Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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"Pas de droit, pas de chocolat !", ou : l'affaire Milka.fr

Les médias et l'internet se sont fait l'écho en mars dernier du procès intenté par la société suisse Kraft Foods, produisant un chocolat célèbre, contre Madame Milka B., couturière dans la riante bourgade de Bourg Lès Valence dans la Drôme, du fait que cette dernière avait acquis en 2000 le nom de domaine milka.fr et en avait fait une page d'information sur son commerce.

L'affaire a intéressé les médias du fait de l'opposition entre la multinationale au nom délicieusement étranger Kraft Foods Schweiz Holding AG et la pauvre petite couturière de 58 ans. Un grand élan de sympathie est né sur l'internet au profit de cette dernière. Et comme toujours dans ces cas là, l'affectif est passé au premier plan, devant la raison et la simple recherche d'information.

Examinons donc les détails de cette affaire d'un point de vue juridique, grâce à l'indispensable Juriscom.net qui publie in extenso les décisions clef rendues dans le domaine des nouvelles technologies, le jugement étant disponible ici. La réalité est loin de la caricature, et les torts sont très partagés dans cette affaire.

En février 2002, Milka B. a réservé à son nom le nom de domaine Milka.fr, qui donnait sur une page web faisant état des deux boutiques où elle exerçait son art. Cette page est encore visible ici. La société Kraft Foods l'a découvert en avril 2002.

Le 18 juin 2002, la société Kraft Foods S.A. a envoyé un courrier de mise en demeure à Milka B., reprochant à la page web de Milka B. de violer le droit des marques en utilisant la marque dénominative Milka dont Kraft Foods est propriétaire depuis 1901 et les marques figuratives "lilas violet" et mauve (coordonnées chromatiques x=0,264 et y=0,217) lui intimant de cesser l'usage de cette URL sous quinze jours et de transférer ce nom de domaine au profit de Kraft Foods.

Première parenthèse : le droit de la propriété industrielle, pour simplifier, protège celui qui dépose auprès de l'Institut National de la Propriété Intellectuelle une marque, (ou un brevet, un dessin ou un modèle) en lui attribuant un monopole de l'usage de cette marque dans le domaine économique dans laquelle cette marque est déposée. Tout personne qui utiliserait cette même marque dans un domaine d'activité similaire peut être contraint en justice à abandonner cette utilisation.

Milka B. a refusé de déférer à cette demande. Il y a eu une phase de négociations durant un an, dont on peut apprendre via un communiqué de Milka B. que la société Kraft Foods a proposé à celle-ci de ne réclamer aucune somme, de prendre en charge les frais liés au dépôt et à l'administration du site « milka.fr » de sa création jusqu'à aujourd'hui et de prendre à sa charge le dépôt du nom de domaine « milkacouture.fr ».

Milka B. a refusé cette proposition et Kraft Foods a fini par saisir le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de Milka B. à cesser d'utiliser sur sa page web la marque "milka" ainsi que la couleur mauve qui servait de fond. Notons que Kraft Foods ne demandait absolument pas à ce que la boutique "Milka Couture" changeât d'enseigne. Seul le nom de domaine "Milka.fr" les intéressait.

Deuxième parenthèse, sur la phase pré-judiciaire : cette affaire était déjà fort mal engagée. Si on peut reprocher à Kraft Foods le ton un peu trop comminatoire de sa mise en demeure (ce qui n'échappera pas au tribunal, comme nous allons le voir), Milka B. a fait preuve d'un entêtement difficilement compréhensible. La proposition transactionnelle de Kraft Foods était vraiment raisonnable, surtout dans la position de Milka B. qui juridiquement n'était pas très solide.

Le tribunal de Nanterre est donc saisi.

Pourquoi Nanterre, quand Kraft Foods est basée à Zurich et Milka B. à Bourg Lès Valence (tribunal de grande instance de Valence, cour d'appel de Grenoble) ?

Parce qu'une page web étant accessible partout en France, on peut saisir n'importe quel tribunal à condition de prouver que cette page était visible depuis le ressort de cette juridiction. C'est ce qu'a fait Kraft Foods, par constat d'huissier à Boulogne Billancourt les 7 mai et 18 juillet 2003. Et en matière tant de presse que de propriété intellectuelle, Nanterre est réputé attribuer des indemnités plus importantes qu'à Paris (c'est ce qu'on appelle la concurrence libre et non faussée des juridictions).

L'argumentation de Kraft Foods, telle qu'elle ressort du jugement, est la suivante : elle est propriétaire de deux marques, la marque nominative "Milka" et la couleur mauve-Lila, qui est une marque figurative. Ce point n'est d'ailleurs pas contesté.

La protection d'une marque ne vaut en principe que pour son domaine d'activité (la confiserie, en l'occurence). Le simple fait d'être titulaire d'une marque n'est pas en soi suffisant pour interdire à quiconque son utilisation dans des activités sans rapport avec le premier dépôt. Ainsi, si l'INPI recense 22 marques "Embruns", le blog éponyme ne risque pas de subir un procès en contrefaçon (soupir désolé...).

L'action de Milka se heurtait donc à un premier obstacle : Milka B. exerçait ses talents dans le domaine de la couture à Bourg-Lès-Valence, ce qui est fort distinct de la confiserie industrielle à Zurich, admettons le.

Ce point n'a pas échappé à Kraft Foods : ils vont donc invoquer l'article L.713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), qui dispose :

L'emploi d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s'il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à l'emploi d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée.

Ladite convention étant la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883.

Ainsi, Kraft Foods affirme être juridiquement fondée à interdire l'usage par Milka B. de la marque Milka du fait qu'il s'agit d'une marque notoire ; et que Milka B. commettrait une faute en utilisant ce nom, cette couleur, et en l'exploitant en incluant sur son site des liens publicitaires sachant que ce faisant, elle parasite une marque protégée, ce qu'elle ne peut ignorer.

Les arguments de Milka B. sont les suivants : En défense, elle soulève que la marque "Milka" ne serait pas notoire au sens de l'article L.713-5 du CPI (on va dire que c'est audacieux), qu'elle exerce son activité sous le nom de Milka Couture depuis 14 ans, du fait que Milka est son prénom, et qu'elle a réservé le nom de domaine milka.fr en 2002 du fait de son enseigne ; que son activité ne saurait être confondue avec celle de Kraft Foods et ne lui porte aucun préjudice, et que Kraft Foods a commis une négligence en en réservant pas le nom de domaine Milka.fr plus tôt. La meilleure défense étant l'attaque, elle présente à son tour des demandes contre Kraft Foods : 15000 euros pour les ennuis de santé que cette procédure lui aurait causés ; 25000 euros pour l'atteinte à son droit sur son prénom Milka ; 25000 euros pour le dénigrement de son prénom, tatoué sur un vache (sans commentaire) ; 25000 euros pour le préjudice subi par Milka B. par l'exploitation commerciale de son prénom qui est ainsi dénigré (sans commentaire).

La décision du tribunal de grande instance de Nanterre est la suivante :

Après avoir constaté que les marques Milka et la couleur mauve qui lui est associée ne sont pas contestées, il recadre d'entrée de jeu le débat :

En faisant abstraction de la polémique qui s'est développée entre les parties par média interposés, le présent litige doit être ramené à ce qu'il est, c'est à dire la question de savoir si le titulaire d'une marque déposée peut interdire à un tiers la réservation et l'usage du même signe à titre de nom de domaine sur internet.

1. Milka B. utilise le nom de domaine Milka ; peu importe l'extension .fr qui n'est qu'une partie nécessaire du nom de domaine ;

2. Son activité est totalement différente de celle de Kraft Foods, mais la notoriété de la marque Milka n'est pas sérieusement contestable ; Kraft Foods peut donc invoquer l'article 713-5 du CPI ;

3. Toutefois, la simple réservation du nom de domaine ne suffit pas à caractériser le préjudice subi par Kraft Foods : encore faut-il que cette réservation, cet usage de la marque soit de nature à causer un préjudice à Kraft Foods, ou constitue un emploi injustifié ;

4. En l'espèce, le seul fait que la défenderesse s'appelle Milka, sil elle a le droit d'user paisiblement de son prénom (Kraft Foods ne peut exiger qu'elle en change), ne lui donne aucun droit à son usage dans le domaine commercial devant lequel Kraft Foods devrait céder, pas plus que le fait qu'elle exploite l'enseigne "Milka Couture", faute de dépôt à l'INPI d'une de ces marques ; notons que si ces marques avaient été déposées, c'est un autre contentieux qui aurait pu s'élever sur l'antériorité de la marque, mais passons ;

5. De même, le fait qu'un nom de domaine soit disponible ne donne pas au premier qui l'enregistre un droit définitif à son usage, pas plus que le fait pour Kraft Foods d'être titulaire de la marque "Milka" ne lui donne un droit sur tous les noms de domaine "Milka.*" ;

6. Mais, et c'est là que le tribunal fait pencher sa balance du côté de Kraft Foods, le fait que cette société soit titulaire de cette marque l'autorise à s'opposer à l'usage de ce nom par Milka B., car cet usage par Milka B. n'est pas justifié par un droit (cf. §4), et est de nature à banaliser la marque Milka et affaiblir son pouvoir distinctif, ce que le droit de la propriété industrielle tend précisément à protéger ;

7. La couleur initialement choisie, dont le tribunal dit qu'il ne saura jamais quelle était la nuance exacte faute d'analyse chromatique mais que peu importe que ce soit le mauve produit par Kraft Foods par des impressions de capture d'écran ou un rose fuschia comme le prétend la défenderesse : cette couleur fait penser à la marque déposée de Milka. Là, je lance un défi à mes lecteurs : faisons mieux que la justice de Nanterre : rendez vous sur la page témoin située ici, et laissez en commentaire les coordonnées chromatiques de cette couleur.

8. Il n'est pas établi que l'usage de cette couleur associée au nom de domaine Milka.fr soit intentionnel de la part de Milka B., mais peu importe, cet usage cause un préjudice à Kraft Foods, qui engage des dépenses considérables en communication pour que cette nom et cette couleur soit associé à son chocolat. Les conditions d'applications de l'article L.713-5 du CPI sont donc réunies, il y a lieu d'interdire à Milka B. l'usage de ce com de domaine.

9. Maintenant que le principe de la décision est acquis, le tribunal en détaille les modalités : pour mettre fin à ce préjudice, le tribunal ordonne le transfert de ce nom de domaine à Kraft Foods, sans frais pour elle, ce qui constituera en soi la réparation à laquelle Kraft Foods peut prétendre. En effet, la preuve que le comportement de Milka B. dans cette affaire était fautif n'est pas rapporté : sa résistance initiale est excusable en raison de son ignorance du droit des marques (preuve que "nul n'est censé ignorer la loi" ne veut pas dire que tout le monde est censé la connaître), et des termes très comminatoires de la mise en demeure ; autrement dit, la lettre de mise en demeure était tellement agressive que Milka B. est excusable de ne pas avoir voulu céder. La diplomatie est effectivement un art qui doit être cultivé par les avocats...

10. Le fait que Milka B. a utilisé cette affaire à des fins de publicité n'est pas non plus fautif, cet usage étant dû non à l'usage du nom Milka mais à l'intérêt que les médias ont porté à cette affaire ; de même, les propos virulents, encore lisibles sur le site consacré à cette affaire, se justifient par le litige existant entre la société Kraft Foods et Madame B.

11. Sur les demandes de Milka B., elles sont écartées très rapidement, le rapport entre les ennuis de santé de Madame B. et cette affaire n'étant pas établi, les autres demandes étant dépourvues de tout sérieux (Milka vient de la contraction des mots allemands lait et cacao, et existait déjà avant la naissance de Madame B. ; son usage y compris associé à une vache, fut-elle mauve, n'est pas de nature à causer un préjudice à Milka B.).

12. Le tribunal met les dépens du procès à la charge de Milka B., qui est la partie perdante (on dit qu'elle "succombe", tandis que Kraft Foods "triomphe" à l'action : le vocabulaire judiciaire est parfois plein d'emphase), ce qui est normal et conforme à l'article 695 du nouveau Code de procédure civile ; en revanche, le tribunal ne la condamne pas à prendre en charge les frais irrépétibles (d'avocat principalement, c'est l'article 700 du nouveau Code de procédure civile) de Kraft Foods, fût-ce en partie, eu égard à la situation respective des parties, comprendre leur situation financière. Les dépens incluent les frais d'huissier (l'assignation, mais pas les constats d'huissier qui ne relèvent pas des émoluments mais des honoraires, et donc de l'article 700), les émoluments de l'avocat au titre de la représentation obligatoire en justice (150 à 200 euros ici vu l'enjeu, je pense), et les frais de signification et d'enrôlement, de l'ordre de 20 euros par partie, je pense (c'est du pifomètre, je l'avoue).

Le Tribunal, en conclusion, conclusion annoncée par la formule "par ces motifs", condamne Milka B. à transférer à ses frais à Kraft Foods le domaine Milka.fr, ce sous un mois, à peine d'une indemnité de 150 euros par jour de retard qui serait versée à Kraft Foods, et ordonne l'exécution provisoire, c'est à dire que l'éventuel appel de ce jugement n'aura, par exception, pas d'effet suspensif. A ma connaissance, il n'y a pas eu d'appel de cette décision.

Il s'agit donc d'une décision conforme au droit des marques, dont on peut regretter qu'elle ait dû être prononcée, ce genre de litige étant absurde et dérisoire, et devant idéalement se résoudre par la négociation. Que d'efforts, de temps et d'argent engagés pour un simple nom de domaine... Mais la défenderesse est largement responsable de son malheur, s'étant obstinée à résister coûte que coûte (je vous renvoie à ses arguments en défense sur le préjudice qu'elle subirait à voir son prénom tatouré sur une vache mauve...) à une demande juridiquement fondée; alors qu'une offre amiable très raisonnable lui avait été faite.

En conclusion, inutile de boycotter cette célèbre marque de chocolat au lait, et si vous vous appelez Mac Donald's Dupont et exploitez un garage, un conseil : ne prenez pas un nom de domaine internet reposant sur votre seul prénom.

La discussion continue ailleurs

1. Le mardi 28 juin 2005, 16:01 par Olivier _Carmine_ G.

Nul n'est censé ignorer la loi

Intéressante phrase dans le dernier billet d'Eolas : preuve 'que nul n'est censé ignorer la loi' ne veut pas dire que tout le monde est censé la connaître. J'avais toujours envisagé cette maxime (nul n'est censé ignorer la loi) comme une injonction...

2. Le dimanche 10 juillet 2005, 13:11 par L©S ßlog - CyberSDF

Kraft Foods a gagné milka.fr

Pour obtenir un nom de domaine en .fr (et c'était pareil en 2002 date de l'enregistrement du nom de domaine) il faut être identifié sur les bases de données en lignes des Greffes, de l'INPI ou de l'INSEE. De plus les critères d'optentions sont...

3. Le dimanche 11 septembre 2005, 22:54 par le blog de groupe Reflect

Milka.fr, le retour (?)

Mon penchant pour les considérations juridiques autour du net et de la propriété intellectuelle m'avait amené en mars dernier à commenter la (fameuse) décision du tribunal de Nanterre de condamner Milka B., couturière de Bourg Lès Valence, pour...

4. Le lundi 5 décembre 2005, 10:11 par Empyrée

Honoraires d’avocat

Vous pouvez être innocent et payer. Ça ne me parait pas normal que le client paye dans ces cas. Les honoraires de l’avocat devraient être pris en charge (par la Justice ?).

Commentaires

1. Le mardi 28 juin 2005 à 12:59 par Marc

Tout d'abord je ne trouve pas que la couleur de l'ancien site de Milka B fasse penser à celle du chocolat "célèbre". Voilà pour le sondage.

Je suis agréablement surpris que le tribunal ait fait preuve de modération dans sa décision, n'accablant pas un artisan par des dettes à l'échelle des sommes que son adversaire a probablement réclamé.

Je trouve particulièrement répugnant les méthodes employées par les avocats de cette société. Lettre de mise en demeure virulente poussant ainsi l'intéressée à refuser la négociation, choix d'une juridiction réputée pour les larges réparations qu'elle accorde...

Bien que difficilement prouvable, par expérience, je peux affirmer qu'un non professionnel du droit, même solide moralement, peut connaître un stress important suite à une procédure judiciaire, avec des conséquences non négligeables sur sa santé.
Les problèmes qu'évoque Milka B ne m'étonnent donc pas, et me laisse imaginer la dureté de la confrontation.

Tout celà pour dire quoi?
Je suis d'accord avec vous sur la justesse de la démarche du fabriquant de chocolat, de même que sur la décision du tribunal et ses rendus.

Par contre, la démarche dans sa forme me paraît discutable d'un point de vue moral, point de vue qui n'a pas sa place dans un prétoire. C'est pourquoi, pendant quelques temps au moins, je vais éviter certaines marques de chocolat.

Amitiés,

Marc


Détrompez vous : les dommages intérêts pharamineux que demandait Kraft Foods étaient de 3500 euros outre 3000 d'article 700. Milka B. en demandait 90.000 euros plus 10.000 d'article 700, soit 100.000 euros en tout.

Eolas

2. Le mardi 28 juin 2005 à 13:06 par Cobab

Franchement, si on dépose les couleurs, il va y avoir du piratage…

3. Le mardi 28 juin 2005 à 13:12 par bambino

Merci eolas de faire toute la lumière sur cette affaire que n'importe qui, faute d'informations, pourrait considerer comme la world compagnie vs les braves gens.

j'ai l'impression que certaines demandes de madama milka b tendent à prouver qu'elle a confondu la Kraft Foods Schweiz Holding AG avec l'animal qui lui sert de mascotte, une bonne grosse vache à lait.

toutefois, voici ce qui me laisse perplexe:
"le fait que cette société soit titulaire de cette marque l'autorise à s'opposer à l'usage de ce nom par Milka B., car cet usage par Milka B. n'est pas justifié par un droit".

Si cette dame a envie de faire un site porant comme nom de domaine son prénom, c'est tout a fait son droit le plus élémentaire non ?

Enfin en attente d'un litige opposant un fournisseur d'acces internet a une jeune fille qui tient un blog avec pour nom de domaine son prénom.


Non, ce n'est pas son droit : c'est sa liberté. Le problème ici est que le prénom litigieux est aussi une marque notoire. Si quelqu'un s'appelant Paul avait déposé Paul.fr, je ne suis pas sûr que la boulangerie éponyme aurait récupéré le nom de domaine. Si quelqu'un appelle son fils Microsoft, ce sera différent. Mais le prénom n'est pas protégé ; une marque, si.

Eolas

4. Le mardi 28 juin 2005 à 13:51 par all

Inexcusable MME Milka ; c'est écrit sur la page de l'AFNIC www.afnic.fr/guide/introd... :
« Attention ! Avant de déposer votre nom de domaine, il faut s'assurer que celui-ci ne correspond pas à une marque.Il n'y aura pas de vérification par l'organisme d'enregistrement ! »

Et un lien publicitaire sur la page milka.fr conduisait vers une certain www.food.fr (pizzaïole) :
«[...] le site «milka.fr» redirige automatiquement l’internaute vers un autre site (www.food.fr) qui propose indirectement la vente, sur Valence, dans la ville où est située Mme Budimir, de produits (pizzas notamment), ainsi que vers un restaurant situé également sur Valence. Cette confusion entre le nom de site et son contenu (couture, pizza, restaurant) illustre parfaitement le problème auquel notre société [Kraft Foods NDR] est confrontée. »

5. Le mardi 28 juin 2005 à 14:20 par Gluon

C'est vrai que j'ai beaucoup de mal à faire la différence entre une pizza et une tablette de chocolat! Je comprends tout à fait qu'on puisse intimer à madame Milka de modifier la charte graphique de son site afin qu'il ne prête plus à confusion mais pourquoi la déposséder du nom de domaine qu'elle avait légalement acheté ? D'autant plus que la société utilise milka.fr uniquement comme redirecteur vers sont site, elle n'a pas besoin de ce nom mais souhaite juste empêcher son utilisation,ça me paraît un peu douteux comme façon de faire.
Quant à l'entêtement incompréhensible, personnellement je comprends très bien le fait de ne pas accepter d'être forcé de vendre quelque chose que j'ai payé et que j'utilise.

6. Le mardi 28 juin 2005 à 14:49 par tmu

suivant le code html la couleur (RVB) de :
#FF99FF Madame milka

#827AB5 milka la vache

ce n'est pas vraiment la même chose !

7. Le mardi 28 juin 2005 à 14:59 par Cobab

tiens, une question me vient qui rejoint maitre.eolas.free.fr/jour... (désolé pour la forme du lien, depuis Spip mon Html a rejoint mon latin).

Est-on responsable des liens sur son site, et de ce qui s'y trouve ? Cette histoire du www.f**d.fr semble le dire ; mais ça ne me semble guère justifiable.

Libé indique en bas de ses pubs (que je ne vois pas, bien sûr) : « Libération ne peut être tenu responsable du contenu de ces liens. »

qui a raison ? et quid du rss ?

8. Le mardi 28 juin 2005 à 15:24 par all

C'est que Kraft food a pas été vache sur cette affaire :
www.kraftfoods.fr/kraft/p...

et madame Milka a voulu jouer à Saint-Sébastien criblé de flèches devant les caméras de la télé, qui aiment bien ça.

9. Le mardi 28 juin 2005 à 15:43 par djehuti

> Mais la défenderesse est largement responsable de son malheur, s'étant obstinée à résister coûte que coûte (je vous renvoie à ses arguments en défense sur le préjudice qu'elle subirait à voir son prénom tatouré sur une vache mauve...) à une demande juridiquement fondée; alors qu'une offre amiable très raisonnable lui avait été faite.

voilà... et son fils est (grandement) responsable de ce fiasco, il me semble

les médias qui se sont emparés de l'histoire ont une fois de plus voulu émouvoir la ménagère de moins de 50 ans, sans vraiment se renseigner sur l'aspect strictement juridique

comme vous l'avez indiqué, la passion a pris le pas sur la raison (ce qui devrait tous nous inciter à rester vigilants et prudents vis à vis de la "manipulation" (amha, en forte hausse) par les médias, de l'information (en particulier, la télévision)

merci pour ce billet pédagogique
(serait il possible d'avoir un petit lexique récapitulant les "termes jurudiques" utilisés au fil de ces billets ? :-) )

10. Le mardi 28 juin 2005 à 15:45 par Guignolito

Sur le point 11 : objection votre honneur !

Milka est un prénom très ancien, déjà défini dans le 1er livre de la Bible, la Génèse (occurences dans 7 chapitres différents). Voyez par exemple la jurisprudence suivante : Gn 11:29 :

Abram et Nahor se marièrent : la femme d'Abram s'appelait Saraï; la femme de Nahor s'appelait Milka, fille de Harân, qui était le père de Milka et de Yiska.

Que ce saint prénom soit prétendûment la contraction de "Milch" et "Kakao", et qu'il soit tatoué sans vergogne sur une vache maladive et anorexique, voilà qui est furieux !

11. Le mardi 28 juin 2005 à 16:18 par Merlin

Ceci est un cas typique où la télévision (en particulier l'émission "Sans aucun doute") aurait monté l'affaire en la pauvre vieille couturière qui souffre le martyr à cause de la vilaine société Kraft. Ils auraient enquiquiné Kraft jusqu'à ce qu'ils cèdent et lui rachètent le nom de domaine pour un montant élevé et lui paient un montant pour "ses ennuis de santé".

Si seulement ces émissions nous donnaient un peu plus souvent tous les éléments de ces affaires et pas seulement le côté émotionnel.

Quant au dépôt de la couleur, comme pour une autre marque, l'utilisation du mauve ne pose aucun problème. C'est juste le fait d'utiliser des emballages mauves pour du chocolat qui est ainsi restreint.
Peugeot a bien déposé tous les nombres à 3 chiffres avec un 0 au milieu. Ca n'a jamais posé problème à ma connaissance. Ca évite juste que Renault ne sorte une 307...

12. Le mardi 28 juin 2005 à 16:27 par Olivier

Ça me rappelle mon propre litige avec l'Institut Pasteur. C'était en 2000, le service juridique de l'Institut Pasteur exigeait que je leur rétrocède le nom de domaine 'pasteur.net', mais l'affaire, qui avait provoqué quelques remous à l'époque, s'est heureusement terminée à l'amiable par la signature d'un protocole d’accord transactionnel ( php.pasteur.net/modules.p... ).

Le communiqué de presse commun publié à l'époque était significatif d'un certain état d'esprit:

« Conscients de leur bonne foi réciproque et soucieux des intérêts des utilisateurs de leurs sites respectifs, M. Olivier Pasteur et l'Institut Pasteur sont convenus des dispositions suivantes :
1) M. Olivier Pasteur conserve le nom de domaine pasteur.net pour son site La Galaxie des Pasteur consacré à la généalogie des familles Pasteur dans le monde.
2) Afin d'éviter toute confusion et de faciliter l'accès rapide aux sites de l'Institut Pasteur, la page d'accueil du site de M. Olivier Pasteur (www.pasteur.net) portera la mention suivante : Ce site n'est pas celui de l'Institut Pasteur. Pour consulter celui-ci, allez sur www.pasteur.fr.»

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une jurisprudence à proprement parler, cette affaire est parfois citée comme modèle de règlement à l'amiable dans un conflit de nom de domaine :-)

13. Le mardi 28 juin 2005 à 16:44 par Frédéric

Excellent billet (comme d'habitude).

Je ne suis pas d'accord sur le fait que "ce genre de litige [soit] absurde et dérisoire" : Kraft est titulaire d'un droit, a tenté de le faire réspecter par voie amiable (ce qui n'était pas impératif ; la société aurait très bien pu agir d'emblée en référé), s'est heurté à un refus et a donc été amené à engager une action judiciaire.

J'ai entendu dire que Milka B. avait fait appel.

14. Le mardi 28 juin 2005 à 17:36 par Denys

Ceci dit, ne nous laissons pas abuser par l'association pavlovienne entre Suisse et chocolat, et rendons à Suchard ce qui appartient à César : même si sa filiale européenne a élu domicile en Suisse, Kraft Foods est bel et bien une entreprise américaine, et mérite un petit lien,
www.kraft.com/profile/ind...
ne serait-ce que pour l'inénarrable bouille de son Chief Executive Officer.

15. Le mardi 28 juin 2005 à 18:09 par forgeron

Il n'y a pas si longtemps, vous arguiiez que les blogueurs devaient s'en prendre a leur propre frilosite et ignorance si ils preferaient mettre hors ligne un billet plutot que de lutter contre une injonction... Et la vous prechez l'inverse! Faudrait savoir! :-)
(oui, je suis un peu de mauvaise foi)

vous dites donc que milkacouture.fr n'aurait pas ete condamnable?


Non, d'autant plus qu'en l'espèce, c'est Milka qui proposait d'offrir ce nom de domaine à ses frais à Milka B.

Eolas

16. Le mardi 28 juin 2005 à 18:26 par felixnemrod

@ Me Eolas,
"le prénom n'est pas protégé ; une marque, si."
Je ne suis pas complètement d'accord avec cette analyse, que je trouve trop rapide: il me semble qu'un prénom peut bien être protégé par les principes généraux du droit civil et de la personnalité, notamment lorsque sa déformation par exemple permet de "cibler" quelqu'un de précis, de le ridiculiser...
Par contre, le prénom ne fait pas l'objet d'un droit privatif, c'est-à-dire qui empêche tout un chacun de l'utiliser à sa guise. Une marque si, et c'est là toute son utilité (la seule???).
Merci pour votre site,
FéliX

17. Le mardi 28 juin 2005 à 21:18 par guerby

Un grand merci pour ce billet, j'avais raté dans ma lecture de la section droit des marques du CPI le L.713-5, et je me demandais d'ou provenait toutes ces affaires sur les marques dans des domaines économiques très différents.

Une affaire sur le même sujet est toujours en cours en Allemagne sur Mobilix vs Obélix tuxmobil.org/mobilix_aste... qui a bien sur ému les pinguoins de ce monde :) et n'est toujours pas terminée.

Enfin il y a toute une série d'affaire pour des gens qui déposent "cettemarque-sucks.com" pour critiquer une multinationale et qui se retrouvent condamnés pour violation du droit des marques (et qui doivent rendre le domaine a "cettemarque"...), je n'ai pas lu le détail des jugements mais la ça fait froid dans le dos sur la liberté d'expression : comment cet usage - pour les cas qui ne peuvent preter en confusion, c'est a dire ceux qui affichent clairement leur protestation et ne jouent pas sur une faute de frappe - peut-il être jugé sur des bases de la PI et non sur celles de la liberté d'expression, mystère.

Laurent

18. Le mardi 28 juin 2005 à 21:47 par Fred

supposons qu'à l'époque où la brave couturière dépose son nom de domaine la marque Milka soit en fait totalement inconnue.

Entre temps, suite à des campagnes audacieuses de publicité et des innovations commerciales qui suscitent l'admiration du monde entier cette marque accède à une notoriété genre Nike.

Serai t'il alors possible pour elle d'invoquer rétroactivement l'article L.713-5 et d'aller tourmenter certains artisans locaux?

Fred


Article L.713-6 du CPI : L'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme :
a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ;(...)

Eolas

19. Le mardi 28 juin 2005 à 23:33 par jpgaulier

Je confirme le commentaire plus haut. La page témoin indique les couleurs suivantes :

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magenta : 40%
jaune : 0%
noir : 0%

Code hexadécimal :
#FF99FF

Pour ce qui est des couleurs de Milka (la marque de chocolat) :
Valeur des pixels :
rouge : 130
vert : 122
bleu : 281


RGB :
rouge : 100%
vert : 60%
bleu : 100%

TSV
teinte : 248°
saturation : 33%
valeur : 71%

CMJN :
cyan : 28%
magenta : 33%
jaune : 0%
noir : 29%

Code hexadécimal :
#827AB5

Donc en effet, la couleur, il n'y a pas besoin d'être un expert en chromatographie pour bien voir la différence...

20. Le mercredi 29 juin 2005 à 08:02 par Blaise

Je traduis le commentaire precedent.
Le plus facile a comparer pour l'oeil, c'est la distance TSV.
Site temoin:
teinte : 300°
saturation : 40%
valeur : 100%

Milka:
TSV
teinte : 248°
saturation : 33%
valeur : 71%

Valeur: il s'agit de savoir si une couleur est plus ou moins lumineuse (100%, tres lumineuse, 0%: noire)
entre 70% et 100%, c'est quasiment pareil, en terme de perception. C'est comme entre gris clair et blanc.

Saturation: quantifie su une couleur est vive ou terne (0%: gris, 100% tres vif). Pareil 33% contre 40%: c'est pour ainsi dire la meme chose

Teinte: la couleur proprement dite, representee sur un cercle, avec une couleur primaire tout les 120 degres, et une couleur secondaire intercalee entre chaque. la il y a quasiment 60 degres d'ecart entre les deux. Autant qu'entre le vert et le jaune (ou le vert et le bleu).
Moi, je dirai que c'est une couleur different, au vu des valeurs citees


Et quid des coordonnées chromatiques ?

Eolas

21. Le mercredi 29 juin 2005 à 13:36 par Fabrice

Qui peut croire un seul instant que le fils de Milka, webmaster, n'a absolument pas pensé à la marque éponyme lorsqu'il a créé le site de sa mère (nom et couleur) ? A moins d'habiter sur une autre planète, quel français associe le nom Milka à une personne plutôt qu'à une tablette de chocolat ? Et que dire de la couleur retenue, proche du violet de Kraft Foods... Cette histoire ne m'a pas ému un seul moment : la malice de Milka et de son fils est patente, pour moi. Un peu de jugeotte aurait du retenir leur création. Ah, le mythe du pot de terre contre le pot de fer a la vie dure, surtout sur le net.


Deux hypothèses sont possibles : ou le fils a cru que c'était la règle du prix de la course, c'est à dire premier arrivé premier servi, et que Kraft Foods n'aurait rien à dire, ou il y a eu volonté de cyber-squattage, c'est à dire rétrocéder le nom de domaine pour un prix important. La première me parait plus crédible. Et sans doute Kraft Foods a-t-il craint d'avoir affaire à la deuxième catégorie, d'où une lettre comminatoire pour montrer qu'ils ne plaisantent pas et ne cèderont pas à des demandes abusives.

Eolas

22. Le mercredi 29 juin 2005 à 14:53 par Cobab

« quel français associe le nom Milka à une personne plutôt qu'à une tablette de chocolat »

euh… ceux dont la mère s'appelle ainsi ?

23. Le mercredi 29 juin 2005 à 15:54 par Fabrice

Ou toute autre personne qui connaîtrait une Milka très avenante, à croquer en somme...

24. Le mercredi 29 juin 2005 à 23:57 par Laurent

Je m'interroge sur le sens du "soupir désolé"...

25. Le jeudi 30 juin 2005 à 12:40 par alex on lune

Ce n'est pas pour pinailler mais le jugement se trompe lorsqu'il use du concept de marque notoire. Milka n'est pas une marque notoire mais une marque jouissant d'une rénommée. Ce qui justifie l'application de L714-5 alinéa 1 (employer le terme marque jouissant de rénommée) et non son alinéa 2 (sur la marque notoire). Une marque notoire est en effet une marque célèbre mais non déposée, or Milka est bien une marque déposée. Le problème de marque rénommée et de marque notoire sont très très différents. Pour la 1ère, une marque célèbre est protégée même si elle n'est pas déposée. Pour la 2nde, c'est une marque déposée mais recherchant à s'opposer à l'usage du vocable par un tiers, et c'est le problème qui nous intéresse.

Cette remise en ordre ayant été faite, je me demande si la solution eût été différente s'il s'était agi d'un patronyme. Rebaptisons-là donc Béatrice Milka. L714-5 exige pour son application soit un préjudice réel ou éventuel causé au propriétaire de la marque soit que l'emploi litigieux constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Le 1er cas attire plus particulièrement notre attention, et la jurisprudence nous fournit des ex, tantôt le seul fait d'un tiers de déposer une marque rénommée est interdit, tantôt la jurisprudence se concentre sur des faits plus graves, où le préjudice est mieux caractérisé, comme un site noircissant l'image de la marque, ou le risque de confusion invoqué (le site a la même activité économique le titulaire de la marque). Dans "l'affaire" Milka, il n'y avait rien de cela. S'il s'était agi d'un patronyme, je pense que la même solution ne s'imposait pas avec la même légitimité. Ca aurait été droit absolu (et même droit fondamental) contre autre droit absolu, droit au patronyme contre droit de propriété... La même solution transposée à cette espèce pourrait mieux justifier les critiques adressées.


Ce n'est pas pour pinailler, mais vous voulez sans doute parler de l'article L.713-5 et non 714-5, et le terme de nom patronymique a disparu depuis 2002 au profit du terme nom de famille.

Eolas

26. Le jeudi 30 juin 2005 à 13:54 par alex on lune

ça ne change rien à l'analyse ;-)


Absolument. Ca n'en est que plus beau.

Eolas

27. Le jeudi 30 juin 2005 à 14:00 par alex on lune

d'autant plus que le code de la propriété intellectuelle ne parle que de nom patronyme, la loi du 4 mars 2002 n'a pas d'incidence sur l'analyse en droit des marques .-)


Tut, tut, tut. Et l'abrogation tacite par une loi postérieure, alors ?

Eolas

28. Le jeudi 30 juin 2005 à 15:15 par alex on lune

Alors la Cour de cassation elle-même ne connait pas bien cette règle qu'on enseigne en première année de droit, au regard du nombre d'arrêts utilisant le terme patronyme !


Sans vouloir manquer de respect à la Haute Juridiction, vous savez combien de temps s'est écoulé depuis que les Conseillers à la Cour de cassation étaient en première année de droit ?

Eolas

29. Le jeudi 30 juin 2005 à 20:12 par Blaise

Ha, on me provoque, cher maitre :-)

Les coordonnees chromatioques des couleurs cites plus haut sont:

www.univ-reims.fr/Labos/L...
page temoin:
Valeur des pixels :
rouge : 255
vert : 153
bleu : 255
(x, y, z)= (0.316, 0.247, 0.437)

Chocolat:
Valeur des pixels :
rouge : 130
vert : 122
bleu : 281
(x, y, z) = (0.260, 0.203, 0.537)

J'ai meme calcule la distance pour vous faire plaisir: 0.12 (la distance maximal est de 1.73)

30. Le jeudi 30 juin 2005 à 20:27 par Blaise

Laissez tomber le commentaire sur la distance maximale.
Donc, verdict: page temoin (0.316, 0.247), chocolat milka: (0.260, 0.203)
Qu dit la jurisprudence: c'est la meme couleur ou pas?

31. Le vendredi 8 juillet 2005 à 18:30 par zephir

Nous avons eu hier une formation en droit des marques au sein de notre cabinet qui faisait le point notamment sur la gestion des risques.

Nous avons évoqué le cas Milka (r) tant sur le point de la dénomination sociale que sur celui des éléments incorporels du fonds de commerce (cession du nom de domaine concomittament à celle du fonds)

Le point principal qui en est ressorti et que contrairement à la légende que des petits malins avaient déposé des noms de domaine style "marquetresconnu.com", on ne peut pas tout faire en matière de nom de domaine.

Notre formateur nous a également indiqué que ce n'est pas la coututière qui doit être mise en cause ou ses enfants qui lui ont fait de cadeau du nom de domaine mais son conseil qui lui a soutenu qu'elle gagnerait sans problème ce litige.

Moralité de l'histoire: Le droit des marques (et autres droits intellectuels) est un droit compliqué qui doit être suivi par des professionnels spécialisés.

Par ailleurs, j'ai eu à traiter d'une affaire d'opposition en matière de marque dans laquelle j'ai obtenu satisfaction à l'amiable grace à l'antériorité de la dénomination sociale de mon client (société créée dans les années 60 alors que l'opposant a été crée dans les années 80) et ce malgré la recherche d'antériorité pratiquée, la langue de dépôt différente (marque en français et marque en anglais) et les différences de classes entre les deux marques.

Soyez méfiant.


"Notre formateur nous a également indiqué que ce n'est pas la coututière qui doit être mise en cause ou ses enfants qui lui ont fait de cadeau du nom de domaine mais son conseil qui lui a soutenu qu'elle gagnerait sans problème ce litige."


Et qu'est ce qui permettait à votre formateur d'être aussi catégorique sur ce que le conseil de Milka B. lui aurait assuré dans le secret de leur entretien ?

Merci pour ce commentaire, qui met le doigt à raison sur le danger que sont les "urban legends" en matière juridique.

Eolas

32. Le lundi 18 juillet 2005 à 01:50 par Le canard masqué

Assurément, la dame n'a pas fait montre d'une grande ingéniosité pour sa défense, c'est indéniable. Mais ce sont des choses qui arrivent, après tout le monde n'est pas constitué que de jeunes cadres dynamiques, de vieux cadres mous (et réciproquement), ou de jeunes avocats pleins d'avenir ayant fait suffisament d'études pour paraître sympathiques aux yeux des juges, qui en ont fait a peu près autant, si ce n'est plus.

Ce nonobstant (parce que moi non plus je n'ai pas fait beaucoup d'études, et si la chose devait se présenter un jour, je ne pense pas paraître sympathique aux yeux des juges, mais ca ne m'empêche pas d'etre culturisé, et d'en faire a peu près autant étalage que la confiture qui vient malheureusement à manquer, mais je m'égare), il me semble que le point 8 de l'argumentation est assez fallacieux. Après tout, si l'on considère que la dame (ou son sous-traitant en webmasteringe, en l'occurence, mais je digresse encore) a fait usage frauduleux d'une couleur déposée, pourquoi ne pas se limiter à la stricte réparation du préjudice subi (qui a mes yeux reste à démontrer. Indéniablement, le choix de couleur n'est pas un hazard, de la à dire que l'entreprise au nom étranger et par extension impossible à retenir y a perdu des ventes, c'est un peu prendre le taureau par les cornes), et donc lui interdire l'usage de ladite couleur? Pourquoi alors mélanger deux problèmes différents, bien que touchant aux mêmes articles de loi? Ne pas faire la nuance entre les deux est, à mon sens une façon de détourner le problème.

Par ailleurs, il m'apparait bien difficile d'autoriser le dépot d'une couleur en tant que marque déposée. Ou alors il faudrait re-cadrer le débat : un conflit de ce type ne peut avoir de raison d'être qu'entre concurrents évoluant dans le même domaine, et dans ce cadre, déposer une couleur prend uniquement un sens quand il s'agit d'éviter la contrefaçon, ou la copie facon marque discount qui reprend les idées de l'original, les exemples sont nombreux et pour antant il ne me semble pas que des procès de ce type soient vraiment courants.

Ce que je sous entend par tout ca, c'est que je ne vois pas comment expliquer la décision du tribunal autrement que par une bête analyse à la David contre Goliath. En étant un minimum honnete, l'argument qui sert de levier à la démonstration s'écroule. Mais force est de constater que l'honnêteté ne ressort pas de manière flagrante pour aucun des participants à l'affaire. Quoi qu'il en soit, je n'arrive pas à voir en quoi le fait de posséder ou non le nom de domaine milka.fr pour l'entreprise détenteuse de la marque est déterminant pour ses affaires, ce n'est pas une entreprise dont l'activité est centrée sur les nouvelles technologies, et n'a en ce sens pas grand chose à perdre à ce que le nom de domaine lui appartienne ou non. La même remarque s'applique pour la dame dont c'est le prénom, dans la même mesure. Je ne suis pas certain que l'un ou l'autre aient souffert de l'inexistance d'Internet. A une différence près, la dame possédait le nom de domaine. Comment comprendre cette expropriation autrement, alors, que par le pouvoir procuré par l'argent, et le rôle économique bien plus important de la multinationale? Les juges ont l'air d'avoir agi uniquement selon ce critère, sans faire entrer dans la balance le fait que l'un était le propriétaire, et pas l'autre.

Par ailleurs, si je peux me permettre une remarque, vous expliquez le choix du TGI de Nanterre par la clémence présumée des juges, et par les sommes avancées, par comparaison au TGI de Paris. Mais puisque n'importe quelle juridiction francaise est compétente, pourquoi pas le TGI de Toulouse, par exemple? J'ai le sentiment que ce choix n'est pas uniquement financier, mais aussi d'ordre tactique : dans les affaires judiciaires touchant aux nouvelles techologies dont j'ai eu vent, le lieu du tribunal est également important : le TGI de Nanterre est souvent plus favorable aux entreprises qu'aux particuliers (pour une raison d'influence économique, je suppose). Ce n'est qu'une impression, certes, mais les rares cas de victoire d'un particulier dont j'ai eu vent n'ont pas eu lieu dans un tribunal de la région parisienne. Peut-être pourrez vous confirmer ou infirmer cette idée recue?

33. Le vendredi 9 septembre 2005 à 17:01 par milosh

On peut encore voir les différentes versions du site milka.fr sur web.archive.org/web/*/mil... et ainsi constater que le passage du violet/rose au jaune a eu lieu entre les 7 et 9 juin.

Pour ce qui est des problèmes de couleur, il me semblait que le principe était "si monsieur lambda distingue la différence, les couleurs sont différentes", et que donc les codes chromatiques ne sont utilisés que pour donner une quantité appréhendable mais pas utilisable judiciairement.

34. Le jeudi 15 septembre 2005 à 09:37 par kartman

Je suis tout à fait d'accord avec l'avis argumenté de "Le canard masqué". Dommage qu'Eolas ne donne pas son avis dessus...
Le droit francais, certainement avec des centaines, des milliers d'articles, certains vieux et poussiéreux, d'autres récents et peut-être mal corrigés doivent certainement en plus se contredire. Mais chut! La justice est jalouse de ses décisions, est il est difficile, voire dangereux, de contredire un juge.
Alors on pourra toujours faire une démonstration sur cette décision de justice, elle ne me convainc pas.


Je n'ai rien à répondre car ce n'est pas un avis argumenté. C'est une opinion de lege ferenda, non pas en fonction du droit tel qu'il est mais tel qu'il devrait être, dans l'esprit du scripteur.
C'est à dire : on pose le problème, on se demande quelle serait la solution la plus juste en posant que la multinationale se doit d'échouer face à la couturière, et on invente des règles pour aboutir à ce résultat.
La démarche juridique est inverse : les règles sont posées d'abord, et peu importe qu'elles aboutissent à un résultat juste (le droit n'est pas la morale, ce sont deux sciences différentes), ce qui importe est que le résultat soit prévisible.
Quant à vos considérations sur les "centaines de milliers d'articles vieux et poussiéreux" qui se contredisent, elles ne font que révéler que votre connaissance de la matière se borne à des clichés que vous n'avez pas pris la peine de vérifier tant ces idées reçues vous semblent aller de soi. La matière est vaste, mais pas hors de portée de l'entendement humain. Votre conclusion est à la hauteur de tout le reste : si vous ne comprenez pas une décision, c'est donc qu'elle est incompréhensible, et puisque votre incapacité à comprendre ne saurait être retenue comme explication la seule qui reste est que les juges sont des raminagrobis sourcilleux qu'il ne faut surtout pas chercher à comprendre.
Je rêve de vous avoir un jour comme contradicteur à la barre.

Eolas

35. Le jeudi 22 septembre 2005 à 15:59 par fgth

Si ma mémoire est bonne, il existe des tas de marques de "couleur", comme il existe un grand nombre de marques tridimensionnelles. Je pense à la couleur (et marque) Orange ou au jaune Kodak. Il faut bien voir que, hors marques Notoires, le principe de spécialité s'applique en droit des marques, c'est-à-dire que la protection ne vaut que pour certains produits et services déclarés dans le dépôt de la marque, avec une extension aux prodiuots similaires ou associés (chaussures et vêtements par exemple dans certains cas).

La marque Notoire (et non pas la marque de haute renommée si je ne m'abuse - à vérifier) bénéficie d'une protection supplémentaire, à savoir en gros qu'on se moque de savoir si les produits sont similaires ou identiques (essayez de déposer la marque Coca-Cola pour des tracteurs....)

Dans le cas présent, si la marque n'avait pas été jugée Notoire, en applicant le principe de spécialité, c'est-à-dire en disant (enfin le juge) que chjocolat/confiserie n'est pas égal à couture, et bien il n'y aurait pas eu de pb pour cetet chère couturière. Il y a bien plusieurs marques Joker ou mazda non ???

36. Le dimanche 23 octobre 2005 à 02:53 par Paul TOTH

Cette affaire m'intéresse, et je partage l'avis selon lequel "La diplomatie est effectivement un art qui doit être cultivé par les avocats...".

j'en veux pour preuve la mise en demeure que j'ai reçu concernant mon site "MySoft on the Web" :/

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