Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Quelques bonnes raisons de supprimer le juge d'instruction (1) - professionnaliser la direction d'enquête

Par Paxatagore


J'avoue : moi aussi, j'ai été juge d'instruction. Plusieurs années même. Moi aussi, j'ai mis des gens en examen, j'ai demandé que certains d'entre eux soient placés en détention provisoire. J'assume.

Qu'on me pardonne de ne pas maudire ce que je fus : j'ai adoré cette fonction, qui m'a donné beaucoup de plaisir professionnel. Mais le grand plaisir qu'elle m'a apporté n'est pas une justification suffisante pour la maintenir. De telles raisons existent et Maître Eolas en a listé un certain nombre. Je vais même dire quelque chose qui peut apparaître comme incohérent avec la suite de mon billet mais il me semble que le juge d'instruction fonctionne globalement bien rapport à son objectif premier (contribuer à réduire la délinquance) et pas trop mal par rapport à la défense des droits des différentes parties. C'est une institution peu onéreuse pour la société et cependant très efficace. La supprimer sans y avoir sérieusement réfléchi est hasardeux.

Mais pourtant, je crois qu'il existe bonnes raisons aussi de souhaiter la suppression du juge d'instruction. Des raisons qui dessinent, en creux, ce que j'attends de la réforme et ce qui me déplairait. Aujourd'hui, j'aimerai parler de la professionnalisation de l'enquête et de la direction d'enquête.

Il y a longtemps, disons en gros avant les années 1850, il n'y avait pas d'enquêteur policier, il n'y avait que des magistrats. C'étaient des magistrats qui faisaient les enquêtes importantes. Puis, devant l'augmentation de la délinquance, la police - au départ créée pour surveiller la population et non pour traquer les auteurs d'infractions - a fini par développer une vraie compétence en la matière. Au début du XXe siècle, Clémenceau a ainsi créé les "brigades du tigre", les ancêtres de l'actuelle police judiciaire : un corps de policier entièrement tourné vers le travail judiciaire, c'est-à-dire la recherche des auteurs d'infractions pénales et des preuves. Progressivement, les magistrats ont été cantonnés dans un rôle de "direction d'enquête", c'est-à-dire qu'ils donnaient des instructions à des enquêteurs qui faisaient, eux, le vrai travail d'enquête. Les juges d'instruction ont continué à avoir une petite importance comme enquêteurs, au moins pour les auditions et les interrogatoires, et, dans une certaine mesure pour les perquisitions. La police nationale a "rafflé" l'essentiel de ce qui fait une enquête moderne : les fichiers, les capacités à mener des écoutes téléphoniques...

Le problème, c'est que l'enquête, chez nous magistrats, reste un savoir faire artisanal et individuel. Pour avoir suivi la formation de l'ENM, je l'affirme : les magistrats ne sont pas sérieusement formés à la direction de l'enquête. Nous sommes vaguement formés à la technique de l'interrogatoire, mais c'est tout. Certains juges d'instruction sont de très bons directeurs d'enquête : c'est grâce à leur personnalité, à leur expérience. Pas à leur formation, pas au fonctionnement du système.

La police a une vision bien plus professionnelle de l'enquête (mais je crains qu'elle soit en train de la perdre). D'abord, une organisation en groupe, qui permet de confronter les points de vue, de balayer tous les aspects d'un problème. Ensuite, une organisation hiérarchique qui permet de valider les options choisies ou de trancher en cas de conflits. Enfin, une capacité à mettre en œuvre, en fonction des moments, des moyens plus ou moins importants sur une enquête donnée (ainsi, pour une enquête sur un trafic de stupéfiants, un groupe de quelques agents va faire un travail préparatoire, dépouiller des relevés téléphoniques, faire des filatures... Puis, au moment des interpellations, c'est tout le service qui va venir sur l'enquête, le temps de 4 jours).

Que manque-t-il à la police ? Deux choses. L'expérience du débat judiciaire et, parfois, la culture du doute.

- L'expérience du débat judiciaire, c'est la plus value du magistrat du parquet (ou du juge d'instruction) sur le fonctionnaire de police même le plus gradé. Avec un peu d'expérience (car là non plus, point de formation), il a quelques idées sur les arguments que la défense va produire et donc aiguiller le travail de la police sur ces points. Il sait aussi ce que les juges du siège vont attendre comme informations, comme preuves, et, là encore, il va demander ces éléments à la police.

- La culture du doute manque parfois à celui qui édifie l'accusation. C'est d'autant plus vrai que celui-ci a d'autres objectifs en vue. Le policier, souvent, a aussi l'ordre public en ligne de mire (il me semble, par expérience, que la culture du doute est plus forte dans les services de PJ, qui n'ont pas de rôle en matière d'ordre public, que dans les commissariats, qui ont un double rôle : maintenir l'ordre et faire des enquêtes). Le procureur aussi, d'une certaines façons. Le juge d'instruction est souvent vu comme plus objectif puisqu'il n'a pas d'autre intérêt à défendre que celui de la manifestation de la vérité. Plus on s'éloigne de l'enquête, plus on est enclin à en voir les failles, c'est naturel. La police a, par nature, un moyen d'y remédier : le contrôle hiérarchique. Malheureusement, ce contrôle joue de moins en moins.

Pour moi, une vision professionnelle de l'enquête implique une responsabilité des enquêteurs. Une enquête ratée, bâclée, mal faite, peut logiquement entraîner la responsabilité de ses auteurs. La société est en droit d'attendre que leur responsabilité soit mise en jeu, dès lors à tout le moins que les pouvoirs publics s'engagent réellement dans une logique de professionnalisation de l'enquête - on en est loin, me semble-t-il, tellement on est obnubilé par cette idée que chaque enquête est différente.

Le directeur d'enquête doit pouvoir être responsable et cela, à mon sens, n'est pas compatible avec l'idée qu'il s'agisse d'un magistrat du siège. Il doit avoir une compétence technique professionnelle et cela, à mon sens, n'est pas vraiment compatible avec l'idée qu'il s'agisse d'un magistrat du siège (auquel on demande déjà une grande maîtrise du droit et d'autres qualités professionnelles par ailleurs : à chacun suffit sa peine).

En toile de fonds, on devine ce que je souhaite (et les conditions qui me paraissent nécessaires à la suppression du juge d'instruction) : - un parquet, qui reçoive une formation spécialisée dans la direction de l'enquête, qui soit clairement séparé des magistrats du siège et dont les membres pourraient voir leur responsabilité engagée s'ils ne dirigent pas convenablement les enquêtes. Un parquet qui soit organisé sur un mode hiérarchique (un procureur / des substituts). - une police judiciaire renforcée dans cette même logique de professionnalisation et de valorisation du travail judiciaire - mais c'est la voie inverse que suit actuellement le ministère de l'intérieur.

C'est, à mon sens, un gage en terme de qualités d'enquête.

On me dira que le juge d'instruction pourrait assurer cette qualité. Bien sur. Dans les faits, il l'assure, généralement. Pour les enquêtes dont il est saisi. Il n'en reste que 5%. Pensons aux 95% restants : ça sera mon prochain billet.

Commentaires

1. Le dimanche 11 janvier 2009 à 16:51 par thierry

Une enquête ratée, bâclée, mal faite, peut logiquement entraîner la responsabilité de ses auteurs Comment saura-t-on que l'enquête a été mal menée ? (je pense que ce problème existe déjà à l'heure

Paxatagore:
La professionnalisation d'une pratique amène des références. Les médecins par exemple on des "conférences de consensus" : ils se réunissent pour définir la ou les bonnes pratiques. Un savoir faire peut être théorisé.

2. Le dimanche 11 janvier 2009 à 17:04 par mad

(mais je crains qu'elle est soit en train de la perdre) indicatif ou conditionnel ?

Point de vu très intéressant. Hélas je crains qu'on n'aille pas dans le bon sens, plutôt vers une police nivelée par le bas, avec énormément d'hommes par officiers, et donc très peu de contrôle.

Paxatagore:
Corrigé. Vous avez parfaitement saisi mes inquiétudes actuelles sur le fonctionnement de la police.

3. Le dimanche 11 janvier 2009 à 17:22 par Paralegal

Je ne peux qu'être d'accord avec votre propos, mais si on occulte l'idée de responsabilisation du directeur d'enquête (la responsabilité de l'Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice me paraît suffisante, quitte à réformer le système d'indemnisation pour l'améliorer), je ne vois pas ce qui empêche de dispenser la formation que vous évoquez aux juges d'instruction afin qu'ils disposent de cette compétence technique professionnelle.

Cela éviterait de mêler le problème de l'enquête et de la direction d'enquête avec la question cruciale de la survivance du juge d'instruction. Parce que les 5% qui restent, je trouve que ce serait pas mal qu'ils soient maintenus dans le giron des juges d'instruction.

Sauf bien sûr si les magistrats du parquet deviennent vraiment indépendants du pouvoir exécutif.

Paxatagore:
Justement, vous occultez le point qui me paraît essentiel. Il me semble que la responsabilité de l'enquêteur et du directeur d'enquête pourrait être mieux mise en oeuvre, pas au sens disciplinaire ou financier où on l'entend trop souvent, mais d'abord et avant tout pour la promotion des meilleurs agents, l'organisation du service, la valorisation du travail... C'est quelque chose qui nous éloigne beaucoup de la logique judiciaire de traitement individuel par le prisme juridique.

4. Le dimanche 11 janvier 2009 à 17:26 par Mauvaisours

L'un des problèmes principaux de la réforme de l'instruction telle qu'on me la présente aujourd'hui c'est surtout l'indépendance de l'instruction des éléments de pouvoir : le siège dépend hiérarchiquement du mistère de la justice, la police, de l'intérieur. C'est aussi à mon sens le problème de la réforme du CSM.

Paxatagore:
Je ne suis pas sur que vous ayez tout suivi. Le siège ne dépend pas hiérarchiquement du ministère de la justice.

5. Le dimanche 11 janvier 2009 à 18:02 par Paralegal

Merci de votre réponse qui me permet, je crois, de mieux comprendre votre idée. Je ne suis pas à même de débattre sur le besoin de formation et d'évaluation et donc de responsabilisation des enquêteurs et du directeur d'enquête, mais je maintiens qu'à mes yeux, cette raison à elle seule ne justifie pas la suppression du juge d'instruction. J'attends cependant les autres raisons que vous allez exposer, si j'en crois le titre de votre billet : je ne demande qu'à être rassurée sur le bien-fondé, du moins les aspects positifs potentiels de la disparition annoncée.

6. Le dimanche 11 janvier 2009 à 18:05 par Coquille

La police a une vision bien plus professionnelle de l'enquête (mais je crains qu'elle est soit en train de la perdre). D'abord, une organisation en groupe, qui permet de confronter les points de vue, de balayer tous les aspects d'un problème. Ensuite, une organisation hiérarchique qui permet de valider les options choisies ou de trancher en cas de conflits. Enfin, une capacité à mettre en œuvre, en fonction des moments, des moyens plus ou moins importants sur une enquête donnée (ainsi, pour une enquête sur un trafic de stupéfiants, un groupe de quelques agents va faire un travail préparatoire, dépouiller des relevés téléphoniques, faire des filatures... Puis, au moment des interpellations, c'est tout le service qui va venir sur l'enquête, le temps de 4 jours).

Sauf qu'elle manque souvent de coordinateur...
Ma compréhension de la justice est très partielle. Je tente de comprendre dans quoi je me suis engagée en tant que justiciable et j'avoue que je me trouve souvent dans la confusion. Témoignage :

J'ai porté plainte il y a un an pour crimes sur mineur de quinze ans (viols par un membre de ma famille, puis agressions sexuelles, répétés pendant dix ans le tout, au vu et au su du reste de ma famille).
Pour commencer l'opj a qui j'ai décrit les faits a mal titré ma plainte (agressions sexuelles au lieu de viols). On m'avait prévenu que je n'aurais pas de nouvelles avant des plombes, vu que l'accusé, les autres personnes ayant dit avoir été victimes de lui, les personnes susceptibles d'être interrogées et moi-même vivons chacun dans des régions différentes.
J'ai tenté il y a un mois d'en savoir un peu plus, n'ayant toujours pas eu la moindre nouvelle à ce sujet. J'ai donc appelé le service de la brigade des mineurs qui avait pris ma déposition et l'opj m'a expliqué qu'il avait mieux à faire que passer dix coups de fils pour avoir des infos pour une affaire qui ne le concernait plus (sic). J'ai réussi ensuite à joindre le parquet compétent pour mon affaire. Là, on m'a expliqué que ma déposition était "partie en enquête" et qu'elle avait été enregistrée comme "agression sexuelle"... mais que ce n'était qu'une case cochée par un greffier pressé qui n'aura lu que le titre de ma première déposition (j'en avais fait une deuxième pour corriger l'erreur de l'opj et apporter des compléments).
J'en conclus qu'un magistrat ne se penchera sur mon affaire qu'une fois l'enquête dite préliminaire achevée et que c'est là qu'il procédera entre autre à la véritable qualification des faits. D'ici là, si j'ai bien suivi, chaque brigade va interroger les témoins de sa juridiction. Vue la réponse de "mon" opj, j'ai quelques doutes sur la façon dont la police va se coordonner et recouper ses informations...
J'ai vraiment hâte qu'un magistrat soit chargé de coordonner quelque chose là dedans. Et j'espère qu'il y aura effectivement instruction (ce qui ne sera pas le cas si les faits sont "déqualifiés", comme cela arrive apparemment souvent dans ce genre d'affaires). Je pourrais à ce moment là me porter partie civile, mon avocat pourra demander à voir les pièces du dossier, je pourrais exiger des nouvelles tous les six mois comme cela est prévu. Bref, j'aurai quelques droits, autre que celui de m'entendre dire que la police a mieux à faire que passer dix coups de fils pour moi, ou de savoir ma plainte "qualifiée" à l'arrachée, à partir du titre erroné d'un opj incompétent.
En attendant, mes bourreaux (violeurs et complices) jouent toujours à me narguer, par courrier, mail, en se pointant chez moi etc. Et je ne peux rien faire, vu qu'il n'y a pas appel téléphonique malveillant ni menace de mort. Cela n'entre dans le cadre d'aucune infraction, sauf peut-être corruption de témoin. Mais pour cela, il faudrait que j'ai un interlocuteur auprès de la police ou de la justice pour mon affaire en cours (si tant est que l'enquête ait commencé) et ce n'est pas le cas. Je n'ai qu'à prendre mon mal en patience. Le temps de la justice est long, dit-on. Mais le harcèlement se produit lui dans l'espace temps normal lui. J'en viendrais presque à espérer que les tarés de ma famille se zigouillent entre eux (possible, ils sont si loin dans la violence et l'ignoble...).

Du coup, je me demande vraiment comment, pratiquement, ça se passe sans juge d'instruction.
Tant dans les 95% d'affaires au présent que dans les éventuels 100% du futur. Je l'attends comme le messie moi, le juge d'instruction. De mon point de vue de citoyenne paumée dans les méandres d'une institution dont le fonctionnement lui échappe. Et tant mieux s'il instruit à charge et à décharge! Ce n'est parce que je suis justiciable que je ne pense pas aux droits des accusés.
Alors quand je lis Sarkozy dire que c'est au nom du respect des droits du justiciable qu'il faut supprimer cette justice de l'inquisition, ça me laisse rêveuse. D'autant plus qu'il s'agit de mettre à mort le bouc émissaire institutionnel du fiasco d'Outreau, où ce sont les accusés et non les justiciables qui ont été piétinés.

Décidément, je ne comprends vraiment rien.

Paxatagore:
Votre commentaire mériterait un billet d'explication à lui tout seul - n'hésitez pas à me relancer si j'oublie de l'écrire ! Indiscutablement, le juge d'instruction offre là une certaine garantie, puisqu'il est unique. Je pense toutefois qu'on peut arriver au même résultat avec une meilleure rédaction de notre code de procédure pénale.

7. Le dimanche 11 janvier 2009 à 18:39 par Sylvain

Je me permets juste un point de détail, qui ne résoudra pas la question de savoir s'il est judicieux ou non de supprimer les juges d'instruction. L'ancien président du Conseil sous la IIIe République, qui a permis la création de l'ancêtre de la police judiciaire, s'appelle Georges Clemenceau, sans accent sur le premier « e ». D'ailleurs, si quelqu'un sait d'où vient l'ajout de l'accent…

8. Le dimanche 11 janvier 2009 à 18:44 par Marion Dubalais

La police a une vision bien plus professionnelle de l'enquête (mais je crains qu'elle est en train de la perdre).
Cherchez l'erreur, je vous prie.
Si même les magistrats ne savent plus parler français correctement, où allons-nous?

Paxatagore:
Si même les lecteurs n'ont plus aucune indulgence, alors on va dans le mur :-)

9. Le dimanche 11 janvier 2009 à 19:05 par DAN40

PAXATAGORE, vous proposez un regard différent sur un sujet terriblement d'actualité. Votre vision de l'enquête policière est parfaitement judicieuse et en tous cas conforme à ce que j'ai connu en PJ et en sécurité publique. Bravo pour l'approche de la technique de l'enquête que personne n'enseigne nulle part ailleurs que dans les services actifs de Police et de Gendarmerie. Apprendre à rédiger un PV est une chose, imaginer et mettre en place des stratégies d'enquête en est une autre ...

Mais bref, le débat n'est pas là.

Personnellement, des questions me taraudent l'esprit depuis le début du débat. La démocratie serait elle vraiment en danger si on supprimait le juge d'Instruction tout en permettant l'accès de l'avocat dès le début de l'enquête ( je devrais dire des avocats, celui de la partie civile ayant à mon sens autant d'intérêt que celui de la défense.) ? Les avocats ne sauraient ils constituer des contre-pouvoirs et des leviers efficaces ? Ne seraient ils pas d'excellents garants des obligations à enquêter, des refus d'enterrement de dossiers qui semblent tant effrayer les tenants du maintien du Juge d'Instruction ( Dont je dois dire que je fais partie..)

J'ai parfaitement conscience que l'un sans l'autre ( suppression du juge SANS présence des avocats ) est une farce...Au moins,ça c'est acquis.

Autre question. La séparation des pouvoirs me paraît être un modèle d'organisation politique destiné à lutter contre, voire se substituer à, l'absolutisme Royal. Jusque là, tout va bien . Or, si aujourd'hui je reconnais la main politique sur l'éxécutif , sur le législtaif, je ne la retrouve pas dans le judiciaire. Pas clairement en tous cas. Pourquoi ? La mise en danger de la démocratie ne viendrait elle pas aussi de ce refus d'assumer une composante politique de la part des magistrats. (Aïe.... pas sur la tête.... )

Mais ce sont certainement des questions bêtes ....

Paxatagore:
Je crains n'avoir pas réellement saisi votre question !

10. Le dimanche 11 janvier 2009 à 19:06 par Muzan

bonjour,

Question:

Il y a quelque chose que je ne comprends pas du tout justement en ce qui concerne les partages des tâches entre la police judiciaire et le substitut du Procureur ou le juge d’instruction. J’ai l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de communication entre ces deux instances. L’expérience que j’ai au sujet de deux plaintes que j’ai porté l’une simple et l’autre avec constitution de partie civile, m’a donné le sentiment qu’il n’y avait aucune communication entre ces deux instances au sujet des décisions à prendre. L’enquête revient telle quelle de la B.R.D.A. et le juge soit classe l’affaire sans suite soit rend un « non lieu ». Pour les deux affaires auxquelles je pense ces décisions ont été prises en méconnaissance totale des résultats de l’enquête diligentée par la police judiciaire. J’ai même eu l’impression que chacune des instances cherchait à se défausser sur l’autre pour la décision à prendre.( quand il s’agit d’affaires importantes concernant le nombre de millions en cause par exemple). Alors puisque vous abordez ce sujet délicat peut-être, pourriez- vous donner plus de précisions sur le rôle respectif de chacun. J’aimerai comprendre par exemple pourquoi en cas de plainte avec constitution partie civile, le juge d’instruction confie l’enquête à la B.R.D.A au lieu de la faire lui-même conformément à la demande d’actes qui lui avait été demandé.

bonne soirée

11. Le dimanche 11 janvier 2009 à 19:13 par HDM

@Coquille - 6 -

En attendant la suppression du Juge d'Instruction et la définition et la mise en place de ce qui le remplacera, vous avez un mode procédural qui fonctionne pas trop mal, la plainte avec constitution de partie civile devant le Doyen des Juges d'Instruction du Tribunal de Grande Instance du lieu de votre domicile à faire déposer par votre avocat. Vous êtes en matière criminelle, un juge d'instruction sera obligatoirement désigné - dès lors que les faits ne sont pas prescrits - et pour le moment c'est encore lui le coordinateur de l'enquête et celui qui prend les décisions pendant tout le temps de son instruction, à laquelle vous avez accès dès sa désignation.

12. Le dimanche 11 janvier 2009 à 19:17 par Contra

A vous lire, ces documents me paraissent quelque peu oubliés :

http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/ccje/textes/Travaux12_fr.asp

Bien à vous.

13. Le dimanche 11 janvier 2009 à 19:25 par jijin

à vous entendre, il paraitrait plus judicieux d'employer sous tutelle de l'intérieur (pour les salaires...) d'anciens juges intégrés aux équipes de PJ avec droit de veto sur les décisions hiérarchiques et pour autant indépendant des uns et des autres.

il laisserait aux équipes de PJ le soin de faire comme elles font, si elles sont efficaces, et permettrait déjà, à ce niveaux, d'avoir une vue, sur l'instant, moins partial.

car, s'il reste au parquet, loin des policiers, n'y a t il pas un risque qu'il soit vu comme un "emmerdeur sans justification autre que la sodomie de mouche" ? d'autre part, s'il est sur le terrain, les délais de communications seront moindres et les fautes de procédures évités en partie par sa connaissance du droit.. ?

bien à vous

14. Le dimanche 11 janvier 2009 à 19:37 par Marion Dubalais

Excellent Contra ! Merci pour le lien.

15. Le dimanche 11 janvier 2009 à 19:59 par villiv

"Qu'on me pardonne de ne pas maudire ce que je fus : j'ai adoré cette fonction, qui m'a donné beaucoup de plaisir professionnel"

j'imaginais NS dire cela...

pouah, il est capable de la supprimer aussi cette fonction/profession qui lui a donné beaucoup de plaisir professionnel ;-)

16. Le dimanche 11 janvier 2009 à 20:02 par Luanda

C'est une vraie révolution culturelle de la police que vous pronnée. Ceci implique, je pense, une vrai réforme de la formation des policiers (tout grades confondus) et surtout alléger voire supprimer les objectifs de résultats qui minent le travail policier et les poussent à faire du quantitatif (outrages, conduite en état d'ivresse, expulsions...) au détriment du qualtitatif.

Paxatagore:
Je n'adhère pas tellement à ce discours très "fonction publique", qui voudrait que le contrôle hiérarchique (le quantitatif) soit à l'opposé du travail bien fait (le qualitatif). A mon sens, on peut atteindre de meilleurs résultats (quantitatifs) tout en faisant du travail de qualité. Le tout est que le pouvoir politique assume les objectifs, à moyen constant (ou en diminution, de fait).

17. Le dimanche 11 janvier 2009 à 20:16 par rien

Un billet intéressant qui propose de voir le débat sous l'angle non pas des principes (de séparation des pouvoirs, de respect des droits de la défense, ...), mais plutôt de l'aspect fonctionnel du système judiciaire. La proposition qui se dessine semble nous emmener vers un système accusatoire. Et ceci amène une question, toujours sur le plan du fonctionnement concret d'une enquête judiciaire (à laquelle je ne doute pas, un des futurs billets répondra) : Si le service instructeur mène une enquête à charge (et comment le lui reprocher ?), le justiciable assurera seul la preuve des éléments à décharge ; Quelle égalité de moyens pourra-t-il exister ? (entre le service instructeur et le justiciable, et d'un justiciable à l'autre) ?

Paxatagore:
En quelques mots. Dans une enquête accusatoire, la police fait son enquête et présente son dossier au juge. Dans la vraie tradition accusatoire (mais cela est loin d'être encore vrai), la police n'est pas tenue de présenter les preuves à décharge qu'elle a recueilli. La défense fait son enquête et présente son dossier au juge. Je ne crois pas qu'on se dirige vers cela. Je pense qu'il y aura toujours un seul et unique dossier, élaboré par la police et comprenant l'ensemble des éléments recueillis, qu'ils soient à charge ou à décharge. Le juge de l'enquête préliminaire (expression que je préfère nettement au juge de l'instruction, je m'en expliquerai), saisi par l'une des parties, pourrait ordonner des investigations, dont la réalisation serait la condition de l'exercice des poursuites (tant qu'elles ne sont pas réalisées, pas de jugement possible). Le tout, sans changer d'un iota notre principe : la charge de la preuve pèse sur le procureur. Le suspect prétend qu'il a un alibi ? Cela n'a pas été vérifié ? Alors relaxe, point barre. Ce principe qui veut que la charge de la preuve pèse sur le procureur, principe auquel il faudra bien donner sa plus vaste signification, impliquera que pas mal d'investigations potentiellement à décharges seront faites, dès lorsqu'elles sont réellement utiles. De ce point de vue là, je ne crains pas trop pour les droits de la défense.

18. Le dimanche 11 janvier 2009 à 20:16 par Bourdas

... un parquet, qui reçoive une formation spécialisée dans la direction de l'enquête, qui soit clairement séparé des magistrats du siège ...

Aujourd'hui, un magistrat peut faire un "va-et -vient" entre le parquet et le siège, autrement-dit il peut dans son parcours professionnel alterner des fonctions de parquetier et de juge. Dans ce que vous énoncez (un parquet spécialisé), ne faudrait-il pas que les magistrats choisissent une voie : magistrature debout ou assise (jamais couchée !) ?

Paxatagore:
Il va de soit que c'est que je pense.

19. Le dimanche 11 janvier 2009 à 20:47 par Francesco

Je ne comprends pas pourquoi professionnaliser la direction d'enquête implique de faire disparaitre le juge d'instruction. Le crois volontiers à la nécessité d'une modernisation et d'une rationalisation de la fonction du juge d'instruction, mais pas qu'il faille le jeter avec l'eau du bain.

Paxatagore:
Je reconnais volontiers qu'il n'y a pas lien nécessaire. Néanmoins, il me semble qu'une bonne direction d'enquête suppose et une direction (un chef) et plusieurs personnes pour en discuter (l'équipe). Le parquet a, à mon avis, la meilleure configuration pour cela. Par ailleurs, on ne peut pas être un super professionnel de tout, il faut faire des choix. Formons des directeur d'enquête / accusateurs publics, d'un côté ; des juges de l'autre.

20. Le dimanche 11 janvier 2009 à 21:21 par mad

En ce moment, sur ARte, "Au nom du père". Pour ceux qui voudrais se donner un idée d'une enquête conduite sans supervision indépendante.

Paxatagore:
Soyions très clair : aucun système n'évite les erreurs judiciaires. Le nôtre pas plus que celui des anglo-saxons. Il n'y a aucun moyen scientifique d'évaluer un système sous cet angle. Le système de l'instruction française conduit aussi à des dérives de cet ordre, dénoncées largement en matière anti-terroriste. Donc, ne construisons pas un système dans l'idée qu'il nous préservera de l'erreur. Construisons un système dans l'idée qu'il nous semblera rendre une justice selon un procédé qui nous paraît le plus efficace et le plus respectueux des personnes.

21. Le dimanche 11 janvier 2009 à 21:23 par Elthaniel

Je suis d'accords sur de nombreux points, en fait ma seule réserve porte plutôt sur le fait que ce soit le parquet qui ai ces fonctions.

A mon sens il serait peut être plus ... sûr de créer un corps de magistrat indépendant des deux ordres actuellement existant, ayant une vrai formation d'enquête, hiérarchisé, mais totalement indépendant du pouvoir politique. Car le vrai problème est là pour moi, le fait de soumettre des enquêteurs au pouvoir politique ouvre la porte à de très nombreuses dérives et vu le climat actuel je doute que ce soit une excellente chose. Étant donné que la seule notation que connais ce pouvoir porte sur le respect ou non de quotas ...

Paxatagore:
En d'autres termes, il faudrait une police indépendante. En France ? On peut toujours rêver !

22. Le dimanche 11 janvier 2009 à 21:23 par Coquille

@ Paxatagore,

Merci pour votre réponse.
Je me permets dans ce cas d'ajouter une suite à mon témoignage, puisque celle-ci renvoit à une autre question au sujet du juge d'instruction. Je l'ai déjà brièvement abordée de façon théorique en commentaire du dernier article d'Eolas. Mais peut-être que cela sera-t-il plus clair sous la forme suivante.

Je n'ai porté plainte seulement contre le second de mes deux agresseurs.
Pour le premier, je n'ai aucun autre élément contre lui que mes souvenirs forcément flous (sa violence et mon très jeune âge quand il a commencé font que j'ai été amnésique). Je redoute de le poursuivre pour plusieurs raisons. Celle qui a un intérêt ici est la suivante : la crainte d'être poursuivie en diffamation en cas de non lieu. Or si j'ai bien compris, la poursuite en diffamation présume l'accusé coupable, la décision de justice ayant valeur de vérité sur la réalité des faits reprochés en premier lieu. (Et pendant ce temps, j'entends dire ailleurs par un internaute policier que c'est un devoir citoyen de porter plainte, même si ça a peu de chances d'aboutir. Il est rigolo...)
Si le juge d'instruction disparaît... je serais - dans cette hypothétique poursuite - instruite à charge seulement, en plus d'être présumée coupable?
Déjà que je suis perplexe à l'idée que dans ce genre de cas, ce soit le magistrat qui ait prononcé le non lieu qui soit ensuite en charge la procédure pour diffamation...

Je précise que si j'évoque mon cas personnel sur ce point, c'est seulement comme illustration de la question plus générale.
Pour ce qui est de cet aspect, je ne m'estime pas spécialement mal lotie. D'une, j'ai eu la chance de prendre connaissance de ce risque avant de me poser la question de le dénoncer ou pas. De deux, si finalement je le poursuis, ce sera maintenant dans le cadre de ma procédure en cours contre l'autre, d'une façon qui m'éviterait toute éventuelle poursuite en diffamation.
En revanche, j'ai lu un certain nombre de témoignage de victimes poursuivies - puis condamnées - en diffamation par leur agresseur, après rendu de non lieu (faute de preuves matérielles).

@ HDM en 12,

En effet, c'est une possibilité, dont j'ai pris connaissance il y a peu. Etrangement, j'ai l'impression que ce serait "abusé" de le faire, tout le monde (avocat, police, parquet, juriste de ma connaissance) me disant que le délai d'attente que je vis là est tout à fait dans la norme...
Mais peut-être bien que ma santé mentale vaut que j'abuse un peu tout compte fait. Je n'arrive pas à déterminer si je serais dans mon droit en faisant ça, ou juste une emmerdeuse.

Paxatagore:
Ce n'est pas la diffamation, mais la dénonciation calomnieuse. Et vous avez parfaitement raison sur ce point, cette infraction est terriblement mal définie.
Sur la plainte avec constitution de partie civile : vous seriez parfaitement dans votre droit !

23. Le dimanche 11 janvier 2009 à 21:29 par Marcus Tullius Cicero

@17 Bourdas un parquet, qui reçoive une formation spécialisée dans la direction de l'enquête, qui soit clairement séparé des magistrats du siège ... Aujourd'hui, un magistrat peut faire un "va-et -vient" entre le parquet et le siège, autrement-dit il peut dans son parcours professionnel alterner des fonctions de parquetier et de juge. Dans ce que vous énoncez (un parquet spécialisé), ne faudrait-il pas que les magistrats choisissent une voie : magistrature debout ou assise (jamais couchée !) ?

Et pour le barreau, faire le choix au sortir de l'école entre avocat de la partie civile et avocat de la défense, aussi non ?

Eolas:
Négatif : avocat de la partie civile ou du prévenu, c'est la même fonction : défendre les intérêts d'une personne en justice. La seule incompatibilité est dans un même dossier (un peu comme l'incompatibilité JI-JLD-juge du tribunal). On peut être JAF le lundi et présider en correctionnel le mardi. On ne peut être procureur le lundi et mercredi, et juge les autres jours.

24. Le dimanche 11 janvier 2009 à 21:39 par Elthaniel

@ Paxatagore :

Après réflexion, oui c'est un peu ça en fait ... même si je pensais plus à un corps de Juges d'Instruction spécialement formés pour, avec un système intelligent de notation pour les promotions / rétrogradation (ben oui, si on fait de la sanction positive, il faut pouvoir faire des sanctions négatives aussi, la carotte ne va pas sans le bâton).

25. Le dimanche 11 janvier 2009 à 21:43 par Marcus Tullius Cicero

Pataxagore Le directeur d'enquête doit pouvoir être responsable et cela, à mon sens, n'est pas compatible avec l'idée qu'il s'agisse d'un magistrat du siège. Il doit avoir une compétence technique professionnelle et cela, à mon sens, n'est pas vraiment compatible avec l'idée qu'il s'agisse d'un magistrat du siège (auquel on demande déjà une grande maîtrise du droit et d'autres qualités professionnelles par ailleurs : à chacun suffit sa peine).

En toile de fonds, on devine ce que je souhaite (et les conditions qui me paraissent nécessaires à la suppression du juge d'instruction) : - un parquet, qui reçoive une formation spécialisée dans la direction de l'enquête, qui soit clairement séparé des magistrats du siège et dont les membres pourraient voir leur responsabilité engagée s'ils ne dirigent pas convenablement les enquêtes. Un parquet qui soit organisé sur un mode hiérarchique (un procureur / des substituts). - une police judiciaire renforcée dans cette même logique de professionnalisation et de valorisation du travail judiciaire

Et encore merci collègue du siège, qui du coup échappera au débat sur la responsabilité de ses actes, pendant que votre ex-collègue du parquet s'en prendra plein la poire tête. Bien joué !

Moi je continuerai à me prendre mes 4.000 procédures annuelles, à essayer de me couper en 4 pour tenter de voir mes dossiers, après les perms de nuit les coups de téléphone pour les mineurs en GAV, les coups de fil de la hiérarchie pour rédiger les rapports (j'en ai fait 5 ce week-end ou je suis d'ailleurs de perm : un viol sauvage, trois vols à mains armés, dont un interpellé - pour ne pas déranger votre collègue JLD, magistrat du siège j'ai mis à exécution une précédente peine d'emprisonnement, il a été content il a pu passer son dimanche en famille -, les ivrognes du week-end, les stups du samedi soir, j'ai dormi 5 heures en 2 jours...) mais ça ne fait rien je serai responsable puisque vous l'avez pensé... Comme quoi on est vraiment con bon au Parquet et corvéable.

26. Le dimanche 11 janvier 2009 à 21:59 par titjuriste

@coquille le mail constitue un début de preuve donc tu peux au minimum faire une main courante pour ajouter ces faits à ton dossiers, ou même porter plainte pour harcèlement moral

27. Le dimanche 11 janvier 2009 à 22:00 par François Obada

Votre billet est intéressant mais vous ne répondez pas vraiment aux critiques adressées à la procédure accusatoire :

  • comment la partie civile pourra t-elle pallier efficacement le refus d'enquêter du parquet (lorsque celui-ci classera la plainte) ?
  • comment la défense pourra t-elle « instruire à décharge » (mener une contre-enquête) lorsque le mis en examen bénéfice de l'aide juridictionnelle ?

Vous pensez que la direction de l'instruction est incompatible avec la qualité de magistrat du siège. Or, la qualité du juge d'instruction actuel est bien son inamovibilité et donc son indépendance formelle d'avec l'exécutif.

Paxatagore:
La qualité du juge d'instruction est bien son indépendance. C'est précisément son indépendance qui rend très difficile tout travail collectif un peu hiérarchisé qui, à mon sens, amène une qualité globale du travail. Pour répondre à vos deux premières questions : (1) je ne suis pas sur qu'il faille prévoir un mécanisme permettant à la partie civile de contourner le refus d'enquêter du parquet. C'est là à mon avis un rôle essentiel du parquet de choisir les enquêtes qui méritent d'être poursuivies. (2) Je ne souhaite pas une vraie procédure accusatoire - cf. ce que j'écris dans quelques commentaires - mais une procédure contradictoire, où la police continuerait à mener les investigations en tout état de cause.

28. Le dimanche 11 janvier 2009 à 22:06 par Canadien

@Paxatagore

"Dans la vraie tradition accusatoire (mais cela est loin d'être encore vrai), la police n'est pas tenue de présenter les preuves à décharge qu'elle a recueilli."

Au Canada, pays dont le système est accusatoire, la communication de la preuve à la défense est faite par le ministère public, non par la police. Le ministère public ne peut dissimuler des preuves à décharge en droit canadien.

Paxatagore:
Tout à fait. Il existe aussi, au statut incertain, une règle à peu près identique en droit anglais.

29. Le dimanche 11 janvier 2009 à 22:06 par Valentin

Clemenceau. Pas "Clé". C'est un détail qu'apprennent tous les potaches qui passent le grand oral de Sciences Po.

30. Le dimanche 11 janvier 2009 à 22:07 par Nichevo

Voila une réflexion intéressante. Allons nous vers un système accusatoire ? Pourquoi ne pas le nommer? La police serait la seule autorité à présenter son enquête et le Procureur serait le seul à donner une suite. Exit les enquêtes longues , couteuses, risquées. Nous irions ainsi au plus "solide". Le Procureur se contenterait de "valider" le passage à l'audience, un peu comme ce qui se fait en comparution immédiate. Sauf que pour un crime ou un viol, il faut plus de quarante huit heures pour rassembler les éléments avant l'audience ! Comment faire lorsque plusieurs faits seront constatés? Lorsqu'une enquête mérite d'être prolongée? Plus de juges d'instructions mais un avocat qui viendrait comme bon lui semble durant la garde à vue et aurait son mot à dire lors des auditions. Qu'en serait il de la déperdition des preuves? Comment protéger les victimes et les témoins? Qu'aurions nous à la fin? Les Officiers de police judiiaires devront ils se déplacer au palais de justice pour chaque présentation lors d'un "débat contradictoire" avec le procureur? L'avocat dans sa grande mansuétude et uniquement pour défendre son client bien entendu, ne va t il pas user de tous les moyens pour détruire méthodiquement le travail des policiers au fur et à mesure qu'il prendra connaissance du déroulement de l'enquête? Allons nous voir des cabinets spécialisés se constituer au grand jour, comme aux "states"? Je suis TRES inquiet concernant la suite des évènements.

Paxatagore:
Pourquoi ce nihilisme ? A vous lire, on croirait que si on abandonne le juge d'instruction, on devrait avoir la procédure américaine sans autre possibilité !

31. Le dimanche 11 janvier 2009 à 22:11 par Bourdas

@21 Marcus Tullius Cicero

... pour le barreau, faire le choix au sortir de l'école entre avocat de la partie civile et avocat de la défense, aussi ...

Je ne suis ni magistrat, ni avocat. L'un est toujours fonctionnaire, l'autre jamais. Ce qui distingue les deux magistratures est que l'une est hiérarchiquement soumise au ministre de la justice (parquet) et l'autre pas (siège). Le va-et-vient entre les périodes alternant la soumission et l'indépendance est une situation schizophrénique qui peut induire une porosité ...L'avocat lui défend un dossier, un client, peu importe la qualité de la partie (demanderesse, défenderesse) ; libre à l'avocat d'accepter ou non le dossier, l'affaire.

32. Le dimanche 11 janvier 2009 à 22:32 par Flying Rabbit

Même question que François Obada.

Sans juge d'instruction, devant qui se constituer partie civile? Comment enjoindre au Parquet d'investiguer alors que, si le déclenchement des poursuites s'opère à l'initiative de la partie civile, c'est que le Parquet aura fait preuve d'inertie pendant 3 mois ou qu'il aura classé sans suite? Je ne vois aucune issue satisfaisante sur ce point. Par ailleurs, pour les fameux 5% qui méritaient ou devaient bénéficier d'une instruction, je plains les avocats de la défense.

33. Le dimanche 11 janvier 2009 à 22:33 par Coquille-bis

@ Paxatagore puis HDM en 11,

J'ai tenté d'envoyer un commentaire en réponse (deux fois depuis 1 heure), mais il ne passe pas. Je comprends pas, j'abandonne pour le moment.

@ titjuriste,

Merci pour les conseils. Mais...
D'un côté, on m'a expliqué que le harcèlement moral n'existait en tant qu'infraction que dans le milieu professionnel. Et de l'autre, qu'une main courante ou plainte pour harcèlement n'était envisageable que dans le cas de sollicitations exagérément répétées, ce qui n'est pas le cas. Si je me sens harcelée, c'est au vu du contexte surtout...
Je suis perplexe.
Sinon, oui, bien sûr que je compte ajouter ces mails et courriers à mon dossier (quand j'aurais un interlocuteur...)!

Désolée pour le HS.

34. Le dimanche 11 janvier 2009 à 22:34 par DMonodBroca

S'il convient d'améliorer la formation des JI en matière d'enquête améliorons-la, excellente idée certainement, mais ne chamboulons pas tout par une nouvelle réforme.

Le président l'a dit, il y a eu beaucoup trop de réforme au cours des 20 dernières années, il a incontestablement raison, écoutons-le, il ne dit pas que des bêtises (c'est le mérite de ceux qui se contredisent...), améliorons ce qui existe au lieu de nous lancer dans une n + 1 ème réforme.

35. Le dimanche 11 janvier 2009 à 22:40 par ranide

A en croire le PR, la suppression du juge d'instruction serait nécessaire pour mettre en conformité notre procédure pénale avec les standards européens (la CEDH) et pour lui donner un caractère contradictoire d'où sortirait une meilleure protection des libertés individuelles.

De ces prémisses résulterait la nécessité de supprimer le juge d'instruction, qui n'est en charge que de moins de 5 % des enquêtes, qui est indépendant au sens de la CEDH, et qui enquête contradictoirement.

Des enquêtes dites préliminaires, soit 95 % des enquêtes, qui sont secrètes, qui ne présentent aucun caratère contradictoire, qui sont du ressort des Parquets, qui sont eux dans le collimateur de la CEDH pour cause de subordination hiérarchique à l'exécutif, il n'en a pas été question, comme si elles devaient servir de modèle à la réforme sauf peut-être quelques légers accommodements.

Il me semble que votre raisonnement est dans le droit fil de cette logique, qui je l'avoue m'échappe.

La police, écrivez-vous, a une vision professionnelle de l'enquête mais manque d'expérience du débat judiciaire et n'a pas la culture du doute : oui, mais je ne vois pas pourquoi vous disqualifiez le juge d'instruction pour recevoir une formation spécialisée dans la direction d'enquête et pour diriger la police judiciaire, alors même que lui, contrairement au Parquet, a déjà une pratique du contradictoire dans la "recherche de la vérité".

Mais il est vrai que dans votre billet vous n'avez pas un mot pour le contradictoire et pour les avocats, comme si ces auxiliaires de justice n'avaient aucun rôle à jouer dans la manifestation judiciaire de la vérité.

Quant à la mise en jeu de la responsabilité des directeurs d'enquête, je suis comme d'autres intervenants très réservé : la "responsabilisation" pousse les acteurs non pas tant à s'efforcer de bien faire qu'à éviter d'exposer une responsabilité personnelle. Je pense pour ma part que le remède est pire que le mal.

36. Le dimanche 11 janvier 2009 à 22:58 par mad

@ Paxatagore sous 19 : Parfaitement d'accord avec vous, sur tout. Malheureusement, et le récit de la journée de Marcus Tullius Cicero le montre bien, la réforme envisagée conduira à laisser à la police la totale direction des opérations, puisque le parquet ne sera pas renforcé, ni en effectifs, ni en moyens, ni en prérogatives.
Et le pire, c'est que [le président de la République] cite les erreurs judiciaires au supports de sa réforme. Si seulement la prorogation de la GAV passait sous le contrôle d'une autorité judiciaire, la réforme aurait eu un tout petit point positif...

[Billet édité ; merci de conserver un ton respectueux envers les autorités de la République, votre propos n'y perd rien en pertinence, au contraire]

37. Le dimanche 11 janvier 2009 à 23:01 par anne l

L'arrêt de mort du juge d'instruction serait donc signé. Il faudra sans doute dix ou vingt ans pour se rendre compte que le système n'avait pas que des défauts. On ne retient, des dossiers qui ont pris en charge par un juge d'instruction, que ceux qui auraient abouti à des fiascos ou ceux qui sont très médiatisés. Mais la grande majorité des autres,ceux qui sont "normalement" et correctement instruits, que deviendront-ils dans le nouveau système. Il y aura, d'abord, la suspicion des mis en examen, parties civiles et avocats à l'égard d'un parquet hièrarchisé (et pas seulement dans les dossiers "politiques". Cf les qualifications délictuelles plutôt que criminelles ab initio pour des problèmes de saturation des cours d'assises qu'il ne faut donc pas surchargé). Ce doute sur l'impartialité du magistrat enquêteurs sera plus évidente encore lorsque le parquet aura classé une affaire et que la victime souhaitera elle-même, ensuite, déposer une plainte avec constitution de partie civile (existeront-elles encore ?). Il n'est pas certain que le parquetier enquêteur s'acharne sur ce dossier... Enfin, alors que les dossiers humainement "délicats" (affaires de moeurs notamment) augmentent (en pourcentage du nombre d'affaires criminelles), l'existence d'un magistrat clairement identifié, par la victime, le mis en examen et les avocats, pouvait (peut) rendre la justice plus "humaine", moins impersonnelle, mieux identifiée par les personnes concernées (certains juges d'instruction ayant des qualités humaines tout à fait remarquables -même si ce ne sont ceux-là qui sont les plus médiatisés...-). Enfin, pour les avocats, il était (et est toujours) possible de conclure avec les juges d'instruction les plus ouverts un véritable "contrat" de procédure permettant aux avocats d'avoir une idée assez précise des délais de l'instruction (et accessoirement d'être prévenus courtoisement des dates envisagées des principaux actes envisagées, y compris l'audition ou l'interrogatoire de leur client). Ce n'était (n'est) pas le monde des bisounours mais le système annoncé ne va probablement pas rapprocher l'institution judiciaire du justiciable.

38. Le dimanche 11 janvier 2009 à 23:46 par Coquille

Je re-tente de poster mon commentaire qui passe pas. Peut-être est-ce parce que j'y emploie un mot injurieux? (mais il est pour moi, lol).

@ Paxatagore,

Merci pour votre réponse.

Je me permets dans ce cas d'ajouter une suite à mon témoignage, puisque celle-ci renvoie à une autre question au sujet du juge d'instruction. Je l'ai déjà brièvement abordée de façon théorique en commentaire du dernier article d'Eolas. Mais peut-être que cela sera-t-il plus clair sous la forme suivante.

Je n'ai porté plainte seulement contre le second de mes deux agresseurs.
Pour le premier, je n'ai aucun autre élément contre lui que mes souvenirs forcément flous (à cause de sa violence et mon très jeune âge quand il a commencé). Je redoute de le poursuivre pour plusieurs raisons. Celle qui a un intérêt ici est la suivante : la crainte d'être poursuivie en diffamation en cas de non lieu. Or si j'ai bien compris, la poursuite en diffamation présume l'accusé coupable, la décision de justice ayant valeur de vérité sur la réalité des faits reprochés en premier lieu. (Et pendant ce temps, j'entends dire ailleurs par un internaute policier que c'est un devoir citoyen de porter plainte, même si ça a peu de chances d'aboutir. Il est rigolo...)
Si le juge d'instruction disparaît... je serais - dans cette hypothétique poursuite - instruite à charge seulement, en plus d'être présumée coupable?
Déjà que je suis perplexe à l'idée que dans ce genre de cas, ce soit le magistrat qui ait prononcé le non lieu qui soit ensuite en charge la procédure pour diffamation...

Je précise que si j'évoque mon cas personnel sur ce point, c'est seulement comme illustration de la question plus générale.
Pour ce qui est de cet aspect, je ne m'estime pas spécialement mal lotie finalement. D'une, j'ai eu la chance de prendre connaissance de ce risque avant de me poser la question de le dénoncer ou pas. De deux, si finalement je le poursuis, ce sera maintenant dans le cadre de ma procédure en cours contre l'autre, d'une façon qui m'éviterait toute éventuelle poursuite en diffamation.
En revanche, j'ai lu un certain nombre de témoignage de victimes poursuivies - puis condamnées - en diffamation par leur agresseur, après rendu de non lieu (faute de preuves matérielles...).

@ HDM en 11,

En effet, c'est une possibilité, dont j'ai pris connaissance il y a peu. Etrangement, j'ai l'impression que ce serait "abusé" de le faire, tout le monde (avocat, police, parquet, juriste de ma connaissance) me disant que le délai d'attente que je vis là est tout à fait dans la norme...
Mais peut-être bien que ma santé mentale vaut que j'abuse un peu tout compte fait. Je n'arrive pas à déterminer si je serais dans mon droit en faisant ça, ou juste une enquiquineuse.

39. Le lundi 12 janvier 2009 à 00:03 par Coquille

@ Anne l,

Enfin, alors que les dossiers humainement "délicats" (affaires de moeurs notamment) augmentent (en pourcentage du nombre d'affaires criminelles), l'existence d'un magistrat clairement identifié, par la victime, le mis en examen et les avocats, pouvait (peut) rendre la justice plus "humaine", moins impersonnelle, mieux identifiée par les personnes concernées (certains juges d'instruction ayant des qualités humaines tout à fait remarquables -même si ce ne sont ceux-là qui sont les plus médiatisés...-)

Tout à fait d'accord avec vous. (Cf mon premier commentaire).

Cf les qualifications délictuelles plutôt que criminelles ab initio pour des problèmes de saturation des cours d'assises qu'il ne faut donc pas surchargé
Oui, très fréquent. Voici les arguments alors donnés à la partie civile sont (je détaille pour le cas que je connais bien) :
- Il y a plus de chance que votre agresseur soit condamné en correctionnel, car les juges comprennent mieux ce types d'affaires que les jurés (mépris de la "populasse" ..si les jurés sont inaptes à juger, pourquoi les assises?)
- Il prendra plus (comme si c'était nécessairement l'objectif de toute victime, et comme si ça allait lui apporter quelque chose...)
- Un procès en correctionnel est moins traumatisant (parce qu'un refus de reconnaître le crime subi, ça ne l'est pas?)
Personnellement, je n'y vois que cynisme et condescendance. Mais je serais ravie d'être détrompée.
Ceci dit, je ne comprends pas bien le sens de votre commentaire dans le contexte, dans la mesure où - me semble-t-il - c'est à ce jour le procureur qui qualifie les faits et prend donc l'éventuelle décision de les "correctionnaliser". A moins que l'emploi du procédé donne le droit de déposer plainte avec constitution de partie civile, mais ce n'est pas ce que j'ai lu.
Ce n'était (n'est) pas le monde des bisounours mais le système annoncé ne va probablement pas rapprocher l'institution judiciaire du justiciable.
Mais ça fait toujours bien de le dire dans un discours politique. Ca mange pas de pain de déclarer sa prétendue considération du justiciable à tort et à travers...

40. Le lundi 12 janvier 2009 à 00:06 par Bardamu

D'abord une faute formelle mais très courante : on écrit Clemenceau même si l'on peut prononcer é - c'est l'usage.

Ensuite je suis assez peu convaincu car votre seul argument, de poids et étayé toutefois, consiste dans la proposition suivante : "Le directeur d'enquête doit pouvoir être responsable et cela, à mon sens, n'est pas compatible avec l'idée qu'il s'agisse d'un magistrat du siège"

Vous dites en effet pourquoi les policiers sont aptes à ce travail même s'ils tendent à l'être moins mais pas pourquoi les magistrats ne pourraient pas l'être : la faute à la formation et parce qu'ils ont "d'autres chats à fouetter". Le premier point peut être corrigé et le second fait fi de l'histoire que vous rappelez (ils l'ont fait, le font encore). Vous semblez donc prendre acte d'une évolution historique sans fonder en droit cette réforme. Alors que vous ne répondez pas sur la disparition de l'indépendance du juge d'instruction qui en faisait sa particularité (procureur inamovible) ainsi que sur le travail à décharge qui relèvera désormais de l'avocat. Deux critiques très fortes à cette réforme et que vous ne soulevez pas étrangement malgré la qualité et la fraîcheur de votre contribution - qui doivent être soulignées !

41. Le lundi 12 janvier 2009 à 00:14 par Bardamu

@ Cicéron : comment dire, vous êtes épatant mais d'une part veillez à ne pas vous rendre identifiable - on a besoin de vous ici et ce serait dommage que vous soyez emmerdé par le ministère, d'autre part n'hésitez pas à nous délaisser pour votre oreiller ! Le service public, contrairement à l'idéologie en vigueur actuellement, ça existe encore - ça arrive aussi aux médecins de garde (il n'y a que les libéraux de ville qui n'y sont plus astreints : "volontaires" on dit...) de dormir aussi peu que vous, tenez bon !

42. Le lundi 12 janvier 2009 à 02:22 par alcyons

Comme d'habitude, le propos de Paxa est intéressant et mesuré. Bravo.

43. Le lundi 12 janvier 2009 à 08:42 par Lulu

@ Coquille

"la crainte d'être poursuivie en diffamation en cas de non lieu. Or si j'ai bien compris, la poursuite en diffamation présume l'accusé coupable, la décision de justice ayant valeur de vérité sur la réalité des faits reprochés en premier lieu."

Je rectifie vos propos comme je l'ai fait sous un autre billet il y a quelques jours: ce n'est pas parce qu'il y a non-lieu, relaxe ou acquittement que la victime sera nécessairement poursuivie et à fortiori condamnée pour dénonciation calomnieuse.

Un des éléments constitutifs de la dénonciation calomnieuse est en effet la mauvaise foi: c'est-à-dire qu'il faut rapporter la preuve que la victime avait connaissance de la fausseté du fait dénoncé ou imputé à autrui. Par exemple: la victime avoue qu'elle a menti et mensongèrement porté des accusations. En ce cas, la preuve de sa mauvaise foi au moment de son dépôt de plainte est établie et elle pourra être poursuivie pour dénonciation calomnieuse. Autre exemple: lors de l'enquête initiale, les enquêteurs découvrent un certain nombre d'éléments qui sont en contradiction avec les déclarations de la "victime" et qui permettent de supposer qu'elle a menti. Elle pourra être poursuivie pour dénonciation calomnieuse.

Dans le cas que vous citez, abus sexuels, surtout s'ils sont anciens, les éléments du dossier initial se résument malheureusement souvent aux déclarations de la victime qui accuse et du mis en cause qui nie les faits. C'est la raison pour laquelle dans ce type d'affaires, les poursuites et plus encore les condamnations pour dénonciation calomnieuse ne sont pas fréquentes car généralement la mauvaise foi de la victime n'est pas démontrée. Le doute a profité au mis en cause lors de l'affaire initiale, il n'y a pas de raison que la victime n'en profite pas non plus...

44. Le lundi 12 janvier 2009 à 09:21 par Shad

@ 20 et 21:

Vos commentaires soulignent un point très intéressant et largement occulté par la présentation de la réforme dans les médias. Le système accusatoire s'inscrit dans une configuration institutionnelle très différente de la notre qui lui donne touts sa cohérence. Au RU, par exemlpe, l'action publique (plus proche d'ailleurs de notre action civile) est exercée en premier lieu par la Police; le Crown Prosecution Service n'intervient que plus tard. L'enquête relève donc quasi exclusivement de la police. Mais l'organisation de cette police anglaise est très différente de celle de notre police nationale: elle est décentralisée; pas vraiment sous la tutelle hiérarchique du Home secretary et répond de son action devant des conseils locaux composés d'élus, de juges et de citoyens; bref rien à voir avec chez nous.

45. Le lundi 12 janvier 2009 à 09:44 par Gascogne

Ca ne va pas t'étonner, mais tu ne m'as toujours pas convaincu sur la séparation du siège et du parquet. J'aurais même tendance à penser que le passage entre ces deux fonctions devrait être obligatoire, pour que les juges connaissent les contraintes du parquet, et particulièrement de la permanence, et afin que les parquetiers aient une expérience du siège, singulièrement de la présidence d'audience, pour mieux appréhender ce qu'un dossier pénal doit contenir.
C'est tout de même étonnant que la commission parlementaire ait estimé devoir faire passer le stage avocat des ADJ à 6 mois, puisque les magistrats connaissent si mal le fonctionnement des cabinets d'avocat, mais que l'on nous bassine avec la séparation du siège et du parquet, dont le seul avantage à en retirer est l'application du "diviser pour mieux régner".

46. Le lundi 12 janvier 2009 à 10:11 par bleu horizon

Votre propos est fort intéressant, dans cette organisation du new-procureur ou « directeur d’enquête » ou avocat général de la république (j’aime ce terme, car il représente bien les futures fonctions du procureur), il faut garder la possibilité pour une partie de se constituer partie civile, que certaines prérogatives actuelles (comme le classement sans suite) soient soumises à la validation du futur juge de l’instruction.

Car il y a deux débats sur ce sujet, le premier très tendu sur la tentative de la reprise en main de l’exécutif sur la justice par des moyens détournés (y-a-t-il encore quelqu’un de dupe ?) et bien sûr, un débat plus technique sur le fond sur la disparition du juge d’instruction.

Vous le savez en droit, un mot, un pluriel ou l’absence de changement…change tout.

Votre position est très intéressante, mais Le PR le législateur peut reprendre votre idée à 99% mais modifier juste quelques détails.

Par exemple, il pourrait toujours permettre la constitution de partie civile, mais sans obligation pour le ministère public d’agir, tout en lui gardant la possibilité d’un classement sans suite (en l’espèce, le procureur serait toujours hiérarchiquement soumis au ministre de la justice) et qui deviendrait le directeur d’enquête (je vous laisse juge d’une telle situation…).

Que dire, par ailleurs, si dans cette configuration pour la GAV rien ne change.

Il faudra donc faire très attention à cette réforme qui est une réforme polymorphe selon comme on la regarde.

47. Le lundi 12 janvier 2009 à 10:26 par Concombre masqué

Et pourquoi pas un passage de la fonction d'avocat à celle de juge (du siège ou du parquet) au cours de la carrière ? Les connaissances nécessaires sont relativement proches, on peut envisager une courte formation complémentaire éventuellement. Je me demande si la justice dans son ensemble ne gagnerait pas à ce que chaque intervenant connaisse mieux les contraintes des autres (ne serait-ce que pour des considérations triviales comme la planification des audiences, la communication des pièces...)

48. Le lundi 12 janvier 2009 à 10:46 par Coquille

@ Lulu,

J'avais bien noté votre commentaire sur l'autre article et y avais répondu plus bas.
Merci pour vos précisions supplémentaires ici.
Vous dites que les poursuites sont rares, tant mieux. Car dans le cas où cela arrive, je vois mal comment l'on peut s'en défendre...
Cordialement

49. Le lundi 12 janvier 2009 à 10:50 par Shad

@ 47 :

Je suis totalement d'accord avec vous, notamment pour une raison fondamentale: le système accusatoire vers lequel on semble se projetter irrémédiablement ne peut à mon sens fonctionner de manière satisfisante (notamment en termes d'égalité des armes et de non instrumentalisation du procès pénal par le politique) que si se forme (ce que notre tradition à négligé jusqu'à présent, mais dont se blog pourrait être un signe de changement) une communauté juridique forte et homogène. Une telle communauté implique une formation, des références et une identité commune entre magistrats et avocats. Elle peut constituer un filtre professionnel face aux pressions politiques (l'un des grands échec des syndicats de magistrats par exemple et d'avoir refusé la présence significative d'avocats au sein du CSM laissant l'exigence d'ouverture entre les seules mains des politiques) et un ressort important de légitimité pour le juge. Le droit dans une telle configuration s'identifie largement à une règle du jeu fondamentale partagée et repsectée par tous les acteurs du procès ( et in fine davantage par le politique également) et non la chose de l'Etat qui consentirait quelques miettes de garantie pour la défense. Un rapport européen sur la formation des magistrats stigmatisait le fait que s'il est possible en France pour un avocat de devenir magistrat et inversement, il n'existe en revanche aucune voie privilégiée et adaptée de recrutement des avocats au sein de la magistrature. Le thème actuelle de l'"ouverture" de la magistrature par exemple se traduit par la diminution des places au concours pour les étudiants de droit et l'augmentation du recrutement dans les autres administrations, l'idée est donc davantage de fonctionnariser la magistrature plutôt que d'élaborer une légitimité par un ancrage plus fort et visible dans la société civile.

50. Le lundi 12 janvier 2009 à 10:58 par Coquille

@ Paxatagore en 22,

Merci pour la rectification sur diffamation et votre avis sur le reste. Pour la diffamation, je pensais à tort qu'il s'agissait de la même chose que dénonciation calonmieuse.
Dans ce cas, la disparition du juge d'instruction n'aura aucune conséquence sur ce point? (Je fais référence ici à l'article d'Eolas expliquant que les diffamations faisaient partie des délits donnant lieu à une instruction).

@ Lulu,

J'avais bien lu votre rectification sur l'autre article. J'y avais répondu plus bas en précisant ma pensée pour dire que j'évoquais le cas de dénonciation par une victime et non par tiers.
Merci pour vos remarques supplémentaires ici, pour ce cas là.
Vous dites que les poursuites dans ce cadre sont rares. Tant mieux!
Je maintiens toutefois mes remarques sur la difficulté de se défendre dans ce cas là... et oui cela arrive.
Que la poursuite ne soit retenue seulement si la fausseté des faits a été démontrée dans le cadre de l'enquête est effectivement rassurant. Mais cette condition supplémentaire reste à l'appréciation du magistrat puisqu'elle ne figure pas dans le code, où le rendu de non lieu suffit à constituer l'infraction de dénonciation calomnieuse. Suis-je dans l'erreur en disant cela?
Cordialement

51. Le lundi 12 janvier 2009 à 11:08 par Coquille

Argh. Encore un doublon!! Mon pc bugue. Désolée.
48 = 50 et 22 = 38

52. Le lundi 12 janvier 2009 à 11:14 par Véronique

Ne le prenez pas mal, mais j'ai du mal à saisir l‘argument central de votre propos.

Il n’ y a pas de provocation dans ma question. Je m’interroge .

Quelle est l'utilité pour des procureurs de devenir des super professionnels de la direction d'enquête, alors que vous écrivez que les hiérarchies policières et celles de la gendarmerie maîtrisent ce savoir faire ?

Et, même avec la meilleure volonté du monde, je ne vois pas comment des procureurs pourraient se transformer en super professionnels enquêteurs.

Est-ce cela la nature de leur métier ?

J'avais cru comprendre qu'un procureur ouvre, selon l'expression consacrée, une information judiciaire.

Ouvrir une information judiciaire est-il synonyme d’ouvrir une enquête ?

53. Le lundi 12 janvier 2009 à 11:50 par DM

@Paxatagore: < Je n'adhère pas tellement à ce discours très "fonction publique", qui voudrait que le contrôle hiérarchique (le quantitatif) soit à l'opposé du travail bien fait (le qualitatif). >

J'ignore la situation de la justice, mais en matière de recherche scientifique, l'impression générale (y compris de collègues étrangers travaillant dans des universités privées, donc sans rapport avec la fonction publique) me semble être que, du moins dans une certaine mesure, l'évaluation "quantitative" induit certains effets pervers.

Grosso modo, les indicateurs chiffrés parfois agrégent ou comparent des actions qui ne sont pas comparables, indépendamment de leur degré de difficulté et de la quantité de travail mise en jeu. (Les anglophones parlent disant "comparing apples and oranges".)

Certains indicateurs récompensent donc les gens qui font un travail relativement routinier, et peu coûteux en temps, par rapport à ceux qui s'investissent plus sur un travail innovant ou qui demande intrinsèquement plus de temps. Cela introduit différentes distortions. (Je ne rentrerai pas dans les détails, qui sont hors de propos par rapport au sujet ici évoqué.)

Certains policiers se plaignent, me semble-t-il, du même phénomène: si on agrège ensemble tous les "délits résolus", on incite à mettre les moyens sur les délits dont la résolution est la plus simple au détriment de ceux demandant une enquête plus longue.

Je ne vois pas en quoi la justice devrait être moins touchée si on devait l'évaluer avec des indicateurs souffrant des mêmes problèmes.

54. Le lundi 12 janvier 2009 à 11:55 par Shad

@ 53 DM:

Votre propos m'intéresse beaucoup. Auriez-vous s'il vous plaît des références à nous communiquer sur ces problématiques d'évaluation ?

Merci d'avance (et pour le reste des blogueurs veuillez m'excuser pour ce commentaire egoiste et HS)

55. Le lundi 12 janvier 2009 à 11:56 par René Streit

Maitre Eolas cachant une batte de baseball derrière son dos se trouve a coté d'un homme-sandwich assommé, portant une longue bosse sur le sommet du cuir chevelu, et qui tient encore à la main une pancarte où est écrit : 'Trop cool mon site LOL'. Un texte 'Commentaire modéré par Pub Neutralisator™' surplombe l'image.

56. Le lundi 12 janvier 2009 à 12:24 par ti_cyrano

"le passage entre ces deux fonctions devrait être obligatoire, pour que les juges connaissent les contraintes du parquet, et particulièrement de la permanence, et afin que les parquetiers aient une expérience du siège"

Pourquoi pas, mais après quelques années et une fois l'expérience acquise, il conviendrait que le magistrat choisisse sa voie, parquet ou siège. Cette clarification enlèverait sans doute un peu de confort dans le déroulement de carrière, mais lèverait quelques suspicions, qu'elles relèvent ou non du fantasme.

57. Le lundi 12 janvier 2009 à 13:20 par toto

A lire , l'opinion de Serge Portelli :

''Réponse du syndrome au symptôme''

58. Le lundi 12 janvier 2009 à 13:28 par DM

@Shad: Je n'ai pas de références, du moins pas de références du type "études scientifiques sur le sujet". Par contre, j'ai constaté qu'on comparait parfois "au volume" des travaux non comparables (travaux experimentaux vs petits travaux theoriques ou simulations numeriques, les premiers, ne serait-ce que logistiquement, demandant plus de temps en général). J'ai également constaté divers phénomènes néfastes, dont la cosignature systématique (pactes de signatures), et le "saucissonnage" (republier plusieurs fois la même idée avec des variations mineures). On constate par ailleurs que certaines personnes se focalisent sur des sujet "marketables" (qui sont dans l'"air du temps").

L'analogue en matière de justice serait de se focaliser sur les délits les plus simples à résoudre, d'autant plus que la résolution de ceux-ci s'insèrent dans une stratégie de communication publique.

59. Le lundi 12 janvier 2009 à 13:35 par tinotino

@ Véronique en 52

"Ne le prenez pas mal, mais j'ai du mal à saisir l‘argument central de votre propos.

Il n’ y a pas de provocation dans ma question. Je m’interroge .

Quelle est l'utilité pour des procureurs de devenir des super professionnels de la direction d'enquête, alors que vous écrivez que les hiérarchies policières et celles de la gendarmerie maîtrisent ce savoir faire ?"

L'exercice de la police judiciaire s'effectue sous la direction des magistrats du parquet. Les enquêteurs font les investigations mais sont soumis aux directives du parquet quant à la suite à donner à l'enquête menée. Sur une affaire, il y a un directeur d'enquête sur le terrain qui coordonne les actions des enquêteurs, croise toutes les données, effectue des rapprochements, effectue des actes de procédure. Il informe le magistrat du parquet du résultat de ses investigations qui lui donne des directives, soit sur ce qu'il souhaiterait qu'il soit fait comme nouvel acte, soit sur les suites pénales qu'il envisage de mettre en mouvement contre la personne mise en cause. En ce sens, qu'ils aient réellement une formation spécifique à la direction d'une enquête peut être bénéfique surtout si cette activité leur est entièrement dévolue.

"Et, même avec la meilleure volonté du monde, je ne vois pas comment des procureurs pourraient se transformer en super professionnels enquêteurs.

Est-ce cela la nature de leur métier ?

J'avais cru comprendre qu'un procureur ouvre, selon l'expression consacrée, une information judiciaire.

Ouvrir une information judiciaire est-il synonyme d’ouvrir une enquête ?"

Il y a ouverture d'information dans le cas d'affaires complexes pour lesquelles l'enquête initiale ne permet pas en elle-même d'avoir tous les éléments nécessaires à ce qu'elle puisse être jugée. C'est le cas pour toute affaire criminelle, et dans certains cas délictuelles. Le Procureur saisit le Juge d'instruction par un réquisitoire introductif d'instance dans lequel il mentionne la ou les infractions visées et ce qu'il ressort de l'enquête initiale. C'est plus un complément d'enquête qu'une ouverture à proprement parler.

60. Le lundi 12 janvier 2009 à 14:31 par jolindien

@Shad et DM, dans La France a peur. Une histoire sociale de l’« insécurité » de Laurent Bonelli, des études sont rapportées montrant la corrélation entre "la culture du chiffre" (augmentation du taux moyen d'élucidation des affaires) dans la police et l'augmentation en proportion, par exemple, des arrestations pour consommation de stupéfiants ou pour infraction à la Législation sur les étrangers (100% d''élucidation).

Plus globalement, une évaluation quantitative entraîne quel que soit son domaine d'application, une distorsion directe dans la manière de travailler. Il ne s'agit plus de bien faire son travail, mais d'avoir les bons chiffres (cela marche aussi pour les étudiants qui ont plus intérêt à être bon en "examen" que dans leur matière: avoir la capacité de résoudre un problème, c'est bien, l'avoir déjà résolu, c'est mieux).

Il s'agirait donc de créer des indicateurs quantitatifs s'approchant au mieux de la qualité attendue. Jusqu'à présent, je n'en ai jamais vu, à part pour les activités mono taches, et encore. Dans les autres cas, comme le fait remarquer DM, il faut comparer des oranges à des pommes : cela nécessite des pondérations, lesquelles pondérations ne peuvent entraîner que des questions (qui les fait, comment évaluer pertinemment...) et des distorsions (ajustement à la nouvelle donne)... le problème est sans fin.

61. Le lundi 12 janvier 2009 à 14:33 par Shad

@ 58 DM:

Merci pour votre réponse. Effectivement, appliqué à la justice pénale ça donne à peu près ça et cela se traduit par la diminution des moyens donnés aux pôles économiques, pour se concentrer sur la délinquance de "voie publique", plus visible par les citoyens au quotidien et moins susceptible de chatouiller certains intérêts. Mais la justice civile (contrats, propriété, divorce...) n'est pas épargnée non plus parce les jugements sont de plus en plus guettés par la standardisation; les magistrats étant de plus en plus évalués selon des critères réduits aux chiffres (nombre de jugements rendus...), critères qui se soucient de moins en moins de la qualité du contenu et ne distinguent pas selon la nature et la difficulté des contentieux en cause. Je constate en vous lisant que tout les champs du savoir semblent subir le même diktat du management et de l'économie.

62. Le lundi 12 janvier 2009 à 14:36 par Shad

@ 60: Merci

63. Le lundi 12 janvier 2009 à 18:33 par Marcus Tullius Cicero

@23 Eolas: réponse de la réponse à EOLAS Négatif : avocat de la partie civile ou du prévenu, c'est la même fonction : défendre les intérêts d'une personne en justice. La seule incompatibilité est dans un même dossier (un peu comme l'incompatibilité JI-JLD-juge du tribunal). On peut être JAF le lundi et présider en correctionnel le mardi. On ne peut être procureur le lundi et mercredi, et juge les autres jours.

Effet de manche au prétoire…

I. Contre argument moral :

On ne prétend pas être parquetier le lundi, puis JAF le mardi, etc. On est magistrat, un point c’est tout. On peut décider d’être JAP 2 ou 3 ans, puis changer de fonction (en principe dans une autre juridiction) et devenir parquetier. Ce qui nous motive, c’est la recherche de la vérité, le service de la Loi et de l’intérêt général, pas celui de se prendre pour la réincarnation de FOUQUIER-TINVILLE, ou soutenir l’accusation.

Pour ma part j’ai été militaire, puis avocat, je suis magistrat, aujourd’hui au Parquet et demain je compte bien aller au siège, faire des choses différentes, toujours pour un seul but, servir la Justice.

II. Contre argument juridique

Le parquetier est un magistrat ce qui le conduit à prendre des décisions juridictionnelles (A.) , d’ autre part la Loi le rappelle (B.), enfin sa prise de parole est marquée par sa liberté de magistrat et son obligation de servir la loi et non pas l’accusation (C.).

A) Le parquetier est un magistrat qui prend des décisions juridictionnelles :

Ceci ressort des textes composant le droit positif , que ce soit la constitution (1.), le bloc de constitutionnalité (2.)

1) La constitution :

Le Titre VIII de la constitution traite « de l’ autorité judiciaire » et fait référence aux magistrats du siège et du parquet. Il n’y a pas de différence entre magistrats du siège et magistrats du parquet.

La constitution dispose en son article 64 : « Le Président de la République est garant de l’autorité judiciaire »

L’ autorité judiciaire est composée des magistrats du siège et des magistrats du parquet ce qui ressort de la lecture de l’ article 65 de la constitution qui précise les modes de fonctionnement du CSM formation siège et formation parquet, reprenant à dix reprises la locution « magistrats du parquet ». L’ article 66 de la constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la Loi ».

Aux termes de la constitution , les parquetiers magistrats et membres de l’ autorité judiciaire à part entière, sont les gardiens de la liberté individuelle au même titre que les magistrats du siège .

Ceci est tellement fort que les magistrats, du siège ou du parquet sont pénalement responsable, et personnellement responsable, de toute détention arbitraire (d’où la récente affaire de MONGOLFIER).

2) Bloc de constitutionnalité

L’ article 16 de la Déclaration des Droits de l’ Homme et du citoyen de 1789 faisant partie intégrante du bloc de constitutionnalité dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des Droits n’ est pas assurée , ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’ a point de constitution ».

Le préambule de la constitution de 1946 : « réaffirme solennellement les droits et libertés de l’ homme et du citoyen consacrés par la déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les Lois de la République ».

Sous l’ énoncé « De l’autorité judiciaire », le Titre VIII de la Constitution ne désigne que les magistrats du siège et du parquet de l’ autorité judiciaire .

C’est dans cet esprit que la Constitution française, comme toute Constitution moderne, affirme sans détour dans son article 64, l’ indépendance de l’ autorité judiciaire. Cependant , il convient de préciser les termes de cette indépendance .

Celle-ci est avant tout considérée comme une indépendance externe c’est à dire dans les relations d’ une part entre la magistrature et l’Exécutif (autorité de nomination), d’autre part entre la Justice et le Législatif.

Ce sorte que l’affirmation du Président de la République d’une « autonomie tempérée par la règle hiérarchique » est inconstitutionnelle.

B) La loi

L’article L. 122-1 du Code de l’ organisation judiciaire : « A la Cour de cassation , dans les cours d’ appel et les tribunaux de grande instance , le ministère public est exercé par des magistrats appartenant au corps judiciaire ; les règles applicables à leur nomination sont fixées par le statut de la magistrature ».

C) Le parquetier est un magistrat doté de la liberté de parole

Le parquetier est un magistrat doté de la liberté de parole incluant l’obligation de servir la loi et non pas l’accusation, ce principe induit l’obligation de servir la loi, et non pas l’accusation. Cf. article 33 du Code de procédure pénale : le procureur de la République, « ... est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44. Il développe librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice. »

En conclusion :

Que l’on soit JAP, JAF, Président de correctionnelle, Juge pour enfants, parquetier, juge d’instruction, … nous faisons le même métier, c’est à dire magistrat.

Par voie de conséquence, il convient d’affermir les garanties pour le justiciable en inscrivant l’indépendance du Parquet dans la Constitution, puisqu’elle est discutée par le pouvoir politique, car la tentation est puissante (on a en fait dépasser le stade de la tentation) de reprendre en main la Justice via les parquets, et en renforçant les droits de la Défense au niveau de l’enquête.

Avec respect pour l'opinion contraire du Maître de ces lieux, mais en ne démordant pas de cette conviction.

Paxatagore:
Pour moi, clairement, le juge et le procureur ne font pas le même métier. Qu'ils aient un statut quasi-identique ne change rien au fait que le métier est réellement différent et que les magistrats du parquet ne prennent pas des décisions juridictionnelles. Une décision juridictionnelle est motivée et susceptible d'appel. C'est aussi parce qu'en tant que juge je n'ai pas envie d'assumer les erreurs, les fautes que l'opinion publique prête, avec une grande générosité, à l'enquête, que je souhaite qu'on cesse d'être associé à l'enquête. J'aimerai que nos concitoyens puissent exprimer leur défiance envers leur police et leurs enquêteurs - point qui mérite débat, cette défiance étant largement imméritée me semble-t-il, sans pour autant se plaindre de leur justice.

64. Le lundi 12 janvier 2009 à 19:32 par PEB

Pour en venir à la professionnalisation de l'enquête, il faut prendre en compte l'avènement de la police scientifique si justement incarné par le duo formé par Sherlock Holmes et le Dr Watson.

Jusqu'en 1850, la preuve reposait principalement sur un faisceau de témoignages. Notre ancien droit réglait leur valeur qui allait du testis unus testis nullus au confessio est regina probatio (à témoignage unique, nulle valeur; l'aveu est la reine des preuves). Le travail du juge-enquêteur consistait à mettre bout à bout des dépositions pour constituer l'acte d'accusation.

Toutefois, à la fin du XIXè siècle, des évolutionnistes comme Galton et Bertillon mirent au point l'anthropométrie. Le crime devenait une sorte d'énigme à résoudre. La Science commença à mener les investigations.

Ainsi, ce n'était plus la formation juridique qui faisait la qualité de l'instruction mais la rigueur et l'intuition des professionnels experts de la police judiciaire.

L'enquête devient donc autre chose qu'une collection d'actes. Les magistrats de l'affaire Outreau, ont-ils, une seule seconde, dépouillé leur dossier et mis à plat les incohérence technique en traçant des tableaux, des schémas, d'une certaines manières posé les équations du problème. Le cas le plus frappant est la mise en accusation malgré les impossibilités techniques relatives soit au handicap ou à l'inexistence de la victime non-née au moment des faits. Une autre chose m'a surpris, c'est la censure d'éléments techniques à décharge dans le procès verbal d'audition. En toute rigueur, il fallait TOUT noter afin d'enrichir le système d'équation et ensuite TOUT dépouiller afin de conclure rapidement.

Y-a-t-il un tableau noir dans le bureau du juge?

Cependant, le risque est de voir l'enquête piloté par les seuls experts. Or, dans cette même affaire, la qualité de l'enquêteur est de savoir douté des experts dès lors qu'un élément de leur démonstration ne colle pas avec un élément externe. Il faut aussi interroger sans cesse leur méthodologie. Par construction, tout dire d'expert n'est valable que dans son domaine d'expertise. L'enquêteur est un généraliste qui doit mettre en cohérence l'ensemble des indices dont il dispose et résoudre le puzzle à sept pièces:

  1. Quid? la victime
  2. Quis? le coupable
  3. Ubi? le lieu
  4. Quomodo? les faits
  5. Quando? l'heure
  6. Cur? le mobile
  7. Quibus auxiliis? l'arme

Si une des pièces ne colle pas, c'est qu'il y a une erreur et il faut reprendre l'analyse ab initio selon le principe de la reductio ad absurdum.

Indice, le mot est lâché. La preuve n'est donc plus la somme des actes mais un faisceau d'indices.

Un bon procureur pilotant un bureau professionnel d'enquête sous le regard d'un juge-arbitre garant des droits de la défense est sans doute un bon compromis.

Paxatagore:
C'est une vision très abstraite et qui fait fi du fait que, dans la plupart des affaires, on n'a que des témoignages, par nature imprécis, comme éléments de preuve. Et que les comportements humains sont loin d'être rationnels.

65. Le lundi 12 janvier 2009 à 21:45 par Bardamu

ça ressemble un peu à un dialogue de sourd entre Cicéron et Paxatagore : l'un défend des principes l'autre souligne les difficultés techniques. Qui ne vibre lorsque Cicéron affirme sans sourciller, le torse haut, "toujours pour un seul but, servir la Justice" ? Qui ne comprend Paxa soulignant l'unicité du travail d'enquêteur - et partant son irréductibilité d'avec le travail judiciaire ? Heben auf (dépassons, c'est ça l'Aughebung...) crie mon surmoi hégélien ! L'argument du serrurier n'est pas valable : rien n'interdit à ce qu'un juge soit un bon enquêteur - on se cotise pour offrir un tableau noir et des craies à Cicéron. Que l'on maintienne le JI ou que l'on invente un juge arbitre exige l'indépendance de toute la magistrature, ça me semble très naturel de le revendiquer aujourd'hui : je me demande quels arguments M. Sarkozy va pouvoir sortir (car hélas il n'arrive pas à la cheville du grand Anatole qui m'a bien éclairé sur la politique pénale sans me convaincre de la nécessité de sa dépendance ministérielle). Le plus grand risque réside dans la diminution des moyens de la défense et partant une plus grande inégalité entre les justiciables. Dans le doute d'une réforme juste (Paxa en convient), la meilleure solution me semble l'arqueboutage sur les principes à la Cicéron, ce n'est pas politiquement inepte dans la mesure où Dati doit partir (il va être temps !) et qu'il est inutile de donner des gages au gouvernement après plusieurs lois scélérates.

66. Le mardi 13 janvier 2009 à 08:53 par Lulu

@ Coquille

“Vous dites que les poursuites dans ce cadre sont rares. Tant mieux! Je maintiens toutefois mes remarques sur la difficulté de se défendre dans ce cas là... et oui cela arrive. Que la poursuite ne soit retenue seulement si la fausseté des faits a été démontrée dans le cadre de l'enquête est effectivement rassurant. Mais cette condition supplémentaire reste à l'appréciation du magistrat puisqu'elle ne figure pas dans le code, où le rendu de non lieu suffit à constituer l'infraction de dénonciation calomnieuse. Suis-je dans l'erreur en disant cela?”

Reprenons l’article 226-10 du Code pénal:

"La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.

La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée."

Les passages que j’ai surligné me paraissent parfaitement clairs. Primo: le délit de dénonciation calomnieuse suppose que les faits dénoncés aient été préalablement déclarés faux par l’autorité compétente.

Secundo: la “victime” ou en tout cas la personne à l’origine de la dénonciation, devait savoir que ces faits étaient inexacts. Autrement dit, sa mauvaise foi au moment de ses déclarations devant les autorités compétentes doit être établie. Les juges ne rajoutent pas au texte en recherchant si la personne à l'origine de la dénonciation était de mauvaise foi, puisque c’est l’un des éléments constitutifs de l’infraction.

Dans une procédure de dénonciation calomnieuse, il appartient aux juges de rechercher si la mauvaise foi de la victime est établie: parfois c’est simple quand, comme je l’ai déjà indiqué, la victime reconnaît elle-même qu’elle a menti. Parfois c’est plus compliqué: je me souviens d’un dossier de dénonciation calomnieuse initié par le parquet après un classement sans suite compte tenu des très importantes contradictions entre les déclarations de la “victime” et les constatations des enquêteurs. Ce n’était pas un dossier de moeurs.

Pourquoi écrivez-vous que pour la personne visée par une plainte en dénonciation calomnieuse, il est difficile de se défendre? D’abord, rappelons qu’à l’instar de n’importe quelle autre infraction, la dénonciation calomnieuse n’oblige pas la personne mise en cause à démontrer son innocence, c’est au ministère public de rapporter la preuve de sa culpabilité. Donc, ce n’est pas à la personne mise en cause de prouver sa bonne foi, mais au ministère public de démontrer la mauvaise foi de cette personne.

Et pour le ministère public, ce n’est pas plus facile de démontrer la mauvaise foi d’une victime que par exemple, démontrer la culpabilité d’un individu visé dans une plainte pour abus sexuels et qui conteste les faits...

En moins de cinq ans d’exercice professionnelle, j’ai déjà rendu un nombre incalculable d’ordonnances de non-lieu, notamment dans des dossiers de viols et agressions sexuelles. Il y a aussi les dossiers qui peuvent se solder par une relaxe ou un acquittement. Pour ces dizaines, peut-être centaines de dossiers que j’ai eu à connaître, je n’ai vu qu’une poursuite en dénonciation calomnieuse dont je puis vous assurer qu’elle était parfaitement justifiée.

Soit dit en passant, après avoir clôturé beaucoup de dossiers où la mauvaise foi de la victime était patente, notamment des plaintes avec constitution de partie civile, je pense que les poursuites en dénonciation calomnieuse pourraient être beaucoup plus nombreuses. Si il n'y en pas d'avantage, peut-être est-ce en raison d’un ministère public souvent débordé et de victimes de dénonciation calomnieuse qui, après une procédure parfois éprouvante où elles ont été mises en cause pour des faits graves, préfèrent passer à autre chose et ne pas déposer plainte à leur tour à l’encontre de la personne à l’origine de leurs ennuis judiciaires.

67. Le mardi 13 janvier 2009 à 12:21 par PEB

@Paxatagore: J'en conviens.

Dans l'affaire Outreau, la plupart des preuves à charge étaient des témoignages. En revanche certains éléments matériels à décharge auraient pu en écarter certains d'office et interroger l'enquêteur sur la validité des autres. L'instruction aurait dû se montrer plus matérialiste et moins idéalistes: les faits d'abord. Il faut savoir relativiser les pièces d'un dossier.

Lorsqu'on ne dispose que de témoignages fragiles (témoin unique ou enfantin ou de la parentèle), ça se corse. La méthode d'interrogatoire doit être particulièrement éprouvée pour accoucher chacun de sa part de vérité.

Je ne suis ni juriste, ni policier en revanche ma culture est scientifique. C'est pourquoi j'insiste sur la rationalisation des investigations. Vous dîtes avec raison que le comportement humain n'obéit pas toujours à la raison. En revanche, il est tout à fait possible d'avoir un discours raisonnable sur cette irrationalité pratique et les actes qui en découlent. Je crois que tout ça s'appelle la criminologie qui est une science interdisciplinaire.

Un bon enquêteur doit donc avoir, outre des connaissances juridiques, une intelligence de l'enquête. Ars longa vita brevis.

68. Le mardi 13 janvier 2009 à 12:41 par Coquille

@ Lulu,

Merci d'avoir pris le temps d'écrire une réponse si complète.

Vous soulignez les passages de l'article du code pénal pour dire que l'infraction est constituée par la preuve judiciaire que les faits reprochés étaient faux et que la partie civile avait menti sciemment.
Je pense que notre incompréhension provient du fait que je suppose que toute décision de non lieu, acquittement ou relaxe stipule que la réalité du fait n'a pas été établie... puisque si elle l'avait été, l'accusé aurait été jugé coupable. Si bien qu'en lisant les mêmes lignes du code pénal que vous, j'en conclus que toute décisions de non lieu, acquittement ou relaxe ouvre la possibilité d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse.
Mais c'est vous le juge. Peut-être existe-t-il des mentions que j'ignore à ces rendus de décision qui précise si l'enquête a prouvé ou non la fausseté des faits.

Pourquoi écrivez-vous que pour la personne visée par une plainte en dénonciation calomnieuse, il est difficile de se défendre?
Deux réponses possibles : avant de vous avoir lu, puis à la lumière de vos explications.
Je vais m'en tenir à la deuxième, ce sera moins confus.
Vous dites : le délit de dénonciation calomnieuse suppose que les faits dénoncés aient été préalablement déclarés faux par l’autorité compétente. Secundo: la “victime” ou en tout cas la personne à l’origine de la dénonciation, devait savoir que ces faits étaient inexacts. Autrement dit, sa mauvaise foi au moment de ses déclarations devant les autorités compétentes doit être établie.
L'accusé doit donc se défendre contre une décision de justice le déclarant coupable. J'en comprends que dans les faits, cela revient à une présomption de culpabilité, la preuve judiciaire de la culpabilité étant constitutive de l'infraction. J'en conclus que la défense revient à remettre en cause ladite décision judiciaire, ce qui ne me parait difficile en effet.

"rappelons qu’à l’instar de n’importe quelle autre infraction, la dénonciation calomnieuse n’oblige pas la personne mise en cause à démontrer son innocence, c’est au ministère public de rapporter la preuve de sa culpabilité."
J'ai vraiment du mal à saisir comment d'une part l'infraction ne peut être constituée que si une décision de justice a affirmé que les faits étaient faux et que la personne qui les dénonçait mentait sciemment... et comment d'autre part, la personne accusée de la calomnie peut être présumée innocente dans une telle poursuite.

Pour ces dizaines, peut-être centaines de dossiers que j’ai eu à connaître, je n’ai vu qu’une poursuite en dénonciation calomnieuse dont je puis vous assurer qu’elle était parfaitement justifiée.
Information très pertinente. Merci.

Soit dit en passant, après avoir clôturé beaucoup de dossiers où la mauvaise foi de la victime était patente, notamment des plaintes avec constitution de partie civile, je pense que les poursuites en dénonciation calomnieuse pourraient être beaucoup plus nombreuses.
J'en tire un conseil personnel qui me paraît très judicieux...

Cordialement, Coquille

69. Le mardi 13 janvier 2009 à 17:09 par Lulu

@ Coquille;

“L'accusé doit donc se défendre contre une décision de justice le déclarant coupable. J'en comprends que dans les faits, cela revient à une présomption de culpabilité, la preuve judiciaire de la culpabilité étant constitutive de l'infraction. J'en conclus que la défense revient à remettre en cause ladite décision judiciaire, ce qui ne me parait difficile en effet”. “J'ai vraiment du mal à saisir comment d'une part l'infraction ne peut être constituée que si une décision de justice a affirmé que les faits étaient faux et que la personne qui les dénonçait mentait sciemment... et comment d'autre part, la personne accusée de la calomnie peut être présumée innocente dans une telle poursuite.”

Je pense que le dernier billet d’Eolas, beaucoup plus clair que mes propres explications, vous aura permis de comprendre les tours et détours de l’infraction de dénonciation calomnieuse. A titre de complément, il me semble qu’à lire vos derniers commentaires, vous ne percevez peut-être pas bien la différence qu’il peut y avoir entre la poursuite pour les faits initiales et la poursuite du chef de dénonciation calomnieuse.

Pour être plus compréhensible, voici le processus judiciaire décomposé:

1) Premier temps: après que la victime ait déposé plainte, par exemple pour abus sexuels, une enquête a eu lieu. Supposons qu’elle ait été menée par un juge d’instruction qui au terme de la procédure, ait décidé de rendre une ordonnance de non-lieu. Ordonnance qui sera motivée selon la formule suivante: “attendu qu’il n’existe pas de charges suffisantes à l’encontre de quiconque”...

Rendre un non-lieu, ou même décider d’un classement sans suite, au niveau du parquet, cela ne signifie pas que l’on estime que la victime ait menti. Ni qu’elle soit “présumée coupable” de dénonciation calomnieuse. Cela signifie pour faire simple, que l’on n’a pas rassemblé des preuves suffisantes de la culpabilité de la personne mise en cause. Et que l’affaire pour laquelle la victime a déposé plainte s’arrête là.

2) Deuxième temps: la procédure en dénonciation calomnieuse. Elle peut être initiée par le parquet ou par la partie civile, être traitée dans le cadre d’une information judiciaire ou atterrir directement devant le tribunal correctionnel. En tous les cas le juge va s’attacher, et s’attacher uniquement, à rechercher si la personne était de bonne ou de mauvaise foi quand elle a dénoncé les faits. On ne revient pas sur les faits dénoncés (ceux-là ont fait l’objet d’un non-lieu, d’une relaxe, d’un classement sans suite) mais uniquement sur l’état d’esprit de la personne poursuivie pour dénonciation calomnieuse.

Voilà pourquoi la personne poursuivie pour dénonciation calomnieuse est présumée innocente comme n’importe quel prévenu. La question, ce n’est pas la véracité des faits qu’elle a dénoncés puisque la justice a déjà tranché ce débat. La discussion portera sur sa possible mauvaise foi de au moment où elle a dénoncé les faits.

Ayez conscience du fait que si en matière de dénonciation calomnieuse, la mauvaise foi est l’un des éléments constitutifs de l’infraction, c’est parce que la vérité judiciaire n’est pas nécessairement la vérité tout court. Il y a des coupables qui bénéficient (et justement) d’un non-lieu, d’un acquittement ou d’une relaxe car les preuves réunies à leur encontre ne sont pas suffisantes. Pourtant leurs victimes n’ont pas menti... C’est particulièrement vrai en matière de moeurs, les enquêtes en matière d’abus sexuels se résumant malheureusement aux accusations d’une victime à l’encontre d’un individu qui nie les faits.

A me relire, je ne me trouve pas particulièrement limpide mais j’espère que vous comprendrez le raisonnement que je viens d’exposer.

70. Le mardi 13 janvier 2009 à 19:53 par Coquille

@ Lulu,

Désolée j'ai vraiment la tête dure, et non le dernier billet d'Eolas ne m'éclaire en fait pas, puisqu'il y est question de dénonciation par tiers. Je préfère donc reprendre l'exemple que vous développez ici.

Rendre un non-lieu, ou même décider d’un classement sans suite, au niveau du parquet, cela ne signifie pas que l’on estime que la victime ait menti. Ni qu’elle soit “présumée coupable” de dénonciation calomnieuse. Cela signifie pour faire simple, que l’on n’a pas rassemblé des preuves suffisantes de la culpabilité de la personne mise en cause. Et que l’affaire pour laquelle la victime a déposé plainte s’arrête là.
Jusque là, mon cerveau vous suit parfaitement.

La question, ce n’est pas la véracité des faits qu’elle a dénoncés puisque la justice a déjà tranché ce débat. La discussion portera sur sa possible mauvaise foi de au moment où elle a dénoncé les faits.
Là par contre il disjoncte complètement.
Vous dites ici que la justice a déjà tranché sur le débat de la réalité des faits. Mais plus haut vous rappelez que, compte tenu de la présomption d'innocence, un non lieu (acquittement ou relaxe) équivaut à l'impossibilité de prouver la culpabilité de l'accusé. Ce qui n'implique pas qu'à l'inverse, la fausseté des faits ait été prouvée, comme vous l'avez souligné précédemment.
Or pourtant, si il n'est pas question de revenir sur la question de la réalité des faits parce que la question a déjà été tranchée... c'est bien que le magistrat suppose que la décision de justice précédente implique la démonstration de leur faussseté, non?
Dès lors, le débat sur la bonne foi n'a donc plus aucun sens à mes yeux. Et c'est là que mon cerveau rend l'âme. Il en a encore un si la personne accusée de calomnie avait dénoncé des faits commis sur un tiers (cf le billet d'Eolas). Mais dès lors qu'elle a dénoncé des faits qu'elle dit avoir subi, comment peut-elle débattre de sa bonne foi quant à sa méconnaissance de leur fausseté??

Je vais illustrer par une mise en situation concrète : la mienne. Car c'est bien là que je me place quand je tente de vous comprendre.

Supposons que je porte plainte contre mon bien aimé paternel qui m'a violée de mes 4 à 12 ans et que l'affaire aboutisse en non lieu... le juge d'instruction estimant que faute de preuve, l'éventuelle culpabilité de l'accusé ne pourra jamais être établie.
Ce dernier, pervers comme il est, prendrait alors un malin plaisir à m'accuser de dénonciation calomnieuse. J'ai peu de doute là dessus. Vous dites alors que dans cette procédure, il ne s'agirait pas de la réalité ou fausseté des faits, "la justice ayant déjà tranché sur ce point" mais qu'il ne sera question que de ma bonne ou mauvaise foi.
Ma position ne pourrait être alors que la suivante : Je suis de bonne foi en dénonçant ces faits, car je les ai subis.
Ce à quoi, si je vous suis bien, le juge me répondrait : Non mademoiselle, la justice a statué, les faits sont faux. Nous cherchons désormais à savoir si vous saviez qu'ils l'étaient en proférant cette accusation.
Je ne vois pas ce que je pourrais répondre d'autre que : Les faits sont réels. Partant de là, je n'ai rien à répondre à votre question, car elle ne correspond en rien à ma situation. Toute autre réponse que celle-ci serait malhonnête.
Le dialogue de sourds promet d'être sans fin...
Le juge n'étant pas en position de revenir sur la question de la réalité des faits, qui a déjà fait l'objet d'une décision de justice. Et moi-même étant incapable de faire une déclaration qui supposerait la justice sait mieux que moi ce que j'ai vécu...

Que concluerait la justice dans ce cas?

PS : Il me semble que votre dernier commentaire contredit le précédent où vous affirmiez que le rendu de non lieu ne suffisait pas à constituer l'infraction de dénonciation calomnieuse et qu'il fallait en plus que la fausseté des faits ait été établie. Je suis d'autant plus perdue...

PS2 : Encore une fois, je vous remercie de prendre le temps de me répondre de façon détaillée. Je tiens à préciser que je cherche vraiment à comprendre ce qu'il en est, et ne me place pas dans une contradiction de principe (je me demande bien de quel principe il s'agirait d'ailleurs).

71. Le mercredi 14 janvier 2009 à 08:35 par Maboul Carburod....z

@70

L'article 91 du code de procédure pénale énonce

'''Quand, après une information ouverte sur constitution de partie civile, une décision de non-lieu a été rendue, la personne mise en examen et toutes personnes visées dans la plainte, et sans préjudice d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, peuvent, si elles n'usent de la voie civile, demander des dommages-intérêts au plaignant dans les formes indiquées ci-après.

L'action en dommages-intérêts doit être introduite dans les trois mois du jour où l'ordonnance de non-lieu est devenue définitive. Elle est portée par voie de citation devant le tribunal correctionnel où l'affaire a été instruite. Ce tribunal est immédiatement saisi du dossier de l'information terminée par une ordonnance de non-lieu, en vue de sa communication aux parties. Les débats ont lieu en chambre du conseil : les parties, ou leurs conseils, et le ministère public sont entendus. Le jugement est rendu en audience publique.

En cas de condamnation, le tribunal peut ordonner la publication intégrale ou par extraits de son jugement dans un ou plusieurs journaux qu'il désigne, aux frais du condamné. Il fixe le coût maximum de chaque insertion.

L'opposition et l'appel sont recevables dans les délais de droit commun en matière correctionnelle.

L'appel est porté devant la chambre des appels correctionnels statuant dans les mêmes formes que le tribunal. L'arrêt de la cour d'appel peut être déféré à la Cour de cassation comme en matière pénale.

Lorsqu'une décision définitive rendue en application de l'article 177-2 a déclaré que la constitution de partie civile était abusive ou dilatoire, cette décision s'impose au tribunal correctionnel saisi dans les conditions prévues aux alinéas précédents.''

Si la justice rend un non lieu en disant que les faits dénoncés sont faux : le dénonciateur, s'il avait connaissance de la fausseté des faits calomnie.

S'il n'en avait pas connaissance, il ne calomnie pas faute d'élément moral à l'infraction.

Si le non lieu est rendu, faute de preuve des faits : cela ne veut pas dire qu'ils étaient pour autant faux. Il n'y a donc pas automatiquement dénonciation calomnieuse. Il faut vérifier laconscience qu'avait le dénonciateur de la fausseté des faits.

S'il s'agit de l'identification de l'auteur : il faudra focaliser sur le point de savoir si l'auteur de la dénonciation savait pertinement que la personne dénoncée n'y était pour rien ou si elle pouvait avoir une raison légitime de croire qu'elle dénonçait l'auteur d'un fait qualifié de crime ou délit.

Lorsque le non lieu est définitif, le juge de la dénonciation calomnieuse doit regarder les motifs du on lieu et apprécier la place de la personne qui a dénoncé les faits ou une personne afin de vérifier la légitimité de son geste au regard de ce dont elle pouvait avoir connaissance.

Dans un cas comme celui dont vous faites état, il faudrait vérifier les motifs du non lieu. Le fait est que si le dénonciateur se place comme victime et que les faits dénoncés sont faux, il resterait peu d'échappatoire.

72. Le mercredi 14 janvier 2009 à 10:45 par Coquille

71,

Merci pour vos explications, mais le point (à mon avis, d'absurdité) que j'ai relevé en 70 demeure en l'état. Je vais donc me répéter.

Si le non lieu est rendu, faute de preuve des faits : cela ne veut pas dire qu'ils étaient pour autant faux.
Bien. Admettons que dans la réalité, ils furent vrais (prenez le comme un cas de théorique permettant de réfléchir sur le sens de la loi et ses implications). Le non lieu survient faute de preuves mais ne déclare pas que leur fausseté ait été prouvée ou reconnue devant une instance judiciaire.
Il n'y a donc pas automatiquement dénonciation calomnieuse. Il faut vérifier laconscience qu'avait le dénonciateur de la fausseté des faits.
Quelle fausseté des faits? Quelle conscience de la fausseté des faits si ils sont vrais.

Suis-je vraiment la seule à relever cette étrange ellipse qui transforme "réalité des faits non prouvée" en "fausseté des faits déclarée, impossibilité de débattre ce point" lorsque l'on passe du rendu de non lieu à la procédure pour dénonciation calmonieuse?

Dans un cas comme celui dont vous faites état, il faudrait vérifier les motifs du non lieu. Le fait est que si le dénonciateur se place comme victime et que les faits dénoncés sont faux, il resterait peu d'échappatoire.
Certes, mais :
1. Le cas que je soumets est celui où le non lieu est rendu faute de preuve, ainsi seules les deux parties concernées savent si les faits sont vrais ou faux.
2. Il est dit plus haut qu'il n'est pas question de revenir sur le débat de la réalité des faits.

Dans les premiers commentaires de cette discussion, Lulu m'indiquait que l'infraction de dénonciation calomnieuse n'était constituée que si il avait été prouvée dans la procédure précédente que les faits dénoncés étaient faux.
Finalement, ce point ne semble pas aussi clair. Est-ce alors que, si la fausseté des faits n'a pas été démontrée et que la personne poursuivie pour calomnie se présente comme victimes de ces faits, la procédure pour dénonciation calomnieuse finit elle aussi en non lieu ou classement sans suite... parce qu'elle est insensée, le débat sur la réalité des faits étant exclu mais l'absence de conclusion à ce dernier rendant absurde la poursuite pour dénonciation calomnieuse?
J'espère de tout coeur que oui. Mais j'avoue avoir comme un doute quand je vois que l'ellipse relevée plus haut est susceptible de s'opérer assez aisément et visiblement sans que celui qui s'y livre en ait conscience...

Bien cordialement,
Coquille

73. Le mercredi 14 janvier 2009 à 11:57 par Maboul Carburod....z

@72 Comme vous le dites, si le non lieu est rendu sur un doute, les faits ne peuvent être qualifiés. Il n'y a donc pas forcément d'élément moral de l'infraction. CQFD

74. Le mercredi 14 janvier 2009 à 23:33 par Américain à Paris

Gentlemen,

You're missing the central issue. The central issue is the fact that French law makes suing for 'dénonciation calomnieuse' too easy. Suing for slander has become a weapon used by the powerful in France to intimidate the weak. This means politicians and powerful businessmean suing journalists and critics or anyone who is irreverent.

I suspect that 'dénonciation calomnieuse' is just a legacy of France's aristocatic past.

Any outsider who views French society can immediately discern that debate in French society is hampered by these laws.

Mes logiciels, comme mes clients, sont libres. Ce blog est délibéré sous Firefox et promulgué par Dotclear.

Tous les billets de ce blog sont la propriété exclusive du maître de ces lieux. Toute reproduction (hormis une brève citation en précisant la source et l'auteur) sans l'autorisation expresse de leur auteur est interdite. Toutefois, dans le cas de reproduction à des fins pédagogiques (formation professionnelle ou enseignement), la reproduction de l'intégralité d'un billet est autorisée d'emblée, à condition bien sûr d'en préciser la source.

Vous avez trouvé ce blog grâce à

Blog hébergé par Clever-cloud.com, la force du Chouchen, la résistance du granit, la flexibilité du korrigan.

Domaine par Gandi.net, cherchez pas, y'a pas mieux.