Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Un procureur convoqué à la chancellerie

Dans le bureau du garde des sceaux, Rachida Dati, assise, fait face à un procureur, debout. D'une attitude décontractée, elle lui dit : « C'est pourtant simple : à l'audience, vous êtes libre d'approuver la politique du gouvernement... »

L'événement est assez rare et notable pour mériter plus qu'un dessin quelque peu moqueur.

Rappelons les faits : lundi dernier, à l'audience des comparutions immédiates, le procureur d'audience, Philippe Nativel, a requis qu'il ne soit pas fait application de la peine plancher de quatre années encourue par le prévenu, poursuivi pour cession de stupéfiants en récidive. Pour la petite histoire, il a requis un an ferme, le tribunal a prononcé huit mois, qui font trente deux mois avec la révocation du sursis antérieur.

Là n'est pas le problème, car la loi du 10 août 2007 prévoit expressément qu'on puisse écarter la peine plancher à certaines conditions appréciées par la juridiction.

Le problème vient de propos qu'il aurait tenu à l'audience et qui ont été rapportés par un journaliste de l'Est Républicain présent à l'audience :

Je ne requerrai pas cette peine plancher de quatre ans car les magistrats ne sont pas les instruments du pouvoir. Ce n'est pas parce qu'un texte sort qu'il doit être appliqué sans discernement.

Ces propos lui ont valu une convocation à la Chancellerie, autre nom du ministère de la justice, que l'on utilise quand seuls les services judiciaires sont concernés (le ministère de la justice gère aussi l'administration pénitentiaire). Il n'est pas venu seul, le Procureur de la République de Nancy et le Procureur Général étaient du voyage. Mon dessin est donc incomplet, il est aussi faux car ce n'est pas Rachida Dati qui l'a reçu mais le directeur des services judiciaires et le directeur adjoint de cabinet du garde des sceaux.

Pourquoi cet aréopage, et de quel droit cette convocation ?

Parce que la magistrature se divise en deux : il y a les magistrats du siège, c'est à dire les juges (ils restent assis quand ils parlent), et la magistrature debout, c'est à dire les procureurs, qui se lèvent pour parler. Les procureurs représentent la société, engagent les poursuites, et requièrent l'application de la loi à l'audience, c'est à dire forment une demande, au même titre que les avocats présents, le tribunal étant souverain dans les suites à donner. Il peut même aller au-delà des réquisitions du parquet, le seul maximum étant fixé par la loi.

Alors que les juges sont rigoureusement indépendants, les procureurs ne le sont rigoureusement pas. Le parquet est hiérarchisé, et chacun de ses membres, que j'appellerai "procureurs" pour faire simple, sont interchangeables. Le parquet est indivisible, a-t-on coutume de dire : chaque procureur le représente en entier. On appelle aussi le parquet le ministère public. Ces deux termes sont synonymes, ministère public étant plus utilisé pour désigner l'ensemble fonctionnel, le parquet désignant plutôt l'ensemble des procureurs d'un tribunal. Ainsi, tous mes dossiers pénaux sont intitulés : (nom du client) contre ministère public. Le ministère public est mon adversaire, peu importe que je sois opposé à un procureur du parquet de Thionville ou un avocat général du parquet général de Saint Denis de la Réunion.

La hiérarchie du parquet est simple : dans chaque ressort de cour d'appel, il n'y a qu'un seul grand Manitou, le procureur général, et les procureurs de la République sont ses prophètes.

Voyons plus en détail. Les parquets suivent la carte judiciaire. Pour une cour d'appel, il y a un parquet, qu'on appelle parquet général, dirigé par le procureur général. Il est composé de substituts généraux, qui ont des tâches administratives, et des avocats généraux, qui plaident aux audiences, tout particulièrement aux assises. Philippe Bilger est ainsi avocat général à la cour d'appel de Paris, dirigé par Laurent Le Mesle, qui est donc son supérieur hiérarchique. Le procureur général peut décider d'aller siéger à n'importe quelle audience de la cour d'appel et de requérir aux côtés ou à la place de n'importe quel avocat général, discrétionnairement. C'est ce qui s'est passé lors du procès en appel de l'affaire d'Outreau, ou le procureur général de l'époque, Yves Bot, a siégé en personne, et fait une conférence de presse exprimant ses regrets aux accusés alors même que la cour n'avait pas fini de délibérer. Il ne peut par contre aller siéger devant le tribunal de grande instance, mais peut donner des instructions écrites au procureur de la République pour qu'il aille requérir en personne.

Le procureur général dirige donc son parquet général, mais en plus il est le chef des procureurs de la République, qui, eux, dirigent les parquets des tribunaux de grande instance du ressort, composés de substituts et de procureurs adjoints (je vous fais cadeau des vice-procureurs et premier vice-procureurs, c'est une question d'avancement hiérarchique et non de droit judiciaire). C'est donc lui qui dirige la politique pénale dans son ressort, et qui notamment est en charge de la notation des procureurs de son secteur.

Au dessus des procureurs généraux, il y a le Très Grand Manitou : le Garde des Sceaux. C'est lui (en l'occurrence, elle) qui unifie au niveau national la politique pénale, par des circulaires distribuées aux parquets (généraux, avec copie aux procureurs de la République, et copie pour information aux juges du siège) et donnant des instruction pour appliquer telle loi, et fixant des priorités (par exemple : poursuivre systématiquement toutes les violences conjugales). Le Garde des Sceaux est enfin l'autorité de poursuite des magistrats du siège (il saisit le Conseil Supérieur de la Magistrature, CSM, qui prononcera la sanction) et l'autorité qui sanctionne les magistrats du parquet (le CSM ne donnant qu'un avis consultatif sur la sanction). C'est ainsi que le précédent Garde des Sceaux s'est sérieusement posé la question de savoir si le fait que le célèbre juge d'instruction qui a instruit l'essentiel de l'affaire d'Outreau était désormais procureur au parquet de Paris lui permettait de prononcer lui même une sanction sans passer par le CSM. La réponse est évidemment non, la faute supposée ayant été commise en qualité de juge, ce sont les règles applicables aux juges qui doivent être suivies.

Mais (car en droit, il y a toujours un mais), un procureur a beau être procureur, il n'en est pas moins magistrat. Le parquet est la magistrature debout, pas la magistrature couchée. S'il est tenu, à peine de sanction disciplinaire, d'obéir à ses chef, il en conserve néanmoins une parcelle de liberté à laquelle les procureurs sont farouchement attachés. Cette liberté est joliment résumée par une formule bien connue des étudiants en droits : « A l'audience, la plume est serve mais la parole est libre. »

C'est à dire que le procureur d'audience est tenu de suivre les instructions écrites qu'il aura reçues, mais peut parfaitement, sans que personne ne lui en fasse le reproche, s'en désolidariser oralement à l'audience et dire quelle serait, en son âme et conscience la meilleure application de la loi.

Plus prosaïquement, ce principe est consacré par la loi à l'article 33 du code de procédure pénale.

Si un procureur pense qu'Untel est innocent, mais que sa hiérarchie lui ordonne de le poursuivre, il devra rédiger et signer l'acte de poursuite (cédule de citation, réquisitoire introductif...). Mais une fois à l'audience, il pourra dire « J'ai poursuivi Untel car tels étaient les ordres que j'ai reçus ; mais je reste convaincu comme je l'étais alors qu'il n'est pas l'auteur des faits, et pour ma part, je requiers la relaxe ».

Vous voyez, ce n'est pas une question d'ego ou de susceptibilité professionnelle. Derrière, il y a une garantie des libertés.

Revenons en à notre procureur rechignant à être un instrument.

Le Garde des Sceaux, le Très Grand Manitou, a estimé qu'en tenant les propos rapportés par la presse, il a outrepassé cette liberté en critiquant ouvertement la politique pénale du gouvernement alors qu'il est en charge de faire appliquer la loi selon les directives du gouvernement. Comme chef du parquet, elle a donné l'ordre à l'intéressé de venir s'expliquer. Comme il s'agit d'un procureur, son chef direct, le procureur de la République, est du voyage. Et comme le Procureur Général est le grand chef du parquet, et est en charge de la notation des parquetiers, lui aussi aura pu tester le TGV Est. Car sans aller jusqu'aux poursuites disciplinaires, il est loisible d'apprendre à un procureur le respect dû à ses supérieurs en lui confiant un de ces postes ennuyeux à mourir administratifs le tenant éloigné des prétoires, sa liberté de parole étant ainsi réservée à son assistant de justice.

L'intéressé niant avoir tenu les propos qui lui ont été prêtés, et précisant qu'ils ne reflètent pas ceux qu'il a pu tenir à l'audience, la Chancellerie a fait savoir qu'aucune poursuite ne serait engagée. L'affaire serait close, et le procureur général de Nancy, que j'ai entendu à la radio cet après midi, semble apporter son soutien inconditionnel à son procureur, en disant en gros que d'une part, il nie avoir tenu ces propos et que lui croit la parole de ses procureurs, et qu'en tout état de cause, la liberté de parole des procureurs doit être respectée. Donc, ce procureur ne devrait pas être muté à la révision des registres d'état civil.

Que penser de cette affaire ?

Pour tout dire, elle ne me plaît pas. Il y a dans l'attitude de la Chancellerie un message adressé à tous les parquetiers : nous vous surveillons. Obéir à nos instructions ne suffit plus, si des propos tenus à l'audience nous parviennent et nous déplaisent, ce sera un voyage à Paris avec le chef et le chef du chef, qui seront ravis de perdre ainsi une journée et se souviendront de votre nom le jour des notations. A bon entendeur, silence.

La liberté de parole à l'audience est pour moi fondamentale, c'est une pierre angulaire du procès. Pouvoir tout dire n'est pas le droit de dire n'importe quoi, bien sûr, et il y a des propos qui peuvent entraîner des sanctions disciplinaires ou pénales, pour eux comme pour nous avocats. Mais là, ces propos fussent-ils établis, je ne pense pas que cette limite eût été franchie. En tant qu'avocat, je veux que le procureur puisse émettre des réserves sur les conséquences qu'aurait l'application d'une loi, que ce soit au cas d'espèce par accident, ou de manière générale parce qu'un texte lui semble pernicieux. Le respect dû à la loi suppose que la loi puisse être jugée. En France, ce n'est pas le cas, nous n'avons pas de contrôle de constitutionnalité digne de ce nom. J'apprécie l'idée que face à une loi vraiment dangereuse (ce que la loi sur les peines planchers n'est pas selon moi), le tribunal pourra entendre le tocsin résonner depuis le banc du procureur et joindre son carillon à celui de la défense. C'est un allié de poids dans cette hypothèse, je ne veux pas qu'on le baillonne, même si je sais que le plus souvent, il dira des choses qui ne me conviendront pas. J'en fais mon affaire.

Là où l'attitude du gouvernement confine à l'aveuglement, c'est qu'il ne réalise visiblement pas que pour que ses procureurs gardent une vraie autorité à l'audience, et puissent requérir avec efficacité l'application des lois voulues par le gouvernement, il faut que le tribunal sache que quand il le fait, c'est librement et en conscience. En faire les Beni oui-oui du gouvernement serait se tirer une balle dans le pied.

En somme, celui qui a perdu une bonne occasion de se taire n'est pas celui qu'on croit.

La discussion continue ailleurs

1. Le mardi 4 septembre 2007, 18:15 par Ca'Paxatagore

Qui est le chef des procureurs ?

et question subsidiaire : de qui les juges tirent leur légitimité ? A ces deux questions, si l'on en croit Le Monde, le Garde des Sceaux a apporté la réponse suivante : elle est le chef des procureur. les juges tirent leur légitimité du...

Commentaires

1. Le jeudi 30 août 2007 à 22:45 par Suzanne

Cette maxime "A l'audience, la plume est serve mais la parole est libre" est à mon sens centrale non seulement dans le domaine de l'application du droit au tribunal, mais aussi dans l'ensemble des institutions appliquant du droit. C'est-à-dire en réalité toutes les institutions. Si le droit doit être connu et appliqué, l'état de droit qui caractérise (encore et sous quelques limites) notre Etat exige sinon demande que chaque individu qu'il soit magistrat, directeur pénitentiaire, directeur hospitalier, directeur universitaire et que sais-je encore puisse exprimer son opinion ou sa pensée sur la règle qu'il applique.

La volonté de la Chancellerie de montrer qu'elle "surveille" ce qui se passe et ce qui se dit dans les différents tribunaux pourrait donner de mauvaises idées aux autres ministères et conduire peu à peu à l'apparition de corps de fonctionnaires sans conscience et sans liberté ou possibilité de remettre en cause les décisions et les orientations de leur ministère de tutelle.

2. Le jeudi 30 août 2007 à 22:52 par Delio

Que dire de plus que "Bravo Eolas".

Je comprends les collaborateurs, qui, les uns après les autres, abandonnent le navire "Rachida Dati".

En effet que peut-on espérer d'une "fliquette" qui s'est vue confier la garde des pelles, rateaux et autres seaux par le ministre de tout et représentant exclusif en Europe de l'Ouest de la marque "Karcher" ?


En gros, le message sarkoso-datien est : "Faites ce que je vous dis de faire, ne pensez pas, vous n'êtes qu'un rouage, vous n'avez pas le droit de réfléchir".






Encore une fois, je ne regrette pas une seconde le nom inscrit sur le bulletin que j'ai déposé dans l'urne en mai dernier. Elle n'aurait peut-être pas fait mieux, elle n'aurait en aucun cas pu faire pire !

3. Le jeudi 30 août 2007 à 23:02 par Lucas Clermont

Méthode de gribouille en effet, si l'on pense qu'un procureur accorde plus de poids à sa dignité au sens de sa fonction qu'à ses intérêts bien compris. Mais y-a-t-il une solidarité, l'habitude de s'organiser entre procureurs qui puisse contrebalancer les attitudes timorées de ceux qui plieraient si de telles pressions devenaient la règle ?

4. Le jeudi 30 août 2007 à 23:17 par Shadoko

Et dans le cas où une sanction est prise à l'encontre d'un membre du parquet, celui-ci peut-il la contester devant le tribunal administratif ?

5. Le jeudi 30 août 2007 à 23:17 par David

trois remarques, si vous le permettez, maître.

- à la vitesse où se déposent les démissions au ministère de la justice, je m'étonne que Rachida Dati ait encore un directeu adjoint de cabinet.

- Rachida Dati lit l'Est Républicain.

- dans son discours devant le patronat aujourd'hui, Nicolas Sarkozy a déclaré (je cite) : "Les juges doivent jouer le jeu. Jouer le jeu pour les juges, c'est ne pas se laisser tenter par le gouvernement des juges. C'est ne pas se laisser aller à devenir les arbitres de la politique..."

(apparté : il a demandé à ce que Rachida Dati fasse des propositions pour que "la moindre erreur de gestion" n'encombre plus les juridictions correctionnelles. Comme elle doit déjà réfléchir au moyen de juger les déments, elle pourra faire d'une pierre deux coups : écarter les uns et libérer de la place pour les autres - pourvu qu'elle ne mette pas les chefs d'entreprises en hôpital fermé !).

6. Le jeudi 30 août 2007 à 23:21 par Greg

A noter que l'individu jugé, présentait des garanties de réinsertion, l'excluant donc d'une peine sous le régime de la nouvelle loi.
D'où, la juste considération du cas de l'espèce avec "discernement".

7. Le jeudi 30 août 2007 à 23:35 par RG

Ce qui est inquiétant est que la chancellerie n'ait pas sembler douter de ce qui a pu être écrit dans la presse, c'est signe qu'elle ne lit ni Eolas ni Philippe Bilger :)

8. Le jeudi 30 août 2007 à 23:38 par David

@7 RG,
mais c'est parce que les journalistes ont bien meilleure réputation que les juges... eux aussi ont une déontologie.

9. Le jeudi 30 août 2007 à 23:47 par Raph

Serait-il intéressant de créer un poste de procureur suprême, "indépendant" du pouvoir politique, nommé par le président, et approuvé par le parlement dans une large majorité ?
Il me semble qu'un candidat avait proposé une telle mesure..

10. Le vendredi 31 août 2007 à 00:12 par RG

@8 David

certes mais les juges ont de l'oreille, ils ne sont pas génés par le bruit des rotatives.

11. Le vendredi 31 août 2007 à 00:13 par Vonric

Ayant lu les faits en détails dans plusieurs journaux ce soir au cours de mon voyage Eurostar je me suis bien dit: c'est du pain béni pour Eolas... ce le fut, et la reáction fut meme plus rapide que je ne m'attendais. Merci :-)

12. Le vendredi 31 août 2007 à 00:35 par Kerri

mais maître, si l'on peut déplorer l'absence de "réel contrôle de constitutionnalité des lois", il me semble que cela ne donne pas aux magistrats, personnes chargées d'appliquer la loi, le droit de la juger.
La loi est l'expression de la volonté générale

13. Le vendredi 31 août 2007 à 00:42 par Salomon Ibn Gabirol

"il est aussi faux car ce n'est pas Rachida Dati qui l'a reçu mais le directeur des services judiciaires et le directeur adjoint de cabinet du garde des sceaux.", que l'on appelle ainsi quand on fait tout un paté d'un rien du tout....

14. Le vendredi 31 août 2007 à 00:53 par berli

L'apprentissage de l'obéissance est chose longue et difficile qui nécessite de la patience et de l'abnégation.

15. Le vendredi 31 août 2007 à 00:57 par RG

@9 Raph

L'indépendance de celui qui a un budget très limité restera quoi que vous fassiez très limitée.

@12 Kerri

Chuuuuuuuut malheureux, ça n'a pas eu lieu ! ;)

16. Le vendredi 31 août 2007 à 01:22 par momone

"En France, ce n'est pas le cas, nous n'avons pas de contrôle de constitutionnalité digne de ce nom."

Qu'est-ce à dire ? Si vous pouviez éclairer ma lanterne sur ce sujet, j'en serais très heureuse... Mais peut-être avez -vous déjà écrit un billet là-dessus ?

17. Le vendredi 31 août 2007 à 01:32 par Kerri

@16:Momone: Maitre Eolas parle ici du contrôle de constitutionnalité des lois.
Dans certains pays, si une loi est contraire à la constitution, les tribunaux en écarte l'application.
En France, seul le conseil constitutionnel juge de la constitutionnalité des lois, il ne peut être saisit que par les personnes habilitées à le faire (président de la République, du Sénat, de l'Assemblée Nationale, 60députéés ou 60 sénateurs). Il doit être saissit avant l'entrée en vigueur d'une loi. Une fois que la loi est entrée en vigueur, plus aucun contrôle de constitutionnalité n'est possible, même s'il est clairement apparent que la loi est contraire à la constitution, les juges n'effectuent pas ce contrôle.
Les deux systèmes ont leurs intérets

18. Le vendredi 31 août 2007 à 03:00 par Greg

@ Kerri
Je corrobore ce que tu dis. Il y a même un récent Comité de réflexion institué, portant sur les institutions de la Ve République qui est en train de réfléchir - entre autres - sur une saisine du Conseil Constitutionnel par le justiciable, "a posteriori"... C'est encore un autre débat.

Ceci dit, je vois que je ne suis pas tout à fait le seul à ne pas être tout à fait certain de la signification de cette phrase :

"Le respect dû à la loi suppose que la loi puisse être jugée."

D'un point de vue institutionnel, ce jugement, soit :
-> Il est effectué par saisine "a priori", auquel cas c'est sa conformité à la norme "suprême" qui est jugée.
-> Ou, il est effectué "a posteriori", auquel cas il remet fortement en question la sécurité juridique.
(Notons quand même que, fort heureusement, les lois inconstitutionnelles en vigueur, ne sont pas aussi fréquentes que cela)

J'en déduis que vous parlez d'un jugement d'efficience.
Finalement, vous soulevez le point de la création de la loi. Autrement dit "l'élaboration théoricienne" face à une élaboration plus "praticienne".
Vous dites :

"[...] je veux que le procureur puisse émettre des réserves sur les conséquences qu'aurait l'application d'une loi [...]"

Ses réserves sont nécessairement émises avant le vote d'une loi, dès lors ne passons pas d'une ingérence à une autre.
Obtenir l'avis des procureurs pour l'adoption d'une loi pénale, est une ingérence du judiciaire dans le législatif, même si leur avis n'est que consultatif.
On peut toutefois imaginer des périodes d'essai pour certaines lois (comme il a été fait pour la loi Veil en 75), pour les lois pénales considérées "dangereuses", ou suffisamment lourdes de conséquences pour nécessiter une période d'essai.

Maître, corrigez s'il vous plaît, si j'ai mal saisi vos propos.

19. Le vendredi 31 août 2007 à 08:12 par CJ Cregg

@ Eolas:
"En France, ce n'est pas le cas, nous n'avons pas de contrôle de constitutionnalité digne de ce nom."
@ Momone (16) :
Qu'est-ce à dire ?
et Kerri (17) :
Dans certains pays, si une loi est contraire à la constitution, les tribunaux en écarte l'application.
En France, seul le conseil constitutionnel juge de la constitutionnalité des lois, il ne peut être saisit que par les personnes habilitées à le faire (président de la République, du Sénat, de l'Assemblée Nationale, 60députéés ou 60 sénateurs). Il doit être saissit avant l'entrée en vigueur d'une loi. Une fois que la loi est entrée en vigueur, plus aucun contrôle de constitutionnalité n'est possible, même s'il est clairement apparent que la loi est contraire à la constitution, les juges n'effectuent pas ce contrôle."

Ceci n'est pas tout à fait exact.
Le juge administratif peut écarter l'application d'un décret, d'un arrêté ou annuler une décision lesquels sont pris en application d'une loi anticonstitutionnelle (ou le cas échéant anticonventionnelle) c'est à dire vider, en l'espèce, la règle législative de son venin.

20. Le vendredi 31 août 2007 à 08:30 par David

il ne me semble pas qu'il n'y ait pas de débat d'une loi si l'opinion publique veut bien s'en saisir avant son adoption par le parlement. et les procureurs, qui sont des magistrats, peuvent bien émettre leurs réserves, que ce soit à titre personnel ou par l'intermédiaire de leurs syndicats.
il s'agit plutôt là, j'ai l'impression, d'émettre des réserves quant aux conséquences qu'aurait l'application d'une loi dans "chaque" cas précis, celui qui concerne le jugement en cours. et cette appréciation peut permettre au juge d'interpréter la loi dans son verdict.
dans le cas ici soumis, c'est bien de cela qu'il s'agit. le procureur a émis des réserves sur l'application des peines planchers, il a été suivi par le juge.

ce que je trouve le plus inquiétant dans cette affaire, c'est plutôt que le procureur ait été convoqué à la suite d'un article de presse. ça oui, c'est un vrai flicage des magistrats. je me demande par quels canaux ça a pu remonter d'un quotidien régional au cabinet du ministre. et l'affaire démontre un empressement manifeste, et semble-t-il mal informé, à vouloir réprimer les comportements "déviants" dans la magistrature.

21. Le vendredi 31 août 2007 à 09:06 par jb_romain

Il me semble profane que je suis, qu'il y a une incompatibilité totale entre deux positions que semble vouloir prendre la magistrature -où du moins ses portes paroles- :

- Défendre le pouvoir exécutif de toute intervention dans le processus judiciaire au nom de la séparation des pouvoirs.

- S'autoriser la critique des lois dans le tribunal au nom de la liberté de parole.

J'ai lu avec attention votre billet Eolas et il ne me semble pas répondre à ce dilemme. Soit les magistrats sont les tenants de la loi et ils protègent leur fonction de toute intervention extérieure, soit ils font de la politique.

Critiquer une lois dans l'exercice de sa fonction -Ici il semble que ce ne soit pas le cas-, c'est de la politique.

22. Le vendredi 31 août 2007 à 09:32 par Armand

Cher Maître Eolas,
Je crois (et espère) que ce n'est qu'une maladie de jeunesse.
Chacun a sa place (selon sa sensibilité) dans le respect des lois.
Chacun essaie de défendre (ou d'étendre) son pré-carré: ceux qui font les lois et ceux qui les interprètent...
Il serait malheureux que les peines varient dans un rapport de un à quatre d'une élection à l'autre!
Il faut une certaine continuité.
Salutations respectueuses

23. Le vendredi 31 août 2007 à 09:40 par Laurent

Pour en revenir à l'article 33 du CPP, lors du procès d'un élu communiste dans le Nord en 2003, l'avocat des parties civiles avait lu une lettre du Garde des sceaux Dominique Perben : « je considère que les faits constituent l'infraction de discrimination et nous avons prié le parquet de poursuivre ». Le parquet a fait appel (de la relaxe), en indiquant clairement qu'il avait agis « conformément aux instructions du ministre de la Justice ». En rendant public les instructions du ministre, le parquet montrait implicitement qu'il était opposé à cet appel. La marge de manoeuvre du parquet est quand même très très étroite.

24. Le vendredi 31 août 2007 à 09:42 par Ferdi

Bonjour à tous,

Juste une petite question:
Pourquoi dans ce cas précis n'a-t-il pas simplement "oublié" la récidive ?
C'est bien du procureur dont il s'agit ... c'est donc lui qui aurait à priori qualifié l'acte de récidive, non ?

... personne n'en a pour l'instant parlé, et vu mon niveau en droit il y a de grandes chances que je sois à côté, mais j'aimerais bien ne pas vivre idiot :)

25. Le vendredi 31 août 2007 à 10:01 par elnino

@Me Eolas et4: ce qui assure au magistrat poursuivi une meilleure garantie que s'il était jugé par ses pairs (cf. jurisprudence stilinovic, de montgolfier ect...).
En revanche, on peut regretter du point de vue des garanties que les juges des tacaa doivent exercer leur recours devant le CE (lequel est le gestionnaire et l'auteur des poursuites...)..

26. Le vendredi 31 août 2007 à 10:02 par groquick

@19:
" Ceci n'est pas tout à fait exact.
Le juge administratif peut écarter l'application d'un décret, d'un arrêté ou annuler une décision lesquels sont pris en application d'une loi anticonstitutionnelle (ou le cas échéant anticonventionnelle) c'est à dire vider, en l'espèce, la règle législative de son venin. "

Si je me souviens bien de mes cours de droit admnistratif, le Conseil d'Etat refusait de statuer sur la constitutionnalité d'un décret d'application en vertu de la doctrine de la loi écran. Dois en déduire que cette doctrine a été abandonnée? Si oui, je suis intéressé par les références de cette décision...

27. Le vendredi 31 août 2007 à 10:04 par Billy Budd

Si les propos avaient été tenus, je les aurais trouvés regrettables puisque la loi sur les peines plancher prévoit "l'application avec discernement"

Dès lors, parler "d'instruments du pouvoir" me paraît particulièrement déplacé et me rappelle la contestable motivation de la Cour d'Appel de Paris au sujet du CNE - ou CPE

28. Le vendredi 31 août 2007 à 10:12 par Egaze

Ne dit-on pas procureur de la République à Nancy plutôt que que procureur de la République de Nancy?
Il n'y a qu'une République.... de Calais à Perpignan, et de Brest à Strasbourg.
En outre, même si le parquetier est libre lors de l'audience de sa parole, il n'en reste pas moins chargé de faire appliquer la loi et d'appliquer la politique pénale décidée par le gouvernement de la République, même si celle(s)-ci ne lui plaî(sen)t pas.
Il n'est pas juge de la loi.
C'est aussi cela la séparation des pouvoirs.
S'il n'est pas content, ou s'il a des états d'âmes, il peut changer de métier et devenir...parlementaire ou avocat!
Bref, sur le fond, je ne suis pas en total désaccord avec Rachida Dati. Il est vrai qu'elle aurait dû y mettre un peu plus de formes.
En en plus, ce qui me dérange, c'est une fois de plus la réaction surdimensionnée et corporatiste de l'USM et du SM.

29. Le vendredi 31 août 2007 à 10:14 par jb_romain

Premier point:

Il me semble que cette loi prévoit la possibilité que la condamnation soit modulée pourvu que ce choix soit motivé.

Avec cette loi il y a une prise de responsabilité du magistrat non ? Il doit expliquer pourquoi la peine plancher ne sera pas appliquée. D'où une prise de risque, un choix.

C'est pour ça que je trouve curieux que vous parliez d'instrument "décérébré" alors même que la conviction personnelle du magistrat influe sur la peine et qu'il doit expliciter ses choix.

Deuxième Point:

Durant mes cours d'éducation civique l'idée de la séparation des pouvoirs était la suivante : La loi se discute à l'assemblée et elle est appliqué par le judiciaire.

En tant l'électeur j'ai voté pour les législatives pas pour un procureur (au contraire des US il me semble). Aussi je ne comprend pas avec quelle légitimité il pourrait contester en audience la loi des élus de la nation. D'autant que si je suis vos explications un procureur poursuit au nom du peuple Français.

Et en tant que quidam je pense que mon opinion est assez répandue : "Les magistrats font tout un pataquès de l'indépendance de la justice vis à vis du politique, pourtant la parole de la justice (Syndicats par exemple) est très politisée et ne semble pas vouloir respecter cette séparation des pouvoir si vantée, comment leur accorder du crédit ?"

30. Le vendredi 31 août 2007 à 10:16 par Thib

Pour rebondir sur le Egaze:
Voir ce que dit Philippe Bilger sur son blog (philippebilger.com), je le cite:
"Mais pourquoi diantre a-t-il cru bon d'ajouter que les magistrats ne sont pas "les instruments du Pouvoir", comme si nous pouvions récuser une loi votée par le Parlement, au motif que le Pouvoir qui est à son origine ne nous convient pas ? En démocratie, c'est mettre l'esprit dans un processus intenable et illégitime."
Fermez le ban.

31. Le vendredi 31 août 2007 à 10:23 par xerbias

J'ai une difficulté de compréhension sur la légitimité des magistrats professionnels : dans les tribunaux de commerce, les juges sont, je crois, élus par leurs pairs. Dans les conseils de prud'hommes, ils sont élus et par les salariés et les employeurs. Pour les cour d'assises, il me semble qu'il y a un jury provenant de la population.

Dans le cas des tribunaux correctionnels, je croyais que les magistrats du parquet étaient les représentants du pouvoir exécutifs, puisque serviteurs de la chancellerie. Mais pour les magistrats du siège, d'où ceux-ci tirent-ils leur légitimité ? Je me pose la question depuis que j'ai compris qu'ils n'avaient pas simplement à appliquer la loi, mais pouvaient également la critiquer et trouver des moyens de la contourner. Et les syndicats de magistrats, quand ils s'exprimant pour eux dans les médias, semblent avoir leur propre vision de la société à mettre en oeuvre dans les tribunaux.

Bien sûr, le pouvoir judiciaire est indépendant de l'exécutif et du législatif, mais a-t-il un lien avec le reste de la société pour laquelle ce pouvoir est exercé qui lui donne sa légitimité ? Pour l'instant ce point reste flou pour moi.

32. Le vendredi 31 août 2007 à 10:24 par nouvouzil

@28

La convocation au Ministère a eu lieu de manière spectaculaire et sans vérification que le journaliste avait exactement rapporté les propos du procureur. Cette précipitation est en soi une erreur.

Il est paradoxal que, pour une audience publique, il ne soit pas possible de connaître le contenu exact de ces propos que, rappelons-le, le procureur en question nie avoir tenus.

33. Le vendredi 31 août 2007 à 10:35 par Kerri

@eolas: "Et la volonté générale ne saurait se tromper, n'est ce pas ?"
ce n'est pas ce que je dis, je dis simplement que les magistrats sont des individus chargés par l'état d'appliquer la loi, loi qui est faite par nos élus. Il n'appartient pas aux magistrats de dire "telle loi est idiote". L'indépendances de la magistrature ne doit pas permettre aux magistrats d'appliquer les lois à leur convenance, comme les parlementaires de l'ancien régime.

34. Le vendredi 31 août 2007 à 11:10 par Billy Budd

Maître Eolas, pour le "discernement", je peux vous renvoyer à :

www.maitre-eolas.fr/2007/...

35. Le vendredi 31 août 2007 à 11:18 par Greg

@ Kerri

Il ne leur appartient pas de dire si telle loi est idiote ou non.
Mais le travail du juge transcende une application bête est méchante de la loi, et implique un certain "discernement" dû à chaque cas de l'espèce. (CQFD)
Ce n'est pas appliquer à leur convenance une loi, que de l'écarter quand celle-ci, non seulement le permet mais aussi quand elle n'est celle du cas.

36. Le vendredi 31 août 2007 à 11:43 par morel

Bonjour maître

Une fois de plus j'ai appris des tonnes de choses en vous lisant.(je suis un vrai novice)

Il y a donc 2 types de magistrats.
Les assis et les debouts :-) Moi qui pensait que TOUS les magistrats étaient parfaitement indépendants...

En tout cas d'après un journal en ligne, cette affaire de convocation du procureur est illégale .

tempsreel.nouvelobs.com/a...

Merci encore pour vos articles

37. Le vendredi 31 août 2007 à 12:02 par xerbias

Le Premier ministre tire tout de même sa légitimité par la confiance que lui accorde le parlement, outre sa désignation par le Président de la République, qui émanent tout deux du peuple.

A la limite, si juge n'avait qu'une fonction d'application de la loi, ce ne serait pas un réel problème, mais maintenant que j'apprends que les juges ont le pouvoir de faire ce que bon leur semble avec la loi, je commence à m'inquiéter. J'ai l'impression que personne ne contrôle ce qui se fait dans ce corps de métier, qu'il s'autojuge et se coopte, avec une certaine vision de la justice à appliquer, si j'en crois les syndicats de magistrats, qui n'est pas forcément celle du reste du peuple, ou même de la loi, donc. Je ne suis pas certain que cela soit vraiment très sain...

38. Le vendredi 31 août 2007 à 12:07 par PEB

Je me demande si la doctrine de la loi écran ne finira pas par disparaitre à terme.

Les conventions internationales enserrent de plus en plus la Loi. Or les plus éminentes, comme la convention des droits de l'enfant, érigent en loi supérieure des principes dignes d'être gravé dans le marbre des "Bills of Rights".

Ces textes supranationaux s'impose aux juridictions françaises de manière impérative.

On a donc des principes à valeurs constitutionnels qui, évacuées par la porte de doctrine de la loi écran, rentrent par la fenêtre des traités.

Le principe de la loi écran vient de l'époque d'instabilité politique et constitutionnel qui a suivit les révolutions. Il devait aussi assurer une autorité constante à l'architecture juridique du pays.

Je me demande si le modèle idéal ne serait pas la Cour Constitutionnelle fédérale allemande de Karlsruhe. Elle agit, si je ne me trompe, comme une cour de Cassation qui, avant toute chose, s'assure que les droits fondamentaux des justiciables, tels que découlant de la Constitution, ont été respectés.

Du fait de leur expérience de la tyrannie absolue, nos voisins d'Outre-Rhin ont sûrement des leçons à nous apprendre sur le respect que doit l'autorité publique aux citoyens. On m'a aussi rapporté que les palais de Justice, s'ils n'ont guère le lustre des bâtiments français, sont parfaitement organisés: magistrats ponctuels, assesseurs connaissant le dossier, débat allant à l'essentiel, délibéré dilligent... Un avocat allemand m'a dit: "Si la loi française était appliquée en Allemagne, mon pays serait un goulag." Ils ont donc une législation souple et claire mais d'une application rigoureuse. Ce peuple sait encore légiférer mais la main tremblante et sans s'encombrer de fioriture.

39. Le vendredi 31 août 2007 à 12:13 par arbobo

ça fait du bien de lire ça.

40. Le vendredi 31 août 2007 à 12:32 par Manue

Cher Maître, si on s'en tient à la stricte conception de notre droit, le Procureur ne peut rien faire en matière d'approbation ou de désapprobation, n'est-ce pas ... Il applique ou non, et dans ce cas avec motivation, c'est tout !

41. Le vendredi 31 août 2007 à 12:32 par Mani (phane de Marguerite)

@Greg et Kerri

Et le juge du fond est souverain dans l'appréciation des faits : ce qui veut dire que quelque part, il décide si oui ou non les éléments de preuves apportés par les parties permettent l'application de la loi ...

C'est un pouvoir immense.

Mesdames et Messieurs les magistrats, pourriez vous nous éclairer à ce propos ?

De quelle manière employez vous ce pouvoir ?

(non je n'ai pas dit que vous rouliez tous dans des cabriolets rouges et puis le vélo c'est plus classe ...)

42. Le vendredi 31 août 2007 à 12:33 par deilema

@PEB
l'exemple de la convention des droits de l'enfant n'est pas très bien choisi parce que, justement, ce texte ne peut être invoqué devant les juridictions françaises. Du moins pas toutes ses dispositions.
Un peu comme la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

43. Le vendredi 31 août 2007 à 12:46 par Liberal

Je suis toujours mal à l'aise devant les défenses du type "je ne l'ai pas dit/fait, mais même si je l'avais dit/fait ça ne serait pas grave". C'est un moyen très utile d'ajouter beaucoup de confusion dans le débat, d'avoir le beurre et l'argent du beurre.

Alors, l'a-t-il dit ou pas? L'argument du greffier que vous invoquez me paraît assea léger. Je dînais hier avec des amis avocats (oui, personne n'est parfait) et la conversation est venue sur cette affaire. Ils m'ont ri au nez quand j'ai parlé du greffier. Selon eux, jamais un greffier ne retranscrirait ce genre de propos. Confirmez vous?

S'il ne l'a pas dit, il n'y a plus d'affaire et nul besoin de discuter d'autre chose que d'une éventuelle surréaction de la chancellerie.

S'il l'a dit, c'est une autre paire de manches. Si j'ai bien compris, l'article 33 lui aurait permis de dire "j'ai rédigé les actes aisi que me l'impose la loi, mais à titre personnel, je considère que dans le cas d'espèce les circonsatnces sont telles que je ne requiert pas 4 ans". Mais tels ne sont pas les paroles qu'il aurait tenues.

"Je ne requerrai pas cette peine plancher de quatre ans car les magistrats ne sont pas les instruments du pouvoir. Ce n'est pas parce qu'un texte sort qu'il doit être appliqué sans discernement."

Il y a là une posture politique. A ma connaissance l'Etat doit être neutre et ses agents sont tenus à un devoir de réserve. Je trouve choquant qu'un procureur utilise une audience publique comme tribune politique. De même qu'un enseignant n'est pas sensé se servir de sa chaire pour enrégimenter ses élèves ou un sergent user de son autorité pour politiser ses soldats.

Bref, pour (peut être) mieux refléter la réalité, votre dessin devrait placer le phylactère au dessus de la tête du procureur et lui faire dire "C'est pourtant simple : à l'audience je suis libre de critiquer la politique du gouvernement"

Pour finir, je rejoins les inquiétudes de Xerbias. Quis custodiet ipsos custodes? Un contre pouvoir n'a de sens que s'il émane du peuple d'une façon ou d'une autre, sinon c'est une tyrannie. Et les mécanismes de soumission de notre justice à la volonté du peuple me semblent de moins en moins discernables.

44. Le vendredi 31 août 2007 à 12:47 par Blue bottle


Déjà que les juges obéissent difficilement, voilà nos mais procureurs qui se rebellent. Je pense que quelques convocations et quelques pressions discrètes viendront à bout de ces ridicules réticences.

Vous êtes terrible maître Eolas, on vous dit que vous êtes libre et vous y croyez... A tous nos procureurs, un message de soutien: la liberté, c'est d'abord dans la tête!

45. Le vendredi 31 août 2007 à 12:53 par ju

@37 "A la limite, si juge n'avait qu'une fonction d'application de la loi, ce ne serait pas un réel problème, mais maintenant que j'apprends que les juges ont le pouvoir de faire ce que bon leur semble avec la loi, je commence à m'inquiéter."
Et non, les magistrats ne sont pas des robots appliquant mécaniquement la loi... dommage?! non heureusement! Il me semble nécessaire, et c'est là l'esprit de la fonction de juge, qu'ils puissent prendre en compte les circonstances de l'espèce. Ils ne font pas ce que bon leur semle, ils font le métier qui leur a été enseigné, celui d'appliquer la loi, mais cela ne signifie pas qu'on leur a demandé de le faire aveuglément, et encore heureux pour le justiciable. Si les magistrats au pénal devaient se contenter d'appliquer une peine prévue dans une grille sans aucun égard pour la personnalité de l'auteur et la particularité des faits, tout ce que nous gagnerions serait un système carcéral à l'américaine et tous ses bienfaits :). De plus, comme a pu l'expliquer maître Eolas, les magitrats ont un pouvoir d'interprétation (qui ne veut pas dire de production ou changement total) de la loi parfois bien nécessaire. Donc je vous assure, pas la peine de s'inquiéter!

A votre place, je m'inquiéterai plutôt, comme le font la plupart des lecteurs de ce blog, de voir la justice aux bottes du pouvoir... heureusement il reste des magistrats impertinents, et ça ne nous fait pas de mal.

46. Le vendredi 31 août 2007 à 13:20 par patfalc

la loi est faite par les députés.Si les magistrats peuvent remettre en cause celle-ci comme bon leur semble au regard du cas précis qu'il juge, se pose alors la question. A quoi peut bien servir l' Assemblée Nationale ou le Sénat ?

47. Le vendredi 31 août 2007 à 14:05 par didier Schneider

"Le procureur général dirige donc son parquet général,[...] c'est donc lui qui dirige la politique pénale dans son ressort "

Plaise à Eolas...

serait il bon de rappeler ce qu'il advint de ce procureur, lors de la prise d'otages dans une école maternelle d'une ville limitrophe de notre capitale, qui avait 'réagi' suite à l'assaut des 'forces de police' envoyées par le ministre de l'intérieur ? ( et sur la demande du maire de la dite commune, qui était aussi membre du gouvernement d'alors )

Qu'est il arrivé au ministre de l'intérieur ( par ailleurs ancien maire de la dite commune) ?
qu'est il arrivé au maire de la dite commune ?

Ce qui arrive n'est donc pas une surprise.

Vous n'avez pas abordé "l'opportunité des poursuites", chère aux procs !

et vous ferez justice....

48. Le vendredi 31 août 2007 à 14:31 par PEB

Cher Maître,

Votre réponse est éclairante quant à la réserve historique de l'Eglise contre la République.

La théorie catholique du droit déclare la suprématie de la loi naturelle sur le droit positif. Que cette loi a été révélé par Dieu à Adam puis aux Prophètes. Qu'enfin qu'un seul homme peut avoir raison contre tout le peuple.

Ce que l'Eglise rejettait dans la République, c'est le dogme de l'infaillibilité du Peuple et de ses représentant ainsi que le primat de la volonté générale contre les préceptes du Père et Créateur de tout. Selon le Magistère, la loi civile (largo sensu) ne tire sa validité que de sa conformité avec la loi naturelle dont les Tables viennent d'En-Haut.

En gros, crever l'écran signifierait que la République accepte de procéder d'autre chose que de la seule Nation. Le droit positif serait relativisé. Les lois votés n'en serait pas moins exécutoires mais leur portée serait bornée par les principes imprescriptible et consubstantiels à toute humanité.

49. Le vendredi 31 août 2007 à 14:38 par Totoche

@ Eolas (sur réponse n° 38)

Tyrannie allemande, américaine (no taxation w/o representation ?) et espagnole étaient malgré tout de degrés très différents.

Pour revenir à une question de droit, en l'occurrence de droit comparé en ce qui concerne le tribunal constitutionnel espagnol, j'observe qu'il y a un contrôle par voie d'action somme toute assez proche du nôtre (à part des subtilités sympas, par exemple le "defensor del pueblo") puisqu'un certain nombre de "personnes" (si on peut désigner ainsi 50 sénateurs ou la majorité d'un parlement autonome) sont autorisées à demander un contrôle "a priori" de constitutionnalité. Ce contrôle fonctionne - à ce que j'ai compris - de la même manière que celui effectué par le Conseil d'Etat : annulation, totale ou partielle, ou alors validation, mais l'acte reste valable tant que la décision n'a pas été rendue.

Ce qui pose d'ailleurs de jolis problèmes constitutionnels en ce moment avec l'estatut de la Catalogne, puisque le PP ainsi que le "defensor del pueblo" ont attaqué certaines parties, mais qu'il a déjà été approuvé par référendum. Bon, à ce niveau, ce n'est plus du droit, c'est de la politique, mais je me demande ce qu'ils vont trouver pour écarter ces recours...

Par contre, s'agissant de recours incident, effectué par un tribunal, je me pose la question sur les effets d'une inconstitutionnalité. Il me semble, mais je suis très loin d'en être sûr, que dans ce cas, la loi est abrogée mais non annulée. Ce qui fait qu'on aurait un effet erga omnes non rétroactif (et après tout, pourquoi pas ?). Autre question, un juge "ordinaire" ne peut saisir le TC que si la solution d'un litige dépend directement de la constitutionnalité (entendue au sens large, i.e. en ajoutant à la constitution espagnole tous les statuts d'autonomie) ou non d'une loi. On évite ainsi que le juge ne "s'amuse" à vérifier à tout va, mais ne risque-t'on pas de faire, indirectement, du juge constitutionnel un vulgaire juge "ordinaire" ?

50. Le vendredi 31 août 2007 à 15:05 par Shadoko

@Xerbias, Liberal : Mais qu'est-ce au juste qui échappe à la volonté du peuple ? le fonctionnement de la justice est déterminé par la loi, qui est votée par les représentants du peuple, et la Constitution a elle aussi été votée par le peuple (et elle est modifiable), donc le pouvoir des juges émane bien du peuple souverain. Je ne comprends pas le problème.
Si le juge est indépendant, c'est précisément par la volonté du peuple, non ?

51. Le vendredi 31 août 2007 à 15:59 par Billy Budd

Maître, vous écrivez :

"Un avocat peut dire qu'une loi est imbécile et liberticide. Nul ne lui en tiendra rigueur. L'égalité des armes exige que le procureur jouisse d'une liberté de parole équivalente, sous peine que sa parole perde tout poids. Et là, nul besoin de garder nos gardiens, nous n'en aurions plus."

Eloignons un instant du droit pénal ... Avez-vous souvent plaidé que, par exemple, l'article L 622-21 du Code de Commerce était imbécile et donc que le Tribunal, ou la Cour, devait écarter son application ?

52. Le vendredi 31 août 2007 à 16:46 par didou bis

@Me Eolas: pardonnez moi le HS de cette question, mais avant que vous ne prononciez la clôture de discussion du billet afférent...

que pensez vous d'une unification de la compétence juridictionnelle en contentieux des étrangers (notamment rétention et RAF) au profit de la JA ou du JJ ? et d'une juridiction administrative spécialisée en la matière (idée dans l'air...) ?

53. Le vendredi 31 août 2007 à 16:49 par nap

HS
"Brevet : fin des hostilités entre Eolas et Microsoft
Ils se sont pluggés les mains "

Félicitations Maître... ce n'est pas beau de se disputer...

@+

54. Le vendredi 31 août 2007 à 16:51 par Pascal

"A quoi peut bien servir l' Assemblée Nationale ou le Sénat ?"

Tres bonne question...

55. Le vendredi 31 août 2007 à 17:13 par Adrastee

@ 51
mais l'article L 622-21 du Code de commerce n'a rien d'imbécile ! Au contraire !

56. Le vendredi 31 août 2007 à 17:23 par Greg

@ Billy Budd

" Avez-vous souvent plaidé que, par exemple, l'article L 622-21 du Code de Commerce était imbécile et donc que le Tribunal, ou la Cour, devait écarter son application ? "

D'abord il y a peu de chances qu'un avocat se retrouve à plaider devant une Cour de l'inutilité tendant à la bêtise d'un texte de loi.
La liberté d'expression propre aux auxiliaires de justice ainsi qu'aux procureurs, etc.. vaut toujours dans la mesure où elle ne contrevient pas au bon exercice de leur devoir. Un avocat comme un procureur est libre de penser et de donner son avis sur un texte, mais fort heureusement ce n'est pas parce que ce dernier ne leur sied point, qu'ils peuvent l'écarter à ce seul titre.
Mais le fait est que le juge interprète la loi pour l'appliquer aux cas pour lesquels il est saisi. Dès lors, il est le premier à considérer l'efficience ou la pertinence des textes.
La liberté de parole ne contrevient pas à l'exercice de leur devoir : rendre la justice par l'application du droit.

57. Le vendredi 31 août 2007 à 17:34 par xerbias

@Shadoko : Mon problème est que si le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutifs et législatifs, il l'est également du peuple dans certains cas, où seul le juge professionnel décide.

N'importe quel serviteur de la puissance publique a un lien avec quelqu'un qui est en fonction par la volonté du peuple. Que ce soit l'ouvrier de la DDE, l'ambassadeur, le directeur de cabinet ministériel, et même le président de la BCE ou le membre du conseil constitutionnel (via la nomination). Pour le juge professionnel du siège, aucun lien : le corps s'entretient par lui même. La Constitution a donc décidé de donner l'un des pouvoirs à un corps de métier indépendant de tout, déconnecté du reste. En fin de compte, il s'agit du seul pouvoir sans contre pouvoir.

Les juges peuvent dire tout le mal qu'ils pensent d'une loi, et s'en prendre aux décision gouvernementales via leurs syndicats, mais si un ministre dit qu'il n'est pas d'accord avec une décision de justice, ces mêmes syndicats hurlent au scandale et au non respect de la séparation des pouvoirs. C'est pour cela que si les juges souhaitent utiliser leur fonction pour remettre en cause les décisions des autres pouvoirs, je demande à voir à quel titre.

58. Le vendredi 31 août 2007 à 18:16 par Clément

"La loi est l'expression de la volonté générale"

Ha ha ha ha ha !!!

Hum... Pardon.

59. Le vendredi 31 août 2007 à 18:19 par Le Chevalier Bayard

Dans ce jeu de dupes qui instrumentalise qui ?

Un magistrat indépendant convoqué dont la parole est libre s'il est resté dans les limites de la loi ?

Ou un Président qui interprète sa conception de la séparation des pouvoirs ?

Car il est pour le moins surprenant dans le cadre de nos institutions qu'une femme de Président hautement médiatisée dans une affaire qui intéresse l'ensemble du peuple français ne puisse être convoquée.

Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas déclaré qu'en vertu de la séparation des pouvoirs madame était une extension de monsieur ?

Quant au "maniérisme réthorique" de M. Philippe Bilger, truculent personnage au demeurant, soutien clairement affiché ou pure litote ?

60. Le vendredi 31 août 2007 à 18:23 par Lyobodo

Je n'ose même plus avancer des arguments juridiques dans les débats qui font rage depuis peu, que ce soit en matière de démence et d'irresponsabilité pénale ou en matière de constitutionnalisme. Les passions du "peuple" français sont exaspérés, il est manipuler par les arguments les plus démagogiques et mis à part l'émotionnel il n'y a plus de place pour la rationnalité dans notre "démocratie".

Une remarque pour la route et pour la forme : "La loi n'exprime la volonté générale que dans le cadre de la Constitution" DC n°85-197 du 23 août 1985.

61. Le vendredi 31 août 2007 à 19:07 par Matthieu

@jb(#29)
Si dans le conte ou je suis le procureur est bien elu par les electeurs pour le conte ou ont lieu les elections, il ne me semble pas que les procureurs evoluant dans les cours federales soient elus. Idem pour les juges. Aucune idee par contre pour les cours d'etats.

De plus dans certains etats, les candidats aux postes de juges et procureurs doivent etre nommes par les partis politiques. Dans d'autres...
non. Dans le premier cas, pas top pour l'independence. Certes, elu, mais sous le chapotage d'un parti.

Dans les deux cas, l'effet campagne electorale peut etre devastateur. Cf l'affaire a Duke University. En pleine campagne electorale pour etre re-elu, il s'est acharne dans une affaire de viol contre la defense. Apres enquete... Il s'est fait railler du barreau. Il a pas seulement perdu son poste, il a perdu son droit d'exercer en tant qu'"attorney at law". (detail: il avait ete reelu. Donc soutenu populairement.)

Si, a l'origine, l'idee d'elire juges et procureurs peu rendre leur positition plus "legitime" (en apparence, comme le dit le Maitre des lieus, legitime signifie que la constitution et les lois lui octroye le pouvoir), je prefere un procureur (et un juge) le droit de s'exprimer en son ame et conscience, loin des pressions mediatiques et populaires, sans avoir a se soucier de la delivrance de son cheque dans les mois suivants. Et par extension, son pouvoir de discuter d'une loi.

62. Le vendredi 31 août 2007 à 19:51 par Liberal

Pour le coup, c'est moi qui suis dévasté par la conclusion de votre réponse à mon commentaire #43. Je ne plaidais pas dans mon commentaire pour un contrôle direct des magistrats par le peuple mais regrettais que le lien soit peu discernable. Je suis bien conscient des risques de tyrannie de la majorité. C'est la raison pour laquelle nous avons des institutions, des élus avec des mandats de plusieurs années, des contre-pouvoirs etc...

Une constitution démocratique est extrêmement difficile à construire car elle doit partir de l'hypothèse qu'on ne peut faire confiance à personne. Chaque entité détentrice d'une parcelle de pouvoir doit donc être contre-balancée par les autres et ultimement rendre des comptes au peuple, fut-ce de façon indirecte.

L'idée de confier une fonction essentielle de ce dispositif à un collège de sages totalement isolés de la volonté du peuple est séduisante mais revient à ruiner l'ensemble de l'édifice. S'il était possible de trouver des gens ainsi empreints de sagesse et de bienveillance, on n'aurait nul besoin de toutes ces complications et il suffirait de leur confier l'ensemble des pouvoirs pour en faire des despotes éclairés.

D'où la question de qui nous garde de nos gardiens. Si ceux qui ont la charge de protéger les valeurs et droits fondamentaux sont incompétents ou malveillants ou (plus réaliste) partisans, on fait comment?

63. Le vendredi 31 août 2007 à 21:17 par Augustin

En réponse au commentaire #52, j'ai été, comme d'autres choqué par l'annonce d'une réforme des AFRF sous-tendue par l'idée de les transférer au juge judiciaire. Il est vrai - et vous l'avez montré, maître, dans d'autres billets - que le ballet des juridictions est complexe. Il offre cependant des garanties.
Faudrait-il pour autant une loi constitutionnelle pour transférer les APRF à la JJ ? Pas sûr. La décision du CC Conseil de la Concurrence n'a-t-elle pas estimé que, dans le souci d'une bonne administration de la justice et de son efficacité, des blocs de compétence pouvaient être transférés à l'un ou l'autre ordre, dès lors que sur un point spécifique, les deux ordres étaient concernés ?

64. Le vendredi 31 août 2007 à 22:21 par alouette

>62 et réponse d'Éolas au >57

J'allais poser la même question : y a-t-il une justice de la justice, comme il y a une police des polices ?

Autre question, car je suis hélàs fort ignorante à ce propos : en dehors des fautes disciplinaires ou pénales, que se passe-t-il en cas d'erreur judiciaire ? Le recours est-il à formuler contre l'État, le magistrat n'en étant considéré que comme le représentant, ou bien peut-on juger un juge pour ce motif ? C'est-à-dire qui est responsable ? Et comment l'erreur peut-elle être réparée ?
Merci.

65. Le vendredi 31 août 2007 à 22:30 par elnino

@63: je crois que cela irait dans l'autre sens vers la JA avec, comme le craignent les collègues des tribunaux administratifs, la création d'une JA spécialisée.
Et la perpective d'une révision constitutionnelle qu'a justement évoqué Me eolas serait liée, je pense, au transfert de la compétence en matière de rétention administrative du jld au ja ou ja spécialisée

66. Le samedi 1 septembre 2007 à 00:05 par Rizgar Amin

Me Eolas nous révèle :
"Ainsi, tous mes dossiers pénaux sont intitulés : (nom du client) contre ministère public."

Si l'on devine aisément la commodité matérielle de ce système, qu'il me soit permis d'en relever la sévère inexactitude juridique. En effet, en droit pénal, c'est TOUJOURS le Ministère Public contre Dupont(d) ou Durand(t). Il ferait beau voir que ledit Dupont(d) poursuive au pénal le Ministère Public !

Puis, le même Me Eolas assène :
"ça fait un truc à raconter à ses collègues à la machine à café (on est en province, ne l'oublions pas)"

Aurait-il l'amabilité d'expliciter ce qu'il entend par là ?
Sans doute pas que les bouseux qui exercent dans les juridictions des limbes extra-périphérique (c'est à dire au-delà des frontières de la ville-lumière) n'ont rien d'autre à faire que des comptes rendus de bons mots d'audience autour de la machine à café ?
Si ??

67. Le samedi 1 septembre 2007 à 01:10 par RG

@66 <<Puis, le même Me Eolas assène : "ça fait un truc à raconter à ses collègues à la machine à café (on est en province, ne l'oublions pas)" Aurait-il l'amabilité d'expliciter ce qu'il entend par là ?>>

Tout à fait. Quel tribunal de province et l'accès à cette machine à café est-il public ?

68. Le samedi 1 septembre 2007 à 02:20 par Moinaux

La convocation du procureur par Mme Dati semble relever non de l'article 33, mais de l'article 330 (de Georges Courteline) qui rappelle dans ses attendus:

- considérant que la loi, en dépit de ses lâchetés, traîtrises, perfidies, infamies, et autres imperfections, n' est cependant pas
faite pour que le premier venu en démontre l' absurdité;

-considérant qu' a priori un gredin qui tourne la loi est moins à craindre en son action qu' un homme de bien qui la discute avec
sagesse et clairvoyance

69. Le samedi 1 septembre 2007 à 10:50 par otb

Bonjour Maître,

« A l'audience, la plume est serve mais la parole est libre. »
Cette liberté n’est-elle pas plus théorique que réelle ?
Si la carrière d’un procureur dépend de ses supérieurs, peut-il prendre le risque de s’opposer, même uniquement oralement, à leurs instructions ?

70. Le samedi 1 septembre 2007 à 11:45 par dadouche

J'hésite presque à m'exprimer sur ce sujet brulant... Je n'ai pas trop le temps de monter à la Chancellerie en ce moment.
Deux sujets se superposent dans cette affaire révélatrice à mon sens du souhait actuel d'asservissement du judiciaire par l'exécutif.

D'abord sur la forme : quand bien même un magistrat tiendrait-il des propos inacceptables susceptibles de qualification disciplinaire voire pénale, la voie normale de traitement consiste à le faire entendre par son supérieur direct, voire par l'inspection générale des services judiaciaires, et non à le convoquer pour un "entretien" qui se révèle être un interrogatoire en présence d'un greffier. Et ce qu'il s'agisse d'un magistrat du siège ou du parquet. Carton rouge sur ce point.

Sur le fond ensuite. Je regrette que Mme DATI ait été si distraite pendant sa scolarité à l'ENM. C'est la seule conclusion que je puisse tirer de sa réflexion sur le thème "le parquetier est là pour exécuter les instructions de la chancellerie et pas pour faire des commentaires". Ne lui en déplaise (à elle et à d'autres), les parquetiers sont (encore) des magistrats chargés tant de l'application de la loi, dans le cadre général d'une politique pénale, que du respect des libertés individuelles. C'est ce statut de magistrat qui leur confère à l'audience la liberté de parole.
Les magistrats, je souhaite rassurer certains commentateurs à ce sujet, appliquent la loi (généralement après s'être triturés les neurones pour arriver à la comprendre vu les qualités parfois dicutables de sa rédaction). Ils l'appliquent en fonction des circonstances de chaque espèce. "Appliquer la loi avec discernement", c'est l'essence même de la fonction de magistrat. Ca ne veut pas dire l'appliquer quand ça nous chante, ça veut dire nous saisir de toutes les possibilités prévues par la loi pour rendre la décision la plus conforme à l'intérêt de tous. Et ne pas être les instruments du pouvoir, ça veut dire ne pas renoncer, par facilité, en suivant les directives générales et donc forcément simplistes de circulaires qui n'ont aucune valeur normative, à appliquer la loi avec discernement.
Vous aurez compris que je n'ai rien à redire, bien au contraire, aux propos qui ont été prêtés à mon collègue.
Je précise par ailleurs que les praticiens, magistrats ou avocats, sont certainement ceux qui peuvent avoir le regard le plus éclairé sur les conséquences concrètes de l'application d'une loi et de ses imperfections techniques. Il est bien dommage qu'on ne leur demande pas plus souvent leur avis...

Je ne veux pas me lancer dans une comparaison déplacée et invoquer en vain le nom de Paul Didier, mais je crois que les dérapages comme cette convocation doivent susciter des récations vives et immédiates et ne pas devenir des habitudes.


Je réserve tout de suite mon billet de train.

71. Le samedi 1 septembre 2007 à 12:03 par Billy Budd

@Greg

C'est pourtant ce que sous-entendait Maître Eolas

72. Le samedi 1 septembre 2007 à 13:59 par Grachus

Après avoir longuement trollé les rubriques commentaires du site du Monde, jb_romain vient amener sa gouaille sarkozienne sur le blog de Me Eolas. C'est que vous devez vraiment être célêbre maintenant cher maître !

n°29 : "En tant l'électeur j'ai voté pour les législatives pas pour un procureur (au contraire des US il me semble). Aussi je ne comprend pas avec quelle légitimité il pourrait contester en audience la loi des élus de la nation. D'autant que si je suis vos explications un procureur poursuit au nom du peuple Français."

Et je suis sûr que vous avez voté pour avoir Kouchner, Bockel, Hirsch, Lang et Rocard dans le processus décisionnel et/ou politique de ce quinquennat ? Ces hypothèses montrent encore que c'est bien la loi et la Constitution qui font la légitimité d'une personne, mais pas le vote. Ils sont au pouvoir alors qu'ils ont perdu l'élection, mais parce que la Constitution le permet à Sarkozy. Pareil pour les magistrats. Lorsque Alain Juppé fut condamné et déclaré inéligible, l'ensemble du gouvernement, Sarkozy et Perben y compris, se déchaînèrent contre les juges, en stigmatisant "la violence" des attendus et l'injustice d'une telle sanction. Pourtant, il existe une disposition du code pénal réprimant toute personne faisant pression sur la magistrature ou se livrant à une entreprise de démolition d'une décision de justice. A l'époque, cher jb, vous défendiez bec et ongles les ministres dans les colonnes commentaires du Monde. Pourtant, ne trouvez-vous pas que de telles parôles (qui ne sont pas volées dans une audience par un journaliste mais exprimées dans une campagne de communication) sont clairement attentatoire au principe de séparation des pouvoirs ? Ou peut être votre cours d'éducation civique vous a-t-il enseigné que ce principe devait faire l'objet d'une application unilatérale ?

73. Le samedi 1 septembre 2007 à 14:47 par Le Chevalier Bayard

@ 57 xerbias

A propos des ministres qui commentent les décisions de justice.

«C'est le Parlement qui pénalise la vie publique»*

Depuis la Révolution française, nous vivons dans une méfiance permanente à l'égard des juges, à l'inverse de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons.

En France, le respect de la chose jugée semble un principe difficile à appliquer. Surtout chez les hommes politiques.

Il y a quelques années déjà, des responsables du Parti socialiste s'étaient indignés de la décision condamnant Henri Emmanuelli dans l'affaire Urba.

L'histoire s'est répétée, le lendemain du jugement de Nanterre dans l'affaire Juppé, lorsque des ministres et des députés de droite ont commenté - sans retenue - la décision du tribunal.

Certes, les attendus, avec leurs références à la confiance trompée du peuple souverain, notamment, étaient d'une maladresse certaine.

Mais, sur le fond, il n'y a rien à dire : le juge n'a pas d'autre choix que d'appliquer la loi votée par le législateur.

Et ce n'est pas davantage le juge qui a décidé, depuis une quinzaine d'années, de pénaliser notre vie publique... mais toujours le Parlement.

Comment, dans ces conditions, le juge abuserait-il de son pouvoir ?

En réalité, c'est l'homme politique qui se place lui-même dans une position de dépendance.

Edifiante, à cet égard, est l'instauration de cette prétendue «jurisprudence» Bérégovoy-Balladur, qui veut que, depuis 1992, tout ministre mis en examen ou sur le point de l'être offre sa démission.

Rappelons-nous le départ du gouvernement de Gérard Longuet, de Michel Roussin, d'Alain Carignon, puis, plus récemment, de Dominique Strauss-Kahn, qui bénéficiera d'un non-lieu, tout comme Roussin d'ailleurs.

En résumé, je pense que le discours récurrent de la montée en puissance de l'autorité judiciaire - et non du pouvoir, notion inconnue dans la Constitution - est malvenu, car, globalement, à quelques exceptions près, la magistrature fait preuve d'une totale indépendance.


* Voilà ce qu'écrivait dans L'Express du 15/03/2004 Dominique Chagnollaud (qui fut mon ancien professeur de sciences po à Assas) et Directeur du centre d'études constitutionnelles à l'université Paris II.

Personnellement, j'en serai pleinement convaincu lorsque l'autorité judiciaire se substituera en un véritable pouvoir judiciaire.

Encore que...Certains esprits brillants ont pu démontrer avec force que dans le " jeu de la reconnaissance réciproque" c'est-à-dire la "connivence" cela servait les mêmes intérêts !

Mais tout ceci est une autre histoire hein ! On connaît la formule : "J'ai confiance en la Justice de mon pays..."

74. Le samedi 1 septembre 2007 à 16:01 par Gascogne

Merci Dadouche, d'avoir rappeler le nom de Paul DIDIER. Il s'agit du nom de la promotion de Mme le Garde des Sceaux. Sa présence à Bordeaux n'a pas dû suffire à lui faire retenir ce nom. Je n'ai d'ailleurs pas le souvenir de l'avoir vue à l'émouvante cérémonie en présence du fils de Paul DIDIER, venu nous remercier, la larme à l'oeil, de ce choix, alors que l'Etat français n'a jamais eu l'heur de penser à lui...
Et je ne sais pas ce qui me met le plus en colère : cet incident, qui en dit long sur la conception politique de la justice, ou les réactions de beaucoup de Français qui brûleraient du magistrat au moindre signe. Finalement, une justice couchée, c'est peut être effectivement ce que les Français méritent.

75. Le samedi 1 septembre 2007 à 16:41 par laure

Maître, j'adore quand vous dites, au com 57, que le président de la République est irresponsable...

76. Le samedi 1 septembre 2007 à 17:31 par serdan

Sur cette affaire, plusieurs commentaires.

1. bravo EOLAS pour ton analyse pertinente (on en apprend tous les jours ici).

Est ce le fait d'une erreur ou d'une volonté délibérée ?

Si c'est une erreur ... elle ne dira pas qu'elle s'est trompée mais elle ne la refera plus si:
- elle a compris que c'est une erreur
- elle est bien conseillée
Je crois que dans ce cas, elle aura appris et tant mieux pour tout le monde.

Si c'est une volonté délibérée alors il faut être vigilant (je sais il faut toujours l'être) car on ne veut pas que notre chancèlerie ressemble à celle des USA au moment où leur ministre de la Justice part la queue basse.

Enfin, je conseille à certains de ne faire aucun commentaire sur les compétences de notre ministre de la Justice. Oui c'est une femme et ce serait un peu facile de critiquer pour ses premières erreurs.

Dernier commentaire : Allons nous avoir en France une pale copie d'un gouvernement américain.
j'aurai préféré d'autres modèles...

serdan


77. Le samedi 1 septembre 2007 à 23:01 par PEB

Il y a pourtant un autre modèle: celui où les hommes politiques sont encore à peu près respectés, où le Parlement est écouté (même pour faire la guerre: c'est le vrai chef des Armées!), où le gouvernement travaille (sauf quand il va se nourrir au supermarché du coin) et où les juges sont aussi efficace que révérés: la République Fédérale d'Allemagne et sa Loi fondamentale de 1949. (Mais je dois idéaliser).

Ca manque de lambris doré mais ça marche.

Comme quoi, des fois, on peut y gagner à avoir été vaincu!

78. Le dimanche 2 septembre 2007 à 00:16 par Augustissime

« A l'audience, la plume est serve mais la parole est libre. » : cela signifie avant tout qu'un procureur garde sa liberté de conscience ; ainsi ne peut-on le forcer à déclarer coupable quelqu'un qu'il pense innocent.

Pour autant les propos prêtés au procureur de Nancy sont particulièrement absurdes, puisqu'un parquetier est bel et bien l'instrument du pouvoir (il dépend hiérarchiquement du Garde des Sceaux dont il applique les instructions) et doit bel et bien appliquer les textes qui sortent (il est même payé pour cela).


Qu'un procureur préconise parfois une application libérale de la loi et interprète très largement la volonté du législateur, on peut le comprendre. En revanche il serait intolérable que ce même procureur, représentant de la société, dénigre la loi ou explique qu'il l'applique quand cela lui chante. Quel exemple déplorable ce serait pour les justiciables !

On peut donc faire tous les commentaires politiques que l'on souhaite sur l'opportunité et les circonstances de cette convocation, mais la défense des propos prêtés au procureur est risible.

79. Le dimanche 2 septembre 2007 à 07:51 par lincoln

Je suis effectivement parfois attristé par certains commentaires qui montrent combien la figure dumagistrat est aujourd'hui méprisée. Je sais d'ores et déjà que dire ça, c'est s'exposer à la critique du corporatisme, de l'étroitesse d'esprit en me rappelant ma nécessairé humilité face au peuple souverain. après tout, mais qui est-il cet individu pour oser critiquer la loi, pour ne pas appliquer la loi mot pour mot, loi votée par un parlement élu démocratiquement ?. Je brûle de voir une réforme qui mettrait en place l'échevinage, au moins dans les tribunaux correctionnels pour qu'enfin existe une vrai pédagogie de la justice, je crains que ce ne soit le seul moyen pour que cessent les jugements hâtifs, à l'emporte-pièce sur la justice française. Je me dis parfois qu'il faudrait peut-être aller au bout de la logique initiée qui veut faire du parquetier un fonctionnaire comme un autre: après tout, nous n'aurions plus le poids de la liberté, et de la responsabilité, puisque tout serait pris d'un haut. Nous n'aurions plus à nous expliquer continuellement, indéfiniment parfois sur la teneur de nos réquisitions pour nous justifier. Appliquons des peines automatiques puisque c'est ce que souhaite la majorité des justiciables - peut-être tant qu'ils n'ont pas comparu devant une juridiction - et que le principe roi actuellement est : "vous avez juridiquement tort car vous êtes en minorité politiquement", c'est à dire "la loi du plus grand nombre (de victimes ?) est la meillleure". Je pense très honnêtement que si une justice ne se résume pas à ses moyens, si nous avions une justice un peu plus argentée, nous aurions une bien meilleure justice. Voyez le quotidien d'un parquetier dans un tribunal de province et demandez vous comment il est possible qu'il n'y ait finalement pas plus de "boulettes". Tous les jours, en rentrant dans mon cabinet, entre deux réunions, l'une sur la numérisation des procédures pénales, l'autre sur les discriminations - sachant que bien d'autres sur des sujets forts variés attendent - , je me dis où va être la procédure courrier que je vais rater, le signalement sur lequel je vais passer à côté, parce que, j'aurai fait en même temps je ne sais quel autre tache, souvent purement administrative, ou parce que l'audience aura duré jusqu'à 23h la veille, et que je serai moins attentif, ou parce que je n'ai pas encore préparé la prochaine audience, et qu'il faut que je fasse tomber encore ce piles qui n'en finissent plus. soyons clairs :e travail ne me fait pas peur. Mais la limite réside dans la qualité du travail que nous rendons et aujourd'hui cette qualité, au vu des conditions de ce travail, ne peut que se dégrader. Nous sommes très inquiets et de plus en plus inquiets de ces procédures pré-disciplinaires et qui ne sont que la partie visible de l'iceberg de pression qui tombe sur les épaules du malheureux parquetier. Il y aurait tant de choses à dire mais Paris est si proche en TGV...

80. Le dimanche 2 septembre 2007 à 12:17 par dadouche

@ Gascogne, Lincoln et aux autres collègues qui fréquentent ce blog
La SNCF va finir par nous faire un tarif de groupe !

@ Augustissime
Ca ne vous chiffonne pas qu'un membre de l'autorité judiciaire soit un instrument du pouvoir exécutif ?

81. Le dimanche 2 septembre 2007 à 13:42 par Le Chevalier Bayard

Certes, si Philippe Nativel, est soumis à l'autorité hiérarchique, il l'est uniquement dans réquisitions.

De sorte qu'en applicant ce que la loi l'autorise de faire, Philippe Nativel a, avec ce nouvel "instrument du pouvoir", jugé en conscience que lui n'en n'était pas un.

Il est donc, parfaitement scandaleux, alors que sa liberté de parole qu'il croit convenable pour le bien de la Justice soit instrumentalisée !

82. Le dimanche 2 septembre 2007 à 13:51 par Le Chevalier Bayard

> dans ses réquisitions
> en appliquant

83. Le dimanche 2 septembre 2007 à 14:07 par Romanis

Les méthodes de la Chancellerie ne me surprennent guère. D'après des sources bien informées, la ministre a si peur de déplaire à son Président qu'elle faisait relire les notes de son directeur de cabinet par l'Elysée. En apprenant ça, le pauvre directeur ne pouvait que remettre sa démission.

Tiens, ça me rappelle une de mes anciennes supérieures hiérarchiques...

Ô Administration, quand tu nous tiens !

84. Le dimanche 2 septembre 2007 à 22:02 par Liberus

"Les hommes peuvent discuter lorsqu'ils instituent des lois temporelles; mais quand elles ont été instituées et confirmées, il n'est pas permis aux juges de les juger, mais seulement de juger d'après elles."

Saint Augustin

85. Le lundi 3 septembre 2007 à 03:13 par Constantin

Ce procureur ne s'est-il pas trompé de métier ?
Il aurait été mieux en avocat apparemment.

Ils doivent suivrent les textes de loi un point c'est tout.

86. Le lundi 3 septembre 2007 à 09:11 par Gascogne

Vous avez raison, Constantin, autant enlever à ces magistrats pénibles la partie du cerveau que le procureur Nativel a appelé le discernement. Les magistrats doivent suivre les textes de loi, un point c'est tout : ainsi, quand le code pénal dit que le vol est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende (www.legifrance.gouv.fr/WA... ) il convient de suivre le texte et de l'appliquer intégralement.
Quand nous en serons arrivés là (et c'est à mon avis pour très bientôt), vous pleurerez que les magistrats n'aient pas été un tant soit peu plus avocats...
Mais une fois de plus, si c'est ce que la majorité des Français veulent, j'y suis de plus en plus prêt.

87. Le lundi 3 septembre 2007 à 11:26 par PEB

Cher Maître,

Ce procureur parle d'or: www.metrofrance.com/fr/ar...

88. Le lundi 3 septembre 2007 à 14:42 par INTIME CONVICTION

peut-être faut-il en (re)venir à l'élection des Juges...

www.intimeconviction.com/...

89. Le lundi 3 septembre 2007 à 18:06 par maître gonzo

@ PEB (commentaire 87):
effectivement, avec un parquet aussi brillant, rien à cirer des peines plancher.

90. Le lundi 3 septembre 2007 à 19:05 par Liberus

Maître Eolas a dit : « La loi n'a aucun caractère sacré qui ferait de sa critique un blasphème. Pourquoi diable un procureur n'aurait pas à l'audience la même liberté que celle que j'ai ici de critiquer la loi et de refuser d'être les instruments décérébré d'une loi qui serait nocive (en rappelant encore une fois que ce procureur conteste avoir tenu les propos qui lui ont été prêtés, nous sommes dans une hypothèse de travail). »
Et aussi : « Heu... Parce que les avocats s'en affranchissent, vous croyez ? Hé bien pas du tout. Nous nous battons à armes égales : au pénal, le code pénal et le code de procédure pénale. Le procureur et moi avons le même. Quand je demande l'annulation d'une procédure, je demande l'application de la loi. Ce que m'oppose le procureur s'il n'est pas d'accord avec moi, c'est que je propose une mauvaise interprétation de la loi. Mais le coeur du débat est la loi. Et lui aussi bien que moi exposons notre point de vue au juge. Deux points de vue nécessairement partiaux, car j'ai d'abord à l'esprit les intérêts de mon client, le procureur les intérêts de la société, dans un procès qui vise à protéger les dernier sans nuire de manière disproportionnée aux premiers. »
Vous établissez une symétrie en trompe l’œil entre le procureur et l’avocat, comme si nous étions dans une procédure contradictoire à l’anglo-saxonne. Il ne s’agit pas de dire que l’avocat défend « plutôt » son client et le procureur « plutôt » la société (un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout). Le procureur s’exprime au nom du peuple français. Et c’est le peuple français qui lui assure ses aliments. L’avocat s’exprime au nom de son client, et c’est celui-ci qui lui assure ses aliments (même si l’assistance judiciaire a quelque peu embrouillé l’esprit de certains membres de la profession qui ne vivent plus que d’elle et qui ont fini par se considérer eux-mêmes comme des fonctionnaires).

Or, pour le meilleur et pour le pire, notre droit établit au contraire une inégalité profonde entre les deux statuts, au détriment évidemment de l’avocat.. En donnant à l’avocat le privilège de contester la loi, et même le législateur et même la Déclaration des Droits de l’Homme si cela l’inspire, la loi française compense très partiellement cette inégalité de statuts.

Maître Eolas a dit : « Si vous voulez que les procureurs soient efficaces et crédibles, il faut que les juges sachent qu'ils parlent en leur âme et conscience. »
Bien sûr, il doit s’exprimer en toute liberté en ce qui concerne le cas qui lui est soumis. C’est de cette liberté là qu’il est question dans l’article 33, pas de la liberté de contester la politique du Garde des sceaux, ni de la liberté de dire que le Président du tribunal a des cornes.
Vous savez fort bien que les procureurs ont toute latitude de s’exprimer sur les lois en dehors de l’audience, dans des ouvrages de droit ou dans les débats publics. Que je sache, devant la commission Outreau, un procureur a bien critiqué la loi et personne n’a trouvé à y redire.

Maître Eolas a dit : « A l'audience, la plume est serve mais la parole est libre ». C’est un piètre argument d’invoquer une maxime d’origine douteuse en n’en retenant en fait que la moitié. Si un Garde des Sceaux s’avisait de retoquer les réquisitions écrites d’un juge en lui disant « Mon vieux, la plume est serve », j’aimerais voir la tête de nos caciques syndicaux.

Quand j’invoque Saint Augustin, j’assume entièrement ce qu’il dit, parce que dans ce passage il énonce un des fondements non pas, comme vous feignez de le croire de la civilisation romaine, mais de toute civilisation.

91. Le lundi 3 septembre 2007 à 22:09 par Béotien

Il paraît qu'un ministre s'est proclamé "chef des procureurs". Dans votre système, y a-t-il un bâtonnier pour rétorquer, en tant que "chef des défenseurs"?

92. Le lundi 3 septembre 2007 à 22:55 par Augustissime

Le parallèle procureur/avocat est pourtant bien artificiel. Le procureur, représentant de la société, poursuit au nom de la loi. L'avocat défend le prévenu, et il le défend par tous moyens. Libre à lui d'utiliser la loi (c'est fréquent !), libre à lui aussi, pour réduire la peine, de plaider que la loi ne vaut pas tripette, s'il pense que c'est de nature à attendrir le juge.

Cette attitude critique par rapport à la loi, parfaitement légitime chez l'avocat, pose profondément problème chez le procureur qui va dans le même temps demander la condamnation de quelqu'un pour avoir violé une loi et affirmer que la loi voisine est archi nulle. Funeste double langage !

Peut-être la limite de l'exercice vous apparaîtra plus clairement si quelque procureur facétieux demande oralement la relaxe au prétexte que le vol c'est pas grave, que la loi dadvsi est pourrie, ou qu'en d'autres temps l'inceste était monnaie courante. Il pourrait même ajouter : "Et m... au code pénal issu d'un si provisoire pouvoir législatif, qui change tous les cinq ans !"

93. Le mardi 4 septembre 2007 à 03:38 par Constantin

Dailleurs, pourquoi faudrait-il attacher une quelconque importance à une directive de Garde des Sceaux (versatile), à des lois (inapplicables), votées sous la pression des masses (incultes et répressives) ?
Alors que les magistrats ont ce merveilleux don de "discernement" !

94. Le mardi 4 septembre 2007 à 08:12 par aspi-rine

<<Cela n'est pas incompatible avec leur liberté de parole à l'audience>>

le devoir de réserve s applique aux magistrats me semble t-il...

95. Le mardi 4 septembre 2007 à 09:31 par INTIME CONVICTION

La liberté de parole des Procureurs ne passe t-elle pas par une réforme de leur statut, comprenant (enfin!) la stricte distinction avec les Juges, alors qu'actuellement ces deux corps de métiers si différents sont unis par la même appellation générique de "magistrat" et donc par une seule et même formation, promotion, discipline...
Cher Maître, appelleriez-vous de vos voeux une telle réforme?

96. Le mardi 4 septembre 2007 à 10:11 par Balivernes

Pour la petite histoire le PG de Nancy a manifesté, à l'occasion de cette convocation à la Chancellerie, son regret que la Garde des Sceaux n'ai pas pris le temps de songer au respect de cette fameuse voie hiérarchique en demandant tout simplement à ce que le procureur Nativel soit reçu par le PG de son ressort..

97. Le mardi 4 septembre 2007 à 10:21 par aspi-rine

"Le devoir de réserve n'est pas l'obligation de se taire. "
Pour vous qu englobe le devoir de reserve, si ce n 'est pas l interdicition de critiquer une loi votée ?

98. Le mardi 4 septembre 2007 à 10:24 par INTIME CONVICTION

Pour une analyse anticipatrice du problème dès janvier 2007

www.intimeconviction.com/...

99. Le mardi 4 septembre 2007 à 13:38 par Lavande &amp; Coquelicots

Eolas,

Si les propos rapportés par la presse, et sur lesquels s'est appuyé le Garde des Sceaux pour convoquer ce procureur, s'étaient révélés ceux effectivement prononcés, y auriez-vous vu un motif suffisant pour cette convocation ?

Jusqu'où le Garde des Sceaux doit-il savoir se taire, pour préserver chez nos concitoyens le sentiment que la Justice conserve tous ses moyens d'expression ?

C'est une question, je mesure tout le risque que prend Rachida Dati, même si elle avait dû avoir raison. En tout état de cause, le procureur convoqué semble admettre implicitement que s'il avait prononcé les propos rapportés par la presse et par lui niés, il aurait commis une faute. Non ?

(suis-je clair ? je crains de ne l'être qu'à moitié)

100. Le mardi 4 septembre 2007 à 14:32 par aspi-rine

Je viens de relire les propos tenus pas ce VP, effectivement je n y vois aucune violation du devoir de réserve...

101. Le mardi 4 septembre 2007 à 14:55 par Le Chevalier Bayard

Dans quelle limite la liberté de parole du magistrat doit-elle être considérée comme portant atteinte à l'autorité hiérarchique du pouvoir dès lors que ce magistrat s'est conformé à la volonté du législateur dans ses réquisitions ?

Si comme le prévoit l'article 33 du CPP les observations du juge sont librement exprimées dans l'intérêt général et dans le souci d'une bonne compréhension, je considère alors, comme citoyen, que le procureur Nativel, en faisant preuve de discernement et honnêté intellectuelle, a parfaitement contribué à l'idée que je me fais du bien de la Justice.

Non ! Personnellement, je ne souhaite pas qu'un juge applique, sans discernement, une loi qui irait contre le bien de la Justice, et, en ce sens, je ne souhaite pas non plus, en vertu de la séparation des pouvoirs, qu'il soit un instrument au ordres du pouvoir !

102. Le mardi 4 septembre 2007 à 15:48 par aspi-rine

@Le chevalier Bayard

Votre position est également la mienne, mais l évolution de notre législation et de l image actuelle donnée par nos gouvernants est bien différente, puisque l affirmation à l audience de ce pouvoir de discernement est sanctionnée par une convocation devant l instance disciplinaire.
Cette évolution répond au manque de confiance de nos concitoyens dans notre justice. Je ne suis pas sur que ça soit la solution, mais c est en tout cas celle retenue.

103. Le mardi 4 septembre 2007 à 17:21 par PEB

Tout magistrat, tout auxilliaire de Justice, tout ministre, tout justiciable devrait se rappeler la tension entre les deux adages:
"Dura Lex sed Lex" d'une part
"Summum Jus, summa injuria" d'autre part.

La libre appréciation de l'espèce est entre ces deux termes.

104. Le mardi 4 septembre 2007 à 20:14 par Augustissime

Prétendre que les propos prêtés au magistrat sont tautologiques relève d'une mauvaise lecture. Il est un peu paradoxal de devoir faire l'exégèse de propos hypothétiques, mais allons-y tout de même.

Quand on lit :"Je ne requerrai pas cette peine plancher de quatre ans car les magistrats ne sont pas les instruments du pouvoir", on ne lit pas "Je ne requerrai pas la peine plancher car le dossier correspond à un cas prévu par la loi".

Quand on lit "Ce n'est pas parce qu'un texte sort qu'il doit être appliqué sans discernement", on ne lit pas "J'applique strictement le texte mais avec le discernement que précisément il permet".

Ce qui a choqué dans les propos prêtés au magistrat, c'est qu'ils signifient en clair "Je ne suis pas le larbin de Sarkozy, donc, dans sa loi, j'en prends et j'en laisse".

Si vous dites au gendarme qui vous contrôle : "ça sent l'âne par ici", vous risquez des soucis même si littéralement vous ne l'avez pas insulté.

105. Le mardi 4 septembre 2007 à 23:29 par Liberus

Augustissime a écrit :
"Peut-être la limite de l'exercice vous apparaîtra plus clairement si quelque procureur facétieux demande oralement la relaxe au prétexte que le vol c'est pas grave, que la loi dadvsi est pourrie, ou qu'en d'autres temps l'inceste était monnaie courante. Il pourrait même ajouter : "Et m... au code pénal issu d'un si provisoire pouvoir législatif, qui change tous les cinq ans !"

On peut aussi imaginer un autre scénario, qui se produira peut-être. Celui d'un procureur qui dirait:

"Contre ce récidiviste, je requière la peine maximale :X années. En fait, il mériterait plus. Je déplore que le gouvernement n'ait pas , à l'occasion de la récente loi qu'il a fait voter sur la récidive, relevé les peines maximales en même temps qu'il instituait des peines-plancher." Il pourrait même ajouter, pervers, : "pour mieux préserver la possibilité d'individualisation de la peine".

Il est probable qu'il n'y aurait pas autant de hardis cavaliers pour enfourcher le cheval de la Liberté comme dans un tableau de Delacroix.

106. Le mardi 4 septembre 2007 à 23:54 par Simplicissimus

bonsoir Maître,

je lis vos billets depuis un certain temps déjà, toujours avec intérêt, parfois avec délectation. Je vous en remercie. Si je me permets d'intervenir aujourd'hui, c'est (presque) hors sujet. Je tombe aujourd'hui sur un éditorial du New York Times : The wrong answer in Connecticut.
www.nytimes.com/2007/09/0...

Il s'agit ici de récidive, d'automaticité des peines, de vox populi et... de moyens. Désolé pas de TGV Est, bien que l'affaire soit située sur la côte Est. En résumé : assassinat épouvantable (tautologie ?) par des multirécidivistes, pétition (par Internet) pour le vote d'une loi d'automaticité de peines longues pour les récidivistes (Three strikes, you're out).

Avec une analyse de l'enchainement des faits pointant le fait que les membres de la commission statuant sur l'exécution ont décidé de la libération conditionnelle des auteurs du meurtre sans disposer des casiers judiciaires des interessés parce qu'on n'arrivait pas à savoir qui devait payer les photocopies des casiers judiciaires.

Que vont faire les citoyens du Connecticut ? Modifier la loi, incriminer les membres de la commission (chez nous, j'imagine qu'on tomberait à bras raccourcis sur le JAP), ou voter pour des législateursproposant d'augmenter les impôts pour financer les frais de justice ?
(NB: l'Assemblée Générale est composée d'un Sénat et d'une Chambre des Représentants dont les mandats sont d'une durée de DEUX ans...)

Le Board of Pardons and Parole (Bureau des grâces et des libérations conditionnelles) du Connecticut semble
www.ct.gov/doc/cwp/view.a...
(et lien vers la déclaration du Chairman)
être une commission indépendante regroupant des juges, des policiers, des représentants des victimes, des "treatment providers" (gardiens de prison, soignants ?) et des "community organisations". Apparemment donc sa légitimité ne découle pas de "l'onction électorale" mais simplement de la loi et de l'organisation des pouvoirs de l'Etat.

107. Le mercredi 5 septembre 2007 à 10:43 par Le Chevalier Bayard

Avec Delacroix et Saint Augustin véritables cavaliers de la pensée on ne peut que s'enhardir par leurs oeuvres qui, philosophiquement, ont largement contribué aux conceptions modermes de la la nature humaine et de la Liberté !

108. Le mercredi 5 septembre 2007 à 13:34 par aspi-rine

le Chrétien Augustin, voulait que l'on tue "pour la bonne cause". Il défendait la notion de guerre juste, c'est à dire de guerre contre ceux qui ne pensaient pas comme lui. Il enseignait que l'on peut persécuter ceux qui ne pensaient pas comme lui, les hérétiques, mais que ceux-ci ne pouvaient évidemment pas persécuter. Au fond, Augustin est plutôt disciple de Mahomet que du Christ. Mais nous sommes loin du débat qui nous interesse...



109. Le mercredi 5 septembre 2007 à 15:38 par Le Chevalier Bayard

@ 108 as-pirine

Mouais...! On peut toujours faire de l'histoire de l'histoire, de l'interprétation, de la sur-interprétation, voire de la déconstruction ou de la dé-contextualisation hein...!

Mais puisque vous évoquez le concept de "guerre juste" et avec le peu qui me reste de ce que j'ai pu retenir de la philosophie chrétienne (je vous rassure je ne suis pas un passionné de Saint Augustin) c'est que le Christ a laissé un message de paix. Seulement, les chrétiens ont portant dû prendre les armes.

Comment concilier ces deux impératifs ? C'est tout l'enjeu de la notion de "guerre juste" qui imprègne profondément la pensée occidentale.

Et, pour ceux qui sérieusement ont étudié le renouvellement du questionnement d'une oeuvre, voilà de manière universelle ce que cela signifie : "L'homme a été corrompu par le péché originel, dont la guerre est une des conséquences; comme le péché originel pèsera sur l'homme jusqu'à la fin des temps, la guerre durera jusqu'à la fin des temps."

Saint Augustin propose donc d'abord d'imposer des limites à la guerre; à défaut de l'éradiquer, chercher à la confiner.

Deux règles :

1°) Il n'y a de guerre légitime juste ("bellum justum"), que celle déclarée par une personne dotée par Dieu [l'auctoritas] ("l'autorité"). Augustin précise que cette personne est le prince. L'Eglise condamnera toutes les formes de guerre qui ne seront pas décidées et menées par ce que nous appelerions aujourd'hui l'"Etat", la puissance publique. Elle cherchera donc à éradiquer, pour parler en termes modernes toutes les formes de guérilla.

2°) Les motivations de la guerre. Celle-ci est "juste" quand elle n'est pas inspirée, je cite Saint Augustin, "par l'envie de nuire, la cruauté dans la vengeance, l'esprit implacable inapaisé, le désir de domination et autres attitudes semblables". C'est-à-dire que l'Eglise exclut la guerre de conquête.

Prendre les armes ne se justifie que pour se défendre, quand on a été injustement attaqué. D'où la formule: " Les justes guerres vengent les injustices".

Enfin, s'agissant du débat qui nous intéresse je vous répondrai simplement que de Saint Thomas d'Aquin (La Somme théologique) à John Rawls (Théorie de justice) en passant par Martin Luther King ils abondent tous pour dire comme Saint Augustin : " La loi qui serait injuste n'est pas une loi" la désobéissance à la loi devient alors un impératif cathégorique (Kant)...

as-pirine, est-ce qu'on est toujours loin du débat... ?



110. Le mercredi 5 septembre 2007 à 16:45 par Augustissime

@Liberus : L'argumentation de votre procureur répressif est très modérée, sans doute ne susciterait-elle effectivement pas de fortes réactions.

En revanche, s'il affirme "Nous avons un gouvernement de fiottes, il faudrait couper la main à ces voleurs de carambars et les zigouiller à la première récidive", il est probable qu'il aura droit à un article dans Libération.

111. Le mercredi 5 septembre 2007 à 17:12 par aspi-rine

"C'est tout l'enjeu de la notion de "guerre juste"

Il ne faut pas aller chercher bien loin pour trouver des textes d'Augustin.
La persécution exercée par les impies contre l’Église du Christ est injuste, tandis qu’il y a justice dans la persécution infligée aux impies par l’Église de Jésus-Christ.(...) L’Église persécute par amour ; les impies par cruauté.(...) Enfin l’Église persécute ses ennemis, et ne cesse point de les poursuivre qu’elle ne les ait atteints et défaits, c’est-à-dire, qu’elle ne leur ait fait mettre bas les armes du mensonge, et qu’elle ne les ait établis dans la vérité"

A comparer par exemple à:

"combattez-les jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de polythéisme et que la religion soit entièrement à Allah seul."

Pour Augustin comme pour Mahomet, la guerre pour imposer la "vraie religion", est une guerre juste.

<<Enfin, s'agissant du débat qui nous intéresse je vous répondrai simplement que de Saint Thomas d'Aquin (La Somme théologique) à John Rawls (Théorie de justice) en passant par Martin Luther King ils abondent tous pour dire comme Saint Augustin : " La loi qui serait injuste n'est pas une loi" la désobéissance à la loi devient alors un impératif cathégorique (Kant)...

as-pirine, est-ce qu'on est toujours loin du débat... ?>>

Non...
C est la theorie de la desobeissance civile, ce principe se heurte au principe de démocratie, la loi décidéepar le peuple. Actuellement la politique de notre Président abonde dans ce sens:
La population veut des lois de plus en plus sévères, voir Injustes ( besoin crée par NS lui même) les appliquer ou les critiquer, c est se mettre à dos nos concitoyens...




112. Le mercredi 5 septembre 2007 à 18:00 par Simplicissimus

@as-pirine (108)
"Augustin disciple de Mahomet" ?

1. ça se saurait...

2. pour info :
- Augustin (354-430), né et mort dans ce qui est l'Algérie actuelle, alors province romaine (pas pour longtemps, l'année d'après sa mort les Vandales prenaient Hippone (Bône/Annaba)
- Mohammed (570-632), né et mort dans ce qui s'appelait déjà l'Arabie.

Qui a formé l'autre ?

Bizarrement, sur Wikipedia, il n'y a aucun lien ni connexité entre l'article "Guerre Juste" et l'article "Jihad"...

113. Le mercredi 5 septembre 2007 à 19:50 par aspi-rine

Il est bien connu qu'ils ont fait leur classe ensemble... :-)))
Ma réponse est dans le 111.

114. Le mercredi 5 septembre 2007 à 19:50 par INTIME CONVICTION

@ 68 : Et "l'article 330" de Courteline a été adapté par Marcel Pagnol dans un film disparu de 1934....
Quelqu'un sait où et comment le (re)trouver?

115. Le mercredi 5 septembre 2007 à 21:02 par Le Chevalier Bayard

@ 118 as-pirine

"Il ne faut pas chercher bien loin pour trouver des textes d'Augustin" ?

1°) Le concept de "guerre juste" a été forgé au Vème siècle !

Pour Saint Augustin : il faut savoir se résoudre à la guerre. Le propos tient à la situation de l'époque. L'Empire romain est attaqué par deux sortes d'ennemis : les Barbares et les hérétiques.

L'hérésie s'est développée du IVème siècle au VIème siècle et condamnée au concile de Nicée (325), elle niait l'égalité du Fils avec le Père dans la Trinité.

Rappelons que le concept a été dévoyé et complété au Moyen Age, notamment par le canoniste Rufin vers 1157.

2°) La symétrie du "couple" Mahomet/Augustin, historiquement, apparaît donc fumeuse...

Certes, la première croisade a été lancée, en Terre sainte, en 1095 avec l'appel de Clermont par le pape Urbain II...

Mais là c'est une autre histoire...!

Enfin, en démocratie, selon vous, considérez-vous qu'une loi injuste édictée par le peuple souverain puisse enfreindre un principe fondamental de la moral ?

116. Le mercredi 5 septembre 2007 à 22:27 par Béotien

Au cas où une expérience étrangère de rapports tourmentés d'un procureur général avec son ministre de tutelle vous intéresserait, lisez demain jeudi (6 septembre) la presse helvétique, par exemple www.letemps.ch.

117. Le jeudi 6 septembre 2007 à 08:31 par aspi-rine

<<Mais là c'est une autre histoire...!

Enfin, en démocratie, selon vous, considérez-vous qu'une loi injuste édictée par le peuple souverain puisse enfreindre un principe fondamental de la moral ?
>>

oui..;))
Une loi contraire à la Morale peut être édictée par le peuple car aujourd hui, les
lois sont dictées par les faits divers et le sensationnel...
Votre interrogation soulève deux questions:

-Qu est-ce que la Morale ? : un principe séculaire et intangible à évolution lente ou un sentiment éphémère dicté par l actualité ?.

-Doit-on appliquer ces lois contraires au grand principe ? Cette question est l une des grandes interrogations des magistrats. C est ce que voulait dire je pense ce VP de Nancy, estimant qu il n était pas le bras armé du pouvoir politique en place...

118. Le jeudi 6 septembre 2007 à 10:10 par Le Chevalier Bayard

@ 118 as-pirine

Merci d'être d'accord avec Annah Arendt, Kant et surtout Martin Luther King quant à la désobéissance à la loi injuste !

Cordialement !

119. Le jeudi 6 septembre 2007 à 13:36 par David Monniaux

Juste une petite remarque à ceux qui expliquent qu'un fonctionnaire, fût-il magistrat, doit forcément appliquer à la lettre les ordres venus de son autorité hiérarchique, au motif que celle-ci relève d'une élection populaire.

Premièrement, je relève, comme d'autres ici, que les ministres, les directeurs d'administration, etc., ne sont pas élus. Ils sont nommés.

Deuxièmement, je relève, comme d'autres ici, que les politiques publiques sont changeantes, parfois décidées au fil de l'actualité. J'ai vécu dans une administration des changements à 180° de politique (un grand chef a été nommé et a voulu faire un train de réformes, le dit grand chef a été débarqué, puis un autre grand chef est venu avec des réformes différentes...).

Troisièmement, je relève que de hautes autorités légales (Pierre Mazeaud, alors président du Conseil constitutionnel, Renaud Denoix de Saint Marc, président du Conseil d'état...) avaient déploré l'avalanche des lois d'affichage, souvent bâclées, et gravant dans le marbre des dispositions de circonstance.

Bref, il ne s'agit pas de discuter l'application de la « volonté populaire », mais de l'application de décisions politiques changeantes, souvent incohérentes, et souvent à but d'affichage.

Enfin, je relève qu'il existe des catégories de fonctionnaires dont la loi dit qu'ils bénéficient d'une liberté de parole dans les limites de certains usages. C'est par exemple, le cas des professeurs d'université, chercheurs et assimilés. En effet, ceux-ci doivent pouvoir, par exemple, informer l'opinion publique de tel ou tel problème de leur compétence sans risquer de sanctions. Je rappelle qu'aux États-Unis, le gouvernement Bush a fait renvoyer des chercheurs qui avaient publié des études mettant en cause l'impact de certains développement économiques dans des zones écologiques sensibles.

En bref, il n'est pas toujours de l'intérêt de la société que les agents publics doivent systématiquement suivre, jusque dans leurs paroles, la position gouvernementale.

120. Le jeudi 6 septembre 2007 à 23:36 par Liberus

@ 119

"En bref, il n'est pas toujours de l'intérêt de la société que les agents publics doivent systématiquement suivre, jusque dans leurs paroles, la position gouvernementale."

Mais qui est-ce qui a dit le contraire ?

121. Le vendredi 7 septembre 2007 à 10:15 par David Monniaux

@Liberus: Certains ici semblent suggérer que les agents publics doivent agir comme des béni oui-oui du gouvernement.

122. Le vendredi 7 septembre 2007 à 15:49 par victor

"Il (le procureur) développe librement les observations orales qu'il croit convenable au bien de la justice".

slogan corporatiste avant élections professionnelles ?

non, article 33 du Code de procédure pénale point 2.

123. Le vendredi 7 septembre 2007 à 23:59 par Liberus

@David Monniaux

N’oubliez pas qu’aux termes de l’article 15 de la Déclaration de 1789, « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.»
Alors de quelle liberté jouit un agent public ? A mon a vis de la même liberté que toute autre citoyen, celle qui est précisée par l’article 10 de la même Déclaration :
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, [b]pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi[/b]. »
Il faut donc regarder dans chaque cas précis s’il y a eu ou non trouble à l’ordre public. Les occasions sont rares et concernent des situations bien précises ou l’agent public se trouve au cœur de sa mission. Par exemple un fonctionnaire de police procédant à l'arrestation d’un étranger, et qui tiendrait en public des propos xénophobes, créerait, à mon avis, un trouble à l’ordre public.

Alors quelle est la mission d’un procureur ? Elle se trouve définie par l’article 31 du Code de procédure pénale :
« Le ministère public exerce l'action publique [b]et requiert l'application de la loi.[/b] »
Il est tout à fait clair qu’un procureur qui ne demanderait pas l’application de la loi se rendrait coupable d’un grave trouble à l’ordre public, car si les procureurs ne le l’appliquent pas qui l’appliquera ? La société serait parfaitement fondée « à lui demander compte de son administration ».

Je m’empresse de dire que je ne crois pas que M. Tanivel se soit mis dans ce cas, puisqu’il a démenti les propos que lui prête l’Est Républicain. Je crois volontiers à ce démenti : habitant la province, je me suis aperçu depuis longtemps, à chaque fois que j’assiste à une audience ou à une conférence, que les propos rapportés le lendemain dans la presse locale sont presque toujours déformés.

124. Le samedi 8 septembre 2007 à 17:21 par Augustissime

@Liberus
Vous avez parfaitement raison de rappeler que la liberté de parole laissée aux procureurs a pour objet les affaires dont ils traitent et non pas la qualité des lois. Un procureur est payé pour requérir l'application de la loi et non pas pour expliquer pourquoi il la méprise.

L'affaire est donc entendue : si le procureur de Nancy avait tenu les propos qu'on lui a prêté, il serait fautif, ce dont lui-même ne disconvient d'ailleurs pas.

125. Le dimanche 9 septembre 2007 à 17:04 par arbobo

je viens de lire ça :
"Dépêche, 07/09/07.

PARIS (Reuters) - Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a demandé vendredi à la ministre de la Justice, Rachida Dati, de venir s’expliquer sur la convocation place Vendôme d’un vice-procureur de Nancy à qui étaient reprochés des propos tenus à l’audience.

Cette demande a été formulée dans un courrier signé par les présidents des trois formations du CSM."
la suite ici
www.betapolitique.fr/+Rac...

126. Le lundi 10 septembre 2007 à 13:19 par rimbus

Bonjour
j'ai piqué votre réflexion : "Que penser de cette affaire ? Pour tout dire, elle ne me plaît pas. Il y a dans l'attitude de la Chancellerie un message adressé à tous les parquetiers : nous vous surveillons. Obéir à nos instructions ne suffit plus, si des propos tenus à l'audience nous parviennent et nous déplaisent, ce sera un voyage à Paris avec le chef et le chef du chef, qui seront ravis de perdre ainsi une journée et se souviendront de votre nom le jour des notations. A bon entendeur, silence."
dans une petite chronique bloguesque, pour dénoncer ces pressions insidieuses du pouvoir sur la Justice. Je vous cite et fait le lien sur cet article, j'espère que vous m'accorderez l'autorisation d'utiliser votre notoriété pour donner de la crédibilité à mes petits écrits de débutant.
Bien respectueusement
JMR

127. Le lundi 10 septembre 2007 à 18:36 par stellar

On apprend que Rachida Dati n'avait pas convoqué le procureeur Nativel mais l'avait invité. Je ne sais pas s'il faut rire ou pleurer après ces décalarations. ( fr.news.yahoo.com/rtrs/20... ).

"Rachida Dati assure n'avoir pas convoqué Philippe Nativel mais l'avoir "invité" pour le protéger de son supérieur qui aurait omis de publier un démenti de ses propos, a assuré Guillaume Didier.

Il n'y a aucune atteinte à l'indépendance de la magistrature", a-t-il dit. Il a précisé toutefois que le Garde des sceaux assumait le fait qu'elle pouvait diriger les parquets, recevoir les magistrats à son ministère. Il a cité un texte de loi et la Constitution qui donne "autorité" au ministre sur les procureurs. "Rachida Dati entend assumer pleinement ce rôle", a dit le porte-parole.

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