Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Les raisons de la colère

Il est toujours périlleux d'écrire quand on est en colère. Que de sottises sont écrites ab irato. Mais j'ai laissé passer le délai de prévenance de 24 heures pendant lequel les usages pluricentenaires de la profession nous permettent en toute impunité de haïr nos juges, auxquels on assimile de nos jours les procureurs (sauf à Strasbourg...), et un deuxième laps identique par sécurité. Mais je bous toujours intérieurement.

Rien de tel dans ces cas que de coucher sur le papier, fut-il fait de pixels, l'explication de son ire, et la soumettre aux débats qui font de la section commentaires le meilleur de ce blog. C'est toujours ça qu'Elon Musk n'aura pas.

Pourquoi fulminè-je, me demanderez-vous, car vous utilisez le style soutenu pour vous adresser à moi et je vous en sais gré. À cause d'une bien triste affaire qui se juge ces jours-ci à Paris, et qui est tellement grave par ses conséquences sur la profession que j'exerce que je ne puis attendre que les débats soient clos et la décision rendue, ce qu'en termes juridiques on appelle "trop tard", pour m'exprimer dessus. C'est l'affaire qui concerne, entre autres mais désormais au premier chef, deux de mes confrères du barreau de Paris, un ténor chenu et un ténor jeunot, qui vivent le cauchemar de tout avocat : se retrouver jugé aux côtés de son client pour des actes commis dans le cadre de sa défense. Un troisième avocat était intervenu en défense dans ce dossier mais lui a bénéficié d'un non lieu.

Que leur reproche-t-on exactement ?

Le second, le jeunot, ça lui fera plaisir que je l'appelle ainsi puisqu'il arrive à un âge où on s'entend de moins en moins appelé ainsi, est ancien secrétaire de la conférence. Un jour qu'il était de permanence criminelle, c'est à dire que c'est à lui qu'échoyait toutes les ouvertures d'instruction de dossiers criminels du jour, lui tombe sur les genoux une affaire de stupéfiants d'une ampleur considérable, de celles qu'on ne voit qu'une fois par décennie. Le mis en examen est un baron, placé tout en haut dans la chaine de commandement, et la quantité de drogue saisie dépasse la tonne. On est sur du (très) grand bandistisme. Il assiste l'intéressé lors de la mise en examen, devant le juge des libertés et de la détention, et souhaite rester pour la suite du dossier, qui promet d'être passionnant. Il est rejoint par le premier avocat, le moins jeunot, qui de par sa longue expérience a déjà vu des dossiers de cette ampleur, et, pouvait-on le supposer, avait derrière lui une structure pouvant assurer le volumineux travail que ce dossier exigeait. Précision qui aura son importance : le baron de la drogue en question n'a pas été arrêté concomitamment à la saisie (les boss ne sont jamais sur place quand il y a du risque) mais a été arrêté plus tard, en Espagne, grâce à une enquête menée par la police espagnole. Il a été enregistré lors d'une sonorisation en train de se vanter auprès d'une jeune femme qu'il était à l'origine du gros coup de plus d'une tonne dont on avait parlé à la télé. L'hubris, toujours.

Les choses ne vont pas bien se passer dans le dossier, c'est acquis aux débats. Des fautes ont été commises, elles sont reconnues. Chacun pour des raisons liées à une activité écrasante, ils vont se désintéresser du dossier sans avoir la sagesse de se débarquer. Toujours l'hubris. Le plus jeune, soumis à des pressions de visiteurs nocturnes, a remis au bras droit de son client une copie numérisée du dossier, violant ainsi le secret professionnel. C'est une faute déontologique et possiblement un délit pénal, mais en réalité, cet aspect est totalement secondaire, la suite le démontrera.

L'instruction s'achève et l'affaire est renvoyée devant la cour d'assises, ce qui est rare en matière de stupéfiants mais là, avec l'importation, la quantité et l'organisation derrière, on était au criminel. Et quelques jours avant l'audience, le même bras droit que cité plus haut amène aux avocats, je ne sais pas auquel exactement, mais peu importe, un document qui peut faire exploser le dossier : une décision d'un juge espagnol refusant de prolonger la sonorisation dont faisait l'objet le principal accusé. Or c'est à l'occasion de cette prolongation, apparemment illégale donc, qu'ont été captés les propos l'accablant. Si cette captation était illégale, les aveux étaient irrecevables. On peut deviner que dans un dossier que personne n'avait bossé, un tel argument tombé du ciel était pain bénit. Ils produisent donc ce document au président de la cour quelques jours avant les débats, et demandent un renvoi du jugement à une date ultérieure pour que la cour puisse ordonner un complément d'information pour vérifier ce point auprès des autorités espagnoles, et en profitent pour demander la remise en liberté de leur client. Et là, c'est le drame.

Le président, interloqué, demande aux avocats de justifier de l'origine de cette pièce procédurale essentielle. Les avocats, on l'apprendra par la suite, tergiversent entre eux, sont emmerdés vu la personne qui leur a remis ce document, et expriment leur crainte d'avoir été instrumentalisés. Ce n'est pas tout. Le parquet extirpe du dossier pénal, celui que ces avocats n'ont pas lu, du moins à fond (on parle d'un dossier qui fait plusieurs milliers de pages, hein) les CD contenant la procédure espagnole numérisée, et dans icelle, l'ordonnance du juge espagnol autorisant la prolongation de la sonorisation. Le jugement produit par la défense était donc un faux. Le renvoi est refusé, la défense a perdu toute crédibilité, et l'accusé écope de 22 ans de réclusion criminelle.

Et le parquet va décider de ne pas en rester là.

Il va ouvrir une information du chef de faux en écritures publiques visant les trois avocats de la défense. Elle va être confiée à trois juges d'instruction, qui, je tiens à défendre leur réputation, n'ont JAMAIS été soupçonnés par quiconque d'éprouver un quelconque excès d'affection pour les avocats. Et ils vont s'en donner à cœur-joie, notamment en pratiquant pas moins de six perquisitions aux cabinets et aux domiciles de ces avocats. Il faut savoir ici que s'agissant d'une perquisition au cabinet ou au domicile d'un avocat, eu égard à la protection du secret professionnel dont, Dame ! ces magistrats étaient censés poursuivre la violation, c'est donc qu'ils lui accordaient de l'importance ; la protection de ce secret donc prévoit des règles dérogatoires au droit commun. La perquisition ne peut être menée que par le ou les juge(s) d'instruction en personne, assistés par la police le cas échéant, et en présence du bâtonnier ou d'un de ses représentants, qui peut s'opposer à la saisie de pièces lui paraissant hors sujet. Auquel cas, les pièces sont mises sous scellés sans que le juge d'instruction ne puisse les consulter, pour faire par la suite l'objet d'un débat devant le juge des libertés et de la détention, qui va les consulter et juger si oui ou non elles intéressent l'affaire. Dans l'affirmative, elles sont versées à la procédure, dans la négative, elles sont restituées à l'avocat.

Paris a toujours eu ici un rôle moteur. Depuis des années, un avocat a été délégué à cette tâche, j'ai nommé Vincent Nioré, et la politique de l'ordre a toujours été l'offensive à outrance : tout ou presque tout est contesté, et c'est peu dire que les victoires ont été nombreuses. La jurisprudence, très riche en matière de perquisitions de cabinet s'est pour l'essentiel forgée à Paris (où exercent la moitié des avocats de France, on a de la matière) et Vincent Nioré, fort de son expérience unique en France a effectué de nombreuses formations pour les autres ordres, et publié de nombreux textes sur le droit des perquisitions, dont il est le spécialiste reconnu. La profession lui doit beaucoup.

Forcément, ça ne l'a pas rendu très populaire chez les juges d'instruction dont il a fait annuler les saisies, qui, doit-on le préciser ? Ma foi oui : dont les saisies ont été annulées parce qu'elles étaient illégales et disproportionnées au point qu'un collègue du juge d'instruction ne pouvait pas prétendre ne pas le voir.

(Paragraphe mis à jour, cf. à la fin)Et dans ce dossier, au cours de l'audience dans le cabinet du JLD, qu'on imagine tendue, une collaboratrice du plus chenu des deux avocats, 5 ans de barre ce qui est peu pour tanner le cuir, perquisitionnée à son domicile, a fait une crise de larmes. Ce qui a mis en colère Vincent Nioré, qui dit qu'il trouve "dégueulasse" ce que les juges ont fait subir à cette jeune femme, et dit qu'il en a marre de « nettoyer l’urine pendant les perquisitions » et des « salissures des juges d’instruction ». La mention de l'urine fait allusion à un incident survenu au cours d'une perquisition un an plus tôt où le mari d'une consoeur perquisitionnée avait fait une crise d'épilepsie à l'arrivée des juges et s'était uriné dessus. Vincent Nioré avait aidé à nettoyer cette personne pendant que les magistrats poursuivaient la perquisition après avoir enjambé le patient. Le JLD va rendre une décision faisant droit à la plupart des contestations du représentant du bâtonnier dans une décision qui mentionne qu'il résulte des pièces saisies que les avocats ne pouvaient pas savoir que le document était un faux. Le lendemain de cette décision, les magistrats instructeurs vont déposer une plainte auprès du procureur général, de la procureure générale en l'occurrence, qui va, comme la loi lui en donne le pouvoir, saisir le conseil de discipline à l'encontre de Vincent Nioré pour avoir insulté les magistrats en parlant d'urine et de salissures. L'instruction des poursuites, au cours de laquelle le juge des libertés et de la détention va témoigner, va établir que non, les propos tenus n'insultaient pas les magistrats, et le JLD va confirmer qu'il n'a constaté aucun manquement ni aucun outrage lors de son audience, ce qu'il n'aurait certainement pas accepté. Peu importe, le conseil de discipline devra juger Vincent Nioré. Au cours de cette audience, le bâtonnier Cousi, autorité de poursuite, va absoudre totalement Vincent Nioré et venir symboliquement s'asseoir à côté de ses défenseurs. Le conseil a bien sûr relaxé. Et la procureure générale, quelques mois avant de partir à la retraite, a fait appel de cette relaxe, pour que l'affaire soit rejugée par des magistrats cette fois. La réponse du barreau fut sans équivoque : nous avons élu Vincent Nioré vice-bâtonnier dans la foulée. Le parquet général, revenu à plus de raison avec le successeur de sa prédécesseuse, s'est désisté de son appel, la relaxe est à présent définitive, et la tension est un peu redescendue.

Pas pour longtemps, puisque les trois juges d'instruction ont finalement rendu une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de deux des trois avocats du baron de la drogue, outre le baron et son bras droit, pour faux en écriture publique, tentative d'escroquerie au jugement, et violation du secret professionnel. Ordonnance de 120 pages, ce qui pour des faits simples est prou : la violation du secret était reconnue, un faux est un délit simple à caractériser, et l'escroquerie est certes un délit complexe, mais pas au point de nécessiter une thèse : on dit qu'un délit est complexe dès lors qu'il a plus d'un élément matériel à caractériser (l'escroquerie en a trois).

Le faux consiste à altérer la vérité dans tout document visant à établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. S'agissant d'un jugement, il n'y a aucune difficulté : on a le vrai jugement, on a le faux, on constate que le faux dit le contraire du vrai. L'usage du faux consiste à utiliser un document que l'on sait être faux. L'escroquerie consiste à employer des manoeuvres frauduleuses (la loi donne comme exemples l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, ou l'abus d'une qualité vraie) qui vont tromper quelqu'un et le déterminer à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge (on parle simplement de "remise" pour désigner tout cela). La tromperie doit être déterminante, c'est à dire que sans elle, il n'y aurait pas eu remise. Voilà les trois éléments matériels : manœuvre, tromperie, remise.

Or ici il ne vous a pas échappé que les avocats ne savaient pas que ce jugement était un faux. Ce point n'est d'ailleurs pas discuté, pas plus que celui qu'ils ne l'ont pas forgé eux-même : parmi les pièces ayant échappé à l'annulation de saisie figurent des échanges entre les avocats montrant qu'ils sont bien ennuyés de devoir expliquer comment ils ont eu la pièce, et se demandent, un peu tard, si on ne les a pas manipulés. Ite missa est : pas d'élément intentionnel, pas d'infraction, programme de L2 de droit. De même s'ils ignoraient que c'était un faux, ils n'ont pu tenter d'escroquer un jugement, d'autant qu'ils n'ont même pas demandé que le juge jugeât, mais qu'il ordonnât un supplément d'information pour vérifier si ce jugement existait bien. Il y avait sans doute de quoi poursuivre ces avocats au disciplinaire pour leur légèreté et leur crédulité. Ils n'auraient certainement pas été radiés, cette affaire ne saurait résumer leur carrière, leur bilan parle de lui-même, mais même la plus légère des sanctions aurait déjà été un châtiment suffisant.

Eh bien non. Deux semaines d'audience ont abouti à un réquisitoire qui a abasourdi l'assistance et votre serviteur, pour tenter d'échaffauder une démonstration de culpabilité, à rebours de la loi, reposant non plus sur la connaissance du caractère de faux de la pièce mais sur l'existence d'un soupçon qu'elle pût être fausse, soupçon qui chez un avocat devient une obligation de s'abstenir de produire à peine de commettre le délit d'usage de faux-qu'on-ne-sait-pas-être-faux-mais-on-est-avocat-alors-on-est-coupable-quand-même (ne le cherchez pas dans le code pénal) et tentative d'escroquerie à cause du crédit qu'un avocat donne à une pièce en la produisant.

Pardonnez ce tintamarre qui vient de m'interrompre, ce sont tous les avocats civilistes ou publicistes qui viennent d'éclater de rire en lisant que le seul fait qu'ils produisent une pièce lui donne un crédit supplémentaire aux yeux du juge. Tous les jours, TOUS LES JOURS, des juges, avec ou sans robe, écartent nos pièces en ne les estimant pas assez probantes voire douteuses pour finalement rejeter les demandes que nous présentons au nom de nos clients, parfois en faisant même droit à la partie adverse sans avocat qui a produit des pièces le jour de l'audience sans nous les communiquer à l'avance, clients dont nous devons gérer l'incompréhension de la décision : "Mais enfin maître comment le juge peut-il dire cela, je lui ai prouvé le contraire".
Nous donnons un supplément de crédit à nos pièces... Eux au moins ont le cœur à rire. Mais pas moi.

Relisez bien cette démonstration, rapportée par la formidable Olivia Dufour dans Actu-Juridique :

si l’avocat apporte son crédit [à ces pièces] et le renforce par la production de conclusions, il contribue délibérément à tromper la religion du juge, à le pousser à donner foi à une pièce qu’il aurait appréciée sinon avec plus de circonspection. Ce n’est pas la même chose pour un juge de recevoir une pièce d’un justiciable ou d’un avocat, car l’avocat est un professionnel qui fait présumer des vertus professionnelles.

D'abord, les conclusions ne renforcent pas les pièces, c'est le contraire : les pièces viennent soutenir les conclusions, qui reposent sur les faits qu'elles établissent. Ensuite, le parquet affirme que la production d'une pièce que l'avocat soupçonne d'être un faux suffit à constituer un délit pénal à son encontre. Mais en revanche, que deux magistrats, un du siège et un du parquet, s'accordent pour altérer une pièce de procédure en en changeant le sens pour que le jugement rendu ne permette plus une remise en liberté ne constitue pas un délit car il avaient certes commis une « erreur », mais « sans intention frauduleuse ». Intention frauduleuse que la loi n'a jamais exigé, elle se contente de la conscience d'altérer la vérité. heureusement pour eux, ces magistrats n'étaient pas avocats, ils n'étaient donc pas tenus aux mêmes très hauts standards de probité et de vérification scrupuleuse : relaxe. Pas plus que le juge d'instruction qui se désigne lui-même postérieurement à des actes qu'il a réalisés illégalement, en antidatant sa désignation pour que cette illégalité soit dissimulée. Pas de faux : il n'était pas avocat, alors YOLO sur les dates. Vous commencez à comprendre pourquoi je suis en colère ?

Et pourquoi disais-je que le volet violation du secret professionnel était en réalité indifférent à tout le monde ici ? Parce que dans ce réquisitoire hommage du vice à la vertu, l'avocat qui a commis la violation du secret professionnel s'est entendu requérir deux ans de prison dont un ferme, et le sénior, trois ans dont deux fermes. Et cinq ans d'interdiction d'exercice, soit le maximum légal et une peine de mort pour tout avocat, dont l'activité et la réputation ne peuvent se remettre d'une telle sanction. Avec exécution provisoire, le mot exécution n'ayant jamais été plus approprié, et provisoire, aussi peu pertinent.

Je n'ai jamais, vous pouvez relire tous les billets de ce blog, jamais sollicité un traitement de faveur pour les avocats. Les seuls droits dérogatoires au droit commun que nous avons n'ont qu'un objet : garantir notre liberté qui est celle de la défense, notre indépendance à l'égard des juges et des clients en nous mettant à l'abri de pressions ou de représailles, et en protégeant le secret de ce que nous révèlent nos clients, secret sans lequel il n'y a plus de défense, donc plus de justice, donc plus de démocratie, rien de moins. Pas de privilège, nous les abhorrons, pas de traitement de faveur, nous luttons contre. Nos droits spécifiques n'existent que dans l'intérêt de l'individu que nous défendons contre le Léviathan. Mais pour nous, nous demandons le même traitement que n'importe quel citoyen en république. Même s'il n'est pas magistrat. Si le premier quidam passant dans la rue avait produit un faux jugement, ignorant qu'il est faux, en disant "ce jugement semble me donner raison, je demande que vous vérifiiez ce qu'il en est", il ne serait pas condamné pour tentative d'escroquerie au jugement, et aucun procureur n'aurait même l'idée d'engager de telles poursuites (en revanche, s'il antidatait une attestation en disant qu'il avait attesté dans sa tête mais oublié de matérialiser cette attestation, il serait poursuivi et condamné pour faux...).

Et faire passer cette exigence exorbitante du droit commun comme un hommage à l'excellente vertu exigée des membres de cette noble profession que celle des avocats qui ont donc d'autres obligations que le commun des mortels n'est rien d'autre qu'un hommage au Tartuffe de Molière, un crachat sur l'égalité républicaine en rétablissant une noblesse de robe abolie une nuit du 4 août il y a fort longtemps, et pire que tout une insulte à mon intelligence.

NB : Mise à jour le 5 février 2023 : la première version du texte disait que l'incident du pipigate était arrivé pendant la perquisition dans l'affaire du faux jugement, ce qui était une erreur de ma part. L'incident était arrivé un an plus tôt, là, c'est une crise de larme de la collaboratrice perquisitionnée qui a remémoré à Vincent Nioré cet incident qui l'avait beaucoup marqué. Merci à celles qui ont attiré mon attention sur ce point, et encore une fois, plutôt que lire mes sornettes, lisons Olivia Dufour qui raconte toute cela en détail ainsi que l'épatante Marine Baboneau chez Dalloz et là aussi.

Commentaires

1. Le dimanche 5 février 2023 à 07:22 par Olivier

Bonjour

Merci pour ces explications. Les propos en 280 caractères étant largement insuffisants pour qu'un profane comme moi puisse commencer à assembler les différents éléments de cette histoire.

J'espère que l'aboutissement sera favorable aux avocats.

Bonne journée

2. Le dimanche 5 février 2023 à 09:15 par Vincent Guiso

Et j'y ajoute : le défaut de production d'une pièce douteuse, mais qui s'avérerait authentique et décisive engage notre RC professionnelle.

On est donc pris entre le marteau et l'enclume avec un tel raisonnement.

3. Le dimanche 5 février 2023 à 10:19 par Adrienhb

Merci pour ces éclairages, je vais aller relire vos échanges que je ne comprenais pas.
J’en profite pour ajouter que ce billet rappelle, si cela est encore nécessaire, la supériorité du billet au tweet ou au fil de tweets.

Eolas:
Parmi mes bonnes résolution pour 2023 : préférer dans la mesure du possible un billet à un fil Twitter. On verra si elle rejoint la liste de celles non tenues.

4. Le dimanche 5 février 2023 à 10:55 par Gathar

La seule motivation que je peux voir aux juges d'instructions est qu'ils voulaient à nouveau voir un billet sur ce Blog.
Je les comprends et les encourage !

Eolas:
Ils sont tellement machiavéliques que c'est possible.

5. Le dimanche 5 février 2023 à 12:40 par TyrandO

J'ai quitte la France depuis longtemps mais il me semble qu'un expert-comptable ou un notaire qui ne detecte pas un faux peut etre mis en cause penalement et considere complice. Pourquoi en serait-il different pour un avocat ?

Eolas:
En vrac : parce qu'un telle obligation n'existe pas, parce qu'un expert comptable ou un notaire n'est pas un avocat et n'ont pas les mêmes obligations quant au secret, ayant même parfois des obligations de dénoncer.

6. Le dimanche 5 février 2023 à 12:59 par siddh

Bonjour,
je suis heureux, cher maître, de vous voir reprendre la plume, malgré les circonstances qui vous y poussent.
Cependant j'ai pu trouver un récit plus circonstancié, moins élégamment tourné certes, de la perquisition que vous évoquez.
Certains éléments diffèrent du récit que vous en faites:
-Perquisition au domicile plutôt qu'au cabinet
-Mari victime du malaise et non l'avocate.

Rien qui ne change le fond de l'affaire ni l’indignation (que je partage) qu'elle suscite mais je ne puis m'évitez de considérer que l'exactitude est une vertu.
Je joins donc le lien en question, à charge pour quiconque serait mieux informé d'amender le récit des évènements:
https://www.actu-juridique.fr/justi...

Eolas:
C'est tout à fait exact, cette approximation de ma part m'a été signalée et je viens de la rectifier. J'espère ne pas être poursuivi pour faux en écriture bloguesque et tentative d'escroquerie au clic.

7. Le dimanche 5 février 2023 à 14:34 par Anonyme

En 2012 dans un dossier bien vide où l'on reprochait à mon client des injures racistes qu'il contestait, est apparu le jour de l'audience un PV signé d'un Gendarme qui prétendait avoir entendu les propos. Outre qu'aucun gendarme n'était présent lors de l'altercation verbale, il a été prouvé que ce gendarme était de congé ce jour là. Ce faux PV n'a fait sourciller aucun des magistrats présents ce jour là. J'ai arrêté de faire du pénal ce jour là.

Eolas:
Nous avons tous été témoin de faits de ce genre, dont votre serviteur, plus d'une fois. Le sentiment d'un poids, deux mesures participe beaucoup à la colère des avocats.

8. Le dimanche 5 février 2023 à 14:49 par Dazibao Chan

Chacun voit midi à sa porte concernant le vrai -faux jugement espagnol ...

9. Le dimanche 5 février 2023 à 15:39 par mben42

Peu étonné mais un peu résigné de voir ces délits de faux et escroquerie au jugement utilisés ici, quand une plainte que j'ai voulu déposer pour ces mêmes raisons (et qui était bien justifiée, pour le coup) m'a été "refusée" par la police, évidemment dans la plus parfaite illégalité. Raison invoquée : "c'est de la procédure civile monsieur". J'avais pourtant la copie des articles du code pénal avec moi. La défenseure des droits m'a évidemment donné raison…

10. Le dimanche 5 février 2023 à 15:54 par Me NJOYA,

J'espère qu'ils seront purement et simplement relaxés !

Eolas:
Ils ne le seront probablement pas sur le volet violation du secret professionnel. Notez qu'aucun avocat, y compris les prévenus, ne prétend que c'était légal. Ils auraient été poursuivis de ce seul chef, les avocats eussent haussé un sourcil en disant "peste, une plainte déonto aurait suffit, mais le parquet est libre, j'espère que ça leur servira de leçon." Le choix qui a été fait révèle une volonté de régler des comptes.

11. Le dimanche 5 février 2023 à 16:00 par Von Debrasky

« Jo » a également reconnu avoir donné l’entier de l’instruction à une tierce personne.
« Une connerie » selon lui.

Eolas:
Et une fois de plus il a raison.

12. Le dimanche 5 février 2023 à 17:38 par Vincent Auger

Quand je pense à tous les avocats qui dénoncent le corporatisme et l’entre-soi dans la magistrature, ce billet me rassure.

Eolas:
Premier pilier de comptoir sous ce billet, vous payez la tournée !

13. Le dimanche 5 février 2023 à 20:28 par George

Comme dit plus haut, le jugement était dans le dossier. Produire une telle pièce, c'est vraiment prendre les juges pour des débiles. Eapres il ne faut pas s'étonner du manque de compréhension. Mais ca ne justifie sans doute pas d une peine de prison.
L excuse des milliers de page fait sourire quand on sait que Metzner a fait une partie de sa réputation sur son utilisation des dernières technologies pour gérer ce genre de problèmes. Il y a ténor et tenor.

14. Le dimanche 5 février 2023 à 23:54 par Alazon

Si les mis en examen avaient été clercs de notaire, aurait-on ce billet ? Mais il est trop évident que toute évocation à un possible corporatisme des avocats sera traitée avec violence.

15. Le lundi 6 février 2023 à 01:34 par La plume dans la balance

Des billets de blog aussi rares que des 29 février mais dès qu'il s'agit de défendre sa corporation, en 48 heures on a de quoi mettre la pression sur une affaire en cours. Du bon usage d'une notoriété, qui fut un temps n'a pas été galvaudée. Du Twitter en 3000 mots, ça reste du Twitter.

Ce blog a quitté depuis bien longtemps sa vocation première d'expliquer en termes accessibles le droit à ceux qui ne le pratiquent pas. En 2021, un seul article, en hommage à un confrère disparu : en 2022, deux articles en défense à... soi-même ; en 2023 un article pour défendre deux confrères.

Et quand un commentateur parle d'entre-soi, il se fait traiter de pilier de comptoir ! Faut-il être aveugle à sa propre production !

16. Le lundi 6 février 2023 à 04:33 par Black Mamba

Le gouvernement des juges et ceux qui les croient sensibles à la pression…un aveuglement fortuit ?

17. Le lundi 6 février 2023 à 05:17 par La gâchette du panais

En réponse à La plume dans la balance : quand on devient célèbre sous un pseudo grâce à un blog très bavard donc chronophage, on peut comprendre qu’à un moment il faille bosser ses dossiers.
D’où ce quasi abandon d’un blog qui n’avait au vrai plus de raison d’être, considérant au surplus une activité sur Twitter très intense.

Au reste sur le fond, la poursuite pour des faits d’escroquerie est inepte.
Se serait faire injure aux juristes d’aller au-delà de ce qualificatif, sauf à vouloir encore tomber dans le  « regarder-comment-j’ecris-trop-bien-avec-drôlerie-et-truculence ».

Mais sur le vrai cœur du dossier, savoir la violation du secret pro, on ne peut tomber dans le travers que l’on veut dénoncer.
Le corporatisme, qui se cache pour la circonstance derrière la confraternité, ne peut pas aller jusqu’à faire sien les termes de la Défense.
Non, remettre un dossier comme celui-là à un homme de main d’un trafiquant de cette envergure, n’est pas juste une « connerie ».
C’est même la circonstance la plus grave, propre à qualifier ce délit.
Quand on songe que dans nos banlieues on sort la Kalach pour défendre ou conquérir quelques mètres de trottoirs d’un point de vente de résine de cannabis, on peut craindre, dans un dossier dans lequel l’unité de mesure est la tonne de cocaïne, que des tueurs aillent très au-delà, connaissance prise de tel élément du dossier.
Et puis l’argument selon lequel les avocats n’auraient pas bossé le dossier est plus que surprenant : vu l’enjeu pénal et vu surtout la personnalité du client, s’il y avait un dossier à ne pas négliger c’était bien celui-là.
Mais pour bosser, il faut aller au delà de « l’hubris » c’est-à-dire la vanité futile de compter parmi ses clients un beau profil comme celui-là et, surtout, le faire savoir.
Pour être légitime dans un dossier comme celui-là à demander une provision permettant de se plonger vraiment dedans, il ne faut pas avoir quelques années de barre qui permettent de s’imposer au cours d’une permanence simplement parce qu’on a gagné un concours d’éloquence.
Que le trafiquant ne l’ait pas débarqué immédiatement pour désigner une vraie pointure dans le stup (je devrais dire une pointure en procédure) est même suspect.
Soit le confrère s’est survendu ou survendu sa lignée, ce qui revient au même, soit le trafiquant y a vu déjà une occasion d’avoir un avocat à sa botte.

Au delà de toutes ces considérations, c’est toute la profession d’avocat qui va pâtir de cette affaire assez misérable : que l’on soit jeune ou vieux dans le métier, on est complice de sont’ client. C’est ce que retiendra le quidam.

18. Le lundi 6 février 2023 à 08:24 par Maitre RUBAN

Il convient aussi de préciser que les fameux CD contenant la procédure espagnole étaient sous scellé. De ce fait évidemment personne n'en avait copie, et notamment pas les avocats qui, même s'ils avaient connu leur dossier par coeur, ne pouvaient pas en avoir eu connaissance.

19. Le lundi 6 février 2023 à 11:00 par Alazon

@Maître RUBAN Il me semble qu'il n'est pas contesté que le DVD du dossier d'instruction a été communiqué à un ami des accusés, en violation du secret de l'instruction.

Pour le reste la défense des avocats accusés consiste principalement à dire qu'ils ont traité de manière plus que légère un dossier pénal extrêmement lourd. Qu'il y ait une faute pénale ou pas, le tribunal le dira, mais il est difficile de nier les carences gravissimes. C'est ce qui rend très choquant le réflexe corporatiste ici, de même que le réflexe subséquent consistant à traiter de piliers de bar (rien de moins) ceux qui le pointent.

20. Le lundi 6 février 2023 à 11:01 par Anagrys

Ceux qui crient au corporatisme en parlant de la situation des clercs de notaire ont-ils simplement conscience que l'impact d'un faux fourni par un avocat au juge, et qui sera en théorie vérifié par le juge et mis en perspective par rapport à l'ensemble du dossier, n'est pas tout à fait le même qu'un faux utilisé (sciemment ou non) par un clerc de notaire pour établir un acte dit "authentique" ?

21. Le lundi 6 février 2023 à 12:50 par Francois

Je comprends votre exaspération, mais je suis heureux de vous voir à nouveau sur ce blog. Il y a une chose qui m'interpelle :l'avocat -jeune- remet une copie de la procédure à son client sous forme d'un dvd. Es ce dans le cadre de son assistance, es ce contre menue monnaie, es ce sous contrainte? Vu le profil de l'accusé je suis enclin à penser que la contrainte (y compris sous une forme doucereuse...) n'est pas exclue, mais le billet est silencieux sur ce point.
Seconde interrogation: comment les juges savaient ils ce qui était sous scellé et pourquoi ne l'ont ils pas communiqué à la défense? Il y a la règle de la défense "équitable". Je pense que la CEDH serait peut être intéressée de traiter ce point.

Ceci étant l'aspect réglement de compte entre juge et avocat est en filigrane derrière cette affaire.

22. Le lundi 6 février 2023 à 13:27 par Alazon

@Anagrys En effet le cas précis que vous citez serait un crime et non un délit, mais la question n'est évidemment pas la qualification pénale exacte. Le corporatisme se déduit de la virulence de la défense publique de ces deux prévenus, parmi tant d'autres, venant comme par hasard de leurs confrères, avec une immense indulgence quant à leur incontestable légèreté dans le traitement d'une affaire pénale de cette envergure.
Je ne me prononce pas sur le fond de l'affaire mais suis choqué par la pression ainsi mise sur la justice et par l'intolérance manifestée quand on pointe ce corporatisme pourtant flagrant, comme s'il y avait un point Godwin proscrivant l'usage du mot pour sa propre profession.

23. Le lundi 6 février 2023 à 13:58 par Liorel

@15 et @17 :
Les billets de blog évoqués en 2021 et 2022 ont parfaitement leur place sur le blog. Maître Mô était, non seulement un ami d'Eolas, mais aussi un blogueur, plutôt talentueux, et un avocat. Chacune de ces raisons, seule, suffirait à justifier qu'Eolas lui rende hommage. De même, les deux billets sur l'institut pour la justice étaient nécessaires pour la compréhension du silence brutal survenu sur ce blog. Toutefois, les billets sur l'IPJ soulignent une cruelle réalité : l'IPJ a perdu en droit mais a gagné en fait. Le Maître de ces lieux s'est tu, se conformant aux attentes de l'IPJ, et n'a plus jamais rien publié d'éclairant sur ce blog.

Car le problème de ce blog, Maître, n'est pas ce qui s'y trouve, mais ce qui ne s'y trouve pas. La gâchette du panais a raison de présenter un point de vue contradictoire, c'est l'essence du débat, si cher (à raison !) aux avocats. Par contre, il a tort de considérer que ce blog n'a plus de raison d'être. Sa raison d'être, c'était d'expliquer le droit, de le rendre accessible à ceux qui n'y comprennent rien, un travail de longue haleine mais essentiel en démocratie si l'on souhaite que le peuple comprenne les règles par lesquelles il est gouverné. Ce besoin n'a pas disparu et il ne disparaîtra jamais. C'est le rocher de Sisyphe que vous vous êtes choisi il y a des années et dont vous vous êtes fort bien acquitté jusqu'au jour où vous vous torchâtes le cul avec un institut. Certes, pour un professionnel du droit, ce blog ne répond à aucun besoin. Je ne me forme pas sur des blogs médicaux et un avocat n'a pas à se former sur des blogs juridiques. Mais le monde n'est pas constitué que de professionnels du droit et vous accomplissiez un boulot remarquable de vulgarisation d'une matière souvent vue comme "magique" par le grand public.

Alors, certes, il y a Twitter. Cependant, Twitter est insuffisant pour deux raisons, les deux d'égale importance.
La première, c'est l'accessibilité de Twitter. Vous écrivez, en présentation de votre blog : "Mes logiciels, comme mes clients, sont libres". Sauf que Twitter est tout sauf libre (je ne sais quelle conclusion en tirer quant à vos clients). Si je veux prendre le temps de lire un article ce week-end, sur votre blog, je peux. Je peux le lire dans un lecteur RSS. Ceci est impossible avec Twitter, qui me demande une inscription pour vous suivre et ne propose pas de flux RSS. Un blog est ouvert au monde entier, un fil Twitter est ouvert aux utilisateurs de Twitter.
La seconde raison, vous l'évoquez vous-même, c'est la possibilité de raisonnement. Sur un blog, on a de la place, on prend le temps de développer ses arguments, on les discute, on les soupèse. C'est essentiel dans un domaine où l'argumentation est si importante. En 280 caractères, c'est tout simplement impossible. Alors on assène, on se polarise, on ne peut pas discuter, débattre. On ne débat pas, et si on débat quand même, le débat s'envenime et part rapidement dans l'ad hominem.

En bref, pour résumer, par pitié, revenez au format blog. Vous y êtes meilleur (nous y sommes tous meilleurs, du moins ceux d'entre nous qui préfèrent la raison à l'invective). Vous y êtes plus utile. Et, surtout, vous y gagnerez enfin en fait votre procès contre l'institut pour la justice. Il serait dommage, pour un avocat, de laisser l'adversaire gagner par flemme.

24. Le lundi 6 février 2023 à 15:59 par domsedlex

Bravo pour votre analyse.
On ajoutera que l'un des parquetiers, qui s'intitule lui-même l'accusateur public, n'en est pas à son coup d'essai sur le terrain du délit sans intention...

25. Le mercredi 8 février 2023 à 08:46 par Alazon

Incroyable compte rendu d'audience de Pascale Robert Diard dans Le Monde qui montre une gestion au-delà du scandaleux d'un lourd dossier pénal par des avocats pourtant réputés.

Pièces transmises sans les ouvrir, gestion par une jeune collaboratrice d'un dossier de grand banditisme, honoraire qu'on doit pouvoir rembourser... c'est édifiant.

Qu'il y ait faute pénale ou pas, c'est une question que le tribunal tranchera. Mais que les avocats se sentent solidaires de ces collègues et minimisent leurs fautes démontre à quels excès le sentiment corporatiste peut conduire.

26. Le mercredi 8 février 2023 à 11:01 par Eh oh

Ouais ouais. C'est très bien tout ça mais on attendait surtout l'épisode 5 de Eolas contre Institut pour la Justice !

27. Le mercredi 8 février 2023 à 12:01 par Alebacha

Maître,

Comme bien d'autres, je suis heureux de vous revoir ici. Néanmoins, je tire de cette lecture la fâcheuse impression que vous employez exactement le même moyen que celui que vous reprochez aux juges d'instructions d'utiliser, à savoir le procès d'intention. Votre thèse est que ces juges d’instructions (assistés du parquet) profitent d'une malencontreuse "légèreté" de la part de vos confrères pour régler en réalité leurs comptes avec votre profession. Mais c'est ce que vous faites vous-même, en exploitant la difficile caractérisation de l'élément moral du faux, à savoir la volonté de tromperie comme moyen de prouver l'acharnement des JI.

Permettez-moi de m'expliquer :

L'épisode de l'urine pendant la perquisition, même dans sa rédaction fortement corrigée du 5 février, ne sert qu'à indigner les foules. Si la justice ou la police devaient s'arrêter à chaque fois qu'une partie prenante faisait un malaise ou le simulait, on pourrait tout de suite fermer les tribunaux. Il ne s'agit pas d'être inhumain, mais bien garder en tête que certains sont prêts à tout mettre en œuvre pour empêcher justice de se faire. Quoi qu'il en soit, que les relations entre Vincent Nioré et les JI soient tendues n'a rien à voir dans cette histoire, sauf à vouloir à tout prix prouver une vengeance de ces derniers contre votre profession.

Vous omettez de préciser que le plus expérimenté de vos confrères était dans une position déontologique délicate, je cite Pascale Robert-Diard dans un article du Monde du 23/01/2023 :
"Lorsqu’il avait été contacté par Evan Hugues pour entrer dans le dossier Dawes, Joseph Cohen-Sabban était au surplus dans une situation déontologiquement périlleuse. Il défendait alors l’ennemi juré de Dawes, Sofiane Hambli, un autre trafiquant de stupéfiants, devenu indicateur de la police, dont les renseignements avaient permis la saisie de cocaïne à Roissy. Il n’ignorait pas que cette qualité intéressait de très près le « drug lord », qui comptait sur lui pour faire passer des messages à Sofiane Hambli."

Alors qu'il n'a accepté le dossier que pour "redorer son blason dans la voyoucratie", il admet ensuite n'avoir pas travaillé dessus et ne pas s'être interrogé sur la provenance de la pièce, descendue tout droit du ciel pour leur alimenter les conclusions de nullité. Dès lors, s'interroger sur cette pièce apparue comme par miracle, c'était faire face à son impréparation à quelques jours de l’ouverture des débats.

Mais bien plus important à mes yeux, vous écrivez que la violation du secret professionnel est je cite : "un aspect totalement secondaire" . C’est partial au moins, effrayant au pire. Comment voulez-vous que des témoins dans des affaires criminelles acceptent de témoigner à visage découvert, que les victimes osent porter plainte s'ils savent que, dès que l'avocat aura accès au dossier, leurs informations personnelles peuvent se retrouver entre les mains des accusés ?

De plus, votre démonstration que cet aspect est secondaire ne tient pas. L’interdiction d’exercice temporaire signerait leur mort professionnelle. Gageons que c’est leur inexcusable incompétence qui le fera, et non cette faute potentiellement lourde de conséquence pour des tiers concernés par le dossier. Alors permettez de vous corriger : non, cette violation n’est pas indifférente à tout le monde, bien au contraire.

Pour en revenir au faux, n’est-il pas raisonnable d’attendre d’un auxiliaire de justice qu’il fasse preuve du minimum de discernement que l’on serait en droit d’attendre ? N’est-ce pas bien plus qu’une légèreté excusée par l’hubris, qui a décidément bon dos ? N’y a-t-il pas des manquements inexcusables à l’obligation d’alerte et de vigilance ?

Pour finir, il apparaît que l’élément moral de la tentative d’escroquerie au jugement est absent et celui du faux, délicat à prouver… Mais, tout de même, au vu de la gravité de l'affaire, des manquements à la loi, à la déontologie, au professionnalisme, mais surtout et avant tout au rôle de l'avocat en tant qu'auxiliaire de justice, maillon indispensable de la chaîne judiciaire pour permettre la manifestation de la vérité, écrire que pour vos confrères, je cite : "même la plus légère des sanctions aurait déjà été un châtiment suffisant" apparaît d'une partialité inhabituelle de votre part. On croirait lire un délégué syndical de la police nationale justifier l'injustifiable, comparaison sur le fond et non la forme, bien entendu.

La colère vous a été, permettez-moi, bien mauvaise conseillère...

Cordialement

28. Le jeudi 16 février 2023 à 08:21 par Alazon

Brillant article de l'excellente Pascale Robert Diard.

Quel avocat peut décemment se sentir solidaire de ces deux-là ?

29. Le jeudi 16 février 2023 à 23:10 par Soldofa

Maître,

Hélas, le corporatisme fait perdre à votre puissante profession sa noblesse. On le voit ici dans une affaire qui vous oppose aux juges. On le voit aussi dans certaines affaires qui vous opposent à vos clients. La corporation des avocats peut même aller jusqu’à représenter le Léviathan pour le simple citoyen qui se heurte à « l’indélicatesse » de certains de ses membres éminents ou influents dont la liberté et la sécurité seront efficacement défendues, quitte à ce que cela se fasse au détriment de celles dudit citoyen et de la manifestation de la vérité.

Et pour ce qui concerne le secret professionnel, qui inclut la confidentialité des correspondances, nombreux sont encore les avocats qui traitent ce sujet avec légèreté, au mépris des risques élevés qu’ils font parfois encourir à leurs clients.

Une bouteille à la mer, aux personnes charitables et avisées qui liraient ce commentaire, je recherche une perle rare : un avocat pénaliste courageux et compétent, franc et libre de préjugés, à l’aise avec la matière informatique, et indépendant. Le tout en actes, pas seulement en mots. Une idée ?

30. Le vendredi 17 février 2023 à 02:18 par Corrector

Ce vous écrivez ici est faux :"Et cinq ans d'interdiction d'exercice, soit le maximum légal et une peine de mort pour tout avocat, dont l'activité et la réputation ne peuvent se remettre d'une telle sanction."
Les avocats ont tellement de demandes de prises en charge de dossier et d'aide, que peu importe une interdiction de cinq ans.
Si vous ne le savez pas, c'est que vous vivez en vase clos, ce qui ne semble pas être votre cas pourtant, et ce n'est pas la première fois que je constate ce que je pense être de la très mauvaise foi dès qu'il s'agit de défendre la profession d'avocat, pourtant très problématique et très sujette aux abus de pouvoir.

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