Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Quand la justice ne peut pas être véloce.

Audience du Conseil de prud’hommes de Nanterre, section encadrement, bureau de conciliation.

Note : le Conseil de Prud'hommes est le tribunal qui juge les litiges individuels nés de l’application d’un contrat de travail ou d’apprentissage. 99,99% sont des licenciements. La loi prévoit deux audiences : une de conciliation ou deux juges prud’homaux (qui ne sont pas des professionnels mais sont élus) tentent de mettre les parties d’accord et en cas d’échec (9 fois sur 10 au moins) une de jugement où ils sont quatre et tranchent le litige.

Nous attendons les conseillers pour l’appel des causes devant le bureau de jugement.

C’est à dire que nous sommes tous assis dans une salle de jugement, toutes les affaires du jour vont être appelées pour voir si tout le monde est là, et les affaires complètes (les deux parties sont présentes ou représentées) seront prises, avant un deuxième appel pour les retardataires.

A côté de moi, deux avocates discutent dur. Une, d’un barreau de province, défend le salarié. Elle est sure de son dossier, qui, d’après ce que j’entends, est plutôt bon. L’employeur a visiblement qualifié de faute grave un comportement qui serait au pire une cause réelle et sérieuse. Il s’est mis dans son tort. L’avocate de l’employeur lâche une offre de transaction assez misérable : à peine plus que les indemnités auxquelles son client aurait eu droit s’il avait été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Le client est outré, son avocate aussi. L’avocate de l’employeur reste sereine. Elle ajoute, avec un sourire narquois, que son offre, bien que rejetée, reste valable et qu’elle reste « open » pour en discuter. Furieuse, l’avocate du salarié va s’asseoir à l’autre bout de la salle, bien décidée à ne rien lâcher pour mettre en pièces l’employeur devant le bureau de jugement.

Dring.

Les conseillers prud’hommes entrent, deux femmes. Le greffier nous demande de nous lever. Nous nous levons comme un seul homme, la présidente nous dit de nous asseoir, nous nous asseyons. Nous ne sommes pas contrariants.

La présidente s’approche du micro.

« Avant de procéder à l’appel des causes, je tiens à vous informer que les renvois en bureau de jugement se feront au 16 février 2006. Vous avez encore le temps de chercher une conciliation. Bon, Madame le greffier, veuillez appeler la première affaire ».

Murmures de stupeur des avocats non habitués.

L’avocate du salarié a une discussion animée mais brève avec son client. Puis elle se lève, livide, et retourne voir celle de l’employeur.

« Nous allons accepter votre offre… »

Le sourire narquois de l’avocate de l’employeur se fait triomphant.

Commentaires

1. Le mardi 29 novembre 2005 à 13:04 par berot

Ceci explique totalement les blocages de la justice et l'incompréhension des justiciables, à laquelle les avocats ne sont pas étrangers, loin de là! Ce qui se passe aux prud'hommes se passe aussi au civil, au pénal et en appel. La meilleure méthode s'appelle "audience de mise en état": prenez un litige avec un assureur. Votre avocat, oui, le vôtre, dont les 3/4 de l'activité consiste à plaider pour les assureurs ne veut pas indisposer ses "mécènes"et vous "enfonce" avec l'air contrit de qqun qui n'en peut mais. Alors, il dépose conclusions sur conclusions. La partie adverse a les reins solides: Axa ou AGF peuvent attendre, pas le pôvre type qui se croit défendu. Et voilà comment la collusion magistrats-avocats ( on disait "les robins" au Moyen-Age) pousse les gens à tuer leur voisin ou à brûler des bagnoles. C.Q.F.D.


Absolument, vous avez percé à jour le terrible complot. Ce n'est pas le justiciable qui a tort, jamais, c'est la loi qui est mal foutue, son avocat qui est corrompu et le magistrat qui est de collusion avec lui. Vous voulez le fusil pour votre voisin ou un briquet pour sa bagnole ?

Eolas

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