Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Le piratage privé n'est-il VRAIMENT pas légal en France ?

Je reviens sur ma note d'il y a un mois sur le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Rodez dans l'affaire Aurélien D., relaxé du délit de contrefaçon malgré  488 CD-ROM trouvés chez lui contenant des films soit téléchargés sur internet soit copiés de CD d'amis.

J'émettais alors un avis très critique de ce jugement, lui annonçant une fin prochaine sous les fourches caudines de la cour d'appel de Montpellier.

Toutefois, je me dois de signaler un commentaire laudateur de ce jugement fait par un très auguste jurisconsulte, le Professeur Jacques Larrieu, qui enseigne le droit de la propriété intellectuelle à l'université de Toulouse I, publié au Recueil Dalloz, publication ô combien plus prestigieuse que mon blog (qui a toutefois la vertu d'être accessible à moindre frais).
Pour les juristes qui me lisent, ces quelques signes cabalistiques leur permettront de mettre la main sur cet article : D.2004.3132, n°43/7184 du 2 décembre 2004, cahier droit des affaires.

Le Professeur Larrieu, lui, approuve vigoureusement ce jugement (l'Université Toulouse I aurait-elle une connexion haut débit ?) qui, confirme-t-il, consacre pour la première fois en France l'exception de copie privé au pénal.

Il reprend les motifs du jugement, que je cite dans mes billets précités, en les approuvant tous, en concluant qu'il ressort de cette décision que c'est un système de licence légale qui est mis en place, l'auteur recevant une contrepartie pour l'exercice de l'exception de copie privée, fondée sur la redevance perçue sur la vente de supports destinés à l'enregistrement, dont les CD-ROM (mais pas les disques durs). Or en l'espèce, le prévenu était poursuivi pour avoir gravé 488 films sur CD-ROM, et non pour le téléchargement de ces films en tant que tel.

L'hypothèse du téléchargement sur le seul disque dur, sans gravage sur un support soumis à redevance entre néanmoins dans cette exception selon cet auteur, le téléchargeur étant seulement débiteur d'une rémunération envers l'auteur, et non pas contrefacteur.

En revanche, pour l'auteur, "celui qui met à disposition des internautes dans le cadre du P2P ou autrement, des oeuvres copiées sans autorisation favorise un usage collectif qui exclut l’exception de copie privée" et constitue le délit de contrefaçon.

L'auteur conclut sur le débat sous tendu dans la question actuelle du téléchargement, et que je soulevais moi même dans mes billets : faut-il exiger que la source de la copie soit licite ? Pour le Professeur Larrieu, la réponse est non. Ce serait selon lui ajouter à la loi , ce qui est toujours dangereux, surtout quand on fonde des poursuites pénales sur un tel ajout. Il cite plusieurs décisions étrangères ayant statué sur ce problème dans un sens favorable aux internautes, notamment la Cour fédérale du Canada le 31 mars 2004 et la Cour d'appel fédérale du 9e circuit des Etats Unis, cette dernière ayant rédigé l'attendu suivant qui va remplir d'aise beaucoup d'amateurs du MP3 et du DivX :

"L'introduction de nouvelles technologies est toujours déstabilisante pour les vieux marchés, et en particulier pour ces titulaires de droits dont les oeuvres sont vendues par des canaux de distribution bien établis. Toutefois, l'histoire enseigne que le temps et les forces du marché aboutissent souvent à un équilibre entre les intérêts en jeu, que la technologie concernée soit le piano mécanique, le photocopieur, le magnétophone, le magnétoscope, l'ordinateur personnel, l'appareil de karaoké ou un lecteur MP3. Aussi est-il avisé pour les tribunaux d'agir avec prudence avant de bouleverser les théories de la responsabilité dans le but de traiter certains abus spécifiques du marché, en dépit de leur apparente importance actuelle".

C'est la voix de la sagesse, semble-t-il.

Cela dit, nonobstant le respect que j'éprouve pour le Professeur Larrieu, je vais camper sur ma position défavorable à ce jugement, renforçant uniquement les réserves dont j'ai assorti cette opinion : elle n'engage que moi et les Conseillers de la cour d'appel de Montpellier vont peut être m'infliger un démenti cinglant, dont je tirerai le plus grand profit le jour où je défendrai un amateur de cinéma et du P2P ayant décidé de réunir ses deux passions.

Pourquoi cette obstination, hormis ma haine secrète des P2Pistes et ma volonté de flatter bassement les majors afin d'obtenir leur clientèle ?

Voici les critiques que j'adresse à ce commentaire.

Affirmer que l'exception de copie est consacrée par ce jugement me semble crier victoire trop tôt. Le tribunal correctionnel de Vannes a statué en sens contraire le 29 avril 2004, et l'affaire est entre les mains de la cour d'appel de Rennes. Le débat est ouvert.

Affirmer qu'un système de licence légal existe fondé sur la redevance de l'article L.311-1 du Code de la propriété intellectuelle excluant la contrefaçon me paraît là encore aller trop loin. Cet argument ne résiste pas à l'analyse.

La redevance de l'article L.311-1 ne crée pas une exception au délit de contrefaçon : ce serait ajouter à la loi, ce qui est toujours dangereux, ce n'est pas moi qui le dit. Il crée une taxe parafiscale qui sert à subventionner la création artistique française et uniquement française, comme je l'ai déjà dit.

Dire aux auteurs de Matrix ou du Seigneur des Anneaux (le film) que l'on peut télécharger leur oeuvre librement en France car un droit est perçu sur les CD-ROMs qui vont recevoir les copies, droit qui ne leur sera pas reversé mais servira à rémunérer les auteurs d’œuvres françaises est au mieux se moquer du monde (et au pire du plus pur nationalisme).

Une licence légale digne de ce nom doit rémunérer équitablement tous les artistes, sans discrimination. Équitablement signifie que Peter Jackson avec ses trois films sur le Seigneur des Anneaux recevrait bien plus qu'Igor SK avec les Gaous par exemple. L'exclusion pure et simple du cinéma américain pour ne citer que cet exemple quand on sait la part qu'il représente dans le volume des oeuvres cinématographique et sa part de marché au niveau des entrées (et au niveau du téléchargement) serait d'une hypocrisie sans nom s'il s'agissait effectivement d'un système de licence légale.

Autre faiblesse de ce raisonnement : seuls ceux qui achètent des CD-ROMS pour y graver des films acquittent ladite redevance. Ceux qui les conservent sur leur disque dur ne la payent pas (cas d'une personne qui télécharge, regarde, puis efface, le film). Ceux qui achètent des CD-ROMs pour y graver leurs archives personnelles ou professionnelles acquittent la redevance sans utiliser le droit de copie. Il n'y a pas corrélation entre ceux qui réalisent les copies et ceux qui payent le coût de la redevance, ce qui est une violation du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.

Affirmer comme le fait le Professeur Larrieu que celui qui ne télécharge que sur disque dur reste débiteur d'une rémunération à l'auteur sans commettre une contrefaçon, c'est ne pas tirer les conséquences légales de ses constatations, comme le dit la cour de cassation : porter une atteinte aux droits patrimoniaux de l'auteur en effectuant une représentation ou une reproduction de l’œuvre non autorisée est la définition même de la contrefaçon. Dès lors que la redevance n'est pas payée, l'exception issue de la prétendue licence légale ne peut plus être invoquée. La dette dont parle le professeur Larrieu s'appelle des dommages-intérêts ; le fait générateur en est le délit de contrefaçon.

Enfin, sur la question "Faut-il que la source de la copie soit elle même licite ?", ma position diffère radicalement d’avec celle de Jacques Larrieu.

D’abord, ce n’est pas un point de vue isolé : d’autres professeurs de droit l’ont exprimé : MM. Caron et Robin, dans leur commentaire sous la décision du tribunal correctionnel de Vannes (pour les juristes : TGI Vannes, 29 avril 2004, comm. com. électr. 2004, p.27, n°86 ; Légipresse n°215, octobre 2004, 180s.), qui estiment logique que le caractère illicite de la source contamine la copie.

J’ajouterai pour ma part que la copie privée, qui n’est qu’une exception valable que si elle ne porte qu’une atteinte limitée aux droits de l’auteur, doit s’entendre uniquement  de la copie réalisée pour convenance personnelle du propriétaire de la source (copies d’un CD pour écouter dans la voiture et au bureau, l’original restant à la maison, montage des meilleurs moments d’un film, capture d’une image pour la modifier sous Photoshop, par exemple pour se faire figurer aux côtés d’Humphrey Bogart dans Casablanca…). Tous ces actes, anodins en apparence, impliquent bien des reproductions d’une œuvre sans l’accord de l’auteur. Le premier porte atteinte à ses intérêts puisqu’il n’a vendu qu’un CD là où il aurait pu en vendre trois. C’est là le domaine de la copie privée, puisque ces copies ne sortent pas du cadre strictement privé du copiste et partent d’une source licite.

De même, admettre comme le fait Jacques Larrieu que celui qui met à disposition sur l'internet une oeuvre pour  téléchargement commet indiscutablement le délit de contrefaçon mais affirmer que celui qui la télécharge en connaissance de cause n'en commet pas une, c'est oublier qu'en ce cas, il s'agirait d'une autre infraction de droit pénal, le délit de recel de contrefaçon, qui est plus sévèrement réprimé que la contrefaçon elle même (le contrefacteur encourt trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, le receleur 5 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende). Il y a de toutes façons contamination par le caractère illicite, que le téléchargeur ne peut ignorer puisque tout téléchargement provient nécessairement d’une contrefaçon.

A tout prendre, si on veut défendre le P2P, il vaut mieux choisir la qualification de contrefaçon.

Voilà pourquoi je reste sur ma position que le jugement du tribunal correctionnel de Rodez est critiquable et qu’il ne devrait pas survivre à l’appel du ministère public.

Et que je répète qu’il ne s’agit que d’une opinion personnelle, je puis parfaitement me tromper. Ca ne m’est jamais arrivé mais statistiquement c’est possible (à lire d’un air suffisant)…

Blague à part, ce jugement est incontestablement une base trop fragile pour affirmer que désormais le P2P est légal et s’y livrer à TCP/IP perdu. La prudence exige de rester sur « A priori, c’est illégal ». Seule la Cour de cassation aurait l’autorité suffisante pour établir solidement cette interprétation du droit.

 

Commentaires

1. Le jeudi 9 décembre 2004 à 17:32 par Philippe

Cher Maître,

toi qui as accès plus facilement que moi aux minutes des procès, pourrais tu nous dire si les personnes dont font echo les news ci dessous étaient de simples "téléchargeurs" , des "partageurs abusifs" où s'ils étaient de véritables revendeurs comme ceux de Vannes ?

www.ratiatum.com/p2p.php?...
fr.news.yahoo.com/041208/...

En fait, je n'y ai pas plus facilement accès que n'importe qui, hormis quand ils sont publiés et commentés dans les revues professionnelles, ce qui peut prendre quelques semaines à quelques mois.

Je relève toutefois dans le premier article les mots "
échangé des logiciels, des jeux, des films et de la musique sur internet".
Le terme
échangéme laisse à penser que les deux condamnés allaient plus loins qu'Aurélien de Rodez, qui n'a pas procédé à des échanges de copies avec d'autres personnes (le tribunal a expressément exclu cette hypothèse d'ailleurs).

Serait-ce la limite qui se dégagera de la jurisprudence Téléchargez, mais que pour vous ? Ca me parait un peu digne de Tartuffe, cette solution...

Eolas

2. Le jeudi 9 décembre 2004 à 18:46 par zid

Cher Eolas,
Le droit bouge et rien n'est acquis: c'est fort bien, je m'en réjouis. Le tout est de fixer (provisoirement, mais fixer quand même) la norme au bon moment.
Sans avoir pris le temps de réfléchir amplement sur le sujet, je me risque à aller dans le sens de l'avis canadien, comme empreint d'une sagesse d'historien (l'avis, pas moi): nous sommes encore trop "le nez sur les choses" pour prendre des décisions définitives. Il faudra avant tout clarifier (ou redéfinir) un point essentiel: qu'est-ce que le droit de propriété intellectuelle ? Ou, mieux: qu'est-ce que la propriété intellectuelle ? Voilà mon avis un des grands défis juridiques et culturels des prochaines années (voir par ex.: www.internetactu.net/inde...




Que le droit bouge et que rien ne soit acquis n'est pas réjouissant quand cela génère une insécurité juridique et que des tribunaux interprètent le droit différemment les uns des autres.

L'avis que je cite
in extenso n'est pas canadien mais américain.

C'est celui de la 9e cour d'appel fédérale, qui est la cour compétente sur San Franciso, et celle dont les décisions sont le plus souvent cassées par la Cour Suprême.

Quant à la question "qu'est ce que le droit de la propriété intellectuelle", il existe d'ores et déjà des traités et des thèses sur la question, que l'on peut considérer comme fort bien explorée.

Il vise à protéger le droit des auteurs d'oeuvres incorporelles contre l'appropriation qui peut en être faite. La contrefaçon n'est qu'un vol intellectuel, pour simplifier.

Ce droit ne vise en rien à protéger une quelconque exception culturelle en faisant de l'art un bien différent insusceptible d'appropriation privée par son auteur, c'est même exactement le contraire.

Eolas

3. Le jeudi 9 décembre 2004 à 22:54 par zid

Cher Eolas,

D'abord, mille excuses pour ma lecture trop rapide que vous avez dûment rectifiée: c'est bien d'un avis américain dont il s'agit (et je le suivrais toujours volontiers, qu'il soit "cassable" ou non ne me semble pas essentiel au propos!).

Mon avis d'historien, pleinement assumé, connaissant relativement bien le droit et les usages des mondes passés, me pousse à vous contredire: une certaine instabilité juridique n'est pas mauvaise en soi, dans la mesure où elle reflète une situation de société relativement troublée... Il faut prendre un peu de distance par rapport à l'angoisse existentielle d'un droit non fixé ou instable: je comprends votre sentiment, dicté par votre expérience et votre formation sans nul doute irréprochables... mais n'oublions pas que le rôle du juriste est d'interpréter les mouvements de la société et d'adapter le droit afin que celle-ci vive dans un état d'équilibre jugé plus ou moins juste par ses composantes propres. Enfin, c'est comme ça que moi, historien et spécialiste du fait social, je le comprends. C'est grâce à ces audaces que de grandes avancées ont pu être faites en la matière, et assez récemment!

Donc, le trouble social doit d'abord être décanté et analysé. Eventuellement il doit se stabiliser lui-même, ce qui est tout à fait possible. En parallèle et dan le même temps, un temps de gestation et d'hésitation juridique me semble normal: si la société hésite, je ne vois pas pourquoi ni comment le droit n'hésiterait pas... A ce que je sache, le droit ne "fait" pas la société, il lui donne une "certaine" régulation.

Et puis, il s'agit de réfléchir aux questions essentielles. Sur le concept de "droit de propriété intellectuelle", on a beaucoup réfléchi et écrit, certes, je le sais bien. Mais cela signifie-t-il qu'on ne doit plus réfléchir ? Le droit de la propriété intellectuelle se serait-il "marmorisé" ? Non, bien sur.

En terme de droit de la propriété intellectuelle, je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'il est constamment revu, réadapté, selon les pays et les décennies d'ailleurs... Mais ne parlons même pas de ce "droit des auteurs d'oeuvres incorporelles", comme vous dites, parlons plutot de ce qui la sous-tend, du concept intellectuel de "propriété intellectuelle". Du concept, non du droit. Ce n'est pas être marxiste que de rappeler que le XIXe s. a vu naître, dans les faits, ce concept. Avant cela, toute oeuvre intellectuelle était susceptible d'être récupérée, "plagiée" diriez-vous, remaniée, réécrite, réinvestie par d'autres, dirais-je... Et ceci dans la plus totale décontraction. L'esprit "Wiki", plus ou moins, si j'ose dire...
La notion de "vol intellectuel" est donc née au XIXe s.

Certes, ce n'est plus une définition envisageable à l'heure actuelle, c'est une évidence, notamment pour permettre aux artistes de vivre. Mais cela montre qu'on peut réfléchir sur le concept et le faire évoluer, que ce n'est pas un dogme social. Il faudra bien un jour ou l'autre réfléchir au statut des oeuvres, de plus en plus diffusées, de plus en plus investies, de plus en plus appropriées et retravaillées par d'autres (ainsi les superbes travaux de Cali d'après Klimt, pour ne prendre que cet exemple ... -www.calirezo.com/01_image... Quitte à trouver des moyens adéquats pour financer la création et les créateurs... (Je précise: dans mon propos, aucune référence au concept politique d'exception culturelle, qui m'indiffère relativement).

Je vous le dis, cher Eolas, la peur me gagnera quand on pensera à condamner tel auteur de roman qui insère des références à d'autres oeuvres couvertes par le droit de la propriété intellectuelle... ou quand on condamnera un médiéviste qui citera à bon droit mais trop longuement un article d'un collègue dans le cadre d'une de des publications...
Désolé d'avoir été si long, mais le sujet est passionnant et c'est tout à l'honneur de votre beau blog.


Permettez moi d'apporter quelques rectifications historiques sur le droit de la propriété intellectuelle.

Ce concept est largement antérieur au XIXe siècle (ce n'est pas être anti-marxiste que de le rappeler) puisqu'il était déjà connu des romains, qui distinguaient parfaitement le support de l'oeuvre (tablette d'argile, mur) de l'oeuvre qu'il contient (poème, fresque).

La jurisprudence protégeait toutefois bien mieux les arts plastiques sue la littérature, ce dont Horace se plaignait amèrement.

Les règles de droit concernant cette propriété figurent aux Institutes (II,I,§33 et 34) et au Digeste (XLI, I, §26).

Le Moyen Age connaîtra une éclipse de ce droit, jusqu'à l'apparition de l'imprimerie pour les auteurs, les musiciens étant soumis à la coupe des Académies de musique, seuls les plasticiens tirant leur épingle du jeu, du fait du caractère unique de leur oeuvre et qu'il étaient propriétaires du support de celle-ci.

C'est à la toute fin du XVIIIe siècle que le droit d'auteur est né, sous la pression des écrivains, Beaumarchais, Rousseau et Voltaire entre autres, qui prenennt la défense des héritiers des auteurs classiques (Voltaire prit ainsi la défense de la petite-nièce de Corneille).

Pour en revenir au droit contemporain de la propriété intellectuelle, ses concepts sont biens connus.

Qu'est ce qui est protégé ? Une oeuvre.
Qu'est ce qu'une oeuvre ? Une création de l'esprit, peu importe son mérite, notion trop variable dans lequel le juge ne veut pas entrer, mais à condition qu'elle soit originale. Une simple idée n'est pas protégée (tout le monde peut écrire l'histoire d'une Terre imaginaire où rodent des orcs, des hobbits et des anneaux mystérieux ; Cali a le droit de s'inspirer de tableaux de Klimt pour ses créations graphiques), la création de l'esprit suppose une originalité apportée par l'auteur (les noms des personnages et des lieux imaginés sont protégés).
Quels sont les droits de l'auteur ? Patrimoniaux : il a le monopole de la représentation et de la reproduction, et moraux, il a droit au respect de son oeuvre (par exemple s'opposer à ce que son célèbre gaulois soit utilisé pour la pub d'un parti politique).

Ce droit nécessite certes des adaptations, jurisprudentielles surtout, face à l'évolution technique. La loi française actuelle date de 1957. Le droit de reproduction qu'envisageait le législateur était le lecteur qui recopiait à la main les extraits de son livre préféré. La photocopie n'existait pas, ou du moins accessible à bas prix au grand public, quant à lui dire que l'encyclopédie Larousse tiendrait sur 1 disque plastique de 20g, et qu'elle pourrait être reproduite en quelques minutes à des millions d'exemplaires à travers le monde à partir d'une source unique, cela dépassait son imagination.

Il demeure que des choses impossibles alors sont devenues techniquement faciles.

Faut il pour autant les rendre légales ?

Et a fortiori ce que le progrès technique permettra bientôt (imaginons un format qui permette la même copie des livres et bandes dessinées) ?

La réflexion juridique est indispensable et doit être continue, c'est certain. Nul ne soutient que le droit de la propriété intellectuelle doit être gravé dans le marbre : maisons de disques comme téléchargeurs appellent à une réforme. le problème est plutôt qu'ils nesouhaitent pas la même réforme.

Et qu'en attendant, le droit positif, tel qu'il est actuellement en vigueur, doit être appliqué. L'adapter aux réalités techniques d'aujourd'hui, c'est le rôle du juge.

Les craintes que vous formulez in fine ne sont pas fondées, rassurez vous.Insérer une allusion à un roman n'est pas une contrefaçon, et ne le sera jamais, ni une citation faite à bon droit mais un peu trop longue, si elle respecte les conditions du droit de citation (source citée, citation et non reprise intégrale). En revanche, reproduire des oeuvres sans acquitter une quelconque rémunération à l'auteur le sera toujours, même à l'ère du voyage intergalactique.


Eolas

4. Le vendredi 10 décembre 2004 à 10:21 par lmpo

En ce qui concerne le droit (?) à la copie privée et les CD gravés, voir l'article de Libération d'hier:

www.liberation.fr/page.ph...

Là, on n'est pas dans le téléchargement mais l'échange de la main à la main. Si je comprends bien l'article, qui comme souvent dans Libé privilégie le commentaire au fait, ils se gravaient mutuellement des CDs, ce qui exclut la copie privée. Le tribunal relève que la copie privée ne s'applique pas aux logiciels, ce qui est exact.
Le tribuanl de Rodez est de plus en plus isolé, il me semble...


Eolas

5. Le vendredi 10 décembre 2004 à 22:29 par zid

Cher Eolas,

C'est encore moi... ;-)

C'est un vrai plaisir, en ce qui me concerne, que cette disputatio avec vous. Une discussion passionnée de personnes passionnées. Je vous remercie d'emblée de la courtoisie avec laquelle nos échanges se déroulent -en espérant que, plus tard, nous en ayions d'autres aussi stimulants.

Je prends bonne note de vos rectifications. Elles sont fort pertinentes et je note consciencieusement vos références aux Institutes et au Digeste, que je m'empresserai de consulter dès que possible. Néanmoins, je voudrais préciser un point important: le fait de distinguer le support de l'oeuvre ne constitue pas une preuve réelle de la notion de "propriété intellectuelle". J'y vois plutôt une marque d'abstraction intellectuelle, permettant de saisir le concept d'oeuvre (ce qui est en soi remarquable!) mais non la "propriété intellectuelle". Une oeuvre est le produit d'un auteur au sens strict, même si celui-ci a recopié la sculpture ou la fresque de son maître ou rival. Elle existe indépendamment de l'original sur lequel elle a été copiée et a son statut propre d'oeuvre, tout aussi indépendamment du support.

Ceci dit, je reste ébranlé par votre "La jurisprudence protégeait toutefois bien mieux les arts plastiques que la littérature, ce dont Horace se plaignait amèrement" (pourriez-vous me citer vos sources, non pour les contrôler, mais plutôt par intérêt personnel ?) -en quoi les protégeait-elle ?
De plus, à propos du Digeste et des Institutes: il serait intéressant de remettre les textes de jurisprudence dans leur contexte "romain": ces textes mentionnés, sont-ils d'origine byzantine ou remaniés par les juristes de Justinien au début du Moyen Âge (rappelons que Justinien, empereur byzantin, fit compiler le corpus iuris civilis vers 529-534 ap. JC) et s'ils sont remaniés, jusqu'à quel point... ? Par là-même, je voudrais me demander si ce concept n'est pas lié d'une façon ou d'une autre aux obsessions codificatrices de l'empire byzantin, notamment en cheville avec le problème des "images" si important pour le christianisme "grec" ?

Enfin: si Horace se plaint amèrement de ne pas voir son oeuvre respectée, ne serait-ce pas que la notion de propriété intellectuelle n'est guère respectée -voire inexistante ? Ce que vous appelez "la propriété intellectuelle" (mais comment la nomment-ils en latin ?) correspond-elle bien à notre notion du XXIe s. ? Et si elle ne s'applique qu'aux oeuvres plastiques et non aux oeuvres littéraires, n'est-ce pas tout simplement parce que, par péché d'anachronisme, nous conjoignons indûment dans le concept de "propriété intellectuelle" la "création artistique" (de l'époque byzantine ?) et la "création littéraire" de la basse Antiquité. Mais j'avoue ne pas avoir lu vos références, pas encore! Que voulez-vous, je ne suis qu'un pauvre médiéviste et je n'ai pas le corpus iuris civilis à la maison (serait-il sur le web ?)!

Quant à la fin du Moyen Âge, période bien plus riche qu'on ne veut le croire et certainement pas intermède sans importance, je voudrais préciser que l'apparition de l'imprimerie n'a rien changé aux habitudes des auteurs, puisqu'au XVIIIe .encore, des éditions "pirates" de textes d'auteurs encore vivants foisonnaient sans aucun accord ni évidemment rétribution pour les dits auteurs, et surtout, sans réelle opposition de leur part. Et je ne parle pas des reprises "à la mode médiévale" -souvenons-nous simplement des fables de La Fontaine "pompées" dans Esope sans guère de souci: c'est une pratique normale à cette époque. Quant aux droits des artistes peintres ou sculpteurs, il n'est guère plus avéré, comme le prouvent les nombreuses oeuvres attribuées à tel ou tel grand peintre et en fait dues à ses élèves ou imitateurs doués... tous ces tableaux ayant circulé sans que nul y trouve rien à redire, voire même avec l'accord du maître lui-même.

Le concept "un auteur-une oeuvre" est bien né, vous le précisez justement, à la fin du XVIIIe s. et s'est imposé socialement et juridiquement au XIXe s.

Quant à votre claire définition de la propriété intellectuelle à notre époque, elle me satisfait pleinement par bien des côtés, dont celui qui m'importe le plus, la reconnaissance intellectuelle de l'"auctoritas", l'"auteureté". Qu'un artiste ou auteur doive être rétribué pour son oeuvre me semble évident, c'est la base de la création si on ne veut plus revenir à des situations de mécénat à la mode... "romaine" ou "humaniste"! Mais plusieurs éléments entrent en jeu: l'explosion de la diffusion des connaissances et l'expansion de la "soif de culture". Quant mes arrière-grands parents n'avaient que les histoires racontées aux veillées et deux livres dans leur bibliothèque (dont la Bible), quand mes grands parents n'avaient guère que la TSF et quatre livres (à la Bible, on ajoutait un livre de cuisine et deux "livres de prix" reçus à l'école), quand mes parents n'avaient qu'une dizaine de disques 33 tours et une 20aine de 45 tours et un bon électrophone, une télé avec deux chaines noir et blanc, plus un journal local et une centaine de livres durant les vingt premières années de leur vie... moi, qui ai la trentaine bien tapée, j'ai presque un bon millier de livres, quelques abonnements, la télé à beaucoup de chaines, le cable, une centaine de cédés (achetés, je n'ai pas encore cédé au P2P!!!) et... le net ! Il ya là une telle profusion de richesses disponibles, couplée à une soif insatiable sans cesse ranimée par la publicité et les informations qui nous écrasent et nous assomment d'envies diverses. Tous ont envie d'accéder à ces richesses culturelles. Tous. Certains ont les moyens de se les "payer". Et les autres, moins vernis ? Tandis que, d'un autre côté on propose à tous l'accès à une culture "gratuite" via le P2P et autres. N'est-ce pas normal que le droit tremble sur ses bases ? Faut-il tolérer une culture à deux vitesses, comme au XIXe s., un beau petit retour en arrière ? Peut-on interdire l'accès au savoir et à l'appropriation des connaissances ? Moralement ? Je ne le pense pas. Vous le voyez, le problème est plus que technique et juridique, c'est un vrai problème social -mais je sais que vous en êtes convaincu, évidemment. Restent à trouver le modus operandi pour que les auteurs voient et leurs oeuvres protégées intellectuellement dans leur intégrité et leur talent rétribué. C'est la pierre d'achoppement, mais elle n'est pas inamovible.

Merci encore pour votre dialogue. Considérez mes remarques non comme des oppositions acerbes mais comme des questions de curiosité. Nous avançons de conserve vers "plus de vrai" !

6. Le samedi 11 décembre 2004 à 00:36 par Blackshack

Première chose:
je vous cite, maître Eolas:
"[...]le téléchargeur ne peut ignorer puisque tout téléchargement provient nécessairement d'une contrefaçon."
Vu le contexte de cette phrase, on sait bien que l'on parle du téléchargement d'oeuvres protégées et pour lesquelles il n'y a pas d'autorisation explicite de téléchargement de la part des ayant-droits (petite question: il faut des "s" où ça pour le pluriel d'ayant-droit?). Mais si l'on sort la phrase de son contexte (ce qui sur internet arrive souvent), elle pourrait être mal interprété: une grande partie des téléchargments et échanges sur p2p ou autres protocoles d'échanges -ftp,dc,... et même http puisque l'on peut faire du téléchargement par http- sont tout à fait légaux.
Non seulement les versions d'évaluation de logiciels, mais aussi la très très grande majorité des logiciels, documentations, images, musiques, sons, ... sous license ouverte (je préfére à l'anglais open source ,puisque "open source" est aussi le nom d'une license particulère) sont de facto légaux pour téléchargement, échanges, gravures,...
J'ai l'air pointilleux à vouloir dire cela, mais dire simplement téléchargement est faire un raccourci qui peut être malheureux pour la compréhension de la réalité des choses, le téléchargement ne provient pas nécessairement d'une contrefaçon, loin de là, je pense même -voir presque sûr- que le partie illégale du téléchargement représente un part minoritaire de tout le téléchargement quotidien sur la planète.
Techniquement, tout ce qui passe sur un réseau est un échange, ce qui, en fonction du côté de l'échange auquel on se place, peut donc être vu comme un téléchargement, aussi bien le fait de lire ces mails que d'ailleurs venir sur votre site -téléchargements de bits qui correspondent à du texte (code html), de bits qui correspondent à du binaire (les images apparaissant)...-
Enfin tout ca pour dire, que cela m'a sauté aux yeux et m'a estomacé dès que je l'ai lu et que j'ai voulu le dire.

Deuxième chose:
je vous recite:
"[...]seuls ceux qui achètent des CD-ROMS pour y graver des films acquittent ladite redevance. Ceux qui les conservent sur leur disque dur ne la payent pas[...]"
Faux. La taxe s'applique sur tout support numérique :cd-roms, dvd-roms, disque durs, clé usb,... , donc ceux que les conservent sur leur disque la payent aussi.

Troisième chose:
C'est une question. Le droit à la copie privée s'applique-t-il à toute possesion étant comprise comme une oeuvre de l'esprit ou est-ce qu'il y a une liste précise de choses conçernées?
Dans le premier cas, cela contre-dirait votre phrase "le tribunal relève que la copie privée ne s'applique pas aux logiciels, ce qui est exact", étant donnée qu'un logiciel quelqu'il soit, est considéré en droit francais comme une oeuvre de l'esprit.
Dans le deuxième cas, je plains ceux qui utilisent des logiciels propriétaires -ce qui n'est pas mon cas, je n'utilise que des logiciels libres dans le privé comme dans le professionel, en résume "LINUX POWER" comme ils disent :-) -, car par exemple, si l'on casse son cd de Windows (tm), on est obligé d'en racheté un étant donné que l'on doit prouver que l'on posséde le support physique original (et en bon état pour vérification) correspondant à la version installé sur son ordinateur.

Voilà, il me semble que je voulais dire autre choses mais je ne m'en souviens plus.
Donc bonne nuit.

7. Le samedi 11 décembre 2004 à 16:41 par emiboot

Je viens mettre mon petit grain de sel d'utilisatrice convaincue d'internet (à défaut dêtre spécialiste). Après avoir lu cet article, commentaires, réactions... je suis charmée par la courtoisie des échanges.
J'ai pratiqué le p2p, dans ma folle jeunesse d'il y a deux ans, à l'époque bénie de ma connection adsl sur paris. Mes téléchargements concernaient uniquement ou presque des oeuvres introuvables sous la forme numérique dans les magasins (forme originale analogique, vénils), introuvable en france (manga, animé) ou encore des "mix", plusieures heures de musiques mixés donc. Ce genre d'échange est souvent librement concentit par les principaux interressé (misiciens de l'éléctronik).
Question un, quand est il de la loi sur ces oeuvre précises, lorsque l'équivalent n'existe pas à la vente, ou sur la musique mixée ? Car le principe c'est bien d'utiliser les oeuvre d'autres, morceau parès morceau, afin de créer une ambiance différente, un patchwork neuf...

De plus je trouve que l'on confond un peu "pratique illégale et revente" avec "facilité d'utilisation et choix". C'est malheureux, cet amalgame. Je serais tout à fait enchantée de payer les oeuvres que j'ai téléchargé - si l'équivalent d'une boutique en ligne existait vraiment sur le net. Je ne parle pas là de ce qu'on propose à la vente pour le moment (1 à 2 euros le titre...) et que de toute manière je n'achète ni ne télécharge (les gouts et les couleurs...), mais j'aurais bien aimé que soit un peu plus dévellopé une sorte de bibliothèque de la musique (pour ne citer que cela). On y prendrait un abonnement, payant, et on téléchargerait un certains nombre de titres... tout les mois... Je suis peut être une douce rêveuse...

En ce qui me concerne, j'ai 4go de musique sur mon ordinateur portable : il se trouve que je suis une mule voyageuse. Je ne prendrais pas l'équivalent en cd sur moi, question de poid. Donc je suis une vilaine pirate ?

Merci beaucoup pour ce site, pour votre interêt, pour vos précisions alambiquées ;) et le ton infiniment agréable des discutions.

8. Le samedi 11 décembre 2004 à 19:37 par BugMaster

Je suis un gros téléchargeur. 95% de ce que j'ai téléchargé n'appartient pas aux majors, et beaucoup des CDs que j'ai sont à tirage très limité (et je les achète, dans la limite de mes moyens). Je refuse de payer une licence obligatoire pour rémunérer des artistes que je n'écoute pas, sans compter que je suis contre le principe même de cette licence. La taxe sur les supports de stockage est tout aussi absurde.

Blackshack, pour l'histoire du CD Windows, c'est faux, tu as droit à un "certificat d'autenticité" avec ton Windows, et de plus le n° de série devrait suffire, il est différent pour chaque copie.

Autre chose, sur le P2P, il y a aussi du vrai contenu légal (des vieux livres par exemple), même si la plupart des utilisateurs l'utilisent en effet pour télécharger le dernier album de Lorie.

9. Le samedi 11 décembre 2004 à 21:26 par Blackshack

BugMaster:
Chez les assembleurs (une grande majorité en tout cas), je l'ai remarqué en allant y acheter du matériels puisque le problème ne me concerne pas, il est clairement indiqué (placardé) que suite à des "remontrances" de Microsoft, ils sont obligés de demandé le CD original+la license pour tout pc ramené pour réparation ou autres aides. Sinon ile ne prennent pas l'ordinteur...
c'est très con, je le reconnais, mais c'est la réalité, donc je le dis : passez à Linux ;-)

10. Le dimanche 12 décembre 2004 à 18:46 par bistouri

gloups, petit problème avec le lien vers la note d'il y a un mois :
maitre.eolas.free.fr/jour...



C'est rectifié, merci.

Eolas

11. Le lundi 13 décembre 2004 à 03:18 par Dagg

"(...)... le jour où je défendrai un amateur de cinéma et du P2P ayant décidé de réunir ses deux passions.
Pourquoi cette obstination, hormis ma haine secrète des P2Pistes...."

Mhhh ? Un avocat prêt à défendre ceux qu'il hait, faut le prendre comment ? Admirer l'abnégation ou blâmer l'opportunisme ?



Lisez moi bien : ma haîne des P2Piste est secrète. Personne ne peut donc savoir que je suis opportuniste.

Accessoirement, un P2Piste solvable ne peut pas être totalement méchant, j'en suis convaincu.

Eolas

12. Le mardi 14 décembre 2004 à 02:08 par Dagg

Zut, je suis donc un méchant P2Piste.
Que vais-je alors devenir si l'on me prend, vu qu'un Eolas bon marché, c'est rare, et comme ce qui est rare est cher, un Eolas bon marché est onéreux ;)

13. Le mardi 14 décembre 2004 à 09:27 par stef

Yop

Juste un pti commentaire pour faire part du fait que le point (copie sur CD ROM ""legale"" du fait des taxes percues mais non reversees a l'auteur de l'oeuvre) que tu exprimes s'applique tout simplement a ce qui touche à la reconnaissance et aux versements des droits d'auteurs.

Je m'explique : mon intervention est surtout pour remarquer que la perception des droits d'auteurs est une tache difficile et mal appliquee. Prenons le cas de la SACEM...J'ai pas mal de soucis avec eux car pour avoir organise un evenement musical avec des artistes francais et etrangers non enregistrés a la SACEM (Ca coute cher d'ailleurs!), je dois payer une redevance a la SACEM...Les artistes ont recus un cachet raisonnable depassant de tres loin ce qu'il aurait pu recevoir de leurs hypothetiques reversement de droits d'auteurs par la SACEM...

Pourquoi je suis oblige de payer la SACEM??? Cette somme sera reversée aux plus grands vendeurs de disques mais pas aux artistes que j'ai fait joué, et qui ont joué leurs propres morceaux...
C'est ridicule et l'inspecteur de la SACEM qui s'est fait un plaisir de passer l'a avouer lui meme...

Juste pour dire que quand l'interet de la SACEM n'est pas clair et presente des lacunes graves, je vois mal comment en matiere de telechargement on n'arrive a quelque chose de constructif et raisonné.

14. Le mardi 14 décembre 2004 à 15:47 par hodj

Une autre vision des choses
Un film, une image, une chanson, ... a un format numérique quel qu'il soit n'est qu'une serie de 0 et de 1. Soit un nombre (souvent tres grand) exprimé en binaire, c'est le lecteur multimédia qui affiche ce nombre sous forme de video, musique , image, document ...
Est que le droit d'auteur dit que les ayant droit possèdent ce nombre ?
A ce momment la est-il interdit d'étudier ce nombre ( est-il premier ? ...) et que ce passe-t'il si ce nombre correspond a pi ou e avec beaucoup de décimale pi peut-il apertenir à quelqu'un ?

Je pose cette question car dans tout ce que j'ai lu sur le p2p les gents oublient qu'un fichier n'est finalement qu'un nombre et j'espere (ou du moins je prie pour que cela n'arrive pas) que personne n'as le droit de s'approprier les nombres.

C'est une autre vision des oeuvres numerique que j'essaye d'apporter au dela de la propriete intellectuelle

15. Le mardi 14 décembre 2004 à 16:24 par Test

Plusieurs commentaires :

La première erreur est de parler de "propriété intellectuelle" (PI). C'est un mot fourre-tout qui englobe au moins 3 notions de droit différentes (droit d'auteur, des brevets, des marques + variantes selon les pays), et essaie de faire passer l'amalgame "propriété intellectuelle équivalente de propriété matérielle". Voir www.gnu.org/philosophy/no... pour une explication plus détaillée.

Maître Eolas, vous écrivez : "Il demeure que des choses impossibles alors sont devenues techniquement faciles. Faut il pour autant les rendre légales ?". Vous négligez malheureusement les aspects économiques.

La copie d'oeuvres n'était, jusqu'à une certaine époque, accessible qu'à une minorité : industriels (imprimeurs, fabriquants), ou riches bandes mafieuses (les mêmes qui font aussi de la contrefacon de parfums, de vêtements de marque, etc...). Quelqu'un qui copiait en quantités non-triviales, c'était quelqu'un qui y mettait beaucoup de moyens, une activité criminelle intense. C'est pour cette raison qu'il faut le condamner.
Il était alors clair que le citoyen lambda ne peut être comparé à un criminel, même s'il fait des copies d'oeuvres ou de produits de marque (mère qui coud les jeans de ses enfants sur le même patron qu'une célèbre marque, etc...).

Les industriels ont cherché à réduire à l'extrême leurs coûts (en licenciant du personnel, par la même occasion). Ce dont ils ne se sont pas apercus, c'est que subitement, plein de particuliers pouvaient, eux aussi, et à bas coût, profiter des mêmes évolutions de la technique. Effet secondaire intéressant.

Pour l'industrie musicale, par ex., ils ont trouvé un filon énorme : le CD. Il y a 20 ans, un CD coûtait 10 à 20 fois plus à produire (genre 10 Euros contre 50 centimes maintenant). Mais avaient quasiment le même prix. En l'espace de quelques années, on baisse énormément les coûts, mais la baisse n'est pas répercutée vers les consommateurs (habitués à payer 130 FF le CD avant, ils continueront bien à le payer 130 FF après, non ?).
De même, le format MP3 était utilisé à l'origine principalement par les stations de radio. Pas besoin de grosse qualité, et on n'a pas à jongler avec 36 CDs (=> on peut licencier le DJ).

Mais ce qui n'était disponible qu'aux entreprises avec plusieurs millions s'est subitement démocratisé. Tout enfant peut alors jouer dans la même cour que les mafias ou les plus grosses entreprises. Copier est devenu un jeu d'enfant, à vrai dire !
Et du coup, plus personne n'a envie de payer 130 FF le CD, surtout quand on connaît le niveau de chômage actuel, et que l'on sait que 9 titres sur 10 ne valent rien (mais c'est une autre histoire).

Vous demandez s'il faut rendre légaux ces comportements. Mais faut-il vraiment les rendre illégaux ? Criminaliser 99% de la population, les dictateurs et les communistes l'ont essayé, ca ne marche pas sur le long terme. Et l'enjeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Ce ne sont que des mots, des notes de musique, des 0 et des 1. Faut-il vraiment des peines supérieures à celles que peuvent se prendre des voleurs ou des escrocs ?

Vous négligez aussi l'esprit des lois sur le droit d'auteur. Le but, c'est de concéder un monopole temporaire, pour favoriser la créativité et permettre à l'humanité entière de profiter de l'oeuvre une fois que ce monopole est achevé : elles sont alors du "domaine public".
Or, nous sommes passés d'une période initiale de 28 ans après publication à 70 ans après la mort (et 90 ans après la mort de l'auteur aux USA). Ce qui revient quasiment à accorder un monopole à vie aux éditeurs, grands bénéficiaires de ces aménagements (réalisés à leur demande, soit dit en passant).

Le résultat : c'est le monde actuel, où 4 à 5 acteurs majeurs de l'industrie musicale possèdent un monopole à vie sur la plupart des oeuvres, et une quantité d'artistes qui ne peuvent pas en vivre (et ont de fait des dettes à vie envers cette industrie).
Il y a un clair détournement des principes de base, et je trouve sain que les consommateurs ne s'y laissent pas prendre. Criminaliser les utilisateurs, dans tous les cas, n'est certainement pas la solution au problème de la juste rétribution des auteurs.

16. Le mardi 14 décembre 2004 à 16:36 par Test

Pour Stef :

Tu n'étais pas obligé de payer la SACEM. Du moment que tu as des artistes qui ne sont pas ailleurs sous contrat d'exclusivité, et qu'ils sont réellement les auteurs de leurs musiques/paroles (ou que c'est du domaine public, comme du Mozart), tu ne devrais pas avoir de problèmes.
Il faut quand même que tu fasses les choses dans les règles (obtenir une licence en bonne et due forme des artistes et/ou auteurs, autorisant la diffusion de leur musique en tel lieu et heure, etc...)

La SACEM profite d'une position de force pour faire croire que toute diffusion publique de musique implique une redevance à leur payer. C'est faux et archi-faux. Seuls les auteurs ayant signé avec eux, ainsi que ceux des sociétés apparentées (les SACEMs des autres pays, avec qui ils ont des accords d'échange) sont concernés.

Bref, tu as payé alors que tu n'aurais sans doute pas dû. La prochaine fois, tu le sauras. La SACEM te menacera très probablement ("on envoie la police, etc..."), mais si tu as la bonne licence, ils ne peuvent rien faire contre toi.

17. Le mardi 14 décembre 2004 à 19:47 par briaeros007

commentaire en passant
et ensuite ce sont les meme (sacem) qui hurlent au vol....

pour eolas :
juste pour vous felicitez pour votre site , merci et bravo.

18. Le vendredi 24 décembre 2004 à 00:12 par cfg

Quand il faut se prononcer sur la licence légale et sur la rémunération associée,
on peut se pencher sur le dernier article de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Le voici :

Art. 17. -

La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, SI CE N'EST lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

Dans sa seconde partie, l'article explique comment on doit procéder pour procéder à une expropriation, établir un régime d'exception aux droits des propriétaires, et calculer des rémunérations équitables. C'est très compact, détaillons...

- Ca parle de "constat légal". Ce qui suggère que la loi doit être suffisante pour étudier un cas d'espèce. Il n'y a pas besoin d'outillage spécifique, d'experts, de témoignages, juste le texte de Loi.
- Ca parle d'une "exigence de nécessité publique". C'est le corps politique qui choisit les exceptions reconnues et celles écartées. Ceci n'a pas à être examiné par des juges.
- Ca parle d'une "juste et préalable indemnité". "Indemnité" n'implique pas forcément rémunération en billets verts ou en bons d'achats. "Indemnité" c'est plus vague. Mon interprétation personnelle de l'adjectif JUSTE dans ce contexte sera le suivant : L'indemnité est déclarée JUSTE en ceci qu'elle échappe à la justice. La justice n'a pas à se prononcer sur la justesse des indemnités choisies par le politique.

Eolas> La prudence exige de rester sur "à priori, c'est illégal".

Et bien non, Eolas, vade retro!!! J'ai décidé d'être intransigeant. La règle devant être appliquée à priori, c'est celle de la Propriété à l'article 17. Ces 488 copies APPARTIENNENT à Aurélien D. Alors qu'on arrête de vouloir l'en déposséder. C'est un sacrilège obscène selon l'article 17. ;-)

Ou alors, tachez de lui faire une expropriation honnête, dans les règles :
1- Prouver à Aurélien et aux autres qu'il y a une nécessité publique de scratcher ces galettes diaboliques à coup de talons.
2- Convaincre que c'est super urgent de résoudre ce problème sans délai.
3- Négocier une indemnité préalable qui console le pauvre Aurélien. et oui. :-)
4- rédiger une loi et la voter.

Je pousse loin le bouchon, c'était pour illustrer comment fonctionne l'article 17.
Mais j'aimerai faire remarquer que les internautes attendent toujours que leur soit présentée la preuve d'un quelconque trouble à l'ordre public. l'étape (1) n'est pas établi dans ma liste. Le peer to peer ainsi que la copie privée auraient un impact favorable sur les ventes de biens culturels. Ce n'est guère surprenant.

PS : lire aussi mon éloge de la sphère privée sur le weblog du 3 novembre. /pub

19. Le lundi 27 décembre 2004 à 21:32 par Joel

l'article L122-5 du code de la propriété intellectuelle stipule que : "Lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire :
(...)
2º Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l'exception des copies des oeuvres d'art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l'oeuvre originale a été créée et des copies d'un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l'article L. 122-6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d'une base de données électronique ; (...)"
Il n'est nullement écrit que le copiste privé doive posséder l'original, il suffit que l'oeuvre ait été divulguée, c'est à dire accessible au public.
Posséder des fichiers MP3 de chansons dont on ne possède pas l'original ne parait donc pas illégal dès lors qu'on en fait un usage exclusivement privé.
Le délit de recel de contrefaçon ne peut être établi que s'il est prouvé que la copie est issue d'une contrefaçon et non d'un original du commerce.
Cela dit, je suis d'accord avec Test sur l'incohérence d'une législation qui protège l'oeuvre intellectuelle jusqu'à 70 ans après la mort de son auteur, alors qu'un brevet expire 30 ans après son dépôt.

20. Le lundi 3 janvier 2005 à 12:18 par Nico

"Il y a de toutes façons contamination par le caractère illicite, que le téléchargeur ne peut ignorer puisque tout téléchargement provient nécessairement d’une contrefaçon."

On pourrait objecter qu'un certain nombres d'oeuvres sont disponibles avec des licences "libres", ou éventuellement dans le domaine publique... mais il est vrai qu'en l'absence d'indications claires, le téléchargeur doit supposer les oeuvres soumises au règles ordinaires de la propriété intellectuelle.

Cela dit, une question : est-il licite d'enregistrer une oeuvre qui passe à la télévision ? De récupérer physiquement un enregistrement chez un ami ? De faire la même chose par le réseau P2P ?
J'attend votre avis, mais je pense que la première partie ne pose pas de problème. La deuxième et la troisième ne présente qu'une différence technologique. Le problème serait donc de savoir s'il est possible de récupérer physiquement un enregistrement chez un ami...

Si vous me répondez oui, alors je conteste votre argument préalablement cité. Dans le cas contraire, je m'inquiète : est-il sain que la grande majorité des français vivent dans l'illégalité, une illégalité qui ne concerne pas de simples infractions - qui n'a pas une fois enfreint le code de la route ? -, mais qui concerne un délit qui s'apparente à du vol ? En denonçant aux majors mon voisin qui m'exaspère, j'ai de fortes chances pour qu'il possède ou bien des DivX, ou bien des cassettes VHS contenant un certain nombre de films, et hop, 20.000€ d'amende pour le voisin désagréable...
Bonjour le climat de suspiscion stalinienne...

21. Le vendredi 14 janvier 2005 à 14:17 par nounours

Tout cela est bien passionnant...et aussi déconcertant...
EN EFFET:

1- Mon fils, anglophone, ne télécharge que des films US que l'on ne trouve pas dans le commerce en France.
Comment faire pour lui ? Quelle autre solution ? Il peut prouver que son stock ne passe pas sur le câble et que les DVD ou cassettes sont introuvables à la FNAC....pour la plupart soyons honnêtes...

2- Moi je télécharge un max. les films qui passent à la télé ou sur le câble...C'est bien un téléchargement ? NON ? C'est téléchargé par le mêne fil que NOOS qui me fait aussi passer le signal ADSL sur mon PC et sur le PC de mon fils. Donc c'est la même chose ? Vous êtes bien d'accord ? Alors ? Et en plus, j'enregistre des cassettes vidéo et je grave des DVD. Et en plus je les passe à des parents et amis. En bon citoyen, je paye la redevance. Mais la redevance ne concerne que le fonstionnement des chaines publiques. Je paye aussi un abonnement sur le câble. Mais il ne concerne pas les droits d'enregistrement (je n'ai rien vu d'écrit dans ce qui est écrit en tout petit caractères au dos du contrat). ALORS ?????

Conclusion .....Est-ce que les tribunaux vont me poursuivre comme ils pourraient le faire pour mon fils ? Beau débat...Et on se prend les pieds à moins que je fasse ici une grosse erreur de jugement.

22. Le jeudi 24 février 2005 à 02:55 par Anthony

Pour repondre a Nounours, rien n'empeche a votre fils de commander ses films US sur amazon.com. Ils seront en zone 1 (si ce sont des DVDs), il vous suffira d'avoir un lecteur DVD dezone.
Je fais la meme chose dans le sens contraire, quand j'achete des films francais et que je les regarde aux USA.

23. Le jeudi 10 mars 2005 à 17:56 par Schloren

"J'émettais alors un avis très critique de ce jugement, lui annonçant une fin prochaine sous les fourches caudines de la cour d'appel de Montpellier."
Ce en quoi vous aviez tort, maître :-)

Un internaute relaxé en appel après avoir téléchargé plus de 500 films
fr.news.yahoo.com/050310/...

24. Le lundi 2 mai 2005 à 11:48 par Serj

Salut!

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