Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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De la démagogie ordinaire

Un élu écologiste moustachu dont nous respecterons l’anonymat en l’appelant Noël M. a annoncé à cors et à cris qu’il allait célébrer une union homosexuelle en sa mairie le 5 juin prochain.

Il justifie sa décision dans un entretien accordé à une équipe de France 2, diffusée au journal télévisé d'hier soir, en invoquant un arrêt Goodwin contre Royaume-Uni rendu le 11 juillet 2002 par la Cour européenne des droits de l’homme, qui, selon lui, autoriserait les unions homosexuelles.

Qu’un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme prenant une telle position m’ait échappé a de quoi me vexer.

J’ai donc consulté l’arrêt en question (AFFAIRE CHRISTINE GOODWIN c. ROYAUMME-UNI, Numéro de requête 00028957/95 , réf. HUDOC REF00003797).

Il fait 35 pages, mais je vous en fais un résumé.

Christine Goodwin est une transsexuelle britannique, née homme, qui a changé ses attributs sexuels et a désormais une apparence physique féminine et un prénom féminin.

Cependant, les autorités britanniques n’ont pas pris en compte ce changement de sexe. Cela a aboutit à une tonne de tracasseries administratives (notamment son dossier n’était accessible qu’à des fonctionnaires d’un certain grade, ce qui entraîne une terrible gêne pour la moindre démarche) et à son impossibilité de se marier avec un homme.

Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de la très ancienne jurisprudence de la Cour sur le transsexualisme. Elle impose aux Etats ayant ratifié la Convention de respecter le droit à une vie privée et familiale (article 8) et leur droit au mariage (article 12). La France s’est mise en conformité avec cette jurisprudence en 1991.

Cet arrêt n’a rien à voir avec la question de l’homosexualité. Le mot homosexuel ne figure nulle part dans les 35 pages de l’arrêt.

J’en veux pour preuve le point 71 où la Cour pose le problème de droit qui lui est soumis :

La présente affaire soulève la question de savoir si l'Etat défendeur a ou non méconnu son obligation positive de garantir à la requérante, transsexuelle opérée, le droit au respect de sa vie privée, notamment en ne reconnaissant pas la conversion sexuelle de l'intéressée sur le plan juridique.

Elle constate dans l’exposé de la situation du droit au Royaume Uni que le mariage est défini comme l’union d’un homme et d’une femme, et n’émet aucune réserve sur ce point.

Les militants de la cause homosexuelle assimilent les transsexuels aux homosexuels. Ils se présentent comme les défenseurs indifférenciés des « gays, lesbiennes, bisexuels et transsexuels ». Ils risquent ainsi de voir midi à leur porte dans cet arrêt.

C’est une erreur car la Cour refuse de faire cette assimilation. Pour elle, le transsexualisme n’est pas une appétence sexuelle un peu différente de la norme. C’est une véritable différence entre le sexe physiologique et le sexe ressenti par la personne qui en est l’objet. Et quand un changement de sexe a eu lieu, le nouveau sexe doit être considéré le sexe véritable avec toutes les conséquences de droit.

Le Royaume Uni est condamné, non pour son refus de créer un mariage homosexuel ou de permettra aux homosexuels de se marier, mais pour le refus de ses autorités de permettre à Christine GOODWIN, qui doit être considérée comme une femme, d’épouser un homme.

La question qui se pose alors est : Noël M. ne sait-il pas lire un arrêt ? L’a-t-on mal informé ? Ou le sait-il et va-t-il célébrer en toute connaissance de cause un mariage nul, pour des motifs électoralistes et pour faire parler de lui ?

Je ne crois pas que Monsieur M. soit un naïf. Et s’il l’est, quand on aspire aux fonctions auxquelles il a postulé, la naïveté est une faute.

Commentaires

1. Le samedi 5 février 2005 à 20:18 par alexia

moi je comprend pas pourquoi ils ont pas le droit....
c des humains comme nous, si ils s'aiment je pense que c normal
qu'ils veulent se marier!!!
moi je suis pour!!!

2. Le vendredi 10 février 2006 à 16:48 par Naël

Et pour ma part, je ne vois pas quelle valeur ajoutée les homosexuels gagneront à avoir accès au mariage. Le mariage est une insitution républicaine visant à unir un homme avec une femme. Son importance tend à s'affaiblir dans la société actuelle ; le concubinage a atteint un véritable statut juridique officiel depuis l'adoption de la loi instituant le pacte civil de solidarité, qui a promulgé, à côté des dispositions sur le PACS, l'article 515-8 du code civil "Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple."

Cette notion de concubinage, qui existait auparavant seulement en jurisprudence, a maintenant de nombreuses similitudes avec le mariage.

Dès lors, à mon sens, il est nettement plus important de lutter contre les discriminations effectives (dans l'emploi, au niveau du logement...) subies par les homosexuels que de revendiquer l'accès à une institution poussièreuse.

Ne nous trompons pas de combat.

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