Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Si les centres de rétentions sont combustibles, la loi est apyre

C'est ce que le premier président de la cour d'appel de Paris a rappelé dans une rafale d'ordonnances mettant fin à la rétention d'étrangers bénéficiant jusqu'à dimanche dernier de l'hospitalité de feu le Centre de Rétention Administrative de Paris-Vincennes.

Les étrangers retenus ont été répartis dans d'autres centres de rétention, un peu partout en France (certains jusqu'à Toulouse et Nîmes). Or parmi ceux-ci, certains qui avaient fait appel de la décision de maintien en rétention n'avaient pas encore vu leur recours examiné par le premier président de la cour d'appel, ou un Conseiller[1] par lui délégué.

Parmi eux, un étranger placé en rétention à Vincennes, le 18 juin, avait été transféré à Lille (en fait, à Lesquin), le 22 juin, veille de l’audience en appel devant la cour d’appel de Paris. À l’audience, le Conseiller délégué a constaté que l'étranger n'était pas présent, alors qu'il avait demandé à comparaître, ce qui est un droit pour lui, dont la violation est de nature à vicier la procédure, entraînant sa remise en liberté immédiate. L'État s'est fixé des règles lui permettant de priver des personnes de leur liberté ; il est permis d'exiger qu'il les respecte.

Le préfet de police a invoqué comme moyen de défense la force majeure, qui en droit s'entend d'un événement extérieur à celui qui l'invoque, imprévisible et irrésistible. Face à un cas de force majeure, la jurisprudence tolère le non respect des règles de droit qui étaient impossibles à respecter eu égard aux circonstances. Dans une formule lapidaire, le juge considère que « le non-transfert [du retenu] par le centre de rétention de Lille ne constitue pas un cas de force majeure ». L’ordonnance de prolongation de la rétention est infirmée et l'étranger aussitôt remis en liberté. À Lesquin, certes, mais libre. Le conseiller délégué n'a pas détaillé sa décision (que j'applaudis, vous l'aurez deviné), mais il est aisé d'en deviner les raisons : l'étranger était toujours sous la main de l'administration, privé de sa liberté. L'éloignement géographique (tout relatif : 220 kilomètres séparent la capitale des ch'tis de la capitale des titis) n'est pas une cause irrésistible permettant de faire bon cas des droits de la défense. D'autant plus que le Centre de rétention est tout près d'un aéroport…).

Dans un autre dossier, l’étranger avait été placé en rétention à Vincennes, le 21 juin, puis aurait été transféré au dépôt du Palais de justice, après un passage à l’Hôtel Dieu où il a été hospitalisé du 22 au 23 juin, avant d’être finalement transféré au centre de rétention du Mesnil Amelot. « Toutefois, ni l’acte d’arrivée au dépôt du palais de justice, ni le procès-verbal de conduite à l’Hôtel Dieu ne figurent au dossier de la procédure ». Le Conseiller délégué n'est pas en mesure de s'assurer de la situation juridique de l’intéressé du 22 au 23 juin. L’ordonnance de prolongation de la rétention est infirmée, toujours sous les applaudissements de votre serviteur.

Il y a eu une troisième décision qui remet en liberté un des étrangers, mais les motifs m'en sont inconnus. Dans le doute, je l'applaudis également.

Mon approbation ne va pas à la libération d'étrangers en situation irrégulière en soi, bien que je les préfère libres que prisonniers, question de goût. C'est au très opportun rappel fait à l'administration que s'agissant de décision privatives de liberté, des circonstances aussi exceptionnelles qu'un tel incendie ne justifient pas des libertés prises avec la loi pour prendre leur liberté à des hommes. Si face à cet imprévu, l'administration n'est plus en mesure de respecter la loi, sa décision devrait être de remettre d'elle-même en liberté ceux qu'elle ne peut plus légalement garder. Et non tordre le bras du juge en invoquant la force majeure.

La liberté ne cède pas face à ces contraintes. C'est là comme un mot d'amour, qu'il est doux d'entendre autant de fois qu'il est prononcé, sans lassitude même en cas de redites.

Notes

[1] Rappelons que les juges siégeant dans une cour prennent le titre de conseillers, que ce soit une cour d'appel ou la cour de cassation.

Commentaires

1. Le jeudi 26 juin 2008 à 13:41 par persévérant

@Me Eolas: avez vous signé la pétition de défense du commissaire du gouvernement (futur rapporteur public) sur le site de l'usma?

Eolas:
Qui sait ?

2. Le jeudi 26 juin 2008 à 13:42 par Julien

Ça fait du bien d'entendre qu'au moins certains ne privilégient pas la fin sur les moyens...

Merci au maître des lieux de nous ouvrir les yeux parfois

3. Le jeudi 26 juin 2008 à 13:43 par Pax Romana

Sans même parler du fait qu'il ne faut qu'une heure en train pour venir de Lille, j'imagine que la préfecture a également réparti des "maintenus" dans d'autres centres de région parisienne : elle aurait pu avoir l'intelligence d'y mettre deux en instance de comparution. Indépêndamment de toute considération sur la situation des étrangers, je suis favorable au fait de sanctionner la bêtise, surtout quand ça ne fait de mal à personne...

4. Le jeudi 26 juin 2008 à 13:53 par cyril

Mon dieu que c'est bon de vous lire....
C'est un plaisir quotidiennement renouvelé

5. Le jeudi 26 juin 2008 à 13:56 par emma

merci pour votre humanité qui n'empêche nullement le respect du droit comme il et allégué souvent.

6. Le jeudi 26 juin 2008 à 13:59 par Laurence

Je découvre, à l'intant, l'existence de "Conseillers délégués".
Quels braves gens !
Puissent-ils continuer ainsi à lutter contre la "marbunta" administrative et rappeler aux préfets qu'ils siègent toujours en démocratie.

Eolas:
Je dois à la vérité de dire que d'ordinaire, le préfet est plutôt en terre amie dans les audiences du premier président.

7. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:01 par takeoff

@ eolas
D'autant plus que le Centre de rétention est tout près d'un aéroport…).

Oui ! mais ça n'intéressait surement aucun (r)accompagnant volontaire !
un LFQQ LFPG (LFPO) ça ne génère pas assez de miles ! ;-)

8. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:03 par David M.

"de feu le Centre de Rétention Administrative de Paris-Vincennes."

Il fallait l'oser =D

9. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:06 par abns

En parlant d'étrangers en situation irrégulière, avez-vous des infos un peu plus précises sur la LOPSI2, notamment ce point : "Selon les données qui furent distillées dans le passé, les logiciels espions ne seraient circonscrits qu’à certaines infractions commises en bande : terrorisme, pédophilie, meurtre, torture, trafic d’armes et de stupéfiants, enlèvement, séquestration, proxénétisme, extorsion, fausse monnaie, blanchiment *et aide à l’entrée et séjour d’un étranger*."
(Article : www.pcinpact.com/actu/new...
Ca semble assez surréaliste, et comme je ne trouve nulle pas ailleurs de liste aussi précise, et que la source est plus versée dans l'aspect informatique de la chose que dans son aspect juridique... je me refuse pour l'instant à y croire, mais sait-on jamais !

10. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:15 par Lillo

Les 53 retenus sont à Lesquin, certes, mais ils ne sont techniquement pas dans le CRA de Lesquin.
Ils sont parqués dans l'*ancien* centre rétention à quelques centaines de mètres. Centre qui a été fermé parce que plus adapté, insalubre, etc. On nous avait promis, la main sur le coeur qu'il ne servirait plus jamais.
Il sert évidemment régulièrement et il est actuellement gardé de près par des équipages de CRS.
Plus globalement sur la question de la distance, la mise en rétention dans des centres très éloignés de l'arrestation est une pratique courante.
Notamment l'été dernier lors de la grève de la faim de sans papiers membres du CSP59, dont certains "leaders" (ou supposés tels par la préfecture) ont été arrêtés et placés en rétention à Toulouse ou Rennes, afin de compliquer les recours administratifs et juridiques (trouver un avocat prêt à travailler pour des clopinettes au milieu de la nuit à 900km de distance, c'est pas simple...).
On ne penserait pas mais c'est très joueur un secrétaire général de préfecture, ça aime bien dépenser l'argent du contribuable en escorte de police pour son bon plaisir (envoyer quelqu'un à 900km de distance, c'est l'y envoyer accompagné de 3 ou 4 fonctionnaires de police, ce qui doit couter bonbon...).
La situation des retenus de Vincennes est très complexe, notamment parce qu'ils sont partis sans leurs affaires et donc sans passeport: aucun juge n'acceptera l'assignation à résidence sans passeport...

11. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:23 par gasper

merci pour ses points rassurants.

Vous ne mentionnez pas la comparution de Nîmes au cours de laquelle JLD ne s'est pas prononcé en faveur de la remise en liberté de la totalité des retenus (6 sur 80 auraient été remis en liberté), alors que les conditions de transfert des 80 retenus sont contestées, que certaines procédures administratives ne seraient pas totalement conformes . C'est en tout cas ce que révèle Libé.

Avez vous des informations? L'article de Libé est il trompeur? j'avoue que la conclusion m'a glacé le sang:
"(...) le procureur, qui suit les arguments des représentants de la préfecture selon lesquels donner raison aux retenus constituerait «un encouragement à mettre le feu"

article : www.liberation.fr/actuali...

12. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:26 par Mussipont

Lu hier dans Le Figaro (je sais, j'ai des lectures bizarres...) :

L'alternative aux centres de rétention, "c'est la prison", a fait valoir aujourd'hui Brice Hortefeux après l'incendie du centre de rétention de Vincennes, qui a relancé le débat sur sa politique d'immigration.

"Tous les pays d'Europe aujourd'hui construisent des centres de rétention", a affirmé le ministre de l'Immigration lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. "Quelle est l'alternative? Il en existe une, c'est la prison, ce qui se pratique dans certains Länder allemands et en Irlande".

Le ministre de l'Immigration, très discret depuis l'incendie de dimanche au centre de rétention de Vincennes, a remarqué que cet "incendie criminel, volontaire aurait pu blesser, tuer".

A croire que le Ministre du Drapeau et des Métèques n'a pas entendu parler de la surpopulation carcérale actuelle.

13. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:28 par mrsclooney

Apyre ??
je note, je note.
J'aime votre (cerveau) humanité....

14. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:36 par vivien

Excusez la question d'un total néophyte:
Que se passe t-il après ces remises en liberté?
On continue d'étudier leur dossier pour décider de leur expulsion où non, et ils comparaissent libres aux audiences, ou l'ensemble de la procédure est annullée? (jusqu'à que l'on se re-rende compte qu'ils n'ont pas leurs papiers).

La question subsidiaire étant: revoie t'on ces gens, ou prennent ils la fuite ou le maquis, au choix?

15. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:39 par Françoise

"Quelle est l'alternative? Il en existe une, c'est la prison"

Quelle est la différence "d'enfermement" entre un centre de rétention et une prison ? Personnellement je n'en vois guère...

16. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:42 par v_atekor

12/ Mussipont
L'alternative aux centres de rétention, "c'est la prison"

Brice a déposé une (nouvelle) candidature pour le prix Busiris?

17. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:43 par wam

#15
ben ca permet notamment de ne pas donner aux retenus les mêmes droits qu'aux prisonniers
la logique sinon est assez marrante : ils ne sont pas prives de liberté (prison) puisqu'ils peuvent repartir de notre doux territoire
allez ouste, tout le monde dehors

18. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:46 par Mussipont

@Françoise : sincèrement, ça ne vous dérange pas d'envoyer une famille dont le seul délit est de vouloir vivre en France dans la même cellule qu'un violeur ou un meurtrier?

19. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:47 par pepe

rien à voir avec le sujet mais je ressens le besoin de partager :

un membre du conseil de l'ordre m'a dit (je cite ou à peu près):

"ça fait plaisir de voir un confrère sérieux, habituellement dans cette matière [le droit des étrangers], c'est des fumistes"

je crois qu'il voulait me faire plaisir, c'est tombé à plat
pour tout dire, ça m'a un peu gonflé, et pas que l'égo
des fumistes, il y en a sûrement comme partout, de là à sortir ce genre de balivernes
c'est insultant pour tous ceux compétents qui sont investis professionnellement et personnellement dans la matière
venant d'un MCO en plus

voilà

20. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:48 par Paralegal

Je me pose les mêmes questions que Vivien en 14 : dès la remise en liberté, la personne doit-elle prendre ses jambes à son coup afin d'éviter d'être interpellée aussitôt ?

Et la personne transférée du CRA de Vincennes à Lesquin qui a été remise en liberté, comment fait-elle pour rentrer à Paris - surtout si elle n'a ni passeport ni affaires comme le dit Lillo en 10...

21. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:52 par boratkehul

c'est le zoo de vincennes qui a brûlé ? je sais, c'est cynique mais c'est de l'humour

Plus sérieusement, il faut se réjouir qu'il existe encore une once de droit dans ce bas monde... ce qui veut dire que les gens compétents en droit n'ont pas tous été exterminés... et mais il existe encore des tribunaux ? mais que fait rachida ?...

22. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:53 par boratkehul

c'est le zoo de vincennes qui a brûlé ? je sais, c'est cynique mais c'est de l'humour

Plus sérieusement, il faut se réjouir qu'il existe encore une once de droit dans ce bas monde... ce qui veut dire que les gens compétents en droit n'ont pas tous été exterminés... et mais il existe encore des tribunaux ? mais que fait rachida ?...

23. Le jeudi 26 juin 2008 à 14:53 par boratkehul

c'est le zoo de vincennes qui a brûlé ? je sais, c'est cynique mais c'est de l'humour

Plus sérieusement, il faut se réjouir qu'il existe encore une once de droit dans ce bas monde... ce qui veut dire que les gens compétents en droit n'ont pas tous été exterminés... et mais il existe encore des tribunaux ? mais que fait rachida ?...

24. Le jeudi 26 juin 2008 à 15:02 par Françoise

@ Mussipontn

Ce n'était pas le sens de ma remarque. Bien sûr qu'il n'est pas question de ce "mélange". Je pense simplement que la privation de liberté est toujours la privation de liberté. Et certainement pire à supporter pour des personnes qui n'ont pas commis de crime autre que de ne pas être en règle avec leur papiers, et qui à mon avis, mais ce n'est que mon avis, ne devraient pas être "retenus" dans des lieux d'enfermement, bien souvent dans de très mauvaises conditions.

25. Le jeudi 26 juin 2008 à 15:17 par Lillo

@14
Précaution liminaire: Je ne suis pas juriste.
On parle de procédure, mais en réalité deux procédures se jouent en parallèle.
La première, dont on entend le plus souvent parler est la suivante:
Toute personne placée en rétention à l'issue de sa garde à vue ne peut l'être que pour 2 jours.
2 jours, c'est très court pour préparer une expulsion (pardon, une "mesure d'éloignement du territoire". mouarf).
La préfecture demande donc au Juge des Libertés et de la Détention la prolongation de cette rétention administrative pour une durée initiale de 15 jours, afin de permettre la présentation de la personne aux autorités consulaires de son pays, la réservation d'un vol, etc...
Nous sommes à 17 jours.
Si le délai de 15 jours n'est pas suffisant (par exemple si les autorités consulaires font les difficiles pour reconnaitre le retenu comme citoyen de leur pays), la préfecture peut demander la prolongation de la retention pour une deuxième période de 15 jours.
Nous sommes à 32 jours, durée maximale de rétention en France (pour le moment. mon petit doigt me dit que ça va changer très bientôt).

La rétention administrative, soit prend fin au bout des 32 jours, soit à l'expulsion de la personne, soit si le JLD détermine que la procédure de contrôle ayant amené à la garde à vue ne lui parait pas très légale (documents non traduits, procédure incomplète, contrôle d'identité ne respectant pas le droit, etc...). C'est là que Me Eolas et consort entrent en jeu: ils épluchent la procédure et trouvent très souvent des irrégularités (c'est fou le nombre de policiers dans ce pays qui ne sont pas capables de photocopier correctement un passeport ;-) ).
Si on est dans ce dernier cas, la personne est remise en liberté immédiatement (dans les faits, elle est ramenée au centre de rétention à la fin de la demie journée, prend ses affaires et jetée dehors. Ce qui dans le cas de Lesquin veut dire qu'elle se retrouve seule à peu près au milieu de nul part).
Alternative, si le JLD considère que des garanties de représentation existent (un hébergement, un passeport, etc...) il peut placer la personne sous contrôle judicaire: obligation se rendre (à priori tous les jours ? j'ai un doute sur ce que la loi dit... il me semble que ça pourrait moins. Dans les faits c'est tous les jours) dans un commissariat pour pointer.

Voilà pour la première partie, la plus connue.

La seconde partie de la procédure se joue au tribunal administratif.
Revenons d'abord au tout début des évènements.
La personne est contrôlée, elle n'est pas en règle. Elle est placée en garde à vue et les services prefectoraux sont avisés par la police.
La préfecture vérifie que la personne se maintient effectivement illégalement sur le territoire français et prend alors un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF). C'est ce document *et lui seul* qui déclenche une expulsion et la mise en rétention de la personne.

Eolas:
L'OQTF peut fonder un placement en rétention en vue d'une mesure d'éloignement forcée : art. L.551-1, 6° du CESEDA.

Si la pref ne signifie pas d'APRF, la personne sort de GAV et fin de l'histoire.

Une fois l'APRF signé, la machine se met en branle pour l'expulsion de la personne.

Eolas:
Évitez le terme d'expulsion, qui est une catégorie spécifique d'acte juridique d'éloignement d'un étranger (art. L.521-1 et s. du CESEDA). Dites bien “reconduite à la frontière”.

C'est donc cet arrêté que la personne doit contester pour éviter son expulsion. En gros, les motifs de casse d'un arrêté par le T.A tourne autour des demandes en cours de la personne, à l'OFPRA par exemple, ou l'apparition d'éléments nouveaux dans la situation de la personne.

Eolas:
Non, des démarches en cours ne donnent aucun droit au séjour (sauf une demande d'asile, qui donne droit dès le début à une autorisation de séjour, l'hypothèse d'un APRF pris dans ces circonstances est peu probable), et le contrôle du juge est restreint sur ce sujet. Ce qui marche le mieux est la vie personnelle et familiale (erreur manifeste d'appréciation), la préfecture ne disposant que du PV d'audition en GAV pour connaître cette situation, et le défaut de motivation en fait et en droit (l'arrêté vise le défaut de visa alors que l'étranger en est dispensé). Il faut éplucher méticuleusement l'arrêté pour trouver les failles. Y compris les visas des textes !

Si le T.A casse l'arrêté, la pref a la possibilité de faire appel. Appel qui, je crois, n'est pas suspensif, ce qui signifie que la personne est maintenue en rétention (ou en contrôle judiciaire si le JLD en a décidé) *et* qu'elle peut être mise dans un avion.

Eolas:
L'appel n'est pas suspensif, en effet. Donc l'APRF reste annulé : l'étranger est remis en liberté immédiatement (il sort du TA libre).


Si au final l'arrêté est cassé, la procédure prend fin: la personne, certes se maintient illégalement sur le territoire, mais l'état n'a aucun pouvoir de lui faire quitter.

Eolas:
Pour le moment. Mais un avocat demandera toujours, outre l'annulation, une injonction, soit de réexaminer le dossier en cas d'annulation pour vice de forme (on dit légalité externe) ou de délivrance d'un titre de séjour pour vice de fond (légalité interne) : le juge a estimé que l'étranger a un droit au séjour, et que le préfet n'a pas le choix, inutile de tergiverser.


Maintenant, enfin, le cas qui motive votre question.
Un étranger est contrôlé, placé en garde à vue.
La pref prend un APRF. L'étranger devient un retenu.

Eolas:
Pas nécessairement, même si c'est fréquent : l'arrêté de reconduite et l'arrêté de placement en CRA sont deux actes distincts, et des préfectures rusent ainsi, remettant l'étranger en liberté après l'APRF pour le placer en CRA plus tard, après expiration du délai de recours. Ce n'est en effet que lors du placement en CRA que les avocats interviennent.

Cas a:
Le JLD place le retenu en contrôle judiciaire

Eolas:
Non, le contrôle judiciaire est de la procédure pénale (art. 137 du CPP). Il le maintient (c'est le préfet qui place) en rétention.

Cas b:
Le JLD libère le retenu

Dans le cas a, la personne doit se présenter chaque jour au contrôle. Si ce n'est pas le cas, la police en théorie le recherche. Elle va donc se rendre à son domicile, enquêter, etc... et potentiellement le retrouver. Si c'est le cas, je crois qu'il risque de la prison pour s'être soustrait au contrôle judiciaire.

Eolas:
Non plus. Soit il ordonne la remise en liberté pure et simple (nullité procédure, ou pouvoir discrétionnaire que le Conseil constitutionnel lui a reconnu mais qu'il rechigne à utiliser), soit il assigne à résidence à titre exceptionnel (art. L.552-4 CESEDA) avec obligation de pointage. L'obligation de pointage assortissant l'assignation à résidence a été rendue obligatoire par la loi du 24 juillet 2006 : art. L.552-5 CESEDA. Quant au délit de défaut de pointage, je doute de son existence, le législateur ayant fait n'importe quoi, dieu merci.


Dans le cas b, l'APRF court toujours, donc la police peut à tout moment se présenter à son domicile (ou à l'école de ses enfants...) pour procéder à l'expulsion demandée par la pref.
Si la personne décide de changer de domicile, de partir en vacances au fin fond de la Lozère, libre à elle. Elle est *libre*. Si elle fait par la suite l'objet d'un contrôle d'identité, on constatera qu'un APRF existe déjà, ce qui justifiera son placement en rétention en vue de son éloignement, etc...retour à la case départ...



26. Le jeudi 26 juin 2008 à 15:21 par Lillo

Petite remarque supplémentaire sur les conditions d'expulsion. Je dis dans mon commentaire précédant que la rétention permet à la pref d'avoir le temps de réserver un billet.
Il y a des cas où celle-ci a été très prévoyante: des billets d'avions sont réservés avant même l'arrestation de la personne... c'est sans doute un hasard ;-)

27. Le jeudi 26 juin 2008 à 15:39 par Rossel

La loi inaltérable au feu est une intéressante catégorie juridique.
Puisse la loi n'être pas soluble, en d'autres circonstances, dans l'opportunité politicienne et les calculs de carrière!

28. Le jeudi 26 juin 2008 à 15:40 par Sursis à statuer

Réconfortant de savoir que certains de ces dossier connaissent un "apyre end".

29. Le jeudi 26 juin 2008 à 15:43 par vivien

@ Lillo 25 merci beaucoup!

30. Le jeudi 26 juin 2008 à 15:47 par hors sujet

Je suis un nouveau lecteur de votre blog et j'ai lu récemment vos conseils "au fait comment on fait un procès". Les commentaires étant fermés, j'éspère que l'on me pardonnera une légère pollution de ce fil.

En effet il me semble qu'il est possible d'être dans son droit mais de manquer de preuves. Auquel cas on risque de perdre. Dans ce cas, peut on avoir à assumer les frais de l'adversaire? Existe t'il un plafond?

31. Le jeudi 26 juin 2008 à 15:57 par Taikila

@hors sujet (30)

Si on manque de preuves, on n'est pas dans son droit, il est donc logique que l'on perde un procès et que l'on en assume les conséquences financières.

32. Le jeudi 26 juin 2008 à 16:17 par hors sujet

@taikila
J'ai trouvé dans un autre billet M. Eolas un exemple ou une reconnaissance de dette qui ne mentionnait qu'un montant en chiffres provoquait la défaite du créancier.

Notre hôte précisait que la morale était sauve car le débiteur devait payer 6000 euros en honoraires d'avocats. Mais justement, ne pouvait pas se retourner vers son créancier puisque la justice lui a donné raison.

Dans un monde parfait, les gentils gagnent à la fin mais dans le notre, ce n'est pas toujours le cas. Mon propos était donc de revenir sur le cas du débiteur qui refuse de payer et gagne en justice. Que risque le créancier?

33. Le jeudi 26 juin 2008 à 17:36 par Bateau ivre

D'après mes souvenirs, vu les exigences des tribunaux administratifs pour accepter le cas de force majeure dans le cadre d'un marché public, la retenir dans le cas présent ne serait pas tout à fait honnête.
Par contre Lesquin...
Une remarque: vous m'avez foutu en l'air la prochaine heure (après heureusement on oublie) avec votre billet qui se révèle en fait très déprimant une fois le sourire du début éteint. Ils sont libres pour le moment. Cheese...

34. Le jeudi 26 juin 2008 à 20:34 par salah

Avec Horte-feux le cas de force majeure est inextinguible.‎

35. Le vendredi 27 juin 2008 à 02:04 par variable

J'ai lu ces témoignages d'"étrangers retenus" ici www.migreurop.org/article... et je me demande dans quel Etat je vis. Au moins cet incendie aura-t-il permis de lever un coin du voile -- sous les continuels fumigènes du président-soleil -- sur une réalité que la plupart de nos concitoyens ignorent. Cet incendie ? Pardon, la mort d'un homme.

Lois apyres, mais pour combien de temps ?

36. Le vendredi 27 juin 2008 à 11:04 par Cobab

à Gasper (n° 11), à propos de Nîmes :

d'après RESF de Nîmes, le JLD a libéré ceux qui ont comparu devant lui le mardi, sur de motifs à peu près semblables à ceux que nore hôte nous rapporte de Lille (libérés s'entend : jetés à la porte, à je ne sais combien de km de Nîmes, sans fric, avec seulement les habits qu'ils portaient lors de l'incendie).

Aussi sec, ont débarqué le même soir les avocats dont parle Libé, pour éviter la libération des restants (les plus ombreux) à comparaître le mercredi.

Eolas:
Les fameux avocats de la préfecture… J'en profite pour saluer mon charmant et excellent confrère Cyril Fergon, titulaire de cette office.

37. Le vendredi 27 juin 2008 à 11:26 par pouet

whaou vous êtes le 4ème résultat google pour qui recherche "apyre"

Eolas:
Un rêve d'enfance devenu réalité…

38. Le vendredi 27 juin 2008 à 13:37 par Taikila

@horssujet (32)

Je ne comprend pas très bien le sens de votre question. Le créancier qui voit son débiteur "gagner" en justice ne pourra réclamer le paiement de la somme. Evidemment les voies de recours lui sont ouvertes.

Pourriez vous me donner les références du billet afin que je ne vous raconte pas de bêtises.

39. Le vendredi 27 juin 2008 à 20:39 par Mathieu

@pouet
Moi je vois pas maitre-eolas sur "apyre".

40. Le vendredi 27 juin 2008 à 22:06 par Isacanelle

Bonsoir,

je découvre ce blog, et ça me donne une bouffée d'oxygène.

J'ai l'impression de vivre dans un pays qui glisse vers quelque chose qui ne me plaît pas du tout...

Que notre pays, notre civilisation est prétentieuse...

Nous avons tant à apprendre des autres, de ces pays dont les habitants pensent trouver l'Eldorado chez nous...

Vive le net!

La TV et de nombreux médias se complaisent à nous déverser des clichés tellement erronés...

Bon courage au bloggeur et à ses lecteurs.

Isa

41. Le samedi 28 juin 2008 à 14:47 par elhana

Dites, je me pose une question : est ce un trait d'humour judyciaire que d'appeler ces centres "centres de retention" pour des gens qu'on veut precisement ejecter de nos terres?!

42. Le samedi 28 juin 2008 à 22:22 par pourquoi les CRA ?

D'après les infos lues dans le site du GISTI :
www.gisti.org/doc/plein-d...
& intro du guide 2008
www.gisti.org/publication...

La rétention en CRA date de la loi Bonnet du 10 janvier 1980.
D'abord 10 jours de rétention maxi, et puis inexorablement semble se déployer une certaine logique : 12 jours le 11 mai 1998 -- loi Chevènement --, 20 jours le 6 juillet 1992, 32 jours le 24 juillet 2006 -- Sarkozy II --, une directive européenne de 18 mois...
Par contre il ne semble pas que cela ait jamais réussi à faire baisser le chômage.

Que se passait-il pour les migrants en situation irrégulière sur le territoire français, avant 1980 ?

43. Le dimanche 29 juin 2008 à 16:09 par zaza

Eolas applaudit chaque fois qu'on libère un étranger en situation irrégulière ... quoi qu'il ait fait.

Eolas:
C'est que par définition, il n'a rien fait. S'il a tué quelqu'un, c'est un meurtrier, pas un étranger en situation irrégulière. Ainsi, je ne me souviens pas qu'on ait particulièrement insisté sur la nationalité française de Fourniret. On le présentait comme un tueur en série, pas un tueur en série français en situation régulière. Quand on ne peut invoquer qu'une situation administrative irrégulière, c'est qu'il n'y a rien d'autre à invoquer. Donc oui, j'applaudis. Je n'aime point que l'on prive mes frères humains de leur liberté au prétexte qu'il contrarient une administration ou les électeurs qui ont mis celle-ci en place.

44. Le lundi 30 juin 2008 à 01:16 par Expat

@commentaire Eolas du 43. J'adore ce commentaire qui résume a lui tout seul le problème d'incompréhension entre ceux qui ont marché dans le plan "pas de papier" = criminel et on vas dire les "humanistes".

As on une idée du taux de mortalité suite a ces expulsions ? combien y laissent la peau ? en retentant de revenir dans des conditions dangereuses ? en étant réellement réfugiés politiques et assassinés/torturés/disparus a leur retour ?

Autre chose, la france compte plus de deux millions d'expatriés, et la plupart, de ce que je peux me rendre compte par mon expérience personnelle, en situation irrégulière. Parfois sans même le savoir, c'est la boite qui s'occupe des visa, certains ne savaient même pas qu'ils avaient des visa tourisme. Et plus ils sont expatriés pour des grands groupes industriels francais, plus ils sont en situation irrégulière. Il n'y a pas le choix si vous refusez de partir bosser avec un visa de tourisme on en prends un autre. J'ai des collègues qui ont étés expulsés du canada ou ils bossait irrégulièrement avec un visa tourisme, salariés d'entreprise du CAC 40 ! Bon ils ont pas fait de centre de rétention hein, quand on expulse des français en situation irrégulière on est plus courtois, juste escorte jusqu'a l'avion + blacklist au canada 1 an.

Toujours la même hypocrisie.

A force de faire du vent qui ne sert a rien contre les étrangers en situation irrégulière en France on est en train de pourir la vie aux expatriés en situation irrégulière a l'étranger car bien entendu a ce petit jeu c'est un prété pour un rendu. Pour l'instant rares sont les pays aussi chiants que Shengen/USA/Canada mais d'année en année les formalités sont de plus en plus difficilles et on est de moins en moins bien acceuilli quand on dit qu'on est Francais, je détestait chichi mais au moins avec lui quand on disait qu'on était francais on était bien acceuilli avec un "vous avez un super président"

Maintenant on commence a se prendre les formalités a ralonge, certificat d'hébergement, justificatif de revenu, réservation d'hotel, billet avion aller-retour (avec le retour qui partira a la poubelle car on restera plus de 1 an, cool quand on paye le billet de sa famille de sa poche), parfois des allers retour en avion juste pour refaire un visa "hors du pays" car ce n'est plus prolongeable dans le pays. Bref toutes ces mesures calqués sur ce qu'on fait subir nous aux étrangers.

Bon l'avantage d'un francais expat en situation irrégulière c'est qu'il vole dans une avion de ligne régulière, ils voyage pas dans un container en risquant sa peau.

Mais c'est tout de même une politique de merde.

- On ruine la vie de familles entières et de gosses pour qui leur avenir change du tout au tout a 10 ans après une rafle a la sortie de l'école.

- On pourrit l'image de la France et des français dans le monde (car on se permet après cela de donner des leçons aux autres sur les droit de l'homme en plus)

- Les expulsions coutent cher en coût direct et en coût économique.

- On pourrit la vie des expats francais qui doivent subir les actions de rétorsions calqués sur les règles que nous leur appliquons (heureusement que ces mesures de retorsions sont adoucies par rapport a ce que nous leur faisont subir) et ca coute cher économiquement aussi.

Et il semble qu'électoralement ce soit porteur, et ca ca me fait gerber.

Franchement on est bien proche de notre comportement dans les années 40. Nous on se comporte pareil. La seulle différence c'est qu'il n'y a pas de camps a l'autre bout mais ca on y est pour rien. Franchement je ne vois pas de différence majeure entre Hortefeux et Papon. Enfin si, peut-être, avec 20000 par an Hortefeux est un petit joueur mais aussi abject que son mentor.

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