Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Toi, tu devrais ouvrir un blog.

Le texte ci-après est un authentique courrier envoyé par un huissier à un débiteur. J'ai juste changé les nom et adresse y figurant, de même que la somme exacte, qui est à peu de chose près celle indiquée. La formulation est exactement la même.

J'ai notamment respecté la taille des caractères.

Quand je l'ai lue, j'ai eu du mal à y croire.

Monsieur,

4 903.28 euros

Je me demande si vous préférez régler cette dette par des versements que vous ferez à mon Étude soit au contraire la payer chez le Commissaire priseur Maître A., 1 rue du Blog à Geek s/ Neuneu auquel votre dossier a déjà été transmis ?

Je suis curieux de savoir si vous voulez déjà régler cette somme en une seule fois pour être tranquille ou au contraire si vous souhaitez me dire que vous préférez la régler pas acomptes réguliers ?

Je ne sais pas si vous voulez penser maintenant aux réponses aux questions précédentes que vous vous posez ou au contraire verser un acompte maintenant et me dire ensuite comment vous voulez régler ce qui reste ?

Mais ceci n’est pas très important car ce qui compte pour vous c’est la manière dont vous voulez éviter ce qu’il y a à éviter et comment vous voulez préserver ce à quoi vous tenez.

C’est pourquoi lorsque vous saurez comment régler cette dette alors vous pourrez me le dire puis envoyer votre versement juste après, ou au contraire vous préférez peut être payer chez le commissaire Priseur juste avant qu’il se déplace pour enlever vos meubles.

Tout cela je ne le sais pas mais ce que nous savons vous et moi c’est qu’en sachant comment régler cette dette vous allez déjà savoir comment changer favorablement le cours des choses et le fait que nous parlions de la manière dont vous voulez vous y prendre sera déjà un grand pas que vous allez bientôt accomplir.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.




Qui a dit que l'art de l'éloquence se perdait ?

Commentaires

1. Le mardi 8 février 2005 à 21:46 par DeGroot

Ouf, assez impressionnant pour un huissier. Ca me fait penser à une traduction automatique Google ou à quelque chose d'approchant. J'espère que l'huissier n'envoie pas ça à tous ses débiteurs, il y a de quoi devenir fou.



Oups, deux coquilles s'étaient glissées, qui n'étaient pas de l'huissier (saloperie de reconnaissance de caractères...) : continent à la place de comment et citez à la place de chez. J'ai rectifié.

Eolas

2. Le mardi 8 février 2005 à 22:00 par Steph

Oh mon Dieu. Bon, c'est quand même mieux que ce que pondent mes élèves.

3. Le mardi 8 février 2005 à 22:52 par RV

Et bien non, je trouve que les élèves fournissent un travail plus compréhensible. Et pourtant, je suis loin d'être doué en orthographe !
Un étudiant en droit :oP

4. Le mardi 8 février 2005 à 23:00 par Veuve Tarquine

J'avoue que cela présente un certain cachet...

Quant à recevoir une lettre qui sera de toute façon comminatoire, autant qu'elle fasse preuve d'imagination. Et puis les huissiers aussi ont le droit d'avoir leurs morceaux choisis !

Qui sait si après avoir lu votre billet, les éminents membres de notre profession ne verseront pas eux-aussi dans les envolées lyriques en rédigeant les sempiternelles lettres de mise en demeure ?

5. Le mardi 8 février 2005 à 23:10 par all

La tournure des phrases laisse à penser qu'il s'agit d'un texte dicté en anglais, retranscrit, et mal traduit (façon 'Google translate' comme le dit DeGroot).
ex :"Tout cela je ne le sais pas ", "Je suis curieux de savoir " .
Vu le montant des frais habituellement réclamés par un huissier, ce dernier aurait pu faire un effort de rédaction.
Lamentable et totalement irrespectueux.

6. Le mercredi 9 février 2005 à 00:47 par padawan

En première lecture le style a l'air assez maladroit (j'aime l'hypothèse d'une traduction assez gauche, bien qu'un traducteur automatique fera nettement pire), mais après l'avoir relue, j'avoue que ça tranche beaucoup avec les aboiements menaçants qu'on voit habituellement sur ce genre de courrier. Original en tout cas, et peut-être plus efficace sur le créancier.

7. Le mercredi 9 février 2005 à 09:43 par Guignolito

N'empêche, en lisant cette lettre, j'ai une diffuse impression de malaise.

Quand on lit des expressions comme "pour être tranquille", "éviter ce qu'il y a à éviter", "préserver ce à quoi vous tenez", "changer favorablement le cours des choses", ca me fait penser aux méthodes des maîtres-chanteurs. Pas de menaces directes ("on va faire ceci, vous risquez cela, si A alors B, ..."), justes des trucs en l'air, comme si de rien n'était.... Ici, on ne sait pas à quoi s'en tenir, et c'est dérangeant.
L'adage dit : "La menace est plus forte que l'execution". Et la menace voilée est encore plus dangereuse.

Bref, quand on voit ce qu'on voit, et qu'on entend ce qu'on entend, on a bien raison de penser ce qu'on pense !

8. Le mercredi 9 février 2005 à 10:02 par forgeron

il essayait peut etre de se mettre au niveau de son interlocuteur... :-)

ou alors c'est un stagiaire :-)

9. Le mercredi 9 février 2005 à 10:21 par Pascal

Pardonnez mon ignorance, mais pour un huissier, est-ce légal d'émettre une telle lettre ? La somme due ne devrait-elle pas apparaitre en chiffre *et* en lettres ? Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une information sur le créancier, genre "la société MachinChose ayant élu domicile en mon Etude sise 12 rue BiduleTruc", et quelques informations sur l'acte ayant conduit à la saisie, comme par exemple le Tribunal d'Instance concerné ? Le style ne me fait pas du tout penser à un huissier, mais bien plutôt à une société privée de recouvrement de créances.



Oui, c'est légal, pourquoi ne le serait-ce pas ?

La somme due doit apparaître en toutes lettres dans tout acte sous seing privé constatant une créance unilatérale (article 1326 du Code civil). Ce courrier n'est qu'une lettre missive valant mise en demeure, cette obligation ne s'applique pas.

L'huissier avait écrit cette lettre sur papier a en-tête rappelant les références du dossier, je n'ai pas repris ces mentions en raison du secret professionnel et parce que je ne souhaite pas nommer l'huissier à l'origine de ce courrier.

Les mentions dont vous parlez ne figurent que sur les actes d'huissier (on dit "exploits") visant à porter un acte de procédure à la connaissance d'une partie. Pas dans sa correspondance.

Et effectivement, l'huissier agissait en l'occurence comme une société de recouvrement.

Eolas

10. Le mercredi 9 février 2005 à 10:41 par iznogoud_

guignolito : ha, vous avez un malaise en lisant ça ?
Moi j'ai un fou rire... Je ne dois pas être normal...

11. Le mercredi 9 février 2005 à 11:30 par Guignolito

Iznogoud : malaise au sens figuré, bien entendu. :)

S'il m'arrivait de recevoir ce genre de courrier, même écrit dans un francais plus correct, je ne serais pas très content. Je préfère la franchise et le respect, qui ne sont pas présents dans cette lettre.

Bien sûr, je pourrais me contenter de la lecture au 1er degré ("l'auteur est un crétin qui ferait mieux de repasser son brevet des collèges") et avoir le fou rire. Mais je trouve les tournures vicieuses et retorses : on ne comprend pas où il veut en venir (concrètement, qu'est-ce qu'il va faire ?), et je trouve que c'est inquiétant. Si je ris, c'est jaune ! :-)

12. Le mercredi 9 février 2005 à 18:31 par Fluctuat

ça sent le stagiaire de seconde stt qui se fait plaisir (enfin bon aux prix où sont les charges il faut bien se faire plaisir de temps à autre..)

13. Le mercredi 9 février 2005 à 20:14 par bistouri

Il a l'air particulièrement torturé psychologiquement. On dirait une semaine de harcèlement condensé en une page.

14. Le mercredi 9 février 2005 à 23:18 par alastor

A l'époque de ma jeunesse insouciante, je m'étais laissé aller à contracter quelques dettes, notamment auprès d'une société de crédit dont je tairai le nom.
Comparée aux méthodes de cette société, cette lettre est presque amusante. Certes, elle est tellement mal écrite qu'elle en est ridicule mais elle n'est guère plus menaçante que n'importe quelle lettre d'huissier. Les sociétés de crédit, elles, ne reculent devant rien pour faire pression. Elles ne se contentent pas de lettres et n'hésitent pas à procéder à un véritable harcèlement.
A l'époque, j'avais 23 ans, je travaillais et ne vivais plus chez mes parents depuis plusieurs années. Ca ne les a pourtant pas empêchés de se rendre chez mes parents pour "leur expliquer la situation". J'ai 36 ans et je me souviens encore des sanglots de mon père quand il m'a appelé pour me demander si j'avais des problèmes et s'il pouvait m'aider.

15. Le jeudi 10 février 2005 à 12:06 par cali

c'est très chatoyant. Mais peut-être est-on en train de lire une missive d'Albanais traduite par gouguelle.

16. Le jeudi 10 février 2005 à 18:47 par Julie

L'huissier était-il sous l'emprise de drogues ? Surtout ne pas payer, il va tout claquer en ectsay et continuer sa prose...
Bon, mis à part ce grand moment de rigolade, petite question : en théorie le débiteur peut-il se retourner contre l'huissier pour une telle lettre ? N'y a-til pas une forme à respecter pour le recouvrement de créances ?

17. Le vendredi 11 février 2005 à 22:17 par Kate

Ben, mince, faudra se recycler; si les huissiers donnent dans la plume, ne nous restera que le prétoire?

18. Le mercredi 16 février 2005 à 15:53 par PrincessH

C'est vrai que ça sent un peu son Google traductor....
J'ai le souvenir d'avoir acheté un "pot à pique-nique chaud", alias une boite thermos pour stocker des aliments, et le mode d'emploi précisait que "Les restes de nourriture vieille étaient préjudiciables à la nourriture neuve" et qu'il fallait "nettoyer le pot à pique-nique chaud avec un haillon humide"...

Sinon, une hypothèse me traverse l'esprit. Peut-être que la lettre de l'huissier était un pastiche du langage employé par le débiteur... Il m'est arrivé lors d'un dialogue de sourds qui m'exaspérait, de reprendre tous mes arguments en pastichant le mode d'expression de l'autre partie, dans l'espoir que si je parlais cette même langue absurde et décousue, j'arriverais à me faire mieux comprendre qu'avec une réthorique soignée.
Ça a au moins eu le mérite de lui couper le sifflet, d'ailleurs.

19. Le mercredi 22 juin 2005 à 21:08 par Jonquille

Excellent ! Comme le dit PrincessH, je pense également que l'huissier à du prendre le mode d'élocution de l'autre partie, c'est pas possible autrement.. à moins qu'il ai été sous l'emprise de stupéfiant au moment de rédiger sa lettre ! Quoiqu'il en soit, ça m'a bien fait rire.

20. Le dimanche 10 juillet 2005 à 19:35 par Vittorio

Cher tous....

Ce texte est probablement parvenu en les mains et sous les yeux de notre avocat......sans doute....!

En tous cas ,ce n'est pas un texte écrit par un huissier....ils sont en sffet tenus à des formules ,archaiques..certes,mais obligatoires....!!!

Ce texte est un bel exemple de la langue de bois.....mais absolument pas d'un texte juridique....!!!
Meme si les huissiers ne sont pas à classer dans la catégorie des littéraires cultivés....!!!!

A+........

Vittoro...!!!!


Dans ce cadre, l'huissier agit comme mandataire, pas comme officier ministériel. Il n'est tenu à aucune formule aussi archaïque soit-elle. J'ai vu l'original de ce courrier, il est bien authentique.

Eolas

21. Le vendredi 27 janvier 2006 à 22:08 par Sagittarius

Savoureux ! Et les observations de PrincessH.
Je ne boude pas mon plaisir.

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