Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Eolas contre Institut pour la Justice, épisode 3 : la revanche du site.

Comment ça, un peu de temps a passé depuis le précédent billet sur le sujet ? Allons, allons. D’abord, Albert Einstein l’a démontré, le temps est relatif. Ensuite, oui, vous avez raison, et je n’ai aucune excuse. Inutile donc d’y passer trop de temps. Adoncques et sans désemparer :

Bref résumé des épisodes précédents :

Furieuse que j’aie publiquement démonté ses fallacieuses manipulations, l’association Institut pour la Justice (qui n’est ni l’un ni l’autre) a porté plainte contre votre serviteur et d’autres personnes pour injure et diffamation dans ce que l’Histoire retiendra comme le cacagate. L’instruction s’est terminée en 2013, chaque intervenant dans la publication de ces vérités qui dérangent cette association a été identifié, il est temps d’aller à la baston. La citation devant le tribunal de Nanterre nous est arrivée le 18 juin 2014, et nous avons aussitôt réagi, mes défenseurs et moi, en dégainant le Gaffiot et en nous écriant « Exceptio veritatis ! »

Je vous sais tous bilingues en latin, et je vous félicite. Faisons un instant, pour rire, comme si vous ne l’étiez pas. Exceptio veritatis veut dire « exception de vérité ». Une exception, en droit, désigne un argument juridique qui vise à faire échec à l’accusation sans même que ses mérites ne soient examinés plus avant. Dans notre affaire, il s’agissait d’établir que les faits que j’avais dénoncés et qui m’étaient imputés à diffamation, à savoir que le compteur de l’IPJ était « bidon », étaient vrais. Le droit de la presse est facétieux, c’est là son moindre défaut. Il impose que cette exception soit soulevée dans le dix jours de la citation devant le tribunal et prenne la forme d’une signification par commissaire de justice (à l’époque on disait huissier de justice) des éléments de preuve et liste de témoins que nous entendions faire entendre, et ce sans pléonasme, par le tribunal. Ce que nous fîmes.

Car nous n’étions pas restés inactifs de notre côté, appliquant le dicton que la meilleure défense, c’est l’attaque. Dès après la mise en examen de notre serviteur, Maitre Mô avait sollicité et obtenu du président du tribunal de grande instance, comme on disait à l’époque, de Lille une ordonnance sur requête (donc à l’insu de l’IPJ) enjoignant à l’hébergeur du site de la pétition pour le pacte 2012, hébergeur qui, cela tombait bien, a son siège dans une ville voisine de la capitale du septentrion, de communiquer le code source de la page du fameux compteur.

Et parmi les témoins, nous invoquâmes un expert, et pas le moindre, puisque ce n’était nul autre que Zythom, à l’époque expert judiciaire, qui avait analysé le code source du compteur et avait conclu à sa parfaite absence de fiabilité, puisqu’on pouvait résumer son code par « trust me bro ». Comme la loi le lui permet, l’IPJ riposta dans les dix jours de notre offre de preuve par une contre-expertise tentant d’établir que la notre, d’expertise, n’était que billevesées et coquecigrue, et qu’on n’avait pas vu de compteur plus fiable depuis celui utilisé par la Manif pour Tous pour compter ses millions de manifestants. Nous reparlerons de cette contre-expertise mais plus tard que vous ne le pensez.

Et c’est ainsi que nous nous retrouvâmes le 1er juillet 2014 devant le tribunal correctionnel de Nanterre, prévenu(e)s, avocats, experts, prêts à en découdre. Autant vous le dire tout de suite, le combat tourna court.

Comme je vous l’avais expliqué dans le billet précédent, j’avais été renvoyé devant le tribunal pour un fait (l’article paru sur Slate.fr) pour lequel je n’avais point été mis en examen, faute de pouvoir être rattaché d’une quelconque façon à cet article, qui faisait le point sur la controverse en reprenant (fidèlement) mes propos sans m’avoir sollicité à cette fin, ce qui ne me pose rigoureusement aucun problème puisque la reprise de mes propos fut fidèle. Or la règle est d’airain : pas de renvoi devant une juridiction de jugement au terme d’une instruction judiciaire si pas de mise en examen. Il n’y a pas d’exception. C’était une cause de nullité de l’ordonnance de renvoi, le code de procédure pénale prévoyant dans ce cas de renvoyer l’affaire devant le juge d’instruction afin qu’il rectifie sa bévue.

Ce qui fut ordonné le 1er juillet, et le tribunal, constatant qu’il n’était pas saisi de cette affaire, nous renvoya vaquer à nos occupations, et nous vaquâmes comme personne, non sans avoir, comme il était de coutume quand Maître Mô était de la partie, fini l’après midi autour de quelques coupettes. Si comme je vous l’expliquerai à la fin, si je garde quelque amertume de cette expérience, elle est largement compensée par des souvenirs de très bons moments, et celui-là en fit partie, car nous rîmes entre personnes liées par une certaine affection et réunies par la nécessité du combat judiciaire pour une cause qui les tenaient à coeur. Non, pas mon caca, la liberté d’expression, faites un effort sinon on ne s’en sortira jamais.

Ces moments, que je ne savais pas si précieux à l’époque, sont des souvenirs que je n’oublierai jamais.

Le 21 mai 2015, la juge d’instruction de Nanterre corrigea son ordonnance, en supprimant la mention de mon renvoi pour le chef de diffamation pour les propos tenus sur Slate.fr, à savoir

Cependant pour Maître Eolas, blogueur anonyme et avocat au barreau de Paris, cette progression vertigineuse serait factice: D’ailleurs, selon lui, l’ensemble de la démarche de l’IPJ relève de la «manipulation»: sur son blog, il consacre un billet-fleuve à la démonstration des erreurs, lacunes et faux-semblants de cette vidéo qui ne lui inspire «que du mépris».

Et le premier des huit chefs de plainte de l’IPJ roula dans la sciure, inaugurant ce qui allait être un long et humiliant chemin de croix judiciaire pour l’institut qui n’a d’institut que le nom. De renvois en fixations, une nouvelle date de jugement fut arrêtée : plus d’un an après la première audience, le 7 juillet 2015. Cette fois, le combat eut lieu. Il fut sans pitié, et sera l’objet du prochain billet, que vous attendrez moins, nettement moins, je m’y engage.

Commentaires

1. Le dimanche 14 août 2022 à 23:43 par Cassandra

Ok

Eolas:
Pas mieux.

2. Le dimanche 14 août 2022 à 23:56 par Luca

Autrefois Eolas tenait ce blog, avec des articles pédagogiques et très intéressant.
Depuis Twitter, il ne tourne qu’autour de lui, affichant je trouve beaucoup d’arrogance, c’est dommage.
J’espère qu’il retournera à ses premiers articles, on s’en fout de son egotrip contre l’institut de la justice

Eolas:
Vous vous en foutez tellement que vous n'avez pu vous empêcher de faire savoir à quel point vous vous en foutiez. Je vous imagine passer vos journées, vos semaines, vos mois et toute votre vie à aller visiter l'interminable liste des gens dont vous vous foutez de ce qu'ils font pour leur faire savoir que vous vous en foutez. Ça doit vous occuper à plein temps.

3. Le lundi 15 août 2022 à 00:02 par Blushnok

Merci pour ce premier épisode qui me rappelle le récit narratif, me renvoyant ainsi à un âge où seules les péripéties importaient et l’emportaient.
En fermant mon livre numérique (que d’autres appellent « téléphone ») d’ici quelques secondes, j’attendrai impatiemment le nouveau chapitre, espérant que « la justice vaincra ».

4. Le lundi 15 août 2022 à 00:10 par Olivier

Enfin un billet
Un plaisir de vous lire
A bientôt pour la suite

Eolas:
Très bientôt.

5. Le lundi 15 août 2022 à 02:00 par Marsu

Toute la dignité des lieux nonobstant, est-il permis d'esquisser quelques entrechats d'allégresse pour célébrer votre retour céans ?

Eolas:
Allez-y, je vous accompagne à la cornemuse.

6. Le lundi 15 août 2022 à 03:40 par Marie-Aude

Quel plaisir de vous relire, pitié ne nous laissez pas accrochés à la falaise avec ce suspens haletant !

7. Le lundi 15 août 2022 à 05:32 par Augustissime

Il y avait ici beaucoup d'arrogance mais du contenu. Sur Twitter il n'en reste que la moitié.

Eolas:
Sous vos applaudissements, le retour de la mamie à moustache, dans son plus grand succès : "C'était mieux avant, à commencer par moi." .

8. Le lundi 15 août 2022 à 08:33 par Lpp

Bisous les rageux des commentaires

Eolas:
Ils nous avaient pas forcément manque ceux-là.

9. Le lundi 15 août 2022 à 08:40 par Laurence

Merci pour ce billet!<p><span style="color: rgb(102, 0, 0);">Eolas:<br />
Serviteur.</span></p>

10. Le lundi 15 août 2022 à 09:07 par dan

Merci
Et en plus reparler de Maitre Mô qui manque tellement !

Eolas:
Il jouera un rôle prééminent dans toute cette série de billet.

11. Le lundi 15 août 2022 à 10:02 par Mérida

Ce billet est réjouissant à plus d'un titre :

- des souvenirs mémorables avec Me Mô
- on a des nouvelles d'Augustissime, la Mémé à moustache.

Eolas:
Comme quoi ce sont bien les meilleurs qui s'en vont.

12. Le lundi 15 août 2022 à 19:12 par ji_louis

Le blog était tellement oublié de son auteur, comme une tasse de thé froid égarée par son assistant, que j'avais fini par effacer son signet de mes navigateurs.

Maître, reprendrez-vous vos pédagogiques habitudes céan ?

Eolas:
J'en ai bien l'intention.

13. Le lundi 15 août 2022 à 20:42 par Aradrin

Heureux que je suis de ne pas avoir supprimé ce flux RSS qui piste chaque mise à jour de ce blog !
Bienvenu de retour sur ce beau morceau d'internet :)

14. Le mardi 16 août 2022 à 00:34 par Liorel

Hélas, maître, trois fois hélas ! J'ai souvenir de certain commentaire, sous un ancien billet, titré Épisode 2 :

14. Le mardi 27 août 2019 à 10:53 par Thor

Cela fait plaisir de retrouver votre plume !
Mais, de grâce, pourvu qu’on ait pas la suite dans 8 mois ;-)
Eolas:
Promis. J’ai un nouveau serveur de concours qui a la bande passante d’un croiseur. Je n’ai qu’une envie : l’utiliser.

Et il faut bien avouer que vous aviez raison. Car ce ne fût pas 8 mois que nous attendîmes, mais 35,5.

15. Le mardi 16 août 2022 à 14:45 par L1413_

Merci, merci pour ces deux articles maître, moi qui les attendais depuis un moment et qui vous les réclamais régulièrement chez l'oiseau bleu !

16. Le mardi 16 août 2022 à 16:35 par Krka

Quel bonheur de vous relire
Merci, je ne peux pas mieux dire, Merci :)

Mes logiciels, comme mes clients, sont libres. Ce blog est délibéré sous Firefox et promulgué par Dotclear.

Tous les billets de ce blog sont la propriété exclusive du maître de ces lieux. Toute reproduction (hormis une brève citation en précisant la source et l'auteur) sans l'autorisation expresse de leur auteur est interdite. Toutefois, dans le cas de reproduction à des fins pédagogiques (formation professionnelle ou enseignement), la reproduction de l'intégralité d'un billet est autorisée d'emblée, à condition bien sûr d'en préciser la source.

Vous avez trouvé ce blog grâce à

Blog hébergé par Clever-cloud.com, la force du Chouchen, la résistance du granit, la flexibilité du korrigan.

Domaine par Gandi.net, cherchez pas, y'a pas mieux.