Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Elections américaines (2)

Rappelons tout d’abord quelques points simples : Les Etats Unis forment une fédérations d’Etats, d’où le nom Etats-Unis.

50 Etats forment actuellement cette fédération, alors qu’au début, ils n’étaient que treize (c’est pourquoi le drapeau américain a treize bandes rouges et blanches, et cinquante étoiles blanches dans la carré bleu).

Une Fédération — on en parle beaucoup au sein de l’Union européenne ces temps ci— est un Etat composé lui même de plusieurs Etats autonomes (les Etats fédérés) qui ont abandonné certaines compétences à l’Etat fédéral (principalement la défense extérieure et la diplomatie ainsi que la lutte contre la criminalité qui dépasse les frontières d’un seul Etat), Etat auquel ils ont le droit de participer et la garantie d’être représentés. La France est un Etat unitaire. L’Allemagne et la Suisse sont des Etats fédéraux (nonobstant le terme de confédération helvétique, ces Suisses ne savent décidément pas parler français).

Un Etat fédéral se caractérise par une Constitution, une confédération par un traité. C’est pourquoi le projet de « Constitution » européenne est impropre : cette Constitution est en réalité un Traité, et l’Union Européenne deviendrait une confédération et non une fédération.

Les Etats Unis sont donc une fédération. La Capitale fédérale est la ville de Washington, située le district de Columbia (qui n'est pas considéré comme un Etat du fait de sa dépendance directe de l'Etat fédéral : le représentants du DC au Sénat ne votent donc pas. On parle de Washington D.C. pour la distinguer de l’Etat de Washington, au nord ouest des Etats Unis (capitale Olympia, principale ville Seattle, spécialités : la pomme, les avions de ligne et les multinationales de l’informatique voulant être maître du monde).

Chaque Etat fédéré a ses propres lois, son chef de l’Etat (il a le titre de gouverneur), son parlement, ses juges.

L’Etat fédéral se superpose à l’ensemble de ses Etats et a ses propres institutions : un exécutif, un parlement bicaméral (c’est à dire composé de deux chambres, comme en France) et un judiciaire : la Cour Suprême, composée de neuf juges nommés à vie qui juge des litiges portant sur l’application de la Constitution.

La Fédération est donc dirigée par un Président, le Président des Etats-Unis. On ne dit pas Président de la République des Etats-Unis. Il est élu selon les modalités que nous verrons plus loin en même temps qu’un vice-président. Le Vice Président a pour fonction de suppléer le président qui viendrait à décéder en exercice (ainsi Lyndon Johnson a succédé à John Kennedy en 1963), révoqué ou démissionnaire (Gerald Ford a ainsi succédé à Richard Nixon en 1974). L’actuel président des Etats Unis est George W Bush (qui l’ignore ?) et le vice président Richard Cheney. A noter : George Bush senior était le vice président de Ronald Reagan de 1980 à 1988.

La fédération a un pouvoir législatif : le Congrès, qui désigne les deux chambres du parlement fédéral : Le Sénat, présidé par le Vice Président des Etats Unis sans droit de vote, représente les Etats sur un strict pied d’égalité à raison de deux sénateurs par Etat (il y a donc 100 sénateurs), élus pour 6 ans et la Chambre des représentants (House of representatives), au nombre de 435, qui sont élus pour 2 ans et représentent l’ensemble des citoyens des Etats Unis en fonction du poids démographique. Son président (Speaker) est élu en son sein.

Ainsi, la Californie, Etat le plus peuplé (34 millions d’habitants) a autant de sénateurs que le Vermont, l’Etat le moins peuplé (203 000 habitants), mais a 53 représentants, le Vermont se contentant de Bernie Sanders comme unique Représentant.

Le système électoral doit prendre cette réalité en compte.

Elire le président au suffrage universel direct revient à donner un poids considérable aux Etats les plus peuplés que sont la Californie, la Floride, le Texas, l’Illinois et l’Etat de new York (dont la capitale comme tout le monde le sait est Albany et non New York), au détriment d’Etats comme le Vermont, l’Alaska, l’Iowa, l’Idaho, qui n’auraient plus la moindre importance. Ce serait contraire au principe d’égalité des Etats fédérés.

Elire le président par vote des Etats sur un pied d’égalité aurait l’effet opposé, et ignorerait l’importance des Etats sus-mentionnés.

La question n’est pas neutre. Aujourd’hui, le premier système donnerait un considérable avantage aux Démocrates tandis que le second assurerait durablement la présidence aux Républicains, qui ont une forteresse inexpugnable dans le Sud et le middle west.

La solution de compromis trouvée par les rédacteurs de la Constitution en 1787 est celle du Collège électoral.

Chaque Etat désigne un nombre de grands électeurs égal à sa représentation au Congrès, soit son nombre de Représentants + 2.

Ainsi, chaque Etat a au minimum trois grands électeurs, jusqu’à 55 pour la Californie, suivie par le Texas, 34 grands électeurs, la Floride, 27, New York, 31 et l’Illinois, 27.

Il y a en tout 538 grands électeurs

Pour que cette représentation pondérée joue à plein, une désignation proportionnelle a été écartée, au profit de la règle « the winner takes all » , admirablement mis en musique par ABBA, mais je m’égare. Le candidat arrivé en tête dans un Etat remporte tous les grands électeurs. Les grands électeurs sont désignés au mois de novembre de l’année de fin de mandat du président en exercice et se réunissent chacun dans leur capitale d’Etat pour exprimer leur vote en décembre. En cas d’égalité, avantage au poids démographique : c’est la Chambre des Représentants qui élit le président. Le nouveau président prend ses fonction au mois de janvier de l’année suivante, en même temps que le vice président.

Ainsi, dire, comme je l’ai encore entendu ce matin à la radio, que Kerry est donné gagnant parce qu’il est en tête de 5 points dans les sondages ne veut absolument rien dire avec une si faible avance. La question est : dans quels Etat est-il en avance ?

Certains Etat sont traditionnellement acquis à un parti. La Californie ira à Kerry, le Texas à Bush.

Au passage, quelqu'un de plus pointu que moi en vie politique US pourrait il m'expliquer ce paradoxe qui veut qu'un Etat qui vote sans cesse pour un Présdident démocrate élise si souvent un gouverneur républicain ?

La campagne va se jouer à couteaux tirés dans les « battleground states », les Etats ou l’écart entre candidats est si faible que tout peut s’y jouer. L'Ohio et ses 20 grands électeurs (légèrement à Kerry) et le Michigan qui en a 17 éveillent des appétits. Mise à jour : tout semble indiquer que les élections se joueront en Floride, 27 grands électeurs, l'Ohio, 20 et la Pennsylvanie, 21 : celui qui aura deux de ces trois Etats sera élu Président des Etats Unis.

A ce jour, d’après le site electoral vote, Bush est sûr d’avoir 154 grands électeurs, et Kerry 168 (ce sont les Etats ou l’écart entre les candidats est supérieur à 10 points, écart irrattrapable en pratique). Il en faut 270 pour être élu. Vous voyez que rien n’est joué, d’autant plus que quand un Etat passe d’un candidat à l’autre, l’écart creusé est du double du nombre de grands électeurs, puisqu’il sont soustraits à l’un ET additionnés à l’autre.

Quand on sait que pour 129 d’entre eux, tout se joue dans un écart inférieur à 5% avec une marge d’erreur admise de 3%, n’enterrez pas trop vite l’éléphant.

On se dirige en tout cas, sauf événement imprévu d’ici novembre, à une nouvelle élection dans un mouchoir de poche.

Au sommaire de la prochaine note : les critiques habituellement faites à ce système et leur réponse, et l’explication juridique de la crise de Floride lors des élections de 2000 (ou : Bush a-t-il vraiment volé les élections de 2000 ? Comme vous le verrez, la réponse est non).

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