Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Dans le prétoire

Choses vues et entendues.

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jeudi 13 avril 2006

Un juste

C'est un magistrat chenu, l'hiver qui a recouvert ses cheveux témoigne de son expérience. Il siège dans un tribunal de grande instance dans le ressort du quel se trouve un aéroport international, où il exerce les fonctions de juge des libertés et de la détention, notamment dans la terrible matière du droit des étrangers, terrible matière qui fera prochainement l'objet d'une série de billets tant la colère monte en moi.

Les étrangers qui sont amenés devant lui viennent soit d'un centre de rétention des étrangers, soit d'une zone d'attente de l'aéroport. Congolais de RDC, Congolais de Brazzaville, Colombiens, Maliens, Nigérians, Biélorusses, ils fuient tous des criminels aux noms aussi variés que Cobras, Ninjas, FARC, et les pires de tous, Misère et Désespoir. Les malheurs du monde défilent dans son prétoire, escortés par des gardiens de la paix.

A l'appel de chacun des dossiers, il regarde droit dans les yeux l'étranger prendre place, essayant par un sourire empreint d'humanité d'apaiser la peur qui noue le ventre de celui qui comparaît. Jamais il n'oublie de faire précéder son nom de "Monsieur" ou "Madame", il s'adresse à eux en des termes calmes et respectueux. C'est peu dire que l'audience s'en ressent. La sérénité baigne le prétoire.

A un Congolais dont la voix étranglée par la peur et la fatigue n'arrive pas à exprimer dans un français qu'il maîtrise mal les raisons détaillées de sa fuite, il dit "Soyez sans crainte, le tribunal sait que l'on ne quitte pas son pays sans y avoir mûrement réfléchi et sans avoir de bonnes raisons de le faire". C'est une évidence, mais qu'il est bon de l'entendre rappeler.

Il examine les procédures avec un soin méticuleux, aidé en cela par des avocats de permanence particulièrement compétents, et sanctionne impitoyablement le moindre vice. Ainsi ce Yougoslave amené devant lui, à bout de forces à cause de l'épuisement (il n'a pas dormi depuis son placement en rétention il y a deux jours) et de désespoir : au moment de sa sortie de prison pour infraction à la législation sur les étrangers, alors qu'il était "sortant", on lui a notifié son placement en centre de rétention en vue de son expulsion et il a vu sa liberté promise s'envoler de sous son nez. Le placement en rétention mentionne bien l'heure de notification, mais pas la levée d'écrou, qui ne mentionne que la date. Or il est impératif que la notification ait eu lieu AVANT sa levée d'écrou. Comme le juge n'est pas en mesure de s'assurer que la procédure a été respectée, il l'annule, en rappelant que la constitution fait de lui le gardien des libertés individuelles. "Vous serez libre dans quatre heures, sauf si le procureur fait appel", dit-il en souriant à l'homme qui n'ose croire que son cauchemar va prendre fin.

Et ce dernier étranger, qui justifie avoir échappé à un attentat par balles le visant directement et à qui la police de l'air et des frontières chipote le caractère sérieux de sa demande d'asile (une victime d'attentat se doit de succomber pour être prise au sérieux par l'administration) et dont la famille en France offre de l'héberger, après avoir approché de son bureau pour signer le procès verbal de la décision ordonnant sa remise en liberté immédiate, sursaute quand le magistrat se lève pour lui serrer la main, poignée de main muette et non consignée au procès verbal mais que tout le monde comprend comme des excuses tacites : la place d'un homme qu'on veut assassiner n'est pas en zone d'attente le temps que la police le réexpédie en urgence dans son pays d'origine.

Beaucoup de ceux qui comparaissent aujourd'hui ressortiront libres, grâce à l'actions conjuguée d'avocats compétents et d'un juge ayant compris que l'enjeu de la matière n'est pas la maîtrise d'un flux que l'on voudrait choisi et non subi, mais la liberté d'individus, d'êtres humains, que l'on parque dans des conditions ignobles pour faire des statistiques en vue d'une prochaine échéance électorale.

Le parquet ne fera appel d'aucune de ses décisions.

Dans un pays qui est en train de perdre la raison quand on lui parle d'étrangers, il est un magistrat qui sauve notre honneur car il est juste, et il l'est au nom du peuple français.

jeudi 6 avril 2006

Dé-libérez les Pieds Nickelés

(Où l'auteur lève le voile sur le destin de nos livreurs de shit kebab)

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mercredi 5 avril 2006

Les pieds nickelés sont dans la place

Où l'auteur tourne enfin la page du CPE et retourne dans le prétoire pour y tomber nez à nez avec ses nouveaux ennemis.

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mercredi 15 mars 2006

L'homme qui n'existait pas

L'homme qui n'existait pas a failli être mon client. Un jour que j'étais de permanence aux comparutions immédiates, son dossier est tombé sur mon bureau, parce que j'étais arrivé le premier. Il avait déjà fini le circuit procureur-enquêteur de personnalité.

"Déjà ?" demandè-je. "Oui, répond l'adjudant chef qui supervise les dossiers, il a refusé de voir l'enquêteur de personnalité et n'a rien dit au procureur".

Ca commence bien, me dis je en saisissant son dossier. Et ça continue, soupirè-je en sortant un casier judiciaire de huit pages, mentionnant une quinzaine d'alias. Je lis le dossier et d'un coup la misère terrible d'un naufragé de la bureaucratie envahit le bureau qui m'a été attribué.

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mardi 28 février 2006

Les petits Outreau

Au coeur des émeutes de l'automne dernier, j'avais raconté l'ambiance électrique qui pouvait régner dans certains tribunaux de banlieue à cette époque dans ce billet : La banlieue dans le prétoire.

Un confrère, Atoon, racontait son expérience dans un commentaire :

Un petit mot pour confirmer tes impressions d'audiences : j'ai assuré la défense d'un jeune à une audience dans des circonstances similaires : tentative d'incendie d'un centre social reconnu par un prévenu qui dénonce trois des ses amis. Les trois dénoncés nient. Aucune enquête de police, audience de comparution immédiate dans une ambiance très similaire au cas que tu évoques et conclusion : tout le monde a pris 12 mois dont 7 fermes avec mandat de dépot.

Je ne sais pas si mon client était coupable, il a 23 ans, un casier vierge, n'a qu'une envie c'est de partir de sa banlieue et le voilà en prison pour 7 mois (moins les remises automatiques) et un avenir professionnel un peu plus compromis.

J'ai fait appel et j'ai espoir (vain sans doute).

Je me demande cependant comment notre société compte faire grandir le respect du à la justice dans ces cités à partir du moment où les citoyens y sont traités par la justice de façon aussi légère.

J'imagine si en bas de chez moi une voiture avait brulé, la police aurait fait une enquête, ordonné confrontation des prévenus (ce qui n'a pas été fait dans le cas que j'évoque), interrogé des témoins, fait des constatations matérielles et n'aurait renvoyé à une audience normale que les personnes contre lesquelles ils existaient d'autres preuves qu'une simple dénonciation.

En période de crise, les garanties des justiciables semblent s'effacer d'autant plus vite qu'ils viennent de certains milieux...

Pour finir l'anecdote, à la même audience j'ai assisté un jeune plus blanc et habitant un quartier plus fréquentable qui avait reconnu avoir brulé plusieurs voitures. Pompier volontaire, j'ai plaidé la pyromanie et la prise en charge médicale. Il n'a écopé que d'une peine avec sursis...

Ce même confrère vient de reprendre contact avec moi pour me raconter la suite.

L'appel a eu lieu aujourd'hui, mon client a été relaxé au vu de l'indigence du dossier. Son honneur est sauf, mais il a passé un peu plus de trois mois en prison. A noter qu'à l'audience, l'avocat général m'a carrément fait la leçon en ces termes : votre client aurait mieux fait de purger sa seine et de s'en contenter plutot que d'interjeter cet appel dénué de toute chance d'aboutir.

Comme quoi, il ne faut pas toujours écouter les confrères qui m'ont tous dissuadé de faire appel également (je précise comme tu l'as deviné que je ne fais pas partie de la grande caste des pénalistes).

Comme je lui ai répondu, cette relaxe obtenue en appel contre l'avis du parquet général et surtout de cet aréopage de confrères bien intentionnés l'y fait renter au contraire par la gande porte.

Les propos de l'avocat général tels qu'ils sont rapportés peuvent surprendre et méritent d'être interprétés. Ce magistrat n'a certainement pas voulu dire que quand on est condamné à tort, il vaut mieux ne pas faire appel malgré tout plutôt que d'oser insinuer qu'un tribunal s'est trompé. Cette appréciation repose sur un calcul simple : condamné début novembre, à sept mois fermes, cela veut dire libération au bout de cinq mois (soit date de sortie début mars, peine purgée) et possibilité de libération conditionnelle mi janvier, c'est à dire qu'il pouvait espérer être libéré avant que l'appel ne soit jugé, tandis que son appel, ayant un effet suspensif, empêchait le jeu des réductions de peine et a fait que le prévenu a comparu détenu devant la cour. Dès lors, faire un appel aurait été un très mauvais calcul de la part de l'avocat si la condamnation avait été confirmée. Voilà le fondement du reproche formulé par l'avocat général.

Ce genre de calcul est fréquemment fait par les prévenus condamnés à de courtes peines de prison (du genre deux ou trois mois fermes) qui savent, s'ils ont de l'expérience, ou apprennent très vite à la maison d'arrêt qu'ils sortiront plus vite s'ils ne font pas appel. Et les juges des tribunaux correctionnels le savent très bien eux aussi. Le tuning de la peine existe pour décourager les appels sur des dossiers où l'intime conviction du juge l'emporte sur les faits matériels dans le dossier.

Et voilà un prévenu qui a effectué trois mois de détention pour rien. Et qui a eu le courage de préférer la prison à l'admission d'un délit qu'il n'avait pas commis contre l'espoir d'une plus prompte sortie. Un mini Outreau, qui passera inaperçu et donnera lieu à une indemnisation misérable.

Je ne vais pas me lamenter en versant des larmes de crocodiles sur cette justice qui se trompe parfois. La justice peut se tromper, parfois aussi en relaxant un coupable, et de telles détentions sont inévitables. Traitez moi de cynique désabusé, mais j'en fais mon parti. Tant que je ne serai pas infaillible, je n'aurai pas le front d'exiger que d'autres le fussent. Je voulais juste que cette affaire, noyée dans le maëlstrom quotidien du traitement en temps réel, qui emporte juges, procureurs, avocats et surtout prévenus et parties civiles, ne passe pas par perte et profit.

Car le jugement qui a envoyé un innocent trois mois en prison commençait par ces mots : Au Nom du Peuple Français.

jeudi 9 février 2006

Affaire Monputeaux : le compte rendu d'audience

Après itératives mises en demeure, voici mon compte rendu de l'audience du 3 février dernier devant la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris, dans l'affaire opposant Christophe Grébert à la Commune de Puteaux.

En fait, deux affaires distinctes sont jugées en même temps : l'une opposant Puteaux au Parisien et à mon confrère Jean-Gilles Halimi (oui, il est prévenu), et l'autre opposant Puteaux à Christophe Grébert.

Pendant que les avocats exposent les moyens qu'ils entendent soulever et que les témoins sont appelés, la tribune de presse bruisse comme un soir de première. Le Monde, Libération, Le Parisien, Le Figaro, la presse est là et c'est ambiance franche rigolade :

Tandis que l'un des assesseurs examine l'article du Parisien incriminé :
- Quand même, au lieu de bosser, ils se permettent de lire le journal ! (gloussements dans la tribune)
- Bon, qu'est ce qu'on attend ? C'est long !
- Oh, il est joli votre stylo, Maître (et de s'en saisir sans me demander ma permission).
- Qui c'est lui ?
- C'est le directeur juridique du Parisien.
- Haaaa... (Perdu : c'est maître Halimi).

L'audience commence enfin.

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jeudi 17 novembre 2005

Des fois on se demande à quoi on sert

Un jour de permanence à la 23e chambre (qui juges les comparutions immédiates), je mets à profit quelques instants de battement pour discuter avec un autre avocat de permanence nos dossiers respectifs, histoire d'échanger des idées.

Il m'explique qu'un des ses clients du jour est poursuivi pour des faits de violences avec arme de 6e catégorie (armes blanches), en l'occurence une barre de fer de 30 cm. Le dossiers est mauvais : le mobile de l'agression sent le racisme à plein nez, le prévenu était ivre mort et en garde à vue a raconté une version délirante selon laquelle il défendait en réalité un ami (dont il ne connaît ni le nom de famille ni le numéro de téléphone, numéro qui ne figure pas dans le répertoire de son téléphone mobile), et qu'il n'a sorti sa barre de fer que lorsque trois copains de sa victime qui passaient par là par hasard sont venus lui prêter main forte. Or la victime est un provincial qui était venu avec sa fiancée passer le week end en amoureux à Paris. Quant à la barre de fer, il explique que c'est la première fois qu'il est sorti avec, parce qu'il a lui même été agressé il y a peu. Ajoutons qu'il a été interpellé immédiatement par une patrouille de police qui passait derrière lui à ce moment là, patrouille qui dément totalement l'agression préalable. Bref, un roi du baratin, qui nie l'évidence et fait le procès de la victime. Tout ce qui met un juge de bonne humeur.

Les points positifs du dossier sont l'absence de casier du condamné, son profil d'étudiant bien inséré et le fait que les blessures sont très légères (deux jours d'incapacité totale de travail, s'il n'y avait pas la barre de fer, il ne serait pas en correctionnelle).

Il m'indique qu'il a montré à son client les invraisemblances du récit, et lui a conseillé de dire la vérité, qui est facile à deviner : l'agressivité exacerbée par l'alcool, le mensonge inventé sous le coup de l'angoisse de la garde à vue. Qu'il présente ses excuses et s'engage à indemniser la victime, qui présente une demande très raisonnable, et ça devrait bien se passer.

En effet, assumer sa responsabilité quand on est en faute n'est pas un réflexe naturel, mais c'est ce qu'attend le tribunal et pour peu qu'il y ait des accents de sincérité dans cette attitude, la décision s'en ressent. Je conviens pour ma part que c'est en effet ce qu'il y a de mieux à faire.

Quelques heures après, ce jeune homme est introduit dans le box. La présidente constate son identité, rappelle la prévention et constate son consentement à être jugé aujourd'hui. Puis elle rappelle brièvement les faits, qui sont simples, et se tourne vers lui en disant : « Alors, aujourd'hui, qu'est ce que vous avez à dire sur ce qui s'est passé ? ».

Et aussitôt, le prévenu se lance dans son histoire de légitime défense de son ami-dont-il-ne-connaît-que-le-prénom, des amis qui passaient par là, sans changer un iota. Du coin de l'oeil, j'observe mon confrère, qui regarde ses notes sans broncher. D'un air détaché, il prend son stylo et semble prendre des notes. En fait, il écrit rageusement « Putain mais quel c... ! »

Seul hommage au travail en amont de son défenseur, il conclut son récit épique en précisant qu'il regrette profondément ce qui s'est passé et présente ses excuses à la victime.

Le procureur est à la fête. Un provincial vient à Paris avec sa fiancée pour agresser des gens dans la rue, c'est certain. Le monde est petit puisqu'à ce moment viennent à passer non pas un, non pas deux, mais trois de ses amis, venus eux aussi, quel hasard, agresser des passants à Paris. Et vaillament, il prend la défense de quelqu'un que visiblement il connaît à peine puisqu'il ne peut que donner son prénom, et encore, c'est peut être bien un surnom. Et cette barre de fer, quelle prévoyance louable. Mais voyons, s'il a défendu son ami, il n'a pas à exprimer de regrets ni d'excuses à présenter ! Au contraire, il devrait exiger les acclamations du tribunal ! Il demande pour le repos du guerrier un séjour, aux frais de la République reconnaissante, de huit mois ferme avec maintien en détention.

Son avocat ne peut que se dissocier de cette version des faits, invoquer la peur du tribunal qui paralyse la raison, insister sur le caractère léger des blessures, sur l'absence totale d'antécédents judiciaires.

Et contenir sa rage contre son client sous un masque d'impassibilité quand le tribunal colle six mois fermes à celui-ci, sans maintien en détention toutefois.

Si vous saviez combien de fois cela m'est arrivé à moi aussi. Et combien de fois cela m'arrivera encore ?

Prévenus, n'écoutez jamais votre avocat. Vous êtes plus malin que lui et plus malin que tout le monde. Baratinez les juges, ce sont des sots crédules qui ne connaissent rien à la vie. Et tout se passera bien.

mardi 8 novembre 2005

La banlieue dans le prétoire

Audience de comparution immédiate d'un tribunal correctionnel de la périphérie parisienne. L'audience du jour est très chargée, et l'audience de comparution immédiate a été doublée : deux chambres siègent simultanément. Au menu du jour : destructions volontaires de bien privé par incendie (ça alors...)

L'ambiance est électrique : famille et amis des divers prévenus sont là pour les soutenir, la présence policière est renforcée.

Cinq prévenus arrivent menottés, rapidement interpellés par des amis dans la salle "Ho, Manu !" ; "Courage mon frère !"...

Le tribunal menace de faire évacuer la salle, ce qui ramène péniblement l'ordre. L'huissier est collé au bureau du procureur, très mal à l'aise. Le tribunal constate l'identité des prévenus, rappelle la prévention retenue (qui leur fait encourir 10 années d'emprisonnement) et demandent s'ils acceptent d'être jugés tout de suite.

Leurs avocats leur ont dit d'accepter, puisqu'en cas de refus, le tribunal statuerait sur leur éventuelle détention d'ici le procès sur le fond, et que vu les circonstances actuelles (le code de procédure pénale dit "trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public"), la détention serait certaine : il n'y a rien à perdre à plaider tout de suite.

Les cinq prévenus, dont quatre travaillent, le cinquième, à peine majeur, étant encore scolarisé, étaient réunis vendredi soir dans un terrain vague de la commune où ils ont l'habitude de se réunir pour boire de la bière, écouter du rap à fond sur un autoradio et faire des démarrage en trombe sur leur scooter. Un voisin, lassé du bruit, a appelé la police, à l'arrivée de celle-ci, les jeunes étaient partis, mais une fourgonnette brûlait non loin. Grâce au signalement des véhicules, les prévenus ont été rapidement appréhendés par la BAC qui n'a pas hésité à faire chuter le prévenu en scooter pour l'arrêter.

L'enquête a été bâclée, c'est le moins qu'on puisse dire, et les avocats de la défense ne se privent pas de relever les faiblesses de l'enquête : personne n'a vu qui a bouté le feu à la fourgonnette, ni qui a éteint l'incendie, le véhicule n'étant qu'à moitié calciné : les constatations sur place tiennent sur une demi page. Ça sent les services de police débordés.

Les versions des cinq prévenus, recueillies isolément, concordent parfaitement sur leur emploi du temps de la soirée, où ils sont allés après leur réunion sur le terrain vague, qui ils ont vu, etc. L'un d'entre eux, celui au scooter, a un casier judiciaire, quatre mois avec sursis pour violences volontaires. Il essaye maladroitement d'en tirer un argument : « Avec ces quatre mois au dessus de la tête, la dernière chose que j'ai envie, c'est de chercher les ennuis ! ». Il explique qu'il a tenté d'échapper à la police parce que son phare avant ne marchait pas (les PV relèvent en effet qu'il roulait sans lumière avant). Pour le procureur, l'argument n'est pas pertinent : « Ce tribunal voit assez de délinquants réitérants pour savoir qu'un sursis n'est pas suffisant pour arrêter un délinquant ; quand en plus il y a l'émulation du groupe et une volonté de compétition par médias interposés... Quant au phare avant, pour ça, on risque une peine d'amende ; en ne s'arrêtant pas, c'est un refus d'obtempérer, et on risque la prison ! Si vraiment c'est que vous redoutez par dessus tout, faites en sorte de ne pas avoir un comportement qui vous y expose ! ».

Il demande huit mois ferme pour tout le monde, avec mandat de dépôt, et révocation du sursis pour le jeune homme au scooter. Les avocats demandent en cœur la relaxe, la preuve de la culpabilité des prévenus dans l'incendie n'étant absolument pas rapportée.

Le tribunal se retire pour délibérer. Dans la salle des pas perdus, l'ambiance est lourde, des policiers en tenue anti-émeute sont arrivés en renfort.

Après trois quart d'heure, le tribunal revient.

Les prévenus sont tous déclarés coupables, et se prennent trois mois ferme, quatre pour le jeune homme au scooter, mais sans révocation du sursis, mandat de dépôt pour tout le monde.

Et là, c'est l'explosion.

« Enculés ! C'est ça la justice ? Fils de pute ! Va niquer ta mère ! » fusent de la salle. Deux des prévenus fondent en larme. Les familles et amis se lèvent et avancent ver le tribunal, qui doit battre en retraite précipitamment. Les avocats s'interposent et tentent de ramener le calme (et vu l'âge de certaines, et le gabarit d'autres, il faut leur rendre hommage. La police fait évacuer le tribunal, les injures volent, on est à deux doigt de l'explosion de violence, mais le sang froid des policiers permet d'éviter l'étincelle. Les avocats discutent longuement avec les familles des prévenus sur les marches du palais.

En fait, l'explosion de colère vient du fait que des amis des prévenus ont vu le procureur discuter avec les juges, avant qu'ils ne viennent rendre leur délibéré. C'est fréquent, rappelons que juges et procureurs sont collègues, ils font partie du même corps de fonctionnaires et que leurs bureaux sont dans les même locaux. Je suis prêt à parier que le procureur n'a pas abordé avec les juges les faits examinés parle tribunal, il est de plus presque certain que le tribunal avait déjà délibéré, avait signalé au procureur par téléphone que les décisions allaient être rendues (la présence du procureur est indispensable au prononcé des jugements), et qu'ils échangeaient quelques amabilités et des commentaires anodins sur l'audience. C'est ce qui arrive tous les jours. Cela nous déplaît fortement : nous sommes partie au procès au même titre que le procureur, et nous verrions envoyer sur les roses si nousallions deviser avec le tribunal dans les couloirs. L'égalité des armes suppose une égalité de traitement (Pour ma part, je préconisue que les procureurs se voient envoyer sur les roses, le temps des magistrats est précieux). Mais ce n'est pas une pression exercée par le parquet sur le tribunal.

Il demeure que la femme de César ne doit pas être soupçonnée. Donner une apparence de connivence et de volonté d'influencer, un jour pareil, avec une ambiance aussi électrique, c'est une terrible maladresse.

Les esprits mettent du temps à se calmer, mais finalement, la foule se disperse. Jamais ce tribunal n'a autant ressemblé à une forteresse assiégée.

En m'éloignant du palais, j'aperçois une de mes jeunes consœurs dans sa voiture, stationnée.

Elle a la tête appuyée contre le volant. Elle est secouée de violents sanglots.

Elle défendait le jeune homme au scooter.

jeudi 3 novembre 2005

Prudence et modestie

Mes lecteurs habitués savent désormais que je peste régulièrement contre les avocats qui touchent à la matière pénale sans la connaître, souvent pour se faire plaisir ou rendre service à un client.

Le danger est bien évidemment la morgue du pénaliste, et une anecdote récente m'a montré combien il faut être vigilant de ne pas tomber dans ce piège.

J'ai été commis d'office pour assister, une fois n'est pas coutume, une partie civile devant la chambre des appels correctionnels (j'exagère, un petit tiers de mes dossiers pénaux sont du côté de la partie civile).

Comme il est d'usage, je cherche mon contradicteur, qui est une contradictrice contradicteuse femme pour me présenter à lui et lui remettre copie des pièces que j'entends produire devant la cour.

Je la trouve accoudée à la barre en pleine discussion avec une amie. Elle est jeune, moins de trente ans, et son amie est visiblement une copine de fac. J'attends une pause dans le papotage pour me glisser dans son champ de vision, mon dossier bien en évidence où figure en gros caractère le nom de mon client, et du sien précédé de la mention "contre".

Présentation, échange d'amabilités, puis je lui remets mes pièces.

Je m'enquiers alors :

« Avez-vous des pièces ou des conclusions que vous versez aux débats ? »

Et je me prends en retour, certes agrémenté d'un fort joli sourire :

— « Vous savez, nous, les pénalistes, nous ne prenons jamais de conclusions. »

Son amie me regarde avec une certaine commisération.

J'avoue avoir été pris de cours. Je me suis contenté de répondre « Ha, j'en apprendrai tous les jours », et ai regagné ma place.

Il est exact qu'en défense au pénal, les conclusions sont rares, puisqu'il est difficile de savoir comment va se passer l'audience. Il est délicat de déposer des conclusions de relaxe et d'entendre son client avouer les faits dès qu'on lui pose une question. La plaidoirie finit de se préparer au cours de l'audience. Néanmoins, certaines situations rendent les conclusions nécessaires : soutenir une nullité de procédure (ça ne pouvait pas être le cas, nous étions en appel et aucune nullité n'avait été soulevé devant le tribunal) ou quand on présente une argumentation juridique complexe, pour contraindre la juridiction à y répondre de manière précise.

Ma question n'était donc pas incongrue et ne révélait pas le béotien.

Dans sa précipitation, elle a oublié que le doute doit bénéficier à l'accusé.

Post scriptum : son client a vu sa peine aggravée. Je ne suis pas sûr de ne pas porter une part de responsabilité.

lundi 17 octobre 2005

« Je suis un peu stressé, Madame le Président… »

Audience du tribunal correctionnel, siégeant à juge unique.

Le prévenu à la barre s'appelle Michel, il est plutôt petit, rondouillard, chauve, et rouge comme un code Dalloz.

La présidente, une femme à poigne très pince sans rire, rappelle la prévention.

« Vous êtes prévenu d'avoir, à Paris, dans un lieu accessible au public, à savoir votre voiture stationnée non loin de la sortie du Collège Sainte-Trolle, commis un acte d'exhibition sexuelle, en l'espèce en vous masturbant en regardant les jeunes filles. »

Elle lève les yeux vers le prévenu d'un air impassible : « Reconnaissez-vous les faits ? »

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vendredi 30 septembre 2005

« C'est de la procédure, ne cherchez pas à comprendre »

Où votre serviteur devient un athlète grâce aux régles d'application dans le temps des lois de procédure.

Audience d'une juridiction de proximité de banlieue. J'attends pour assister un prévenu. Le tribunal de police siège également le même jour dans la même salle, puisqu'il n'y en a qu'une. Il siège en premier, présidé par un juge d'instance, magistrat professionnel.

Les juges de proximité, institués par la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002, se sont vus attribuer compétence pour juger certaines contraventions des 4 premières classes (amendes faisant encourir un maximum de 38 euros, 150 euros, 450 euros, et 750 euros, respectivement). Le juge de police, qui autrefois jugeait toutes les contraventions, reste compétent pour toutes les contraventions de la 5e classe, passibles d'amendes jusqu'à 1500 euros, 3000 euros en cas de récidive.

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lundi 26 septembre 2005

Non, merci, j'ai ma carte orange

Il est des témoignages qui sont pires que le plus vigoureux des réquisitoires.

Une femme d’âge mur, mère de famille, infirmière à domicile, est à la barre de la cour d’assises.

Elle vient raconter son viol à douze inconnus qui la regardent ; trois joliment habillés avec de la fourrure blanche pour l’un d’entre eux, et neuf personnes ordinaires, habillées comme n’importe qui, tirées au sort le matin même.

L’homme assis dans le box à sa droite cache mal son ennui, absorbé dans la contemplation de ses chaussures comme si c’était la chose la plus intéressante de toute la salle Il l’a croisée un jour dans un hall d’immeuble où elle venait administrer des soins à une personne âgée, un petit vieux diabétique qui vit seul depuis la mort de son épouse.

Il l’a attrapée par les cheveux, l’a entraîné en haut de l’escalier de secours de l’immeuble, lui a mis un cutter sous la gorge et lui a dit que si elle appelait au secours, il lui trancherait la gorge. Il a essayé en vain de mettre un préservatif, mais n’y est pas parvenu. Alors il y est allé sans.

Pendant tout l’acte, elle a gardé les yeux fermés, et s’est efforcée de pleurer sans bruit, en pensant à son fils unique, d’à peine 20 ans, qui n’a qu’elle dans la vie.

Finalement, le type s’en va, ayant fini son affaire, et lui dit que si elle appelle au secours avant une heure, il la tue. Le temps de recouvrer ses esprits, de se rhabiller tant bien que mal, elle est allée chez son patient. La première chose qu’elle a dit est “excusez moi d’être en retard”.

Enfin, son patient va réussir à lui faire dire ce qui ne va pas, et la convaincre d’aller à la police. Elle ne voulait pas, elle avait d’autres patients à voir.

Alors, elle va aller au commissariat de police du quartier. Au planton à l’accueil, elle dit juste qu’elle vient “porter plainte”. Dans un soupir, le gardien de la paix lui indique un banc en lui demandant d’attendre son tour. Elle va d’attendre une heure et demie sur ce banc. Finalement, l’agent qui la reçoit finit par comprendre la gravité de la situation. Elle est présentée à un lieutenant de police qui prend sa déposition.

Afin de faire les constatations des violences qu’elle a subies, on lui remet une réquisition pour se présenter aux urgences médico-judiciaires de l’Hotel-Dieu. Elle n’est pas sure que ce soit terminé pour ici, alors elle reste là, interdite, avec sa réquisition à la main. Le lieutenant la regarde et lui propose “Vous voulez un ticket de métro ?” Sans réfléchir, elle répond : - Non, merci, j’ai ma carte orange.

Et comme si elle n’avait pas déjà assez souffert dans sa chair pour aujourd’hui, elle va devoir subir une humiliation sans nom, en prenant seule le métro pour l’Ile de la Cité, sa culotte en lambeaux et ses bas déchirés, les gens qui la regardent bizarrement, pensant sans doute qu’elle était une SDF un peu folle pour être aussi mal accoutrée et sangloter sans cesse.

Elle raconte son calvaire avec la voix posée et le vocabulaire choisi des gens qui ont reçu une éducation et ont entretenu ce trésor pendant les années qui ont suivi, comme on raconterait un week end à la mer. Elle raconte la difficulté qu’elle a eue à trouver un taxi, avec ses vêtements déchirés, alors elle a pris le RER pour la lointaine banlieue où elle habite. Elle raconte les trois semaines de tri-thérapie à titre préventif, en attendant les résultats du test HIV. Des séropositifs, elle en connaît. Elle a eu des patients ayant développé le SIDA, elle sait ce que c’est d’en mourir.

Ce n’est que trois mois après les faits que l’auteur des faits, incarcéré, a pu subir un examen médical avec un test sanguin : VIH négatif, hépatite négatif.

Un an et demi ont passé aujourd’hui, mais les cauchemars sont encore là. Ce que l’expert a qualifié “d’angoisse morbide”. Il faut dire qu’elle n’a pas voulu abandonner ses patients et toutes les semaines, revient voir son petit vieux Elle repasse donc sur les lieux tous les lundis.

Le silence qui suit sa déposition pèse des tonnes. L’avocat de la défense a le visage tendu.

Dans le box, l’accusé lève finalement les yeux de ses chaussures, le silence l’ayant tiré de sa rêverie. Il regarde autour de lui, sans comprendre pourquoi plus personne ne parle. Le fait que personne ne le regarde semble le rassurer sur le fait qu’on ne lui avait pas posé une question. Il finit par reprendre la contemplation de ses chaussures.


Ce billet est dédié à la mémoire de l’éphémère secrétariat d’État au droit des victimes.

© Maître Eolas 2005, Reproduction interdite.

mardi 20 septembre 2005

Eduardo

Eduardo a 9 ans. Il est assis non loin de moi, sur un des bancs de la salle d'audience. Ses pieds se balancent dans le vide. Son esprit, lui, est bien loin de l'hôtel d'Aumont. Il lit Harry Potter, et ne se rend pas compte qu'on parle de lui à quelques mètres de là.

En effet, au même instant, une avocate se débat désespérément pour que les parents d'Eduardo ne soient pas reconduits à la frontière. Elle explique au juge administratif, preuves à l'appui, que les parents d'Eduardo sont arrivés en France il y a six ans de cela, que cela fait quatre ans qu'ils sont locataires de leur appartement, qu'ils payent leurs impôts, qu'Eduardo va à l'école de son quartier, maternelle puis primaire, où il a appris le Français qu'il parle sans accent. C'est vrai : je l'ai entendu parler, il servait d'interprète à ses parents pour discuter avec leur avocat, dans le hall, tout à l'heure.

L'avocat montre le carnet de note d'Eduardo. Excellent en français, brillant en calcul, très bon en histoire. Le dessin, par contre, c'est pas son truc.

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mardi 13 septembre 2005

Du rififi à la cour d'assises de Créteil

La cour d'assises de Créteil a tenté, en vain, de juger Jean-Claude Bonnal, dit le Chinois, cette semaine. La presse a rapporté sans toujours le comprendre l'incident déclenché par les avocats de la défense. Beaucoup de journalistes, soit qu'il soient sensibles à la frustration des parties civiles, soit qu'ils soient eux même déçus de ne pas avoir à couvrir ce procès, ont eu des commentaires peu amènes pour mes confrères du banc de la défense.

Une fois n'est pas coutume, c'est dans Libération (édition du 13 septembre 2005) que j'ai trouvé l'article qui a sans doute le mieux analysé l'incident (bravo à Marc Pivois). Sans avoir parcouru tous les organes de presse, je donne le Lol d'or, le prix du commentaire le plus creux, au chroniqueur judiciaire de France Info qui s'est contenté de résumer l'incident par "le procès n'a pas dépassé le stade de l'incident de procédure".

Ce qui s'est passé est intéressant à analyser. Il s'agit d'un bras de fer entre la présidente de la cour et la défense, et c'est, pour une fois, cette dernière qui a gagné, grâce au code de procédure pénale. Et les avocats de la défense ont bien fait leur travail, quelque sympathie qu'on puisse légitimement avoir pour les familles des victimes de ces terribles faits. Mais le bras de fer avec l'institution judiciaire continue comme le montre les derniers développements de cette affaire, où le parquet vole au secours du siège selon le principe de "à code de procédure pénal, code de procédure pénale et demi".

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mercredi 7 septembre 2005

Les juges sont-ils des anges ?

Pierre s'avance à la barre, tout penaud. Cet employé, la quarantaine, père de famille sans histoire, a volé son employeur à la suite d'une histoire de cul d'amour née à l'occasion de chats sur internet avec une jeune fille d'à peine 20 ans. Il a découvert internet à son travail, et n'ayant pas le talent marketing littéraire de certains blogueurs, il s'est créé sa propre fiction. Il se disait âgé de 25 ans, photographe de mode. Pour lui faire des cadeaux, il a dérobé des formules de chèques de sa boîte. Une comptable trop scrupuleuse ou pas assez chatteuse a découvert le pot au rose.

L'enquête de police est vite remontée à la bénéficiaire de ces cadeaux qui a dénoncé son généreux Romeo, voulant bien être une Juliette, mais pas une crapulette.

Pierre a indemnisé son employeur, présenté sa démission, et dû tout avouer à sa femme, qui lui a pardonné cette incartade. A quel prix ? Les débats ne lèveront jamais le voile sur ce mystère.

Le ministère public estime que les conséquences porfessionnelles et conjugales et la réparation du préjudice de la victime (l'employeur a écrit au tribunal pour confirmer qu'il ne se portait pas partie civile) ont été en soi une punition suffisante, et invite le tribunal à la clémence, s'en rapportant à sa sagesse pour la peine.

L'avocat de la défense prend la parole. Il passe sur les faits, établis, reconnus et injustifiables. ll s'aventure sur le terrain délicat de la plaidoirie d'émotion.

"Il faut comprendre Pierre, pris d'un vertige amoureux pour une jeune fille moitié plus jeune que lui. Je sais que le tribunal n'a pas de sexe..."

Le président, outré : "Ca, c'est vous qui le dites, Maître !"

En effet, l'erreur était grossière. Les juges ont bien un sexe. C'est de coeur dont ils sont notoirement dépourvus.



Je plaisante, je plaisante, bien sûr.

J'en veux pour preuve que le tribunal a prononcé une dispense de peine pour Pierre au coeur d'artichaut.

lundi 8 août 2005

Tu pipoterais pas un peu, toi ?

Lorsque nous sommes de permanence pour l'audience de comparution immédiate (à Paris, la 23e chambre, plus la 24e pour ceux qui demandent un délai pour préparer leur défense, et parfois une chambre mobilisée en renfort, qui tient une audience "de délestage"), nous découvrons les dossiers deux heures environ avant qu'ils soient jugés.

Les dossiers sont assez simples, condition sine qua non pour être utilement jugés en comparution immédiate. On le lit très vite, mais avec un oeil aiguisé : d'abord, on vérifie la procédure. Qu'est ce qui est à l'origine de l'arrestation ? Les policiers avaient-ils un motif légitime d'interpeler le prévenu ? Sa garde à vue lui a-t-elle été notifiée avec les droits afférents, dans les délais ? A-t-il eu un interprète s'il en avait besoin ? Les délais sont-ils respectés (24 heures, renouvelables une fois, plus 20 heures une fois déféré pour être vu par un juge) ? Une fois qu'un "oui" s'impose tristement à chacune de ces questions, ce qui est fréquemment le cas convenons en, on jette un coup d'oeil au casier judiciaire, qui nous indique si on se dirige vers du ferme ou pas, et on lit les procès verbaux relatant les faits : plainte de la victime ou constations des agents en patrouille, audition du prévenu, parfois un témoin.

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jeudi 30 juin 2005

Innocence et sentiments

Audience de la chambre de l'instruction de Paris, dans sa formation spécialisée dans l'extradition et les mandats d'arrêt européen.

La particularité de ces audiences est qu'elles sont publiques, alors que la chambre de l'instruction siège en principe à huis clos pour respecter le secret de l'instruction et de la présomption d'innocence (sans rire). La seule question qui est abordée est le consentement ou non à la remise à l'Etat requérant, et en cas de refus, s'il existe une raison légale de refus de remise, ce qui, dans le cas du mandat d'arrêt européen, est quasiment impossible.

L'audience est donc un défilé d'innocents présumés qui arrivent menottés (car rien n'est plus dangereux qu'un innocent). Je dis innocents car ils ne sont ni prévenus, ni mis en examens. Le Code de procédure pénale parle d'eux en disant "la personne". La plupart de ces "personnes" ont été arrêtées quelques jours plus tôt, et leur famille est présente, ne serait-ce que pour les voir.

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mardi 10 mai 2005

Comme quoi, des fois, ça marche

Audience au tribunal correctionnel. Le prévenu s'avance, 35 ans, look banquier. D'ailleurs, ça tombe bien : il travaille comme agent administratif dans une banque.

Il est poursuivi pour exhibition sexuelle, dans le métro, il y a deux ans. Il a déjà été déclaré coupable, mais l'affaire revient après une expertise psychiatrique, qui est désormais obligatoire en matière de délinquance sexuelle, pour le prononcé de la peine.

L'histoire de la vie de cet homme a basculé en 1984, quand il a eu un très grave accident de la circulation (il était passager). Traumatisme cranien, quatre interventions, longue rééducation, le tout aggravé par une infection nosocomiale par le virus de l'hépatite C. Au total, il va passer dix ans en hospitalisation. Il va néanmoins continuer ses études, et passera le baccalauréat en fauteuil roulant.

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lundi 25 avril 2005

Et au fait, le délibéré du 11 mars ?

Je me rends compte avec honte que j'ai oublié de vous communiquer la teneur du délibéré dans l'affaire dont j'avais parlé ici.

Il est surprenant.

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samedi 19 février 2005

Explosion

Il y a parfois des incidents qui tirent brutalement une audience (et les avocats) de leur torpeur, au moment où ils s'y attendent le moins.

Nous sommes au début d'une audience d'appel correctionnel, devant une chambre spécialisée dans les affaires de mineurs, qu'ils soient auteurs ou victimes des infractions.

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