Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Inside the délibéré

Comme annoncé, voici un billet d'une guest star,

Comme annoncé, voici un billet d'une guest star, en l'espèce Dadouche (oui, c'est un pseudonyme), magistrate de son état, qui nous propose une sorte de docu-fiction narrant un délibéré d'assises. Elle s'est inspirée de son expérience personnelle, ayant été assesseur[1] aux assises, mai qu'il soit clairement entendu que ce récit ne s'inspire directement d'aucune affaire réelle, son serment de magistrate s'opposant à ce qu'elle brise le secret des délibérés. Les jurés et leurs propos sont des mélanges de diverses personnalités, de même que les faits jugés sont d'une banalité qui les met à l'abri de tout rapprochement. Selon la formule habituelle, toute ressemblance avec des personnes existante ou ayant existé serait purement fortuite, mais ça n'en serait pas moins bon signe.

Certaines explications seront fournies par votre serviteur sous forme de notes de bas de page, le reste du texte sous la ligne ci-dessous est de l'auteur. Pendant que nous nous métamorphosons en petite souris pour écouter ce qui va se dire, rappelons brièvement que les douze hommes et femmes[2] qui vont entrer ont consacré les deux derniers jours à cette affaire : aux faits, reconstitués de manière détaillée, aux témoins, tous entendus, à la personnalité de l'accusé, décortiquée et mise à nu. Ils auront donc bien plus d'éléments que nous pour fonder leur décision. Ne jugeons pas les juges, nous ne sommes que spectateurs muets.

Mais silence ! J'entends des pas. Voici la cour et le jury.


L’accusé a eu la parole en dernier. Les portes de la salle de délibéré se sont fermées, avec un policier en faction devant[3].

Les jurés ont pris leurs marques depuis le début de la session. Ceux qui ont participé aux précédentes affaires rassurent les petits nouveaux. Le deuxième assesseur, une juge placée[4] qui vient de sortir de l’école, est désignée volontaire pour servir le café et distribuer les sandwiches que la greffière a obligeamment commandés en prévision d’un délibéré tardif.

Tout le monde se détend un peu après deux heures de plaidoirie/ réquisitoire/ plaidoirie. Qu’il faisait chaud dans cette salle d’audience ! Les miracles de l’architecture judiciaire permettent à chacun d’aller à son tour faire une petite pause technique longtemps attendue. Et chacun prend place autour de la table, déplie les notes consciencieusement prises pendant cette journée d’audience. Certains en ont des pages entières, dans lesquelles ils se replongent fébrilement. D’autres ont tout noté mot à mot les deux premières heures et n’ont plus rien écrit. On passe un dernier coup de fil chez soi pour prévenir qu’il vaut mieux oublier le dîner et la soirée en famille.[5]

Le premier juré est assis à côté du président. Les assesseurs sont mélangés aux jurés. Les robes (noires et rouge) sont tombées, les vestes ne vont pas tarder.

Après quelques minutes de flottement, le président demande le silence et explique aux jurés les mécanismes de vote, les systèmes de majorité[6]. Il rappelle que le premier débat et la première série de votes doivent porter sur la culpabilité de l’accusé.

Il invite les jurés tour à tour à évoquer ce qui les a marqués, les questions qu’ils se posent, leur impression à l’issue des plaidoiries. La question de la culpabilité porte sur deux aspects dans cette affaire : Jérémy, 20 ans, a passé la soirée en boîte de nuit. Il y a rencontré Ludovic, 22 ans, qui, l’alcoolisation aidant, a fait des remarques déplacées sur les supposées difficultés sexuelles du jeune homme que sa petite amie vient de quitter. Jérémy, qui avait noyé son chagrin dans le gin-tonic toute la soirée, s’est jeté sur lui et il a fallu les deux videurs pour les séparer. Jérémy s’est retrouvé sur le parking, attendant les amis avec lesquels il était venu. Malheureusement, Ludovic quitte la boîte de nuit avant eux. Jérémy veut terminer de venger son honneur de mâle blessé et la bagarre reprend. Ludovic pratique la boxe et Jérémy se retrouve bientôt en mauvaise posture. Paniqué, il sort le couteau que ses amis lui ont offert pour son anniversaire quelques jours auparavant et menace Ludovic, qui continue pourtant à se rapprocher. Jérémy balaye l’espace devant lui avec le couteau. Ludovic se rapproche quand même. Jérémy continue et rencontre tout à coup une résistance. Ludovic s’effondre, touché au cœur à travers son mince T-shirt. Jérémy reste quelques instants les bras ballants avant de prévenir le personnel de la boîte de nuit qui alerte les secours. Ludovic ne survit pas à sa blessure.

L’information judiciaire avait été initialement ouverte du chef d’assassinat, c’est à dire meurtre avec préméditation. Au vu des premières constatations, l’hypothèse selon laquelle Jérémy avait attendu Ludovic sur le parking pour le tuer était plausible. L’instruction n’a pas permis d’établir la circonstance aggravante de préméditation et Jérémy a été renvoyé devant la cour d’assises pour meurtre, c’est à dire pour avoir volontairement donné la mort à Ludovic. Le procureur et le juge d’instruction ont considéré qu’un coup de couteau porté dans la région thoracique révélait une intention de tuer. Jérémy a maintenu durant toute l’instruction qu’il ne souhaitait pas tuer Ludovic et son avocat a plaidé la requalification du meurtre en « coups mortels » (violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner).

Jérémy a tué Ludovic, il n’y a pas de doute là dessus. Mais voulait-il le faire ? C’est de cela que les jurés et les magistrats vont décider.

Le premier juré prend la parole. Il n’est pas le premier parce qu’il est le meilleur, mais simplement parce que son nom a été le premier tiré au sort et c’est lui qui signera avec le Président les procès verbaux.

C’est un monsieur discret, qui n’a pas beaucoup discuté avec les autres pendant les pauses. Personne n’arrive à se rappeler de son nom. Il explique qu’il a deux fils de 20 et 22 ans. Que depuis ce matin il s’interroge sur sa réaction si l’un d’entre eux s’était trouvé à la place de Ludovic… ou de Jérémy. Son fils aîné a déjà été impliqué dans une bagarre (à main nue) dans des circonstances pas si éloignées. Il s’interroge sur le récit que Jérémy a fait de la bagarre, qui n’a eu aucun témoin. Ce qui l’a frappé, c’est que le médecin légiste a expliqué que la « plaie transfixiante » lui paraissait plutôt avoir été faite en « piquant » avec l’arme qu’en « balayant » comme Jérémy l’a raconté. Mais l’expert, interrogé par l’avocat de la défense, a précisé qu’il ne pouvait affirmer avec certitude que cela n'avait pas pu se passer comme Jérémy l’avait dit. Et puis il y a le témoignage du videur qui a séparé les deux belligérants à l’intérieur. Selon lui, Jérémy a dit à deux reprises « je vais le tuer ». Pourtant, le premier juré pense que Jérémy n’a pas voulu tuer Ludovic, qui faisait 10 centimètres et 15 kilos de plus que lui. Il avait lui même de nombreuses contusions et était en train de prendre une véritable raclée lorsqu’il a sorti le couteau. L’alcool et la panique lui ont fait commettre l’irréparable, mais il ne voulait pas tuer.

Le juré suivant, Albert, bafouille qu’il est d’accord, que quand même, Jérémy attendait sur le parking, mais que non il ne voulait probablement pas tuer Ludovic.

A côté de lui, c’est Simone. Elle a été tirée au sort et récusée pour chacune des précédentes affaires. Elle l’a très mal pris et en a parlé à chacune des pauses depuis 2 jours, demandant à chacun pourquoi « on » a pas voulu d’elle avant. Elle a l’occasion enfin de donner son avis et elle ne va pas se priver de le faire. Après quelques considérations sur les détestables habitudes de la jeunesse d’aujourd’hui, elle explique que ce qui l’a le plus marquée c’est le témoignage de la mère de Jérémy. Elle l’a trouvée très digne et a failli avoir les larmes aux yeux quand la mère de Jérémy a dit, posément, qu’elle se demandait depuis le drame quelle erreur elle avait commise en élevant son fils. Elle a dit sa conviction que son fils, « le plus gentil garçon du monde », ne pouvait pas avoir voulu tuer Ludovic. Ils étaient au collège ensemble. Et elle connaît très bien la mère de Ludovic. Pour cette mère, même si elle ne veut pas excuser son fils, tout est de la faute d’Ophélie, qui venait de quitter Jérémy et avait raconté à tous ses copains que c’était « un mauvais coup ». Jérémy en était très affecté et sortait se saouler consciencieusement tous les week-ends. Elle a même trouvé une boulette de shit dans sa chambre. Tout ça, ça a marqué Simone. Elle dit sa conviction que « les mères sentent ces choses là » et pense qu’il n’y avait pas d’intention homicide.

Le juré suivant, Pierre, a commencé à s’agiter sur sa chaise quand Simone a évoqué la mère de Jérémy. Il a tenté de lui couper la parole, mais le président lui a rappelé qu’il aurait son tour. Pierre lève les yeux au ciel pendant que Simone brode sur le thème « seules les mères connaissent leurs petits ». Quand c’est à son tour de parler, il reprend un à un tous les arguments de l’avocat général : oui Jérémy était très alcoolisé (1,18 mg par litre d’air expiré, c’est à dire 2g36 d’alcool dans le sang), mais il a sorti le couteau de sa poche gauche. Alors que dans sa poche droite il avait la clé de sa voiture où il aurait pu se réfugier en attendant ses copains. Il n’y a eu qu’une blessure, mais directement au cœur. Et Jérémy a « piqué » et non « balayé » avec le couteau. Et si le juge d’instruction a renvoyé pour meurtre, c’est bien qu’il pensait que c’était un meurtre. Et l’attitude du jeune homme ! D’abord, ce n’est pas normal qu’il comparaisse libre (il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire au bout de 5 mois, juste après la reconstitution). Il s’est contredit dans ses déclarations : en garde à vue il a dit avoir effectué deux balayages, alors qu’il a prétendu en avoir fait 3 ou 4 quand on lui a posé la question à l’audience. Et puis on ne se balade pas comme ça avec un couteau sur soi si on ne prépare pas un mauvais coup. Bref, c’est clair, Jérémy a visé le torse et la région du cœur, et il voulait tuer Ludovic.

Albert a hoché la tête pendant toute la diatribe de Pierre. On dirait bien que s’il s’exprimait maintenant, il dirait que, même s’il avait beaucoup bu, Jérémy voulait probablement tuer Ludovic.

Jérôme prend la parole. Tout le monde se demande depuis le début pourquoi il n’a pas été récusé : il a 23 ans et il est coiffé avec beaucoup de gel comme Jérémy. Mais l’avocat général qui officiait pour cette audience s’attache en général à utiliser son droit de récusation pour préserver un certain équilibre homme/femme, sans tenir compte du peu qu’il sait par ailleurs des jurés (leur âge et leur profession). Et là, Jérôme cueille tout le monde à froid : on a beau avoir beaucoup bu (on a l’impression qu’il sait de quoi il parle !), on se rend quand même compte de ce qu’on fait avec un couteau. D’accord, la victime n’était pas très sympathique. D’après la plupart des témoignages recueillis, il a provoqué la bagarre par des insultes dont on comprend que Jérôme ne les aurait pas laissées passer non plus, mais ça ne mérite pas qu’on sorte un couteau. Il pense que Jérémy voulait tuer Ludovic.

Marie-France prend la parole. Elle rappelle les arguments évoqués par le premier juré (elle non plus ne se rappelle pas son prénom). Elle souligne que l’expert psychiatre a estimé que Jérémy ne présente pas d’état dangereux et que la panique et l’alcool ont joué un rôle important dans les faits. Pour elle il n’y a pas d’intention homicide.

Solange dit qu’elle ne sait pas quoi penser. Après le réquisitoire elle était sûre que c’était un meurtre. Depuis la plaidoirie de l’avocat de la défense, elle ne sait plus. 

Jacques lui non plus n’a pas encore d’opinion. Les explications du médecin légiste sont très troublantes, mais Jérémy a l’air d’un brave gars. Et il a toujours dit, dès qu’il a prévenu les videurs, avant d’apprendre la mort de Ludovic : « je ne voulais pas ». Jérémy a beaucoup pleuré à l’audience. Mais les parents et la soeur de Ludovic aussi. Non, décidément, il ne sait pas.

Géraldine s’exprime enfin. Elle provoque un soupir exaspéré de Simone quand elle explique que ce n’est pas parce que Jérémy est très gentil avec sa mère qu’il n’a pas pu avoir d’intention homicide. Elle aussi est frappée par le fait qu’il est venu en boîte avec un couteau dans sa poche. Elle ne comprend pas non plus qu’on l’ait laissé errer seul sur le parking après la première bagarre. Elle pense que quand on sort un couteau face à un homme désarmé alors qu’on est en rage contre lui, ce n’est pas juste pour lui faire peur.

Les assesseurs, qui ont d’abord laissé parler les jurés, prennent enfin leur tour. Ségolène, la préposée au café, a fait tourner les petits gâteaux et ramassé les emballages de sandwiches pendant la discussion. Elle rappelle que le juge d’instruction, en renvoyant Jérémy du chef de meurtre, n’a pas préjugé de sa culpabilité. Cela signifie seulement qu’il y avait, à la fin de l’instruction, des raisons de penser qu’il avait eu l’intention de tuer. D’ailleurs, la preuve, certains en sont convaincus.

Si le juge d’instruction avait renvoyé directement pour coups mortels, ce débat n’aurait pas pu avoir lieu. Elle explique que la jurisprudence considère en général qu’une blessure volontairement portée dans une zone vitale caractérise l’intention homicide. Elle rappelle que le coup a très vraisemblablement été « piqué », que l’état d’ivresse de Jérémy lui interdisait de conduire une voiture mais ne l’empêchait pas de tenir son couteau. Pour Ségolène, c’est un meurtre.

Jean-Louis, le deuxième assesseur a été juge d’instruction pendant 15 ans. Et des dossiers qui ressemblent à celui-là, il en a instruit un tas. On a pas idée du nombre de jeunes crétins qui se baladent avec un couteau sur eux et qui le sortent dès que la vodka les a mis en forme. Sur tous ces dossiers, un paquet ont été jugés en correctionnelle parce que la victime avait survécu, souvent à quelques millimètres près à gauche ou à droite du cœur. Curieux aussi le nombre de (pas très) fines lames qui balayent devant eux au lieu de « planter » leur adversaire. Souvent, ce ne sont pas les plus courageux mais passons. Pour lui, il est possible que Jérémy ait voulu tuer Ludovic, mais on ne peut pas en avoir la certitude uniquement à cause de la localisation de la blessure ou de menaces proférées sous l’emprise de l’alcool pendant une bagarre. Ce sont des coups mortels.

Le Président a écouté tout le monde, faisant parfois les gros yeux à ceux qui voulaient s’exprimer avant leur tour ou couper la parole à quelqu’un. Il résume un peu les arguments de chacun et rappelle que le doute doit profiter à l’accusé. Il est d’accord avec son deuxième assesseur : il est fort possible que Jérémy ait voulu tuer Ludovic, mais il lui semble qu’un large doute existe sur ce point.

Albert hoche la tête gravement. Manifestement, il vient de changer d’avis pour la cinquième fois. Pierre répète en boucle ce qu’il a déjà dit et commence à s’énerver contre Simone qui montre sa satisfaction que le président soit de son avis. La discussion commence à tourner en rond et le Président propose que l’on passe au vote.

Chacun doit répondre par oui ou par non à la question « Jérémy X. est-t-il coupable d'avoir volontairement donné la mort à Ludovic Y. ? ». Tous marquent leur réponse sur un papier marqué du sceau de tribunal où figure la formule "En mon âme et conscience, ma réponse est : ..." et le déposent dans la boîte à gâteaux vide qui fait office d’urne. Le Ministère de la Justice ne connaît pas de petites économies.

Le Président et le premier juré lisent les bulletins un à un. La réponse est non par 7 voix contre 5. Il aurait fallu au moins huit "oui" pour que la condamnation soit prononcée pour meurtre. Pierre hésite à protester mais le Président le fait taire d’un coup d’œil.

Il faut maintenant poser les questions subsidiaires : « Jérémy a-t-il volontairement commis des violences sur Ludovic ? », « Ces violences ont-elles été commises avec usage ou menace d’une arme ? » et « Ces violences ont-elles entraîné la mort de Ludovic ? ».

Le même rituel reprend et la cour et le jury décident à l’unanimité que Jérémy a volontairement commis sur Ludovic des violences avec arme qui ont entraîné sa mort.

Il faut maintenant décider de la peine. Le Président rappelle que la peine maximale qui peut être prononcée est la peine de 20 ans de réclusion criminelle et que la peine minimale est d’un an, éventuellement avec sursis. Il explique le mécanisme de vote pour ceux qui n’ont jamais siégé et rappelle pour mémoire que l’avocat général a requis pour meurtre une peine de 12 ans de réclusion (pour 30 encourus). Il propose de faire à nouveau un tour de table pour que chacun s’exprime.

Le premier juré a été marqué par le témoignage du patron de Jérémy, qui a dit à la barre qu’il l’avait repris sans hésiter à sa sortie de détention provisoire et qu’il pourra lui garder sa place quelques mois, peut être un an, mais pas plus s’il est à nouveau incarcéré. Le jeune homme a été très marqué par sa détention provisoire et a exprime à l’audience des regrets sincères. Est-il nécessaire de l’envoyer en prison pendant des années ? Le premier juré demande donc au président des éclaircissements sur le possibilités de sursis, que l’avocat de Jérémy a sollicité. Le président explique que seules les peines inférieures ou égales à 5 ans d’emprisonnement peuvent être assorties en tout ou partie d’un sursis. Le premier juré trouve que ce serait une bonne idée de faire retourner Jérémy en prison pendant un an « parce que c’est quand même une vie humaine », et qu’on pourrait mettre le reste avec sursis.

Albert a bien vu que Simone hochait de la tête, mais que Pierre commençait à trépigner. Il trouve que 5 ans ce n’est pas assez, mais douze ans c’est trop.

Simone abonde dans le sens du premier juré et rappelle une nouvelle fois la dignité de la mère de Jérémy. Elle se demande même s’il faut le renvoyer en prison.

Pierre s’indigne qu’on fasse si peu de cas d’une vie humaine. Il comprend bien qu’il y avait un doute sur le meurtre, mais quand même il ne faut pas exagérer ! Si la loi prévoit un maximum de 20 ans pour ce genre de faits, la peine de 12 ans proposée par l’avocat général ne lui paraît pas exagérée.

Jérôme trouve lui que douze ans ça serait trop « même avec les remises de peine ». Il demande au Président de rappeler à quel moment Jérémy pourrait bénéficier d’une libération conditionnelle. Il trouve qu’il ne faut pas aller au delà de 8 ans d’emprisonnement pour ménager à la fois la famille de Ludovic et les intérêts de Jérémy, qui sortira un jour de prison.

Marie-France est d’accord avec Jérôme. Elle a été sensible aux regrets exprimés par Jérémy, dont la vie a basculé en un instant, mais elle rappelle aussi les larmes de la mère de Ludovic et les paroles de son avocat qui leur a dit dans les yeux « Elle compte sur vous ».

Solange a été très marquée par la visite de la maison d’arrêt au début de la session. Et elle se rappelle les peines prononcées dans les affaires de viol sur mineur dans lesquelles elle a siégé les jours précédents. Elle rappelle que Jérémy ne voulait pas tuer Ludovic et que, comme l’a expliqué l’assesseur, pour quelques millimètres ça se serait terminé en correctionnelle. Elle est pour une peine en partie avec sursis.

Jacques a été quant à lui sensible aux arguments de l’avocat général, qui a mis en avant la nécessité de protéger la vie humaine. Mais douze ans c’était avec l’intention homicide. Là, 9 ans pourraient suffire.

Géraldine ne sait pas quoi penser, partagée entre la conviction que de longues années d’emprisonnement ne serviront à rien de plus et le fait que « cinq ans ça ne fait pas cher la vie humaine ».

Ségolène, qui a refait un tour de café, penche pour une peine de 7 ans d’emprisonnement, en se référant aux réquisitions qui, ne l’oublions pas, avaient été prononcées pour une infraction plus grave. Elle explique que ça lui paraît une peine équilibrée, suffisamment significative pour rappeler la valeur de la vie humaine et pas trop longue pour ne pas désespérer Jérémy, qui pourra aller en centre de détention et espérer une libération conditionnelle dans un peu plus de deux ans compte tenu de la détention provisoire et des réductions de peine.

Jean-Louis dit qu’une peine de 5 ans dont 2 assortis d’un SME ne le choquerait pas compte tenu de la personnalité de Jérémy, qui a de bonnes chances de réinsertion. Depuis le temps qu’il siège aux assises, il a pu se faire une idée des peines généralement prononcées et ça lui paraîtrait assez conforme à ce qui est prononcé d’habitude.

Le Président, comme toujours, termine le tour de table. Il regrette que la loi ne permette pas de prononcer une peine supérieure à 5 ans avec un sursis partiel. On le sent un peu fatigué en cette fin de session, qui a été marquée par une décision de réclusion criminelle à perpétuité dans une affaire de viol accompagné de torture qui a provoqué une affluence de journalistes. Il ne le dit pas aux jurés, mais il a des enfants qui ont à peu près l’âge de Jérémy et Ludovic. Il sait que plus la détention durera plus les chances de réinsertion de Jérémy diminueront. Il penche pour une peine de 5 ans dont 1 ou 2 ans de sursis avec mise à l'épreuve.

Au premier tour de vote, les peines proposées sont les suivantes : 5 ans (5 voix), 7 ans (3 voix), 8 ans (2 voix), 9 ans (1 voix) et 12 ans (1 voix). Aucune peine n'ayant eu la majorité absolue de sept voix, un second tour a lieu, dans lequel le président explique qu'il n'est plus possible de voter pour une peine de 12 années de réclusion criminelle, seules les quatres propositions les plus basses restant en piste. Aucune proposition n'ayant non plus atteint le quorum de sept voix au second tour, la peine de neuf ans est écartée. Au troisième tour de scrutin, Jérémy est condamné à la peine de 7 ans d’emprisonnement par 7 voix sur 12. Simone fait la gueule, Pierre aussi.

Il est temps de retourner dans la salle d’audience, après un peu plus de deux heures de délibéré. Il faut un bon quart d’heure pour que la greffière parvienne à rassembler tout le monde et que l'audience reprenne.

Le président, une fois tout le monde assis et le silence retombé, déclare

Après en avoir délibéré conformément à la loi, la cour, à la question numéro un,  "Jérémy X. est-t-il coupable d'avoir volontairement donné la mort à Ludovic Y ?", il a été répondu "non" ; à la question numéro deux, "Jérémy X. a-t-il volontairement commis des violences sur Ludovic Y. ? ", la cour a répondu oui à la majorité de huit voix au moins ; A la question numéro trois, la cour a répondu oui à la majorité de huit voix au moins ; à la question numéro quatre, la cour a répondu oui à la majorité de huit voix au moins. En conséquence, la cour, vu les articles 222-7, 222-8, 222-44, 222-45, 222-47 et 222-48 du Code pénal, ... Messieurs les avocats, Monsieur l'avocat général, ces articles peuvent-ils être considérés comme lus ? (acquiescement des intéressés) ...la cour condamne Jérémy X. à la peine de sept années d'emprisonnement, et vu l'article 367 du Code de procédure pénale, décerne mandat de dépôt. Monsieur le chef du service d'ordre, veuillez vous assurer de la personne de l'accusé.

Une fois que les policiers présents ont passé les menottes à Jérémy, pendant que leurs collègues s'assurent que personne dans la salle ne réagit de façon violente, le président reprend la parole.

"Monsieur Jérémy X., la loi vous donne un délai de dix jours pour faire appel de cette décision, si vous le souhaitez. Votre avocat peut faire la déclaration ou vous pourrez le faire vous même au greffe de la maison d'arrêt. "

Certains jurés regardent Jérémy dans les yeux, d’autres fixent le Président quand il prononce la peine, d’autres encore se concentrent sur la famille de Ludovic. Jérémy s’affaisse un peu et son avocat tente de le réconforter. Sa mère pleure doucement. Celle de Ludovic se rend compte tout à coup que c’est vraiment fini.

"L'audience sur l'action publique est levée, l'audience civile aura lieu après une suspension de dix minutes".

 Le Président remercie les jurés et leur rappelle que la session est désormais terminée et qu’ils n’auront plus à revenir. Place à l’audience civile.

Notes

[1] La cour d'assises est composée de deux groupes. Le premier est la cour elle même, composée de trois magistrats, dont le président, ayant rang de conseiller à la cour d'appel, et deux juges professionnels, pouvant être juge au tribunal de grande instance, soit assez jeunes, voire tout juste sortis de l'Ecole Nationale de la Magistrature. La cour a compétence pour trancher seule certaines questions de pur droit, comme la demande d'une partie d'ajouter une question à celles posées au jury, ou une demande de mise en liberté de l'accusé. Le second groupe est le jury, composé de neuf jurés, douze en appel. Le jury et la cour délibèrent ensemble sur la culpabilité et sur la peine, ce que nous allons voir.

[2] Nous sommes en présence d'une cour d'assises statuant en première instance : il y a neuf jurés et trois magistrats pour un total de douze.

[3]Ce qui révèle que nous sommes en province, Paris étant sous la protection de la gendarmerie mobile.

[4]Les magistrats placés sont des juges ou des parquetiers dépendant du premier président de la cour d'appel pour les juges et du procureur général pour les parquetiers qui ont pour rôle d'assurer diverses fonctions temporairement vacantes dans le ressort de la cour d'appel. Ils sont ensuite prioritaires au bout de deux ans pour se voir attribuer des postes vacants dans le tribunal de grande instance de la ville où siège la cour d'appel, ce qui leur assure un poste dans une ville importante.

[5]La légalité de ces coups de fil en plein délibéré me paraît sujette à caution.

[6]Toute décision défavorable à l'accusé doit être votée par huit voix au moins (culpabilité, circonstance aggravante, refus d'une cause d'irresponsabilité). La peine se vote à la majorité absolue, soit sept voix au moins.

Commentaires

1. Le mardi 20 février 2007 à 13:49 par Pangloss

Très intéressant. D'autant que j'ai souvent pu poser cette question ici ou là, mais sans réponses satisfaisantes.

2. Le mardi 20 février 2007 à 13:54 par Raph

Les jurés comme Simone m'ont fait rire : "mais pourquoi j'ai été récusé ? Vous le savez sûrement ! Je ne vais pas le répété (...)"

3. Le mardi 20 février 2007 à 14:06 par g--

Bravo, on s'y croirait.
Question : les jurés peuvent-ils demander (avant la délibération) aux victimes ou à leurs ayants droits ce qu'ils pensent juste ? Peut-on poser la question directement aux victimes, ou faut-il passer par les avocat ?

4. Le mardi 20 février 2007 à 14:08 par Fred

j'ai 3 questions:

1) vous écrivez:

"Il faut maintenant décider de la peine. Le Président rappelle que la peine maximale qui peut être prononcée est la peine de 20 ans de réclusion criminelle et que la peine minimale est d’un an, éventuellement avec sursis. Il explique le mécanisme de vote pour ceux qui n’ont jamais siégé et rappelle pour mémoire que l’avocat général a requis pour meurtre une peine de 12 ans de réclusion (pour 30 encourus). "

Le max c'est 20 ou 30, je ne comprends pas bien.

2) pourriez vous un jour nous expliquer comment fonctionne les remises de peine. Je ne suis pas juriste, mais j'ai parfois l'impression qu'il y a un certain arbitraire dans le nombre d'années de remises. Alors quelle sont les règles et que signifie au juste remise de peine? (on oublie tout ou bien en cas de récéidive le prévenu devra les faire tout de même).

3) ma 3ème question s'adresse plutôt aux lecteurs qui ont eu à délibérer dans un jurée.

le récit montre qu'une fois l'audience terminée cela va assez vite, on ne semble guère avoir le temps de réfléchir à la décision que l'on va prendre. Est-ce le cas, l'avez vous ressenti ainsi?

merci

5. Le mardi 20 février 2007 à 14:11 par champagne

c'est aussi passionant que bien écrit

on imagine bien la progression du raisonnement

j'avais commencé avec une réaction forte (en taule !) puis au fur et à mesure du récit j'ai compris comment et pourquoi la moduler, au final j'ai a la fois l'impression d'une justice qui fonctionne et d'une peine mesurée (seul le commentaire sur la réinsertion difficile "plus la peine est longue" du président me fait encore douter)

un grand merci à l'auteur pour ce partage très éducatif

merci égalment a maitre eolas

6. Le mardi 20 février 2007 à 14:11 par Fred

j'oublie une 4ème question à maitre eolas, mais éventuellement aussi à Dadouche

en tant qu'avocat vous aimeriez quelle genre de réforme sur la façon dont se constitue un jurée, la façon dont s'organise un délibéré.
Je parle bien sûr de réformes réalistes, je ne doute pas que vous aimeriez pouvoir intervenir durant la procédure!

7. Le mardi 20 février 2007 à 14:13 par Philippe D.

Petite précision : lors des votes sur la peine, les deux premiers tours sont libres, et ce n'est que pour le troisième tour qu'on écarte la peine la plus haute.

Cela permet de donner une chance à ceux qui envisagent des peines proches de se regrouper.

8. Le mardi 20 février 2007 à 14:15 par Charlie Echo

Poignant.

Quand j'avais 17 ans, j'avais, pour frimer, un couteau à cran d'arrêt sur moi. Pourtant, je suis / j'étais BCBG, bien dans ma peau, vraiment "enfant modèle", calme, posé, "premier de classe".
Mais voilà, j'avais un couteau ; je n'en ai jamais rien dit à personne...

Et si j'avais trop bu ? Et si on m'avait humilié en me traitant de "mauvais coup" ? Aurais-je sorti mon couteau ? Sans doute, oui, pour impressionner. Pour tuer ? Non, évidemment. Mais l'alcool fait oublier que la vie humaine a un certain prix (même a jeun, m'en rends-je vraiment compte, au fond ? C'est très intellectuel, comme approche. Je ne "sens pas dans mes tripes" que la vie a un prix, sauf quand je pense à mes propres enfants ; les enfants des autres m'importent moins...)

Et si on m'avait agressé au point de me faire paniquer, qu'aurais-je fait ? Aurais-je planté le couteau sur mon agresseur ? Probablement, mais dans la jambe. Mais c'est difficile à viser, une jambe ; il est plus facile de viser le torse.

Aurais-je mérité la prison ? Non, tout de même... J'aurais évidemment mérité une énorme correction, mais surtout, on aurait dû me priver d'alcool et d'armes à tout jamais.
En mettant en prison quelqu'un qui, au fond, n'est pas méchant, les parents de la victime se vengent, mais la société fait, à mon avis, une erreur.

Quant aux jurés, ils semblent avoir une haute opinion d'eux-mêmes ; ils prennent le verdict comme la preuve qu'ils avaient raison ou tort ; ils se donnent en spectacle. Ca les empêche d'avoir une opinion mesurée et de défendre une vision qui sera minoritaire.

Les jurés accordent donc un haut prix à la vie de la victime, mais se moquent de la vie de l'accusé.

Je n'en déduis rien, je ne blâme personne, je ne propose pas d'alternative, mais je réfléchis tout haut à ce que m'inspire ce splendide billet.

9. Le mardi 20 février 2007 à 14:17 par Philippe D.

@Fred : le max c'est 30 ans pour meurtre et 20 ans pour violence ayant entrainé la mort (je suppose). L'avocat général demandait la culpabilité sur le meutre et une peine de 12 ans (sur 30 encourus). L'accusé a été jugé non coupable de meurtre, mais coupable de violences blablabla dont le maximum est 20 ans. Techniquement, on peut toujours lui mettre 12 ans mais ce ne serait pas logique par rapport au réquisitoire initial.

10. Le mardi 20 février 2007 à 14:23 par bertrand

Merci pour cette fiction très instructive... Un petit air de "Douze hommes en colère"...

11. Le mardi 20 février 2007 à 14:26 par bakalegum

trés instructif :)

Cela doit être interessant , mais aussi tres perturbant d être juré, savoir garder la tête froide etc

12. Le mardi 20 février 2007 à 14:35 par yves

Je trouve que c'est n'importe quoi cet histoire de seuil avec les 5 ans. Il prend 7 ans fermes, sans sursis parce qu'avec 7 ans ce n'est pas possible, alors qu'avec 5 ça l'eut été ?

Il aurait pris 5 ans, il en aurait eu peut-être eu 2 avec sursis (soit 3 fermes), et si on passe le cap on passe de trois ans fermes à 6 ans fermes! ça double. C'est un seuil; je n'aime pas les effets de seuil. Ils sont injustes et interdisent la nuance.

Question subsidiaire: a-t-il intérêt à faire appel? Il échappe à la condamnation pour meurtre, mais s'il fait appel il la risque de nouveau n'est-ce pas ?

Cette histoire m'a rappelé un reportage sur un procès en assise. Une histoire similaire dans un bus. Un mort, un couteau. Le coupable avait été relaxé (acquitté ?) en première instance, et le reportage montrait l'appel (provoqué par le parquet si mes souvenirs sont exacts). On suivait les familles, on entendait les avocats. Un bon reportage. Ce billet en forme un excellent complément.

On voyait l'avocat pendant le délibéré qui disait: "c'est cuit. S'ils avaient décidé de l'acquitter ça serait déjà fini. Là ils discutent de la peine."

13. Le mardi 20 février 2007 à 14:40 par melliflu

Je trouve la procédure du délibéré admirable de finesse et de modération. Mais je crois que ce qui gène tout le monde et qui empêche une décision sereine, c'est que la prison n'est pas seulement une privation de liberté, mais aussi un lieu où les risques (santé, violence etc) sont plus élévé que dans la société et un lieu qui ne prépare pas à la réinsertion. C'est aussi une peine qui est marquée à vie dans le casier. Sans doute faudrait-il inventer un système de privation de liberté qui soit "accessible" à tout citoyen et qui soit plus praticable pour les juges, jurés, condamnés et victimes.

14. Le mardi 20 février 2007 à 14:47 par Suricat

Toujours intéressant et aussi inquiétant. Qu'est vraiment la justice dans cette affaire ?

Qui n'a jamais prononcé ces phrases : "je vais me le faire" ou "toi, si je te croise, tu y passes" ou "je vais te tuer" ? colère, aigreur, alcool. Ce ne sont pas des excuses. L'irréparable est commis, et ce terme est très significatif : irréparable. Alors il faut une sanction, pour ne pas que cela se généralise, pour ne pas que quiconque puisse planter son prochain sur un coup de tête ou en se réfugiant sous le prétexte de l'alcool (trop facile).

Mais que l'on ne parle pas de justice.

Je suis dans l'hypothèse où l'agresseur n'a pas volontairement attendu la victime (point assez peu débattu) et où j'ose imaginer que le meurtre n'est pas volontaire. Car rien ne prouve le contraire dans les propos évoqué, donc je reste sur l'hypothèse "faible".

Je ne suis pas du tout convaincu qu'enfermer le coupable pour 7 ans, 5 ans ou 15 ans change beaucoup son regard sur ce qu'il aura commis. Plus ce sera long, plus il sera détruit. Et s'il était suffisament détruit pour se dire que, finalement, la vie ne vaut plus d'être vécu et autant recommencer ?

Il n'y a pas ici vraiment de justice, juste une sanction pour faire peur à d'autres coupables potentiels et les empécher de le faire à leur tour, mais rien pour les acteurs du jour...

Que j'espère ne jamais avoir affaire avec la justice...

15. Le mardi 20 février 2007 à 14:54 par Jean

Eolas le Depardon et le S. Lumet des blogs...

16. Le mardi 20 février 2007 à 15:06 par Raph

@8 Charlie Echo

Je vais avoir 21 ans. Je me sens donc "proche" du condamné. Je vais des fois en discothèque. Mais je me balade jamais avec un couteau. Je ne suis pas contre les armes : j'ai une licence de tir et je vais (bientôt) commencer la pratique d'arts martiaux (je pense au Krav Maga, donc pas le plus soft).

A partir de moment où on a un couteau, on sait qu'il est là. Même si on ne compte pas s'en servir, il est dans la poche. A partir du moment où on le sort, où on le brandi, on sait que l'on peut tuer. Que l'on ai bu ou non.
Quand j'étais policier, je savais que si je devais sortir mon arme, c'était pour tuer.

Le seul fait d'avoir une arme (en plus cachée) donne un sentiment de puissance : on sait que l'on va avoir le dernier mot, parce que justement on a cette arme.
Ce jeune a ôte une vie sans raison. Il ne le voulait pas, mais il l'a fait. C'est bien pour ça qu'il a été jugé non coupable de meurtre. Il a blessé mortellement une personne.
Il aurait pu fuir. Il aurait du fuir.
C'est l'alcool qui l'a poussé à se battre ? Peut-être. Surement. Mais il savait qu'il avait ce couteau. S'il ne l'avait pas eu dans la poche, se serait-il attaquer à une personne plus grande que lui et qui fait 15 kg de plus ?
Je ne sais pas si une peine peut être juste. Pour la famille de la victime, elle ne l'ai pas. Pour le condamné et sa famille, encore moi.

Vous trouvez que les jurés ont "une haute opinion d'eux-mêmes" : ils sont heureux d'avoir eu raison. Et si vous étiez à leur place et que vous seriez à faire acquitter l'accusé ? Ne n'auriez-vous pas été fier ?

"mais se moquent de la vie de l'accusé" : non.. Il a été condamné "que" à 7 ans, sur les 20 possibles. Si l'on suit votre raisonnement, le fait qu'un accusé ait ou puisse avoir une vie devrait le dispensé de peine ?

17. Le mardi 20 février 2007 à 15:08 par Philippe D.

@Fred/4 §3 : non ce n'est pas rapide du tout, et on prend vraiment son temps.

D'abord il y a le procès qui peut durer plusieurs jours (5 dans mon cas, à cheval sur un week-end), temps pendant lequel on ne pense quasiment à rien d'autre.

Ensuite il y a les autres jurés, avec lequels on discute largement, pendant les suspensions de séances, pendant la pause déjeuner, etc

Il y a aussi les assesseurs, qui sont avec nous pendant les pauses, et qui n'ont rien d'autre à faire que de parler avec les jurés.

Le président et l'avocat général sont ceux avec lesquels on discute le moins, le premier parce qu'il s'enferme pour fumer^Wtravailler dans son bureau, et je ne sais même pas si on a vraiment le droit de parler avec le second (qui fume aussi, à la machine à café de l'étage).

Bref, tout ça pour dire que pendant la durée du procès on est complètement dans une ambiance de travail, d'entreprise où les discussions informelles sont aussi importante que les "audiences", réunions formelle.

Donc quand on arrive aux délibérés on a déjà bien discuté de nos "clients" les accusés avec nos "collègues" jurés.

Ensuite les délibérés durent "le temps qu'il faut". Chacun prend effectivement la parole à tour de rôle, et parle aussi longtemps qu'il le souhaite. Après le "premier tour de table", on voit clairement ceux qui pensent comme vous, et ceux que vous avez envie d'estropier tellement leur indécision vous révulse (si ÇA c'est pas un viol, c'est quoi un viol, pour vous ?).

Et finalement on ne vote que quand plus personne n'a rien à ajouter à ce qui a été dit, et que chacun sait ce qu'il va voter.

Techniquement ensuite le vote va vite, parce que 12 bulletins ça se compte en 24 secondes, maximum ...

18. Le mardi 20 février 2007 à 15:17 par Christophe

Merci pour ce récit.

On se sent bête de ne pas comprendre les guillemets.. Quelle est l'ironie des deux citations suivantes ?

« même avec les remises de peine »
Ca n'est pas correct ? Il est question ensuite de réduction de peine. C'est le terme "remise" qui serait une perle ?

... son avocat qui leur a dit dans les yeux « Elle compte sur vous ».
Serait -ce qu'il s'agit d'un jeu de manche trop grossier pour être pris en compte ?

19. Le mardi 20 février 2007 à 15:34 par potagepekinois

Au final la peine prononcée est assez proche des propositions des professionnels de la justice.

20. Le mardi 20 février 2007 à 15:35 par Pi-Xel

Tres bon billet, merci...

Juste une question : l'alcool n'est il pas normalement une "circonstance aggravante" ? (ca doit pas etre le bon terme, mais vous voyez ce que je veux dire...)

21. Le mardi 20 février 2007 à 16:06 par Philippe D.

@g--/3 : pendant l'audience, les jurés ont eu à plusieurs reprises la possibilité d'interroger la victime, et ne sont pas génés pour le faire.

Et le président lui même a demandé à la victime ce qu'elle attendait du procès, je crois que c'était la dernière question avant le début des plaidoiries.

22. Le mardi 20 février 2007 à 16:31 par glomp

"Le Ministère de la Justice ne connaît pas de petites économies."

Hahaha, c'est la plus belle phrase du récit.

Sinon je suis heureux d'apprendre que le doute doit toujours bénéficier à l'accusé. Or comme le veut le dicton "dans le doute ...", n'aurait-il pas été plus logique pour le jury de tout simplement s'abstenir sur la première question (« Jérémy X. est-t-il coupable d'avoir volontairement donné la mort à Ludovic Y. ? » )? Cela dit je ne sais pas si c'est faisable: quand on est juré, peut-on répondre par une abstention à une question en oui/non?

Tant que j'y suis, sur les questions subsidiaires, sont-elles requises ou dépendent-elle uniquement du vote sur la première question? (si le non l'emporte alors on pose les questions subsidiaires, ou bien est-ce qu'on les pose de toutes façons, la violence et l'acte de donner la mort constituant deux entités différentes)

Question subsidiaire: dois-je d'abord lire vos billets sur les jurés d'assises pour répondre tout seul à mes questions?

23. Le mardi 20 février 2007 à 16:41 par Lucas Clermont

On ne saurait trouver une telle description que dans un excellent roman. L'impression d'entrer là où se cristallise le destin. Plusieurs personnages décrits semblent mus soit par de solides préjugés (dans un sens ou un autre), soit par une faiblesse de leur caractère qui inclinera leur décision selon l'influence d'autres jurés. Dans les deux cas, la qualité de la plaidoirie joue un rôle moindre sinon nul. On songe qu'on pourrait dans la caricature schématiser ces personnages par la valeur "coupable", ou "innocent" et traiter le problème à l'aide de probabilités mathématiques. Et l'on trouverait, en raisonnant ainsi, un certain nombre de cas restreint où tout est écrit avant même que ne commence le procès.

Maintenant ce que l'on attend c'est votre commentaire. C'est quand même plus plaisant de lire... que d'attendre le verdict.

24. Le mardi 20 février 2007 à 17:16 par Alain

>Cela dit je ne sais pas si c'est faisable: quand on est juré, peut-on répondre par une abstention à une question en oui/non?

Nul,ou blanc cela compte pour NON.
Toujours le doute en faveur de l'accusé...

25. Le mardi 20 février 2007 à 17:22 par Gavot

Ah, si l'avocat de la défense pouvait être mouche... bien entendu qu'il conseillerait de faire appel, il s'en fallait de peu qu'il descende à 5 ans.

@ Yves : "On voyait l'avocat pendant le délibéré qui disait: "c'est cuit. S'ils avaient décidé de l'acquitter ça serait déjà fini. Là ils discutent de la peine."

Attention aux pronostics, c'est aussi aléatoire que la récusation des jurés (qui est un exercice que je ne pratique qu'exceptionnellement), il m'est ainsi arrivé d'obtenir un acquittement après plus de 5 heures de délibéré (et un client au bord de la syncope)... j'ai su ensuite que la culpabilité avait été âprement discutée par ce que le Président y croyait, pas les jurés.


En tout cas le récit de Dadouche est particulièrement éclairant à deux titres :

- dans cette affaire, au moins, mais je subodore que c'est le cas dans la plupart, les jurés accordent manifestement beaucoup plus d'importance à la parole des experts ainsi qu'aux réquisitions de l'Avocat général, qu'à celle des avocats et singulièrement de l'avocat de la défense. La peine réclamée sert d'étalon et la parole du Parquet porte tout le poids de son autorité et de sa place (géographique et symbolique) lors de l'audience. C'est une nouvelle fois matière à réflexion sur ne nécessaire rééquilibrage des parties en présence.

- Le vote sur la peine est un piège à c..; en effet, alors que 5 personnes considèrent qu'une peine de cinq années possiblement assortie du sursis serait la peine la mieux adaptée et, dans les premier tours, qu'aucune autre peine ne rassemble autant de vote, ce n'est que par éliminations successives, donc par défaut, que la peine de sept années sort du chapeau. Une peine par défaut, comme tout vote par défaut n'est, par définition, pas un bon choix.

Sur ce sujet, une dernière pour la route: un président de Cour, en fin de session et autour d'un verre, me parle d'une de mes affaires qui lui était restée sur le coeur au début de la session: après avoir débattu sur la peine avec les jurés et assesseurs il décide de passer très rapidement au vote, certain du quantum qui allait en sortir. Or, dés le premier tour "sérieux", une majorité sort une peine presque double (9 pour 5) de celle attendue... remords sur le fait d'avoir coupé court au débat et impossibilité de revenir en arrière.

Et au final 5 ans dont 1 avec sursis en appel.

26. Le mardi 20 février 2007 à 17:57 par Merlin

"Pierre hésite à protester mais le Président le fait taire d’un coup d’œil."

Lors d'une assemblée de copropriétaires, il y avait une formalité curieuse qui consistait à demander l'élection éventuelle d'un "bureau d'assemblée". Quand j'ai demandé de quoi il s'agissait, on m'a expliqué que certains présidents de copropriété étaient assez manipulateur pour orienter fortement les décisions de l'assemblée. Dans ces cas, on proposait à l'assemblée d'écarter le président pour l'assemblée et de nommer un "bureau" de présidence pendant la séance.
Le syndic m'a d'ailleurs affirmé avoir connu de nombreux cas du genre où des copropriétaires revenaient sur une décision prise le jour avant une fois qu'ils avaient pu réfléchir par eux-mêmes.

Ici, j'ai l'impression qu'un président de tribunal un peu expérimenté pourrait faire de même s'il le voulait...

27. Le mardi 20 février 2007 à 18:10 par Philippe D.

@Merlin/25 : je confirme.

J'aimerai bien pouvoir détailler mais j'ai pas vraiment le droit ...

28. Le mardi 20 février 2007 à 18:23 par Charles - vive les blogueurs (euses) invité(e)s !

Merci beaucoup pour cette fiction instructive, une rareté en outre. Un élément de plus pour connaître cette très humaine institution qu'est la Justice.
Et merci comme d'habitude à l'hôte du lieu pour son journal au long cours, avec même de vrais morceaux de magistrat dedans.



29. Le mardi 20 février 2007 à 18:55 par Goulven

Ce récit m'a beaucoup touché. Pour avoir failli être juré moi-même, mais également parce que je n'ai guère plus d'années que les victimes en question.
Je dis bien "victimes" parce que nous avons tous quelque parole ou acte à nous reprocher et que le remord d'avoir pris une vie doit être un sacré poids sur la conscience...

Quand à la durée de la peine, et sans vouloir rabaisser le "prix" d'une vie humaine, je me demande le résultat psychologique de 5 ou 20 ans en prison.
Je proposerai la durée maximale lui offrant tout de même le plus de chances de réinsertion. Je ne veux pas qu'en mon nom cet homme soit enterré vivant dans une prison.

J'ai également pensé à 12 hommes en colère en lisant ce récit, et le recommande vivement au passage.

30. Le mardi 20 février 2007 à 19:11 par JR

Je suis fier de constater qu'une juge est à même d'apporter à cet excellent blog une contribution à la hauteur des billets habituels, extrêmement fidèle à la réalité tout en étant limpides et pédagogiques. Bravo !
Je ne suis pas un spécialiste des Assises, que j'évite de fréquenter (je veux dire : même du bon côté...).
Je trouve pour ma part les délibérés très "piègeux" pour les juges professionnels :
- parce qu'il est difficile de trouver la bonne distance pour faire valoir sa propre opinion (on est aussi là pour cela), mais sans influencer trop lourdement les jurés qui ont une tendance naturelle à accorder du crédit à la moindre de nos déclarations. J'ai un mauvais souvenir d'une affaire dans laquelle j'ai eu après coup le sentiment d'avoir à moi seul emporté une majorité pour que l'accusé, qui n'était plus détenu, ne retourne pas en prison. J'en ai débattu avec fougue dans le délibéré parce que je pensais que c'était la bonne solution, mais je me dis que si j'avais été un "simple" juré, je n'aurais peut-être pas réuni les voix nécessaires... Et donc que j'ai peut-être outrepassé mon rôle.
- parce que le résultat des votes peut être parfaitement inattendu, et pour tout dire parfois inopportun... Je confirme le commentaire 25 avec un souvenir dans lequel une majorité de 8 voix s'est réunie très vite sur une peine relativement importante, en contradiction avec le consensus général de la discussion générale... Et donc à la gêne évidente d'une bonne partie des votants, qui n'ont pas pu, comme dans le récit de Dadouche, aménager la peine de manière plus fine...
Et donc, je ne fais pas partie de ceux qui ne voient que des avantages à la Cour d'Assises.

31. Le mardi 20 février 2007 à 19:15 par Sébastien

C’est avec délectation que j’ai suivi cette fiction. Délectation car le rendu psychologique des intervenants est remarquable, notamment sur la fixation de la peine.

J’aurais voulu savoir où trouver les statistiques sur le nombre d’affaires pénales (combien, quelles juridictions, le pourcentage de condamnation, d’acquittement, les peines prononcées) ainsi que sur les jurés (combien y en a-t-il tiré au sort chaque année notamment).

Merci, maître, pour ce passionnant moment qui m’a permis de remettre en question certains de mes points de vue (par exemple, je n’avais jamais considéré la durée de la peine avec la capacité à se réintégrer dans la société).

32. Le mardi 20 février 2007 à 20:30 par Batmat

Pour ceux qui, comme moi, se seraient demandés ce que signifiait SME, c'est "Sursis mise à l'épreuve", je l'ai mis là : fr.wikipedia.org/wiki/SME

Si quelqu'un d'au moins un peu compétent pouvait aller commencer la page : fr.wikipedia.org/wiki/Sur... ça serait bien... :-)

33. Le mardi 20 février 2007 à 22:00 par jop

Merci pour cet excellent billet.
Mon sentiment à la fin de la lecture c'est que j'espère de tout mon coeur ne jamais avoir à décider ainsi du sort de quelqu'un. Ce doit être cauchemardesque.

34. Le mardi 20 février 2007 à 22:30 par Juge du siège

@33: Décider du sort de quelqu'un est effectivement cauchemardesque pour certains citoyens, qui ne peuvent s'y résoudre. J'ai le souvenir, à chaque fois ou presque que j'ai eu à siéger comme assesseur aux Assises, que le jury comptait une personne qui avait cette incapacité de juger autrui. Ainsi, tel juré dans l'affaire A, pris de vertiges, hurle qu'on ne peut pas juger un homme et tente de quitter la salle des délibérés. Tel autre, dans l'affaire B, échafaudant jusqu'à l'absurde des hypothèses rendant l'accusé innocent des faits et s'opposant vigoureusement aux autre jurés mais aussi aux évidences.
Cette présence est déstabilisante, mais elle rappelle aussi à quel point le fait de juger autrui est difficile.

35. Le mercredi 21 février 2007 à 02:07 par Esurnir

@32 c'est une bonne idee, en tout cas voila un article qui pourrait etre utile pour cette article :) .
www.legifrance.gouv.fr/WA...

36. Le mercredi 21 février 2007 à 03:07 par dadouche

@ Charlie Echo

"Quant aux jurés, ils semblent avoir une haute opinion d'eux-mêmes ; ils prennent le verdict comme la preuve qu'ils avaient raison ou tort ; ils se donnent en spectacle. Ca les empêche d'avoir une opinion mesurée et de défendre une vision qui sera minoritaire."

Ce n'est généralement pas ainsi que je le ressens. Un contentement un peu trop affiché à l'issue du vote peut parfois tenir plus de la satisfaction d'avoir fait partager sa conviction (les avocats ou parquetiers connaissent ça je pense), ou alors d'un sentiment de soulagement de voir qu'on a ressenti les choses de la même façon que le plus grand nombre, ou encore qu'on n'aura pas participé à une décision qu'on trouverait injuste (ça m'est arrivé, c'est absolument horrible !).
Un délibéré n'est pas un exercice de math, il n'y a pas de solution absolue. Personne n'a raison ou tort.
Je ne suis pas (loin de là) une grande fan de la cour d'assises, dont les décisions dépendent de beaucoup trop de variables à mon goût et tiennent parfois de la loterie. Mais chaque fois que je siège dans cette juridiction si particulière, c'est une expérience humaine riche et les jurés font preuve, à de très rares exceptions, d'une grande humilité face à ce devoir si difficile.

@ Christophe (18)

"On se sent bête de ne pas comprendre les guillemets.. Quelle est l'ironie des deux citations suivantes ?"

Aucune ironie, juste une utilisation un peu anarchique des guillemets !

"« même avec les remises de peine »
Ca n'est pas correct ? Il est question ensuite de réduction de peine. C'est le terme "remise" qui serait une perle ?"
Le terme juridique est "réduction de peine", mais les jurés parlent souvent, comme beaucoup de non professionnels (et parfois de professionnels) de "remise de peine". Ce n'est pas une perle, juste le langage courant.

"... son avocat qui leur a dit dans les yeux « Elle compte sur vous ».
Serait -ce qu'il s'agit d'un jeu de manche trop grossier pour être pris en compte ? "

Certains avocats prennent le parti de plaider exclusivement pour les jurés, qui représentent l'écrasante majorité de la juridiction. Du coup, ils tentent des "effets" (appelons ça pudiquement comme ça) qu'ils n'oseraient pas devant des magistrats professionnels qui en ont vu d'autres. Ca n'est généralement pas payant, le juré moyen ayant une sainte horreur d'avoir l'impression d'être pris pour un débile léger. Ca ne marche pas souvent non plus quand un avocat essaye d'embrouiller les jurés sur le contenu du dossier ou un point de droit. Sur le dossier, le président le connaît en principe assez bien pour souligner pendant le délibéré les déformations trop énormes. Sur le droit, il suffit au président et aux assesseurs de donner des explications, parfois code pénal à l'appui.


@ Gavot (25)

"dans cette affaire, au moins, mais je subodore que c'est le cas dans la plupart, les jurés accordent manifestement beaucoup plus d'importance à la parole des experts ainsi qu'aux réquisitions de l'Avocat général, qu'à celle des avocats et singulièrement de l'avocat de la défense. La peine réclamée sert d'étalon et la parole du Parquet porte tout le poids de son autorité et de sa place (géographique et symbolique) lors de l'audience. C'est une nouvelle fois matière à réflexion sur ne nécessaire rééquilibrage des parties en présence."

L'impact de la plaidoirie de la défense varie beaucoup selon le type d'affaires ou le charisme de l'avocat (voire celui de l'accusé). C'est vrai que l'avocat de la défense est parfois perçu par les jurés comme un mercenaire qui présente une version tronquée des faits pour les embobiner. Mais leur méfiance tombe vite devant une bonne plaidoirie. Plus on s'adresse à leur raison, de façon claire et, on ne le dira jamais assez, CONCISE, plus ça porte. Plaider l'implaidable ne fait souvent qu'aggraver la situation de l'accusé, et c'est ensuite aux trois magistrats professionnels de ramer comme des fous pour calmer les jurés.
Mais c'est la même chose pour l'avocat de la partie civile s'il est trop offensif. De même quand un avocat général est un peu hargneux, c'est parfois interprété comme de l'acharnement, ce qui est plutot contre-productif.
Sur l'importance accordée aux réquisitions, je me permets de vous faire remarquer que dans cet exemple l'avocat général n'a pas été suivi sur la qualification et que les arguments de l'avocat de la défense ont manifestement fait mouche... On ne peut pas dire non plus qu'il ait convaincu sur la peine. La peine requise est un des trois points de repère des jurés avec le maximum et le minimum légal. En réalité, c'est plus souvent le point de départ de la discussion, autour duquel chacun se positionne. Les choses peuvent ensuite très vité évoluer dans un sens ou dans l'autre.
Rappelons que le rôle de l'avocat général n'est pas de faire monter la sauce pour obtenir le maximum possible, mais de proposer de façon argumentée la peine qui lui paraît la plus juste. Ca ne me paraît pas aberrant que dans beaucoup de cas la majorité des jurés s'y retrouvent. La fonction de l'avocat général est tout de même assez différente de celle de l'avocat.
Quant au poids des experts, c'est une réaction assez humaine, quand une bonne partie du récit des faits repose sur le témoignage exclusif de l'accusé (ou de la partie civile), de se raccrocher aux éléments qu'on espère tangibles et solides. Mais là encore, ça dépend de la "prestation" de l'expert.

@ JR (30)

merci merci.
Je suis d'accord avec vous sur le poids que l'on peut avoir durant le délibéré. C'est aussi lié au fait que nous pouvons faire valoir des points de repère que les jurés n'ont pas, comme dans mon exemple l'ancien juge d'instruction qui évoque d'autres affaires du même type. Cela dit, j'ai déjà vécu un délibéré où un juré prenait au contraire chaque parole prononcée par un des trois professionnels comme une manoeuvre pour influencer le jury et prenait bruyamment et systématiquement le contre pied, et a fait basculer la décision de façon extrême dans un sens opposé défavorable à l'accusé, aboutissant à un verdict à mon sens inique.

37. Le mercredi 21 février 2007 à 11:12 par Bernard

Qu'en est-il en droit français de la légitime défense? Après tout, le prévenu avait un boxeur en face de lui...

38. Le mercredi 21 février 2007 à 12:37 par jean philippe

@ Bernard note numéro 37

Le droit français admet la légitime défense (article 122-5 et 122-6 du code pénal). Contrairement à une idée reçue elle concerne tout le monde et pas uniquement les policiers et gendarmes.
Dans la conception française la légitime défense est un fait justificatif permettant d'écarter la responsabilité pénale de l'agent mais elle n'efface pas pour autant l'infraction. Autrement dit si je tue volontairement quelqu'un mais en légitime défense il y a toujours une infraction d'homicide volontaire mais je ne suis pas pénalement responsable car la LD est reconnue.

Pour que la LD soit admise il faut que l'acte soit volontaire et qu'il soit une réponse proportionnée à une atteinte injustifiée envers l'auteur de l'acte de défense. Ainsi on ne peut invoquer la légitime défense face à une atteinte justifiée. Par exemple un policier m'interpelle en utilisant la force nécessaire si je riposte, je ne peux invoquer la légitime défense car l'usage de la force par le policier est justifiée par la nécessité de me pincer. Il faut également que l'acte soit proportionné, par exemple si un personne tente de me donner une claque et que je riposte en utilisant un pistolet 9mm mon acte de défense ne sera pas proportionné.

Il est difficile d'appliquer les conditions au cas d'espèce. Si on regarde la condition de proportionnalité elle peut effectivement tenir. Ludovic étant boxeur on peut admettre que l'utilisation du couteau soit proportionnée. En revanche la seconde condition qui est la réponse à une atteinte injustifiée n'est pas respectée. C'est Jérémy qui a provoqé Ludovic, ce dernier semble n'avoir fait que se défendre. La légitime défense ne peut retenue en l'espèce.

39. Le mercredi 21 février 2007 à 13:53 par Galien

Inside a superficial reasoning:
1) "Le procureur et le juge d’instruction ont considéré qu’un coup de couteau porté dans la région thoracique révélait une intention de tuer."
2) "Le médecin légiste a expliqué que la « plaie transfixiante » paraissait avoir été faite en « piquant » avec l’arme. Interrogé par l’avocat de la défense, il ne peut affirmer avec certitude que cela ne s'est pas passé autrement.
3) "Après le réquisitoire, Solange était sûre que c’était un meurtre. Depuis la plaidoirie de l’avocat de la défense, elle ne sait plus."
4) "Albert vient de changer d'avis pour la cinquième fois."
5) "Simone se demande même s'il faut le renvoyer en prison."

Galien est convaincu qu'il est fort possible que la justice soit cartésienne, mais il lui semble qu'un doute immense subsiste sur ce point.

40. Le mercredi 21 février 2007 à 15:17 par Harald

Dans le système judiciaire français, il y a un point qui me gêne énormément, il s'agit de l'intime conviction qui permet de condamner quelqu'un sur un simple faisceau de présomptions. En outre, a contrario du système britannique ou la condamnation n'est obtenue que si il y a eu unanimité ou à défaut au moins 10 voix sur 12, les 2/3 des voix suffisent en France.
Dans ce cas, peut on encore affirmer que le doute bénéficie à l'accusé?

41. Le mercredi 21 février 2007 à 17:10 par Raph

Si le juré doute, il doit voter non. S'il ne doute pas, il doit voter oui.
Ici, la majorité du jury n'a pas de doute.

42. Le jeudi 22 février 2007 à 10:11 par kombu

très bon billet, merci.

43. Le mardi 6 mars 2007 à 05:45 par J.WEDRY

@ Eolas... j'écris ce "post" pour vous faire sourire, encore que je ne sois pas sûr du résultat de votre délibéré !

Votre billet n’est qu'un prétexte pour moi de faire ce commentaire, j'en conviens.

Eolas, le "secret des délibérations" qu'en faites-vous ?

Il n'en va pas de même du "secret" de votre identité !

Je n'aime pas votre anonymat. C'est votre droit. C'est le mien de ne point apprécier... et de vous l'écrire cette fois-çi publiquement !

Je vous l'ai dit récemment pourquoi se cacher sous un "pseudo" ?

On peut toujours trouver mille bonnes excuses du genre " je ne veux pas me faire de pub".

Trop facile comme réponse !

L'anonymat permet assurément d'écrire de façon "libre" mais sans ne prendre aucun risque.

C'est là que votre bât (nonymat) vous blesse.

Car, il n' y a pas de vraie liberté sans risque.
Risque d'être reconnu.
Risque d'être nommément critiqué.
Risque de savoir ce que vous pensez.
Risque d'être pris "pour soi-même".

Ecrire une bêtise, sans dire qui vous êtes, cela n'engage que la bêtise.
Ecrire une bêtise en disant qui vous êtes, cela vous engage vous et votre bêtise. Tenez, regardez-moi !

L'anonymat c'est le masque. L'anonymat c'est carnaval.

Mais tout carnaval a une fin.
Bas le masque !
Un jour il faut...enfin...avoir le "courage" de dire qui l'on est.

Dans le noir, on n'a que le négatif, la lumière vous révèle tel que vous êtes, certainement le plus beau en ce qui vous concerne !

J'ai horreur des "pseudo".

J'aime, par exemple, "Justice au singulier".
Que je partage ou non les idées de Ph. BILGER, je sais, en revanche, qui est mon interlocuteur, et j'aime à dia(b)loguer avec lui, à écriture découverte, comme pour le visage (sans masque).

Je n'aime pas votre "anonymat" Eolas, car vous écrivez des choses intéressantes, mais d'autres discutables aussi.

Pour vous répondre, et essayer de bien vous répondre, je voudrais d'abord savoir qui vous êtes. Mais somme toute, je n'ai qu'à m'abstenir de vous lire...et donc de vous répondre.

Cependant il me plaisait de vous écrire, ce matin, que sous de mauvais prétextes, vous cachez votre identité.

Je respecte l'homme, je critique votre anonymat.

Plaidez-vous avec un masque ? Assistez-vous aux délibérations avec ce même masque ?

Je sais, cependant (presque) qui vous êtes. Je "brûle".

Quand cela me plaira, je le dirai. Maître-chanteur en plus !

Mais pour l'heure, je vous laisse encore votre masque de carnaval. C'est presque de saison !

Eolas, mon confrère, ayez le courage de dire publiquement qui vous êtes, alors nous pourrons parler, écrire, bloguer d'égal à égal sans masque.

M'en voudrez-vous de vous écrire à nouveau pour finir que votre anonymat recèle une forme de « lâcheté* »-voir note infra-?

Quand je vous l'ai écrit une première fois, cela n’a pas eu l’heur de vous plaire.

Je sais, c'est un peu dur à lire, mais vous êtes habitué à entendre de vilains mais confraternels propos ! A la barre, on se dit tant de choses dans l’adversité, tout en se respectant !

Vous m’avez même, aimablement, répondu que vous n'étiez " pas absolument certain que [je sois] en position de [vous] donner des leçons là-dessus ".

Je n’entends vous donner aucune leçon ni "là-dessus" ni là-dessous, mais précisément pour savoir dans quelle position nous nous trouvons mutuellement, agissons à visage découvert.

Vous voyez, Eolas, mon honorable confrère, vous apportez vous-même la preuve de la faiblesse de votre argumentaire sur "l'anonymat".

Car,vous, vous tirez unilatéralement avantage de votre anonymat. J'ai une autre conception du dialogue.

Ainsi, vous, vous savez que je suis " lâche " et "que je n’ai pas de leçon à vous donner", car je signe mes notes (sans pour autant me faire des clients !) et vous savez ainsi qui je suis.

Vous, vous pouvez m’écrire que j’ai des leçons à prendre. Je l’accepte volontiers.

Mais vous, dites-moi, ...dites-nous... qui vous êtes. Nous verrons alors si nous ne devons pas prendre ensemble quelques cours particuliers de « courage ».

Sinon, si vous continuez à respecter le secret de votre identité, à défaut de respecter «le secret des délibérations» (article 304 du CPP), je vous propose un autre « pseudo » qui conviendrait peut-être mieux… «Eolâche » par exemple.

Souriez Eolas, personne ne sait qui vous êtes !

Jérôme WEDRY...

______________________
* Lâcheté in dict. Robert : Cour. Manque de bravoure, de courage devant le danger.
Couardise, … poltronnerie. Fuir avec lâcheté.
Manque de courage moral, de franchise, de dignité, qui porte à l'hypocrisie, à la fausseté, à profiter de l'impunité.... La lâcheté d'une attitude, d'une réponse. Lâcheté et hypocrisie.

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