’une lettre de Jean-Michel Bissonnet, écrite en détention (où il se trouve depuis deux ans et demi) proposant à un co-détenu de venir déposer devant la cour qu’il avait été approché par le vicomte Amaury d’Harcourt pour un contrat sur la tête de Bernadette Bissonnet, et lui promettant en échange de ce témoignage une somme d’argent, en fournissant une quantité de détails sur le château du Vicomte pour que le récit soit crédible. Techniquement, cela s’appelle une subornation de témoin. Il ajoute en outre à un moment qu’il a parlé de ce projet à ses avocats, que ceux-ci lui ont déconseillé de le mettre à exécution, mais qu’il a décidé de passer outre en usant à leur encontre de termes peu flatteurs sur leur compétence et le montant excessif de leurs honoraires. Jean-Michel Bissonnet a reconnu l’authenticité de ce document.

La foudre serait tombée au milieu du prétoire que l’effet n’aurait pas été différent.

Face à ces révélations, les deux avocats de l’accusé ont annoncé qu’ils renonçaient immédiatement à poursuivre la défense de leur client. L’un d’eux, Jean-Marc Darrigade, a tenu ces propos, rapportés par Pascale Robert-Diard du Monde : « Pendant des mois, j’ai défendu cet homme, je l’ai défendu contre les autres, je l’ai défendu contre lui-même. La confiance est trahie, je le renvoie à son destin. »

Jean-Michel Bissonnet s’est brièvement expliqué sur cette lettre, maintenant qu’il est bien innocent, et mettant cette lettre sur le compte du désespoir de se voir toujours en prison au bout de 2 ans et demi et du fait que des dizaines de prisonniers lui auraient proposé cette combine, à laquelle il avait fini par céder.

Face au départ de la défense, le président a renvoyé l’affaire qui sera à nouveau jugée à partir du 10 janvier 2011.

Au-delà du fond de l’affaire se pose la question de savoir si et à quelles conditions un avocat peut abandonner son client dans l’adversité.

Rappelons que le contrat qui lie un avocat et son client - car oui, il y a contrat- est un mandat. Pas un contrat de travail, jamais ô grand jamais. Le contrat de travail suppose un lien de subordination du salarié à l’employeur qui est incompatible avec le serment de l’avocat qui jure au moment de revêtir la robe d’être Digne, Conscient, Indépendant, Probe et Humain. Cette indépendance vaut autant à l’égard du client que de tout le reste.

Le mandat est ainsi défini avec élégance par le Code civil : « Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.» (Article 1984). Celui qui donne à autrui le pouvoir de le représenter est le mandant, celui qui se voit investi de ce pouvoir est le mandataire. L’avocat est le mandataire de son client. Le mandant conférant au mandataire le pouvoir d’agir en son nom, la confiance est le cœur de cette relation.

Les meilleures choses ont une fin, et le mandat ne fait pas exception. L’article 2003 du Code civil pose donc que :

« Le mandat finit :

« Par la révocation du mandataire,

« Par la renonciation de celui-ci au mandat,

« Par la mort, la tutelle des majeurs ou la déconfiture [On dit désormais la faillite personnelle, NdA], soit du mandant, soit du mandataire. »

Vous pouvez donc en principe virer votre avocat sans forme (ce qui ne dispense pas d’y mettre les formes) et sans préavis ni indemnité. En principe car la convention d’honoraires peut prévoir une indemnité de rupture. Je ne suis pas sûr qu’un préavis serait valable tant la relation repose sur la confiance et n’a plus lieu d’être à la seconde où cette confiance disparaît.

L’avocat peut également vous rendre votre dossier, dans les mêmes conditions. À ceci près que la déontologie des avocats vient ici mettre son nez et apporte des limites. Outre le tact et la courtoisie qui doivent les accompagner, et qui font partie de nos obligations déontologiques, qu’on appelle Principes Essentiels, cette déontologie exige que la renonciation de l’avocat se fasse dans des conditions qui ne nuisent pas aux intérêts du client : il ne faut pas le prendre à la gorge ou le mettre dans une situation où il lui est impossible de se faire défendre. Essentiellement, cela suppose que la renonciation soit annoncée dans un laps de temps permettant au client de trouver un nouvel avocat qui pourra prendre connaissance du dossier en temps utile, ou à tout le moins solliciter un délai pour ce faire.

Dernier cas particulier : l’avocat commis d’office. Sa situation est particulière : outre le mandat de son client, il en a reçu un de son bâtonnier, ou du président de la juridiction. Dans ce cas, l’avocat ne peut renoncer à son mandat sans l’accord de son bâtonnier, sauf à commettre une faute disciplinaire. L’accord est en principe préalable, mais pas nécessairement. On peut prendre le risque de renoncer en espérant pouvoir compter sur la compréhension de son bâtonnier bien-aimé.

Il n’y a pas de liste des causes de renonciation à son mandat par l’avocat. Cela m’est arrivé rarement, et pour deux causes : le manque de respect à mon égard (ce qui inclut le fait de ne pas me payer mes honoraires) et mon désaccord avec l’action envisagée ou la tactique à adopter. Je suis très mauvais quand je plaide à contrecœur.

Lâcher un client en plein prétoire est un acte exceptionnel, rare même, et généralement, je dirais en principe fautif. Je distinguerai le lâchage en bonne et due forme et le fait de quitter le prétoire en claquant la porte. Le premier cas marque une défiance à l’égard du client, le second à l’égard du juge. C’est une méthode de défense de rupture, qui doit être employé avec mille précautions ; mais c’est parfois le dernier recours de l’avocat face à un président qu’il estime ouvertement partial au point de faire du procès une farce ; ou, diront les mauvaises langues et les présidents partiaux, le dernier recours quand un procès tourne trop mal. C’est arrivé lors du premier procès Ferrara, ou lors du deuxième procès Colonna - procès qui a d’ailleurs été cassé par la cour de cassation.

Ici, dans l’affaire Bissonnet, on est en présence d’un lâchage de première catégorie : la défiance marquée à l’égard du client. Autant dire que je vais le regarder d’un œil sévère - en supposant que mon iris puisse préoccuper une seule seconde mes confrères.

De prime abord, ce lâchage tend à paraître fautif. Cette révélation fait que le client a grand besoin d’une défense, plus que jamais même, tant cela porte un coup terrible à sa thèse de l’innocence. Le laisser tomber à ce moment là ressemble à de la désertion face au feu de l’ennemi. Et même si cette révélation inclut des propos désobligeants à l’égard des avocats, un homme emprisonné depuis deux ans et demi et menacé de la perpétuité a le droit de perdre ses nerfs dans un écrit qui n’était pas, mais alors vraiment pas, personne n’en doutera, destiné à être rendu public. Savoir subir quelques avanies en courbant l’échine sans baisser les bras est une gymnastique qui fait la noblesse du métier d’avocat - ce qui n’interdit pas d’incendier son client au napalm une fois entre quatre-z-yeux.

Néanmoins, s’arrêter là serait ignorer le talent et l’expérience de mes confrères Darrigade et Catala, erreur que je ne commettrai pas, ayant eu l’occasion de me frotter à l’un d’eux.

Mettons-nous un instant à leur place. C’est un dossier qu’ils suivent depuis le début, ce me semble. Donc plus de deux années d’investissement personnel fort, puissant, et potentiellement destructeur comme seuls peuvent l’être les dossiers criminels : il y a eu mort d’homme, et par dessus cette tragédie irréversible s’en profile une autre : une possible erreur judiciaire. Que leur a dit leur client, que lui ont-ils dit ? Cela est couvert par le secret professionnel absolu, nous ne le saurons jamais. En tout cas, la loyauté de ces avocats à leur client est hors de doute. Ils ont bâti avec lui une stratégie, et la déploient au fil de l’audience.

Quand tout à coup la catastrophe se produit. Leur défense est renversée, balayée, il n’en reste rien. Leur client, qui clame son innocence, a tenté de suborner un témoin pour s’innocenter, et il le reconnaît. Pis encore, cette lettre révèle que vous étiez au courant de ce projet. même si comme votre devoir d’homme probe vous l’imposait, vous avez aussitôt dit à votre client de n’en rien faire, il est révélé que vous savez que votre client a envisagé ce stratagème. Donc, vous n’êtes plus crédible quand vous vantez son innocence. On ne croit plus à votre sincérité, car désormais, on sait que vous saviez qu’il était prêt à payer un faux témoignage pour se mettre hors de cause. Le jury et la cour ne vous écouteront plus. 

Soulignons ici au passage la déloyauté dont a fait preuve l’avocat général. Pour les avocats de la défense, l’argument était dérisoire sur le moment, et il n’a pas été soulevé à l’audience. Mais si l’avocat général pouvait naturellement faire état de cette pièce, il aurait dû s’assurer que les avocats en aient connaissance avant l’audience, et puissent s’en entretenir avec leur client. On a le droit de planter un couteau dans le cœur de la défense. À condition que ce ne soit pas dans le dos. C’est ce qu’on appelle le principe du contradictoire : tous les éléments de preuve et de droit sur lesquels va s’appuyer une partie doivent avoir été préalablement communiqués à l’autre en temps utile. C’est un principe essentiel de la procédure pénale française, et de manière générale, continentale (la procédure anglo-saxonne est un peu moins stricte là-dessus, mais elle compense cela par d’autres aspects). Le parquet ne manque jamais, et à raison, de fustiger un avocat qui manque à ce principe, mais il oublie parfois qu’il y est lui-même tenu et que le fait que le dossier de la procédure soit tenu à notre disposition ne suffit pas forcément à satisfaire à cette obligation. Surtout s’il compte faire état d’éléments n’y figurant pas.

Nos avocats ici sont vaincus avant même d’avoir combattu. La seule chose qu’ils peuvent encore espérer, c’est atténuer cet effet dramatique de la révélation de la subornation après ce défilé de la bonne société montpellieraine en faisant en sorte que l’écho du tonnerre se taise et surtout que ceux qui ont à juger n’ait pas assisté à cette débâcle en direct. En d’autres termes, obtenir le renvoi du procès à une date ultérieure, ce qui devant la cour d’assises implique nécessairement de nouveaux jurés, très probablement deux nouveaux juges assesseurs, seuls demeurant le président (la chose est certaine) et éventuellement l’avocat général (la chose est probable mais pas certaine).

Demander le renvoi n’offre aucune garantie de l’obtenir. Sauf à mettre la cour devant le fait accompli. En se retirant.

Devant la cour d’assises, l’assistance d’un défenseur est obligatoire (art. 317 du CPP). C’est en principe un avocat (art. 274 du Code de procédure pénale) mais pas forcément (art. 275 du Code de procédure pénale). Si les défenseurs partent, la cour peut les commettre d’office : dans ce cas, l’avocat ne peut en principe partir sans commettre une faute. La chose est fréquente devant la cour d’assises, car concrètement seuls ces avocats peuvent assurer une défense réelle dans un dossier volumineux et complexe qu’ils connaissent déjà.

Ici, le pari des avocats était que le président comprendrait leur décision et n’irait pas contre en les commettant d’office. C’est ce qui s’est passé : le président les a laissé se retirer, et du coup n’a eu d’autre choix que de renvoyer, à bref délai, en en profitant pour ordonner un supplément d’information sur la lettre et la psychologie de l’accusé.

L’affaire reviendra en janvier. La terrible lettre sera mentionnée, débattue, mais elle n’arrivera pas tel un Deus Ex Machina dans un char de tonnerre porté par la foudre. La défense aura le temps de se préparer pour expliquer ce geste, et les nouveaux avocats pourront faire valoir leur extranéité à ces faits, et exposer que nonobstant cet acte fou, leur conviction est que leur client est innocent.

Il y a donc plus qu’une simple désertion, et qu’un peu de roublardise s’y soit glissée, ou du moins qu’une dernière fibre, aussi froissée, humiliée et piétinée ait-elle été, soit restée loyale jusqu’au bout, n’est pas impossible.

Néanmoins, la dureté des paroles de l’un des avocats, telles que rapportées plus haut, révèle une véritable et douloureuse blessure. Peut-être aurait-il pu s’en passer. Mais que la défense, K.O. debout, ait réussi à arracher cette petite victoire des mains du désastre mérite certainement le respect.

Mise à jour : Les intéressés confirment mon analyse.

Commentaires

1. Le mardi 5 octobre 2010 à 01:23 par niodayoda

Respect effectivement !

J’avais (un peu) suivi cette affaire dans le Midi Libre à une époque où j’étais provincial façon héraultaise, mais je n’avais pas entendu parler de ce coup de théâtre ! Et après ce long silence de votre blog (pour quelqu’un d’aussi prolixe que vous en temps normal), ce billet est une excellente manière de terminer sa journée.

Merci et bonne nuit !

2. Le mardi 5 octobre 2010 à 01:24 par Apokrif

“C’est en principe un avocat (art. 274 du Code de procédure pénale) mais pas forcément (art. 275 du Code de procédure pénale)”

L’avocat non inscrit à un barreau, mentionné à l’art. 323 CPP, est-il une personne qui (peut) exerce(r) la profession d’avocat sans être inscrite à un barreau ? Ou bien le parent ou ami de l’art. 275 CPP ?

S’agissant de la CNDA, au sujet de laquelle on raconte que le défenseur ne deoit pas forcément être un avocat, l’art. 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 permet-il à un non-avocat d’assister ou représenter une partie devant cette juridiction ?

3. Le mardi 5 octobre 2010 à 01:24 par Apokrif

“C’est en principe un avocat (art. 274 du Code de procédure pénale) mais pas forcément (art. 275 du Code de procédure pénale)”

L’avocat non inscrit à un barreau, mentionné à l’art. 323 CPP, est-il une personne qui (peut) exerce(r) la profession d’avocat sans être inscrite à un barreau ? Ou bien le parent ou ami de l’art. 275 CPP ?

S’agissant de la CNDA, au sujet de laquelle on raconte que le défenseur ne deoit pas forcément être un avocat, l’art. 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 permet-il à un non-avocat d’assister ou représenter une partie devant cette juridiction ?

4. Le mardi 5 octobre 2010 à 01:34 par Emmanuel

La roublardise nimposait pas aux avocats d’interpeller publiquement leur client. Quels sont les recours de l’accusé contre ses avocats-lâcheurs dans ce cas ? Civil ? Réparation du préjudice ?

5. Le mardi 5 octobre 2010 à 01:45 par Cams

Il me parait aberrant que l’accusé doive réagir à cette révélation en réitérant la proclamation de son innocence. Pour moi, il s’agit bien de deux choses différentes, qu’une subornation de témoin d’un côté, et une accusation d’homicide de l’autre. Dès lors que la présomption d’innocence joue, on ne peut certainement rien conclure sur le fond du dossier à partir des agissements de l’accusé en coulisses. Il ne s’agit même pas d’aveux, mais d’une tentative désespérée pour, selon l’auteur, parvenir à prouver une innocence que personne n’a encore pu démontrer.

En clair, cette subornation de témoins était certes un sabordage en règle de l’accusé, mais les avocats auraient dû faire la part des choses entre ce comportement et l’accusation qui visait leur client. Au lieu de cela, ils auront préféré abandonner l’affaire, comme si cette lettre avait à leurs yeux scellé le destin judiciaire de leur client. Professionnellement, ils ont peut-être eu raison, mais ce n’est peut être pas aider leur client que de l’abandonner dans une position si délicate. D’un point de vue extérieur, cela pourrait être interprété comme un aveu de défaitisme, du style “ah ben on a tenté de vous dire qu’il était innocent, mais là, c’est foutu hein, il est grillé…”.

6. Le mardi 5 octobre 2010 à 01:55 par COOLMAN

Il me semble bien ici que vous donnez raison aux “mauvaises langues” et aux “présidents partiaux” ….

7. Le mardi 5 octobre 2010 à 02:11 par pollicarpe

Merci ! Cette affaire semble toute indiquée pour donner lieu à une question lors de l’oral de déontologie…

8. Le mardi 5 octobre 2010 à 02:59 par Touriste

Si je suis votre raisonnement, vos confrères ont -en abandonnant leur client au moment le plus délicat- permis le renvoi de l’affaire avec “roublardise” et ainsi agi dans son intérêt. Pourquoi pas…si l’on suppose qu’il n’y a ni journaux, ni radio, ni téléviseurs dans l’Hérault. Dans le cas inverse ce “coup de tonnerre” (l’abandon des avocats, pas la tentative de subornation…) sera la première chose qui reviendra à l’esprit des jurés qui auront en janvier (c’est demain !) à statuer sur le sort de l’accusé. Ils se souviendront alors que celui ci a commis un acte tellement fou, tellement accablant que “même” les grands avocats qu’il avait engagés ont renoncé à le défendre pour “le renvoyer à son destin”. Autant dire qu’ils partiront avec la conviction que le “client” est coupable. Une conviction que le “coup de poignard dans le dos” de l’avocat général n’aurait pas suffit à établir, le caractère imprévisible voire infantile de l’accusé étant déjà clairement apparu au cours des premiers jours d’audience, et dont vos confrères (“expérimentés et talentueux”, puisque vous le dites) sont donc pleinement responsables. Présenter cette trahison comme une subtile manoeuvre entreprise dans l’intérêt de l’accusé ne me semble ni honnête, ni convaincant. Un peu comme si Ph Bilger nous expliquait que Courroye agissait dans l’intérêt général en refusant d’écouter les recommandations de Nadal.
NB : êtes vous persuadé -franchement- que vous auriez présenté de façon aussi ridicule le prévenu et ses témoins de personnalité (cf les “variations sur le même thème de l’inéluctable béatification de Bissonnet”) dans le cas où ledit prévenu aurait fait l’objet d’une remise en liberté obtenue par son héros d’avocat et contestée par Hortefeux et Alliance ?
Un lecteur assidu (mais un peu déçu par ce billet qu’il attendait avec impatience).

9. Le mardi 5 octobre 2010 à 03:43 par Marcel

Il y a une chose que je ne comprends pas.

Si l’avocat général a dépassé les limites de ce qu’il est censé faire dans un procès d’assise, n’y a-t-il pas là une énorme nullité ?
Je veux dire : le fait de sortir de son sac une pièce secrète inconnue des avocats au mépris du contradictoire n’est-il pas une faute ouvrant une voie royale à la cassation pure et simple du procès en cas de résultat défavorable à l’accusé ?

Ou alors peut-être le fait qu’il s’agisse d’un procès de première instance rends mon idée stratégiquement peu rentable ?

10. Le mardi 5 octobre 2010 à 03:46 par Schmorgluck

Quand j’ai entendu parler de ces évènements à la radio, je me suis dit “Tiens, à tout les coups Eolas va nous sortir un billet là-dessus.”
J’avais vraiment du mal à me faire une idée nette des implications déontologiques de la réaction des avocats. Je voyais que ça posait problème, mais je voyais aussi que les circonstances étaient loin d’être ordinaires, et que les avocats avaient été mis dans une situation vraiment difficile.

Une question, au passage : quand un avocat renonce de la sorte à son mandat, cela donne-t-il lieu à intervention systématique du Barreau (enquête, auditions, que sais-je) pour vérifier que la déontologie a été respectée ?

11. Le mardi 5 octobre 2010 à 03:48 par Porfi

Si tel rebondissement était seulement placé dans une œuvre de fiction, on se dirait que l’auteur n’a pas peur d’user des plus grossières ficelles narratives pour faire avancer l’action.
Mais peut-être les considérations sur cet évènement ont-elles tendance à faire oublier que, nonobstant l’attitude de l’avocat général, peu fidèle au principe du contradictoire, la subornation dont il est question devait se faire au détriment du Vicomte.
En d’autres termes, il ne s’agissait pas seulement pour l’accusé de prouver son innocence. Mais de le faire en envoyant un tiers en prison. Dans ce cas, on ne voit pas trop comment un plan B peut être envisageable pour la défense, même avec de nouveaux avocats.
Car on voudra bien croire qu’un innocent privé de liberté depuis deux ans puisse désespérer. Mais admettre que l’on a agi après des sollicitations multiples sans avoir même envisagé les conséquences de cette stratégie n’est pas seulement faire montre de désespoir mais de bien d’autres choses.
Dans ce cas, la subtilité déontologique complète habilement le sentiment d’amour-propre. Autant laisser à d’autres l’occasion de dire nous avons pris perpétuité dont vingt.
Il est vrai aussi qu’à ce rythme de rebondissement, rien n’empêche un génie des prétoires de faire son apparition et d’étayer efficacement l’hypothèse de l’innocence. Pourquoi ne pas lui laisser la place?
Mais dans ce cas, je crains fort qu’une équipe entière de scénaristes américains ne soit pas de trop.
Bien entendu, je n’ai absolument aucun avis sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé.
J’émets un simple pronostic.

12. Le mardi 5 octobre 2010 à 05:21 par Maître Mô

Les confrères concernés vous donnent raison.

Qu’ils le disent ouvertement me heurte cependant autant que la façon dont ça a été fait…

D’une part, il me semble que l’arrivée de ce nouvel élément, majeur évidemment, dans les débats, justifiait à elle seule et en elle-même une demande de renvoi, et je serais surpris d’apprendre qu’ils l’auraient envisagée en off avec la Cour et qu’elle leur aurait été refusée… C’est possible, bien sûr, on peut tout voir, mais tout de même…

Il semble d’ailleurs qu’au départ, les parties aient d’abord demandé une “suspension de quelques jours”..??!!

La Chambre Criminelle est assez pointilleuse avec l’oralité des débats et leur caractère contradictoire, et le côté énorme de l’élément nouveau, les vérifications à effectuer, notamment l’audition du charmant copain de cellule concerné, etc… Me semblaient pleinement justifier un report, d’ailleurs dans l’intérêt de toutes les parties.

Et d’autre part, s’il fallait réellement employer cette “astuce”, c’est à dire en clair tout de même mentir à la Cour, tout de noblesse drapé, alors qu’en fait on cherchait seulement à interrompre un procès qui venait de mal tourner (encore que… Là encore, faudrait voir en contexte, évidemment, mais est-ce si sûr ?) , il y a une chose dont je suis absolument certain : il ne fallait pas le dire ensuite à la presse !

Parce que non seulement c’est un aveu clouant un peu plus le client (parce que ces articles resteront et figureront au dossier en janvier, évidemment !), mais encore ça jette le discrédit sur sa défense et la Défense en général, qui n’en a pas forcément besoin…

Je ne vois qu’une raison, pour nos confrères, d’avoir “avoué” le stratagème aux journalistes : préserver leur réputation, ne pas laisser dire qu’ils pouvaient abandonner un client en plein marasme ; raison assez peu noble, mais je n’en trouve aucune autre… Et j’en trouve en revanche un paquet qui auraient dû leur commander de ne rien dire, et moins encore qu’à défaut “c’était une catastrophe” ou que le client était “mené à l’abattoir” : se rend-on compte… Que ce sera exactement le cas en janvier, grâce en partie à ces “aveux” ?

Je ne perds pas de vue que je manque singulièrement d’éléments, notamment à propos du Président, et qu’il est toujours facile de porter un jugement hors contexte, mais tout de même, je ne comprends en tout cas pas le second acte.

13. Le mardi 5 octobre 2010 à 05:44 par COOLMAN

Une Catalastrophe. Mônni soit qui mal y pense .

Bon Ok, je sors ….

14. Le mardi 5 octobre 2010 à 05:58 par Passant

Espérons qu’autant d’égards et de subtilités entourent la cause des sans papiers !

(Je n’espérais pas pour autant de défilé de la bonne société leurs employeurs)

15. Le mardi 5 octobre 2010 à 06:08 par Z.

Seule la bienséance interdit aux parties de communiquer une pièce pendant l’audience. Le Code de procédure pénale, lui, le permet. L’essentiel étant qu’elles soient discutées au besoin après une suspension.
L’avocat général n’a commis aucune faute.
D’ailleurs ce n’est pas une première me semble-t-il car dans le procès Ranucci, il avait dû y avoir une communication tardive de pièces par l’avocat général (tardive mais légale) et même une réplique.
Mais là, pas de renvoi et à l’époque, pas d’appel.

Eolas:
Le CPP le permet ? Vous avez entendu parler de l’article préliminaire ?

16. Le mardi 5 octobre 2010 à 06:22 par Verel

Je trouve que sur la forme et les commentaires qu’ils font, les deux avocats sont très critiquables
Mais revenons au principe, à partir d’une phrase de l’article
“Le mandant conférant au mandataire le pouvoir d’agir en son nom, la confiance est le cœur de cette relation”

Je suppose qu’il s’agit d’abord de la confiance que l’accusé fait à son avocat. J’imagine que si les avocats devaient avoir confiance dans leur client, un certain nombre de grandes crapules ne pourraient pas être défendues (ou seulement par de grands naïfs, ce qui est un peu la même chose). Et y a t-il encore une justice si les accusés, y compris les grandes crapules, ne sont pas défendus?

Les avocats ont ici été amenés à suivre la ligne de défense de l’accusé, consistant à clamer son innocence; j’imagine qu’ils en ont discuté avec lui, lui montrant aussi les inconvénients d’une telle défense.

Ils peuvent me semble t-il avoir la conviction qu’il est en fait coupable, mais je pense qu’il leur faut un doute sur cette culpabilité, même extrêmement minime, pour pouvoir faire correctement leur travail, si j’en crois le point de vue d’Eolas
“mon désaccord avec l’action envisagée ou la tactique à adopter. Je suis très mauvais quand je plaide à contrecœur”.

Le coup de tonnerre de la révélation de la subordination de témoin, au delà du fait qu’il met à mal leur intégrité (puisqu’ils sont déclarés avoir été mis au courant de l’intention de l’accusé) montre aussi que l’accusé ne leur fait pas confiance, et peut avoir détruit le dernier doute qu’ils avaient
Mais ce n’est que l’avis d’un Mékeskidi !

17. Le mardi 5 octobre 2010 à 07:12 par Véronique

Une astuce pour éviter la catastrophe, disent les avocats de JMB !

Ah non, Pas ça !

Je suis d’accord avec le post de Maître Mô.

Je pense plutôt que ces deux avocats n’ont pas su maîtriser la situation avec sang-froid, totalement englués qu’ils étaient dans l’effet scénarisation-coup de théâtre auquel les médias, y compris Pascale Robert-Diard que je lis pourtant toujours avec beaucoup d’intérêt, ont amplifié l’écho jusqu’à l’écoeurement.

Je suis vive. Ce n’est pourtant pas mon tempérament. Mais là, vraiment, cette phrase de l’avocat qui tue:

Pendant des mois, j’ai défendu cet homme, je l’ai défendu contre les autres, je l’ai défendu contre lui-même. La confiance est trahie, je le renvoie à son destin.

Alors, il y a cette limite qui, pour moi, pourrait tout dire de la déontologie des avocats, et qui ne devrait jamais être transgressée. Malheureusement elle ne concerne que l’éthique médicale:

D’abord, ne pas nuire.

Merci à Maître Eolas d’avoir écrit ce billet.

Même si je ne suis pas convaincue par la stratégie pour le report que vous décrivez, j’espérais très fort un billet de votre part au sujet de cet épisode qui m’apparaît si déconcertant et angoissant pour l’idée qu’on se fait d’un défenseur.

18. Le mardi 5 octobre 2010 à 07:21 par Z.

Il me semble que les avocats ont bien agi. Dans un système où la preuve est libre, je ne pense que l’on n’eût pu donner cher de la peau de leur client si le procès avait continué.

19. Le mardi 5 octobre 2010 à 08:29 par didier specq

Ce genre de coup de théâtre n’implique pas du tout le renvoi du procès. La réunion d’une cour d’assises sur un dossier complexe, c’est tellement compliquée qu’on est d’ailleurs tenté de continuer le procès, un peu comme un paquebot imperturbable qui continue sa trajectoire.

Après tout, ce n’est pas parce qu’un accusé désespéré cherche à produire une fausse preuve de son innocence qu’il est coupable. Le président explique tout ça la main sur le coeur. Et, hop, on continue. C’était ce qui risquait de se passer.

Les avocats, en ne défendant plus pour une raison incontournable, assurent le renvoi du procès. Dans l’intérêt même de leur client, “renvoyé à son destin”, ils viennent de commettre le geste spectaculaire qui correspondait à la situation.

Dans 12 ou 18 mois, les nouveaux avocats de l’accusé pourront expliquer à tête reposée à quel point leur client est désespéré au fond de sa prison, tellement désespéré qu’il peut se laisser aller à de grosses bêtises. N’importe quel juré peut comprendre ça.

Le temps joue forcément pour l’accusé, s’il est coupable et encore plus s’il est innocent. Il faut avoir gérer le temps comme disait un ancien président de la République qui affectionnaient les chapeaux et les écharpes rouges. Bref, les avocats ont bien agi.

20. Le mardi 5 octobre 2010 à 08:33 par didier specq

Beaucoup de fautes, monsieur Specq…

21. Le mardi 5 octobre 2010 à 08:37 par salah

“Mandat ou procuration” (Article 1984).  ?

S’agissant du mandat cela consiste à agir au nom d’un contrat ,d’un acte alors qu’en ce qui concerne la procuration cela suppose que l’action se fasse au nom d’une ou de plusieurs personnes, alors même qu’en commun ,dans les deux cas ,dans mandat et procuration , il y a un contrat signé et des personnes signataires.

L’Avocat est mandaté par son client . L’extinction de son mandat est d’ordre contractuel entre lui et son client . Cependant , le Procureur est un procuré, il jouit de sa liberté d’agir au nom d’un groupe de personnes comme elles pourraient le faire elles -mêmes .

Un avocat peut faire ce genre de défense dite « de rupture » ,dans le cas présent ,contrairement au Procureur qui est en fait un procuré de la république. Et ,je vois mal Gascogne refuser de poursuivre la défense de son client :la société ,par pure stratégie ou parce qu’il ne s’entend plus avec . Même si au fond je trouve que ça serait amusant qu’il le fasse ,ne serait-ce qu’une fois ,tant parfois la société fait preuve qu’elle le mérite .

22. Le mardi 5 octobre 2010 à 08:44 par Baba O'R.

Bissonnet : Procès renvoyé : l’ultime défense des avocats pour préserver les chances de l’accusé

http://www.midilibre.com/articles/2010/10/04/A-LA-UNE-Proces-renvoye-l-ultime-defense-des-avocats-1410210.php5

23. Le mardi 5 octobre 2010 à 08:53 par Véronique

@ Didier (post 19)

ils viennent de commettre le geste spectaculaire qui correspondait à la situation.

Vous ne pensez pas que le geste spectaculaire, genre maxi effet d’audience inédit, avec les mots si graves qui sont allés avec, ne donne pas en conséquence une perception également inquiétante quant à la mission de défendre.

L’esbouffre, pour le moment, a qui a-t-elle voulu d’abord complaire ? Je pense qu’elle est très simplement assortie au caractère théâtral de la justice spectacle et médiatique.

La puissance dévastatrice des mots, quand elle n’est pas maîtrisée par ceux dont l’art et le savoir-faire sont précisèment de la maîtriser me laissent penser qu’il y a eu bien plus précipation que stratégie mûrement réfléchie.

24. Le mardi 5 octobre 2010 à 09:21 par Dhombres

Maître,

je sais que vos sentiments envers la robe sont forts et que le raisonnement a contrario a ses limites mais je trouve que la phrase “Le contrat de travail suppose un lien de subordination du salarié à l’employeur qui est incompatible avec le serment de l’avocat qui jure au moment de revêtir la robe d’être Digne, Conscient, Indépendant, Probe et Humain” est, indépendamment de quelques majuscules qui n’ont rien à y faire, particulièrement maladroite voire vexante !

On en déduirait que la masse grouillante des travailleurs salariés, honte sur eux, est nécessairement indigne, inconsciente, dépendante, corrompue et inhumaine. Bravo.

Enfin et peut-être surtout, sur le fond, cette belle envolée me semble faire bien peu de cas de vos confrères avocats salariés !

Je pense donc que votre pensée et vos sentiments confraternels se trouveraient mieux exprimés sous une autre tournure…

25. Le mardi 5 octobre 2010 à 10:06 par LEF

Cher Maître,

Votre billet me fait comprendre que le renvoi du procès est une victoire pour la défense. Sur ce point, je veux bien vous croire, c’est vous l’expert.

Seulement, quand vous dites :

Mais que la défense, K.O. debout, ait réussi à arracher cette petite victoire des mains du désastre mérite certainement le respect

là, je disconviens respectueusement.

Pour mériter le respect, il faut que l’attitude de vos confrères ait été certainement dictée par cette seule stratégie. C’est votre hypothèse mais vous n’en apportez aucune preuve. Et le fait que vos confrères “confirment” votre hypothèse n’en est certainement pas une.

L’autre hypothèse, qui consiste à dire que vos confrères ont commis une faute ayant entraîné un bénéfice involontaire pour l’accusé, est plausible aussi.

Votre hypothèse, cher Maître, traduit à mon humble avis deux choses (1) c’est ce que vous auriez fait si vous étiez à la place de vos confrères : vous leur attribuez vos propres intentions ; (2) l’idée de l’opprobre jeté sur la profession vous est tellement insupportable que vous l’occultez : vous vous placez dans le déni et vous trouvez la raison qui justifie le désastre.

La raison que vous donnez est intelligente. Tellement intelligente que vos confrères l’endossent.

Qu’un avocat, en l’occurrence vous-même, totalement extérieur à l’affaire, ait réussi à remettre debout une défense K.O., mérite certainement le respect. Voilà ce que je pense. Sans en apporter la preuve, évidemment.

26. Le mardi 5 octobre 2010 à 10:10 par Jalmad

je suis globalement d’accord avec votre analyse, Maître, et partage le point de vue de D. Specq : garder le dossier présentait le rsique de se voir refuser un renvoi, qui me paraissait nécessaire dans l’intérêt de Bissonnet. Je suis en revanche assez d’accord également avec Mô s’agissant de la “manière” : peut-être les avocats aurient-ils pu expliquer cette décision de façon un peu moins passionnée et laconique, du style “nous estimions ne plus être en mesure d’assurer utilement sa Défense, la rupture d’un mandat dans ces circonstances est toujours une décision délicate et douloureuse, mais c’est en toute conscience que nous l’avons prise, et nous souhaitons à M. Bissonnet un accès à la meilleurs défense possible”. Bref un truc élégant dans le style que vous avez vous-même énoncé.

Par ailleurs, comme Z en 15, je vous trouve un peu prompt à fustiger l’avocat général : quand lui-même a-t-il eu connaissance de la lettre ? l’a-t-il réellement gardé dans sa manche ou en a -t-il fait état à l’audience dès connaissance ? j’ai cherché dans la presse, et ce que j’ai trouvé, c’est que l’avocat général avait eu ces courriers dans la nuit précédent l’audience, et a attendu la fin d’une déposition de témoin pour en faire état. Bref, s’il a “gardé” l’info, c’est pas longtemps (peut-être trop, mais ce n’est pas ce que j’appelle “sortir un lapin du chapeau). Par ailleurs, comment en a-t-il fait état ? je n’ai rien trouvé là dessus dans la presse, et vous dites vous-même qu’il demande à ce que ce soit versé au dossier ; de toutes façons à mon sens, il n’avait de toutes façons pas tellement d’autre possibilité que de la donner au Président afin justement que le Président puisse en donner officiellement connaissance à toutes les parties (le contradictoire, cher Maître, c’est aussi pour les parties civiles), le Président ayant dû accorder assez rapidement après une suspension. Il aurait pû certes communiquer cela en “off” à la défense avant et aux parties civiles, mais c’était certainement aussi délicat, car il savait bien que ça allait interrompre l’audience, du moins susciter une demande de suspension assez longue, et le Président n’aurait pas compris.

bref, personnellement, j’estime ne pas avoir assez d’éléments pour dire comme vous le faites que l’avocat général a fait preuve de “déloyauté”. c’est un terme fort, quand même, vous ne trouvez pas ?

Eolas:
S’agissant de mes confrères, je suis réservé sur la forme, mais je n’affirmerai pas être plus élégant quand ainsi le sol se dérobe sous mes pieds en pleine audience après 2 ans d’investissement personnel. Il m’est  arrivé que des dossiers me pètent à la figure, et je sais ce que ça fait d’être KO debout à l’audience. Mais ce n’était que sur des petits dossiers, et même pas devant la presse.

S’agissant de l’avocat général, j’ai discuté de cette audience avec pascale Robert-Diard, qui y assistait, avec son regard affuté. Elle m’a  confirmé que l’avocat général est arrivé à l’audience avec ce document, a attendu le passage d’un témoin avant d’en faire état, et que les avocats l’ont découvert à l’audience, devant tout le monde. Rien ne l’empêchait d’en remettre une copie aux avocats à 9h, avant la reprise de l’audience. Il ne l’a pas fait. Je maintiens que c’est déloyal. Et que si un avocat avait attendu qu’un témoin cité par le parquet dépose pour sortir un élément renversant la tactique du ministère public, on aurait entendu l’avocat général hurler jusqu’à Palavas et Sète.

27. Le mardi 5 octobre 2010 à 10:17 par Salomon ibn Gabirol

Question: M. Bissonet peut-il nommer les même avocats et, more importantly, ceux-ci peuvent-ils accepter? Autrement dit, se peut-il que ce lâchage en pleine audience n’ait été qu’une tactique d’évitement (vraisemblablement décidée en urgence par les seuls avocats), pour ne pas avoir a traiter frontalement et sans préparation, l’épineuse question de la subornation de témoin? Ils ont en effet maintenant quelques mois pour préparer leur défense sur ce point… Je comprends bien que la posture des avocats de M Bissonet relative a leur attachement a la relation de confiance avec leur client risque d’être vue sous un nouveau jour (et pas le meilleur) s’ils devaient rempiler, mais, après tout, la confiance peut se regagner aussi bien qu’elle se perd (j’imagine que cela serait, en gros, l’explication fournie), et une perte de crédibilité médiatique vaut sûrement le coup si cela leur permet de gagner du temps.

28. Le mardi 5 octobre 2010 à 10:38 par jfd38

J’ai toujours soutenu Jean-Michel Bissonnet, non pas à savoir s’il était coupable ou pas, mais quand à la forme de l’enquète, menée me semble-t-il essentiellement à charge.
Par contre je commence à entrevoir les raisons de cet acharnement:
Les derniers évènements on plus révélé sur son profil psychologique que tous les experts psychiatres. Jean-Michel Bissonnet est une personne qui, par sa morgue et son caractère de cochon, se met spontanément tout le monde à dos.
D’emblée Jean-Michel Bissonnet a pris tout le monde de haut et a voulu diriger l’enquète, gendarmerie, police, juges, parquet.
Tous ceux-ci se sont braqués, tous lui ont rendu sa morgue, aucun n’a cru ce qu’il disait, aucun n’a voulu rentrer dans son jeu, peut être de peur d’être manipulés par Bissonnet.
Bissonnet ne fait confiance à personne, il est imbu de sa puissance, de son influence, prêt à abuser de tous les moyens pour établir ce qui lui semble être la vérité.
Se sentant de plus en plus isolé, après plusieurs dizaines de mois de détention provisoire, Jean-Michel Bissonnet a tenté la seule technique qu’il connaisse, le passage en force, et s’est fait piéger, d’autant plus que le piège en question a probablement été soigneusement préparé.
Nous n’en savons cependant pas plus sur la culpabilité de Jean-Michel dans le meurtre de sa femme, mais nous comprenons mieux l’acharnement contre Jean-Michel, acharnement qui a commencé dès le début de l’affaire, et qui a conduit à la situation catastrophique actuelle.

900 jours de détention provisoire avant le début du procès, les juges vous diront qu’au vu du dernier coup de théatre c’était justifié. Mais je pense qu’il s’agit de l’éternel débat: Qui a été le premier : l’oeuf ou la poule ?
Jean-Michel Bissonnet n’aurait-il pas été poussé à bout par tous, consciement ou inconsciement ?
Il a dit : “depuis le début personne ne m’écoute”.
Et je le répète, sauf dans l’esprit des parties civiles qui plaident contre Bissonnet, nous n’avons appris rien de plus sur sa culpabilité dans le meurtre de sa femme.

29. Le mardi 5 octobre 2010 à 10:45 par Véronique

@ Jalmad

En même temps, Jalmad, le lecteur des compte rendu dans la presse, ne peut pas s’empêcher de penser que ce procès était une sorte de concours rassemblant des compétiteurs hors pair spécialisés en « coup de théâtre », dramatisation outrancière, etc.

Extrait de : Affaire Bissonnet : le mari proteste de son innocence - Claude Belmont, Le Figaro.fr (avant les coups de tonnerre accusation / Défense)

“Celui qui clame ici son innocence doit être placé sur le même pied d’égalité que celui qui reconnaît sa culpabilité ” , a claironné l’avocat toulousain, immédiatement repris de volée par l’avocat général Pierre Denier.
” Bissonnet, ce n’est pas un voleur de yaourts. Les risques de soustraction existent. Lorsqu’il entendra la peine qui sera requise contre lui, nous prenons le risque qu’il s’échappe s’il est placé sous contrôle judiciaire “, a répondu le représentant du ministère public.” “

Y a pas à dire, super sobre l’avocat général…Celui qui connaît à coup sûr l’épilogue du drame avant le début de la super représentation.

30. Le mardi 5 octobre 2010 à 10:46 par beldeche

En fait, je suis un peu déçu par le côté manichéen des positions.

On a l’impression que tout passe par l’émotionnel: comme si le juré devait-être convaincu par l’authenticité de la conviction de l’avocat ou que le coup de théâtre de l’avocat général devait décider du sort de l’accusé…

Les jurés sont-ils si influençables ?

Pour ma part, j’ai trouvé la déclaration des avocats plutôt grandiloquente.

31. Le mardi 5 octobre 2010 à 10:48 par Véronique

Je corrige…

des comptes-rendus

32. Le mardi 5 octobre 2010 à 10:58 par jfd38

Je reviens sur l’aspect obscure et mal cloturé du dossier monté contre Bissonnet.
http://www.lepoint.fr/societe/proce…
“Ce procès se jouera sur l’intime conviction”, avance Me Luc Abratkiewicz, l’un de ses avocats (qui plaide contre Jean-Michel Bissonnet).

Pour qu’un avocat qui plaide contre Jean-Michel Bissonnet dise cela, c’est qu’il n’y a aucune preuve définitive de la culpabilité de Jean-Michel Bissonnet !
C’est vous dire la solidité du dossier et de la justification à priori des 900 jours de détention provisoire avant procès !
L’excès de ces 900 jours de détention provisoire et l’atteinte à la présomption d’innocence n’ont jamais été mis en avant dans la presse. Celà me semble quand même un sujet majeur à débattre.

33. Le mardi 5 octobre 2010 à 11:15 par Teejee (mékeskidi de base)

Merci, Maître, pour ce billet éclairant. J’en étais évidemment resté à ce que disaient les media de ce coup de théâtre (mais un procès n’est-il pas théâtral ? Relisons L’Etranger de Camus), et ne m’étais pas posé davantage de questions.
Rétrospectivement, je pense à la présentation qu’en on fait les même media : “Jean-Michel Bissonnet lâché par ses avocats”. Comprenez : “Jean-Michel Bissonnet est donc coupable, puisque ses avocats ne lui font plus confiance”.
C’est vrai que, dans l’instant d’une telle révélation, et sous son impression, un citoyen lambda a rarement la présence d’esprit de distinguer la subornation de témoin de la question de la culpabilité ou non de l’accusé. Qui peut dire que, mis à bout de nerfs par deux années de prison, il n’aurait pas agi comme monsieur Bissonnet, pour peu qu’il en eût les moyens ? Coupable ou innocent ?
Ceci revient tout de même à dire que, pour une raison que nous ignorons, monsieur Bissonnet n’avait pas confiance en la capacité de ses avocats à faire reconnaître son innocence. Soit qu’il soit d’une nature angoissée, soit que ses avocats n’aient su lui inspirer cette confiance. Il y a quand-même une faille de ce côté-là.
Mais en effet, aucun des deux avocats n’était obligé de le dire. Je pencherai pour l’épanchement d’une colère longtemps contenue à l’égard d’un client visiblement difficile. Bon, c’est humain…
Vos commentaires à l’égard de la manoeuvre de l’avocat général me font penser à ce que vous dites concernant le regard porté par un juge sur avocats et parquetiers. Les seconds sont magistrats, comme les juges.
Imaginons le procès d’un individu (qu’on appellera, au hasard, “monsieur Dupipo”) défendu par un avocat (qu’on appellera, au hasard, “maître Eolas”) contre un procureur (qu’on appellera “Gascogne” en raison de ses origines lilloises), sous la haute autorité du Président Haffer-Suyvantte. Si je vous comprends bien, si maître Eolas sort de sa manche une pièce à conviction favorisant monsieur Dupipo sans que Gascogne en ait eu connaissance, le Président Haffer-Suyvante lui tapera sur les doigts, alors que si Gascogne en présente une qui semble accablante, le sort de monsieur Dupipo sera pratiquement scellé (à moins que Maître Eolas ne le lâche publiquement) ? Alors qu’il s’agit du même genre de manoeuvre ? Comme ç’a été le cas vendredi dernier ?
Donc, il y a encore du boulot ?

En espérant que vos soucis familiaux soient résolus, et en attendant votre acte II sur les Roms.

34. Le mardi 5 octobre 2010 à 11:18 par Cobab

@ Dhombres, en 24 :

Dépendante, sans conteste : le lien de subordination, qui est l’essence du contrat de travail, est l’exact contraire de l’indépendance.

Pour le reste (indigne, inconscient, etc.), eh bien le salarié l’est si son employeur le lui demande, point — sauf à rompre le contrat de travail, ou à saboter.

Vous le pressentez vous-même, il s’agit d’une erreur de logique ; elle porte sur les quantificateurs (ou sur les modes).

De A => nonB (ici : probité implique non subordination) on peut certes déduire en principe B => nonA ; mais ici A contient une sorte de « en tout temps », de « quoiqu’il arrive », dont la négation est « il est possible que ».

La contraposée correcte de la proposition débattue est donc « le lien de subordination inhérent au contrat de travail implique la possibilité de non-probité etc. ».

C’était la minute rasante du Pr Cobab.

(Qui par ailleurs constate qu’on supporte moins bien la détention provisoire d’un J.-M. B. que celle d’un quelconque braqueur grenoblois, comme c’est curieux.)

35. Le mardi 5 octobre 2010 à 11:19 par xoles

Et si… le stratagème avait marché, le “faux” témoin (non prévu initialement) révélé d’abord par la presse (…), puis entendu par la Cour à la demande insistante de l’intéressé.

36. Le mardi 5 octobre 2010 à 12:07 par fredo

merci pour ces explications qui répondent à quelques questions que je me posais au sujet de cette affaire

j’en aurai une autre concernant l’affaire kerviel dont vous avez peu parlé.
La peine de prison ne me surprend pas, mais je m’interroge sur l’amende, 4.0 milliards,.
Quel est le sens et par là l’intérêt de condamner une personne à une amende dont à l’évidence elle ne pourra jamais s’acquitter?

C’est fréquent ce genre de truc?

37. Le mardi 5 octobre 2010 à 12:14 par Maboul Carburod.....z

@Fredo
Il ne faut pas confondre l’amende due à l’Etat, inexistante pour Kerviel, et les dommages et intérêts dus à la banque.

38. Le mardi 5 octobre 2010 à 12:18 par Serge

@Fredo (#36),

Ce n’est pas une amende (qui est une sanction, et due à l’État), ce sont des D&I (qui réparent un préjudice, et sont dus à la victime).

Kerviel a fait perdre 4 915 110 154 € à la S.G. Elle était fondée à les réclamer, elle les a obtenus.

Ce qui m’inquiète le plus avec ce montant, c’est les possibilités de remise de peine et de libération anticipée. La « bonne conduite » étant liée à la façon dont le condamné indemnise ses victimes, je me demande s’il n’y a pas matière à l’en priver, une fois constaté qu’il n’a versé que quelques millionièmes…

(Sous réserve d’appel, bien entendu…)

39. Le mardi 5 octobre 2010 à 12:30 par Lili

Cet avocat général aura sûrement une promotion mais aura-t-il un Nom?

40. Le mardi 5 octobre 2010 à 12:39 par Cinquo

@ Marcel

L’affaire Ranucci démontre que parfois la cassation n’est pas, malheureusement, gagnée d’avance sur ce genre de sujet.

@Z

Pour en revenir sur l’affaire Ranucci merci de nous indiquer quelle est la disposition du CPP permettant à l’avocat général de reprendre la parole après les plaidoiries.

41. Le mardi 5 octobre 2010 à 13:01 par alternative justice

Eh bien tout d’abord content de voir que Me Eolas est vivant.
Sinon Je rejoins son analyse avec les remarques de Me Mô en addition. lorsqu’on a suivi un bon cours de procédure pénale et qu’on a eu des différends avec un avocat sur le plan de sa déontologie on ne peut que faire - avec moins de talent- le même cheminement intellectuel.

Le renvoi aurait sans doute été accordé, les avocats pouvait sans doute renoncer si ils sentaient au fond d’eux même ne plus pouvoir défendre leur client correctement mais ils n’auraient jamais du s’épancher dans la presse. Cela me paraît déontologiquement condamnable.

Mais je trouve qu’on ne souligne pas assez le talent de ‘lavocat général qui a tire un effet maximum des preuves pour tentative de subornation de témoin qu’il détenait. En les faisant surgir au coeur de l’oralité des débats il était certain qu’il y aurait renvoi mais d’un autre coté quel effet maximal , qui pésera lourd dans le futur verdict.
L’avocat général a eu du talent, souhaitons que ce soit pour confondre un criminel.

42. Le mardi 5 octobre 2010 à 13:12 par sir yes sir

je trouve que cette solution, bien que permettant d’éviter la catastrophe, manque de panache. Roublardise me paraît être un terme approprié.

Et en outre il est clair que le procédé de l’avocat général a été déloyal. L’avocat est certes un adversaire dans le prêtoire mais c’est aussi un partenaire de travail. Donc on ne lui savonne pas la planche sous le spieds.
Moi même je râle, je conspue la défense, et même, je boude (oui je boude) quand la défense me sort une demande en nullité avec un petit air triomphant juste avant l’examen du dossier. Je ne suis pas un distributeur automatique de réquisitions, il faut que je réfléchisse. De même, je trouve très loyal, quand un avocat plaide la relaxe alors qu’à la lecture du dossier la messe semblait dite (genre le prévenu a reconnu tout le long de la procédure et puis tout un coup il change son fusil d’épaule) de me le dire avant. et pour ma part, je préviens les avocats, de la défense comme de la partie civile, quand je fais quelque chose d’inattendu (style requérir une relaxe alors qu’il y a une partie civile…)

Ca met une meilleure ambiance et ça fait quand même plus plaisir de travailler ensemble (oui aujourd’hui je suis un parquetier bisounours).

43. Le mardi 5 octobre 2010 à 13:19 par Lili

N° 41”alternative justice?”

L’avocat général a eu du talent, souhaitons que ce soit pour confondre un criminel.

En démocratie, tout n’est pas permis, à moins de s’appeler Machiavel.

Si ceux qui sont chargés de faire respecter les lois sont les premiers à ne pas les appliquer, comment demander à un citoyen lambda de les respecter?

Le principe du contradictoire qui fait partie du droit français doit être respecté comme toute autre règle de droit, même quand on est avocat ou général a fortioiri si on n’est ni l’un ni l’autre.

44. Le mardi 5 octobre 2010 à 13:54 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Sir yes sir, 43
Je partage globalement votre analyse, et suis ravi de penser qu’il puisse exister des avocats généraux tels que vous. Concernant le “manque de panache” des avocats de monsieur Bissonnet, est-ce là le plus important ? Peut-on aller au-devant de la catastrophe en chargeant sabre au clair et en gants blancs, et n’est-il pas normal d’essayer plutôt de sauver ce qui peut l’être encore ?
Les avocats de monsieur Bissonnet ont tenté une manoeuvre, dans un cadre permis par la loi, pour dissiper l’impression fâcheuse provoquée par la lettre produite par la partie adverse. Il s’agissait de faire en sorte qu’un verdict fût rendu non sous le coup de l’émotion, forcément subjective, mais dans cette sérénité sans laquelle la justice, vous le savez bien mieux que moi, ne peut se faire.
Ce qui est regrettable, et manque peut-être de panache, ce sont les déclarations superflues auxquelles maîtres Catala et Darrigade se sont livrés ensuite.
On peut éventuellement regretter aussi qu’ils n’aient trouvé que ce moyen pour rétablir un semblant d’équilibre dans ce procès. Mais d’une part n’ont-ils pas répondu par une manoeuvre à une autre manoeuvre ? Et d’autre part, que pouvaient-ils faire d’autre, si ce n’est attendre que les débats s’achèvent et que les jurés délibèrent ?
S’il y a eu manque de panache, ce serait plutôt du côté de l’avocat général. J’aurais personnellement employé d’autres termes, mais je suis un garçon poli.

45. Le mardi 5 octobre 2010 à 14:01 par Jalmad

@ Veronique : écoutez, l’avocat général, je le connais pas, et je veux même pas le connaître. Il se peut qu’il s’agisse d’un de ces coqs qu’on rencontre encore malheureusement au parquet (ou en présidence d’audience, d’ailleurs). La sortie sur le “voleur de yaourts”, ça me choque pas plus que ça, c’est juste mauvais, en fait. Ce qui m’a plus choqué en revanche, c’est le “vous êtes fou” qui aurait été proféré par ce même avocat général.

Mais je trouvais simplement qu’Eolas utilisait le terme “déloyal” sans suffisamment démontrer, avec des éléments de fait, en quoi il l’avait été. Il m’a répondu sur ce point ; il a sa conviction, et je vous dirai qu’après les précisions qu’il m’a apportées (discussion avec PRD qui a assisté à l’audience, qui est aguerrie aux audiences, et dont j’estime, par la lecture de ses billets, qu’elle est assez équilibrée dans ses avis, et qui relate les choses de façon à ce qu’on puisse se dire “en effet, l’avocat général aurait sans doute pu faire autrement”), et aussi la lecture de l’avis de Sir Yes Sir, très tranché, qui laisse entendre que finalement le parquetier n’a aucune circonstance valable à faire valoir pour avoir retenu l’info le temps du témoignage et ne pas avoir fait été de cette pièce avant le reprise de l’audience, je suis assez convaincue et je me dis qu’en effet, probablement, la défense avait de quoi s’indigner du procédé.

maintenant, je voudrais simplement faire une précision, notamment suite aux com de Teejee en 33 et Lili en 43 : le contradictoire, c’est de façon très précise le principe qui suppose que chaque élément faisant partie des débats ait pu être débattu par tous à l’audience. Chaque partie doit veiller à le respecter, notamment en communiquant ses pièces aux autres parties avant de les utiliser au soutien de son argumentation ; et, au delà de cela, il appartient au Président d’audience de faire respecter ce principe, et de s’assurer qu’il a bien été respecté.

Donc, si l’on parle de respect du contradictoire “stricto sensu”, le parquetier qui sort à l’audience une pièce nouvelle dont il a eu connaissance quelques heures plus tot, en se contentant de demander au Président de la faire verser aux débats, et d’en donner connaissance aux autres parties, il ne viole pas le contradictoire. Si, en revanche, il la brandit au moment de ses réquisitions en cherchant à en tirer argument pour démontrer la culpabilité de l’accusé, là, oui, il le viole, et il appartient alors au Président d’audience de rétablir l’équilibre rompu, en arrêtant le parquetier, en lui demandant d’écarter cette pièce, ou alors de la verser, mais à ce moment là, en donnant un temps de réflexion (au besoin une suspension d’audience, voire un renvoi de l’audience) et un droit de réponse aux autres parties pour discuter cet élément nouveau, avec, comme toujours, la parole à la défense en dernier.

Dans la cas qui nous occupe, il n’y a pas eu, me semble-t-il, violation du contradictoire stricto sensu. ce dont a parlé Eolas, c’est de “déloyauté”, en ce sens qu’il a estimé que le procédé selon lequel le parquetier sortait son document en audience publique, de façon probablement en effet, à provoquer un effet de “surprise” tant chez l’accusé que chez ses conseils, sans violer explicitement le contradictoire, s’apparentait à un acte déloyal. l’idée serait de dire que c’est une manoeuvre qui aurait pour but manifeste de déstabiliser l’accusé et sa défense, et ce devant la Cour, et donc les jurés. Son point de vue se défend tout à fait. Je dirai même que je le partage, après réflexion.

46. Le mardi 5 octobre 2010 à 14:22 par Véronique

@ Jalmad

S’agissant de l’avocat général, j’ai discuté de cette audience avec pascale Robert-Diard, qui y assistait, avec son regard affuté. Elle m’a confirmé que l’avocat général est arrivé à l’audience avec ce document, a attendu le passage d’un témoin avant d’en faire état, et que les avocats l’ont découvert à l’audience, devant tout le monde. Rien ne l’empêchait d’en remettre une copie aux avocats à 9h, avant la reprise de l’audience. Il ne l’a pas fait. Je maintiens que c’est déloyal. (Eolas )

Je pense également qu’il est particulièrement dommageable dans les chroniques judiciaires de ne pas rendre compte de ce type de détail (en gras), en embrayant de suite dans le compte- rendu avec la thématique coup de théâtre. Personnellement je pense que PRD n’a pas écrit sa meilleure chronique.

La mention voleur de yaourts de la part de l’AG ne me gêne pas . En revanche, ce qui me gêne est d’annoncer avant même que les débats n’ont commencé une certitude de culpabilité, genre ce qui sera dit dans les débats, je m’en fiche, et le fait de prononcer un réquisitoire qui, normalement, ne vient qu’en conclusion des débats, genre vous allez voir ce que vous allez voir sur le montant de la facture que je vais présenter.

Tout ceci pour argumenter un risque de fuite . Alors que si j’en crois la presse consacrée à la période de l’instruction, l’argument magique du trouble à l’ordre public n’a pas cessé d’être invoqué pour justifier le maintien en détention.

47. Le mardi 5 octobre 2010 à 14:30 par Véronique

@ Jalmad

En réalité, pour être au plus vrai de ce que je pense, j’aurais dû écrire concernant la chronique de PRD:

Je pense également qu’il est particulièrement déloyal et dommageable

48. Le mardi 5 octobre 2010 à 14:35 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Jalmad, 45
Merci de vos précisions concernant le contradictoire. On n’en sait jamais assez dans une matière comme le droit.
Cependant, j’aurais besoin d’un complément d’information. Vous dites : “le parquetier qui sort à l’audience une pièce nouvelle dont il a eu connaissance quelques heures plus tot, en se contentant de demander au Président de la faire verser aux débats, et d’en donner connaissance aux autres parties, il ne viole pas le contradictoire.” Soit. La question est de savoir quand il communique cette pièce à la partie adverse : lors d’une suspension d’audience, ou durant icelle. Dans ce dernier cas, la partie adverse aurait connaissance de cette pièce en même temps que le public. Il n’y aurait vraiment pas viol du contradictoire ?
Question subsidiaire : si Le dernier cas de figure est admis, qu’en est-il si l’avocat en fait autant ?

49. Le mardi 5 octobre 2010 à 14:41 par bylostab

J’étais pourtant bien en cure de desintox de la lecture du blog d’Eolas !
C’était simple ! plus de production de bons flacons, inévitablement plus d’ivresse ! :D
J’ai donc toute honte bue ! replongé avec délectation ce jour !

50. Le mardi 5 octobre 2010 à 14:52 par Leslie

Pour ma part, cet épisode et le compte rendu que vous en faites confirme la petite mekskidi que je suis dans l’estime croissante qu’elle porte à la dure profession d’avocat.

Je sais que je ne suis pas la seule à vous couvrir d’éloge, mais les compliments font tant de bien !

51. Le mardi 5 octobre 2010 à 14:53 par xoles

Suite du 35; c’est l’arroseur arrosé puisqu’il s’agissait de sortir “le témoin surprise” au cours de cette semaine, avec l’effet théâtral escompté pour une chance d’acquittement.

Le contradictoire n’est pas vraiment le problème.

Dans l’affaire, “le coup de théâtre” a été ébruité avant l’heure, le parquet a mené l’enquête et a confondu pour la deuxième fois, le mari délaissé.

Le parquet aurait pu attendre l’arrivée dudit témoin pour sortir ses preuves… c’était à mon sens, la meilleure solution.

52. Le mardi 5 octobre 2010 à 14:59 par Véronique

@ xoles

Le parquet aurait pu attendre l’arrivée dudit témoin pour sortir ses preuves… c’était à mon sens, la meilleure solution

Ah mais ! encore faut-il pour cela un avocat général susceptible de savoir patienter.

Le procès n’est pas même ouvert que nous en sommes déjà au réquisitoire.

Ah quel talent ! vraiment  ! - juste pour rebondir sur les post de ceux qui louent le talent de l’AG. -

53. Le mardi 5 octobre 2010 à 15:01 par xoles

Et oui, prompt à condamner moins à réfléchir..

54. Le mardi 5 octobre 2010 à 15:02 par Holmes

Coup de théâtre - L’art judiciaire -

“Ce qui est bon pour l’oie est bon pour le jars”.

“Vous calculez bien mal, une telle manière de s’en tirer n’a pas plus d’efficacité que de beauté”.
(Apologie de Socrate)

55. Le mardi 5 octobre 2010 à 15:58 par Emmanuel M

Ce blog est effectivement tenu par un avocat, mais je reste sceptique face aux épithètes qualifiant les intervenants.

On aurait des avocats défenseurs roublards face à un avocat général déloyal.

Ne pourrait-on pas dire qu’on a eu des avocats déloyaux opposés à un AG roublard ?

56. Le mardi 5 octobre 2010 à 16:02 par xoles

C’est bien ce qui est désespérant!

57. Le mardi 5 octobre 2010 à 16:18 par Lili

“Calomniez, calomniez il en restera toujours quelque chose….”

Maître Albert Naud “les défendre tous” écrivait déjà que tous les procès reposent sur une seule pièce.

Qui a dit que l’Avocat général n’était pas avocat?
Puisqu’il a lu Albert Naud…..

58. Le mardi 5 octobre 2010 à 16:30 par Lili

@Jalmad

Le principe du contradictoire c’est d’abord prendre le temps d’examiner les pièces adverses avec son client à tête reposée de manière à pouvoir y répondre non pas sous le coup de l’émotion mais avec des arguments.

C’est un droit, c’est un devoir.

Un coup pareil, c’est bas c’est tout.

Sans compter que dans la procédure actuelle c’est la défense qui est nettement désavantagée par rapport aux moyens du parquet.

59. Le mardi 5 octobre 2010 à 16:51 par fredo

pendant que certains coupent les cheveux en 4 ou 5, d’autres fournissent des réponses:

http://prdchroniques.blog.lemonde.f…

60. Le mardi 5 octobre 2010 à 16:55 par Nemo

@Véronique : l’avocat général, en arrivant au procès, a par définition déjà forgé sa conviction quant à la culpabilité du prévenu. Il est d’ailleurs là pour en convaincre le jury.

61. Le mardi 5 octobre 2010 à 17:20 par asta

J’attendais avec impatience votre billet et particulièrement sur cette affaire.
Pour une apprentie juriste, grande fidèle de votre blog, je ne savais comment analyser l’abandon des avocats, me voilà éclairée
Au plaisir de vous lire au plus vite
bonne semaine

62. Le mardi 5 octobre 2010 à 17:27 par joachim

Question déontologique sous jacente : quel pourra être l’avocat qui reprendra le dossier, et plus particulièrement cela pourra t-il être un avocat des structures dans lesquelles exercent Me Catala et/ou Me Darrigade? Cela permettrait à ces deux là de garder un oeil (ou plus…) sur le dossier, tout en envoyant plaider leur femme ou leur confère.

Il y aurait probablement un risque de violation du secret professionnel, voire de conflit d’intérêts?

63. Le mardi 5 octobre 2010 à 17:31 par omen999

retrait calculé certes mais quel calcul ?
seul un mauvais esprit penserait à l’honoraire de résultat en cas d’acquittement devenu quasi impossible à obtenir du fait même du client

64. Le mardi 5 octobre 2010 à 17:36 par Jalmad

@ Nemo : ah bon, et par conséquent, il tient les débats pour nuls et sans intérêt ? notamment lorsqu’il y a des éléments nouveaux qui surgissent (comme ici ce courrier montrant une subornation de témoin, mais on pourrait imaginer de la même façon un courrier venant appuyer son innocence) ?

non, le parquetier, évidemment, s’est fondé une opinion en préparant le dossier. Mais il doit pour autant rester ouvert lors de l’audience, quitte à réviser sa position (ou pas). Et il doit garder à l’esprit que l’homme qui comparaît est présumé innocent, et, quoiqu’il en soit, mérite d’être traîté avec respect (les harangues du style “il est fou”, j’ai du mal), et a le droit d’organiser sa défense comme il l’entend, mais dans les meilleures conditions possibles, car c’est la condition sine qua non d’une justice qui sera rendue à l’issue d’une procédure équitable. En qualité de représentant des intérêts de la société, le procès équitable, ça doit être son souci également, et il doit y contribuer.

Là dessus, je serai même beaucoup plus indulgente vis à vis des avocats qui eux, sont certes tenus par leur déontologie et sont des auxiliaires de justice qui doivent agir avec probité, mais représentent clairement un intérêt privé qui est celui de leur client.

Je maintiens (notamment vis à vis de Lili, mais finalement sur le fond nous sommes d’accord, peu importe comment on désigne la chose) que dans notre cas, il n’y a pas eu violation du contradictoire stricto sensu, mais en revanche, peut-être (je reste prudente, j’y étais pas), oui, rupture de l’équilibre, manoeuvre déloyale du parquet qui cherche l’effet choc sur les jurés, sans se dire qu’il serait peut-être bon pour la Justice (avec un grand J) que Bissonnet puisse réfléchir avec ses avocats à sa défense sur cette lettre avant d’être passé au feu des questions.

Dans le cadre de l’information judiciaire, il y a des règles très strictes : le Juge d’instruction, s’il veut interroger un mis en examen sur un élément du dossier, doit avoir versé cet élément plus de 5 jours ouvrables avant l’interrogatoire (sauf à demander expressément à la personne en présence de son avocat à renoncer expressément à se prévaloir d’une nullité sur ce point). Bref, l’effet “surprise” est en quelque sorte banni de l’instruction par le CPP. Il n’est pas dans ces conditions et par analogie, illégitime qu’un avocat de la défense (et un parquetier, d’ailleurs !) trouve ici que la défense a été prise au dépourvue et assimile cela à une manoeuvre déloyale.

65. Le mardi 5 octobre 2010 à 17:44 par Jalmad

@ teejee : certains vont peut trouver que je coupe les cheveux en quatre (et peut-être à juste titre), mais pour répondre à vos deux questions dans l’ordre :

- non, il n’y a pas, selon moi violation du contradictoire par le parquetier s’il se contente de communiquer la pièce lors de l’audience à un moment où les débats ne sont pas encore clos (nous avions déjà eu avec Eolas une discussion sur le moment où les débats sont clos, en correctionnelle, et c’est assez complexe, mais bref) ; en revanche, je crois qu’on peut soutenir qu’un président d’audience qui refuserait à l’avocat de la défense ou la partie civile qui découvre cette pièce une suspension d’audience (voire un renvoi d’audience si la pièce chamboule vraiment tout) pour qu’il revoit ça avec son client, violerait, lui, le contradictoire (et encore, même pas ; en revanche il porterait atteinte au procès équitable….la nuance est assez difficile à faire je crois…)

- dans l’hypothèse inverse, c’est exactement la même chose ; si le parquetier n’est pas content d’une communication tardive, il peut demander suspension d’audience, voire renvoi ; et le Président d’audience serait, à mon avis, mal venu à lui refuser (sauf évidemment s’il s’agit d’une banale pièce sur les revenus d’un gars qui peut être analysée en 30 secondes).

La pratique des communications avant audience est en réalité quelque chose qui est fait car, au final, c’est l’intérêt de tous, et ça me paraît de bonne intelligence : éviter des interruptions d’audience, laisser à chacun le temps d’organiser qui ses réquisitions, qui sa défense, qui la représentation de la partie civile.

66. Le mardi 5 octobre 2010 à 18:02 par Jalmad

@ Veronique :

je vous trouve dure avec la chronique de PRD ! elle donne un compte-rendu qui me paraît assez complet et sans parti pris de ce qu’elle voit à l’audience. Après, évidemment, il n’y a pas de décryptage comme le fait eoals, de la pratique de l’avocat général. Mais

1. PRD n’est pas avocate, et elle n’a pas nécessairement le réflexe de se poser ce type de questionnement (l’AG aurait il pu/du agir autrement, au regard des droits de la défense) ; regardez, moi-même, magistrate donc particulièrement rompue à ce type de difficultés, le côté déloyal ne m’a pas sauté aux yeux ; et, même si à la réflexion, Eoals m’a convaincu, je resterai mesurée en disant qu’il ne s’agit pas non plus d’une atteinte gravissime de nature à susciter par exemple de façon manifeste une annulation du procès par la CEDH…
2. PRD écrit, j’imagine, ce type de chroniques à chaud, avec un timing serré, et choisit je pense délibérément, par conséquent, de rester assez descriptive ; fidèle, avec son oeil bien à elle, mais descriptive.

67. Le mardi 5 octobre 2010 à 18:05 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Jalmad, 65
Merci infiniment pour votre réponse, qui m’éclaire totalement et me permet de saisir la logique du fonctionnement de la Justice en tel cas. En effet, il est logique que ce soit à la défense, si elle estime qu’il y a risque que le jury soit influencé, de demander une suspension d’audience, le temps que les esprits se refroidissent.
Maîtres Catala et Darrigade auraient pu demander cette suspension. Mais l’impression sur l’esprit des jurés n’était-elle pas déjà produite ? Sur leur stratégie visant à reporter le procès et à renouveler le jury, je rejoins la thèse d’Eolas. Même si le procédé était radical.
Entièrement d’accord avec votre dernière phrase. C’est l’intérêt même des deux parties, et celui de la Justice.
Encore merci à vous ! Comme on dit dans ce genre de circonstances : “Je n’ai plus de questions !”

68. Le mardi 5 octobre 2010 à 18:26 par Jalmad

@ Teejee : mais je crois bien (d’après les comptes-rendus de la presse) qu’il y a eu une suspension, sitôt la pièce donnée aux parties en copie. En revanche, je ne sais pas de quelle durée. Et en effet, ce qui a pu être dommageable pour les avocats de la défense, c’est d’offrir cette image d’être sonnés par la découverte de cette pièce (comme donner l’impression, dans l’esprit d’un juré, que d’un coup, ils doutent de l’innocence de leur client, même si leur émotion peut simplement être liée à l’effet surprise et ce que ça représente en termes de foutage en l’air de leur stratégie de défense et de décision rapide à prendre pour la suite : mais ça, pour un juré, c’est pas nécessairement l’évidence, peuvent-ils se dire) (mais en même temps, ça donne une idée de leur probité).

69. Le mardi 5 octobre 2010 à 18:50 par alternative justice

en passant et en faisant il y a définitivement des gens pour qui un avocat général est déloyal et a toujours tort . Etes vous au courant qu’un proces penal suppose un ministere publc et ue , de temps en temps, l’acusé est coupable  ? ? ?? ?

Il n’y a eu AUCUN comportement de l’ avocat général violant le principe du contradictoire ou un autre principe général garantissant un procés équitable, il y aura un nouveau procés .
Le président de la CA a fait ce qu’il devait faire.

C’est incroyable de voir comment les esprits sont tordus : il faut respecter le droit à un procés équitable et les droits de la défense MAIS la condamnation et l’éxécution de la peine sont du domaine du possible pas un horrible traitement inhumain ou le résultat de manoeuvres :

L’avocat Général a eu du talent.

70. Le mardi 5 octobre 2010 à 18:54 par Lili

Je me permets de revenir sur le soupçon à peine voilé qui pèse sur les défenseurs.
Enfin ce type (leur client) a pris la peine de mettre noir sur blanc que ses avocats n’y sont pour rien , qu’il écrit à son co-détenu sous sa propre responsabilité et malgré ça on se demande si…

Mais quoi! Nous vivons dans une société du soupçon. Nous sommes tous coupables potentiellement.
Freud disait même que le sentiment de culpabilité préexiste au châtiment.

A tel point qu’on a pu dire que le péché originel ce n’était pas l’orgueil mais le soupçon. (Comment ? Il vous a dit ça? Et vous Le croyez?…Des gens comme vous!…Si intelligents, si fins, si beaux…)

71. Le mardi 5 octobre 2010 à 19:09 par béelle

Eh bé, alternative justice, je prendrais définitivement Jalmad pour une sainte si, d’aventure, elle se donnait la peine de réagir à votre post n° 69 avec son habituelle patience et sa légendaire bienveillance !

72. Le mardi 5 octobre 2010 à 19:18 par jipé

Maitre Eolas,cela ne va-t-il pas entraver sa défense?
Barbara Graham (connue grace au film “I Want To Live” avait commis,avec ses complices, un cambriolage chez la vieille dame qui l’employait et qui est morte durant que les voleurs cherchaient ses bijoux. Plaidant son innocence, elle avait commis l’erreur de tenter d’acheter un alibi à une de ses codétenues, qui était en fait une flic en couverture. Plusieurs témoignages ont aussi déclaré qu’elle avait tenté d’acheter plusieurs fois des alibis.
Apres cela plus rien de ce qu’elle disait n’a été pris au sérieux.
Elle a été l’une des rares femmes à etre executée aux E-U:elle est morte dans la chambre à gaz de la prison de San Quentin.

Quand on voit cette histoire, on peut se dire que M. Bissonet à vraiment des ennuis par rapport à son système de défense et on peut se demander si les jurés le croiront…

73. Le mardi 5 octobre 2010 à 19:32 par Z.

@ CINQUO sous 40 : pour le droit de réplique, voir l’article 346 du CPP

@ EOLAS sous 15 :

l’article préliminaire n’implique pas que les pièces soient communiquées avant l’audience pénale. Il faut qu’elles le soient avant la clôture des débats aux assises. En correctionnel, elles peuvent être évoquées même au moment de la plaidoirie de l’avocat car il n’y a pas de clôture des débats en correctionnel.

D’ailleurs, rares sont les avocats qui communiquent leurs conclusions de nullités en correctionnel avant les débats alors qu’ils peuvent parfaitement le faire.

On n’est pas au civil, en procédure écrite. Le tout est que les pièces soient contradictoirement discutées pas les parties. Voir Cass. crim. 10 novembre 2004 BC n° 285, Cass. crim. 12 novembre 2005.

74. Le mardi 5 octobre 2010 à 19:52 par irqy

Un billet limpide et très intéressant, comme d’habitude. On peut comprendre que dans cette situation, la défense avait besoin d’un délai supplémentaire; ce tour de passe-passe était bien trouvé.

75. Le mardi 5 octobre 2010 à 19:59 par CBM

Un grand merci pour ce post qui, bien que juriste, m’a fait comprendre beaucoup de choses. Le point de vue de l’avocat est décidemment bien intéressant.
Et, au final, on se dit que ces brillants avocats ont réussi le coup de Maître (jeu de mot nul j’en conviens) de rester fidèles aux intérêts de leur client et à l’éthique de leur profession.

76. Le mardi 5 octobre 2010 à 20:19 par justine

“le principe du contradictoire : tous les éléments de preuve et de droit sur lesquels va s’appuyer une partie doivent avoir été préalablement communiqués à l’autre en temps utile. C’est un principe essentiel de la procédure pénale française, et de manière générale, continentale (la procédure anglo-saxonne est un peu moins stricte là-dessus, mais elle compense cela par d’autres aspects).”

J’adorerais avoir plus d’information sur ces points (procédure moins stricte / compensation), si le coeur vous en dit et si vous avez le temps…
Notre beau pays nous donne déjà matière à réflexion, j’en conviens. Mais un tel point de lumière internationale ne me ferait pas de mal. D’avance, merci.

77. Le mardi 5 octobre 2010 à 20:26 par larequier

Avocat depuis un peu plus de 25 ans, je partage l’avis de Cams(5). Je comprends la profonde déception de mes confrères, qui n’ignoraient semble-t-il pas ce que tramait leur client - qui a d’eux une image peu flatteuse - mais ils auraient pu (dû) demander le renvoi de l’affaire en raison du rebondissement provoqué par la production bien tardive par l’avocat général de ce document.
Dans un souci de bonne justice, le président de la Cour a d’ailleurs ordonné le renvoi de l’affaire en janvier 2011.
La production bien tardive (en cours d’audience) de ce document me paraît particulièrement déloyale : l’avocat général aurait dû avoir la courtoisie d’évoquer sa pièce maitresse avec le président de la Cour et les avocats avant le début de l’audience. Ce coup de théâtre n’a-t-il pas été soigneusement préparé par l’accusation pour “se faire mousser” et/ou torpiller la défense?
Le président s’est-il enquis du moment où l’avocat général a reçu ce document et, si oui, a-t-il vérifié ses dires : parole d’avocat ou d’avocat général n’est pas forcément parole d’évangile…
Par ailleurs (ancien bâtonnier), je suis très réservé sur ce qui me parait constituer un manquement déontologique.
Enfin, qu’il y ait subornation de témoin ne signifie pas pour autant que l’accusé soit coupable du crime qui lui est reproché.

78. Le mardi 5 octobre 2010 à 20:31 par larequier

Je suis particulièrement surpris de lire qu‘“un long défilé du Rotary Club de Montpellier se déroulait devant la cour, chacun venant dire la main sur le cœur quel être humain merveilleux était Jean-Michel Bissonnet…”.
Pour info, le critère des “quatre questions”, que doit suivre tous les rotariens, est ainsi rédigé :
- Est-ce conforme à la vérité?
- Est-ce loyal de part et d’autre?
-
-
On en est semble-t-il bien loin de ces vertueux principes…
NB : Jean-Michel Bissonnet n’est semble-t-il inscrit à aucun des clubs rotariens de Montpellier (vérification faite dans l’annuaire 2010-2011 du Rotary).
Conclusions : tout cela ne donne pas une image flatteuse…

79. Le mardi 5 octobre 2010 à 20:44 par Aurélien

Personnellement je suis un peu outré, diriez-vous la même chose si les défenseurs de Bissonnet étaient de jeunes avocats commis d’office et non pas Darrigade et Catala. Je ne pense pas, on les aurait tous qualifié de lâches et déloyaux…

80. Le mardi 5 octobre 2010 à 21:14 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Jalmad, 68
Ce qui confirme que maîtres Catala et Darrigade n’avaient pas d’autre solution pour sauver ce qui pouvait l’être encore. Quelle qu’ait été la durée de la suspension, il semble qu’elle n’ait pas suffi.
Merci, en tout cas, pour votre patience, digne d’un pédagogue (et je m’y connais !).

@ Alternative justice, 69
“L’avocat Général a eu du talent.”
Si un jour vous êtes amené à comparaître devant un tribunal, je suis sûr que vous apprécierez d’avoir face à vous un avocat général aussi talentueux.

81. Le mardi 5 octobre 2010 à 22:18 par alternative justice

@Teejee : la justice péale n’est pas un jeu , pour comparaitre devant une cour d’assises le manque de chance n’est pas le facteur principal. On applaudirait les effets de manche et les trucs de procédure de la défense et on s’offusquerait de l’adresse tout à fait légale et conforme à la procédure des avocats génraux, procureurs et subsituts  ?
J’en ai assez de ces mauvais procés -d’intention - de ceux qui ont pour charge la défense de la société et nous éloignent de la loi du talion et de l’abandon noxal.

J’ai souvenir de ma soeur , agée d’une trentaine d’années livide au matin car de permanence pour le parquet ayant procédées aux constations sur le cadrave d’une prostituée éventrée trouvée au dans la nuit . Tous les accusés ne sont pas innocents , le parquet doit faire son devoir , sil le fait avec talent c’es tmieux. Le Parquet n’est pas malin mais il peut être intelligent .

( vous la relisez bien celle-la SVP Messiers de la défense de Pavlov ) .

82. Le mardi 5 octobre 2010 à 22:19 par alternative justice

@Teejee : la justice péale n’est pas un jeu , pour comparaitre devant une cour d’assises le manque de chance n’est pas le facteur principal. On applaudirait les effets de manche et les trucs de procédure de la défense et on s’offusquerait de l’adresse tout à fait légale et conforme à la procédure des avocats génraux, procureurs et subsituts  ?
J’en ai assez de ces mauvais procés -d’intention - de ceux qui ont pour charge la défense de la société et nous éloignent de la loi du talion et de l’abandon noxal.

J’ai souvenir de ma soeur , agée d’une trentaine d’années livide au matin car de permanence pour le parquet ayant procédées aux constations sur le cadrave d’une prostituée éventrée trouvée au dans la nuit . Tous les accusés ne sont pas innocents , le parquet doit faire son devoir , sil le fait avec talent c’es tmieux. Le Parquet n’est pas malin mais il peut être intelligent .

( vous la relisez bien celle-la SVP Messiers de la défense de Pavlov ) .

83. Le mardi 5 octobre 2010 à 22:20 par Popof

Le jugement dans l’affaire Kerviel:

http://www.calameo.com/books/000007912f58b262fb3df

84. Le mardi 5 octobre 2010 à 22:20 par marsan

je ne voudrez pas blesser les nombreux avocats qui écrivent sur ce blog mais vous me fatiguez à employer le terme “courtoisie”.
Le comportement du parquetier n’a pas à être courtois : il doit être juste et respecter les règles du contradictoire à savoir en l’espèce à la reprise de l’audience à 9 H il doit communiquer à toutes les parties le document qu’il dépose entre les mains du Président de la Cour et ce dernier doit suspendre l’audience pour que chacun prenne connaissance du contenu du document. Après quoi on peut s’étriper à l’audience et bien sur, dans un tel cas, solliciter un renvoi pour faire entendre ce témoin de la dernière heure qui aura peut être des choses à dire sur notamment les conditions dans lesquelles il a entendu témoigner : alors on est bien d’accord le respect du contradictoire ce n’est pas de la courtoisie : c’est juste le respect de règles nationales et internationales.

85. Le mardi 5 octobre 2010 à 22:58 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Alternative justice
“la justice péale n’est pas un jeu” : vos propos sur le “talent” de l’avocat général m’avaient laissé croire que vous pensiez le contraire.
“pour comparaitre devant une cour d’assises le manque de chance n’est pas le facteur principal” : c’est vrai. Néanmoins, le fait qu’il ne soit pas le principal signifie qu’il existe. Souvenons-nous de Roland Agret, Patrick Dills et Richard Roman.
“On applaudirait les effets de manche et les trucs de procédure de la défense et on s’offusquerait de l’adresse tout à fait légale et conforme à la procédure des avocats génraux, procureurs et subsituts  ?” Qui, dans ce blog, a prétendu une chose pareille ?
“J’en ai assez de ces mauvais procés -d’intention - de ceux qui ont pour charge la défense de la société et nous éloignent de la loi du talion et de l’abandon noxal” : je vous comprends, vous devez en voir de belles. Mais, encore une fois, je n’ai rien vu de tel ici.
“J’ai souvenir de ma soeur , agée d’une trentaine d’années livide au matin car de permanence pour le parquet ayant procédées aux constations sur le cadrave d’une prostituée éventrée trouvée au dans la nuit .” Je compatis au choc subi par votre soeur. A sa place, j’aurais gerbé et quitté le métier, elle a eu du courage. Je compatis plus encore à la mort atroce de cette pauvre femme, conclusion affreuse d’une vie qui n’a pas dû être drôle. Il faut néanmoins nous rappeler que ce n’est pas de cela qu’il est question ici.
“Tous les accusés ne sont pas innocents” : encore une fois, qui vous dit le contraire ? “le parquet doit faire son devoir” : on est bien d’accord. “sil le fait avec talent c’es tmieux.” S’il le fait avec rigueur, mais aussi avec ouverture, comme le disait Jalmad supra, c’est encore mieux.
En fait, je m’aperçois que nous sommes d’accord pour vouloir une justice équitable. Nous ne le sommes peut-être pas sur ce qu’elle doit être. Vous me trouvez peut-être permissif, je vous trouve peut-être un peu sévère. La vérité est entre les deux.

86. Le mardi 5 octobre 2010 à 23:09 par Keskidi_salarié

Ceci est hors sujet, (et pourrait faire l’objet d’un intéressant débat sur les avantages et inconvénients du statut salarial comparés à ceux du statut libéral) mais croyez bien, Maître dont j’apprécie énormément les chroniques, que ceci est écrit avec un clin d’oeil et un grand sourire :

J’ai été, en tant que salarié, “dans un lien de subordination - supposé - avec mes employeurs”. Pourtant pendant mes 41 ans de bons et loyaux services rendus à yceux, il m’a semblé toujours être Digne, Conscient, Indépendant, Probe et Humain au moins autant que l’aveuglement de mon état d’aliénation au Capital me permettait d’en juger et dans les limites de notre pauvre condition humaine. Je n’en avais jamais fait serment, mais ma chère mère m’en avait fait, en me donnant son lait, une seconde nature. En tout état de cause, si mon employeur m’avait donné instruction de déroger à cette condition, j’aurais évidemment rompu immédiatement mon contrat de travail (J’avais alors la chance immense de pouvoir retrouver un autre employeur). J’aurais également rompu ce contrat de travail s’il ne m’avait pas payé mes honoraires salaires (Honnêtement, la raison n’aurait pas été qu’il m’aurait ainsi manqué de respect 8-)) ).

Peut-être, Maître, les mots ont-ils, une fois n’est pas coutume, dépassé quelque peu votre pensée …

Mais au fond, si j’ai un jour besoin des services d’un avocat, dans une cause délicate, je me demande si je ne préférerai pas qu’il me soit assujetti par un lien de subordination. (Voici mon petit côté provocateur :-))) ) Ce lien n’empêche ni de “se défoncer” ni de faire preuve de génie et de brillance, ni d’avoir des moments de grâce. Au fond, à partir d’un certain niveau d’autonomie dans le travail salarié, on finit par oublier cette “subordination” dans l’activité réelle et d’y trouver un réel partenariat.

En union avec Dhombres en 24 et Cobab en 34 et sans rancune :-)

87. Le mardi 5 octobre 2010 à 23:19 par Gascogne

Chacun voit midi à sa porte : l’avocat est nécessairement roublard lorsqu’il avoue avoir fait du cinéma pour pouvoir se constituer un jury différent après ce petit problème que constitue une subornation de témoin, le magistrat du parquet est nécessairement déloyal pour avoir communiqué à l’audience sans que personne ne le sache à l’avance des pièces qu’il avait reçues la veille… Au fait, qui peut me garantir qu’avant la reprise de l’audience, l’avocat général n’avait pas communiqué ses nouvelles pièces au président d’Assises et à la défense ? Il semblerait en effet au vu de ce que tout le monde dit que le président d’Assises a découvert les pièces en même temps que la défense, ce qui me semble pour le moins étrange (et si c’est le cas, alors, oui, l’avocat général a été déloyal et s’est aménagé un effet d’audience, ce en quoi les avocats de la défense ont pu s’aménager eux mêmes un autre effet d’audience : un point partout, la justice en sort grandie). Sinon, cela signifierait que l’avocat général les a bien communiquées en ouverture d’audience au président, au moins, à charge pour lui, qui doit faire respecter au titre de la police d’audience l’article préliminaire du CPP, de communiquer copie de ces pièces à la défense (et accessoirement la partie civile). L’avocat général aurait été déloyal s’il s’était opposé au renvoi, et je n’ai lu nul part que cela a été le cas. Dès lors, en l’état, je n’arrive toujours pas à voir où, en la matière, mon collègue du parquet a été déloyal. Des nouvelles pièces sont connues le jour de l’audience, la défense demande le renvoi pour pouvoir y répondre. Fallait-il en passer par ce pseudo psycho drame, sitôt démenti dans la presse ?

88. Le mardi 5 octobre 2010 à 23:22 par alternative justice

@Teejee “Vous me trouvez peut-être permissif, je vous trouve peut-être un peu sévère. La vérité est entre les deux.

eh bien c’est peut -être que nous sommes dans une espéce de vérité : la justice est aveugle - ce ui veut dire aussi normalement insensible aux influences - mais sa balance a deux plateaux.

Je veux juste mettre des petit cailloux coté défense de la société et des victimes ( bien que l’essprit victimaire m’indiffére) . L’avocat général peut mettre du talent a défendre la socéité, de la discpline , de l’ardeur , la seule chose qui lui est défendu c’est la haine et l’illégalité.

89. Le mercredi 6 octobre 2010 à 00:02 par Meaz

Il n’y a pas de liste des causes de renonciation à son mandat par l’avocat. Cela m’est arrivé rarement, et pour deux causes : le manque de respect à mon égard (ce qui inclut le fait de ne pas me payer mes honoraires) et mon désaccord avec l’action envisagée ou la tactique à adopter.

Ce billet me touche particulièrement car j’y trouve des éléments de réponse à une problématique professionnelle. Je fais partie de ces types ou de ces filles qui plaident devant les Conseils de Prud’hommes en chemise, tee-shirt ou pull et en pantalon, ou en robe mais pas d’avocat: les délégués syndicaux ouvriers. Nous n’avons ni la formation ni le savoir faire (enfin pas toujours) d’un avocat. Nous n’avons pas l’indépendance, théoriquement, pas plus que nous ne sommes tenus à la déontologie de nos adversaires.

Pour assister ou représenter, nous avons deux mandants: le syndicat auquel nous adhérons, et le salarié dont nous assurons la défense. Or, si nous avons une connaissance acceptable du code du travail, et que la pratique nous amène à nous débrouiller avec le CPC, la déontologie reste l’affaire de chacun dans la mesure où nous ne l’étudions pas et n’avons pas d’organe disciplinaire pouvant nous sanctionner. Je trouve donc dans votre billet et dans la phrase citée une confirmation de ce que j’avais pressenti quand aux possibilités de lâchage d’un dossier. Et je vous en remercie (même si mon assiduité à vous lire y est aussi pour quelque chose).

Le plus compliqué, quand la confiance est rompue, reste de se défaire du mandat dans des conditions qui ne nuisent pas à celui dont on défend les intérêts. Et la roublardise que vous supposez chez vos deux confrères, et qui s’en vantent, est un savoir faire appréciable.

90. Le mercredi 6 octobre 2010 à 01:01 par ramon

Si l’on en vient à supposer les intentions profondes des parties au procès, Machiavel supplante Portalis.
Dans ce cas, on pourrait reconsidérer l’attitude du Parquet.
Et, plutôt qu’un acte déloyal, y voir une “bonne manière”

En effet, le coup de théatre de la révélation en pleine audience , sans information contradictoire préalable, rend plus crédible le “K.O. debout” des avocats. Et leur permet de se retirer sans être commis d’office …

91. Le mercredi 6 octobre 2010 à 04:30 par john

En lisant cet article et les commentaires, j’avoue avoir un peu de mal à savoir ce que l’on reproche vraiment à l’avocat général:
- est-ce le caractère “déloyal” de son comportement que certains considèrent comme fautif et qui pourrait alors donner lieu à des sanctions disciplinaires de la part du CSM?
- ou est-ce plutôt le caractère très hollywoodien de la révélation (digne de nombreuses séries TV) qui tend à condamner une personne pour des faits différents de ceux pour lesquels elle est jugée?

Pour ma part, il est vrai que le comportement de l’avocat général n’a pas été très courtois, mais, en y réfléchissant bien, vu l’importance des révélations de cette lettre, il parait évident que des vérifications et interrogations plus poussées s’imposaient (j’ai un peu de mal à croire qu’un juge consciencieux laisserait passait une telle chose). L’avocat général savait (ou du moins devait savoir) sans aucun doute que cette nouvelle pièce imposerait le renvoi de l’affaire selon le principe du contradictoire. Ainsi, relever ce document au début de l’audience, durant la pause ou à un quelconque autre moment n’aurait que peu d’incidence sur la séance du jour.
On peut alors penser que son “retard” résultait plus d’une envie de faire un coup d’éclat en pleine audience (et ainsi faire parler de lui) qu’autre chose.

D’un autre coté, il est possible que l’affaire aurait pu ne pas faire l’objet d’un renvoi.(mais dans quelles probabilités?) Dans ce cas, le comportement de l’avocat général aurait réellement eu une influence sur le cours du procès et, à mon sens, porté atteinte au principe du contradictoire.

Sur la renonciation des avocats de la défense, je ne peux que suivre l’avis de Maitre Eolas.
D’un coté, les avocats ont quand même subit un fort affront et rejet de la part de leur client. L’attitude de l’accusé a été de passer outre les conseils de professionnel des avocats. En voyant cela, on peut comprendre qu’on puisse avoir mal de voir que son travail ne sert à rien. Si cela était resté dans la sphère privée, on aurait pu ne rien dire et prendre sur soi. Mais le mettre à nu devant le public, remettre en cause le travail de professionnels alors que l’on ne connait rien au domaine et prétendre que l’on a fait un meilleur choix qu’eux, cela ne porte pas seulement atteinte à son fort intérieur mais aussi à sa réputation, à son travail et surtout à la confiance que les autres ont en nous.

En clair, ici, le client ne fait pas que lutter contre ses adversaires, il lutte aussi contre ses alliés. Face à cet état de fait, je ne vois pas quelle autre solution avaient les avocats.(et je suppose que le futur avocat de l’accusé fera preuve de prudence).

92. Le mercredi 6 octobre 2010 à 05:49 par Véronique

@ Jalmad (post 66)

Pascale Robert Diard n’est pas la première journaliste venue en matière de chronique judiciaire.

Reprenons les éléments de la description en lien avec les avocats de la défense de JMB dans les trois chroniques qu’elle a consacrées le 1er octobre à la folle journée de la cour d’assises de Montpellier.

Première chronique:

L’audience est aussitôt suspendue et, sur les visages des conseils de chaque partie, se lit l’inquiétude. A la lecture rapide des feuillets contenus dans une chemise jaune, les deux avocats de la défense de Jean-Michel Bissonnet et l’avocate de ses deux fils, s’éclipsent, l’air sombre.

Seconde chronique:

Me Darrigade, l’un des avocats de Jean-Michel Bissonnet, parle à son tour. Une épreuve, pour lui.
- Pendant des mois, j’ai défendu cet homme, je l’ai défendu contre les autres, je l’ai défendu contre lui-même. La confiance est trahie, je le renvoie à son destin.
Me Georges Catala, l’autre avocat de M. Bissonnet, annonce à son tour qu’il ne peut plus assurer la défense de son client.

Troisième chronique:

A la suite du versement de ces documents, les deux avocats de Jean-Michel Bissonnet ont annoncé qu’ils ne pouvaient plus assurer la défense de leur client, tandis que l’avocate de ses deux fils exhortait l’accusé à dire la vérité.

J’ai beau relire les trois articles, je ne lis rien du KO debout qui semblerait avoir caractérisé la réaction à chaud des deux avocats de la défense. Tout au plus, dans l’acte I, PRD nous dit qu’ils sont inquiets et qu’ils ont l’air sombre. Dans l’acte II, la prise de parole d’un des avocats constitue pour ce dernier une épreuve.

S’agissant de l’avocat général, j’ai discuté de cette audience avec pascale Robert-Diard, qui y assistait, avec son regard affuté. Elle m’a confirmé que l’avocat général est arrivé à l’audience avec ce document, a attendu le passage d’un témoin avant d’en faire état, et que les avocats l’ont découvert à l’audience, devant tout le monde. (Eolas)

Sans en faire nécessairement des paquets, il me semble quand même que l’effet de totale surprise chez les avocats qui découvrent à l’audience la teneur du document, le ciel qui s’écrase sur la tête, l’univers qui explose, a été occulté par PRD.

Ce que je reproche à PRD est d’avoir joué à fond sur la thématique de l’exceptionnel coup de théâtre intervenu dans la matinée tout en privant ses lecteurs d’une information qui me paraît essentielle: le KO debout évoqué par Eolas, et qui peut expliquer la suite de l’histoire.

Principalement les mots si durs et si définitifs prononcés par un des avocats de la défense, que je considère comme particulièrement chargés et graves dans la bouche d’un défenseur et, que PRD pourtant rapporte dans sa chronique acte 2 sans mentionner l’ensemble du contexte factuel .

Alors, l’adjectif déloyal que j’ai utilisé à l’encontre de ces chroniques est sans doute trop appuyé. J’en conviens. Mais vraiment, je pense que PRD ne décrit pas l’ensemble des éléments pour que son lecteur comprenne en quoi il y a eu un exceptionnel coup de théâtre intervenu dans la matinée, et qu’elle privilégie de trop l’effet escompté par l’avocat général de son super coup de théatre dans les médias.

ps: les gras, c’est moi.

93. Le mercredi 6 octobre 2010 à 07:07 par Lili

On ne reproche pas au général d’avoir produit la pièce on lui reproche de ne l’avoir pas communiquée aux avocats avant, comme la loi lui en fait obligation.

C’est tout.

On aura beau le dire et le redire sur tous les tons et de toutes les manières, on ne fera que répéter -mal- ce qui a été dit dans le billet.

“Il n’est de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre”.

Jalmad, si tous les juges étaient comme vous il n’y aurait pas de problèmes : à couper les cheveux en quatre pour les autres, ils leur évitent de se les arracher.

Bonne journée .

94. Le mercredi 6 octobre 2010 à 07:45 par kuk

Merci beaucoup, Eolas, pour ces commentaires fort éclairants, et votre narration.
On boit votre texte, on suit votre examen, votre retournement de jugement, puis, au moment où le truc est révélé devant nos yeux ébahis, on tombe sur cette mise à jour à la presse des avocats Darrigade et Catala, qui confirme le truc. Là, grosse déception !
Maître Mô l’a si bien résumée en (12) que je n’ai rien à rajouter.

95. Le mercredi 6 octobre 2010 à 08:18 par patrons-voyous

Et quel est le sentiment du client suite au lâchage de ses défenseurs ?

acquiesce t il ?

le regrette t il ?

96. Le mercredi 6 octobre 2010 à 09:41 par Pepito

Billet absolument captivant.

97. Le mercredi 6 octobre 2010 à 10:20 par pierre

ses avocats avaient, de ce que j’en sais, mis en garde bissonnet contre ce genre de tentation lors de son incarcération (de façon générale, et lui avait clairement annoncé les risques du piège dans lequel il s’enfermerait) et non été mis au courant d’un tel projet par bissonnet, ce qui n’est pas pareil

98. Le mercredi 6 octobre 2010 à 11:04 par Lafaille

L avocat jure de “rester digne, conscient, probe, humain” ..est ce applicable à une rencontre sur la voie publique?

99. Le mercredi 6 octobre 2010 à 11:41 par Christophe

Alors qu’on assistait enfin à un procès médiatisé sans Me Metzner, ses confrères lui ont fait une place ?

100. Le mercredi 6 octobre 2010 à 12:27 par claude

Rappelons que la Cour européenne des doits de l’homme admet qu’un accusé utilise le mensonge pour sa défense.

101. Le mercredi 6 octobre 2010 à 12:32 par claude

Maître

vous parlez du droit pour un avocat de rompre avec son client lorsque le client rejette le système de défense de sa cause. Mais s’il est reconnu que ce client avait raison d’en préconiser un autre, l’avocat ne risque pas d’être condamné à verser réparation si le client n ’ a pas pu faire déposer ses conclusions à temps ?

102. Le mercredi 6 octobre 2010 à 13:03 par lambertine

A Claude,

Le mensonge, peut-être. La subornation de témoin, ça m’étonnerait.

103. Le mercredi 6 octobre 2010 à 13:36 par sir yes sir

A CLAUDE (N° 100) : je rejoins Lambertine, ce qui est autorisé, c’est de ne pas dire la vérité (“non j’y étais pas, même pas vrai que y’avait mon ADN sur l’arme du crime, ou alors c’est une machination”) et pas de payer quelqu’un, ou même de le lui demander à titre de service, pour raconter n’importe quoi.

Et à GASCOGNE (N° 87) : tu conviendras quand même que le billet laisse supposer une belle mise en scène : on attend que le premier témoin passe, et puis paf, on sort de sa grande manche noire une belle carte qu’on brandit. C’est effectivement un peu théâtral et personnellement je ne trouve pas ça très classe. Ca sent l’attitude de l’avocat général qui savoure son triomphe et met la défense minable.
Certes, il ne s’est pas opposé au renvoi, sauf que vue l’attitude des avocats de la défense il ne pouvait en fait pas s’y opposer.
N’empêche… Pas classe.
Mais ces temps-ci je le répète, je suis un bisounours.

104. Le mercredi 6 octobre 2010 à 15:52 par Bernadic

Le principe du contradictoire ne peut être mis à toutes les sauces, tout de même.

Il n’y a rien d’apparemment déloyal dans l’attitude de l’avocat général telle qu’elle a été rapportée.

Il avait peut-être d’excellentes raisons de choisir de dévoiler cette pièce au moment où il l’a fait, relativement aux propos du témoin ou à des événements du procès non rapportés.

Le contradictoire c’est en plein jour, en audience publique, pas en catimini derrière les portes et le dos des parties.

Nous le voyons hélas trop souvent.

Certes, il y aurait éventuellement la courtoisie, la prévenance, mais qui peut en juger?

Et puis à malin, malin et demi.

La vérité et parfois le combat, c’est le procès, dans le strict respect de la procédure et celle-ci a été respectée puisque la défense a pu s’expliquer après renvoi.

Est-ce loyal pour des avocats de se répandre dans la presse, d’abreuver les médias de leur vérité et de fustiger les autres parties sans que celles-ci puissent ou veulent répondre?

Il y aurait beaucoup à écrire là-dessus.

105. Le mercredi 6 octobre 2010 à 16:06 par Cleyo

Post 69, @ alternative justice :

Vous intervenez souvent dans les posts, mais je note une agressivité latente, permanente (peut-être une mauvaise lecture de ma part ?) dans vos interventions. Pourriez-vous nous épargner cette hargne, à nous, lecteurs sinon innocents du moins pas intéressés par les raisons de cette colère, et simplement réunis par ce blog ?
J’aimerai bien savoir à qui vous vous adressez en disant, de façon un peu méprisante, “en passant et en faisant il y a définitivement des gens pour qui un avocat général est déloyal et a toujours tort . Etes-vous au courant qu’un procès pénal suppose un ministère public et que , de temps en temps, l’accusé est coupable  ? ?  ?? ?” (j’ai corrigé les fautes d’orthographe, de frappe, mais pas de syntaxe).

En tous les cas, je ne partage pas votre appréciation sur la qualité des agissements de l’Avocat Général. J’avoue mal cerner en quoi le fait de recevoir le fameux courrier, par surprise, sans avoir soupçonné l’existence de cette pièce, et donc encore moins avoir oeuvré pour l’obtenir, relève du talent, ni en quoi le fait de la garder sous le coude plusieurs heures pour ensuite faire une déclaration fracassante relève également du talent.
Dans l’affaire, même s’il est probable qu’il la suive en janvier prochain (sans en outre que cela ne soit certain), sans discuter le fait qu’il soit légitime à user de cette pièce (c’est une évidence), il m’apparaît plutôt comme le “cocu” de cette péripétie, suite à la manoeuvre des avocats. Alors, le talent… Il aurait mieux faire de ne pas trop en faire autour de cette pièce, et de l’utiliser au fil du procès pour distiller un parfum sulfureux autour de l’accusé, jeter le discrédit, savonner sa planche lentement mais sûrement, avant de l’enfoncer totalement dans ses réquisitions, sans offrir aux avocats une porte de sortie, belle ou non, comme il l’a fait.
Mon terme “cocu” est un peu fort, il est à prendre au sens imagé, bien entendu, mais à jouer les finauds il se retrouve sans procès, sans jurés, la surprise éventée pour les prochains jurés, et a offert plusieurs mois à la défense pour expliquer un comportement explicable mais non-évident pour les non habitués aux affres des maisons d’arrêt. Décrypter les ressorts psychologiques amenant à commettre une telle sottise prend du temps, et doit être planifié avant le procès. Pendant… c’est trop tard. Cette pièce est un cadeau pour l’Avocat Général, mais son comportement a offert un beau cadeau à la défense, qui va même peut-être aller jusqu’à en faire un argument d’innocent désespéré… Nous le verrons en janvier.
En attendant, on appréciera ce “talent” qui offre tout ceci à l’adversaire par la manière dont cette pièce a été utilisée. Visiblement, trop content de recevoir ce merveilleux cadeau, il n’a pas agi avec recul, et l’a brandi en trépignant “j’ai raison ! j’ai raison !”. Pas très futé.

J’ajouterai plus généralement que, si les avocats pénalistes savent bien que leur premier “ennemi” est leur client (s’ils ne le savent pas, ils l’apprennent à leurs dépends rapidement), il est toujours extrêmement douloureux de se voir poignardé dans le dos face aux juges par celui-là même pour lequel on met ses tripes dans un procès, et ce quel que soit l’enjeu pénal dudit procès. Je note d’ailleurs que la “trahison” arrive presque toujours dans des dossiers où l’investissement personnel est fort, et non dans les autres… quelle leçon en tirer ? Pour ma part, je vais faire le tour de mes dossiers, modestement, afin de cerner ceux qui pourraient me “claquer” entre les mains parce que je n’aurai pas été assez vigilante sur la fiabilité et la personnalité de mon client…

Cleyo

106. Le mercredi 6 octobre 2010 à 17:38 par pierre

est ce que le fond de solidarité pourrait prendre en charge ces 4,3 milliards M Kerviel étant impécunieux

107. Le mercredi 6 octobre 2010 à 17:49 par Princessedezours

@106 : Non, il va déposer un dossier de surendettement et demander l’effacement de ses dettes. Bon, évidemment, la bonne foi risque de poser problème…

108. Le mercredi 6 octobre 2010 à 17:51 par Gascogne

@ Sir Yes Sir : “Mais ces temps-ci je le répète, je suis un bisounours.”

Passe au Siège ;-)

(Warning : ce message contient un appeau à Troll)

109. Le mercredi 6 octobre 2010 à 18:50 par pierre

@107 comme l’Etat a autant le devoir de protéger ses citoyens que ses banques, ne serait-il pas raisonnable de prévoir un emprunt d’Etat ou uni mpôt exceptionnel pour aider Kerviel à rembourser sa dette, on l’a bien fait poour les banques qui avaent fait autant de conneries que lui et ces braves maires qui ont souscrits des emprunts indéxés sur le dollars du surinam c’est-y pas nous qui payons aussi?? l’égalité devant la connerie devrait être un principe républicain

110. Le mercredi 6 octobre 2010 à 19:23 par Pib

Comme un complément d’information est demandé (expertise psy), et, avec une procédure incidente à réaliser, est ce que le procès du sieur Bissonnet est forcément reporté au 10 janvier ?
Je crois, qu’une date doit être impérativement donnée pour éviter la nullité, mais que les impératifs d’une bonne enquête incidente peuvent reporter ce délai
Quelle est la règle ?

111. Le mercredi 6 octobre 2010 à 20:10 par la pintade aixoise

Cette affaire est passionnante. Un côté balzacien, les drames de la bourgeoisie de province. Expliqué par vous, c’est encore plus limpide et passionnant (comme toujours) qu’expliqué par mon avocat de copain… Pédagogue à ses heures, mais moins que vous. Chut, il le prendrait mal.

112. Le mercredi 6 octobre 2010 à 23:39 par lambertine

Il me semble avoir lu dans les commentaires d’un précédent article du maître des lieux qu’un journal local avait organisé un sondage sur la culpabilité de Mr. Bissonnet. Un journal belge l’a imité : croyez-vous qu’Els Clottemans (jugée aux assises pour le meurtre de sa rivale amoureuse) est coupable ou pas ?
Le Président a trouvé cela particulièrement déplacé.
Bête question (mais qui me turlupine quand même) : est-ce que l’Avocat général aurait été agacé par ce genre d’attitude de la part des “amis” de l’accusé au point d’en devenir lui même discourtois ?

113. Le jeudi 7 octobre 2010 à 00:49 par Fassbinder

Belle sortie des avocats de la défense et plutôt digne des plus grand pénalistes de l’Histoire !

La Défense 15 / Ministère Public 0
L’avocat général s’étant tiré une belle balle dans le pied en omettant de faire acte de faits nouveaux à la partie adverse, la balle est donc dans le camp de l’adversaire, à lui de servir !

114. Le jeudi 7 octobre 2010 à 06:55 par jfd38

L’histoire du sondage et l’Affaire Bissonnet :
http://www.midilibre.com/articles/2…
http://sud.france3.fr/info/languedo…
http://www.midilibre.com/articles/2…

Après 18 mois de détention préventive, au motif répété de risque de trouble à l’ordre public, le comité de soutien à Jean-Michel Bissonnet a voulu montrer que ce motif ne tenait pas. Sondage effectué dans la région de Montpellier, avec entre autres la question : “seriez-vous choqué par la mise en liberté sous contrôle judiciaire de Jean-Michel Bissonnet ?” . A 48 % les personnes ont déclarées qu’elles ne seraient pas choquées, et 27% choquées, parmi celles au courant de l’affaire (et seule 1 sur 2 était au courant de l’affaire). L’avocat général a bien sur poussé les hauts cris, disant que ce sondage était pour influencer la justice, que la justice ne se rendait pas par des sondages, et celà a été même retranscrit dans certains journaux comme un sondage de popularité pour l’accusé, ou comme un sondage sur l’innocence de l’accusé !
J’ai remarqué qu’une loi a evité des abus de la détention provisoire pour risque de trouble à l’ordre public en matière correctionnelle : “Le critère de trouble à l’ordre public ne pourra plus être retenu pour le maintien en détention en matière correctionnelle”. Loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale. Mais pas en matière criminelle où tout est permis ou presque.

Le sujet soulevé par ce sondage était double, voir triple ou plus:
- la notion de détention provisoire raisonnable: je rappelle que Jean-Michel Bissonnet a passé 900 jours en détention provisoire avant procès (30 mois, 2 ans et demi)
- le motif invoqué était le risque de trouble à l’ordre public.
- une telle durée de détention est contraire à la notion de présomption d’innocence (Bissonnet nie toute implication dans le meurtre de sa femme et aucune preuve formelle n’existe contre lui).
- l’autre personne accusée de complicité et qui a avoué sa participation n’a pas fait une journée de détention provisoire :)

Il y a matière à apprécier ces différents éléments et à rappeler comment ils s’imbriquent dans les lois et l’esprit des lois. Mais personne n’a jamais apporté le moindre éclaircissement là dessus. Celà mériterait un sujet complêt, avec beau débat en perspective entre avocats, parquetiers, juges et mekeskidits ;)

115. Le jeudi 7 octobre 2010 à 09:27 par bernadic

A Jfd38

vous voulez qu’on fasse un sondage pour savoir si M. X est coupable?

Mais dans quel monde vivez-vous?

Le seul débat qui vaille, la seule vérité qui vaille en matière judiciaire c’est pas les on-dit ou les “il paraît”, c’est dans le prétoire.

116. Le jeudi 7 octobre 2010 à 09:46 par claude

@102 et 103

Je n’indique pas que la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’il n’y a pas infraction quand le mensonge de l’accusé s’accompagne de manoeuvres ou de subornation. Elle ne s’intéresse pas à autre chose qu’à l’infraction objet même du procès .
J’indique qu’elle considère qu’un mensonge est admissible comme moyen de défense et qu’il ne peut pas en être déduit une culpabilité. Et la Cour n’a pas apporté de nuance à sa position quand le mensonge dépasse le simple mensonge. Peut-être considérera-t-elle que les faux témoignages provoqués donnent la possibilité à un innnocent d’échapper à une injuste condamnation.

117. Le jeudi 7 octobre 2010 à 10:00 par claude

Ce qui est intéressant juridiquement dans cette affaire, c’est que même les avocats ont retenu cette idée que le suborneur de témoins fait un suspect idéal en matière criminelle.
Est-ce qu’ils avaient en tête la décision des jurés du 2d procès Viguier qui ont eu à enregistrer avant de délibérer la subornation de témoin organisée par l’amant de l’épouse disparue du Professeur Viguier ? Ont-ils décidé de ne pas écarter l’idée que la révélation de la subornation de témoins défavorables à l’accusé a servi à créer un doute sur la véritable culpabilité de l’accusé ? Ont-ils extrapolé et anticipé le fait que la révélation de la subornation de témoins favorables à l’accusé allait servir la cause de l’accusation en créant dans l’esprit des jurés un doute sur l’innocence de l’accusé ? Ont-ils alors admis que les jurés se prononcent moins sur la culpabilité d’un accusé que sur son innocence , ce qui est un dévoiement procédural ? Ont-ils admis que rien n’empêchait les jurés de raisonner ainsi alors que le doute doit servir l’accusé ?

118. Le jeudi 7 octobre 2010 à 10:13 par Véronique

@ bernadic (post 115)

Le seul débat qui vaille, la seule vérité qui vaille en matière judiciaire c’est pas les on-dit ou les “il paraît”, c’est dans le prétoire.

A condition que le prétoire ne se transforme en salle de spectacle avec les exceptionnels coups de théâtre complaisamment relayés par les médias. A condition que les acteurs judiciaires ne se transforment pas en bateleurs de foire, spécialistes en coups tordus, n’ayant semble-t-il que cette façon d’accuser ou de défendre à faire valoir et à vendre par journalistes interposés.

119. Le jeudi 7 octobre 2010 à 10:29 par jfd38

@Bernadic
“A Jfd38
vous voulez qu’on fasse un sondage pour savoir si M. X est coupable?
Mais dans quel monde vivez-vous?
Le seul débat qui vaille, la seule vérité qui vaille en matière judiciaire c’est pas les on-dit ou les “il paraît”, c’est dans le prétoire.”“

Vous pouvez préparer votre repentance :)

Je vois que la longueur de mon texte vous a empéché de le lire, et que vous avez sauté à l’essentiel : vous vous imaginez ce que j’aurais pu imaginer de dire.
Ce que j’ai dit :
sujet du sondage : “seriez-vous choqué par la mise en liberté sous contrôle judiciaire de Jean-Michel Bissonnet ?”
Ce contre quoi j’ai mis en garde:
Ce sondage ne porte aucunement sur la culpabilité ou non de l’accusé contrairement à ce qui a été transcrit dans certains journaux.

Sans compter que pour vous laisser vous faire une opinion, j’ai quand même cité 3 articles sur le sujet :)

Et je remarque aussi que vous associez détention provisoire et présomption de culpabilité, en deni de toute notion de présomption d’innocence et en contradiction avec toutes les précédentes démonstrations (voir affaire du casino d’Uriage) !

Personnellement, c’est l’aspect juridique, et éventuel abus de pouvoir de la justice qui m’intéresse. Personne n’en est à l’abri, surtout quand on a un caractère autoritaire et emporté.

120. Le jeudi 7 octobre 2010 à 10:47 par jfd38

A benadic, post 115

Relisez mon texte, vous m’attribuez le contraire de ce que j’ai dit.
Le sondage ne portait aucunement sur la culpabilité ou non de l’accusé.

121. Le jeudi 7 octobre 2010 à 17:58 par Pib

Je propose pour le prochain sondage:
Quand un homme essaie de faire accuser faussement un autre, au travers d’une déposition devant être monnayée, est ce qu’il y a trouble à l’ordre public ?
Sachant bien sur qu’il fait tout cela entre les quatre murs de sa cellule…
Si l’on peut comprendre que l’on veut ne pas être condamné, pourquoi donc de telles manœuvres : faire accuser un tiers ?

122. Le jeudi 7 octobre 2010 à 18:38 par sir yes sir

A Bernadic (104) : c’est vrai que parfois les avocats vont se répandre, de mélodrame en indignation feinte, dans la presse. Ce n’est pas pour ça que l’avocat général doit faire des effets de manche ; je crois que dans le rôle du Ministère Public la sobriété est plus efficace que le coup d’éclat. Il aurait fait part de cette pièce à la défense dans des conditions inattaquables, le procès aurait eu lieu, les accusés auraient été jugés, les détentions provisoires auraient pris fin… et cela aurait été plus satisfaisant.

Et à Gascogne (n° 108) : non je suis un jedi, je refuse de passer du côté obscur de la force.
Et “un appeau à troll”: j’adore …

123. Le jeudi 7 octobre 2010 à 18:48 par jfd38

@Pib
Si l’on peut comprendre que l’on veut ne pas être condamné, pourquoi donc de telles manœuvres : faire accuser un tiers ?
Cette manoeuvre est le résultat d’un pétage de plombs de la part de Bissonnet.
Mais revenons au début, plus d’un an avant cette tentative de subornation de témoin: Bissonnet, en prison depuis de longs mois, estime que la seule théorie possible est que c’est le vicomte qui a piloté tout ce meutre (il faut dire que le vicomte a eu un passé pour le moins mouvementé).
Quel est l’aspect juridique dans tout celà ? Les droits de la défense.
De nombreuses demandes de compléments d’informations, demandées par la défense ont été refusées lors de l’enquète.
A force de parti pris, on pousse l’accusé au désespoir.

Un exemple spectaculaire a été mis en évidence le premier jour du procès (audience du lundi 27/09/2010):
- La défense a demandé à pouvoir disposer de la totalité des écoutes réalisées lors de l’enquète.
- le magistrat a acquiescé, tout en s’intriguant que cette demande n’ait pas eu lieu plus tot.
- cette demande a bien été faite depuis le début et a été systématiquement refusée, seule une petite partie des écoutes a été versée au dossier.

Voilà un exemple de traitement bien léger des demandes et des droits de la défense qui s’est manifesté pendant l’enquête.
Il est vrai que Bissonnet a braqué tout le monde contre lui dès le début en voulant faire passer son point de vue (cf mon post n°28), mais est-ce une raison suffisante pour que la justice n’ait jamais envisagé son innocence et mette de tels batons dans les roues de la défense?

124. Le jeudi 7 octobre 2010 à 20:37 par larequier

@cleyo
Je partage tout à fait votre ressenti. Plus l’investissement (de l’avocat est important), plus sa déception est grande. Cela est aussi vrai en amour…
Il y a de la part de l’auteur de la subornation de témoin un manque de confiance vis à vis de son conseil, mais ne peut - on pas désespérer après 2 ans de détention provisoire… Si on est innocent (il y en a quelques uns en prison) a-t-on nécessairement confiance en la Justice?
@ Gascogne et sir yes sir : le parquet s’amuse-t-il avec des contrepèteries ( “un appeau à troll”)
@ sir yes : Jedi ou Dark Vador…

125. Le vendredi 8 octobre 2010 à 09:35 par sir yes sir

A n° 124, larequier : ne me faites point offense, j’espère être plus Yoda que Dark Vador (même si ça veut dire être petit, vieux, vert avec des poils dans les oreilles).
ouh là il est temps que le week-end arrive, la perm’ commence à me griller les neurones.

126. Le vendredi 8 octobre 2010 à 11:32 par filaos

Mon Cher Maître,

J’avais toujours pensé qu’il n’était porté atteinte au droit de la défense que si celle-ci avait ét dans l’impossibilité de prendre connaissance despièces après lur production ou si cette communication lui avait été refusée . Tel n’est manifestement pas le cas dans cette affaire puisque les avocats de l’accusé ont eu un délai de plusieurs heures pour les examiner qui s’est avéré d’ailleurs plus que suffisant puisqu’ils n’étaient plus à ma connaissance présents dans la salle d’audience quand l’audience suspendue depuis plusieurs heures après cette communnication de pièces nouvelles a été reprise .ayant annoncé bien antérieurement devant les médias qu’ils renoncaient après cette communication à assurer la défense de M BISSONNET
renoncement qui ne force pas en la forme mon admiration .

En quoi donc l’Avocat Général a t’il été déloyal et méconnu le principe du contradictoire  ? Pour ma part je suis donc enclin à répondre par la négative à cette question.

127. Le samedi 9 octobre 2010 à 14:15 par Forum culture

Article vraiment intéressant, je suis assez d’accord avec Filaos

128. Le dimanche 10 octobre 2010 à 11:59 par Étudianteendroit

1/ suis je la seule a ne pas comprendre la blague de coolman en #13 ??

2/ pourquoi certains commentaires parlent de Kerviel ? Quel est le rapport ?

129. Le dimanche 10 octobre 2010 à 13:14 par larequier

@sir yes sir (125)
“Petit” avocat de province, je ne vous connais pas, et je renonce donc bien volontiers à ma comparaison, il est vrai bien tentante, surtout si elle a pu vous offenser (ce dont je doute)…
Je reste toutefois sur ma frustration car je n’ai toujours pas saisi “un appeau à troll”.
Sans doute comme vous, et comme beaucoup de vos collègues, je travaille à mon Cabinet et remercie notre “hôte” de nous procurer ses moments de distraction…
Que la force soit avec vous…

130. Le lundi 11 octobre 2010 à 21:44 par Fassbinder

@Larequier

C’est une vanne de Gascogne en réponse à son collègue Sir yes sir se prétendant ‘bisounours’, il lui répond alors ‘passe au siège’ du style :
tu serais dans ton élément, les juges au siège étant un peu plus fun que les procureurs…
Il a juste voulu provoquer les personnes concernées…

Voila, bisoux !

131. Le mardi 12 octobre 2010 à 10:59 par armis

Une question que je n’ai pas vue dans les commentaires précédents: vous dites que “le président comprendrait leur décision et n’irait pas contre en les commettant d’office,” ce qui a eu pour conséquence directe le renvoi du procès. N’est-ce pas le président qui accepte ou refuse un renvoi demandé (question réelle et non rhétorique, mes connaissances dans le domaine étant très limitées)? Dès lors, pourquoi tenter le coup de Trafalgar plutôt que simplement faire la demande? Si le président comprenait leur décision - et donc, plus généralement, la situation dans laquelle ils se retrouvaient - il aurait aussi bien pu accepter un renvoi demandé “proprement” (pardonnez l’expression maladroite), non?

132. Le vendredi 15 octobre 2010 à 15:10 par gabbrielle

Bonjour,

Un des 2 avocats a été choisi par Mr Bissonnet. C’est le bâtonnier Védrine http://www.midilibre.com/articles/2… qui estime pouvoir être prêt pour le 10 Janvier 2011, date du second procès.

Le second est toujours inconnu.

133. Le lundi 1 novembre 2010 à 16:02 par Pib

@ gabbrielle :
Tout est encore possible et le 10 janvier et une nuée d’avocats:
http://www.midilibre.com/articles/2…
A moins que le temps passant..il se retrouve lui aussi …au soleil…

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