Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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janvier 2012

vendredi 27 janvier 2012

De la liberté de parole à l'audience

Par Gascogne


Le parquet est hiérarchisé. On le répète assez, et les parquetiers eux-mêmes disent le plus souvent que cette hiérarchie n’est pas en soi choquante, afin d’assurer sur l’ensemble du territoire national l’application d’une politique pénale cohérente et homogène. Ceci étant dit, et cette justification de la hiérarchisation du parquet mise en avant, rien ne justifie par contre que le pouvoir exécutif soit à la tête de cette pyramide hiérarchique, en violation de la séparation des pouvoirs. Les élections présidentielles qui arrivent seront l’occasion de voir la vision qu’ont les candidats à la magistrature suprême de notre justice.

Les magistrats du parquet ne rendent cependant pas compte au jour le jour à leur hiérarchie de l’ensemble des décisions qu’ils prennent, que ce soit à la permanence, dans le traitement des procédures qui leur sont soumises, ou encore dans lors de la rédaction des réquisitoires définitifs qu’ils rédigent[1].

Le devoir de loyauté qui doit exister au parquet vis-à-vis de la hiérarchie porte essentiellement sur les dossiers les plus importants : par leurs enjeux, leur portée, ou encore les risques de développement médiatiques qu’ils comportent. Ce qui signifie que dans 99 % des cas, le parquetier, dans la solitude de son cabinet, traite en toute indépendance l’extrême majorité des dossiers qui lui sont soumis. Malheureusement, les projecteurs médiatiques se portent sur les 1 % qui restent, où le problème de l’indépendance du parquet se pose de manière accrue.

Mais s’il reste une liberté quasi totale aux membres du ministère public, c’est bien celle de la liberté de parole à l’audience, quelle que soit cette audience. Cette liberté est garantie par l’article 33 du code de procédure pénale, qui dispose que si le lien hiérarchique impose que le procureur d’audience “est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44”, “il développe (par contre) librement les observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice”. Tout comme la parole des avocats est protégée à l’audience, celle des parquetiers l’est tout autant.

Et pourquoi est-elle protégée ? Elle l’est pour que les réquisitions à l’audience soient développées pour ce qui est convenables au bien de la justice. Pas convenables à l’égo de certains élus. Ou de certaines catégories socio-professionnelles.

Le recueil des obligations déontologique des magistrats, édité par le Conseil Supérieur de la Magistrature, évoque d’ailleurs l’application des dispositions de l’article 33 du CPP, et leur articulation avec les dispositions du statut de la magistrature relatives notamment au droit de réserve, en disposant que : “Le devoir de réserve, qui résulte d’une disposition statutaire, est le même pour les magistrats du siège et pour ceux du parquet. Si les articles 5 du statut de la magistrature et 33 du Code de procédure pénale permettent au magistrat du parquet d’exprimer publiquement à l’audience une position personnelle, cette prise de parole doit être formulée dans des termes propres à ne pas nuire à la dignité de la fonction de magistrat.

A partir de cette définition de l’instance disciplinaire des magistrats, j’aimerais comprendre en quoi les propos du collègue de Castres, rapportés par Médiapart, pourraient être de nature “à nuire à la dignité de la fonction de magistrat“ ? Faut-il que le magistrat du parquet serve une soupe insipide à l’audience, et ne pas parler du contexte, fut-il politique, qui peut concourir à la réalisation d’une infraction ?

Et en allant un peu plus loin dans la justice fiction, peut-on sérieusement penser que si un magistrat du parquet, requérant dans une affaire de travail illégal, venait à parler de l’instauration des 35 heures pour expliquer les difficultés des entreprises, il ferait immédiatement l’objet des foudres de la Chancellerie pour violation de son obligation de réserve ?

La pression qui existe depuis quelques années, sans que les politiques ne se posent la moindre question sur ce qui est une attaque à l’indépendance de la Justice, sur la liberté de parole des magistrats du parquet à l’audience, ne fait que renforcer la nécessité de plus en plus prégnante de réformer le statut des magistrats du parquet. Et je suis heureux de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui me semble la seule à même de mettre la pression sur nos hommes politiques nationaux. Malheureusement.

Et ce n’est sûrement pas le président de la République, garant de l’indépendance de la Justice[2], qui me contredira, lui qui vient de déclarer à Dijon que l’indépendance de la magistrature avait progressé durant son quinquennat.

Si une chose est définitivement claire en France en matière d’indépendance de la Justice, c’est qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Un gouffre.

Notes

[1] Lorsque le juge d’instruction estime que son enquête est terminée, il en informe les parties et transmet le dossier au parquetier qui le suit, afin que celui-ci prenne des réquisitions, sous la forme d’une synthèse du dossier, sur la suite qu’il souhaite voir donner à l’affaire.

[2] Art. 64 de la constitution

lundi 23 janvier 2012

Quelques mots sur l'affaire Megaupload

Sans prétendre à l’exhaustivité, d’autant que je n’ai accès qu’aux informations publiées, voici un petit topo sur l’affaire Megaupload, qui a généré beaucoup de questions de mes lecteurs (☹) et lectrices (♥).

Megaupload, pour ceux qui ne le savent pas, est le nom d’une société basée à Hong Kong, fondée par un ressortissant ayant les nationalités allemandes et finlandaises, Kim Schmitz, qui offrait au public un vaste espace de stockage en ligne, permettant de partager des fichiers très volumineux, par la technique du upload/download, ou téléchargement acendant/descendant (un utilisateur A envoie un fichier du disque dur de son ordinateur sur le serveur de Megaupload, un utilisateur B peut le télécharger du serveur Megaupload sur son disque dur.

La popularité du service proposé par cette société est due au fait que l’on pouvait trouver sur ses serveurs des fichiers audio et surtout vidéo de films et de séries récentes, en bonne qualité, permettant un visionnage dans des conditions de confort satisfaisantes, mais évidemment mises là sans l’accord des ayant-droits. Le service était à la base gratuit, mais limité (un seul téléchargement à la fois, après un temps d’attente de 45 secondes) tandis que des utilisateurs payant (dit premium) pouvaient télécharger plusieurs fichiers simultanément à une vitesse supérieure. Outre ces comptes premium, les revenus du site étaient liés à la publicité qui s’affichait à chaque téléchargement non payant.

Le 19 janvier 2012, Kim Schmitz, connu aussi sous le nom de Kim Dotcom (qui veut dire “point com” en anglais comme à la fin d’un nom de domaine), a été arrêté dans un manoir près d’Auckland, en Nouvelle Zélande, aux côtés de Finn Batato, directeur marketing, Mathias Ortmann Directeur technologique, tous trois allemands, et Bram van der Kolk, ressortissant hollandais. Dans le même temps, le site Megaupload (et ses déclinaisons thématiques, formant “la galaxie Mega”), ont été fermés.

Qui est à l’origine de cette arrestation ?

Tout a commencé par une enquête de la police fédérale américaine (le FBI), puisque la contrefaçon est en elle-même un délit fédéral (en outre, le caractère international de l’affaire donnait de toutes façons compétence au FBI). Cette enquête a réuni des éléments à charge contre les fondateurs de Megaupload, qui ont été présentés, comme la loi l’exige, à un Grand Jury (en français dans le texte), composé d’au moins 16 personnes, qui vote pour dire s’il y a lieu de prononcer une inculpation (indictment). C’est une procédure non contradictoire (la défense n’est pas entendue, et la plupart du temps, les suspects ignorent qu’ils font l’objet d’un Grand Jury). Le Grand Jury a prononcé cette inculpation, qui permettait au FBI d’engager des poursuites judiciaires et surtout exercer des actes de contrainte sur les personnes suspectées (sans indictment, seule une garde à vue est possible, et une très courte détention provisoire, le temps nécessaire au Grand Jury de se prononcer sur l‘indictment).

Sur la base de cet indictment, le FBI a saisi un juge fédéral de Virginie qui a émis un mandat d’arrêt international. Ce mandat d’arrêt international oblige tous les pays liés aux États-Unis par des accords internationaux d’arrêter les personnes visées et de les tenir à disposition des autorités américaines (certains États, comme la France, refusent d’extrader leurs nationaux, mais à la place les jugent sur leur territoire).

Les quatre suspects étaient en Nouvelle Zélande sans qu’aucun d’eux en ait la nationalité, la question ne se posait donc pas. La police les a arrêtés le 20 janvier dans un manoir luxueux loué par Kim Scmitchz qui y fêtait sont 38e anniversaire (il est né le 21 janvier). Comme le prévoit la loi néozélandaise, ils ont été présentés à un juge qui a décidé de les placer en détention le temps que les mérites de la demande d’extradition soient examinés (c’est ce qui est arrivé à Julian Assange en Angleterre et à Roman Polanski en Suisse). La procédure en est toujours là au moment où j’écris ce billet.

Quelles sont les suites prévisibles ?

Soit la justice néozélandaise estime le mandat d’arrêt illégal au regard de la loi kiwie, et ils seront remis en liberté, mais toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt exécutable s’ils quittent le pays. Soit elle valide la procédure et les quatre suspects seront escortés jusqu’aux États-Unis où ils seront présentés à un juge qui statuera sur leur sort : remise en liberté sous caution (bail) ou placement en détention (remand in custody) en cas de risque de fuite avéré. S’ouvrira ensuite une phase judiciaire classique. En attendant, toujours à la demande de la justice américaine, les autorités chinoises de Hong Kong ont gelé les avoirs de Megaupload sur le territoire du Port aux parfums, là aussi en exécution des engagements internationaux unissant les deux pays, que la Chine a dû contracter pour entrer dans l’Organisation Mondiale du Commerce (le piratage en ligne a fait plus pour le rapprochement entre la Chine et les États-Unis que 50 ans de diplomatie durant la Guerre Froide).

Que risquent-ils ?

D’après les qualifications retenues, jusqu’à 50 ans de détention dans une prison fédérale (les peines se cumulant aux États-Unis).

Pourquoi est-ce un juge provincial de Virginie qui a ordonné cette arrestation ?

Ce n’est pas un juge provincial. D’abord, la Virginie est un État, pas une région, et ce n’est pas un juge de Virginie qui a ordonné cette arrestation mais un juge fédéral en poste en Virginie, c’est à dire un juge relevant du gouvernement des États-Unis d’Amérique. Deux systèmes judiciaires cohabitent aux États-Unis : le système de l’État fédéré, qui applique les lois dudit État (ici la Virginie) et où les juges sont généralement élus par les citoyens du Comté où ils exercent, et le système fédéral, qui applique la loi fédérale, et où les juges sont nommés par l’exécutif après validation par le législatif. La répartition des compétences entre les États fédérés et l’État fédéral est une question fondamentale aux États-Unis, et c’est là la véritable séparation entre les deux grands partis, Républicain, favorable à l’autonomie des États fédérés et préférant un État fédéral limité au minimum, et Démocrate, favorable à un États fédéral aux compétences élargies. Mais un juge fédéral de Virginie est aussi important et puissant qu’un juge fédéral à New York ou à Los Angeles.

En l’occurrence, c’est tombé en Virginie parce que Megaupload était hébergé entre autres sur des serveurs situés en Virginie, à Dulles (625 serveurs selon l’acte d‘indictment), de la société Carpathia. Cela donnait compétence à la justice américaine, même si la société était basée à Hong Kong, car les actes de contrefaçon avaient ainsi lieu en partie sur le territoire américain. Aucun autre État ne pouvait être compétent.

Comment les États-Unis ont-ils pu mettre hors ligne un site situé à Hong Kong et hébergé partout dans le monde ?

Un jeu d’enfant pour eux, privilège d’être le berceau du net. Les serveurs situés à l’étranger sont probablement intacts à l’heure où j’écris. Simplement, le juge fédéral américain a ordonné à VeriSign, l’établissement situé en Virginie (comme c’est commode) qui gère au niveau mondial ce qu’on appelle les résolutions de noms de domaine en .com notamment, de bloquer les DNS (Domain Name Systems) du site, c’est à dire de faire en sorte que si le nom de domaine http://megaupload.com ni les adresses IP auxquelles renvoyaient ce nom de domaine ne répondent. En somme, les serveurs existent toujours, mais ils ne peuvent plus être joints, ils n’ont plus d’adresse valide.

Comment puis-je me faire rembourser mon abonnement premium à vie ?

Nemo auditur propiam tupritendinem allegans[1] : nul ne peut invoquer en justice sa propre turpitude. Vous ne pouvez exiger l’application d’un contrat illicite.

Megaupload est un service mettant à disposition de l’espace mémoire sur des serveurs. Je pouvais ainsi y sauvegarder mes photos personnelles ou ma comptabilité. Pourquoi ne retient-on que l’aspect contrefaçon, et les dirigeants ne peuvent-ils plaider qu’ils ne peuvent surveiller le contenu de leurs serveurs ?

Ce sera probablement leur axe de défense. Cependant, l’argumentation du FBI tient en 8 arguments :

1. La durée de conservation des données dépend de leur popularité en nombre de téléchargements. La plupart des fichiers disparaît rapidement, les seuls les fichiers durables étant de fait les fichiers d’œuvres contrefaites.

2. Une faible proportion des utilisateurs paye pour le stockage. L’affaire repose donc essentiellement sur la publicité, qui s’affiche en cas de téléchargement. Donc l’affaire repose non sur la capacité de stockage louée mais sur le nombre des téléchargements. À rapprocher du point 1 ci-dessus.

3. Les inculpés ont personnellement donné des instructions à des utilisateurs pour localiser des fichiers violant le droit d’auteur et ont eu des échanges démontrant qu’ils avaient connaissance de cet usage très répandu, ce qui exclut qu’ils invoquent leur ignorance.

4. Les inculpés ont en outre personnellement recherché dans les bases de données internes pour trouver des liens vers des contenus illicites. Bref ils utilisaient eux même leur service pour visionner des films et des séries, et l’ont fait non comme utilisateurs mais en utilisant leur accès interne au site. Pas malin.

5. Le site a un système permettant de signaler des contenus pédopornographiques, mais pas des contenus contrefaisants.

6. Les utilisateurs uploadant des contenus contrefaisants ne voyaient jamais leur compte supprimé, mais juste le contenu signalé comme contrefaisant par les ayant-droits retiré. Les inculpés n’ont fait aucun effort pour identifier les contenus contrefaisants et tenter d’empêcher leur chargement sur les serveurs du site.

7. Un système de rémunération a été mis en place pour récompenser les chargements de contenus populaire donnant lieu à beaucoup de téléchargements.

8. Les inculpés ont explicitement discuté entre eux de problèmes de contrefaçons et de comment se mettre à l’abri, notamment une tentative de télécharger et stocker tout le contenu de Youtube.

Est-ce la fin de la circulation en ligne de films et de séries ?

Ah ! Ah ! Ah !

Est-ce qu’une offre légale similaire va se développer rapidement proposant un service aussi souple permettant un accès à un tel catalogue pour des prix raisonnables ?

Ah ! Ah ! Ah !

Si vous avez des questions ou des rectifications à apporter, les commentaires vous sont ouverts : vous avez tous un compte premium à vie ici.

Note

[1] En Français “Vous l’avez dans l’os”.

jeudi 19 janvier 2012

Avis de Berryer : Virginie Efira

Peuple de Berryer ! Bonjour Madame

Bonne année, tous mes vœux. Pour fêter l’an nouveau, et la promo nouvelle, retrouvons-nous tous, du moins ceux qui pourront entrer, ce mercredi 25 janvier à 21 heures, Virginie Efira, comédienne et animatrice de télévision.

Sous l’œil rigoureux des connaisseurs mais indulgent des premières fois, Monsieur Pierre Darkanian, 4ème Secrétaire (tiens ? N’est-ce pas le Premier qui inaugure la Berryer en principe ?) nous fera son rapport sur l’invitée et par la même la démonstration de son talent.

Les sujets abordés par les candidats seront les suivants :

1. Ma nouvelle tare est-elle la chance de ma vie ?

2. L’amour à trois, est-ce un défi raté ?

Qu’on se le dise !

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