Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Avocats en colère

Quand les robes noires voient rouge.

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lundi 2 mars 2020

Du bon usage des exceptions (et du mot incident)

Ce billet a été inspiré par une série de tweets de mon confrère au barreau de Twitter, Maître McLane (le fil entier est là). Il faisait état de petits accrochages avec le parquet à l'occasion des journées de défense massive organisées par le barreau de Paris dans le cadre du mouvement de grève contre la réforme des retraites, dont je vous ai déjà parlé. Lors de ces journées de défense massive, au lieu d'avoir un avocat affecté à plusieurs dossiers, c'est le contraire : plusieurs avocats sont affectés à un seul dossier, chaque équipe étant en principe animée par un pénaliste chevronné, et le dossier est disséqué minutieusement et tout ce qui peut être critiqué l'est. Dans ce cas, nous prenons, dans l'urgence que supposent nécessairement les comparutions immédiates, des conclusions écrites (rappelons que le terme conclusions indique en droit une argumentation écrite exposant au juge une demande en expliquant son bien-fondé en fait et en droit, et qui le saisissent c'est à dire l'obligent à y répondre, que ce soit pour les rejeter ou y faire droit, dans les deux cas en expliquant pourquoi).

Permettez-moi, comme à l'accoutumée, de vous emmener faire un petit détour avant que je ne vous amène là où je veux en venir.

Quand j’ai le plaisir et l’honneur de participer à la formation de jeunes confrères et consœurs, un des conseils que je leur donne est, dans leur plaidoirie, de ne pas répondre aux réquisitions du procureur. C’est contre-intuitif mais c’est important. Pourquoi ?

Parce que c’est un travers de civiliste. Dans les procédures civiles (ce sont les litiges privés qui opposent des particuliers ou des sociétés ou associations entre eux et entre elles), procédure parfaitement accusatoire, le demandeur expose ses demandes, et le défendeur y réplique point par point. Puis le juge tranche dans sa décision, et à la fin accorde un article 700 ridiculement insuffisant à la partie qui gagne.

Il est normal de répondre point par point dans ces cas car chacune de ces demandes saisit le juge, c’est à dire l’oblige à y répondre. Ne pas répliquer, c’est risquer d’entendre le juge dire que cette demande n’est pas contestée et donc qu'il y fait droit.

La logique du procès pénal, inquisitoire, est toute autre : le juge est saisi des faits par l’acte de citation, et à compter de ce moment, a une très vaste liberté de décision et avant cela, pour mener son audience. Il doit rechercher lui-même la vérité, notamment en interrogeant le prévenu et le plaignant. (Curieusement, il fait montre d’un enthousiasme très modéré face à l’audition de témoins, malgré les injonctions de la CEDH, mais lire un PV c’est tellement plus rapide).

Cette procédure inquisitoire fait que le juge ne donne la parole aux avocats et au procureur pour poser des questions que quand lui-même a fini son interrogatoire. Autant dire que souvent, on n’a plus beaucoup de questions à poser. C’est la différence majeure avec un procès anglais où le juge ne pose éventuellement de questions que quand les parties ont fini leur interrogatoire qui est pour le moins vigoureux.

Les réquisitions du parquet ne constituent pas des demandes proprement dites, comme au civil : le juge n’a pas à y répondre de manière précise. Ce sont des suggestions, un « je serais vous, je prononcerais telle peine » (par ex les galères si vous êtes @Proc_Epique ).

Dès lors, les commenter, les décortiquer, est une perte de temps (la question n'est pas "est-ce que le procureur a raison ?", mais "que doit-on décider pour le prévenu, et le cas échéant le plaignant ?") et de fait revient à les répéter encore et encore, et à les graver dans l’esprit du juge lors du délibéré. En plus, certains confrères ou consœurs se font plaisir et en profitent pour critiquer le procureur lui-même à travers ses réquisitions, puisqu’il n’est pas censé répondre. Il peut demander à répliquer, mais ça impose au tribunal de rendre la parole à la défense qui doit s’exprimer en dernier. Ça agace le juge et ne sert à rien puisque le parquet peut se prendre une deuxième fournée de « le procureur est vraiment méchant ».

Par pitié, chers confrères, ne faites pas ça. C’est moche, c’est même un peu lâche, et pire que tout : c’est inutile. Ça n'aide pas le juge à prendre sa décision, et il sait déjà que le procureur est méchant : ils étaient ensemble à l'ENM.

Mais le droit est la science des exceptions. Il y a deux cas où ma prohibition de principe de répondre au parquet est levée.

Premier cas : si vous êtes d’accord avec lui. Il arrive que le parquet prenne des réquisitions modérées qui sont conformes à ce que vous vouliez obtenir (voire qu’il requière la relaxe). Dans ce cas, bien sûr que vous les répétez, pour les approuver. Il faut qu'elles soient gravées dans l'esprit du juge pour le délibéré, et ajoutez-y vos propres arguments : n'oubliez jamais que les réquisitions n'étant pas des demandes, il n'y a pas d'ultra petita, et le juge peut très bien aller au-delà des réquisitions.

Deuxième cas, plus rare : les réquisitions sont illégales. La peine requise est illégale, que ce soit la principale ou la complémentaire (j’ai vu une peine requise dépassant le maximum légal ou une interdiction du territoire demandée alors que la loi ne la prévoyait pas).

Là, il faut le signaler au tribunal, sans enfoncer le procureur qui sera déjà assez mortifié de son erreur, n’oubliez pas les principes essentiels de délicatesse et de courtoisie. L’élégance sert le discours. Et les procureurs ont de la mémoire.

C’est là que j’en reviens à ces histoires d’exceptions prises par conclusions écrites. Une exception en droit est un argument juridique soulevé en défense (on utilise le verbe exciper) qui vise à faire échec à tout ou partie des prétentions adverses. On le distingue de l'incident, qui est une demande qui modifie le cours de l'instance et sur laquelle il faut statuer avant d'examiner le reste de l'affaire. Si je soulève que l'action publique contre mon client est prescrite, je soulève une exception de prescription. Si je demande une expertise psychiatrique pour voir s'il n'est pas atteint d'un trouble mental, ou la disjonction du cas de mon client d'avec le reste du dossier, je forme un incident. Si je demande que telle ou telle pièce de la procédure soit déclarée nulle, c'est une exception de nullité.

C'est pourquoi je vous en supplie, amis magistrats, cessez de dire que, lorsqu'un avocat excipe de la nullité de tout ou partie de la procédure, l'incident est joint au fond. Ce n'est pas un incident. Vous demandez ou décidez, selon le cas, qu'en réalité l'exception soit jointe au fond.

Ces exceptions sont, en procédure pénale, et s'agissant du tribunal correctionnel, régies par l'article 385 du code de procédure pénale :

Le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction.

(suivent deux alinéas réglant le cas où il y a eu une instruction préparatoire, puisque les nullités de procédures sont régies par les dispositions propres à l'instruction : compétence de la chambre de l'instruction, délai de six mois pour agir, purge des nullités à la fin de l'instruction).(NdEolas)

Lorsque la procédure dont il est saisi n'est pas renvoyée devant lui par la juridiction d'instruction, le tribunal statue sur les exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure.

La nullité de la citation ne peut être prononcée que dans les conditions prévues par l'article 565.

Dans tous les cas, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond.

Notez bien que le code parle d'exceptions, pas d'incidents.

Cela signifie que si j'entends contester la régularité de la garde à vue, je ne peux le faire que devant le tribunal, et encore dois-je le faire avant toute défense au fond. La jurisprudence, appliquant scrupuleusement la règle du jeu de dupes qui veut que toute règle doit s'interpréter de façon la plus restrictive et en lui donnant le moins d'efficacité possible quand elle s'applique à la défense, a décidé "qu'avant toute défense au fond" s'entendait comme dès le début des débats, avant que l'interrogatoire du prévenu ait commencé, car répondre aux questions du président est déjà une défense au fond. Donc ces débats ont lieu aussitôt l'identité du prévenu constaté et les faits reprochés rappelés. Autre supplique : chers confrères, cessez de dire in limine litis dans vos conclusions pénales : c'est de la procédure civile. Ce n'est pas sale, mais il y a des chambres spécifiques pour faire ça.

Là où l'interprétation de cette règle par la jurisprudence devient manifestement dépourvue de sens, c'est quand on lit l'article 459 du code de procédure pénale, cœur des récriminations de McLane :

Le prévenu, les autres parties et leurs avocats peuvent déposer des conclusions.

Ces conclusions sont visées par le président et le greffier ; ce dernier mentionne ce dépôt aux notes d'audience.

Le tribunal qui est tenu de répondre aux conclusions ainsi régulièrement déposées doit joindre au fond les incidents et exceptions dont il est saisi, et y statuer par un seul et même jugement en se prononçant en premier lieu sur l'exception et ensuite sur le fond.

Il ne peut en être autrement qu'au cas d'impossibilité absolue, ou encore lorsqu'une décision immédiate sur l'incident ou sur l'exception est commandée par une disposition qui touche à l'ordre public.

Voici le résultat de la combinaison de ces articles : si j'estime que la garde à vue au cours de laquelle mon client a avoué les faits était illégale, je dois tout de suite le soulever, dès le début de l'audience. J'explique en quoi le tribunal doit à mon sens annuler cette garde à vue, et donc les aveux qu'il y a fait, puisqu'ils n'ont pas été recueillis dans des conditions légales. Le juge n'est pas censé, sauf exception exceptionnelle (impossibilité absolue, ou décision immédiate commandée par une disposition touchant l'ordre public, rien que ça), me répondre immédiatement, mais il joint l'exception au fond, c'est à dire qu'il me répondra par un seul jugement sur toute la procédure (et appelle ça "joindre l'incident au fond" pour me faire trépigner de rage). Puis le fond est abordé, et le président peut tout à loisir lire le procès verbal dont je viens de soutenir qu'il est illégal. À ce stade, il figure toujours au dossier, puisqu'il n'a pas encore été annulé. Ensuite, le juge se retire pour délibérer sur le tout, et revient en disant que oui, cette garde à vue était parfaitement illégale, et il annule ces aveux ainsi illégalement obtenus, reconnaissant ainsi que les débats au fond n'auraient jamais dû se faire avec cette pièce à la procédure. Et ensuite, il peut condamner le prévenu, estimant que malgré ses dénégations à l'audience, son intime conviction de juge est faite : il est bien coupable. Quelle mystérieuse intuition, n'est-ce pas ? Le jeu de dupes, dans toute sa splendeur.

Comme si cela ne suffisait pas, des juges et des procureurs ont cru devoir inventer une règle supplémentaire : pour que nos exceptions de nullité soient valables, il FAUDRAIT qu'elles fussent écrites. Dans une procédure orale. Mais l'oxymore ne semble pas les gêner. Pourtant, le texte est clair : la défense, comme toute partie PEUT déposer des conclusions. Elle n'y est pas tenue. Quand le législateur veut imposer des conditions de forme, il sait très bien le faire et le fait en des termes dépourvus de toute ambiguïté. Nous avons donc pris l'habitude, quand cette règle nous est sortie d'un mortier, de nous élever en bloc contre cette affirmation. Le code étant, pour une fois, avec nous, les présidents sont bien obligés de céder. Devant le caractère répétitif de ces incidents, nous avons même pris soin d'appeler la jurisprudence à la rescousse, puisque la cour de cassation nous a donné raison dans un arrêt du 26 avril 2017, n°16-82742, publié au bulletin, quand face à un (feu) juge de proximité qui avait refusé de répondre à des exceptions de nullité au motif qu'elles n'avaient pas été déposées par écrit, répond :

c'est à tort que la juridiction de proximité s'est estimée non valablement saisie de ces exceptions, les articles 385 et 522, alinéa 4, du code de procédure pénale n'exigeant pas que les exceptions de nullité soient soutenues par écrit.

C'est, peut-on croire, suffisamment clair. Eh bien non, pas assez, puisqu'à l'audience dont fait état mon confrère, et où j'étais, le procureur avait reproché à la défense de n'avoir pas pu préparer des conclusions écrites et, quand on lui a montré cet arrêt, a répliqué, avec une pointe de mauvaise foi, que ce n'était pas ce qu'il lisait du sens de cet arrêt.

L'info a quand même visiblement circulé un peu car le lendemain, c'est un tout autre argument qui nous a été sorti sur le fondement de cet arrêt : puisque la cour de cassation, dans sa décision, dit que c'est à tort que le juge de proximité s'est estimé non valablement saisi alors qu'il l'était par le moyen soulevé oralement avant toute défense au fond, l'absence de ces conclusions écrite empêchait toutefois la Cour d'être en mesure d'exercer son contrôle sur les réponses apportées par la juridiction. Et à l'audience, un procureur en a déduit que la jurisprudence précité permettait au tribunal de se dispenser de répondre aux moyens ainsi soulevés. D'où une légitime colère que je partage, même si je salue la franchise de ce parquetier, car c'est rare que le jeu de dupes soit ainsi aussi clairement et publiquement assumé.

Un autre argument que j'ai entendu soulevé était tiré du contradictoire. Là encore, les bras m'en tombent. La comparution immédiate est une procédure rapide, pour ne pas dire sommaire, décidée unilatéralement par le parquet, qui veille jalousement à sa prérogative et ne manque jamais de rappeler que son choix est souverain et qu'il n'a pas à en justifier. Et c'est vrai, il a raison. Mais il ne peut choisir souverainement une telle procédure et en pleurer la conséquence logique : le contradictoire est réduit à l'identique que les droits de la défense, prise à la gorge par le peu de temps qui lui est laissé. Nous ferons des conclusions chaque fois que nous le pourrons, et si vous en voulez des belles bien imprimées sur du velin avec la jurisprudence citée en annexe, faites plutôt une convocation par procès verbal, et jugez le prévenu dans quelques semaines. Vous verrez, la qualité des débats en est améliorée. Ou alors, c'est simple : donnez-nous accès à la procédure dès la garde à vue. Comme ça, nous préparerons les conclusions chez nous et vous les aurez en même temps que vous lirez la procédure de police avant d'orienter le dossier. Quand je vous dis que c'est gagnant-gagnant, les droits de la défense.

Donc, car il faut bien conclure (jeu de mot) : dans la mesure du possible, chers confrères, il faut prendre des conclusions écrites. Pour se protéger, en obligeant le tribunal à y répondre et en permettant aux juridictions supérieures d'exercer un contrôle sur les réponses apportées. Mais ce n'est pas obligatoire, seules les QPC prenant obligatoirement une forme écrite. Il faut alors veiller à annoncer dès les premières secondes que l'on soutiendra une exception de nullité. Et tenez tête au tribunal qui râlerait : qu'il se plaigne au législateur, qui a fixé les règles, et au parquet, qui a fixé la chronologie.

Et chers amis magistrats, nous faisons de notre mieux, mais en comparution immédiate, procédure choisie par le parquet où nous avons connaissance de la procédure, épaisse parfois de centaines de pages, au mieux trois heures avant le début de l'audience, vous ne pouvez sérieusement (et en tout cas pas légalement) exiger des avocats qu'ils vous fournissent des conclusions écrites. On essaie, croyez-nous, car c'est aussi dans notre intérêt, la procédure pénale ne nous pardonne rien quand elle pardonne tout au parquet. Mais par pitié, n'inventez pas des règles pour entraver encore plus la défense. Le CPP est là pour ça.

dimanche 15 septembre 2019

Battons le pavé en Louboutin et en Weston

Encore une fois, la profession d’avocat va manifester. Cette fois, ce sera ce lundi 16 septembre et la raison en est la réforme annoncée des retraites.

Le Gouvernement joue sur du velours, et ses éléments de langage lui sont servis sur un plateau : une profession de nantis s’accroche à ses privilèges probablement fort coûteux pour la collectivité et refuse une réforme voulant mettre tous les citoyens sur un pied d’égalité en supprimant les régimes spéciaux et en alignant tout le monde sur un régime général. Méchants, méchants avocats, bourgeois égoïstes. Quelques idiots utiles qui ont perdu leur procès ou subi un divorce qui n’a pas tourné à leur avantage viendront en renfort vider leur rancœur. On a l’habitude.

Alors, pour ceux qui parmi vous émettraient un doute à la vue de milliers d’avocats venus de toute la France, et quand je dis toute la France, je dis toute la France : certains vont traverser un océan pour être là ; de milliers d’avocats disais-je si âpres au gain qu’ils ont fermé leur cabinet toute une journée pour protester, voici ce qu’il en est.

Le régime de retraite des avocats est un régime autonome. Pas spécial, autonome. La caisse de retraite des avocats s’appelle la Caisse nationale des barreaux de France, CNBF. Rien à voir avec le Conseil National des barreaux (CNB) qui représente la profession au niveau national, même si leurs noms se ressemblent.

La CNBF a des racines anciennes puisque dès l’ancien régime les avocats pouvaient faire payer à leurs clients un droit de plaidoirie (qui existe encore aujourd’hui, et qui est de 13 euros par audience, dû même si vous êtes à l’aide juridictionnelle depuis 2011 (avant, l’Etat l’acquittait, mais n’oubliez jamais qu’il ne répugne à rien plus qu’à payer pour les pauvres). En pratique, ce droit n’est quasiment jamais réclamé (je ne connais aucun confrère qui le fasse), et nous en somme de 13 euros de notre poche que nous prélevons sur l’indemnité d’AJ qui elle est forfaitaire quel que soit le nombre d’audiences.

La loi du 31 décembre 1921 a créé les caisses de prévoyance des avocats, gérées par chaque ordre et qui percevait le droit de plaidoirie. Mais les pensions servies variaient considérablement d’un barreau à l’autre et celle des petits barreaux étaient faméliques. la CNBF a été créée en 1948 pour réunir toutes ces caisses en une seule, et deviendra autonome en 1954.

Autonome, qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela signifie qu’elle fonctionne sur un mode qui lui est propre et qui est que chaque avocat cotise en fonction de ses revenus (14% du bénéfice net pour la première tranche, avec pour les avocats en déficit un minimum de cotisation) et sert la même pension à tout le monde. La pension est actuellement de l’ordre de 1416 euros par mois (il est possible d’opter pour une complémentaire, en cotisant plus, pour avoir une pension plus élevée, le choix étant irrévocable). Cela veut dire que notre profession sert la même pension à l’avocat qui a travaillé sans s’arrêter qu’au confrère qui a dû s’arrêter plusieurs années pour soigner un cancer qu’à l’avocate qui a pris des congés maternités. Pas de référence aux six derniers mois ou aux 25 meilleures années.

Elle est abondée uniquement par les avocats. Elle ne touche aucune subvention, aucun versement de l’Etat. A charge pour elle d’être à l’équilibre. Et à l’équilibre, elle l’est. Elle a même constitué des réserves de l’ordre de deux milliards d’euros pour anticiper le choc démographique que va constituer l’arrivée massive à la retraite des avocats dans une profession dont le nombre est en train d’exploser. Au 1er janvier 2006, il y avait 45818 avocats. Au 1er janvier 2016, il y avait 63923 avocats. Et cette tendance ne diminue en rien. Ses comptes prévisionnels garantissent cet équilibre pour les cinquante prochaines années.

Cette gestion saine et ces réserves sont bien évidemment déterminante dans l’arrêt de mort qui la frappe : en fusionnant la CNBF dans un régime général, les réserves seront englouties et ne serviront finalement qu’à une chose : diminuer le déficit des caisses de retraite l’année de la fusion, ce qui permettra au Gouvernement de parader en montrant que son excellente réforme a sauvé les retraites puisque le déficit a déjà baissé. Puis l’année suivante, le déficit replongera de deux milliards, mais on parlera d’autre chose, probablement d’une femme musulmane en maillot de bain. Une opération de comm à deux milliards sur le dos des avocats. Permettez-nous de tiquer.

Mais n’est-ce pas égoïste de notre part de garder notre régime qui fonctionne si bien et laisser les autres encaisser le choc démographique lié au baby-boom ? Ca le serait assurément si c’était vrai. Mais la CNBF participe à la solidarité nationale par le mécanisme de péréquation. La CNBF verse au régime général chaque année entre 80 et 100 millions d’euros au régime général, sans contrepartie. Cela fait entre 1200 et 1500 euros par avocat et par an de participation sans contrepartie au régime général des retraites. On ne demande pas qu’on nous dise merci, juste qu’on ne nous traite pas d’égoïstes.

Les projections faites sur la base du rapport Delevoye sont apocalyptiques : le taux de cotisation pour la première tranche passerait de 14 à 28%, un doublement pur et simple. Les tranches supérieures seront moins taxées par rapport à la situation actuelle, ce qui fait que cette réforme promet d’être avantageuse pour la petite frange des avocats les plus riches et de compromettre la survie des petites structures les plus modestes, qui sont dans les zones les plus pauvres du territoire, et qui concernent les plus jeunes. La pension de base quant à elle passerait de 1400 à environ 1000 euros. Perdants sur tous les tableaux.

Et enfin, chers amis, cela vous concerne aussi. Car nos honoraires sont fixés librement en accord avec le client. Nous avons donc la possibilité d’effectuer un transfert de charge, et même si nous vous aimons du bon du coeur, nous n’allons pas accepter la diminution de nos revenus qu’entraine cette réforme car personne n’accepterait de gagner 14% de moins pour toucher une pension de retraite moindre. Cette augmentation, nous allons dans la mesure du possible la transférer à nos clients en augmentant nos honoraires. Pour les entreprises, ça passera aisément. Ce sera douloureux pour les particuliers. Et si vous pensez que ça ne vous concerne pas car vous ne pensez pas avoir jamais besoin de notre aide, sachez que tous nos clients pensaient ne jamais avoir besoin de nous jusqu’au jour où ils sonnent à notre porte.

Donc demain, nous manifesterons pour exiger qu’on nous laisse notre régime autonome, égalitaire, solidaire et équilibré, qui participe déjà et continuera à soutenir le régime général. Pour une fois, ce sera un peu pour vous, et beaucoup pour nous, et non pas le contraire. Et nous apprécierons beaucoup d’avoir votre soutien.

Hey, après tout, pour une fois qu’on ne vous coûte rien...

mercredi 11 avril 2018

Why we fight

Aujourd’hui, la profession d’avocat, mais pas qu’elle, il y aura d’autres professions judiciaires à ses côtés, manifeste. C’est assez rare dans son histoire, encore que ces dernières années, ça devient récurrent. Et cet après-midi, c’est avec joie et fierté que je serai à côté de centaines de mes confrères, venus de toute la France dans le cadre de cette journée justice morte, pour porter la colère croissante d’année en année qui nous anime.

Mais battre le pavé, c’est bien. Cela attire l’attention des médias, donc du gouvernement, mais se présente aussitôt une difficulté de taille. Faire comprendre à nos concitoyens, nos égaux, nos frères dans la République, pourquoi nous défilons, et en quoi c’est un peu pour nous, et beaucoup pour vous. Une réforme de la justice, c’est un catalogue de mesures, sans lien entre elles hormis un : faire des économies de bouts de chandelles pour pousser un système déjà à bout de souffle à faire un peu plus pour beaucoup moins. Donc les revendications deviennent aisément une liste de doléances, qui chacune méritent une explication, car en face, l’argumentation est toute faite : on vous promet de la simplicité et de la gratuité, faites-nous confiance. Vous savez, comme Facebook.

Ainsi donc, une nouvelle fois, et je le redoute, pas la dernière, des milliers d’avocats vont, une fois de plus, et pro bono cette fois, défendre vos droits. Rappeler cette vérité têtue, aussi inflexible que l’obstination des gouvernements successifs à refuser de la voir ; la justice française est famélique et indigne de la place que la France prétend occuper dans le monde. La France consacre à la justice un budget par habitant de 64 euros. Le Luxembourg, 139. Les Pays-Bas, 122. La Suède, 103. L’Allemagne, 96. La France consacre aux plus démunis 300 millions au titre de l’aide juridictionnel. Le Royaume Uni a sabré son budget de Legal Aid sous David Cameron, en l’abaissant à… deux milliards. Et toute la communication gouvernementale qui met en avant les augmentations du budget de la justice d’une année à l’autre oublie de vous dire que l’administration pénitentiaire, qui a vu ses missions se diversifier considérablement, absorbe la quasi intégralité des ces moyens.

Il y a des centaines de postes de juges ou de procureurs vacants. Cela veut dire une surcharge de travail pour les autres, et une répercussion sur les délais de traitement des dossiers. On en est à plus de deux ans pour l’appel de dossiers de licenciements. Sans oublier la souffrance humaine qui est derrière, ceux qui ont connu des charges de travail excessifs avec la pression de la hiérarchie pour tenir des chiffres arbitraires comprendront. Pas seulement pour les magistrats, mais selon la théorie du ruissellement, cela impacte aussi, et plus lourdement, les professions, appelons les de soutien faute de mieux, que sont les greffiers et les adjoints administratifs, les petites mains sans qui rien ne se fait. Un mot pour les greffiers, alors même qu’ils mériteraient un livre. Les greffiers ne sont pas les secrétaires des juges. Ils ne sont pas leurs subordonnées, ils en sont indépendants (ils ne sont même pas notés par eux) mais sont les garants de la procédure et de la sincérité des actes de la justice. Un jugement n’est qu’une feuille de papier imprimée tant que le greffier n’a pas apposé dessus le sceau de la République (la Liberté sous forme de Junon, que curieusement ont appelle la Marianne) et sa signature. C’est le greffier qui s’assure que le juge rend sa décision au terme d’un processus fidèlement décrit pour que chacun puisse en apprécier, et au besoin en contester, la légalité. C’est le contre-pouvoir du juge. Et toutes ces réformes de bout de ficelle, ce sont elles et eux qui se les prennent dans la figure. Nous, avocats, on ne se prend que les ricochets, et déjà on chancelle sous l’impact. Pour ma part, je ne suis pas sûr que je pourrais encaisser ce que le greffe encaisse depuis des années. Greffiers, et greffières, vous avez mon respect et mon admiration. Voilà, c’est dit.

Et donc comme d’habitude, plutôt que de lancer la seule réforme dont la justice a besoin, une augmentation drastique de ses moyens sur une période de quelques années, car soyons clairs : en 5 à 10 ans, on pourrait se doter d’une justice efficace, rapide, qui ferait l’envie de bien des pays, et sans grever le budget de l’Etat, car la Justice, c’est 6,980 milliards d’euros par an (en incluant la pénitentiaire), c’est à dire, 1,8% du budget national, pour un pouvoir régalien essentiel qui concerne tous les citoyens au quotidien.

Voilà ce que nous voulons avant tout : une justice de qualité, qui a assez de moyens humains pour consacrer à votre affaire le temps nécessaire et parvient à la trancher dans un délai raisonnable. Bien sûr, cela aura un impact plutôt agréable sur ma pratique professionnelle au quotidien, je ne vous le cache pas. Mais pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que ne plus avoir à gérer les angoisses d’un client dans une situation personnelle critique qui attend le jugement qui y mettra fin a surtout un impact positif pour le client dans une situation critique. Et ce client, ce sera peut-être vous un jour.

Et au lieu de ça, quel est l’inventaire à la Prévert que nous a annoncé la Chancellerie ?

La suppression de la justice d’instance, celle qui traite les affaires de moins de 10.000 euros, à la procédure simplifiée, sans avocat obligatoire mais ce n’est pas une bonne idée de s’en passer surtout s’il y en a un en face, pour en faire une chambre détachée du tribunal de grande instance. “On ne fermera aucun lieu de justice” nous répète la chancelelrie comme un mantra. Elle ne parle même plus de tribunal : c’est un simple lieu.

Et pour cause, les petits litiges seront traités en ligne. Et tant pis pour ceux qui n’ont pas internet ou ne sont pas à l’aise avec un ordinateur, ils ne sont pas StartUp Nation Ready. Ils iront dans un “lieu de justice” ou une borne interactive les attendra. Et si vous vous plantez ? Vous découvrirez l’autorité de la chose jugée. C’est comme le droit à l’erreur, mais en exactement le contraire.

La réforme se propose aussi de retirer à la justice des contentieux comme celui des révisions de pensions alimentaires, pour la confier à la Caisse d’Allocation Familiale. En quoi une caisse de sécurité sociale a les compétences pour fixer une dette civile, on s’en fout c’est moins cher (en vrai, ce sera un algorithme que fixera ça mais vous n’en saurez rien, la formule ne sera jamais publiée). Et de rendre obligatoire avant tout procès une tentative de règlement amiable, médiation (payante), conciliateur de justice, et à terme des sociétés privées agréées qui règleront ça à coups d’algorithmes (payants), la nouvelle drogue des comptables qui nous dirigent. La médiation, c’est comme le sexe, c’est bien, mais à condition que ce ne soit pas forcé. Obliger des gens qui ne le souhaitent pas, ou ont déjà essayé mais échoué, est une perte de temps, qui retarde d’autant la prise d’une décision qui tranche le litige. Sans oublier qu’une fois un procès lancé, la recherche d’une solution amiable est toujours possible, et même peut la faciliter quand une partie sent le sol se dérober sous ses pieds une fois que les preuves sont produites et argumentées.

Au pénal, c’est la cour d’assises qui est dans le collimateur. On veut créer un tribunal criminel qui jugera les crimes sans les jurés. Eh oui, même vous, citoyens appelés à participer à l’œuvre de justice, vous êtes un coût dont on veut se débarrasser. Et comme même quand on vous poursuit, vous dérangez, on vous met dans des cages, des cages partout (même les interprètes seront en cage au nouveau palais à Paris), ça permet d’économiser sur les escortes ; ou mieux encore, des visioconférences depuis les prisons, dans des pièces vides qui résonnent, où vous verrez votre liberté se jouer sur un écran. Hop, un transfèrement d’économisé. En attendant qu’un algorithme règle tout ça, probablement.

Des rustines, des gadgets, du bricolage, aucune ambition.

Donc cet après midi, je marcherai, car les rustines, c’est bon pour les vélos, mais pas pour la justice, qui en démocratie est la seule forme valable de règlement des litiges, qui les tranche non par le recours à la force et la violence, mais par le débat, par le droit, par l’argumentation et fondamentalement par la Raison.

Un peu pour moi, beaucoup pour vous.

mardi 19 décembre 2006

Retour sur la manifestation des avocats du 18 décembre 2006

Après les quelques photos et vidéos publiées hier, voici un petit billet sur mes impressions post-manif.

J'en garde un bon souvenir teinté d'un brin d'amertume.

Bon souvenir, car il n'y a pas à dire, c'est émouvant de voir toutes ces banderoles indiquant la provenance des confrères qui défilent, et c'est vraiment de la France entière qu'ils venaient, et de barreaux fort modestes : du Nord, comme Arras ou Béthune, du Sud ouest, comme Libourne et leur panneaux en couvercle de caisses de grands crus, du sud est, comme Montpellier ou les bondissants avignonnais, de la Bretagne, comme les intenables vannetais, d'Auvergne, d'Alsace... Je ne peux pas tous les citer, mais le chiffre de 6000 participants semble être retenu. 6000, ce n'est pas beaucoup, mais c'est 15% de la profession qui était là...

Un coup de toque aussi au syndicat de la magistrature qui avait envoyé une délégation de soutien.

L'ambiance était très joyeuse. Se retrouver ainsi, entre confrères pour soutenir la même cause, ça nous arrive fort peu. Pour une fois que nous ne sommes pas adversaire, nous sommes tout à la joie de nous retrouver.

Joie dont font un peu les frais nos instances ordinales, rapidement débordées par la base.

Je me souviendrai longtemps du fou rire que j'ai eu quand le bâtonnier Paul-Albert Iweins, président de Conseil national des Barreaux (organe représentatif au niveau national) rendait compte à la foule du (bref) entretien qu'il avait eu avec le Garde des Sceaux qui l'avait reçu avec Frank Natali, président de la Conférence des bâtonniers (qui représente tous les barreaux sauf celui de Paris, considéré comme trop prééminent au CNB) : à peine son discours entamé, le camion-sono où il était juché a tourné à gauche, rue Danièle-Casanova, pour éloigner la manifestation de la place Vendôme, à la demande des forces de l'ordre. Or la rue Danièle Casanova est fort étroite, contrairement à la rue de la Paix où nous étions. Et la majorité des avocats trouvaient fort jolie la Place Vendôme et avaient envie d'aller la visiter.

D'où cette scène désopilante du camion emportant notre bâtonnier agrippé à son micro et annonçant comme une victoire la promesse d'une énième réunion solennelle le 30 janvier, suivi par quelques avocats trottinants et applaudissants, pendant que la foule le regardait partir en chantant "Ce n'est qu'un au revoir"...

Rire également quand un avocat qui s'était approché des barrières gardées par les forces de l'ordre s'est saisi d'un haut parleur et a crié en direction de la chancellerie : « Rends-toi, Clément ! Tu es cerné, il y a au moins cinquante policiers, tu ne pourras pas t'échapper ! » pendant que de nombreux avocats se proposaient d'ores et déjà d'assurer sa défense... à l'AJ. Ca change un peu des slogans rabâchés poussivement dans des micros ; je goûte assez peu cette forme de rhétorique des foules.

Amertume toutefois, car il y a eu des comportements qui ne peuvent que faire grand tort à notre professions. Ainsi, j'ai entendu des confrères qui se tenaient à mes côtés qualifier de « C.R.S. » les forces de l'ordre barrant la route de la place Vendôme. Je ne crois pas que traiter ainsi des gendarmes mobiles, avec lesquelles nous entretenons au palais d'excellentes relations, fera avancer notre cause. Pensons à notre devoir de dignité.

Plus sérieusement, la montagne a accouché d'une souris. Le Garde des Sceaux a reçus Messieurs les bâtonniers Iweins et Natali, qu'il connaît déjà fort bien. Il a reçu de leurs mains une plate-forme (une enveloppe kraft, de fait), qui a à peu près autant de chance d'être prise en compte en période pré-électorale que Frits Bolkestein d'être élu président de la république. Pascal Clément sait que dans six mois, il n'est plus là. Sa mission est de contenir les incendies, certainement plus de réformer : le parlement cesse de siéger dans deux mois, et l'agenda est archi-complet. Le dossier de l'AJ sera un des cadeaux laissés à son successeur.

Non pas que je bâtissais de grands espoirs sur cette manifestation, mais je pense à ces confrères venus de loin pour cette manifestation qui doivent se contenter de cette sucette pour prix de leur voyage et de la fermeture de leur cabinet pendant cette journée. J'en suis d'autant plus triste que le barreau de Paris s'est illustré par son absence. Les syndicats étaient présents, l'Union des Jeunes Avocats, bien sûr, le Syndicat des Avocats de France (S.A.F.), et même les Avocats Conseils d'Entreprise (A.C.E.) qui pourtant ne connaissent guère l'A.J. Mais à titre individuel, les épitoges veuves étaient rares. alors que nous n'avions que le métro à prendre. Nous sommes décidément de bien piètres hôtes.

Quant à la couverture médiatique, si les radios et les télévisions d'information étaient présentes, elle se résume en quelques secondes d'images indiquant que nous avions manifesté. Les profs semblent avoir été mieux traités, avantage du nombre.

J'ai néanmoins eu le plaisir de servir d'escorte à ma chère consoeur Veuve Tarquine, qui, robe sur l'épaule et appareil photo en bandouillère, a mitraillé cet événement avec son talent habituel. Ses photos me font rougir d'avoir publié les miennes, mais côté matériel, je ne rivalisais pas (j'ai la consolation d'avoir un bien plus joli vélo qu'elle).

lundi 18 décembre 2006

Journal d'un avocat qui manifeste

Aujourd'hui encore, les avocats de France se mobilisent pour l'aide juridictionnelle. Une manifestation nationale aura lieu cet après midi.

Une manif, à Paris, c'est banal. Dans notre profession, c'est rare, même si ça le devient de moins en moins. La dernière, c'était en mars 2004, contre certaines dispositions de la loi Perben II. La précédente, c'était en décembre 2000, déjà pour l'aide juridictionnelle.

La justice en France va mal, et aucun des candidats à l'élection présidentelle n'en fait une priorité. Ce n'est pas un thème porteur électoralement, bien moins en tout cas que taper dessus, et hurler avec les loups en cas de dysfonctionnement.

Les avocats grondent aujourd'hui, mais c'est toute la justice qui est en colère.

Qui peut croire que la République peut jouer longtemps à ce jeu là ?

Un petit panoramique, à l'avant de la manifestation pendant qu'une délégation était reçue par le garde des sceaux pour lui remettre solennellement la plate forme adoptée par le CNB, document qui a aussitôt été déposé dans le compartiment papier des poubelles de la chancellerie, conformément à la Charte sur l'Environnement.

Le bâtonnier Frank Natali, président de la conférence des Bâtonniers, essaie de calmer les premiers rangs qui se frottent aux gendarmes mobiles bloquant l'accès à la boutique Boucheron la Place Vendôme.

jeudi 14 décembre 2006

La marée noire

Lundi, les avocats manifesteront à Paris, en une manifestation nationale, la première depuis décembre 2000, et toujours pour les mêmes raisons.

Le budget 2006 prévoit une augmentation de l'indemnisation des missions au titre de l'aide juridictionnelle de 8%. C'est sans doute le mieux qui puisse se faire en un an, mais la promesse faite en 2000 était de 15%...

Au-delà de cette augmentation (qui concrètement, signifie 14 euros de plus par dossier de défense devant le tribunal correctionnel...), c'est tout le système d'accès au droit des plus démunis qu'il va falloir revoir. Les plafonds d'attribution de l'aide juridictionnelle sont trop élevés par rapport à des indemnisations trop basses.

Je serai donc à cette manifestation, lundi prochain à 14 heures.

Histoire de sourire un peu, le point de départ de la manifestation sera place de l'Opéra. La Bastille ou la République, c'est vraiment trop prolétaire. L'arrivée sera Place Vendôme, devant le ministère de la justice.

Pour mes confrères provinciaux qui se demandent s'il faut amener des chaussures de randonnée, voici le trajet que cela fait :

D'après mon GPS, cela fait 400m environ. Inutile de prévoir du ravitaillement.

Noël approche, pensez à vos épouses : nous passerons devant Van Cleef & HarpelArpels, Fred et Cartier... Que l'augmentation de l'AJ leur profite un peu...

Cela dit, en décembre 2000, eu égard au nombre des avocats présents (4000), au désordre que cela créait à proximité d'un ministère et au principe général du droit que seuls les agriculteurs ont le droit de saccager des ministères, la manifestation avait, à l'improvisade, continué sur toute la rue Saint-Honoré jusqu'au Palais de Justice.

Voilà qui fera râler les avocats non parisiens, mais voici l'éditorial du bulletin du Barreau de cette semaine :

Après trois journées de mobilisation de la profession d’avocat et l’insistance des démarches de ses représentants solidaires et unis, effectuées tant auprès des parlementaires que du gouvernement, le Sénat a, le 4 décembre dernier, voté deux points de plus pour la réévaluation de l’unité de valeur. Ceux-ci s’ajoutent aux six points déjà proposés par le gouvernement. Ainsi, l’unité de valeur augmente de 8 % par rapport à 2004. Elle aura finalement été augmentée de 10 % au cours de la dernière législature. La commission mixte paritaire Sénat-Assemblée doit se réunir prochainement pour parvenir à un texte commun. Le gouvernement ayant donné son accord à l’amendement adopté par le Sénat, l’augmentation de 8 % semble donc acquise. Quoiqu’insuffisant, c’est un résultat significatif. En matière judiciaire, chaque dossier est unique. Il demande donc écoute, étude et intervention devant la juridiction concernée. Tout cela induit un coût que l’Etat s’était engagé à assumer pour partie. Les avocats, aussi consciencieux et désintéressés soient-ils, ne peuvent continuer à subir le poids d’une charge devenu insupportable. Avec tous les barreaux de France, le Barreau de Paris a donc fait entendre sa voix. Cette voix n’est autre que celle de la défense du droit au droit pour les plus démunis.

J'ai l'impression que l'ordre des avocats de Paris fait un enterrement de première classe à ce mouvement. On va encore se faire traiter de jaunes par nos confrères de province...

mardi 12 décembre 2006

La guerre de Troyes

Via le blog Avocats en Colère, j'apprends que la grève des avocats a pris une tournure acide à Troyes.

La Fédération Nationales des Unions des Jeunes Avocats (FNUJA) qui fédère toutes les Unions des Jeunes Avocats[1] relate sur son site qu'à la suite de la décision du Barreau de Troyes de refuser d'assurer les audiences du juge des enfants et du tribunal pour enfants pour tout le mois de décembre, le président du tribunal de grande instance de Troyes aurait menacé le bâtonnier et les avocats troyens qui refuseraient d'assurer les audiences de poursuites disciplinaires.

Je n'en sais pas plus à l'heure actuelle, et ce n'est pas le site du barreau de Troyes qui apporte des informations, mais si des magistrats ou des avocats de ce tribunal ont des précisions à apporter, qu'ils n'hésitent pas, fût-ce sous le ouvert de l'anonymat.

Pour le moment, je suis réservé face à cette information.

D'une part, le président du tribunal n'a pas le pouvoir de déclencher de telles poursuites. L'autorité de poursuite en matière disciplinaire est le bâtonnier, ce qui ci pose problème, ou le procureur général de la cour d'appel, de Reims en l'occurrence. D'autre part, une telle mesure, pour le moins radicale, révèle à mon sens un malaise plus profond et probablement un conflit antérieur entre le barreau et le président voire l'ensemble des magistrats, ce que j'ignore. Cette impression est renforcée par la précision suivante contenue dans le communiqué de la FNUJA :

Par ailleurs, les magistrats ne veulent plus accueillir l'Ordre au Palais de Justice pour récupérer les locaux, y compris le bureau du Bâtonnier. Le Barreau est donc entré dans la résistance par une décision votée à l'unanimité (65 voix pour 65 personnes présentes sur 77).

Enfin, au-delà de ces querelles locales, je ne comprends pas la décision de mes confrères de concentrer leur action, ou plutôt leur inaction sur la juridiction des mineurs, et sur une durée si longue. Refuser la défense pénale aux mineurs ou l'assistance aux mineurs faisant l'objet d'une protection de justice, pendant un mois qui plus est, ne me paraît pas une méthode digne d'approbation. Vous savez que je suis critique depuis le début sur le principe de la grève qui aboutit à refuser notre concours à ceux qui en ont besoin et qui ne peuvent mais au débat sur la réforme nécessaire de l'aide juridictionnelle. Laisser des justiciables livrés à eux même me met mal à l'aise. Quand ce sont des enfants ou des mineurs, c'est plus qu'un malaise que je ressens.

J'espère donc que des confrères m'apporteront de rassurantes précisions, et que des magistrats locaux leur apporteront la contradiction. Si le dialogue tourne court dans l'Aude Aube, peut être renaîtra-t-il ici ?

Notes

[1] Syndicat dont l'objet est la défense des intérêts des jeunes avocats en début de carrière et collaborateurs d'autres avocats

jeudi 30 novembre 2006

Blogue fermé

Aujourd'hui encore, les avocats de France suspendent toute activité juridictionnelle, et demandent le renvoi à une date ultérieure de toutes les affaires, sauf urgence ou si la liberté est en jeu.
Le gouvernement a clairement montré ses intentions : alors que le parlement avait voté un transfert de crédits au sein du budget de la justice au profit de l'enveloppe de l'aide juridicitonnelle (A.J.), le gouvernement a refusé ce transfert et rétabli l'état initial.
Déshabiller Pierre pour habiller Paul n'était sans doute pas une solution, mais il y avait là un message de demande de moyens supplémentaires que le gouvernement a choisi d'ignorer. Les périodes électorales sont celles des caseaux fiscaux, pas des responsabilités assumées.
Alors aujourd'hui, je ne plaide pas, je ne blogue pas, et je ferme encore une fois mon Journal.
un euro pour plaider

jeudi 23 novembre 2006

Quelques considérations sur l'actuelle crise de l'aide juridictionnelle

► Merci à tous mes confrères de province qui m'informent du mouvement dans leurs barreaux respectifs. Beaucoup de barreaux de province ont interrompu toute activité liée à l'aide juridictionnelle, à l'exception des audiences où la liberté est en cause : juge des libertés et de la détention, reconduites à la frontière. La manifestation du 18 décembre promet d'être un succès. Je serai à vos côtés dans la foule.

► Un confrère d'un barreau du sud-est m'indiquait des chiffres intéressants, relevés par son ordre dans un communiqué.

Les seuils d'aide juridictionnelle sont revalorisés chaque année, et plutôt généreusement, d'ailleurs : le seuil d'admission à l'aide juridictionnelle partielle est quasiment équivalent au SMIC. Et son barreau s'est livré à un petit calcul.

De 2000 à 2006, la rémunération de l'aide juridictionnelle a augmenté de 0,02%.

Sur la même période, le nombre de dossiers admis à l'aide juridictionnelle a augmenté de... 130%.

Là, c'est clair, l'Etat vient en aide aux plus démunis aux frais des avocats. Vous comprenez que cette charge devient dramatique dans un barreau de taille très modeste.

► Deux dossiers que j'ai eu récemment à traiter mettent en lumière le mauvais fonctionnement du système.

Dans un dossier, j'ai été commis d'office pour assister un prévenu qui avait des revenus confortables le mettant largement au-dessus des seuils de l'aide juridictionnelle. Il ne s'agit pas d'une fraude : n'étant pas habitué des prétoires, il ne connaissait pas d'avocat pénaliste. Il a donc demandé au bâtonnier de lui en désigner un. L'audience étant prévu à très bref délai, il était impossible de lui faire remplir une demande d'AJ. Un avocat a donc été commis d'office et sera rémunéré à l'AJ, soit 175 euros (ce dossier m'a pris 10 heures, rendez vous avec le client, consultation du dossier au greffe, recherches et rédaction de conclusions, outre l'audience où je reste jusqu'au délibéré). Le bureau d'aide juridictionnelle constatant que ses revenus ne lui ouvrent pas l'aide juridictionnelle demandera le remboursement de la somme qu'il m'a versée, soit 175 euros. Opération neutre pour lui. J'en suis de ma poche pour moi, un tel dossier aurait dû être facturé au moins dix fois plus. Pendant ces dix heures, mon loyer a couru, le salaire de mon assistante aussi.

Dans le second, je suis commis d'office pour assister un indigent. Le parquet général a fait appel d'une condamnation à une amende de 100 euros. Mon client étant indigeant, 100 euros ou 1000 euros, c'est kif-kif : il ne paiera pas. Ma consolation est que j'ai plus à gagner (175 euros là aussi) que le trésor public sur ce coup là. Ha, non, même pas, il a droit en plus de l'amende à 90 euros de droit de procédure. Et je sais que je vais devoir me fendre de conclusions solides puisque je pense que cet appel est irrecevable en vertu d'une jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'homme, donc longues à rédiger.

Ces deux dossiers s'étant suivis à quinze jours, c'est une catastrophe économique pour mon cabinet. 20 heures de boulot pour 350 euros. Ou alors je ne fais rien, je vais agiter les bras à l'audience où je découvrirai le dossier, et mon client verra sa peine aggravée. Vu qu'il est indigent, de toutes façons, il ne paiera pas. Alors ? Je suis consciencieux ou pas ?

► Le mécontentement des avocats est tel qu'une simple augmentation de 15 ou 20% de l'AJ ne suffira pas. C'est tout le système qu'il faut remettre à plat. Un récent rapport dont je ne retrouve pas les références (je modifierai le billet dès que je les aurai retrouvé, je ne doute pas que mes commentateurs y pourvoiront) de la Commission Européenne Pour l'Efficacité de la Justice (CEPEJ) soulignait que la France, de tous les pays d'Europe (je ne sais si des 25 ou du Conseil de l'Europe, soit 46 pays, incluant la Turquie) ouvrait le plus l'admission à l'aide juridictionnelle, et rémunérait le moins bien les avocats commis d'office. Voilà l'inacceptable contradiction.

► Certains pourraient penser que cette grève n'est qu'une affaire de nantis qui essayent d'arrondir leur fins de mois dorées en ponctionnant l'Etat, espérant ainsi récupérer leur ISF. Et de suggérer que plutôt que faire la grève de l'aide juridictionnelle, nous devrions cesser de défendre les riches et nous consacrer aux pauvres. Ce serait très populaire, sans nul doute. Mais faire cela rien qu'une semaine, c'est le dépôt de bilan assuré. Nous sommes chefs d'entreprise. Nous avons des charges fixes à payer, des salariés dépendent de nous. Devons nous les mettre eux aussi en danger ? Il y a des mois où des avocats ne se payent pas, et en prime négocient un prêt ou un découvert pour payer leur salarié. Et beaucoup gagnent chaque mois moins que le SMIC, et sont dépendants des revenus de leur conjoint. Ca donne envie de rejoindre la profession, n'est ce pas ?

Sachez que s'il y a des avocats très riches, il y en a aussi des très pauvres. Ce sont ces derniers qui font le plus d'AJ, à cause de leur secteur géographique (quand on est avocat dans le Val de Marne ou en Seine Saint Denis, pour parler des départements que je connais le mieux, on n'a pas le choix) ou de leur domaine d'activité (le droit pénal, le droit des étrangers, c'est beaucoup d'AJ). Les très riches ne font pas d'aide juridictionnelle. Par goût quand ils sont sur Paris, puisque ce n'est pas obligatoire ici, mais aussi du fait de leur domaine d'activité. Quand on fait du droit social pour une clientèle d'employeurs, on n'est jamais à l'aide juridictionnelle. Pas plus que quand on fait de l'arbitrage international. Donc il n'y a pas de transfert possible au sein du cabinet : la multinationale qui a un dossier d'arbitrage international payerait pour le client indigent, les honoraires de la première étant ajusté pour compenser la modestie de ceux demandés au second. Quant au transfert "que les avocats riches payent pour les clients pauvres", ça existe : ça s'appelle l'impôt, que l'Etat prélève au nom de la solidarité nationale, mais néglige de restituer quand cette même solidarité l'exigerait. Alors la solution est-elle : cessons de faire du droit pénal, consacrons nous à la défense des employeurs, au droit maritime et à l'arbitrage international ? C'est ce que vous souhaitez pour notre société ?

A titre d'information, depuis cette année, les avocats peuvent faire l'objet de redressement et de liquidations judiciaires, selon un système spécifique distinct de celui des entreprises commerciales mais très inspiré. Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, 85 avocats ont "déposé le bilan", et entre 1500 et 2000 confrères parisiens seraient menacés d'une telle procédure, qui emporte interdiction d'exercer la profession à titre libéral, seule la forme salariée étant admise. Et les avocats salariés sont rares. Une telle décision entraîne de facto le retrait de la profession. Et ces avocats ne sont pas mauvais avocats, ce serait si commode ; mais ils sont mauvais gestionnaires, ou dépendent d'un ou deux gros clients (Banque, office HLM, institutionnel) qui leur fournit des dossiers en quantité qui assurent la trésorerie du cabinet, et qui peuvent partir du jour au lendemain sans qu'on ait quoique ce soit à dire. L'exercice individuel ou en petite structure est très casse gueule. C'est une angoisse que nous connaissons au quotidien, comme tout patron de PME.

Alors ne prenez pas à la légère la colère qui monte. Elle est légitime, elle est juste, et l'enjeu vous concerne tous au premier chef, chers lecteurs justiciables.

lundi 20 novembre 2006

Grève de l'aide juridictionnelle : le Barreau de Bobigny rejoint le mouvement

Le Barreau de Bobigny annonce sur son site (très web 1.0) qu'il s'est réuni en "assemblée générale extraordinaire", formation qui à ma connaissance n'a aucune existence légale, et a voté aujourd'hui la suspension totale de toute activité au titre de l'aide juridictionnelle de demain jusqu'au 8 décembre prochain. Cela semble indiquer que les permanences pénales ne seront plus assurées à la 17e chambre (les comparutions immédiates), aux juges d'instruction et au JLD ; à moins que le renvoi ne soit systématiquement demandé, à moins encore que l'épithète "totale" ne soit que symbolique. Si un confrère d'outre-Ourcq me lit, des précisions sont bienvenues.

Bobigny sans AJ, je peux vous dire que ça va se sentir...

Aux confrères de province qui me lisent, merci de me faire savoir, en commentaire par exemple, si votre Barreau a également décidé de telles cessations d'activités, selon quelles modalités, et comment ça se passe. L'info passe mal d'un barreau à l'autre, et le mouvement manque de visibilité. Alors, c'est avec plaisir que je mets ce blogue à la disposition de ce mouvement pour faire parler de lui.

Les avocats du Val de Marne ne font pas la grève du blogue...

... ils font le blogue de la grève.

C'est ici que ça se passe.

Les commentaires sont ouverts. Vous pouvez y dire du mal des avocats parisiens, ils adorent nous taper dessus (témoin ce billet), mais comme ce n'est pas toujours immérité, je ne saurais leur en vouloir.

Mais comme je ne saurais recevoir d'outrage sans réagir, à mon tour de leur donner le coup de pied de l'âne sur leur dernier billet indiquant que le mouvement a été reconduit ce jour :

Ce jour, vers 13 heures, l'assemblée générale du Barreau du Val-de-Marne a décidé de poursuivre la grève selon les mêmes modalités, savoir absence de toute désignations civiles et pénales, absence de tout avocat dans le cadre de la permanence, et poursuite de l'arrêt des dossiers en cours.

Poursuite de l'arrêt ? Je connaissais l'arrêt des poursuites, mais là...

Bon, blague dans le coin, « absence de tout avocat dans le cadre de la permanence », comme je l'ai déjà indiqué, je n'approuve pas ; mais j'assure ces confrères de tout mon soutien pour leur mouvement de protestation qui est légitime, et plus encore : il est juste.

jeudi 16 novembre 2006

Journal d'un avocat toujours en colère

Aujourd'hui est une nouvelle journée d'action des avocats de France pour protester contre la violation par le gouvernement de sa promesse faite en décembre 2000 de revaloriser l'indemnisation des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle de 15% sur trois ans.

Par solidarité avec ce mouvement que je soutiens pleinement, ce blogue sera hors ligne aujourd'hui encore.

mercredi 8 novembre 2006

Journal d'un avocat en colère

Reprise des travaux. Je mets en billet ci-dessous le contenu de mon message d'accueil, avec cette fois les commentaires ouverts. Merci à Laurent et à l'Observatoire des blogs francophones d'avoir relayé le message. Mise à jour : les commentaires sont ouverts.

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