Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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septembre 2012

vendredi 28 septembre 2012

Avis de Berryer : Emmanuel de Brantes

Peuple de Berryer, la Conférence innove. Afin de pouvoir te recevoir dans de bonnes conditions, elle s’exile provisoirement du Palais et te recevra au 104, le samedi 6 octobre 2012, au 5 rue Curial, 75019, Paris (métro « Riquet », ligne 7), dans une salle de 400 places et pas une de moins.

Dans ces conditions paradisiaques, la Conférence reprendra ses travaux en recevant monsieur Emmanuel Sauvage de Brantes, chroniqueur, journaliste et galeriste. Emmanuel de Brantes Les sujets proposés aux candidats seront les suivants :

1. Les sauvages doivent-ils laver leur linge sale en famille ?

2. Les moustachus finiront-ils tondus ?

Le portrait approximatif sera dressé par Monsieur Matthieu de Vallois, 3ème Secrétaire.

La contre-critique sera assurée par M. Bertrand Perier, ancien Secrétaire, redoutable dans cet exercice.

Comme d’habitude, l’entrée est libre et gratuite mais, une fois n’est pas coutume, la séance commencera à 20h30. Il est vivement recommandé d’arriver dès l’ouverture des portes, à 19h30.

Les candidats peuvent contacter Pierre Darkanian, 4e secrétaire pierre.darkanian-at-darkanian-pfirsch.com.

Un système de préinscription a été mis en place, purement informatif, afin de savoir où en est le remplissage de la salle. Vous pourrez venir même sans être préinscrit.

Bonne Berryer à tous.

vendredi 21 septembre 2012

Indulto pour la corrida

— Mon cher maître, je ne décolère pas !

— Ma chère lectrice, je ne puis en être désolé, tant vous voir le rouge aux joues, le cheveu en bataille et la poitrine enflée de fureur contenue me met en joie. Néanmoins, puis-je vous être de quelque secours dans le prédicament où vous êtes ?

— Sans doute, et de deux façons. La première, en me servant une tasse de ce délicieux thé.

— Un Tiě Guān Yīn, excellent choix. Ce thé bleu est faible en théine, et vous n’en avez pas besoin. La seconde ?

— En m’expliquant comment ces monstres sans cœur ont pu faire cela ?

— Pourriez-vous me préciser si vous parlez du Conseil constitutionnel ou de la Cour de cassation ?

— Mais du Conseil constitutionnel, voyons ! Vous savez mon abhorration de la course de taureau.

— À présent, oui.

— Cette coutume barbare reposant sur la mise à mort précédée de sévices d’un animal pouvait être interdite par le Conseil, et il ne l’a pas fait.

— En réalité, ce qu’il n’a pas fait, c’est ce que vous lui reprochez.

— Comment cela ?

— Asseyez-vous, dégustez ce thé, et prêtez moi une de vos charmantes oreilles.

— Vous avez même les deux, mon cher maître.

— Je n’osais en espérer autant. Le Conseil a statué dans le cadre de ses attributions, sur une Question Prioritaire de Constitutionnalité.

— Oui, je me souviens que vous vous en entretîntes avec Jeannot.

— Votre mémoire est comme le Pape : infaillible. Qu’il soit ici suffisant de rappeler que dans toute procédure, une des parties peut poser une telle Question, qui consiste à demander : « Mais au fait, la loi que nous allons appliquer est-elle bien conforme à la Constitution ? ». Le juge saisi ne peut répondre lui-même, mais doit simplement s’assurer de ce que la question est nouvelle, sérieuse et que la solution du litige en dépend. Si telle est le cas, il surseoit à statuer et transmet la question à la cour suprême dont il relève : la Cour de cassation s’il porte une robe, et le Conseil d’État, s’il n’en porte point.

— La robe étant une synecdoque pour dire le juge judiciaire et son absence en étant une autre pour le juge administratif.

— Exactement. Si la Cour de cassation ou le Conseil d’État jugent à leur tour que ces conditions sont remplies, après cette fois ci une procédure spécifique et approfondie, la question est enfin transmise au Conseil constitutionnel qui seul peut statuer. Une fois la réponse obtenue, le procès reprend là où il s’était arrêté, chacun étant sûr de respecter comme i lse doit la Constitution.

— Et d’où venait la QPC cette fois ?

Du Conseil d’État.

— Pourtant, il s’agit d’une disposition du Code pénal ? Nous étions dans les terres des juges à robe noire ?

— En effet, mais le procès qui a servi de point de départ n’était pas un procès pénal. C’était un procès administratif, un recours en annulation contre la décision du ministre de la culture qui a inscrit la corrida dans la liste du patrimoine culturel immatériel de la France — en fait, un recours contre la décision implicite de rejet du ministre qui n’a pas répondu dans les 2 mois à la demande de l’association Comite Radicalement Anti-Corrida Europe et de l’association Droits Des Animaux de revenir sur cette décision, mais passons. Ces associations ont saisi le tribunal administratif de Paris, estimant que ce refus était illégal, et à cette occasion, ont attaqué la disposition législative qui légalise la corrida, mais dans certains endroits seulement.

— Comment cela ?

L’article 521-1 du Code pénal interdit et réprime tout sévice commis sur un animal.

— Musique à mes oreilles.

— Las, la musique va devenir grinçante, car cette loi prévoit deux exceptions. “Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie”.

— Mais comment connaître ces endroits où la tradition met en échec la loi pénale ?

— Nous voilà au cœur du problème. C’est la jurisprudence qui décide s’il y a ou non tradition locale ininterrompue. Ce qui pose un problème : celui de la prévisibilité de la loi contre l’arbitraire du juge. Ce n’est qu’en organisant un tel spectacle, donct en prenant le risque d’être poursuivi au pénal, que l’on peut seulement faire trancher la question, car la jurisprudence intervient par définition a posteriori quand la loi intervient par nature a priori. La cour d’appel de Toulouse a rendu un arrêt le 3 avril 2000 qui tentait de résoudre la question à la truelle, mais avec des élans lyriques assez rares dans une décision judiciaire. Je cite (imaginez les cigales en fond sonore et un accent rocailleux des bords de la Garonne pour renforcer l’effet) : « il ne saurait être contesté que dans le midi de la France entre le pays d’Arles et le pays basque, entre garrigue et méditerranée, entre Pyrénées et Garonne, en Provence, Languedoc, Catalogne, Gascogne, Landes et Pays Basque existe une forte tradition taurine qui se manifeste par l’organisation de spectacles complets de corridas de manière régulière dans les grandes places bénéficiant de structures adaptées permanentes et de manière plus épisodique dans les petites places à l’occasion notamment de fêtes locales ou votives ».

— En somme, une fois au sud de Bordeaux, on peut tuer du taureau en paix.

— C’est un peu le sens de cette décision, non frappée de pourvoi, qui permettait à Rieumes d’organiser une telle course. Mais, et vous allez voir le problème de prévisibilité, le 10 juin 2004, la cour de cassation cassera un autre arrêt de la même cour autorisant la même commune à organiser une course de taureau. La cour avait reconnu la persistance d’une telle tradition dans la ville voisine (de 40 km) de Toulouse, alors même que la dernière corrida à Toulouse remontait à 1976, tradition qui se manifesterait notamment par l’existence de corridas complètes dans la zone démographique constituée par la région toulousaine, par des spectacles taurins de type becerrada avec banderilles et simulacre de mise à mort, par la vie de clubs taurins locaux, de manifestations artistiques et culturelles ou scientifiques autour de la corrida, par des émissions de la télévision locale, par l’existence de rubriques spécialisées dans la presse locale et par le déplacement d’aficionados locaux vers les places actives voisines ou plus éloignées.

— C’est un peu tiré par les cheveux.

— C’est ce qu’a dit, mais en termes plus juridiques, la Cour de cassation, en cassant l’arrêt par un laconique “en statuant ainsi, sans préciser si la localité de Rieumes se situait bien dans un ensemble démographique local où l’existence d’une tradition taurine ininterrompue se caractérisait par l’organisation régulière de corridas, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision”. Comme d’habitude, la Cour use peu de mots pour en dire beaucoup. Cette décision précise que l’exception ne s’applique qu’au niveau local, et non “entre garrigue et méditerranée, entre le pays d’Arles et le pays basque”.

— Vous faites très mal l’accent du sud-ouest.

— Que voulez-vous. Pour moi, le sud-ouest, c’est Meudon. Outre cette délimitation locale, qui exclut que la tradition reconnue à Toulouse s’applique à Rieumes, la Cour de cassation exige qu’on caractérise son caractère ininterrompu. C’est-à-dire que si les corridas cessent pendant un laps de temps assez long (sauf en cas de fermeture prolongée des arènes, cause indépendante de la volonté des organisateurs), elles deviendront illégales définitivement. Ce qui fait qu’à mon avis, Toulouse a perdu sa tradition tauromachique mais je ne crois pas que la question ait été tranchée.

— Outre le problème de la prévisibilité, quelle était l’argumentation des associations en cause ?

— Elles soulevaient l’atteinte à l’égalité devant la loi : comment ce qui est un délit à Bourges serait légal à Nîmes, alors que la France est Une et indivisible, et que la loi est la même pour tous ?

— Oui, comment, je vous le demande ?

— Avant de vous répondre, je souligne que la question posée n’est pas si la course de taureau est un spectacle moralement acceptable. On est sur une question de pur droit : la loi peut-elle prévoir une telle exception, et avec des critères aussi flous de surcroît ?

— Je comprends, il n’est donc pas possible de tirer du sens de la décision rendue des conclusions sur la position personnelle des neufs membres du Conseil sur cette tradition.

— Exactement. Il est temps à présent de lever le voile. Le Conseil a jugé que cette disposition était conforme au principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, en rappelant le sens qu’il a donné à ce principe. Et le fait est que jamais ô grand jamais le Conseil n’a eu une interprétation rigide de l’égalité devant la loi. Au contraire, il admet que la loi connaisse des variations géographiques, et même en tenant compte de traditions locales (ainsi pour la chasse de nuit, validée par une décision n°2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi relative à la chasse) mais sous conditions strictes.

— Quelles sont ces conditions ?

— La formule consacrée est la suivante : ce principe « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». On la retrouve dans une décision n° 2009-578 DC du 18 mars 2009, Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dans une décision sur QPC n° 2010-3 QPCC du 28 mai 2010, Union des familles en Europe (Associations familiales), et dans une décision sur QPC n° 2010-3 QPCC du 28 mai 2010, Union des familles en Europe (Associations familiales).

— Et tel était le cas ici ?

— Tout le raisonnement se trouve dans le 5e considérant. Tout d’abord, le Conseil relève que cette exception ne porte atteinte à aucun droit constitutionnellement garanti, ce qui aurait entraîné la censure, bien sûr. Ensuite, il constate que la différence de traitement qui en résulte est en lien direct avec l’objet de la loi, car l’exception à l’interdiction des sévices sur animaux repose sur une tradition locale, et ne porte que sur les actes relevant de cette tradition (Même si vous habitez à Nîmes, vous ne pouvez tuer un taureau à coup de hache dans votre jardin).

— Et sur l’arbitraire ?

— Le Conseil n’a rien contre le fait de laisser un large pouvoir d’interprétation au juge sur les considérations de fait, tant que les termes sont assez univoques. Ainsi, dans sa décision HADOPI, créant la désormais célèbre contravention de négligence caractérisée dans la sécurisation de son accès internet, le conseil a estimé que les mots “négligence caractérisée” étaient suffisamment clairs (la jurisprudence a depuis eu l’occasion de définir ce qu’est une telle négligence caractérisée : laisser sa femme utiliser son ordinateur). Ici, le Conseil, en se référant implicitement à la décision de la Cour de cassation de 2004, qui limite localement et exigeait l’organisation régulière de corridas pour que la tradition soit ininterrompue, a estimé que la loi protégeait suffisamment en l’état contre le risque d’arbitraire.

— En effet, il ne fut point question du sort des animaux concernés.

— Parce que la question n’a pas été posée, et d’ailleurs, notre Constitution est muette sur la question des sévices sur les bêtes, la loi suffisant bien pour traiter de la question. Le juge, qu’il soit judiciaire, administratif ou constitutionnel, ne peut répondre qu’aux questions qu’on lui pose dans les formes légales et auxquelles la loi lui donne pouvoir de répondre. C’est là une limitation essentielle de son pouvoir, qui est une garantie démocratique. Les juges sont confrontés souvent à des justiciables qui les voient un peu comme des surhommes capables de régler tous leurs problèmes d’un coup de baguette magique. Et ne comprenant pas que le juge refuse même de les entendre sur ces problèmes, en déduit que ce sont des gens bien indifférents et inhumains. Heureusement, l’exécutif veille à dissiper ce préjugé en expliquant clairement aux citoyens le fonctionnement de sa justice.

— Ha ! Ha ! J’adore quand vous faites de l’humour.


Billet réalisé en grande partie en s’appuyant sur le lumineux commentaire aux Cahiers (pdf).

mardi 11 septembre 2012

Avis de Berryer : Thomas Hugues

Peuple de Berryer, c’est la rentrée, et pour la Conférence aussi.

Munie de ses cartables tous neufs et de ses plumes les mieux taillées, elle te convie à la reprise de ses travaux le mercredi 19 septembre 2012 à 21 heure, salle des profs des Criées, où et quand elle recevra monsieur Thomas Hugues, journaliste.

Sur le rapport de Julien Fresnault (ouh, le rapporteur !), neuvième secrétaire, seront abordés les sujets suivants :

1er sujet : Faut-il dire bonjour aux Indiens ?

2e sujet : Fallait-il préférer les cinq-à-sept aux sept-à-huit ?

Comme d’habitude, l’entrée et la sortie seront libres dans la limite des places disponibles, et il est folie d’arriver après 19 heures.

Les éventuels candidats (et eux seuls) prendront avec profit attache avec monsieur Pierre Darkanian, pierre.darkanian -at- darkanian-pfirsch.com

Les autres, il vous faudra user de patience.

Bonne Berryer à tous.

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