Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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août 2004

mardi 31 août 2004

Pendant ce temps là, en Chine...

Après l’Iran, continuons notre tour du monde des merveilleuses décisions de justice.

Ma Weihua est une Chinoise qui a été arrêtée en janvier 2004 en possession de 1,75 kg d’héroïne.

En Chine, la possession d’une telle quantité de drogue est passible de la peine de mort.

Seulement voilà, lors d’un examen médical de routine à la prison, les médecins ont découvert qu’elle était enceinte de 7 semaines.

Or la loi chinoise prévoit qu’une femme mineure ou enceinte ne peut être condamnée à mort.

D’ailleurs, lors de sa plaidoirie, son avocat a plaidé une peine moindre que la peine de mort en soulevant son état de grossesse, le fait qu’elle a montré du remord, qu’elle n’avait pas d’antécédents judiciaires et que son acte n’a pas causé de trouble grave à la société. Le seul argument juridique susceptible de faire obstacle à l’exécution était le premier : l’état de grossesse.

Et que pensez vous qu’il arriva ?

Bien que Ma Weihuan ait déclaré vouloir porter l’enfant jusqu’au bout, les officiers de police de la brigade des stupéfiants de Chengguan, en charge du dossier, ont signé une demande d’avortement « en son nom ».

Vu le comportement « non coopératif » de la patiente, l’opération a dû se dérouler sous anesthésie générale.

Maintenant que cet obstacle juridique a été levé, le verdict est attendu dans les tous prochains jours.

Source Amnesty International.

En Chine, la peine de mort est par exécution publique d’une balle dans la tête, la balle étant ensuite facturée à la famille.

Mise à jour : Ma Weihua a été rejugée en novembre 2004 et sa condamnation a été commuée en prison à vie. La mobilisation internationale semble avoir joué un rôle;

vendredi 27 août 2004

Elections américaines (3)

Après la triste note d’avant hier (qui a généré le record de commentaires, par toujours dans le sujet, il est vrai), revenons abruptement à un sujet plus politique et moins funèbre.

Les élections américaines approchent à grand pas, la convention républicaine est sur le point de s’ouvrir à New York, il est plus que temps de rappeler ce qui s’est passé lors des dernières élections, en 2000.

Il a été dit et redit par les démocrates que Bush avait volé les élections. Si cette affirmation est inexacte, comme nous allons le voir, vous verrez qu’il est dur de jeter la pierre aux Démocrates tant ils ont des raisons d’être amers.

Vous vous souvenez (sinon relisez vite la note élections américaines – 2) du système qui veut que chaque état envoie un nombre différents de grands électeurs, mais que tous les grands électeurs d’un Etat sont nécessairement acquis au même candidat (Règle du Winner takes all).

Le 7 novembre 2000 se sont tenues les élections au niveau national. Rappelons pour les plus jeunes qu’elles opposaient le vice-président de William Jefferson Clinton, Albert Arnold Gore Junior (Démocrate), à George Walker Bush (Républicain).

En temps ordinaire, on connaît dès le soir le nom du futur président. Les instituts de sondage ont évalué les résultats, il suffit de comptabiliser le nombre de grands électeurs.

Afin d’éviter des proclamations contradictoires et pour s’assurer d’un résultat le plus crédible possible, les principales chaînes américaines (ABS, NBC, CBS, CNN, Fox News et l’agence Associated Press) ont créé un consortium, le Voter News Service (VSN), qui fournissait à chaque chaîne des résultats identiques. Après le fiasco qui va intervenir ce soir là et un autre moins lourd de conséquences lors des élections de mi mandat en 2002, le VNS a été depuis dissous.

En effet, très tôt en ce 7 novembre 2000, il est apparu que le vote en Floride serait serré, bien en deçà de toutes les marges d’erreur acceptables en statistiques.

Or si Gore est assez largement en tête au niveau national, tous votes cumulés sans tenir compte des Etats (il avait 500.000 voix d’avance), il n’avait que 267 grands électeurs alors qu’il en faut 269 pour être élu. En somme, le résultat de la Floride sera déterminant pour le résultat de l’élection, puisque si ces 25 grands électeurs ne lui sont pas acquis, ils vont à Bush et lui donnent les 269 voix requises.

Néanmoins, première erreur, le VNS va attribuer la Floride à Gore à 20h48, heure de la cote est, lui donnant les 25 grands électeurs et la victoire.

Or au moment de cette annonce, une partie des comtés de Floride, située dans la zone centrale, où il n’est que 19h48, n’ont pas fermé leurs bureaux de vote.

Les républicains soulèveront que des électeurs se rendant au bureau de vote ayant entendu la victoire de Gore à la radio ont dû faire demi tour et rentrer chez eux. C’est une thèse sur laquelle je reviendrai et qui est lourde de conséquences.

Les Démocrates croient donc avoir partie gagnée et commencent à faire la fête, Al Gore attendant prudemment d’avoir la confirmation.

Cette confirmation ne viendra pas puisque le VNS changera sa position et attribuera la Floride à Bush, avant de conclure « too close to call », résultat trop serré.

Fait unique : Al Gore va reconnaître sa défaite à l’annonce de la Floride aux Républicains, avant de revenir sur ses déclarations après le statu quo.

Les Etats Unis doivent se faire à l’idée qu’ils ne connaîtront pas le nom du Président le soir du 7 novembre. De fait, il faudra encore plus d’un mois.

Beaucoup de journalistes Français ont commencé à déclarer que cette situation était du jamais vu, ce qui est faux mais on peut leur pardonner de ne pas se souvenir des mémorables élections de 1800 et de l’élection aux forceps de Thomas Jefferson par la Chambre des représentants au 36e tour de scrutin.

Le Code électoral de Floride va aggraver l’embrouillamini naissant puisqu’il précisait qu’en cas de résultat très serré, un recomptage doit obligatoirement avoir lieu. Mais ce recomptage, comme le premier, a lieu par lecture de fiches perforées.

En effet, la Floride avait recours à des votes par fiches perforées. Or les machines utilisées sont très anciennes et parfois, le trou est mal percé et l’opercule reste accroché par un, deux ou trois des quatre points d’attache. Ce qui pour une machine veut dire : vote blanc, aucun trou percé.

Pour tenir compte de cela, ce même Code précise qu’un candidat peut demander un recomptage manuel dans quatre comtés maximum (un Etat est divisé en comtés, counties, qui prennent le nom de leur chef lieu : comté de Palm Beach, Comté de Miami Dale…).

Mais ce recompte n’est pas automatique. Pour ce faire, (accrochez vous ! C’est du droit !) le candidat doit contester les résultats dans trois bureaux de vote (precinct) au moins du Comté. Le juge du comté ordonne le recompte dans ces bureaux de vote en précisant la méthode (l’opercule doit il rester accroché par un, deux ou trois coins, ou une marque visible qu’on a tenté de le décrocher suffit-il ? etc …) Si le recompte révèle des erreurs, le recompte a lieu dans tout le comté.

Al Gore va donc contester les résultats dans quatre comtés réputés très démocrates (Broward, Miami-Dade, Palm Beach et Volusia), là où il a le plus de chances de transformer des voix nulles ou blanches en votes exprimés en sa faveur.

George Bush va contester cette demande en soulevant que le choix de comtés très démocrates est plus un calcul électoral que la constatations de problèmes spécifiques.

Le recompte des bureaux de vote désignés par Gore va aboutir au même résultat que ceux du 7 novembre.

Les juges saisis vont cependant rendre des décisions contradictoires, certains ordonnant malgré tout le recompte en raison de résultats très serrés, d’autres le refusant au motif que les résultats des recomptes sont conformes et que le choix de comtés démocrates était injuste. De plus, les juges ordonnant le recompte retiendront des méthodes de recomptage différentes.

La situation vous semble compliquée ? Rassurez vous : ça va se corser.

Face à des décisions divergentes, c’est le rôle de la Cour Suprême d’unifier les décisions.

Al Gore a donc saisi la Cour Suprême de Floride (car le problème concerne le code électoral de Floride) qui va ordonner que le recompte ait lieu dans tous les comtés contestés, mais ce avant le 12 décembre, date à laquelle le code électoral de Floride ordonne que les résultats soient officiellement proclamés.

Première victoire de Gore.

De courte durée : le 1er décembre 2000, George W Bush va saisir la Cour Suprême des Etats Unis en invoquant la rupture de l’égalité devant la loi du fait des différentes méthodes retenues pour le décompte. Le 4 décembre, la Cour Suprême va fixer l’audience au 10 décembre et ordonner la suspension du recompte pendant l’intervalle.

Le 12 décembre, la Cour va rendre une décision estimant le recompte ordonné par la Cour Suprême de Floride anticonstitutionnel par 7 voix contre 2 (en raison de l’absence d’un standard unique de recompte et d’un juge unique supervisant toutes les opérations) et estimant par 5 voix contre 4 qu’il était impossible d’effectuer un recompte constitutionnel dans les délais impartis par la Constitution des Etats Unis, violant ainsi la nécessité d’un procédé juridique équitable (due process of law) et l’égale protection devant la loi (equal protection clause).

En conséquence, les derniers résultats officiels, confirmés le jour même par le parlement de Floride, seront retenus comme définitifs : Bush emporte la Floride par… 537 voix (2.912.790 voix contre 2.912.253 pour Gore). Il a donc les 25 grands électeurs et la victoire quand bien même Gore a eu au niveau national 50.999.897 voix contre 50.456.002 pour Bush.

Gore reconnaîtra sa défaite le 13 décembre à 21 heures côte est.

Les Grands électeurs se réuniront le 18 décembre et éliront George W Bush 43e président des Etats Unis par 271 voix contre 266 (et non 267, Barbara Lett-Simmons, grand électeur du district de Columbia ayant voté blanc pour protester contre la sous représentation du DC au Congrès). Le résultat sera avalisé par le Congrès le 6 janvier 2001 et George W Bush prêtera serment le 20 janvier 2001.

Par la suite, l’Université de Chicago, sponsorisée par les grands médias américains, va se procurer l’intégralité des bulletins et effectuer un recompte privé.

Il va donner des résultats très variables.

Ainsi, un recompte sur toute la Floride, qui n’a jamais été entrepris ni demandé, donne la Floride à Gore avec une avance de 60 à 171 voix selon la méthode retenue.

En revanche, les méthodes demandées par Gore, retenues par la Cour Suprême de Floride ou selon les méthodes divergentes initialement ordonnées par les juges locaux donnent toutes la Floride à Bush, avec une avance oscillant entre 225 et 493 voix.

Ainsi, quand bien même Gore aurait-il eu tout le temps nécessaire pour que les recomptes qu’il demandait soient réalisés, il n’en aurait pas moins perdu la Floride.

Un Démocrate m’objectera que les résultats sur toute la Floride donnent la victoire à Gore.

Certes, mais en tout état de cause, avec un tel écart, comment peut on estimer ces résultats sincères sachant tous les incidents qui ont en plus affecté ce scrutin :

  • L’annonce anticipée et erronée de la victoire de Gore, de nature à décourager au moins 171 électeurs républicains d’aller voter en vain (l(Institut Johan Mc Laughlin a estimé la marge à 5000 voix) ;
  • Le Butterfly Ballot du Comté de Palm Beach, bulletin très propice à une erreur de lecture au profit de Bush. En effet, ce bulletin plié en deux verticalement, comme un livre, avait sur chaque face le nom d’un candidat et au centre les trous à percer pour voter. Or si le premier trou correspond bien au premier candidat en haut à gauche (George Bush), le second trou correspond au candidat en haut à droite (Pat Buchanan, sorte de Le Pen local). Le troisième trou correspond à Al Gore, situé sous Bush. Un électeur peu attentif pourrait percer le 2e trou pensant voter Gore et votant en fait Buchanan.

Voici une photo de ce fameux bulletin : A noter que ce bulletin a été conçu par une élue démocrate, Theresa Lapore.

  • 57.746 électeurs ont été radiés des listes comme conséquence d’une condamnation pénale, alors qu’une bonne partie d’entre eux l’ont été par erreur.
  • Les Démocrates ont lourdement souligné que le gouverneur de Floride n’est autre que le frère de George Bush, Jeb Bush. Il est vrai que Jeb a soutenu son frère tout au long de la campagne. Mais cela n’a rien d’anormal et est même ordinaire aux Etats Unis.
  • Sans compter une très lourde abstention.

Pour conclure, la légitimité de l’élection de George W Bush ne peut être remise en question.

Quel que soit le pataquès de Floride, un processus légal s’est tenu d’un bout à l’autre, et George W Bush n’est absolument pour rien dans ces complications kafkaïennes. Aucune théorie du complot ou de fraude électorale ne tient la route.

Si les élections se sont jouées devant un tribunal, c’est du fait d’Al Gore qui a décidé de revenir sur son admission de défaite et de saisir la justice de multiples recours. Bush étant son adversaire et directement concerné par le résultat, il était tout à fait légitime qu’il se défendît.

Sommes nous à l’abri d’un tel spectacle en novembre ?

Peu probable : la Floride est passée au vote électronique, dont la fiabilité est contestée (tout utilisateur de PC comprendra pourquoi) et qui ne laisse pas de contremarque en papier pour vérifier.

Sachant que les sondages donnent Kerry et Bush dans un mouchoir de poche, je vais peut être ouvrir un cabinet secondaire aux Etats Unis, moi.

lundi 23 août 2004

Le pénal aux pénalistes !

J’ai déjà pesté et pesterai encore contre les avocats qui se frottent au pénal sans rien y connaître. Il y a quelques mois, j’ai vu un cas en pleine action. Ou inaction, en l’espèce. Je bouillais intérieurement en assistant à l’audience. Ce qui me mettait en colère est qu’il était en défense.

Je vais devoir entrer un peu dans les mécaniques du droit pénal pour bien vous faire comprendre.

Le prévenu était poursuivi pour tentative d’escroquerie.

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