Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Cachez-moi ces tortures que je ne saurais voir

La République des Tartuffes vient, encore une fois, de se faire taper sur les doigts.

La France vient à nouveau de se faire condamner par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour atteinte à la liberté d'expression. Pour une décision rendue par un tribunal, validée en appel, et ayant reçu l'onction de la cour de cassation.

L'affaire y ayant donné lieu est bien connue : il s'agit de la condamnation de la société éditrice PLON et de ses deux dirigeants pour apologie de crimes de guerre à la suite de la publication du livre de témoignage du Général Paul Aussaresses « Services Spéciaux Algérie 1955-1957 » (Plon 2001). Le général Aussareses a été lui aussi condamné mais n'a visiblement pas saisi la cour européenne des droits de l'homme.

On a torturé et assassiné pendant la guerre d'Algérie. Dix ans après la fin de l'Occupation. Pas des mouvements clandestins. L'armée française. Sur ordre. Mais il ne faut pas le dire. Cette névrose française de l'histoire revisitée, toujours pour la plus grande gloire du pays. Ce qui permet à la France de continuer en toute bonne conscience à se poser en donneuse de leçon au monde entier sur les droits de l'homme, sans réaliser qu'en dehors de l'Hexagone, nul n'est dupe. Vous croyez que Guantanamo ne doit rien à Alger ?

Car quand même, quelle hypocrisie, quelle tartufferie que de condamner un éditeur qui publie le témoignage d'un des principaux acteurs de ces « opérations spéciales », dans le cadre d'opérations dites de « guerres contre-révolutionnaires », qui dit la vérité, fût-ce avec cynisme puisqu'il expliquait ne pas regretter et estimer qu'aucune autre solution n'existait.

C'est ce qu'a fait la cour d'appel de Paris, en reconnaissant que le témoignage lui-même a un intérêt historique « incontestable », mais que :

la liberté d'expression doit s'exercer dans le cadre des limites fixées par la loi, notamment dans le respect des dispositions qui interdisent l'apologie de crimes de guerre ; qu'au-delà du témoignage, le livre comporte, comme l'a jugé à juste titre le tribunal, une apologie de crimes de guerre ;

et que

dans son très bref « avertissement », l'éditeur ne prend aucune distance vis-à-vis du texte du Général Aussaresses ; qu'il se borne à annoncer un « témoignage direct », « sans équivalent », qui « contribue à faire comprendre la terrible complexité d'une époque qui continue d'habiter notre présent » ; que bien au contraire, dans la « quatrième de couverture », il glorifie le général Aussaresses en le présentant comme une « légende vivante » et décrit la mission du général Aussaresses comme « la mission la plus douloureuse ».

Ou comment faire du politiquement correct une police de la pensée : vous pouvez publier des témoignages sur des crimes de guerre, mais à condition de dire que l'auteur que vous publiez est très méchant, qu'il faut l'agonir et le couvrir d'opprobre. Toute autre position, ou le rappel d'une carrière militaire extraordinaire, vous rend coupable d'apologie de crime de guerre. (C.A. Paris, 11e ch., 25 avril 2003).

Approbation de la cour de cassation qui conclut son arrêt par cette précision :

En effet, celui qui se réclame du droit à l'information, fondement de la liberté d'expression, n'est pas tenu d'assortir l'exposé des faits qu'il rapporte de commentaires propres à justifier des actes contraires à la dignité humaine universellement réprouvés, ni de glorifier l'auteur de tels actes.

Non, en effet, il n'est pas tenu de la faire. Mais est-ce trop exiger qu'il soit libre de le faire ?

C'est ce que rappelle la cour européenne des droits de l'homme (Orban et autres contre France, requête no 20985/05).

Et elle ne prend pas de gants.

D'une part, avec une fausse naïveté cruelle, elle relève :

La Cour ne perçoit (…) pas en quoi le fait de qualifier la mission [du Général Aussaresses] en Algérie de « la plus douloureuse » équivaut à une glorification de l'auteur ou des faits dont il témoigne. Quant au recours à l'expression « légende vivante » pour qualifier le général Aussaresses, elle n'y discerne pas davantage une volonté de glorification de celui-ci. Outre le fait qu'une telle expression peut recevoir plusieurs acceptions, y compris négatives, elle renvoie manifestement, en l'espèce, à la réputation que le général Aussaresses avait « dans les cercles très fermés des services spéciaux » au moment où il avait été envoyé en Algérie.

Ensuite, si elle reconnaît la valeur de l'argument soulevé par le Gouvernement français que « la mémoire des tortures pratiquées par certains militaires français reste encore très vive et douloureuse chez ceux qui les ont subies », la cour relève qu'ils remontaient alors à plus de quarante ans et que

s'il est certain que les propos litigieux dont il est question en l'espèce n'ont pas pour autant perdu leur capacité à raviver des souffrances, il n'est pas approprié de les juger avec le degré de sévérité qui pouvait se justifier dix ou vingt ans auparavant ; il faut au contraire les aborder avec le recul du temps.

Et vient le moment de l'estocade.

Cela participe des efforts que tout pays est appelé à fournir pour débattre ouvertement et sereinement de sa propre histoire.

Fallait-il aller devant la CEDH pour rappeler une telle évidence ? Dans le doute, la cour en remet une couche.

Il y a lieu de rappeler à cet égard que sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10[1], la liberté d'expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de « société démocratique ».

Et paf. Et ce, à l'unanimité des sept juges. Re-paf.

Mais terminons néanmoins sur une note optimiste. Les juridictions françaises ne sont pas entrées en résistance contre la CEDH. À force de condamnations (qui sont toutes reprises en détail dans les bulletins d'information de la cour de cassation), la jurisprudence s'infléchit et les tribunaux rendent de plus en plus des décisions faisant prévaloir la liberté d'expression sur la défense de l'ordre. De plus en plus, des condamnations sont écartées, quand bien même la loi le permettrait, au nom de l'absence de nécessité de cette interdiction dans une société démocratique. Voyez le jugement relaxant le bâtonnier Hoarau raillant le MBA de Rachida Dati, ou encore plus récemment la relaxe de militants pour les droits des sans-papiers relaxés du chef de diffamation envers la police aux frontières qualifiée de bras armée de la xénophobie d'État.

Ce n'est tout de même pas encore gagné quand on voit qu'un simple « Casse-toi pov'con » brandi sur le passage du cortège présidentiel a été qualifiée d'offense au Chef de l'État alors même qu'il s'agissait manifestement d'une citation ironique de ce dernier.

Le combat pour la liberté d'expression a encore de beaux jours devant lui.

Notes

[1] 2. L'exercice de ces libertés [d'expression, d'opinion, de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées] comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.

La discussion continue ailleurs

1. Le lundi 19 janvier 2009, 11:01 par Combats pour les droits de l'homme

Affaire Aussaresses : témoignage historique, liberté d’expression, apologie de crime de guerre et tortures (CEDH 15 janv. 2009 Orban et autres c. France) par N. HERVIEU

Dans son ouvrage intitulé « Services Spéciaux Algérie 1955-1957 » publié en 2001, le Général Aussaresses a fait état de ses activités durant la guerre d’Algérie, et tout particulièrement lors de la « bataille d’Alger ». Il ...

Commentaires

1. Le samedi 17 janvier 2009 à 12:27 par kara

C'est très bien. La CrEDH est une chance pour le droit français.

Juste une remarque sans importance. Vous avez oublié un mot dans cette phrase à la 8ième ligne: "Le général Aussareses a été lui aussi condamné mais n'a visiblement pas saisi la cour européenne des droits de l'homme."

2. Le samedi 17 janvier 2009 à 12:38 par aliocha

Magnifique, merci de nous avoir alertés sur cette décision et merci pour ce commentaire !

3. Le samedi 17 janvier 2009 à 12:55 par Guile

J'adore le rappel de la CEDH: Cela participe des efforts que tout pays est appelé à fournir pour débattre ouvertement et sereinement de sa propre histoire.

La France, quel beau pays...

4. Le samedi 17 janvier 2009 à 12:56 par mauhiz

100% d'accord avec la CEDH, mais son pouvoir est donc si grand qu'elle puisse se prononcer sur le caractère apologetique ou non de ce livre?

5. Le samedi 17 janvier 2009 à 13:12 par Thalamos

Merci de cette note. Elle pose également la question des conditions de l'écriture de l'histoire !

Les historiens travaillent, et travailleront, aussi à partir de ces témoignages (entre autres sources). Filtrer leurs contenus, c'est priver les chercheurs d'outils utiles à la construction d'une histoire valide. Déjà que les conditions d'accès aux archives sont en France plutôt restricitives ...(justement aussi sur ces questions concernant la guerre d'Algérie, voir par exemple : http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2196 , un article de Sonia Combe, conservateure et historienne, sur ce sujet). Que la publication de ces témoignages ne soit pas accompagnée d'un appareil critique, voire soit destinée à alimenter un (petit ?) marché d'afficionados, et bien, c'est le prix à payer. Tôt ou tard, ces textes seront utilisés par des historiens, qui les analyseront sérieusement.

6. Le samedi 17 janvier 2009 à 13:15 par Véronique

"Ou comment faire du politiquement correct une police de la pensée..."

écrivez-vous.

A propos de la décision de la cour d'appel et de celle de la cour de cassation, n'est-ce pas plutôt une condamnation qui tient du judiciairement correct ?

Ou comment, pour des juges, la question de l'indépendance n'est pas seulement celle de leur rapport au politique, mais également celle de l' autonomie intellectuelle des juges par rapport aux pressions, aux diktats et aux polices de pensée liés à l'air du temps et aux courants dominants.

7. Le samedi 17 janvier 2009 à 13:22 par Cobab

Ça pose quand même quelques problèmes il me semble.

J'avoue n'avoir pas vraiment suivi les procès d'Aussaresses ; mais à l'époque je n'ai pas entendu d'interprétation semblable à la vôtre de sa condamnation (ne parlons pas des tortures) ; l'interprétation dominante concernait bien l'interdiction de l'apologie.

Parce qu'il y a quand même une définition très large de l'apologie dans le Code ; de mémoire, l'apologie de crimes de guerre consiste à présenter ces derniers comme « pouvant être justifiés » (je ne trollerai pas ici sur l'actualité de ce début d'année, mais…), celle de la consommation de drogues prohibées à les présenter « sous un jour favorable »…

Or Aussaresses dans son bouquin ne se contente pas de reconnaître la torture en Algérie, mais tente réellement de la justifier. Peut-être que c'est le fait de condamner également l'éditeur qui heurte la CEDH, on ne le sait pas puisque Aussaresses n'a pas porté de recours ; mais il me semble qu'ici c'est la lettre de la loi qui entre en contradiction avec la CEDH.

Le plus dérangeant sans doute c'est l'argument temporel : il est systématiquement ressorti à propos des crimes coloniaux, qui sont du passé, de l'histoire, oublions cela, lorsque ceux commis en Europe vingt ans plus tôt sont toujours actuels… ce dont je ne conteste absolument pas le bien-fondé, mais le deux-poids-deux-mesures grattouille quelque part.

Je n'accuse absolument pas la CEDH, en fait je serais plutôt partisan de restreindre au maximum ces délits d'apologie ; mais alors, pour tout le monde.

Eolas:
Il y a une différence d'impact social d'un texte qui défend des crimes commis il y a cinquante ans et des crimes commis hier. Ce n'est pas deux poids-deux mesures : comprenez que les 40.000 morts américains au Viet Nam comptent plus dans l'inconscient collectif que les 40.000 Ephraïmites tués par les Galaadiens en 1370 avant Jésus Christ. Pourtant, le bilan est le même.

8. Le samedi 17 janvier 2009 à 13:25 par Fredo

ce genre de billet est salutaire, on est d'accord

mais pourquoi ne pas souligner que la condamnation de Plon et du général Aussaresse est due à l'action en justice non pas de l'état, mais de la ligue des droits de l'homme?

après tout on vit dans un monde où l'on ne peut plus guère être en désacord avec un israelien ou un juif sans etre taxé d'antisémite, plus être désaccord avec une femme sans être taxé de machiste, plus être désaccord avec un magrébin sans être taxé de colonialiste et encore moins être en désacord avec un noir sans devenir aussitôt raciste.

D'ailleurs lorsqu'on est un homme blanc de sexe masculin et de nationalité française on est automatiquement tout cela à la fois.

Ai-je bien compris le sens du pamphlet raciste que vous avez publié il y a quelques semaines sur la personne qui faisait une exploitation communautaire d'un fait divers douloureux?

9. Le samedi 17 janvier 2009 à 13:31 par J M

Bonjour.

Tout cela est bel et bon, mais quel est le pouvoir de la CEDH ? Peut elle imposer son jugement sur un jugement rendu en France ? Non pas que cela me gainerait, c'est juste une interrogation.

Merci.

JM

10. Le samedi 17 janvier 2009 à 13:38 par villiv

euh à propos de la CEDH, j'ai appris récemment sur un autre blog qu'il y avait parfois des sons de cloche différents ;

du style : ne faudrait-il pas supprimer la CourEDH ?

en témoignent ces 2 commentaires publiés ici '' 4. Le lundi 27 octobre 2008 à 15:18, par prospection

Le scénario très prospectif de Scif est aussi un scénario très réaliste dès lors que l'on suit effectivement les raisonnements de la CEDH... En effet, le jour où la CEDH comprendra comment fonctionne la juridiction administrative, elle ne fera certainement pas marche arrière, mais enfoncera le clou : pas de commissaire à l'instruction, pas de note et de projet au commissaire... (ou alors à toutes les parties, mais effectivement ça n'a plus de sens).

Que faire ? une piste (déjà suggérée, par ex V. Haïm au recueil dalloz si je ne me trompe pas) : ne faudrait-il pas supprimer la CourEDH ? cette cour, qui sous couvert de faire respecter un niveau minimum de garantie aux droits fondamentaux (alors qu'elle ne les respecte pas elle-même, délai raisonnable....), s'occupe de refaire le droit, sans même le connaître (à lire pour le plaisir, dernièrement : edelman au dalloz, ou duchon-doris à la rfda).

5. Le lundi 27 octobre 2008 à 15:21, par jean-dor moisson

Ah, oui, la contribution de duchon doris, magistrat à la CAA de Marseille, dans un colloque en 2006 je crois, sur la CEDH est un article juridique et littéraire d'anthologie! j'en conseille la lecture à tous les juristes, pas simplement les publicites.'' "

11. Le samedi 17 janvier 2009 à 13:43 par Véronique

@ Colab (post 7)

Je ne sais pas si en droit, ce qu'écrivait le Général Aussaresses dans son livre de 2001 constituait une aplogie des crimes de guerre.

Ce qui, me semble-t-il, a été à l'origine de sa condamnation - dans l'ordre chronologique - médiatique, politique et judiciaire était le fait que le Général Aussaresses a refusé de se repentir des faits de torture, qu'il a lui-même commis et fait commettre pendant la Guerre d'Algérie. .

12. Le samedi 17 janvier 2009 à 13:45 par malpa

Voyez le jugement relaxant le bâtonnier Hoarau raillant le MBA de Rachida Dati, ou encore plus récemment la relaxe de militants pour les droits des sans-papiers relaxés du chef de diffamation envers la police aux frontières qualifiée de bras armée de la xénophobie d'État.

Puisqu'il y a eu relaxe, on peut répéter ces propos, ils ne sont pas délictueux.

Ce n'est tout de même pas encore gagné quand on voit qu'un simple « Casse-toi pov'con » brandi sur le passage du cortège présidentiel a été qualifiée d'offense au Chef de l'État alors même qu'il s'agissait manifestement d'une citation ironique de ce dernier.

Là, je sens que maître-eolas adorerait aller devant la CEDH.

13. Le samedi 17 janvier 2009 à 13:49 par Gaétan B.

Et "Casse-toi pauv'con" sur une pancarte devant un cortège présidentiel, qu'est-ce sinon une offense au chef de l'Etat ?

Le jour où la gauche comprendra que taper sur l'exécutif ne fait pas forcément avancer la démocratie, on aura fait un grand progrès.

14. Le samedi 17 janvier 2009 à 14:32 par Robin

@JM (8)

Tout requérant d'un Etat partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) peut, après avoir épuisé toutes les voies de recours internes qui lui sont ouvertes, s'il estime avoir été condamné en violation de ladite convention, saisir la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

La Cour examine si la décision de rendue par les juridictions internes est conforme à la convention. Si ce n'est pas le cas, elle condamne le pays ayant rendu cette décision. Toutefois ladite décision n'est pas atteinte dans sa validité, elle demeure applicable dans les conditions définies par le droit interne.

Mais évidemment, des condamnations répétées (qui a dit la France ?) conduit rapidement (ou moins rapidement) les Etats sanctionnés à modifier leur réglementation ou les tribunaux nationaux leur jurisprudence.

Voilà, résumé très simplement, le mécanisme de contrôle de la Cour de Strasbourg :)

Eolas:
Ajoutons que la loi prévoit une procédure de réexamen des condamnations pénales à la suite d'une condamnation par la CEDH. Art. 626-1 et s. du CPP.

15. Le samedi 17 janvier 2009 à 15:23 par christophe

"Le Général Paul Aussaresses est prévenu, les 26, 27 et 28 novembre devant le Tribunal correctionnel de Paris, du délit d’apologie de crimes de guerre. L’ACAT, la LDH et le MRAP ont décidé de se constituer parties civiles à son encontre.

Cette démarche a pour but de faire juger que les crimes que le Général Aussaresses a commis, tels que décrits dans son livre Services spéciaux (tortures, exactions, exécutions sommaires de civils…) sont des crimes à tout le moins qualifiés de crimes de guerre.

Il s’agit aussi de faire juger que la glorification et la pseudo-justification à laquelle Paul Aussaresses se livre de ces crimes, et qu’il considère faire partie de son devoir de militaire, constituent en fait leur apologie"

Votre dénonciation de la tartuferie s'étend elle aux demanderesses ?

Eolas:
Si elles avaient besoin d'ester en justice pour qu'on leur dise que la torture, les exécutions sommaires et les exactions sont des crimes de guerre, non, ce ne sont pas des Tartuffe mais des Trissotin.

16. Le samedi 17 janvier 2009 à 15:36 par azdfrd

Cela participe des efforts que tout pays est appelé à fournir pour débattre ouvertement et sereinement de sa propre histoire.

Et quand pourra-t-on débattre sereinement de la Seconde Guerre Mondiale ? Ah... cette loi Gayssot...

Eolas:
La loi Gayssot ne porte pas sur la Seconde guerre mondiale mais sur des faits qui se sont produits PENDANT la Seconde Guerre Mondiale. Quant à avoir un débat serein sur le sujet, renoncez-y de votre vivant.

17. Le samedi 17 janvier 2009 à 15:53 par Lagos

@9 Villiv

La CEDH étant présidée par un Français, membre du Conseil d'Etat, il est peu probable qu'elle ne comprenne pas comment fonctionne la juridiction administrative française.

@Eolas

Merci pour ce billet, on devrait apprendre à nos enfants en cours d'instruction civique que la France, pays des Droits de l'Homme, est après la Russie et la Turquie le pays le plus souvent condamné par la CEDH.

Eolas:
Après la Turquie et l'Italie. Nous sommes devant la Russie : Wouhouu ! On a le bronze !

18. Le samedi 17 janvier 2009 à 16:01 par Jeune consoeur

la décision de la CJCE me paraît en tout point conforme à la nécessité de débattre du passé et de notre histoire, aussi déplaisante soit telle à entendre. cependant, l'argument sur le délai écoulé me laisse songeuse. est ce à dire que si ce débat avait eu lieu il y a dix ans ou vingt ans, la CJCE aurait également censuré l'ouvrage édité par Plon? cette idée me laisse perplexe...

quand bien même les paroles de Aussaresses étaient choquantes, les publier dans le but d'informer sur ce qui s'est passé, et sur l'état desprit des protagonistes de l'époque est, selon moi, nécessaire et montre ce que doit être une démocratie.

dans un domaine distinct (mais peut être pas si éloigné du débat sur la démocratie de notre Pays), je trouve cet article effrayant mais tellement édifiant sur l'état de nos prisons, et le mélange des détenus et de condamnés... http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/01/17/a-18-heures-la-prison-de-nancy-passait-au-regime-nuit-et-le-calvaire-de-johnny-commencait_1143120_3224.html#xtor=AL-32280184

Emilie

19. Le samedi 17 janvier 2009 à 16:04 par jeune consoeur

erratum: aux lieu et place de CJCE il faut bien sur lire CEDH, hein?? déformation pro, je suis sur des conclusions citant à longueur de pages la CJCE, alors...

Emilie

20. Le samedi 17 janvier 2009 à 16:09 par villiv

@Lagos #15

à titre purement correctif : ce ne sont pas mes propos ... je ne faisais que citer des commentaires lu sur un autre blog

en tout cas, ce n'est pas la première fois que je lis des commentaires de ce genre

d'ailleurs, puisqu'un français préside la CourEDH et qu'il est membre du Conseil d'Etat, il parviendra peut-être à expliquer à ses collègues pourquoi il faut (ou pas?) que le CG devenu Rapporteur Public bénéficie (ou pas?) des rapports effectués par les autres "Rapporteurs"...

sur ce sujet, voir le commentaire de jugedeTA : ici

21. Le samedi 17 janvier 2009 à 16:19 par azdfrd

"la France est après la Russie et la Turquie le pays le plus souvent condamné par la CEDH" (Lagos)

Source ?

Eolas:
Lagos se trompe en effet. Selon le Rapport 2007 de la CEDH, sur la période 1999-2007, la France est bien troisième, mais derrière la Turquie et l'Italie. Elle totalise 470 condamnations, essentiellement à cause de sa justice : 187 sur le défaut de procès équitable, 251 pour durée excessive, 25 pour absence de recours effectif. L'État de droit a encore des progrès à faire, on le sait depuis longtemps.
Nous sommes largement devancés par la Turquie, 1395 condamnations, la gagnante ; l'Italie, 1322 condamnations dont 948 pour la seule durée de la procédure. La Russie n'a "que" 372 condamnations (essentiellement pour procès inéquitable et atteinte à la propriété). Vous me permettrez d'y voir plus une difficulté d'accès effectif à la cour qu'un meilleur respect des droits de l'homme.

22. Le samedi 17 janvier 2009 à 16:57 par méli-mélo

Cher Maître,

J'ai conscience d'être totalement hors-sujet, mais je compte ajouter un lien à ma requête qui, je pense, devrais intéresser quelques personnes, je ne vais donc pas les en priver en vous contactant par mail. voilà, je regardais les "5 jours à la une" que poste Libération sur Dailymotion, et suite à une réflection du directeur délégué de la rédaction, Didier Pourquery (à 8min04 et après), je me demandais si j'aurai l'honneur de lire votre analyse de ce jugement?

Dans tous les cas, félicitations pour ce blog, c'est un vrai plaisir de vous lire !

le lien : ici

Eolas:
Non, je ne parlerai pas de cette affaire, ayant eu à conseiller une des parties.

23. Le samedi 17 janvier 2009 à 17:02 par Moz

"Ce qui permet à la France de continuer en toute bonne conscience à se poser en donneuse de leçon au monde entier sur les droits de l'homme, sans réaliser qu'en dehors de l'Hexagone, nul n'est dupe."

On ne voit pas quels ravis de la crèche au dedans.

Et puis, ça permet à Paris de continuer, à l'ombre de sa proclamation universelle héritée de la Révolution, de mener les opérations nécessaires au maintien de sa puissance.

Fût-ce avec cynisme, puisqu'aucune autre solution n'existe.

24. Le samedi 17 janvier 2009 à 17:18 par Lagos

@azfrd

Source : Maître Eolas bien sûr.

25. Le samedi 17 janvier 2009 à 17:21 par Tocquevil

A chaque fois que la France se fait reprendre par la CEDH, Maître Eolas pointe du doigt la République. Elle serait en l'occurrence la République des hypocrites. Mais faut-il incriminer la République, ou du moins la loi qui en est issue, ou bien incriminer les magistrats qui l'ont interprétée et appliquée ?

A mon sens, en l'occurrence c'est bien l'interprétation des magistrats français qui est réfutée par la CEDH. Ce n'est pas la loi instaurant le délit d'apologie de crimes; ni donc la République, qui a le dos large.

A suivre Maître Eolas, il faut d'urgence supprimer cette loi, qui a permis par ailleurs de faire condamner des révisionnistes, tels que Vincent Reynouard. Tant qu'on y est, supprimons aussi la loi Gayssot. Non ?

Je suis d'accord : les tribunaux français ont favorisé une vision politiquement correcte au lieu de permettre l'introspection sur cette période de notre histoire. Mais ce sont les magistrats qui, par leur interprétation abusive de la loi, ont fait preuve d'hypocrisie, pas "la République."

Eolas:
Commode. La République est une et indivisible. Le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire en font partie. Ce serait commode de dire que ce sont les juges qui n'avaient qu'à pas appliquer la loi telle qu'elle a été rédigée et votée.

Je pourrais à la rigueur vous suivre si le Gouvernement, donc l'exécutif, qui représentait la France devant la cour, avait admis que les trois décisions étaient effectivement abusives et spontanément acquiescé en offrant une réparation. On transige beaucoup devant la CEDH. Las, lisez l'arrêt : le Gouvernement a appuyé bec et ongles ces décisions. Trois juges, trois conseillers, cinq conseillers à la cour de cassation, plus le gouvernement, en fait trois gouvernements vu la durée de l'instance, ça n'est toujours pas la République, juste une poignée d'excités incontrôlables ?

26. Le samedi 17 janvier 2009 à 17:23 par bardabu

La cour européenne a statué sur les conclusions des tribunaux français et non sur le livre en lui-même qui n'est peut-être pas traduit, à supposer que les juges européens ne soient pas francophones. Donc finalement, comme il est impossible aux juges français de faire un commentaire de texte digne de ce nom dans leurs conclusions, ils prennent des exemples les plus représentatifs, mais qui restent l'écume d'une impression générale impossible à rendre. La cour européenne a étudié l'écume pour rendre son jugement, qui hors du contexte littéraire, perd de sa pertinence. Juger un jugement, surtout quand il fait suite à d'autres jugements depuis le premier, me paraît perdre en qualité. Car si j'ai bien compris, ici, l'affaire a fait du chemin : fond -> appel -> cassation -> CEDH

Eolas:
Avez-vous seulement pris la peine de lire l'arrêt de la CEDH avant d'affirmer cela ? Les passages incriminés y figurent en toutes lettres, comme ils figuraient dans l'arrêt de la cour d'appel et le jugement (et l'arrêt de la c.cass d'ailleurs). Quant au fait que les juges ne seraient pas francophones, ils ne l'étaient pas tous, mais à votre avis, comment ils font pour délibérer, les juges ? Et pour rédiger leur jugement ?

1 - Ils sont télépathes.
2 - Au Pictionnary.
3 - La cour a un service d'interprétariat qui lui permet de recevoir des requêtes dans toutes les langues officielles des États ayant ratifié la Convention ?

27. Le samedi 17 janvier 2009 à 17:40 par Bardamu

Je suis allé vérifier sur le net, n'ayant mon intégrale de Molière ici, mais le mode employé par Tartuffe à l'acte III scène 2 de la pièce éponyme est bien le conditionnel : que je ne saurais voir. Loin de moi pour autant la volonté de jouer à l'enquiquineur de service (restons poli !) en pointant la faute d'orthographe à même le titre d'un billet.

Résumons : Tartuffe a bien vu le sein de Dorine, mais il ne saurait le voir, c'est-à-dire que malgré qu'il le voit, il ne veut pas le voir : c'est contre la pudique publique selon lui. Rangez ce portable que je ne saurais voir dis aujourd'hui le professeur lassé à ses élèves. Il le voit bien mais souhaite que sa vision eût été impossible.

Qu'est-ce que ça signifie ici ? Que les tortures ne peuvent même pas être vues : non pas qu'on veuille les cacher (c'est sale !) mais qu'elles sont de fait invisibles Paraphrase : "couvrez ces tortures que de toutes façons je ne saurai voir", i.e. quand bien même vous les montreriez, mes yeux ne les distingueraient pas (mauvaise longueur d'onde). Dès lors, la décision de la CEDH est d'autant plus inaudible : la France ne la respecte pas, la preuve c'est que ce que cette Cour veut lui montrer, la République est incapable de le voir : "des tortures, où ça ma bonne dame ? Ah ici, mais non, décidément, je ne vois pas ce que vous appelez des tortures, au revoir !"

Nous vivons dans un pays dans lequel la torture, faut d'être légale, n'est pas illégale puisque des fonctionnaires l'ont commise dans le cadre de leur mission sur le territoire national et qu'ils n'ont pas été inquiété pour ces faits. Néanmoins, on peut lire La Question d'Alleg réédité-je mets un e ou pas ? récemment par Minuit en poche, à offre à tous vos pères et grands-pères anciens paras pendant la dernière guerre perdue par la France.

28. Le samedi 17 janvier 2009 à 17:51 par Tocquevil

@Maître Eolas,

merci pour cette réponse. J'ignorais qu'on pouvait "transiger". Est-ce à dire que si elle avait transigé, la France n'aurait pas été condamnée ?

Eolas:
Non, dans ce cas, la requête fait l'objet d'un règlement amiable et d'une radiation (49 pour la France entre 1999 et 2007). La condamnation suppose que la France persiste dans son erreur jusque devant le juge.

29. Le samedi 17 janvier 2009 à 17:54 par Aikoa

"Le combat pour la liberté d'expression a encore de beaux jours devant lui." Celui pour la décence journalistique aussi, espérons.

Les pays scandinaves sont parvenus à réunir les deux. Des journalistes libres, mais ayant un minimum de scrupules et ne ramassant pas la moindre miettes de malheur de la vie de quelqu'un histoire de la révéler au grand jour.

30. Le samedi 17 janvier 2009 à 18:12 par jugedeTA

puisque vous passez par là... "Eolas: On pleure le juge d'instruction, un peu de respect ! LE CG a juste changé de nom."(in billet précédent):

Si la CEDH condamne la France ( procédure en cours devant la CEDH affaire "UFC Que choisir") au titre du droit au procès équitable pour la transmission de la note du magistrat rapporteur au CG, ce sera la fin de cette institution (nb: le CG ne pouvant matériellement refaire sur 40 à -60 affaires par audience ce que le rapporteur a fait sur 8 à 15 affaires) Il m'intéresserait dans ce cas de figure, de connâitre votre avis de ce que pourrait être le procès administratif dans cette nouvelle configuration.

31. Le samedi 17 janvier 2009 à 18:46 par Véronique

@ Bardamu (post 24)

" La Question d'Alleg réédité-je mets un e ou pas ? "

Non, je ne pense pas. Car il faut comprendre le livre: La Question, réédité...

ps: ce qui n'est pas supportable pour les associations qui ont traduit en justice l'éditeur, c'est le fait que le général Aussaresses justifie dans son témoignage l'utilisation de la torture pendant la guerre d'Algérie. Les juges français reprochent l'absence de distance de l'éditeur. Ils semblent regretter de la part de Plon l’absence d'une sorte de carré blanc d'avertissement à l'usage des lecteurs, pourtant adultes et responsables.

Un témoignage, par définition, est tout sauf un ouvrage de l'esprit objectif et désengagé. Par ailleurs, l'utilisation de la torture est une réalité historique . Seule une liberté d'expression entière des témoins permet de remonter à cette réalité . Une chape de plomb judiciaire qui contraint des témoins comme le général Aussaresses à se taire condamne également la possibilité de répliquer librement à ses propos.

32. Le samedi 17 janvier 2009 à 18:48 par Rizgar Amin

Le temps finira bien par venir d'une remise en cause de ce qui semble devenir une manie française : la pénalisation(1) systématique accompagnant la montée du politiquement correct. Ou même plus largement, une pénalisation de tous les comportements humains.
Grâce soit rendue aux inventeurs de la Cour EDH ! Historique ici :
(1) entendre par "pénalisation" : assortir tout écart d'une sanction pénale.

33. Le samedi 17 janvier 2009 à 18:49 par Henri Laquay

Le paragraphe suivant : "Il y a lieu de rappeler à cet égard que sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10, la liberté d'expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de société démocratique".

est la reproduction, mot à mot, de la jurisprudence constante de la CEDH, notamment : les arrêts Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande du 29 octobre 1992, série A n° 246-A, p. 30, § 71, Vogt c. Allemagne du 26 septembre 1995, série A n° 323, p. 25, § 52, Isorni-Lehideux c. France, 23 septembre 1998.

Regrettable que les Etats n'appliquent pas cette jurisprudence qu'ils connaissent et que la CEDH doive le leur rappeler.

34. Le samedi 17 janvier 2009 à 19:26 par Lagos

@ Eolas

Merci de vos précisions. De toutes façons 3ème ou 4ème sur les 47 pays membres du Conseil de l'Europe, c'est un score plus qu'honorable.

Pour répondre à Tocquevil on pourrait dire qu'en France l'opinion publique n'est pas fan de la liberté d'expression et que les concerts de protestations visent bien plus souvent les propos jugés déplacés que les poursuites dont ils font l'objet.

Je trouve que la loi Gayssot est un cas particulier, car le négationnisme n'est tout de même qu'une façon détournée de tenir des propos antisémites.

35. Le samedi 17 janvier 2009 à 20:02 par Véronique

@ Lagos

"Je trouve que la loi Gayssot est un cas particulier, car le négationnisme n'est tout de même qu'une façon détournée de tenir des propos antisémites."

Et vous pensez que concernant l'antisémitisme, la loi Gayssot a permis sa disparition ?

36. Le samedi 17 janvier 2009 à 21:06 par PrometheeFeu

De toute façon, ces atteinte a la liberté d'expression que sont les lois Gayssot, Taubira etc sont un problème facile a résoudre. Il suffit de les abroger. Il faut laisser les gens parler pour comprendre. Au lieu de condamner le général Aussareses parce qu'il pense que ses crimes etaient justifies, il faut plutôt comprendre pourquoi il pense cela et chercher a éviter de reproduire les circonstances dans lesquels les militaires pensent que la torture est nécessaire. Faire taire, c'est refuser de comprendre et c'est prendre le risque de faire les mêmes erreurs. Aussareses, comme Hitler et autres Pinochet n'étaient pas des monstres assoiffes de sang. C'était des êtres humains qui ont pris des décisions dans un contexte précis. Les vilifier ne suffira pas a éviter leurs erreurs.

37. Le samedi 17 janvier 2009 à 21:11 par Nanarf

La honte Cher maitre il serait parfois nécessaire de vérifier ses sources. .http://www.biblegateway.com/passage/?search=juges%2012;&version=2; Sur quoi les hommes de Galaad le saisissaient, et l'égorgeaient près des gués du Jourdain. Il périt en ce temps-là quarante-deux mille hommes d'Éphraïm Bon d'un autre coté 40 000 42 000 ça change pas grand chose et y a prescription

38. Le samedi 17 janvier 2009 à 21:16 par Lagos

@ Véronique

Vous faites de l'humour je suppose.

39. Le samedi 17 janvier 2009 à 21:39 par PrometheeFeu

@Lagos: Je me permet d'intervenir dans votre discussion avec Veronique. La loi Gayssot n'a en fait rien fait pour empêcher l'anti-semitisme. Elle s'est contente d'en interdire l'expression. Le résultat est qu'on ne peu répondre intelligemment aux anti-semites. Il serait préférable de les laisser s'exprimer et de les affronter sur le terrain d'une discussion intelligente sur lequel ils n'auront pas un avantage. Par contre, sur le terrain des non-dits et des allusions dans lequel on les force, ils ont un avantage.

Aussi, je vous rappel que la loi Gayssot interdit toute contestation de l'ampleur de l'Holocauste. Ce qui veut dire entre autre que dire qu'il y a eu 5 millions de morts au lieu de 6 est illégal. Pourtant, dire qu'il y a eu 5 millions de morts ou même seulement 1 million n'a rien d'anti-semite.

40. Le samedi 17 janvier 2009 à 21:49 par Axonn

Euh, maître, votre réponse à la question de celui qui demandait si les juges étaient francophones, m'amène à poser cette question.

Est-ce que les juges de la CEDH statuaient au regard du livre dans son ensemble, ou est-ce qu'ils étudiaient seulement la validité du jugement français, n'étudiant donc que les citations sur lesquelles les juges français s'étaient appuyés pour leur condamnation ?

@ Lagos La loi Gayssot peut être défendue parce qu'elle combat une idéologie particulièrement haineuse, mais son efficacité est discutable. Il est techniquement exact de dire que la loi Gayssot interdirait à un historien qui peut prouver que la Shoah n'a pas eu lieu de le faire. Ce constat fait, quelle crédibilité ont les historiens à parler de la Shoah ? La loi leur impose de dire que la Shoah a eu lieu, quoi qu'ils en pensent. Cela ne les renforce pas vraiment.

41. Le samedi 17 janvier 2009 à 21:55 par Musashi

vous dites Les juridictions françaises ne sont pas entrées en résistance contre la CEDH.....je confirme, je suis juge et suis entièrement d'accord avec la CEDH dans l'affaire Aussaresses, je n'avais pas compris à l'époque les décisions de la Cour d'Appel et de la Cour de Cassation,

dans cette affaires, on a reproché à Aussaresses de dire ce qu'il a fait, un comble !!!!, il n'invente rien!!!!, il raconte ce qu'il a fait, point,

après, on en pense ce qu'on veut, mais sans son témoignage, peut on le condamner

je n'ai pas compris non plus la condamnation de la pancarte, il y avait tant de possibilités de relaxe dans ce dossier...c'est à mon avis une occasion ratée de la magistrature,

les juges sont critiqués, mais il est vrai que c'est quelque fois avec raison et chaque condamnation de la CEDH fait mal, vraiment, en tout cas à moi,

belle analyse, et merci pour votre blog, même si je participe peu, en fait, car j'ai du mal à suivre votre rythme,

cordialement,

42. Le samedi 17 janvier 2009 à 22:08 par hatonjan

Hum hum, de retour de vacances, le temps de lire les anciens billet, tous intéressant, et au passage je me dit que parfois j'aimerais bien un service qui envoie automatiquement les articles ( enfin les textes) en mail, n'ayant parfois accès qu'aux mails. Bref, passons sur ma vie et mes aspirations pour réagir. D'abord, il est indéniable qu'il y a crime de guerre, après l'apologie signifie qu'il y ait éloge de ces crimes. Le soucis est quand même assez terrible, c'est qu'il faut donc aseptiser le débat, et surtout de ne pas présenter l'avis de ceux qui ont commis ses actes, car souvent ils ont tout de même des argument à faire partager. La guerre n'est jamais chose simple, et dans ces situations il est parfois préférable d'être convaincu d'avoir raison en laissant le soin à notre gouvernement d'en juger de l'opportunité des actes. Cette obéissance et adhésion peut sembler étrange, mais se justifie assez vite en temps de conflit, pour éviter toute rébellion. Bref, ne refaisons pas le procès de ces crimes, mais il me semble "normal" que des parties aient une vision plutôt choquante, mais j'en suis persuadé cela fait partie de l'histoire, au moins militaire. Donc le choix est soit de faire l'histoire en oubliant de parler de ceux qui ont commis ses crimes, voire en ne leur permettant pas d'exprimer ce qu'ils ont pu ressentir, soit de faire avec, mais prendre des risques de choquer. Comme disais Gascogne pour Noël : "mais me dire que l'on fabrique du bonheur sur un mensonge m'a toujours quelque peu perturbé." et mettre au silence certains acteur de ce passage français douloureux, c'est au moins cacher la vérité, ça se rapproche fort du mensonge.

43. Le samedi 17 janvier 2009 à 22:33 par Salvatore

Eolas, je partage votre point de vue sur une certaine Tartufferie de notre Etat (via les juges ou autres). J'aspire également à une plus grande liberté d'expression, enviant même certains modèles anglo-saxons.

En revanche, vous décrivez cette décision de justice comme une muselière judiciaire en faveur d'un ordre, ici celui de notre Etat, servant à couvrir les exactions déshonorantes des "barbouzes de la République". Et là, je pense que vous passez à côté de la vraie raison de ce judiciairement correct. Nos juges servent-ils ici un ordre ou s'assurent-ils plutôt l'achat d'une certaine "paix sociale" ?

Vous donnez plusieurs exemples de libre expression qui ne sont pas tombés sous le coup d'une "censure judiciaire". Mais pensez-vous que si nous déclarions l'exact opposé de ce qui a été autorisé dans ces cas, la réponse serait la même ? Pensez-vous que le groupe de rap SNIPER qui fait l'apologie du meurtre de flics, l'apologie de crimes (viols en réunion notamment) et outrage régulièrement la république a été jugé de la même manière que LEGION 88, groupe clairement nazi, antisémite et xénophobe ? Pour information, le premier a été considéré comme une expression artistique (Si si, Sniper est de l'art :P) et le deuxième a été censuré et interdit. Pensez-vous que si je me mets au rap (Dieu m'en préserve ! :P) et que je dis grosso modo "raclures des cités je vais balancer votre progéniture dans un comptoir EDF", croyez-vous vraiment qu'il n'y aura aucune condamnation ? Pourtant quelle différence entre ces propos et ceux d'ASSASSIN, Sniper, NTM et bien d'autres qui n'ont pas été condamnés (pour NTM, certains textes sont passés entre les gouttes).

Personnellement, comme je suis convaincu que la censure n'éradique pas la bêtise et le mauvais goût, je suis pour la pure liberté d'expression, même des décérébrés que je nomme ci-dessus. Sauf qu'il y a bien deux poids, deux mesures. Et contrairement à vous, je pense que le judiciairement correct rejoint plutôt le camp du politiquement correct que celui des "séides de la République". Le problème étant qu'en France on confond dangereusement paix civile et paix sociale, la dernière compromettant sérieusement la première.

44. Le dimanche 18 janvier 2009 à 08:38 par dramelay

A l'unanimité, dont Costa....

45. Le dimanche 18 janvier 2009 à 08:47 par Véronique

@ Lagos (post 37)

" Vous faites de l'humour je suppose."

Non, et jamais en ce qui concerne un sujet comme celui de l'antisémitisme et du racisme.

C'est au dessus de mes forces et mes tentatives d'humour seraient de suite rendues misérables et vaines par mes chagrins privés en rapport avec l'antisémitisme et le racisme.

...car le négationnisme n'est tout de même qu'une façon détournée de tenir des propos antisémites. dites-vous.

Je pense comme vous au sens où le négationnisme, type R. Faurisson, est une des formes du thème obsessionnel ressassé et ressassé du "complot juif".

Fallait-il ou faut-il en interdire son expression publiquement ?

Je ne le pense pas. L'interdiction apporte à une croyance la séduction du sulfureux et du clandestin.

Il n'y a pas un jour, où par exemple, la tribune publiée par R. Faurisson en 1979 dans Le Monde ne se crashe dans les travaux réalisés et publiés par les historiens sur cette question.

Le négationnisme est l'expression d'une opinion.

Que vaut-elle, par exemple, au regard des conversations entre les officiers de La Wehmarcht mis en résidence surveillée, enregistrées par les services secrets britanniques ?

46. Le dimanche 18 janvier 2009 à 09:29 par Lagos

@ Véronique 47

Je serais d'accord avec vous, mais dans la mesure où les propos antisémites sont pénalement réprimés, il est logique que les propos négationnistes le soient. Nier l'existence des chambres à gaz ce n'est pas exactement la même chose que de dire que la Terre est plate.

Cela dit il serait intéressant que la CEDH ait à se prononcer sur le sujet.

47. Le dimanche 18 janvier 2009 à 09:56 par Gerard

@Toquevil: totalement en désaccord avec vous, les juges n'ont fait que refléter une opposition profonde de la société française (par l'intermédiaire de lois faites par ses représentants) à l'expression de positions qu'elle juge excessive. A mon avis, les juges français ont jugé correctement, conformément à la loi et la position générale de la société. Une société ayant ces lois sur la répression de l'outrage, des atteintes à l'honneur des administrations (en pratique c'est l'armée et la police dont il est question), des atteintes au moral des armées, ne peut être caractérisée que comme profondément hostile à la liberté d'expression (les lois récentes contre les opinions racistes ne sont qu'une écume dans cet océan). C'est cette position que la CEDH a condamnée à travers les décisions des juges français. On pourrait penser (voir l'avis de Musashi) que beaucoup de juges sont plus évolués que les représentants de la société française et sont soulagés de recevoir la gifle de la CEDH, qui ne fait que les pousser à prendre des décisions qu'ils auraient préféré pouvoir prendre dès le début.

@PrometheeFeu: on peut penser qu'il devrait être légal de pouvoir dire que l'extermination des juifs d'Europe n'a fait que 1 million de victimes, ET penser que cette affirmation est profondément antisémite. Il suffit de penser que pour que des vérités désagréables puissent avoir toutes les chances de voir le jour, il faut accepter que des mensonges outrecuidants puissent s'exprimer. Voir le précieux site: http://www.phdn.org qui montre que l'existence de la loi Gayssot n'empêche nullement de réfuter sans rémission les stupidités de Faurisson et cie, même si ça amène à citer leurs élucubrations. Elle empêche ce débat de faire rage dans les émissions de télévision, c'est vrai.

@hatonjan; le RSS ce n'est pas bien ou ça ne marche pas avec ce site ?

48. Le dimanche 18 janvier 2009 à 10:31 par Véronique

@ Lagos (post 44)

Sauf erreur de compréhension de ma part de la loi Gayssot, celle-ci réprime l'expression publique de la contestation et de la négation des crimes contre l'humanité, en assimilant l'expression de cette contestation à un acte raciste, antisémite et xénophobe.

En rapide, je pense que l'antisémitisme comme expression d'une opinion politique est une des composantes des opinions qui ont structuré l'espace politique français et européen depuis le XIXe siècle. A l'antijudaïsme chrétien a succédé l'antisémitisme, comme point de rassemblement de l'anti cosmopolitisme, que les conséquences de la Première Guerre mondiale va exacerber dans toute l'Europe de l'entre-deux-guerres. (euh, merci aux historiens de corriger mon propos.)

Une loi peut-elle être à même de supprimer et d’anéantir des fantasmes, des imaginaires fielleux , empoisonnés et délirants et des maladies de l’âme et de l’esprit ?

49. Le dimanche 18 janvier 2009 à 10:53 par paskol

dans le même ton Rapport spécial de la Commission nationale de déontologie de la sécurité Jo de ce dimanche

Le 10 avril 2006, M. Gérard Bapt, député de la Haute-Garonne, a communiqué à la commission un courrier de M. P.D. faisant état de violences policières commises en sa présence sur la personne d'un homme menotté et allongé à terre, le 15 mars 2006, à l'entrée du couloir d'embarquement de l'aéroport de Toulouse-Blagnac. suite http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000020104725&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id

50. Le dimanche 18 janvier 2009 à 11:40 par DM

@Eolas: Je suis régulièrement frappé par le peu de cas que les français, y compris les « intellectuels », font de la liberté d'expression. Toujours, on vous explique immédiatement qu'elle doit être fortement encadrée pour éviter des « dérives ». Par contre, on ne fait jamais d'analyse coût/bénéfices des mesures annoncées.

Je ne sais plus qui a dit que la liberté d'expression concerne principalement la liberté de dire des choses qui dérangent, parce que, de toute façon, les choses qui ne dérangent pas, personne ne songe à les interdire.

Vous qui aimez l'actualité législative, je vous signale le fait suivant : les députés avaient adopté une proposition de loi créant le délit de provocation à l'anorexie, et visant notamment les sites "pro-anorexie". La commission sénatoriale saisie du texte a fait observer que ces sites étant en très grande majorité tenus par des adolescentes anorexiques, cela reviendrait à menacer des malades de prison (*), sans utilité évidente.

http://www.senat.fr/rap/l07-439/l07-4395.html#toc167

(*) Ceci dit, n'est-ce pas ce que l'on fait en pénalisant la toxicomanie?

51. Le dimanche 18 janvier 2009 à 13:09 par PEB

Techniquement, les mémoires d'Aussaresses peuvent-elles désormais reparaître dans le commerce ?

Est-ce un crime que d'avoir obéi aux ordres de la République en d'autres temps ?

Cette manière de faire tire son origine dans l'exercice extraordinaire de la Justice souveraine selon quoi ni Concini, ni Coligny n'ont été assassinés mais exécutés sur décision extrajudicaire du Roi dans ses fonctions de grand-juge du Royaume. Ses bras armés étaient couverts par une immunité irréfragable. Est-ce une apologie de crime que de louer Louis le Juste d'avoir ainsi sauvé la France?

52. Le dimanche 18 janvier 2009 à 14:30 par Cour(s) de Cass'toi Pov'con

Où la CEDH apprend à la justice française à parler français. Espérons que la cour aura retenu la leçon, cette fois. D'une manière générale, déformer la langue française pour appuyer une atteinte à la liberté d'expression devrait être répréhensible, AMHA. Et LOL de LOL de PTDR de MDR :-)

53. Le dimanche 18 janvier 2009 à 14:35 par Le Petit Nicolas (mais en Plus Grand)

Éviter d'avoir les "ciseaux" trop aiguisés lorsque je recois des notifications d'abus en tant qu'hébergeur, c'est mon travail de tous les jours, et honnêtement, j'ai été surpris de voir à quel point nombre de personnes dénoncent ou croient voir des "illégalités" dans l'expression d'opinions parfois monstrueusement anodines.

Et parce que j'aime choquer : je ne suis pas sur qu'en 2008, un "occupant" recevrait moins de sacs postaux de dénonciations en tout genre qu'en 1942.

54. Le dimanche 18 janvier 2009 à 15:10 par Pram

En fait je suis d'accord avec DM . Dans « Le Livre noir de la censure» d'Emmanuel Pierrat, celui-ci subodore plus de 400 textes réprimant la liberté d'expression en France.

Et cela n'inclut pas la pénalisation en France de la poursuite pour libelle diffamatoire et la géométrie variable du «droit à l'image».

Incidemment le négationnisme est interdit en France, mais pas aux USA. Curieusement le nombre de graffitis antisémites dans les cimetières ou sur les synagogues américains y est proportionnellement bien moindre qu'en France...

J'aime beaucoup cette pirouette classique bien française qui se défausse du fond des questions qui fâchent en disant des délits d'opinions qu'ils ne sont pas des opinions mais des délits...

Il est assez sidérant d'observer en France que le fait de nier que la Shoah ait eu lieu soit considéré comme plus grave pénalement que de réclamer dans certaines manifs parisiennes ou ailleurs la destruction d'Israël. Réprimer une opinion sur un fait passé est admissible, mais alors, puisqu'on en est rendu là, pourquoi alors ne pas aussi réprimer une intention?

Bref je trouve malheureux que la France ait été incapable de se doter elle-même d'une véritable cour suprême - comme Giscard a failli le faire - et qu'il faille en passer par la CEDH pour lui en fournir une. D'ailleurs cette cour suprême lui est toujours interdite pour les autres décisions de justice qui ne touchent pas les droits de l'homme.

55. Le dimanche 18 janvier 2009 à 16:34 par Salvatore

@Paskol en 45 : Joli exemple de la Loi de Godwin... Quand on compare l'incomparable on perd toute crédibilité ! Même si ici tout le monde semble d'accord pour une plus grande liberté d'expression en France, n'oubliez pas que la liberté de l'ouvrir ne vous dispense pas de la fermer de temps en temps, surtout devant de telles énormités ! Ce n'est pas une question de Loi mais de bon goût... Merci.

Pour revenir sur la Loi Gayssot et tout ce florilège de lois reconnaissant les génocides et autres crimes contre les peuples, imaginez un seul instant qu'au vote de reconnaissance du génocide arménien, il y ait eu un vote massif du non. La Loi se serait alors substituée au travail des historiens. La France aurait été alors légalement révisionniste imposant aux historiens l'incapacité de se pencher en détail sur ce moment de l'Histoire. D'ailleurs, cela rejoint la même problématique exposée par ProméthéeFeu (en 38) sur le travail historique sur la Shoah. Pourtant avec l'ouverture des dossiers de la Stasi, l'ouverture progressive de certains dossiers des pays de l'ex-URSS, avec la déclassification secret défense de certains dossiers occidentaux (notamment US), ce travail d'historien sur la Shoah est loin d'être fixé. Nous ne savons pas encore tout sur le sujet. Et la Loi Gayssot fait peser le risque de sanction pénale sur un travail pourtant avant tout scientifique. Pourtant interdire le débat sur le nombre de morts pendant la "solution finale" ne change rien au fond sur l'horreur du crime et le projet génocidaire de ce régime.

Ces lois sont encore l'exemple typique de l'infantilisation du peuple français par ses gouvernants. Cette pensée est profondément "illibérale" (pour reprendre un néologisme de Fareed Zakaria) et ne prépare pas un peuple à devenir plus mûr politiquement.

56. Le dimanche 18 janvier 2009 à 17:25 par Salvatore

Je reposte un commentaire qui ne semble pas être passé.

A l'attention d'Eolas : Je partage votre point de vue sur le sujet et suis comme vous pleinement convaincu qu'une plus grande liberté d'expression serait plus que profitable à la maturité politique des Français et des résidents sur notre territoire. En revanche, je suis plus dubitatif sur votre explication d'une telle décision de Justice de notre Etat sur les révélations d'Aussaresses. Vous voyez ici une décision pour défendre l'Ordre et une certaine image de notre Etat. Pensez-vous vraiment cela ? Je pense que notre classe politique commence à admettre cette période sombre de notre histoire, les documentaires et films honnêtes commencent à faire écho et nos gouvernants commencent à faire le mea culpa de la France.

Donc croyez-vous vraiment que ces juges ont défendu l'image de la France, l'Ordre dit républicain ou ont-ils plutôt cédé à l'achat d'une certaine paix sociale ?

Vous donnez plusieurs exemples de décisions de justice plus souples sur la liberté d'expression. Mais pensez-vous que des propos radicalement opposés à ceux là auraient produit la même décision ? Personnellement, je n'y crois pas un seul instant. Un exemple : D'un côté, SNIPER, groupe de rap, a fait l'apologie du meurtre de flics, crache sur la république, d'autres groupes de rap ont fait l'apologie du viol en réunion, du braquage, beaucoup tiennent des propos racistes (la liste est longue). De l'autre, LEGION 88, groupe nazi, qui a ouvertement tenu des propos antisémites, xénophobes et violents et ont fait l'apologie du nazisme. Les premiers, pour l'immense majorité ont été considérés comme un mode d'expression artistique (oui, Sniper est de l'art... C'est énorme :D) et l'autre a été interdit, censuré et sanctionné. ASSASSIN, Ministère Amer et tous ceux qui ont fait l'apologie du meurtre des flics, parfois des pompiers ont droit à la liberté d'expression. Soit, personnellement, j'en suis un fervent défenseur et je suis convaincu que même ces décérébrés ont droit à la parole. Mais croyez-vous que si demain, je sors un CD où je fais l'apologie du meurtre des délinquants des cités à coup d'électrocution dans un comptoir EDF, j'aurais droit à la même liberté ?

Je prends le pari que non. Comme je prends le pari que ni le MRAP, ni la LDH n'engageraient de poursuite sur les révélations de tortures, de massacres de civils et de crimes de guerre (pourtant avérés) d'un membre actif du FLN. Et notre Justice ne prendrait pas les devants, c'est certain.

C'est pour cela que je suis convaincu que les décisions de justice dans ces cas là ne sont pas guidées par le respect d'un "ordre" mais bien sont là pour acheter une paix sociale à défaut de vouloir imposer la paix civile. Et je ne parle même pas des juges idéologiquement malhonnêtes qui ont une vision à géométrie variable de la liberté d'expression.

Et je suis même convaincu que la CEDH tomberait dans les mêmes travers si on touchait à un problème plus global, touchant une forme de politiquement correct moins national. Par exemple, j'attends de voir quand la CEDH condamnera la France pour l'application de la Loi Gayssot après tout toute aussi liberticide que la décision que vous avez commentée Eolas.

C'est pour cela que je suis un fervent défenseur de la liberté d'expression à l'anglo-saxonne. Elle est la même pour tous et ne peut donc être cataloguée d'arbitraire (comme en France notamment). Et surtout elle permet de se confronter publiquement à tous ces idiots.

57. Le dimanche 18 janvier 2009 à 17:30 par PEB

Un rejet de la proposition de loi relative au génécide arménien n'aurait pas changé le droit antérieur. L'abence de loi n'est pas la loi de l'absence. Simplement, les historiens auraient continé librement leurs travaux comme avant.

De plus, cette loi n'est pas formellment une loi mais une simple résolution car elle n'oblige ni interdit à qui que ce soit quoi que ce soit sous peine de rien du tout. C'est une simple résolution de la Représentation nationale, du Président de la République et du Gouvernement.

Je ne sais pas si le communiste Gayssot a rendu service à la Liberté avec sa loi. Depuis deux ou trois siècles, le sens de l'Histoire fait débat et les différents régimes ont voulu édifier le peuple par une version conforme à ses intérêts. Ceci dit, il n'est pas étonnant que la notion de vérité officielle ait été sanctionnée par un stalinien-léniniste.

Je crois que la libre discussion (genre 1er ammendement) a plus d'avantage que la police de la pensée. Que le vieil officier ait subi les foudres du Conseil des ministres, pourquoi pas? Qu'on le fasse taire à tout prix: non! Notre génération, nos jeunes officiers ont besoin de comprendre comment on en est arrivé là. La leçon pourrait valoir pour l'Afghanistan actuel.

58. Le dimanche 18 janvier 2009 à 20:14 par la Globule

"Et paf. Et ce, à l'unanimité des sept juges. Re-paf" dites donc vous n'auriez pas un petit coté "Louis de Funès" vous ?

59. Le dimanche 18 janvier 2009 à 20:23 par pendragon

on touche ici au coeur d'un des paradoxes majeurs de not bonn' terre de france

exalter la - les - liberté(s) et avoir peur des mots - excessifs, jutes, approximatifs, erronés, malhonnetes, serieux, sincères, stupides, - qui en sont la logique conséquence

notre republique devrait s'interesser à la façon dont la CEDH nous a pris au mot - elle croit à la liberté de parole comme moteur d'une société démocratique

peur de nos enfants peur des mots peur de....

on va continuer longtemps comme ca ?

60. Le dimanche 18 janvier 2009 à 21:13 par la Globule

@ Cour(s) de Cass'toi Pov'con Vous avez raison c'est assez drôle... En conclusion avant de consulter un code, consultons un dictionnaire.

61. Le dimanche 18 janvier 2009 à 21:27 par DMonodBroca

Je ne connais pas le livre d'Aussaresses.

Apporte-t-il du nouveau ? sans doute, mais l'essentiel est connu : l'armée française a eu recours à la torture, délibérément, et nous en portons la honte.

Fallait-il le censurer ? Je ne sais pas.

La censure est parfois justifiée...

Ce qui en l'affaire me déplait, Maître Eolas, c'est que la France, pays souverain, soit jugée par cette CEDH, organisme apatride sans la moindre légitimité ni juridique ni démocratique.

Ne sommes-nous donc pas capables de nous juger nous-mêmes, que nous ayons recours à cet artifice ?

62. Le dimanche 18 janvier 2009 à 21:46 par hatonjan

@47 Gerard : sisi, mais les RSS nécessite une connexion à internet permanente, ce qui n'est pas toujours mon cas.

63. Le dimanche 18 janvier 2009 à 22:12 par Yves D

"la jurisprudence s'infléchit et les tribunaux rendent de plus en plus des décisions faisant prévaloir la liberté d'expression sur la défense de l'ordre"

On peut en effet rester optimiste, même si c'est pas encore gagné ...

Et à propos du délit d'outrage, la LDH est en lutte contre cet "archaïsme" en ce moment.

Si vous habitez la région de Cergy, vous pouvez aussi aller assister à cette projection de "Dernier Maquis", le 24/01.

Un film qui devrait plaire à Me EOLAS ;-)

64. Le lundi 19 janvier 2009 à 00:06 par PEB

@61: Ce qui en l'affaire me déplait, Maître Eolas, c'est que la France, pays souverain, soit jugée par cette CEDH, organisme apatride sans la moindre légitimité ni juridique ni démocratique.

A la haute époque aun aurait di: "Le roi Robert le Pieux a été injustement excommunié par le Souverain Pontife qui aurait mieux fait de rester dans sa sacristie." L'existence d'une telle cour est le versant papiste ou guelfe de l'Europe. Je m'explique: dans l'ancienne Chrétienté, les princes devaient se soumettre à la loi évangélique dont le Pape et les évêques étaient les garants. La légitimité du roi reposait aussi sur sa volonté de faire de son royaume un reflet de la Cité de Dieu. Ainsi a germé l'idée occidentale de la Paix de Dieu où, autour de l'an Mil, Sylvestre II a défini pour la première fois le protection des populations civiles durant un conflit. Ca allait plus loin que nos conventions modernes, tant qu'on se battait entre Chrétiens du moins.

A partir de cette période appelée prétentieusement Renaissance, la justice universelle de l'Eglise a fini par être dépassée par la politique puis a disparu totalement à la Révolution. Il s'en est suivi une intensification des conflits jusqu'à la guerre totale. La solution trouvée au sortir de l'Hitlérisme ne pouvait pas être la restauration du vénérable Pie XII comme grand-juge des nations. On a donc créé une cour internationale pour arbitrer entre les souverainetés et, dans notre continent meurtri, une cour veillant aux droits fondamentaux de la personne humaine.

La France a librement accepté de se soumettre à une justice extérieure dans l'espoir de protéger la liberté de ses citoyens et ceux des autres hautes parties contractantes. L'idée est que c'est par le respect des droits de l'Homme qui fonde un véritable Etat de droit et que si tout le monde dispose de cet Etat de droit, les tyrans ne pourront pas revenir semer la terreur, la haine et la désolation chez nous.

Ce joug volontaire est doux et léger.

65. Le lundi 19 janvier 2009 à 00:26 par DM

@PEB: Vous dites que la CEDH est ultramontaine?

Shocking.

66. Le lundi 19 janvier 2009 à 06:25 par Puce

@ 64 : je ne voudrais pas être tatillonne, mais en l'occurrence la paix de Dieu n'est pas un mouvement initié par le pape, mais par des moines et évêques, principalement du Sud de la France (où l'autorité du roi de Francia était impuissante) face aux déprédations que les constantes violences des guerres privées entre seigneurs, les bellatores, faisaient subir aux inermes (les sans armes, tels les paysans mais surtout, ce qui intéressait en particulier l'Eglise, les clercs et moines). Les premières manifestations de ce mouvement de paix de Dieu (puis de trêve de Dieu) consistent dans le concile de Charroux (1er juin 989) où le pape Sylvestre II est forcément absent, vu qu'il n'est pas encore pape, mais "seulement" encore Gerbert d'Aurillac. La protection des populations contre la violence féodale est bien au coeur de ce phénomène, mais moins que celle de l'Eglise, de ses biens et de ses gens. Le mouvement est repris pas le roi Robert le Pieux, celui-là même qui fut excommunié, dans les années 1020-1030, à son compte et au bénéfice de la puissance royale.

67. Le lundi 19 janvier 2009 à 08:58 par DMonodBroca

@ 64 Merci pour ce commentaire si savant et si instructif.

C'est exactement cela. Bruxelles se prend pour Rome (traité de Rome, puis traité constitutionnel signé à Rome, et drapeau européen avec le bleu et les étoiles de la Sainte Vierge...) et prêche la bonne parole droit-de-l'hommiste.

Les pires religions sont celles qui, n'ayant pas conscience d'être des religions, ne connaissent pas le doute...

PS : pour "arbitrer entre les souverainetés" il y a la Cour Internationale de La Haye fondée en 48 par l'ONU et qu'on a trop tendance à oublier

68. Le lundi 19 janvier 2009 à 10:01 par Tocquevil

@Gerard (47)

"On pourrait penser (voir l'avis de Musashi) que beaucoup de juges sont plus évolués que les représentants de la société française et sont soulagés de recevoir la gifle de la CEDH, qui ne fait que les pousser à prendre des décisions qu'ils auraient préféré pouvoir prendre dès le début."

Au contraire, la réaction de Musashi va dans mon sens : il défend l'idée que les juges français auraient pu juger différemment, et qu'en l'occurrence ils méritent la critique.

Au reste, vous donnez une bien curieuse image du juge qui se verrait obligé de juger conformément à "la position générale de la société" et qui prierait le ciel que la CEDH veuille bien le déjuger... J'aimerais bien connaître la réaction de Musashi sur ce point !

69. Le lundi 19 janvier 2009 à 10:43 par PEB

@66: Merci DMonodBroca

Je faisais bien sûr allusion à cette Cour voisine du palais des Orange-Nassau, Cour que je distinguait ici de la CEDH qui siège non pas à Bruxelles mais à Strasbourg. Si Le Conseil de l'Europe dont la la CEDH est l'émanation se prend pour la Rome pontificale, la blanche, mais sans le Saint-Père, Bruxelles est la nouvelle Rome, la noire, d'un empire administratif sans Empereur.

@65: Merci pour ces précisions. N'en reste pas moins que cette idée ecclésiastique a été généralisée à la Chrétienté occidentale par son patriarche. Les idées viennent rarement de Rome mais suivant leur chemin, elles y convergent. La bulle papale leur confère une autorité qu'elle n'avait pas avant.

70. Le lundi 19 janvier 2009 à 10:49 par PEB

PS: Rome la Noire, c'est celles fondées par les fils de la Louve (littéralement les fils de p***, d'où lupanar), brigands fameux. Rome la Blanche est la Sancta Romana Ecclesia fondée sur le martyr des saints Apôtres Pierre et Paul.

71. Le mardi 20 janvier 2009 à 17:01 par Dam

C'est encore la gloire pour Maitre Eolas : un article dans le Monde a propos de ce billet

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