Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Pan ! Sur le bec !

On n'est jamais mieux poignardé que par ses associés. Ceteris Paribus sous couvert de me passer séné et rhubarbe, m'offre en fait la cigüe à la suite de mon billet précédent.

Son analyse précise certains points et relève des erreurs factuelles qui démontrent que pénaliste et constitutionnaliste sont deux spécialités différentes.

J'ai donc signalé dans le billet d'origine les points erronés et vous en propose une synthèse ici qui ne saurait vous dispenser d'aller lire le billet original.

Par "jurisprudence constante", le président de l'Assemblée nationale use d'un jargon parlementaire désignant les usages non écrits du fonctionnement des assembées. Dont acte.

Le Conseil constitutionnel ne considère pas que le règlement des assemblées a valeur constitutionnelle per se, donc le non respect du règlement n'entacherait pas la loi d'inconstitutionnalité. La précision est importante.

Enfin et surtout, et là je suis impardonnable, je me suis trompé de décision du Conseil constitutionnel car il y en a plusieurs du 26 juillet 1984. Et la décision 84-172 DC est effectivement bien plus pertinente : elle valide le retrait d'une disposition d'un projet de loi par le gouvernement, disposition réintroduite par un amendement parlementaire. Le retrait partiel semble donc conforme à la constitution pour le Conseil constitutionnel.

La suite de l'analyse d'Emmanuel est lumineuse et je vous y renvoie : le signal d'avertissement envoyé par le Conseil constitutionnel peut soit signifier que la jurisprudence de 1984 n'est plus d'actualité au regard des exigences récentes imposées par le Conseil sur la clarté et la sincérité du débat parlementaire[1], soit que le retrait n'est plus possible dès lors que la disposition éjectable a été amendée, c'est à dire que l'article a été fut ce partiellement voté par le parlement, sous peine d'empiètement de l'exécutif sur le législatif.

Il ne fait désormais aucun doute que la loi DADVSI, une fois votée, sera soumise au Conseil constitutionnel, qui tiendra là l'occasion de rendre une décision qui fera un beau sujet de première année de fac digne d'entrer au panthéon des Grandes Décisions du CC.

Promis, je vous la commenterai, mais seulement après avoir fait relire mon billet par Ceteris Paribus.

Notes

[1] Où l'on voit que la jurisprudence "constante" sait évoluer...

La discussion continue ailleurs

1. Le vendredi 10 mars 2006, 21:38 par Basdepage, le blog de Guillaume Lethuillier

Maître Eolas et Ceteris Paribus : une gentille prise de bec ?

Les péripéties du projet de loi sur les droits d'auteurs dans la société de l'information (plus connu sous le nom de DADVSI) ont de quoi donner le mal de l'air ! En effet, le ministre de la Culture a décidé de réintroduire l'article 1er de...

Commentaires

1. Le vendredi 10 mars 2006 à 16:25 par Nemo

Maître Eolas qui faute !

Vous allez perdre de votre superbe ! :D

2. Le vendredi 10 mars 2006 à 16:26 par jules

solum perseverare diabolicum est

Et perdonare divinum.

Eolas

3. Le vendredi 10 mars 2006 à 16:44 par Bertrand Lemaire

Un <i>Pan sur le bec</i> en pleine grippe aviaire, ça fait mal... :-D

4. Le vendredi 10 mars 2006 à 16:56 par jules

Point n'est besoin de pardon, puisque tu n'as pas abusé de notre patience, Catilina ;-)

5. Le vendredi 10 mars 2006 à 17:15 par YR

Ce qui me sidère, c'est le rôle du Président de l'Assemblée dans ce mic-mac.

C'est le Président qui fait respecter le règlement (article 52 du réglement). Il aurait donc pu refuser le retrait d'un seul article (en interprétant différemment l'article 84) ou la réintroduction du même article (qui elle n'est semble-t'il pas prévue au règlement).

Par contre, il n'aurait pas pu s'opposer à la dernière manoeuvre du Gouvernement, consistant à réserver l'amendement 272 (article 95 du réglement) pour permettre le débat sur l'article 1er, avant le choix de l'un ou l'autre de ces textes par l'Assemblée.

Alors, l'indépendance du législatif sur les épaules d'un membre de la majorité, dont est issue le Gouvernement ? Est-ce bien raisonnable ?

Je continue de penser que le Gouvernement n'a pas grand chose à faire dans l'Assemblée en matière législative : déposer des projets, les expliquer et les défendre, pourquoi pas ? Mais avoir le pouvoir de modifier l'ordre du jour de l'Assemblée ou l'ordre dans lequel doivent se tenir les débats, cela me semble déjà plus problématique...

Peut-on imaginer le Parlement décider de l'ordre du jour du Conseil des Ministres, ou des dossiers à traiter prioritairement par l'exécutif ?

A+
Yr

6. Le vendredi 10 mars 2006 à 20:11 par Gtru

Comme quoi, le premier qui dit que l'informatique est compliquée n'a qu'à essayer de se s'intéresser au droit. N'empêche qu'on a l'impression que s'ils n'avaient une règlement intérieur aussi tordu, ils s'ennuieraient, nos chers zélus.

7. Le vendredi 10 mars 2006 à 23:04 par marie

Maître, vous tenez un blog admirable,
vous avez envie de rendre les gens moins bêtes tout en restant bienveillant,
vous savez être mondain quand l'occasion se présente mais vous restez simple la plupart du temps,
vous ètes sérieux mais pas chiant,
surtout vous me permettez de raviver mon intellect pendant et après des heures ennuyeuses au bureau

Et en plus vous savez reconnaître vos erreurs... Avez-vous au moins 1 défaut? Sinon je vais finir par croire que l'homme parfait existe.

8. Le vendredi 10 mars 2006 à 23:32 par Laurent

"Avez-vous au moins 1 défaut? Sinon je vais finir par croire que l'homme parfait existe."
Faut pas charrier non plus. Eolas est un homme, plein d'imperfections comme quiconque et Dieu sait qu'il n'en est pas exempt. Ça m'agace ces commentateurs qui sont déjà dans le procès en béatification.
Déjà, Eolas a du ventre. Cela devrait vous suffire à douter. En plus il est hérétosexuel, ce qui montre sa partialité.

Et en plus, je réussis à faire que Laurent invoque Dieu. Pas de doute, j'ai gagné ma place au paradis.

Eolas

9. Le vendredi 10 mars 2006 à 23:33 par Laurent

Hérétosexuel ? Ciel, quel néologisme…

10. Le vendredi 10 mars 2006 à 23:48 par Patrick

En plus il el chauve !

11. Le samedi 11 mars 2006 à 11:41 par lin100lautre

MODE ADULATION ON

C'est non seulement tout ce que vous avez précedemment écrit, mais avant otu c'est à n'en point douter un homme de gout, qui apprécie le champage frais mais non glacé (un joseph perrier millésime 1984 maître ?) et l'excellence en matière de thé (vous fournirriez vous chez www.betjemanandbarton.com... )

MODE ADULATION OFF

12. Le samedi 11 mars 2006 à 11:44 par lin100lautre

oups, j'ai ommis le switch Mode frappe clavier correcte ON.....

13. Le samedi 11 mars 2006 à 12:32 par un passant



bonjour, je me suis permis de poster un commentaire sous la note de ceteris paribus que vous citez, en réaction à cette partie de son billet :


" La mise en garde venue de la rue Montpensier peut avoir deux significations. Soit certains membres du Conseil constitutionnel estiment que la jurisprudence de 1984 sur l'utilisation du retrait sélectif n'est plus compatible avec les exigences de clarté et de sincérité de la procédure parlementaire que le juge met en avant de façon insistante ces derniers temps. La décision n°2005-526 DC du 13 octobre dernier (...)
La thèse d'une plus grande exigence du juge constitutionnel à l'égard des artifices de procédure, qui pourrait justifier une censure de la loi DADVSI, était d'ailleurs avancé par l'article du Monde d'hier.

Une autre hypothèse est que le cas de l'espèce est fondamentalement différent de celui examiné par le Conseil en 1984. La question qui se pose aujourd'hui n'est en effet pas uniquement de savoir si le gouvernement pouvait retirer une partie du texte examiné par le Parlement, mais aussi d'estimer s'il peut le faire après l'adoption d'amendements parlementaires sur cette partie. C'est sur ce point que la déclaration de Debré est la plus critiquable. (...)"



Or il me semble qu'il y une une réserve importante dans la décision de 1984, et une différence de situation au regard de la procédure parlementaire qui justifie les doutes sur la manoeuvre tentée par le gouvernement :

Dans la décision de 1984, le cons cons s'est attaché à vérifier si le droit d'amendement n'avait pas été limité.


Or :

- d'une part, comme vous l'avez indiqué, il n'est pas précisé dans la décision de 1984 que des amendements avaient été déposés et n'auraient pu être examiné du fait de ce retrait partiel, par suite le raisonnement n'est pas transposable à cet égard.

- d'autre part, surtout, cet épisode s'était déroulé en 1ère lecture, et le cons cons relève que cet épisode n'a pas pu affecter considérablement le droit d'amendement dans les phases ultérieures : en effet, l'assemblée nationale avait vu revenir le texte en deuxième lecture, et des amendements pouvaient être déposés.


c'est sous cette réserve de la phase ultérieure (deuxième lecture devant l'AN), et du fait que le retrait partiel n'a pu avoir pour effet de limiter le droit d'amendement (puisque le droit d'amendement n'est limité qu'après la réunion de la CMP), que le cons cons a considéré qu'il n'y avait pas atteinte au droit d'amendement tel qu'il est reconnu dans la constitution et sa jurisprudence.



Or, dans le cas de figure présent, d'une part le retrait partiel avait pour but d'éviter la discussion d'amendements, d'autre part, l'urgence ayant été déclarée, il n'y aura pas de deuxième lecture avant CMP devant l'assemblée (or le droit d'amendement est limité après la CMP), donc pas de phase ultérieure pour permettre aux députés d'exercer librement leur pouvoir d'amendement.

Dès lors, la décision que vous citez, lue a contrario, va plutôt dans le sens d'une inconstitutionnalité de la manoeuvre qui avait été tentée sur la loi DADVSI.


14. Le samedi 11 mars 2006 à 12:37 par un passant


Précision : rien n'empêche le gouvernement de décider finalement de ne pas réunir la CMP après les 1ères lectures, et de laisser des deuxièmes lectures se dérouler avant réunion de la CMP, mais lorsque l'on déclare l'urgence, c'est justement pour pouvoir se limier aux 1ères lectures + CMP + lecture finale post CMP devant l'AN

15. Le samedi 11 mars 2006 à 16:17 par Francesco

Donc à cette heure, plus de licence globale, et l'on nous promet une machine répressive semi-automatique contre le "Peer to Peer", crachant l'adresse IP des vilains téléchargeurs (tapette) et des affreux metteurs à disposition (gifle). Voir www.liberation.fr/page.ph...

A mon avis, c'est assez impraticable.

D'une part, il existe déjà des systèmes P2P où l'adresse IP de la source et du destinataire final des fichiers est non directement accessible, quitte à ce que les paquets passent par des "Peer" intermédiaires.

D'autre part, va-t-on créer un principe que le titulaire d'une adresse IP est responsable de ce qui y passe ? Obliger madame Michu à sécuriser son routeur WiFi, la rendre civilement responsable des chevaux-de-troie tournant sur son Windos, lui faire payer les amendes correspondant aux téléchargements du copain de sa fille ? Ou inversement diligenter une enquête en règle pour recouvrer quelques euros ?

16. Le samedi 11 mars 2006 à 20:58 par wesson

Cher eolas,

et oui, même vous n'êtes pas omniscient, nous en sommes tous désolés.

Saepe enim de facultatibus suis amplius quam in his est sperant homines

(moi aussi j'aime bien faire de temps en temps mon erudit à l'aide d'une locution latine).

Il n'en reste pas moins que c'est la DADVSI dans sa version la plus inacceptable et inapplicable qui est en train de passer.

L'anomalie, c'était le 21 décembre, lorsque le législatif ne s'en laissait pas compter par l'exécutif.

mais tout est rentré dans l'ordre, les opposants sont partis laissant le soin au députés godillots de voter à l'unanimité, et le parlement à repris sa place de croupion.

La France perds là une bien belle occasion de marquer sa différence sur le plan international.

17. Le dimanche 12 mars 2006 à 01:20 par herodiade

En parcourant la transcription de la 2eme séance de Jeudi soir (assemblee-nationale.fr/12... ) un lecteur peut relever:

M. François Bayrou: Je n'ai pas pu participer au débat de cet après-midi parce que j'étais au Conseil d'État pour soutenir le référé contre la privatisation illégale des autoroutes. Avant de rejoindre l'hémicycle, je suis passé à mon bureau et j'ai lu plus d'une centaine de mails reçus dans l'après-midi. Beaucoup vous concernaient, monsieur le président, puisque l'on pouvait y lire : « Que M. Bur ne dise pas que les internautes ne sont pas intéressés par le débat de procédure ! Nous sommes très intéressés par ce débat, parce que nous savons que la procédure, ce sont nos libertés. »

Sur le même sujet, mais quelques jours plus tôt, ce lecteur avait peut-être remarqué un commentaire (dont vous devinez facilement l'auteur) :

« Quand je dis, redis et répète encore que c'est dans la procédure que se trouvent la protection des libertés, et ici, la garantie de la démocratie. »

Comme si, par rebond numérique, le souffle éolien défrisait nos élus. Amusant non ?

18. Le dimanche 12 mars 2006 à 01:39 par Porfi

@ Wesson: Ah pardon, dans la mesure où la grandeur de la France date précisément du temps des godillots (V. Maurice Vaïsse, La grandeur - Seuil), ce n'est pas devant l'international mais devant l'universel que la France défaille.

Quant au Pan sur le bec, ce n'est pas de voir un privatiste désorienté qui me chagrine, d'autant que Ceteris Paribus considère finalement la situation comme confuse et dit attendre une décision du Conseil Constitutionnel. C'est justement de voir tomber à plat l'argument précité sur la procédure comme essence de la démocratie. Enfin, gageons qu'Eolas saura lui redonner son lustre ultérieurement mais c'est un dommage collatéral qui doit être souligné: Procédure 0 / Principes 1. Le match retour sera capital puisque Procédure concède un point à domicile.

19. Le dimanche 12 mars 2006 à 15:09 par Noone

"pénaliste et constitutionnaliste sont deux spécialités différentes"

Parlez-nous de ce commentaire de la décision du CC "Liberté d'association" de 71 pour lequel vous aviez obtenu un 5 en 1ère année...
Non je suis mauvaise langue...mais futur publiciste!

Vous êtes effectivement mauvaise langue : j'avais eu 15 sur ce commentaire.

Eolas

20. Le lundi 13 mars 2006 à 10:38 par Parayre

Je ne peux , très cordialement , résister au plaisir de vous adresser le proverbe allemand suivant :

" A la fourche , on reconnait le paysan , au bec l'avocat . "

21. Le jeudi 16 mars 2006 à 09:36 par joel

merci de votre honneteté,
elle nous est bien plus précieuse que la prétention a l'infaillibilité.
en regardant les débats, j'observe un rang derrière le ministre des gens qui n'ont pas l'air d'être des élus mais plutot des souffleurs. Appelons les conseillers. Qui sont-ils, quels sont leurs droits à être dans cette enceinte, à peser sur les débats ? Merci de m'eclairer.

22. Le jeudi 16 mars 2006 à 18:36 par coco

Un passant,

tout à fait d'accord sur votre analyse. Mais, à supposer que le texte soit censuré, quelle sera la conséquence concrète? Qu'est-ce qui sera censuré précisément? Tout ou une partie seulement?

23. Le mardi 21 mars 2006 à 16:25 par frol

Cher eolas merci,
Pendant la coupure pub du feuilleton DADVSI qui n'est pas fini je pense je traine sur internet et je tombe sur ca:

Jugements désormais sans appel, par Arnaud Montebourg
www.lemonde.fr/web/articl...

J'en avais jamais entendu parle, est ce que vous avez un avis?

Oui, bien sûr, je suis concerné au premier chef, j'ai des dossiers au civil aussi. Mais le décret en question ne prévoit de conséquences sur l'appel que si l'exécution provisoire a été ordonnée en première instance et non tous les appels. La procédure visant à obtenir la dispense d'avoir à exécuter est très simple en la forme. Ce n'est pas le cataclysme annoncé par Arnaud Montebourg. Il demeure que ce décret me semble une très mauvaise idée. Il a été attaqué devant le conseil d'Etat par l'ordre des avocats et sera peut être annulé en partie, pour atteinte au droit à une voie de recours efefctive reconnu apr la convention européeenne des drotis de l'homme...

Eolas

24. Le vendredi 24 mars 2006 à 12:14 par Sxilderik

Pour info, et contrairement à une idée fausse largement répandue, la graphie correcte est ciguë.

:)

(hors-sujet je sais mais je découvre ce blogue et paf une faute sur la première ligne, je tiquai, 'scusez moi :p )

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