Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Des décisions pas encore rendues, et de celles qui n'auraient jamais dû l'être...

Mon billet développera les deux points du titre mais en ordre inverse.

D'abord, la décision qui n'aurait jamais dû être rendue.

Une de mes taupes chez l'ennemi (qui se reconnaîtra et que je remercie) me transmet un arrêt rendu le 14 septembre dernier par la deuxième chambre civile de la cour de cassation, qui a entre autre comme rôle de faire régner l'orthodoxie juridique en matière de procédure civile. Et là on peut dire qu'elle n'a pas été déçue.


Cour de cassation, deuxième chambre civile 2, arrêt du 14 Septembre 2006 Cassation de : juge de proximité Toulon 26 mai 2004.

Pourvoi n°04-20.524


La cour commence par un bref rappel des faits :

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que Mme M., qui avait donné en location à M. et Mme T., pendant une période estivale, une caravane et ses accessoires, a été condamnée par une juridiction de proximité à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;

Vient la discussion en droit. La cour va d'abrord viser le texte qu'elle va appliquer.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Ouch. Le visa qui fait mal. Le juge ne s'est pas trompé sur un obscur article d'un décret que personne ne connaît, il a carrément violé un droit fondamental. Lequel ? Réponse ligne suivante.

Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ;

Et qu'a-t-il fait, ce proxijuge partial ?

Attendu que, pour condamner Mme M., le jugement retient notamment « la piètre dimension de la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but louable en soi sauf pour certains personnages pétris de malhonnêteté comme ici Mme M., dotée d'un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, ses préoccupations manifestement strictement financières et dont la cupidité le dispute à la fourberie, le fait qu'elle acculait ainsi sans état d'âme et avec l'expérience de l'impunité ses futurs locataires et qu'elle était sortie du domaine virtuel ou elle prétendait sévir impunément du moins jusqu'à ce jour, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle nécessitant la mise en oeuvre d'investigations de nature à la neutraliser définitivement »;

Ha ouais, quand même.

Admirons la cour de cassation dans un exemple de retenue impartiale :

Qu'en statuant ainsi, en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité, le juge a violé le texte susvisé ;

C'est le moins qu'on puisse dire.

Mais ce n'est pas tout.

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 1353 du code civil et 455 du nouveau code de procédure civile ;

Ha, il se pose un problème lié à l'administration de la preuve.

Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ;

Partial et inéquitable ? Je crains le pire.

Attendu que, pour écarter les éléments de preuve produits par Mme M., le jugement énonce notamment « que si la présente juridiction conçoit aisément que les requérants aient dû recourir à des attestations pour étayer leurs allégations, elle ne saurait l'accepter de la bailleresse, supposée de par sa qualité, détenir et produire à tout moment, sauf à s'en abstenir sciemment et dès lors fautivement, tous documents utiles ; que si Mme M. disposait d'éléments autrement plus probants mais certainement très embarrassants à produire auprès de la juridiction de céans ; que toutes les attestations sans exception aucune, de pure et manifeste complaisance dont elle a cru mais à tort qu'elles suffiraient à corroborer ces allégations, il échet de déclarer ces dernières mensongères et de les sanctionner » ;

Et je ne craignais que le pire...

Qu'en statuant par des motifs inintelligibles et en écartant par une pétition de principe certains des éléments de preuve produits par Mme M., rompant ainsi l'égalité des armes, le juge a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, (...) :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mai 2004, entre les parties, par la juridiction de proximité siégeant dans le ressort du tribunal d'instance de Toulon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant par la juridiction de proximité siégeant dans le ressort du tribunal d'instance de Marseille ;(...)

Ce jugement est donc nul et non avenu. Il en aura coûté deux ans de procédure à Madame M., qui est désormais bonne pour comparaître à nouveau devant... un autre juge de proximité. Bon courage.

Et maintenant, après ce jugement qui n'aurait jamais dû être rendu, voici un arrêt... pas encore rendu. M. Le Maudit signale sur son blog cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, dont le contenu ne présente guère d'intérêt pour les lecteurs de ce blog... Sauf sa date.

Voici donc CAA Nantes, ''28 septembre'' 2006.

On dit la justice administrative lente, voici un démenti cinglant.

Commentaires

1. Le mardi 26 septembre 2006 à 17:57 par Dam

Est ce qu'il y a une sanction possible à l'encontre de ce juge ? une remontrance ? un avertissement ? un cours obligatoire de droit p.e. ? une heure de colle ?

Il ne devrait pas être plusieurs ?

2. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:02 par Sachs

Quelle décision magnifique, malheureusement pas encore en ligne sur legifrance.
Une note à venir dans un prochain numéro du Dalloz certainement : et pourquoi pas d'Eolas ?

3. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:07 par koz

La Cour m'a rassuré en évoquant les "motifs inintelligibles". Je commençais à douter de moi-même !

4. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:11 par sircam

Wow. Jamais vu un... truc pareil. Vous en avez de la chance, en France, avec vos juridictions de proximité.

C'est un canular, rassurez-moi ?

5. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:12 par polynice

Il faudrait créer une base de données, ou publier sur un site, l'ensemble des décisions judiciaires les plus absurdes...

Cela aurait plusieurs effets :

Permettre des moments de franche rigolade.

Faire connaître les auteurs des décisions, qui confrontés à une telle publicité, prendraient peut-être un plus grand soin à rédiger leurs prochains jugements ou arrêts.

6. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:13 par aedila

En cette période où les critiques acerbes à l'égard de la magistrature vont bon train, je pense qu'il serait utile de préciser à l'attention des lecteurs néophytes que les juges de proximité sont des juges non professionnels (ceci explique en partie cela). ils ont été créés par la loi du 9 septembre 2002 et peuvent juger des litiges inférieurs à 4000 € et des "petites" infractions. Ils ont été créés pour "désengorger" la justice (sur le cas d'espèce c'est manifestement un échec)

7. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:13 par Bouic-Bouic

On notera la nette tendance dudit proxijuge à singer plaisamment le style généreux des professionnels de la profession (et ses phrases de huit lignes, et ce, malgré un recours très limité aux négations multiples et audacieuses de prépositions assemblées de relations causales). Comme quoi, le ramage était ici à la hauteur du plumage

8. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:18 par Un citoyen curieux

Là, je suis impressionné. Où ont-ils pris ce proxijuge ? (Tiens, vous connaissez ''The Trial'', de Pink Floyd ?)

9. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:18 par CyberChouan

Effectivement, c'est assez édifiant! Je rejoins Dam sur son interrogation. Dans un cas aussi flagrant, ne devrait-il pas y avoir au moins une enquête, pour vérifier que ce juge est bien apte à remplir ses fonctions?

10. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:28 par polynice

Connaissez-vous cet arrêt légendaire de la Cour d'appel de RIOM (Dalloz, 1996, Somm. p59), en date du 7 septembre 1995 :

"Attendu que les faits et la querelle sont exposés dans les décisions rendues à CLERMONT-FERRAND le 11 janvier 1994 et le 25 janvier 1995, cette dernière dont appel; que la Cour en adopte les motifs; que, céans, les époux R. concluent au débouté de Z.; qu'au contraire celui-ci, enchanté du jugement qui a prescrit la fin du poulailler, demande la confirmation et 20 000 F de dommages-intérêts.

Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n'est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements et des caquêtements qui vont du joyeux (ponte d'un oeuf) au serein (dégustation d'un ver de terre) en passant par l'affolé (vue d'un renard); que ce paisible voisinage n'a jamais incommodé que ceux qui, pour d'autres motifs, nourrissent du courroux à l'égard des propriétaires de ces gallinacés; que la Cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d'orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La R., village de S. (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme".

11. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:32 par Matthieu

N'est-ce pas là un effet des "juges de proximité" ? pourriez-vous nous éclairer, Maître, sur l'effet qu'à eu cette innovation sur l'exercice du droit ?

12. Le mardi 26 septembre 2006 à 18:54 par Neville

@ Polynice : j'étais presque certain que quelqu'un viendrait citer une décision rendue par le Président ALZUYETTA. Il en a prononcé d'autres de la même veine, mais même si elles étaient parfois annulées par la Cour de cassation (exemple son arrêt sur le mutilé de la main gauche Gaz. Pal., Rec. 1996, jur. p. 394) elles sont truculentes dans leur forme mais résultent d'un raisonnement juridique susceptible d'être soutenu raisonnablement.

Exemples : la photographie du carnaval du Puy (Gaz. Pal., Rec. 1997, somm. p. 290) , la demande de délais d'un justiciable (Gaz. Pal., Rec. 1994, somm. p. 818) qui "vaut bien les arguties des mirmidons qui saisissent si souvent la Cour aux mêmes fins de délais", ou de l'affaire sur les "cotisations volontaires obligatoires" réclamées aux producteur de fromage de Cantal (Gaz. Pal., Rec. 1996, jur. p. 507, J. n° 282, 8 octobre 1996, p. 47).

Sans oublier ses réquisitions, quand il était Avocat Général à Paris, dans l'affaire opposant les Princes de France à propos du droit , contesté à l'un d'eux par les autres, de faire usage des armes " d'azur aux trois fleurs de lis d'or " (Gaz. Pal., Rec. 1990, jur. p. 134, J. n° 67, 8 mars 1990, p. 8).

Merci de ne pas confondre forme plaisante et inintelligibilité de motifs !

@ Koz : tout comme vous, cher Confrère ! j'ai cru un instant avoir perdu la faculté de lire une décision de Justice.

13. Le mardi 26 septembre 2006 à 19:02 par l'autre chose

Pourquoi la Cour de Cassation statue-t-elle directement sur une décision du juge de proximité ? Je croyais qu'elle ne statuait que sur les arrêts rendus par la cour d'appel. Le juge de proximité est bien une juridiction de première instance et non d'appel il me semble (ou alors sa proximité n'est pas si proximale que ça).

14. Le mardi 26 septembre 2006 à 19:11 par Calamo

S'il ne s'agit pas d'une légende judiciaire, je ne désespère pas de mettre un jour la main sur une décision rendue contre un couple un peu exhibitionniste, et une demanderesse un peu voyeuse, l'expertise ayant révélé que cette dernière ne pouvait subir la nudité de ses voisins qu'à l'aide d'une paire de jumelles...

15. Le mardi 26 septembre 2006 à 19:11 par Sans pseudo

Parce qu’il n’y a pas d’appel pour une décision rendue par un juge de proximité.

16. Le mardi 26 septembre 2006 à 19:22 par Emmanuel

l'autre chose: dernier ressort, tout ça...

17. Le mardi 26 septembre 2006 à 19:23 par DB

On savait les juridictions de proximité parfois approximatives dans leurs raisonnements juridiques (j'ai dit parfois, sans généraliser le moins du monde).
Mais là, il vaut son pesant de cacahuètes cet arrêt. De quoi donner de l'entrain et de la gaieté quand des dossiers sont plaidés devant ces juges.

18. Le mardi 26 septembre 2006 à 19:30 par P

Pourtant, ce ne sont pas des néophytes complets, comment expliquer une telle décision qu'un élève de deuxième année n'oserait rédiger ?

Ils sont choisis parmi les personnes suivantes :

1- les anciens magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif ;

2- les personnes âgées de 35 ans au moins, membres ou anciens membres des professions libérales juridiques et judiciaires réglementées, et justifiant d’au moins 4 ans d’expérience professionnelle dans le domaine juridique ;

3- les personnes âgées de 35 ans au moins, titulaires d’un bac+4 et justifiant d’au moins 4 ans d’expérience professionnelle dans le domaine juridique ;

4- les personnes qui justifient d’au moins 25 ans d’activité dans des fonctions de direction ou d’encadrement dans le domaine juridique ;

5- les anciens fonctionnaires de catégorie A et B des services judiciaires ;

6- les conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins 5 ans

19. Le mardi 26 septembre 2006 à 19:31 par P

J'ajoute la procédure de nomination : (en partie)

Le dossier est instruit par les chefs de la cour d’appel, qui, après un entretien avec le candidat formulent un avis, et le transmettent au ministère de la Justice.

Le Garde des Sceaux propose au Conseil Supérieur de la Magistrature pour la nomination sur un poste déterminé, plusieurs candidats dont celui qui lui paraît le plus apte à remplir les fonctions.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature peut rendre :

un avis conforme soit d’emblée, s’il considère que le candidat possède les qualités suffisantes pour être juge de proximité, soit après l’accomplissement d’un stage probatoire ;

Sa nomination fait l’objet d’un décret signé par le Président de la République. Le candidat devra prêter serment et il pourra alors exercer comme juge de proximité.

un avis non conforme, qui a pour effet de rejeter la candidature, soit d’emblée, s’il considère que le candidat ne possède pas les qualités suffisantes ou qu’un autre candidat présente de meilleures aptitudes pour être juge de proximité, soit après l’accomplissement d’un stage probatoire.

Le juge de proximité devra suivre une formation de 5 jours à l’Ecole Nationale de la Magistrature

20. Le mardi 26 septembre 2006 à 19:39 par P

Pardon de poster 3 commentaires à la suite

Le problème de mon point de vue est surtout de rajouter à la complexité du droit en créant ex nihilo une nouvelle juridiction. Le problème est donc que les parlementaires depuis de nombreuses années sont guidés essentiellement par leur automatisme de répondre à un problème en légiférant, à moindre coût (à moindre coût à court terme mais qui peut chiffrer le coût de toutes ces réformes en la rapportant à leur efficacité)
Les parlementaires manquent de connaissances juridiques. Le système marche en l'état bon gré mal gré, il aurait été plus sage de renforcer la formation de juges d'instance. Quand bien même cela aurait pris a minima 3 ans pour en former un surplus.
Le juge de proximité a un effet pervers, complexifier encore un peu plus la procédure civile alors qu'il a été créé pour rendre la justice plus accessible... Triste

21. Le mardi 26 septembre 2006 à 21:07 par polynice

@Neville :

Si vous étiez si certain que quelqu'un allait citer une décision du Président MACHIN, eh bien il fallait devancer l'appel, et les citer vous-même.

Quant à la forme plaisante, je ne suis pas certain qu'elle ait sa place dans les motifs d'une décision judiciaire.

22. Le mardi 26 septembre 2006 à 21:31 par Guillermito

"dotée d'un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane", je trouve la formule assez perfidement géniale, même si évidemment elle n'a rien à faire dans un tel jugement.

A propos des juges, disons, "locaux", il y a une série de deux articles assez hallucinants dans le New York Times en ce moment même, à propos des juges ruraux de l'état de New York, qui n'ont aucune éducation judiciaire. Pour anglophones bien sûr. Comme quoi, il y a toujours pire ailleurs. Les USA me surprendront toujours :

"Justice Gori told the commission that he had never heard of the elementary legal rule that bars a judge, except in the most extraordinary circumstances, from secret contact with one side of a case. “It’s not even explained in my manual,” he said."

Partie 1 :
www.nytimes.com/2006/09/2...

Partie 2 :
www.nytimes.com/2006/09/2...

23. Le mardi 26 septembre 2006 à 21:32 par ano et nyme

Puis je me permettre d'etre édifié par ces verbiage grandiloquents..?
Désolé d'etre le candide de service qui de temps en temps fréquente votre blog...
Comment voulez vous qu'aprés ça je ne puis etre méfiant vis a vis de notre justice et de son langage abscons....quoique que ce peut etre volontaire pour obliger les anciens ou futur justiciables a se payer les services d'un traducteur/avocat....( hormis le fait que nul n'est sensé ignorer la loi)
Blague mise a part, c'est bien de dénoncer les errements de vos confréres ( enfin je suppose )....comme j'ai du le dire quelques articles auparavant, mettez vous a la portée de nous, pauvres pécheurs... pardon, une erreur... juste pour la compréhension de votre profession, parce que vous n'etes pas toujours clairs également dans vos propos trés techniques....
Cordialement de continuer a vous lire sans l'aide d'un dictionnaire au minimum....

Il vous a échappé que ledit verbiage a été qualifié d'inintelligible par les conseillers de la cour de cassation eux même. Donc peut être pouvons nous en déduire que nous ne sommes pas en présence d'un texte représentatif d'un jugement ordinaire ? Parce que pour un candide, je trouve que vous recourrez un peu vite à l'accusation de complot des élites pour contraindre le bas peuple à recourir aux services d'un avocat.

Eolas

24. Le mardi 26 septembre 2006 à 21:39 par Raboliot

Aux audiences de correctionnelles certains juges s'en donnent à coeur joie !

25. Le mardi 26 septembre 2006 à 22:28 par Neville

@ Polynice, commentaire 21

Eh non, justement, je ne voulais pas citer ici la jurisprudence du Président ALZUYETA parce que lui était un Magistrat digne d'éloges (je crois qu'il a pris sa retraite, mais je n'en retrouve plus les références) et que le Juge de Proximité de Toulon, disons, pour ne pas manquer de respect à sa fonction, l'est beaucoup moins, donc j'aurais estimé faire un hors sujet.

Et Merci Polynice de me donner l'occasion de me corriger : le nom exact du Magistrat dont je vante le style est ALZUYETA, avec un seul T et non deux comme je l'ai faussement écrit.

Si je pensais que quelqu'un le citerait, c'est parce que Veuve Tarquine lui a consacré plusieurs billets jadis et qu'un lien vers son blog se trouve sur celui-ci.

Si vous voulez lire les billets de Veuve Tarquine sur l'éloquence judiciaire dans lesquels elle parle de ce Magistrat :

bricablog.net/index.php/?...

26. Le mardi 26 septembre 2006 à 22:28 par Cardamome

Je me permets d'insister sur le conseil de lecture de Guillermito, même si on ne lit pas l'anglais le récit des abus de cette justice "de paix" (qui existe encore dans de nombreux États américains apparemment), et qui semble -- à ce que j'en comprends -- extrêmement semblable à nos juges de proximité, est hallucinante.

Par exemple : « A woman in Malone, N.Y., was not amused. A mother of four, she went to court in that North Country village seeking an order of protection against her husband, who the police said had choked her, kicked her in the stomach and threatened to kill her. The justice, Donald R. Roberts, a former state trooper with a high school diploma, not only refused, according to state officials, but later told the court clerk, “Every woman needs a good pounding every now and then.” »

Une femme de Malone (état de NY) n'a pas trouvé ça drôle. [On est dans l'intro, et ce n'est pas la première histoire... NDT] Cette mère de quatre enfants a fait appel à la cour de ce village pour demander à la justice de la protéger de son mari, qui avait essayé de l'étrangler, l'avait frappée au ventre et avait menacé de la tuer. Le juge, Donald R. Roberts, un ancien soldat titulaire du baccalauréat [sous-entendu c'est son diplôme le plus élevé, NDT] a non seulement refusé, mais selon des employés aurait ajouté : "toutes les femmes ont besoin qu'on les frappe de temps en temps".

Il y en a des pages et des pages !

Désolée pour le commentaire un peu long, je pense que c'est un article éclairant sur une justice très proche par bien des aspects de nos juges de proximité.

27. Le mardi 26 septembre 2006 à 22:51 par Coren

Je vais surement dire une bêtise, mais les juges rendant ce genre de jugements n'ont vraiment aucun blame ? aucune mise à pied ? pas même une petite engueulade informelle, ou le compte-rendu du jugement de la cour d'appel sur leur bureau ?

Y a vraiment aucun contre-pouvoir face à ça ? Il y a bien une assemblée de "super juges" qui peuvent en déstituer un, non ?


28. Le mardi 26 septembre 2006 à 23:29 par LDiCesare

C'est fabuleux. Ce n'est pas un jugement du premier avril? Le juge qui a cassé le jugement a-t-il d'abord rigolé ou changé de lunettes?
Guillermito: Brrr... J'eviterais les petites villes aux U.S.

29. Le mardi 26 septembre 2006 à 23:31 par boris

Décidément, j'adore ce blog :)

Je dois passer devant un juge de proximité prochainement, j'espère qu'il ne sera pas du même jus...

30. Le mardi 26 septembre 2006 à 23:59 par Tom

L'arrêt de la CAA de Nantes n'est pas mal aussi : si l'on en croit les dates, le délibéré a duré 19 mois, et la décision a été rendu... dans le futur.

Normalement, un tel arrêt est annulable en cassation, si les erreurs de date ne viennent pas de Légifrance, car il ne peu contenir la "preuve" de sa régularité quant à la "lecture publique" de la décision !

31. Le mercredi 27 septembre 2006 à 00:02 par Clems

Rassurez vous Boris, la plupart sont très bons et font un travail remarquable notamment en matière d'obligation de résultat des opérateurs télécoms. Pour être du mauvais coté le plus souvent, j'ai pu constater qu'ils ont parfaitement su initier les premiers jugements importants en s'appuyant sur les art 14,15 de la LCEN et en s'inspirant des jurisprudences analogues des conflits consommateurs/agence de voyage pour motiver leurs arrets et écarter l'obligation de moyen évoquée par ces professionnels.

Et ils y sont rodés...

32. Le mercredi 27 septembre 2006 à 00:18 par holala

#31
... et en s'inspirant des jurisprudences analogues des conflits consommateurs/agence de voyage pour motiver leurs arrets

osskour :) , voilà que les prox rendent des arrets !
le Maître de ceans vous a il me semble recemment et fortement incité à la moderation concernant votre consommation des terminologies juridiques inadequates

33. Le mercredi 27 septembre 2006 à 01:15 par Paul

J'aimerai avoir cet arrêt en commentaire à la fac. Cela me rappelle Monsieur Jacques VOULET, Conseiller à la Cour de Cassation (1970), qui a précisé que "On a coutume de dire que les arrêts de cassation ont, pour l'évolution de la jurisprudence, un intérêt plus grand que les arrêts de rejet. Cependant, ici encore, il convient de faire des distinctions suivant les griefs soulevés et la motivation de l'arrêt." Me, ne se trouve-t-on pas ici dans le cas de "motifs hypothétiques ou dubitatis"?

34. Le mercredi 27 septembre 2006 à 02:24 par clems

Commentaire supprimé. Je n'ai plus la moindre patience pour les commentaires sentencieux et injurieux à mon égard.

35. Le mercredi 27 septembre 2006 à 06:47 par Jean

Pourquoi qualifier la justice d'ennemi ? Ce terme n'est-il pas excessif chez un Avocat ?

"Une de mes taupes chez l'ennemi (qui se reconnaîtra et que je remercie) me transmet un arrêt rendu le 14 septembre dernier par la deuxième chambre civile de la cour de cassation"

Vous êtes sérieux, avec votre question ?

Eolas

36. Le mercredi 27 septembre 2006 à 07:47 par Paxatagore

Je dois m'inscrire légèrement en faux contre l'arrêt de la cour de cassation. L'exigence d'impartialité cesse, fort logiquement, au moment où la décision est prise. Le juge, dans son for intérieur, a donné une solution au litige et il rédige sa décision en conséquence. Il me semble que le problème est ailleurs : ce n'est pas parce qu'il donne raison à une partie que le juge doit marquer un profond mépris pour l'autre partie.

S'agissant de l'intelligibilité de la décision (mot lui même assez peu compréhensible !), la cour de cassation a pour spécialité est de rendre des arrêts lapidaires. Après, les professeurs d'université se battent en duel (par revues interposées) pour savoir qui a bien interprété l'arrêt. La cour a donc des exigences d'intelligibilité différente pour les juges de proximité et ses propres arrêts (ça peut se concevoir, vu la différence de fonction entre les deux juridictions et l'esprit politique ayant conduit à la création du juge de proximité).

Bon, enfin, c'était pour mettre un peu mon grain de sel.

Une remarque sérieuse toutefois : il serait bon que les lecteurs, emprunts de l'esprit de sagesse que fait souffler ici Me Eolas, sachent que souvent, les décisions de justice sont peu faciles à lire car les juristes emploient un langage technique qui leur est propre (un "mineur de quinze ans" par exemple, c'est un enfant qui a entre 0 et 15 ans, et pas un enfant qui a quinze ans). Ce langage, quoique difficile à pénétrer, est nécessaire pour la précision du raisonnement juridique et, en définitive, pour la garantie des droits de chacun. Me Eolas a fait pas mal de billets qui tournent autour de ce thème.

37. Le mercredi 27 septembre 2006 à 09:13 par Clems

Même motif, même punition.

38. Le mercredi 27 septembre 2006 à 09:24 par Un citoyen curieux

@26: Un 'state trooper' n'est pas un soldat, mais un policier de la police d'état.

39. Le mercredi 27 septembre 2006 à 09:30 par Un citoyen curieux

@Paxatagore: "ce langage, quoique difficile à pénétrer, est nécessaire pour la précision du raisonnement juridique"

C'est le propre de nombreuses disciplines que d'avoir une terminologie précise. Cependant, ne peut-on pas reprocher au droit une terminologie parfois incohérente (d'accord, les codes de procédure sont eux-mêmes incohérents ce qui n'aide pas) et une absence d'exposé des définitions?

Si la loi était rédigée comme le sont les normes techniques, on aurait des phrases comme:

"L'effraction est définie par..."
"Le vol est défini par..."

le tout dans un ordre évitant les définitions qui se réfèrent à la suite de l'ouvrage.

Ensuite, on aurait la définition des peines.

Vous voulez dire un truc du genre : article 311-1 du Code pénal : « Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui » et article 311-3 : « Le vol est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende » ?

Eolas

40. Le mercredi 27 septembre 2006 à 10:24 par polynice

@Neville :

Ce que je voulais simplement suggérer, c'était qu'il y un style judiciaire, et que ce style judiciaire doit être clair et rigoureux, dans la mesure où la décision de justice vient trancher un litige : rappelez-vous la définition du procès donnée par Carbonnier (je cite de mémoire) : "le procès est un doute auquel il est mis fin par un jugement".

Dès lors, les raffinements de styles, les ornementations rhétoriques inutiles me semblent nuire à l'objectif fonctionnel du jugement : dire le droit et mettre fin à un conflit.

Mais en tout cas, merci pour vos références jurisprudentielles et pour le lien que je vais de ce pas consulter.

En ce qui concerne la vocabulaire juridique, que certains peuvent considérer comme étant abscons, deux observations.

Le raisonnement juridique repose sur la distinction et la précision : le vocabulaire du droit permet de distinguer avec précision des situations qui peuvent présenter des analogies, mais qui ne sont pas identiques au regard du droit.

Et enfin, il ne faut pas oublier que notre système juridique n'a pas été conçu ex nihilo : il est issu d'une histoire, histoire du droit évidemment, et dans la langue juridique, nous avons hérité d'un vocabulaire et de concepts qui sont façonnés par cette histoire.

Même si aujourd'hui nous pouvons regretter l'absence de culture juridique chez les professionnels du droit....

41. Le mercredi 27 septembre 2006 à 10:25 par Clems

Je ne vous ai pas insulté.

Maintenant je vais faire court :
“La montée en charge progressive des juridictions de proximité et le fait d’y nommer des magistrats non professionnels, choisis au terme d’une sélection rigoureuse, n’a donc pas entraîné d’augmentation du nombre des cassations prononcées par la chambre ni affecté la qualité des décisions rendues par ces juridictions."
Pascal Lemoine conseiller référendaire (publication de la cour de cassation).

Vous voyez quand vous voulez. Maintenant, déduire du faible nombre de pourvoi la qualité des décisions me paraît audacieux. Face à des litiges dont l'enjeu ne peut dépasser 4.000 euros, qui voudra en dépenser autant dans une procédure de cassation qui durera deux ans et qui aura pour effet de tout faire recommencer à zéro ? En présence d'une décision inique, la plupart des justiciables préféreront payer, ou entreront en résistance et refuseront obstinément d'exécuter. Enfin, rien ne dit que le jugement de Toulon a été rendu par un juge non professionnel. La difficulté de trouver tous les juges nécessaires et compétents fait que beaucoup de ces juridictions sont tenus par des juges d'instance "faisant fonction".

Eolas

42. Le mercredi 27 septembre 2006 à 10:42 par v_atekor

Merci! En fait je suis soulagé :
- Parce que le code pénal est son propre lexique.
- Parce que l'ordre des mots est toujours un élément important pour la compréhension d'une phrase. (Certains juges ont trop lu Molière ? ( www.toutmoliere.net/oeuvr... ) )

43. Le mercredi 27 septembre 2006 à 10:52 par Géronimo

L'article 311-1 du Code pénal a toute la précision nécessaire aux juristes, mais aux non-juristes, la phrase: « Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui" évoque irrésistiblement l'article fameux du dictionnaire du Dr Samuel Johnson, qui estimait suffisamment éclairer ses lecteurs sur le sens du mot "filet" en le définissant par le mot "concaténation".

44. Le mercredi 27 septembre 2006 à 11:00 par v_atekor

Géronimo: C'est propre à toutes les disciplines. On utilise des notions de la discipline pour en définir d'autre.
Le résultat peut être clair :
"Une force est une action mécanique capable de créer une accélération." (Physique)
ou moins clair :
"IR est le dernier corps commutatif archimédien et il est complet." (Mathématiques)

45. Le mercredi 27 septembre 2006 à 11:16 par Dimitri

Expérience personnelle : les juges de proximité sont un peu les chevaliers des temps modernes, prêts à défendre le faible et l'opprimé, la veuve et l'orphelin, n'hésitant pas pour cela à piétiner allégrement les règle de droit les plus élementaires.

Ainsi, le particulier récalcitrant face à une société qui cherche à obtenir le paiement de sa prestation aura le plus souvent gain de cause, car il est considéré comme la victime (il suffit d'aller aux audiences des juges de proximité pour voir comment ça se passe).

Autre exemple plus parlant : pour recouvrer de petites sommes, il est possible de solliciter une ordonnance d'injonction de payer : on remplit un formulaire, on joint une lettre d'explication relative à la créance et aux circonstances de l'affaire et on accompagne le tout d'une copie des pièces justificatives. Le concours d'un avocat n'est pas obligatoire, pas plus que celui d'un huissier. Encore faut-il connaître la procédure si l'on s'en occupe seul, étant précisé que le recours à l'huissier est assez économique mais qu'il ne rédige aucune lettre et se contente de remplir le formulaire et de de joindre les pièces, et que l'avocat est plus cher. Chaque solution a donc ses inconvénients.

Ceci étant, il est fréquent d'avoir essayé au préalable d'obtenir le paiement en écrivant une lettre recommandée réclamant la somme due, ce qui a pour effet de faire courir les intérêts en application de l'article 1153 du Code civil qui paraît assez clair :"Ils (les intérêts) ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante..."

Eh bien d'expérience, je peux vous affirmer que les juges de proximité se moquent comme d'une guigne de l'article 1153 du Code civil, puisqu'ils ne les accordent jamais (il fut déjà environ 3 à 12 mois pour obtenir l'ordonnance). Ils savent très bien que personne ne va aller en Cassation pour des intérêts portant sur 500 ou 1000 euros, et jouent là dessus. Autre chose : ils ont l'air de penser que le recours à l'avocat est gratuit, puisque le justiciable ne se voit presque jamais octroyer le moindre centime au titre du remboursement de ses frais d'avocat (j'exagère, j'ai quand même obtenu dans un dossier la somme extraordinaire de ...50 euros !!!). le client a toujours un peu de mal à comprendre pourquoi ça lui coûte (cher, mais ça c'est quel que soit le prix) d'essayer simplement d'obtenir ce qui lui est du. Il me semble d'ailleurs qu'une note sur le fameux article 700 serait la bienvenue, si elle n'existe pas déjà sur cet excellent site.

En résumé, la création des juges de proximité est détestable en ce qu'elle visait à désengorger les autres juridictions au moindre coût (pour l'Etat s'entend) et qu'elle n'a réussi qu'à créer un système médiocre dans lequel le respect du droit n'est pas assuré, dans le quel le juge statut le plus souvent en équité (vous pouvez avoir raison en droit, mais le juge en décide autrement en son âme et conscience) et enfin qui tend à faire croire au justiciable qu'il va pouvoir agir lui-même sans rien dépenser alors que vu la complexité (qui nuit aussi aux avocats) de notre sytème juridique et l'ignorance de principes de bases de la procédure tels que le respect du contradictoire (cas typique du justiciable qui ne veut donner une copie de ses pièces à l'adversaire), ce justiciable s'expose à de sévères déconvenues pour peu qu'il se retrouve face à un professionnel du droit.

Résultat : les inconvénients sont tels qu'il devient impossible de recouvrer les petites créances, compte tenu des coûts, ce dont profitent allégrement un certain nombre de malhonnêtes.

46. Le mercredi 27 septembre 2006 à 12:14 par Géronimo

v-atekor:
Bien sûr. Il y a tout de même une nuance: à la différence des ouvrages de physique et de mathématiques, le Code est supposé pouvoir être compris par tout le monde, et s'il y réussissait toujours, nous aurions bien plus d'articles sous la rubrique Foutchebol, car Maître Eolas aurait moins de billets à écrire dans les catégories Actualité du droit, Commentaires judiciaires, Les Leçons de Maître Eolas, et quelques autres...

47. Le mercredi 27 septembre 2006 à 12:19 par isa

C'est triste, et pourtant, j'ai ri.
La première décision que vous visez confirme mon impression sur la juridiction de proximité... ce qui est inquiétant c'est qu'elle rende des décisions en dernier ressort...

48. Le mercredi 27 septembre 2006 à 12:49 par Grachus

Je connais un juge de proximité à titre personnel. Personne très sympathique, ancien commissaire, a fait une thèse pour occuper sa retraite et a postulé ensuite pour devenir juge de proximité. Le cursus semble correspondre à ce que l'on pourrait rechercher pour obtenir un "proxijuge" décent. Pourtant, malgré ses diplomes, c'est tout sauf un juriste. Sa thèse lui a été accordé comme un service d'ami par un enseignant de la fac, les autres membres du jury étaient très content de venir tous frais payés à sa soutenance ( je suis des DOM-TOM et ce genre de pratique fait un tort énorme aux "vrais" thésards domiens car elle contribue à entretenir le cliché de "thèse cocotier" lorsqu'ils vont ensuite au CNU ou aux concours de recrutement) et une discussion brêve avec lui suffit à faire comprendre qu'il n'a qu'une vision policière du droit pénal et pas de vision du tout du droit civil. Aujourd'hui il rend des décisions en dernier ressort sur des litiges allant quand même jusquà 4000 euros. Le justiciable ne doit donc pas en attendre grand chose.
Et je ne pense pas que ce cas soit particulier. Au lieu d'en faire une forme d'honorariat ou d'éméritat, qui couronnerait la carrière d'un membre éminent du monde juridique ou judiciaire, on en a fait la voie poubelle où iront se loger ceux qui ne sont pas assez bons pour trouver humiliant de servir de fusibles aux mécontentements du justiciable face à la calamiteuse administration de la justice.

49. Le mercredi 27 septembre 2006 à 13:07 par Paganini

Le Conseil d'Etat lui même nous a réservé il y a peu un attendu très amusant (CE, 24 avril 2006, n° 292742, Hoffer) :

"Considérant que la présente requête, laquelle ne répond manifestement à aucune des conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative, n'est qu'une illustration du comportement de M. HOFFER, qui se distrait à encombrer le Conseil d'Etat de requêtes manifestement infondées ou irrecevables et l'a, à cet effet, saisi, en vain, d'au moins 298 requêtes depuis le mois d'août 1998, sans d'ailleurs que les multiples amendes dont ont été assorties les décisions rendues sur ces requêtes abusives aient freiné cette quérulence ; que dans ces conditions, la requête de M. HOFFER doit être regardée comme tendant uniquement à tester les limites de la patience des magistrats."

:-)

50. Le mercredi 27 septembre 2006 à 13:36 par Clems

@eolas

Absolument. Mais pardonnez moi c'est la même chose partout. Il a fallu deux ans à ma tante pour obtenir un jugement favorable au cph en premiere instance ! Il faut dire que son initial cabinet d'avocats n y est pas pour rien non plus, licencier un avocat en charge du dossier et ne le remplacer par personne n'aidait pas... Un an pour un ami sans rien de particulier et encore c'est tj en cours.

Ce sont des minuscules litiges, honnetement bien moins compliqués que les dossiers soumis à de simples conseillers prud'hommaux. Hors vous le dites vous même ce sont souvent en réalité des juges d'instance qui font fonction. Je suis donc choqué par certains commentaires qui parlent d'incompétence. Avant de crier à l'injustice il faudrait quand même regarder les demandes et conclusions de certains déboutés.

Et rappeler que si l'affaire est compliquée le juge peut se déporter sur le tribunal d'instance.

Maintenant oui, le fait de ne pas inclure une procédure en appel est critiquable mais il faut quand même remettre les choses dans le contexte : ce sont des mini conflits liés généralement à la "consommation" si injustice, mini drame. Je préfère largement que l'on mette des moyens pour ce qui est sérieux.

Et dans mon boulot des injustices je n'en vois pratiquement jamais, nous sommes presque systématiquement condamnés donc tout va bien. Sauf quand justement les gens ne font rien.

Au passage, certains vont devant le juge de proximité là où ils pourraient aller en référé et obtenir des DI également à titre de provision. Il faudrait peut etre des aiguilleurs....


Ouais, enfin des fois, ce n'est vraiment pas la faute des avocats.

Eolas

51. Le mercredi 27 septembre 2006 à 14:00 par clems

@paganini

Le début devrait plaire aussi à maitre eolas :

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. René Georges H....., pour la présente affaire, ......; M. H demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'enjoindre au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de soumettre à la signature du Premier ministre un projet de décret interdisant aux employeurs de signer un contrat première embauche (CPE) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que ce décret est nécessaire pour respecter la demande faite au Gouvernement par le Président de la République, le 31 mars 2006 à 20 heures, de prendre toutes les dispositions nécessaires pour qu'en pratique, aucun contrat première embauche ne puisse être signé sans intégrer les modifications qui devraient être apportées à la loi sur l'égalité des chances ;

Cela ne vous rappelle rien ?

Si. Vous êtes de sa famille ?

Eolas

52. Le mercredi 27 septembre 2006 à 14:27 par Neville

Sur le cas de Monsieur HOFFER : rien que pour cette fois-ci, son recours lui aura coûté 3 000 € outre les frais d'affranchissement, le temps passé...

Il existe comme çà des justiciables qui multiplient les recours administratifs,c'est une façon comme une autre d'espérer laisser son nom dans l'Histoire du Droit, si d'aventure un arrêt important est rendu un jour sur une de leurs requêtes.

Remarquez, parfois, çà marche : depuis 1979, un justiciable demandait synstématiquement l'annulation des élections "européennes" au motif que les électeurs habitant dans les DOM TOM, qui ne sont certes pas situés géographiquement en Europe, y participaient.

Naturellement, ses recours étaient rejetés. Y compris celui contre les élections de 1989, mais le Conseil d'Etat lui a accordé une faveur, sans doute pour se débarrasser de lui à l'avenir : ce justiciable s'appellait NICOLO.

(Pour les non juristes, l'arrêt NICOLO est une des plus importantes décisions rendues par le Conseil d'Etat, que tout étudiant en Droit est en devoir de connaître, et cet arrêt innove non par le sens de la décision rendue, puisque les demandes d'annulation des élections européennes de 1979 et de 1984 avaient déjà été rejetées auparavant, mais par le raisonnement juridique emprunté cette fois-ci pour parvenir à cette solution, qui consiste à tenir une loi, même postérieure à un Traité international contraire, comme devant s'effacer au profit dudit traîté.

Alors, à quand un arrêt HOFFER opérant un revirement spectaculaire de jurisprudence ;-) ?

53. Le mercredi 27 septembre 2006 à 15:45 par Un citoyen curieux

@Eolas: La loi définit-elle la notion de soustraction et l'adjectif frauduleux ?

(Un mathématicien me souffle que les notions de «corps», d'«archimédien» et de «complet» sont elles aussi parfaitement définies.)

Non. Mais elle ne définit pas plus les mots « le », « est », « la », « de », « chose », et « autrui ». Alors, on a recours à des gens dont le travail est très précisément d'interpréter la loi et de l'appliquer à un cas concret. Ca s'appelle des juges. Et l'ensemble de leur décision permet de cerner très précisément les limites de la soustraction, qui s'oppose à la remise, et de son caractère frauduleux qui implique que le voleur se soit comporté en maître de la chose, ait accompli des actes que seuls le propriétaire pouvait accomplir, en sachant qu'il n'en était pas le propriétaire. On a écrit des thèses et des traités là dessus. Je vous assure que la définition du vol n'a rien à envier à celle d'archimédien.

Eolas

54. Le mercredi 27 septembre 2006 à 15:57 par jypre

Neville :
N'étant pas étudiant en droit, j'avoue que les explications trouvées sur wikipédia concernant l'arrêt Nicolo ne me semblent pas des plus claires. En tout état de cause, j'ai de la peine à concilier ce que vous en dite dans votre dernière phrase, et l'ensemble de ce que j'y lis.
En particulier, la loi est dite jugée conforme au traité de Rome, donc comment pourrait-elle s'effacer devant ?

C'est plus subtil que ça. Le Conseil d'Etat adore revirer de jurisprudence sans donner l'air de tout casser. Ce qui était capital dans cet arrêt, qui a provoqué un séisme dans toutes les facs de droit au début des années 90, tous les professeurs de droit public sachant immédiatement qu'ils étaient en présence d'un des Grands Arrêts de Conseil d'Etat, c'est simplement que le Conseil d'Etat a accepté d'étudier la conformité de la loi à un traité antérieur ce qu'il n'aurait jamais fait avec sa jurisprudence antérieure dite de la loi écran. Oui, le droit est une science de jésuites. Si vous saviez l'émotion qu'a suscité dans toutes les facs de droit, en 1971, ces simples mots : « et notamment son préambule...» : la prise de la Bastille a moins ému les jurisconsultes que cette proposition au détour d'un visa du Conseil constitutionnel...

Eolas

55. Le mercredi 27 septembre 2006 à 16:23 par sircam

Petite question purement technique sur un point de détail : dans la mesure où la première branche du premier moyen est de nature suffisante à entraîner la cassation, pourquoi la Cour prend-elle la peine d'examiner les moyens qui suivent ?

En Belgique, la Cour de cassation utilise généralement une formule telle que : "il n'y a pas lieu d'examiner le deuxième moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue" et s'arrête là.

A-t-on voulu enfoncer le clou, ou bien cette pratique n'a pas cours chez vous ? (Ou j'ai loupé qq chose, ou je pose des questions futiles?)

La cour de cassation y a également recours en France. Ici, la cour a voulu enfoncer le clou : elle a trouvé que les deux moyens étaient d'égale valeur et elle n'a pas voulu laisser croire que la pétition de principe écartant d'emblée toutes les preuves de Mme M. avait reçu une approbation tacite. Généralement, quand la cour écarte un moyen sans y répondre, cela signifie implicitement qu'il n'aurait pas entraîné la cassation et que la jurisprudence est déjà établie dans ce domaine.

Eolas

56. Le mercredi 27 septembre 2006 à 17:00 par Un citoyen curieux

@Eolas:
« On a écrit des thèses et des traités là dessus. »

Ce qui tendrait à confirmer la thèse avancée ci-dessus, qui était l'origine de la discussion, à savoir que la loi, que chaque citoyen n'est pas censé ignorer, n'est pas compréhensible sans avoir fait des études spécifiques sur le sujet, car les définitions sont floues et vagues et demandent une abondante exégèse. :-)

(Bon, je vous l'accorde, s'agissant d'un sujet social, c'est un peu obligé. Mais bon, là, on vous taquine. Je ne crois pas à la mathématisation du droit en général, même si dans certains cas particuliers plus de rigueur permettrait d'y voir plus clair.)

La seule tentative de mathématisation de la complexité de la vie a abouti à une réponse désormais bien connue : 42. Maintenant, faute d'avoir pu établir quelle était exactement la question, il faut bien se résoudre à accepter cetet autre vérité fondamentale : la réalité a plus d'imagination que le législateur. D'où la nécessité du juge. Et quand il a passé deux siècles à répondre à toutes les circonstances les plus diverses, la somme de ses décisions constitue un savoir propre, très utile aux technicien, pas au citoyen lambda. Ainsi, vous n'aurez pas besoin de vous coltiner le Merle & Vitu pour savoir que si vous vous emparez d'une pomme sur un étal, vous avez commis un vol. Peu vous chaut de savoir si,quand le vol a été commis dans un supermarché, le vol était constitué au moment où vous avez glissé le fruit sous votre blouson ou quand vous avez franchi les caisses. cette question passionnera pourtant votre avocat. Comme le fait que commander un repas au restaurant et partir sans le payer ne saurait constituer un vol, quand bien même il serait établi que vous êtes entré dans l'établissement sans un sou et en connaissance de cause, car il n'y a pas eu soustraction : vous avez demandé des pâtés et des rôts au cuisinier qui vous les a amené céans sans barguigner. Cette hypothèse ayant entraîné des relaxes, il a fallu créer un délit spécifique, la filouterie, ou grivèlerie. Alors, quand les biens, la liberté ou la vie d'êtres humains est en cause, la complexité est un mal nécessaire et un moindre mal. Et puis il faut bien que je puisse me payer un écran plasma.

Eolas

57. Le mercredi 27 septembre 2006 à 17:28 par Un citoyen curieux

@Eolas: Si vous vouliez vraiment un écran plasma grande taille, je suppose que vous passeriez moins de temps au TA à combattre des arrêtés d'expulsion et plus de temps à défendre des affaires plus juteuses, non ?

58. Le mercredi 27 septembre 2006 à 17:34 par probatio

Eolas prof de droit !
(Allez, avouez un petit amphi de libertés fondamentales ça serait rigolo)

59. Le mercredi 27 septembre 2006 à 17:51 par L'homme de picardie

► La seule tentative de mathématisation de la complexité de la vie a abouti à une réponse désormais bien connue : 42.


Décidément vous cumulez les qualités. En plus de tenir un blog admirable, vous êtes un homme de goût. ( je l'avais déjà soupçonné avec votre référence à Dune dans un précédent billet)

60. Le mercredi 27 septembre 2006 à 17:52 par Un citoyen curieux

Et si on lançait un petit troll sur les implications sociologiques des modalités du déroulement de l'agrégation de droit?

61. Le jeudi 28 septembre 2006 à 00:32 par Naël

@ Geronimo :

Votre commentaire 49 m'a inspiré un billet spécialement consacré à vous répondre, que je vous recopie ici :

Le langage juridique a, bien évidemment, développé son propre jargon au fil des ans. C'est le cas de toute matière un tant soit peu technique. Il est vrai que ce jargon, s'il est très pratique pour les juristes, rend souvent le droit incompréhensible pour les non-initiés. Cette situation est évidemment préocuppante. Il est en effet totalement inoffensif qu'une personne n'ayant jamais pêché de sa vie ne puisse comprendre une discussion entre deux passionnés de pêche ; en revanche, il est plus gênant qu'il n'ait pas les outils nécessaires pour comprendre le droit, puisque le droit s'applique à lui, qu'il le veuille ou non.

Cependant, la lecture d'un échange à ce sujet dans les commentaires d'un billet de Maitre Eolas m'a vivement interpellé lors du message n° 43 :

L'article 311-1 du Code pénal a toute la précision nécessaire aux juristes, mais aux non-juristes, la phrase: « Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui" évoque irrésistiblement l'article fameux du dictionnaire du Dr Samuel Johnson, qui estimait suffisamment éclairer ses lecteurs sur le sens du mot "filet" en le définissant par le mot "concaténation".

Là, je trouve qu'il faut quand même arrêter de déconner. Il y a mille exemple en droit de notions parfaitement obscures pour les néophytes (connaissez-vous la signification d'une présomption irréfragable ?). Maintenant, analysons la phrase :

Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui.

Passons sur la chose d'autrui, qui est parfaitement compréhensible. Ce qui pose manifestement problêmeà la personne que je cite, ce sont les mots "soustraction frauduleuse". Or, aucun de ces termes n'est réellement juridique.

Soustraction = Action de soutraire, de retirer, d'ôter. C'est également ce qu'on apprend à l'école primaire, juste après les additions.
Frauduleuse = Qui s'obtient par fraude ; de manière malhonnête. On parle souvent des fraudeurs pour désigner les personnes dépourvues de billet dans les trains ou les bus.

Que le droit soit trop souvent incompréhensible, c'est très net. Mais faut quand même pas pousser non plus...

62. Le jeudi 28 septembre 2006 à 08:15 par Un citoyen curieux

« Frauduleuse = Qui s'obtient par fraude ; de manière malhonnête. »

Justement. Avez-vous une définition de ce qui est honnête, ou malhonnête ? Si vous prenez comme définition de cela ce qui est légal ou illégal, vous obtenez ce que l'on appelle une définition circulaire : vous définissez le vol à partir de l'honnêteté, et l'honnêteté à partir de la légalité, qui inclut le code pénal et la définition du vol.

Bon, là encore, j'ai poussé, car il est possible de donner une définition informelle du vol qui couvre les cas courants.

Mais bon, Éolas l'a déjà dit : pour comprendre ce qui est légal ou pas (hors cas simples comme : il est interdit d'arracher le sac à main d'une mémé dans la rue), il faut faire appel à ses services. :-) Ça contredit un peu le principe que nul n'est sensé ignore la loi et l'objectif constitutionnel d'intelligibilité de la loi (cf la décision CC de décembre dernier sur la Loi de finances), mais ce n'est pas comme si l'on se préoccupait sérieusement de cela.

Appliqué au vol, le terme frauduleux signifie : savoir qu'on n'est pas le propriétaire de la chose, qu'on est sans droit sur elle. Le pickpocket qui sort le portefeuille de la poche d'autrui a forcément conscience que ledit portefeuille n'est pas le sien et qu'il est sans droit sur lui. Il commet une soustraaction frauduleuse et est coupable de vol, sauf s'il est mon client.

Eolas

63. Le jeudi 28 septembre 2006 à 09:52 par m.anuel

Sauf erreur, la juridiction de proximité va mourir tranquillement quand le mandat ou contrat du dernier de ses membres sera arrivé à son terme, puisque le ministère a décidé, notamment faute de candidat crédible, d'arrêter cette expérience très peu concluante.
On a voulu renforcer une des seules juridictions, les tribunaux d'instance, qui fonctionnaient dans des délais raisonnables et qui étaient par définition une juridiction de proximité, en créant un nouvel ordre de juridiction, présidé par des personnes quasi pas formées, en partant du principe, faux, que la modicité de l'enjeu financier du litige induisait sa simplicité. On a ainsi retrouvé des juges de proxi empêtrés dans des contentieux auxquels ils ne comprenaient rien.
Sont seuls fautifs ceux qui ont mis en oeuvre cette idée stupide et l'ont vendu malhonnètement, en présentant l'office du proxijuge comme un quasi office de conciliateur, alors qu'il s'agissait de rendre des décisions juridictionnelles.
Nombre de juges de proximité rendent leurs décisions consciencieusement et sérieusement, et ils ont du mérite vu le bricolage de leur institution.

Vous avez des sources pour annoncer que la chancellerie a décidé de mettre fin à l'expérience ?

Eolas

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64. Le jeudi 28 septembre 2006 à 11:00 par Un citoyen curieux

Décidément, ce site est plein de taupes qui détiennent des informations confidentielles!

65. Le jeudi 28 septembre 2006 à 11:32 par David Monniaux

@Eolas: Et si le droit est si clair, alors, que veut dire la loi DADVSI version censurée par le CC?

On me souffle qu'il n'est pas clair qu'il soit légal de faire un logiciel libre de lecture de contenus protégés par DRM (donc, DVD et PDF). En effet, cela suppose d'avoir contourné la protection, et de fournir un logiciel qu'un homme de l'art pourra modifier, y compris pour ôter les limitations dues au DRM.

Et que doit-on comprendre par un « logiciel manifestement destiné à » ? L'appréciation souveraine du juge qui trouve que le plaignant fait respectable et le concepteur du logiciel a une tête de pirate ? :-)

(Bon, là, je trolle : tout le monde admet que cette loi est foireuse.)

66. Le jeudi 28 septembre 2006 à 12:38 par Paganini

@61 : "Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. Passons sur la chose d'autrui, qui est parfaitement compréhensible".

Et bien, justement, pas tant que ça... la notion meme de "chose" n'est pas forcement parfaitement compréhensible dans cette définition de l'article L. 311-1 pour le non-juriste.

Le terme "chose", dans son acception courante, est l'un des mots les plus vague et les plus général de la langue française. Le terme "chose" entendu de façon juridique ne recouvre pas un champ aussi large.

La chose désigne t'elle un bien matériel ? évidemment.
Un bien immatériel ? "Mais une chose ne peut pas etre immatériel ?!". Et bien ça se discute, en doctrine du moins. Et quant à expliquer les subtilités entre support, bien immatériel objet de propriété, etc. au justiciable lambda...

Une chose doit etre matérielle pour etre volée, donc un bien immatériel ne peut faire l'objet d'un vol. Ni une information. "Ni l'électricité alors ?" Et si... il y a même une incrimination spécifique pour le vol d'électricité.

Les "choses" ne sont donc pas si simples, même quand elles le paraissent !

67. Le jeudi 28 septembre 2006 à 13:29 par Naël

Un arrêt assez récent a admis le vol d'un numéro de carte bancaire, effectivement. Et le vol d'information est encore controversé en doctrine.

Mais en l'occurence, on se trouve dans le cas inverse : si le terme de chose est évident pour un non-juriste, il ne l'est pas forcément pour un juriste.

Je veux dire par là qu'il ne pose aucune difficulté quant à l'aprpéhension du concept de vol par un néophyte. D'où l'évacuation rapide de cette notion dans ma note.

68. Le jeudi 28 septembre 2006 à 22:34 par Louisa

Hallucinogène, le juge de proximité se prend pour qui?
impartial et inéquitabe, la totale! Voilà, à faire trop de zèle....Quand même il faut le lire pour le croire!

69. Le jeudi 28 septembre 2006 à 22:57 par JR

@clems 50
Une provision sur des dommages-intérêts devant le juge des référés ??
Vous pouvez vous gratter !
(un juge des référés)

70. Le vendredi 29 septembre 2006 à 00:33 par Raph

@ tous :
Vous n'avez jamais écouter une conversation entre un greffier, un huissier et les policiers de l'excorte ?
Les commentaires : "dotée d'un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane" sont monnaies courantes, que lorsque quelqu'un veut faire croire au Président de la chambre correctionelle de la CA qu'il ne s'est pas lire mais qu'il sait écrire... (avec son avocate despérée qui ne sait pas comment le faire taire...) ou qu'on déclare que c'est la victime qui aurait jetté le téléphone portable dans la voiture du prévenu (c'est l'excuse que j'ai le plus entendu, un vrai bestof !!)

J'ai un autre souvenir : j'ai croisé le regard d'une conseillère de la CA.. On a failli explosé de rire (en plein milieu de l'audiance)

71. Le vendredi 29 septembre 2006 à 03:42 par chikin

''dotée d'un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane''

Je sais qu'un juge de n'importe quel cour ne doit jamais écrire d'un tel manière dans sa décision (se moquer de la pauvre Mme.), mais suis-je un mauvais gars pour avoir trouvé cela drôle ?

72. Le vendredi 29 septembre 2006 à 10:38 par Paganini

@71 : après avoir regardé le super documentaire de Depardon diffusé hier soir sur France 2, je dois confesser que j'ai eu quelques éclats de rire (meme si je n'en suis pas fier au fond car le plus souvent il s'agit de situations tragiques ou de personnes en souffrance...).

Si, un éclat de rire dont je n'ai aucunement honte, car pour le coup il n'y avait rien de tragique dans la situation et le prévenu était franchement ridicule : celui qui arrive seul, sans avocat, pour se défendre seul, et qui commence à expliquer à la présidente du tribunal la différence entre une arme et une arme par destination... Ou qui invoque une faute de frappe sur la date de son interpellation figurant au PV lorsqu'on lui demande au dernier moment s'il a quelque chose à ajouter... "in limine litis !" "quoi ça ?"


73. Le vendredi 29 septembre 2006 à 21:56 par clems

Son erreur sur la définition du mot est bien compréhensible. Tout le monde pense qu'une arme par destination c'est un objet qui prend se qualification si on s'en sert dans le cadre d'une agression.

Alors que si je ne me trompe pas le tournevis ou opinel et autre objets pouvant blesser sont des armes par destination dont le port est interdit sauf si on est en mesure d'en justifier le transport par l'usage à titre d'outil.

Y' avait pas quelque chose à faire sur l'inintelligibilité de la loi ? Il est manifeste qu'il ne savait pas en toute bonne foi et également après avoir lu l'article....

Je sais que vous ne me croirez jamais mais vous vous trompez. L'Opinel est une arme par nature, pas par destination (ce qu'est bien le tournevis).

Eolas

74. Le vendredi 29 septembre 2006 à 22:28 par Clems

Si si, je vous crois ;) Moi et les marques... Un couteau suisse quoi tout petit mini, en bref ce qu'il avait.

Et vous avez pas répondu sur le coté inintelligible de la définition. La plupart des vendeurs expliquent que c'est autorisé, alors si en plus la définition n'est pas limpide....

Si votre référence juridique, c'est les vendeurs d'Opinel, cela explique beaucoup de choses.

Eolas

75. Le vendredi 29 septembre 2006 à 23:26 par Clems

Au passage je suis perdu, je viens faire une recherche sur le net et par rebond je tombe sur vous :
"Sur l’opinel : la distinction qu’opère le prévenu entre l’arme par nature et l’outil arme par destination est tout à fait exacte juridiquement… mais inutile en l’espèce"

Donc opinel arme par nature ???

"La réponse est non. Donc il était bien porteur d’une arme blanche par destination sans motif légitime. Après ça, que la loi sur les armes soit mal faite, c’est un autre débat, qui doit se tenir en d’autres lieux, en l’occurrence le parlement. Mais dans un prétoire, la loi doit être appliquée."

www.u-blog.net/eolas/note...

Si vous faites un revirement ou si vous connaissez l'exact définition retenue (la juge semble valider la définition "par destination" lors du jugement que je parviens pas à trouver, reconnaissant implicitement votre erreur ca serait bien de savoir pourquoi...

76. Le samedi 30 septembre 2006 à 00:04 par Clems

Et c'était bien un opinel... Notez qu'elle reconnait avoir commis une erreur lors de l'affaire (laquelle) ? En attendant cela conforte l'idée que la loi est sur ce point inintelligible car même la juge au final se plante.

"
Mme Michèle BERNARD-REQUIN - Je vous remercie. Cela va faire double emploi avec ce qu'a dit ma collègue juge des enfants, à la différence que, pour ma part, j'étais d'accord au départ. Vous avez remplacé vous-même une collègue alors que, pour ma part, Raymond Depardon m'a contactée à cause du film Délits flagrants qu'il avait fait dix ans auparavant. Je lui ai dit que c'était normalement impossible et qu'il devait s'adresser à mes chefs de cour. C'est ainsi que Monsieur le Premier Président lui a dit que la porte de la 10ème Chambre lui était ouverte. Il avait mis sept ans à avoir l'autorisation pour Délits flagrants ; il a mis sept minutes pour avoir cette autorisation pour 10ème Chambre, et je n'y ai été pour rien. Comme je l'ai dit à tous mes collègues, jamais je ne me serais lancée dans cette aventure sans une adhésion totale et même une volonté de ma hiérarchie.

Quel effet cela fait-il ? Il est positif et négatif. Comme vous, ma chère collègue, j'ai oublié la caméra assez vite parce qu'on a beaucoup à faire et que l'on est concentré sur le dialogue. De plus, il faut savoir que, chez moi, il est resté trois mois. On ne peut donc pas tricher et être autre que ce qu'on est pendant trois mois. Comme vous, j'ai vu ensuite les choses que je fais à peu près bien et les choses que je fais mal : trop interrompre, être trop rapide parfois et ne pas laisser assez la parole aux personnes.

J'ai eu aussi, comme vous, beaucoup de réponses et beaucoup de lettres, positives ou non. Quand on s'affiche de cette façon, on s'y expose. Globalement, j'ai eu plutôt des lettres qui indiquaient que la justice au quotidien n'apparaissait pas aussi mal rendue que cela. J'ai eu environ 70 % de lettres positives, mais aussi 30 % de lettres très désagréables qui ne me pardonnaient pas mon mouvement d'humeur à l'égard d'un monsieur qui avait un opinel et à qui je disais qu'il n'allait pas m'apprendre le droit (j'ai d'ailleurs peut-être commis une erreur sur cette affaire). 30 % des gens n'ont pas supporté cette sorte d'abus de pouvoir de cette femme qui est déjà omniprésente et qui, avec la procédure inquisitoire, dirige les débats et décide ensuite, ce qui est un pouvoir énorme et ce qui est la spécificité de la procédure française par rapport à la procédure anglo-saxonne"

Extrait de www.senat.fr/colloques/re...

77. Le samedi 30 septembre 2006 à 00:23 par Stéphane

À la lecture de la prose du proxijuge je me suis cru en Berryer un instant ;-)

[22] @Guillermito : Merci pour les deux liens du NYT. Édifiant.

78. Le samedi 30 septembre 2006 à 14:07 par tam'

"(Un mathématicien me souffle que les notions de «corps», d'«archimédien» et de «complet» sont elles aussi parfaitement définies.)"

Prenons celle de "corps" : c'est un anneau possédant au moins deux éléments, dont tout élément non nul possède un inverse pour le produit.

Tu devras regarder les définitions :

- d'anneau
- d'élément
- de cardinalité
- de produit, d'inverse

Au final, on en reviendra à se demander ce qu'est un "ensemble", et il faudra se plonger dans Zermelo-Fraenkel, dont l'enjeu est d'assurer la rigueur et non la compréhension par le néophyte. Je ne vois pas en quoi c'est différent du droit : dans tous les cas il faut lire des patachiées de textes pour comprendre le fondement des choses (je t'assure que je ne m'amuserais pas à essayer d'expliquer ZFC à un étudiant de sup). Peut-être que dans un cas le texte qu'il faut lire se trouve dans un manuel et l'autre au Journal Officiel, mais sans l'aide d'un professionnel tu as peu de chances d'y comprendre goutte.

79. Le lundi 2 octobre 2006 à 12:58 par asteroid257

Puisqu'on parle d'expérience avec la juridiction de proximité, je vais vous donner deux cas dont j'ai fait l'expérience:

Juge de proximité saisi d'une affaire en contravention 4ème classe. Histoire de violences plus que légères :) Le juge de proximité commence par donner la parole aux parties civiles (après s'être assuré tout de même de l'identité du prévenu mais sans rappeler les faits dont il est saisi ni même entendre le prévenu). Je laisse faire pour voir jusqu'ou on va aller. Il entend ensuite le prévenu très brièvement puis .... me donne la parole :)

Je lui fais remarquer qu'à sa gauche est assis un charmant Monsieur sensé représenter la société et prendre des réquisitions: "Ah oui euh désolé".

Je plaide ensuite et la, le magistrat dit "Pour terminer je vais entendre les parties civiles".

Et moi de lui expliquer sagement, sans m'enerver, "l'ordre de passage" dans une procédure pénale :) Ce juge a visiblement retenu la leçon. Heureusement.

Deuxième cas qui pourrait faire rire s'il ne s'agissait d'une décision de justice rendu au nom du peuple français.

Une mineure est convoquée devant le juge de proximité pour avoir insulté sa voisine. Les faits sont contestés et dans le dossier, aucun élément objectif ne vient corroborer les accusations de la voisine. Parole contre parole, je plaide donc la relaxe. Et la, on change de dimension.

Le magistrat nous explique tranquillement que "oui c'est vrai Madame, vous ne pouvez pas rapporter la preuve des insultes qui sont en plus contestées". Je me dis c'est bon relaxe. "Mais Mademoiselle, pour le principe, et afin que les choses se calment, je vais quand même vous condamner" OUCH. Je proteste, mais rien n'y fait, le jugement avait de toute façon été rendu. Mais ca n'est pas fini puisque le juge répondant à la demande de dommages et intérêts de la voisine lui répond qu'elle n'aura rien car on n'a pas la preuve des insultes !

Extraordinaire.

Mon opinion sur les juges non professionnels d'une façon générale ? Certains connaissent parfaitement leur role et la matière qu'ils ont a traité (en social j'en connaîs qui sont capables de coller n'importe quel avocat specialisé) et d'autres qui malheureusement n'ont ni les connaissances nécessaires, ni parfois l'impartialité nécessaire.

On frôle (dépasse même) parfois plus l'équité que le droit. Or même un juge de proximité est la pour appliquer la règle de droit.

80. Le mardi 3 octobre 2006 à 18:45 par littoral

je pratique personnellement la juridiction visée dans cet article, je tiens à vous préciser que lors d'une commission de discipline à la prison de La Farlède j'ai entendu dire le Président à mon client "Dans le doute on vous condamne"!
En même temps je n'ai pas le même pouvoir de persuasion que le Maître des lieux.

81. Le mardi 10 octobre 2006 à 10:11 par Fabienne

Avez vous vérifié si la décision rendue émane d'un juge de proximité ou d'un juge d'instance (professionnel) faisant fonction de juge de proximité ?

La distinction me paraît interessante !

82. Le dimanche 15 octobre 2006 à 12:57 par jpmt

@ Fabienne
Bravo. Après vérification, ce jugement de Toulon n'a pas été rendu par un Juge de proximité mais par un Juge d'instance statuant en qualité de Juge de proximité...

Juge d'instance qui était paraît-il en mi-temps thérapeutique...

On aimerait que certains commentateurs ici ne se trompent pas de débat...

Un mi-temps thérapeutique ? Rassurez moi : il ne venait pas d'Angoulème ?

Eolas

83. Le dimanche 15 octobre 2006 à 21:24 par Tom

Dans le même style que l'arrêt de la CAA de Nantes que vous citiez...

Il y a parfois des arrêts...
a) publiés avant même la date où ils sont rendus...
b) et des arrêts passés qui font référence à des arrêts futurs et les visent ...

Du moins si l'on en croit Légifrance !

Un bel exemple : www.legifrance.gouv.fr/WA...

Conseil d'État, N° 242727
Section du Contentieux
...
Lecture du 3 décembre 2003
...
Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision en date du 3 décembre 2003 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur les requêtes, enregistrées sous les n°s 242727, 243359, 243385...
...
Considérant que, par un arrêt rendu le 1er décembre 2005 sur renvoi préjudiciel du Conseil d'Etat... la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré, etc.

Sans commentaires !

(En réalité, c'est une confusion entre le texte de l'arrêt du 28 avril 2006 et le chapeau de l'arrêt du 3 décembre 2003. Le résumé et le titrage sont également relatifs, quant à eux, à l'arrêt du 3 décembre 2003 !!! )

84. Le mercredi 18 octobre 2006 à 10:43 par Fabienne

@jpmt

Je connaissais la réponse mais je vous remercie d'avoir vérifié.
Un peu d'honnêteté intellectuelle ne nuit pas.

85. Le samedi 4 novembre 2006 à 18:48 par Paxatagore

Pour info, la décision est publiée dans Dalloz 2006.IR.2346. L'auteur de la décision est donc désormais la risée de l'ensemble de la communauté des juristes, y compris ceux qui ne lisent pas votre blog, Maître Eolas (et oui, tout le monde n'a pas internet).

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