Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Quelques commentaires sur les propos de Michel Mercier

Michel Mercier, Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, était ce 13 avril l’invité de France Inter pour présenter un peu plus en détail la réforme annoncée des jurés correctionnels. Des nouveautés sont apparues à cette occasion, le tout lié dans un argumentaire que le ministre a eu un peu la flemme d’apprendre par cœur d’où certaines imprécisions.

Je me propose de commenter ses propos, avec une méthode qui aura le mérite de la simplicité mais qui tord le cou à un millénaire de tradition universitaire : l’ordre chronologique dans lequel les propos ont été tenus. Les propos du ministre sont graissés. Je laisse intentionnellement de côté les propos purement politiques ou de communication, comme l’affirmation purement gratuite que les Français veulent cette réforme au point qu’ils ne parlent que de ça. Quand un ministre affirme entendre ce que disent les Français, c’est qu’il a discuté avec son chauffeur.

Tout d’abord, le ministre a été interrogé en tête à tête par le présentateur par intérim de la matinale, Bruno Duvic.


Michel Mercier par franceinter

Les jugements rendus par ces tribunaux renforcés ne seront pas plus sévères.

C’est en effet probable, tous les magistrats ayant siégé aux assises confirment qu’ils n’ont pas constaté d’unanimité répressive chez les jurés, qui aux assises auraient d’ailleurs les moyens d’imposer leurs vues. J’y reviendrai.

Aux assises, les jurés siègent avec les magistrats depuis 1932.

Non, depuis la loi du 25 novembre 1941 (Journal Officiel du 12 décembre). Vous comprendrez vu la date que cette précision n’est pas anodine. Auparavant, le jury criminel français était le même qu’en Angleterre et aux États-Unis : douze hommes délibérant seuls sur la culpabilité, la cour composée de trois juges délibérant seule sur la peine. Mais la crainte de voir des peines sévères frapper des coupables ne méritant pas la sévérité (l’ancien Code pénal prévoyant, voyez-vous ça, des peines plancher), on assistait de plus en plus à des acquittements d’opportunité. La loi avait déjà été modifiée pour permettre au jury de voter les circonstances atténuantes (dont le seul vote sauvait le condamné du risque de la guillotine), mais le régime de Vichy, qui ne se caractérisait pas par sa confiance démesurée dans le peuple a fondu cour et jury en une entité unique, de neuf jurés et trois juges pour garder le nombre douze, dont l’origine est biblique (allusion à la Pentecôte : quand douze hommes de bonne volonté sont réunis, l’Esprit Saint est avec eux).

Cette loi sur le jury de 1941 fait partie des rares lois de l’État Français sauvées de la nullité à la libération. Elle est de fait encore en vigueur aujourd’hui.

Sur le ralentissement du rythme des jugements

En effet, Jean-Paul Garraud fait dans la démesure dans sa critique, mais on a l’habitude de son caractère histrionique. Une audience ordinaire en collégiale (3 juges) peut espérer juger une dizaine d’affaires simples dans des conditions à peu près satisfaisantes, une quinzaine dans des mauvaises conditions (comme les comparutions immédiates), au-delà risque de sombrer dans le sordide et les juges décident généralement de renvoyer d’office les affaires surnuméraires avec une remarque glaciale au parquet qui décide du nombre d’affaires à juger par audience. Je n’imagine pas qu’en une après midi, le tribunal correctionnel renforcé puisse juger plus de 5-6 affaires.

Les moyens nécessaires seront affectés à cette réforme

Le ministre finira par s’agacer du caractère répétitif de cette question et des réactions dubitatives que ses affirmations réitérées provoqueront. Mais le manque dramatique de moyens de la justice est désormais bien connu, je comprends donc cette réticence et la partage pleinement. Notamment la centaine de magistrats recrutés annoncée aura pour effet d’équilibrer le nombre de magistrats recrutés en tout et ceux partant à la retraite. J’ai donc du mal à les considérer comme des magistrats supplémentaires pouvant sans dommages être affectés à cette tâche nouvelle.

Les questions techniques, comme les nullités de procédure, resteront réservées aux magistrats professionnels.

C’est le cas devant la cour d’assises, pour des raisons évidentes de technicité mais aussi parce que les jurés ne s’expriment aux assises que par un vote à bulletin secret, qui suppose une réponse binaire incompatible avec un débat sur, au hasard, la conformité du contrôle de la garde à vue par le seul parquet avec la convention européenne des droits de l’homme. Néanmoins, le projet de loi prévoit des assesseurs pour l’application des peines, ce qui est un peu contradictoire, car la matière est très technique.

L’entrée en vigueur sera progressive et commencera par une phase d’expérimentation dans le ressort de deux cours d’appel de taille différente.

Je vais solliciter mes taupes pour savoir lesquelles sont les heureuses élues. Je note en tout cas qu’une superbe porte de sortie est aménagée, puisque l’entrée en vigueur généralisée est reportée au delà de la fin du monde les élections présidentielles de 2012 — on nous avait promis des jurés « avant l’été »— ce qui en cas de changement de majorité veut dire enterrement de première classe et en cas de stabilité politique permet de changer d’avis sans perdre la face. Une réforme qu’on lance une patte en avant et l’autre déjà sur le recul ne paraît pas promise à une espérance de vie bien longue.

On va créer des tribunaux correctionnels pour mineurs de 16 à 18 ans récidivistes.

Une vieille lune de ce gouvernement, qui partage avec certains de mes clients une certaine obsession morbide pour la jeunesse. Actuellement, les mineurs —le droit pénal parle d’enfants— sont jugés par deux juridictions : le juge des enfants statuant seul en audience de cabinet (comprendre : dans son bureau) quand il s’agit de prononcer des mesures éducatives, qui sont des sanctions pénales pouvant être très contraignantes, mais où la finalité éducative est dominante, ou le tribunal pour enfants quand le prononcé d’une peine comme de la prison est envisagé. Le tribunal pour enfants est présidé par un juge pour enfants assisté de deux assesseurs non juges, choisis parmi des personnalités qualifiées ayant démontré leur intérêt pour les affaires de l’enfance. Les mineurs de 16 à 18 ans ayant commis un crime relèvent de la cour d’assises des mineurs, qui a pour particularité de siéger à huis clos, et d’avoir des juges assesseurs pris parmi les juges pour enfants.

Là, je ne comprends pas. Cette nouvelle juridiction spéciale aurait pour seule spécificité d’écarter les assesseurs du tribunal pour enfants pour les remplacer par des juges professionnels. je soupçonne aussi que ce tribunal pourra statuer dans une sorte de comparution immédiate pour mineurs, qui est une obsession récurrente de ce gouvernement depuis des années. J’aimerais qu’on m’explique la cohérence de vouloir adjoindre aux juges professionnels des citoyens assesseurs en correctionnelle pour les majeurs et dans la même loi virer les citoyens assesseurs du tribunal pour enfants dès lors que les faits sont graves. C’est donc qu’on craint leur trop grande clémence ? Mais on nous assure que les citoyens assesseurs en correctionnelle ne seront pas plus sévères ! Ajoutons à cela que les peines plancher créées en août 2007 s’appliquent aux mineurs, donc que la loi impose déjà une sévérité minimale en cas de récidive. Si quelqu’un trouve la logique interne, ses parents l’attendent à l’entrée du magasin.

C’est la loi du 12 avril 1906, et non l’ordonnance du 2 février 1945, qui a créé la spécificité du droit pénal des mineurs.

L’histoire du droit est une matière très noble. Mais on ne déchoit pas à la travailler. La loi du 12 avril 1906 fait 3 articles et n’a eu qu’un seul effet, certes notable : passer la majorité pénale fixée à 16 ans sous la révolution (Code pénal de 1791, repris dans le Code pénal de 1810 à 18 ans (la majorité civile n’a été fixée à 18 ans qu’en 1974). Elle n’a rien changé au régime pénal applicable aux mineurs, qui a essentiellement été fixé par la loi du 5 août 1850.

Cette loi créait les maisons de correction qui accueillaient les mineurs punis de six mois de prison au plus ou enfermés au titre de la correction paternelle. Le père avait en effet le pouvoir de faire enfermer ses enfants mineurs : un mois s’ils avaient moins de 16 ans, sans que le juge puisse y redire quoi que ce soit, et jusqu’à 6 mois de 16 à 21 ans, mais le juge pouvait refuser ou raccourcir cette période : art. 376 et suivants du Code Napoléon.

Outre les établissement pénitentiaires, se trouvaient les colonies pénitentiaires, les tristement célèbres “bagnes pour enfants”, comme la fameuse colonie de Mettray fondée en 1834, ou celle de Belle-Île-En-Mer, qui accueillent les mineurs dont la peine est comprise entre six mois et deux ans. En 1934, une révolte des enfants détenus suite au passage à tabac de l’un d’eux par les gardiens a donné lieu à une prime de 20 francs à quiconque capturerait un fugitif. Jacques Prévert, bouleversé par ce spectacle de battues, composa à cette occasion son célèbre poème La Chasse à l’Enfant.

Enfin, les colonies correctionnelles accueillent, si j’ose dire, les mineurs condamnés à plus de deux ans de prison.

Les conditions abominables dans lesquelles étaient traitées les enfants, et le grand nombre d’orphelins livrés à eux même dans un pays en ruine où les autorités étaient inexistantes a poussé un dangereux gauchiste bobo droitdelhommiste à prendre en février 1945 une ordonnance créant les juges pour enfants et les tribunaux pour enfants et posant le principe que toute sanction frappant un mineur devait avant tout viser à l’éduquer. Ce crypto-marxiste-léniniste s’appelait Charles de Gaulle.

Cette ordonnance est encore en vigueur aujourd’hui, même si elle a été modifiée 68 fois depuis. Oui, plus d’une fois par an.

L’excuse de minorité est graduée, elle a plus d’effets quand on a 13 ans que quand on en a 18.

Oui, il a dit ça. Comment vous dire, monsieur le Garde des Sceaux… Vous savez, depuis la loi du 12 avril 1906 (celle là même que vous avez amenée à Bruno Duvic), la majorité pénale est fixée à 18 ans. Il n’y a plus d’excuse de minorité à cet âge là.

L’excuse de minorité est une règle qui divise par deux les peines encourues par un mineur. Un vol simple est passible de 3 ans de prison. Commis par un mineur, l’excuse de minorité abaisse cette peine encourue à 18 mois. Elle s’applique à partir de 13 ans, qui est l,âge à partir duquel on peut prononcer une peine. Elle est impérative jusqu’à 16 ans. De 16 à 18 ans, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs peut écarter l’excuse de minorité par une décision spécialement motivée et prononcer alors une peine comprise entre la moitié et le maximum légal.

Les délinquants mineurs de 1945 ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui.

Argument régulièrement ressorti pour justifier des textes très répressifs contre les mineurs. Et qui est un pur sophisme.

Naturellement, ce ne sont pas les mêmes : 65 ans ont passé, soit toute une vie. Le monde a changé pendant ces 6 décennies, et sans doute plus qu’il n’a jamais changé en aussi peu de temps dans l’Histoire. On est pour le moment dans le domaine de l’évidence. Là où on bascule dans l’affirmation contestable, c’est quand on laisse entendre qu’ils ont changé en pire.

Les mineurs de 1945, ceux qui s’occupaient d’eux goûtent désormais aux félicités éternelles, et lesdits mineurs ne sont plus très frais (il doit en rester quelques uns au Sénat). Donc on ne risque pas trop la contradiction. Pour ma part, j’ai tendance à penser que des gamins de 12 à 21 ans, orphelins, SDF, livrés à eux mêmes dans un pays en guerre où l’occupant se livrait à la terreur avec la complicité des autorités administratives n’avaient aucune raison d’être plus doux, honnêtes et obéissants que les caïds de banlieue qui font les délices des documentaires de la première chaîne. En tout cas, l’affirmation selon laquelle nos doux bambins d’aujourd’hui seraient plus enclins au crime et à la violence qu’à l’époque mériterait d’être un tant soit peu étayée par des arguments scientifiques. Tout comme le fait que les conditions de vie exécrables dans les maisons de correction et les colonies pénitentiaires n’aient en rien assagi les enfants délinquants de l’époque peut nourrir une réflexion sur l’efficacité autre qu’électorale de la méthode. Ajoutons à cela les progrès pédagogiques, comme le fait par exemple qu’on ait supprimé de l’enseignement des établissements pour mineur l’entraînement au tir et à la manipulation des armes enseigné dans les années 30

Et en admettant un instant que les mineurs délinquants aujourd’hui soient en effet pires que ceux de 1945, en quoi sera-ce une solution de changer la composition du tribunal chargé de les juger ? Qui peut croire que nos Rapetout en culottes courtes trembleront d’effroi en lisant le Code de l’Organisation Judiciaire et aussitôt décideront d’employer leur vie à des travaux des champs ?

On ne le saura pas. On en reste à la gesticulation, et on écarte les assesseurs des tribunaux pour enfants en disant qu’ils sont nocifs, et on en fait entrer dans les tribunaux correctionnels en disant qu’ils sont indispensables. Dans la même loi.

Vient à présent la deuxième partie de l’émission, baptisée Inter Active. Jean-Philippe Deniau, le chef du service police-justice (dit aussi le service partout-nulle part) de France Inter et Jean-François Achilli, chef du service politique, se joignent à la ronde, même si, ce qui est un peu vexant pour ces journalistes de talent, ce sont des auditeurs qui sont amenés à poser des questions, avec le risque, pas toujours évité, du syndrome du café du commerce.


Michel Mercier par franceinter

Premier thème abordé, qui me fait frétiller : la garde à vue.

Le texte sur la garde à vue est un texte d’équilibre

Ça commence mal. Rappelons que le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme ont constaté l’évidence que les avocats, dont modestement votre serviteur, répétaient jusque là en vain depuis deux ans : la garde à vue ne répondait pas aux exigences minimales des droits de l’homme. Le Conseil a donné dans sa décision de juillet dernier le mode d’emploi pour se mettre en conformité : assistance effective d’un avocat, donc présence aux interrogatoires, accès au dossier, possibilité de poser des questions, de s’entretenir confidentiellement avec son avocat, bref tout ce qu’il faut pour commencer à exercer la défense dès le moment de l’arrestation.

Ce sont là des exigences minimales : en deçà, on n’est pas en conformité avec les droits de l’homme.

Quand le Garde des Sceaux nous dit donc fièrement qu’il s’agit d’un texte “d’équilibre” entre les droits de la défense et les nécessités de l’enquête, vous l’aurez compris, et la lecture de la petite loi (c’est ainsi qu’on appelle un texte de loi voté par le parlement mais pas encore promulgué car pouvant être soumis au Conseil constitutionnel) le confirme : le législateur n’a pas été fichu de se conformer à ces exigences minimales (notamment sur le point crucial de l’accès au dossier). Citoyens français, vos droits font peur.

Je note au passage que, invité à commenter les propos de Claude Guéant sur les incidents que notre présence ne manquerait pas de provoquer, le ministre assure de son entière confiance les policiers et les gendarmes. Je vous laisse trouver qui il a oublié.

Les avocats seront indemnisés 300 euros pour une garde à vue outre 150 euros en cas de prolongation

Dont acte.Sous réserve de la sujétion réelle qu’imposera la garde à vue nouvelle formule, et qui nécessite d’être confronté à la réalité, le niveau d’indemnisation semble correct pour une mission d’AJ. Il faudrait préciser s’il y a majoration pour déplacement ; la question ne se pose pas à Paris, mais chez nos voisins de Versailles, où la plupart des cabinets sont à Versailles même, où siègent le tribunal, la cour d’appel, le tribunal administratif et la cour administrative d’appel, il y a 50 km entre cette ville et Saint Arnoult, au fin fond du département. Il faut en tenir compte.

Cette loi sur la garde à vue sera appliquée

Cela ne fait aucun doute. Au 1er juillet, tous les articles du code de procédure pénale sur la garde à vue seront définitivement abrogés. Le Gouvernement n’a pas le choix. Il ne le fait pas de gaîté de cœur, mais il doit le faire.

On va définir les cas dans lesquels ont pourra recourir à la garde à vue

En effet, la loi prévoit que

« Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :

« 1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

« 2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ;

« 3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

« 4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

« 5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;

« 6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.

Maintenant, je ne me fais aucune illusion. D’abord, la garde à vue actuelle était aussi soumise à conditions (il faut que ce soit pour les nécessités de l’enquête,et qu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

Ensuite, l’article 144 du même Code prévoit une liste de ce genre restreignant le recours à la détention provisoire, qui doit être “exceptionnelle” et “l’unique moyen” de parvenir à ces buts. On sait ce que ça donne en pratique.

Viennent à présent les auditeurs.

Ariane de Lorient

Ariane va nous proposer un formidable condensé synthétique de tous les clichés sur le jury populaire, avec en prime l’argument d’autorité : “Moi, j’ai assisté à des procès d’assises”, comprendre dans le public.

Le jury arrive et il ne sait pas de quoi il s’agit : c’est un peu le principe du jury populaire. Mais le début de l’audience est consacré à la lecture de l’ordonnance de mise en accusation qui est un résumé complet des faits et de l’enquête, et les débats durent généralement au moins deux jours pour leur permettre de s’imprégner du dossier et de connaître les parties en présence. S’ils sont ignorants au début, ce qui est une garantie de leur impartialité, à la fin du procès, il y a peu de gens qu’ils connaissent aussi bien que l’accusé. Même dans leur entourage familial proche.

Les jurés s’endorment : le coup de barre d’après le repas du midi est une malédiction, et pour peu que ce soit un expert au ton monotone qui vienne témoigner, c’est radical. Mais le coup de barre n’est pas le sommeil. La loi prévoit qu’un juré qui se serait endormi doit être remercié et remplacé par un juré supplémentaire, car il n’a pas assisté à l’intégralité des débats. Il en va de même d’ailleurs quand c’est l’avocat. En aucun cas la cour ne continue ses travaux en chuchotant pour ne pas réveiller les 9 jurés renversés sur leurs fauteuils.

Les jurés ne comprennent rien à ce qui se passait, car c’est souvent compliqué aux assises : chère Ariane, si vous avez compris ce qui se passait à chaque fois, ce que je veux croire puisque vous y retourniez, faites donc le même crédit à vos concitoyens.

Les jurés n’ont aucune notion de droit : C’est en effet le cas la majorité des fois. Mais avant d’aller délibérer, ils vont avoir trois éminents juristes qui vont chacun leur tout leur exposer l’état du droit et la solution que selon eux il préconise dans l’intérêt de la victime, de la société et de l’accusé. Pendant le délibéré, ils ont sous la main trois juristes au moins aussi bons qui peuvent répondre à toutes leurs questions. Et si malgré cela ils ne savent toujours pas, la loi leur indique la voie : cela doit profiter à l’accusé.

Les jurés jugent par rapport à leur affectif et non par rapport à des preuves : Chère Ariane, de quoi parlons-nous donc pendant les deux jours d’audience ? Croyez-vous que l’expert balistique et le médecin légiste, son rapport d’autopsie sous le bras, viennent inviter les jurés à laisser parler leur Moi psychanalytique ?

L’impression que m’a donné Ariane est qu’elle n’a pas assisté à des procès d’assises, mais à un procès d’assises, concernant un de ses proches, et que le résultat ne l’a pas satisfaite.

Néanmoins, rebondissons sur ces remarques pour faire un examen comparé de la cour d’assises et du tribunal correctionnel renforcé. On a vu que depuis 1941, juges et jurés délibèrent ensemble. Mais d’une part, le jury est majoritaire, et peut emporter une décision contre l’avis des magistrats. D’autre part, le secret du vote garantit sa sincérité. Non que les présidents manipulent ou veulent imposer leurs vues au jury — il y en a, mais ils sont rares — mais cette garantie assure à ceux qui ne sont pas au délibéré, l’accusé en premier, que ce délibéré a lieu dans des conditions optimales d’indépendance d’esprit. Devant le tribunal correctionnel renforcé, il n’en sera rien. Les jurés seront minoritaires, et leur vote sera connu des magistrats. Cette différence est fondamentale et suffit à réfuter tout argument comparatif avec la cour d’assises. La loi ne parle d’ailleurs pas de jurés correctionnels, mais de citoyens assesseurs. C’est exactement cela. Et rien de plus. Cet aspect mérite d’être au centre de la réflexion sur les modalités de cette réforme.

Les citoyens assesseurs pourront poser directement des questions au prévenu, à la partie civile, aux témoins et pourquoi pas aux avocats

C’est expressément prévu par le projet de loi. Et c’est une bombe à retardement.

Aux assises, si un juré exprime au cours de l’audience son opinion sur la culpabilité, il doit être excusé et remplacé par un juré supplémentaire. Il n’y aura rien de tel devant le tribunal correctionnel renforcé. Qu’un juré laisse échapper un “Mais vous croyez qu’on va gober vos mensonges ?” et le procès ne sera plus équitable faute d’impartialité du juge. Je sens que les présidents de correctionnelle retiendront leur respiration en donnant la parole aux citoyens assesseurs.

La rémunération des jurés

Le ministre n’a pas compris ou n’a pas voulu comprendre la question de l’auditeur à 8 euros par dossier. Il ne s’agissait pas d’un juré mais d’un délégué du procureur, une de ces petites mains de la justice qui contribue à faire du chiffre dans l’indifférence. Le délégué du procureur reçoit l’auteur de faits délictuels dans le cadre des alternatives aux poursuites. Il propose à l’auteur des faits d’accepter des mesures qui s’apparentent à des peines sans en être (pas d’inscription au casier) et à indemniser la victime en échange d’un classement sans suite. Il peut traiter plusieurs dizaines de dossiers par jour, qui comptent comme une réponse pénale. Ils sont payés 8 euros par dossier, avec parfois un an de retard. Les juges de proximité, créés par le président précédent, ne sont plus payés et devraient bientôt être supprimés. Les experts ne sont plus payés qu’avec deux ans de retard.

Et le ministre annonce que les citoyens assesseurs seront rémunérés aussi bien voire mieux que des magistrats professionnels. Vous comprendrez les réactions dubitatives, surtout quant à la pérennité de ce financement.

Ce sujet n’est pas épuisé, mais je crains que mes lecteurs ne le soient ; certains aspects de la loi n’ayant pas été abordés. Le texte du projet en est publié, je vais en prendre connaissance, et il y aura lieu de revenir notamment sur la cour d’assises light.

Mais vous savez que je suis un citoyen se voulant exemplaire, et je me devais de rectifier certains propos du ministre. Voilà qui est fait.

Commentaires

1. Le jeudi 14 avril 2011 à 14:11 par ghyster

il manque la fin du paragraphe pour le commentaire à la question :

Les questions techniques, comme les nullités de procédure, resteront réservées aux magistrats professionnels.

merci pour ces éclairages

2. Le jeudi 14 avril 2011 à 14:42 par Laurent

Il est vraiment très bon de se faire éclairer l’intérieur par Maitre Eolas !

On en ressort un peu morose, l’air d’en avoir pris dans le… crâne et un peu plus dégouté par le mépris de ce gouvernement envers la justice.
Il est bien loin le temps de “J’ai confiance en la justice à mon pays” du maçon ministre Philippe Léotard.
Merci Maitre !

3. Le jeudi 14 avril 2011 à 14:52 par Cat

Ça m’a bien fait rire:

“Jean-Philippe Deniau, le chef du service police-justice (dit aussi le service partout-nulle part) de France Inter”

Merci !

Cat

4. Le jeudi 14 avril 2011 à 14:56 par Benoît J

“Les jurés jugent par rapport à leur affectif et non par rapport à des preuves”

Tout le monde fait cela, et malgré les dénégations farouches de certains, oui, l’émotion est primordiale dans une prise de décision. J’en veux pour preuve les études récentes à ce sujet (lire l’article de Cerveau&psycho de mars). La plus grande objectivité possible, oui, l’impartialité sans émotion, non, cela conduit à de mauvaises décisions, chère Ariane…

Merci Maitre, de ne pas laisser l’étendard d’une vision plus juste de la réalité foulée aux pieds par des sagouins de cet acabit.

5. Le jeudi 14 avril 2011 à 14:59 par Sarah

Euh…. chez moi le billet s’arrête à la vidéo. Je ne suis pas sure que ce soit normal, si?

6. Le jeudi 14 avril 2011 à 15:00 par CéCédille

Quelques soient les arrières pensées de Nicolas Sarkozy, il ne sera jamais dit que le but de la réforme serait de rendre les verdicts plus sévères. En effet toute expérimentation dans quelques cour d’appel tests deviendrait impossible au regard du principe constitutionnel d’égalité des justiciables devant la loi : on serait à coup sûr plus sévèrement condamné ici que là, au delà des aléas qui existent déjà entre les juridictions, mais qui s’inscrivent dans l’application des mêmes textes.

7. Le jeudi 14 avril 2011 à 15:07 par palpatine

Même bug que Sarah sous Chrome. Il te manque simplement un “</object>” après la vidéo.

8. Le jeudi 14 avril 2011 à 15:07 par marie

@Sarah: tout comme vous !

9. Le jeudi 14 avril 2011 à 15:12 par françois

Votre passage sur les mineurs de 45 et ceux d’aujourd’hui est non seulement pertinent mais aussi très beau et émouvant.
Bravo.

10. Le jeudi 14 avril 2011 à 15:33 par Simone

@ Eolas (sur la garde à vue)

le législateur n’a pas été fichu de se conformer à ces exigences minimales (notamment sur le point crucial de l’accès au dossier)
“Notamment” peut-être, “essentiellement” plus sûrement !

Je note au passage que, invité à commenter les propos de Claude Guéant sur les incidents que notre présence ne manquerait pas de provoquer, le ministre assure de son entière confiance les policiers et les gendarmes. Je vous laisse trouver qui il a oublié.
Cela révèle au contraire que dans son esprit ce sont les policiers et les gendarmes qui sont susceptibles de provoquer des incidents ! Il leur fait cependant confiance pour que cela n’arrive pas.

On va définir les cas dans lesquels ont pourra recourir à la garde à vue
Je n’y vois pas vraiment d’intérêt. Sans développer (je l’ai déjà fait sous d’autres billets), je vous renvoie à l’alinéa complétant le III de l’article préliminaire du CPP, et à votre sainte horreur des auditions dites libres.

Bien à vous, cher Maître, en vous exprimant mon plaisir de vous lire (si, si) et en me souhaitant celui de vous croiser dans nos magnifiques locaux.

11. Le jeudi 14 avril 2011 à 15:50 par miles.v

Merci de ce billet, qui permet à un béotien tel que moi de comprendre pas mal de choses. Il reste cependant un point de la réforme sur lequel je n’ai trouvé pratiquement aucun commentaire, la cour d’assises “simplifiée” où, semble t-il, il n’y aurait que 2 jurés. Si c’est bien le cas, quelle serait alors la différence avec un tribunal correctionnel hormis le nom ? (sachant qu’elle est présentée comme permettant d’éviter la correctionnalisation des affaires)

12. Le jeudi 14 avril 2011 à 16:29 par ElHo

Une p’tite question sur l’obligation de réforme de la garde à vue, Maître… :
Puisque le Gouvernement a jusqu’à juillet prochain pour la réformer, a-t-il le “droit” de faire voter une loi immédiatement mais d’attendre jusqu’au 30 juin pour en publier les décrets d’application ???

13. Le jeudi 14 avril 2011 à 16:41 par El Re

On va bientôt pouvoir se balader en Porsche dans tout Paris en fumant de gros cigares grâce à nos rémunérations assesseurs pendant que les magistrats pros prendront le métro !

14. Le jeudi 14 avril 2011 à 16:44 par Wyrm

J’avais noté les différences sur le nombre et la dénomination des “jurés” de correctionnelle, et j’en avais tiré la même conclusion: il ne s’agit pas de jurés, de personnes capables de décider de la culpabilité ou non d’un accusé, mais de simples assesseurs, des observateurs qui sont là pour illustrer une loi d’affichage de plus. Et quand j’ai lu que cette configuration sera étendue à certains cas d’assises (pour gagner du temps et économiser un peu), j’ai été d’autant plus surpris. Sous prétexte d’introduire le citoyen plus avant dans le processus de la décision judiciaire… ou l’en expulse lentement. Etonnant? Non.

Et merci à Maître Eolas pour cet exposé complet, j’y ai encore une fois beaucoup appris.

15. Le jeudi 14 avril 2011 à 16:58 par proc tolog

Et comment ki fera le gouvernement pour les comparutions immédiates de dernière minute.

Allo Mme MICHU c’est le tribunal, on a besoin de vous tout d’suite, toud’suite.

ben demandez plutôt à ma voisine, elle aimerait bien être juge.

Quelle rigolade cette histoire.

16. Le jeudi 14 avril 2011 à 17:03 par Wyrm

Vous avez aussi choisi de modifier le fonctionnement des assises…

Aujourd’hui, un grand nombre des crimes sont requalifiés en délits simples et finissent en correctionnelle. On va donc créer une cour d’assises simplifiée avec trois magistrats et deux citoyens assesseurs pour examiner tous les crimes punis de quinze à vingt ans de prison. Les autres continueront de relever de la cour d’assises telle qu’on la connaît aujourd’hui.”
Source, juste histoire qu’on ne dise pas que j’ai inventé cette histoire de simplification des assises.

17. Le jeudi 14 avril 2011 à 17:09 par l'optimiste

Avec le sarkozisme il y a longtemps que la justice pénale a implosé,alors Cher Maitre vous consacrez beaucoup trop de temps a commenter les inepties du ministre de la justice le plus nul que l’on ait connu depuis plusieurs décénnies.
Vivement 2012!
Quant à loi loi votée hier sur la GAV il est possible que quelques articles ne franchissent pas le cap du Conseil Constitutionnel,donc revue obligatoire de la copie avant le 30 juin

18. Le jeudi 14 avril 2011 à 17:17 par L'amer Denis

@ Maître Eolas
Dites-moi si j’ai tout compris au contenu de vos deux billets consacrés à ce sujet :
“Les jurés seraient au nombre de deux, et siégeraient avec un tribunal correctionnel en formation collégiale, soit trois magistrats, dont au moins un ayant rang de vice-président, portant le nombre des juges à cinq. Ils n’interviendraient que pour des dossiers de violences volontaires, de vol avec violences et d’agression sexuelle.”
Sans trop anticiper, ces délits ne sont pas commis par des individus qui étaient mineurs en 1945.
Sans faire de politique, ces délinquants sont immunisés contre les effets répulsifs des nettoyeurs à haute pression.
Sans dramatiser, un ado chef de gang est capable de mobiliser davantage de militants actifs que certains candidats à la prochaine élection présidentielle.
Sans vous faire languir davantage, ma question est la suivante :
Ces “jurés populaires” vont-ils bénéficier d’une protection policière, ainsi que leur famille et leurs proches, jusqu’au dernier vivant ?
Car si tel n’est pas le cas, les candidats lucides ne seront pas légion.
Pourvu qu’on ne les traîne pas menottés et encagoulés sur leur banc.
Tout compte fait, encagoulés, c’est interdit…
Et prendre la parole pour déclarer qu’un coupable n’est pas innocent pourrait s’avérer mortel.
Si tout va bien, à force de désistements, les jugement seront rendus dans un certain laps de temps, à titre posthume.
Un état laïc vient d’inventer une justice divine.
Qui l’aurait cru, en 1945 ???

19. Le jeudi 14 avril 2011 à 17:17 par Cyäegha

@ ElHo en 12 :
Il y a déjà des lois qui attendent leurs décrets d’applications bien plus longtemps que cela.

20. Le jeudi 14 avril 2011 à 17:44 par Vincent

Bon je ne connais pas les futurs jurés mais je pense que l’ambiance des tribunaux correctionnels peut devenir rapidement assez festive: entre ceux qui rejoueront 12 hommes en colère, ceux qui tenteront d’appliquer leurs principes humanistes ou répressifs, qui laisseront leur tendance raciste au vestiaire et ceux qui l’emmèneront dans la salle d’audience, je ne sais pas si nous aurons un meilleure justice mais elle risque vite de devenir imprévisible et parfois cocasse.
Curieusement je ne suis pas sûr que les décisions seront pires que celles rendues actuellement au nom de la rationalité…Après tout ce sont des magistrats professionnels qui ont veillé à l’instruction de l’affaire d’Outreau et des jurés populaires qui ont défait cette construction.

21. Le jeudi 14 avril 2011 à 18:04 par Antoine

@6 Cécédille

Je rebondis sur le commentaire n°6 de Cécédille, parce qu’il me semble qu’il y a une faille titanesque dans cette période de tests sur deux cours d’appel différente. Une faille titanesque dans laquelle les avocats pourraient, à mon avis, s’engouffrer en jouant du klaxon pour saluer la victoire.

Etant donné que les conditions de jugement ne seront pas les mêmes dans ces deux juridictions que dans les autres, n’y a-t-il pas la possibilité, pour l’avocat désireux de vouloir sinon gagner au moins rallonger le match, de lancer une procédure de nullité pour non-respect de la Constitution. Parce qu’il me semble que les citoyens sont égaux devant la justice et surtout que celle-ci ne dépend pas de la situation géographique du prévenu.

Or, pour deux délits similaires jugés dans deux juridictions qui n’appliquent pas les mêmes conditions de jugement, en cas de différence de peines, on peut se poser la question de l’équité. Parce que même un condamné resté un citoyen.

Maître Eolas, c’est à vous !

22. Le jeudi 14 avril 2011 à 18:13 par plutarques

L’optimiste (17)

La justice Pénale a “implosé” depuis bien plus longtemps que cela à mon sens… depuis la fin de Badinter en réalité.

Mais force est de constater que ca ne va pas en s’améliorant.

23. Le jeudi 14 avril 2011 à 18:15 par nicolas

Bonjour Maitre et merci pour ce billet.

Il me semble qu’au cours de cette interview, le garde des sceaux a tenu des propos me semble t-il très largement elligible au burisis.

Un auditeur demandait pourquoi les délits de “trafic d’influence, corruption active ou passive, prise illégale d’interêt” et plusieurs autres généralement commis par des élus n’était pas parmi ceux qui sont jugé pas des jurés en correctionnelle.

Le ministre a répondu d’une part que les faits cités étaient jugé en cours d’assise, et d’autre part qu’il ne voulait pas confier aux jurés des dossiers trop techniques comme par exemple les problèmes d’urbanisme (qui me semblent relèver de la justice administrative).

24. Le jeudi 14 avril 2011 à 18:58 par VilCoyote

@Nicolas (23) : juste pour commenter vos derniers mots, l’urbanisme peut aussi relever du juge judiciaire - voir la garde à vue du maire de la Faute sur mer (la bien nommée…), ou tout simplement démolition d’un bâtiment pour lequel on n’avait obtenu qu’un permis de construire (rénovation) : Code de l’urbanisme L480-4.

25. Le jeudi 14 avril 2011 à 19:03 par L inconnu de 19h02

Pour le code de la vidéo :

Dailymotion génére cela : <object width=”480” height=”269”><param name=”movie” value=”http://www.dailymotion.com/swf/vide…“></param><param name=”allowFullScreen” value=”true”></param><param name=”allowScriptAccess” value=”always”></param><param name=”wmode” value=”transparent”></param><embed type=”application/x-shockwave-flash” src=”http://www.dailymotion.com/swf/vide…” width=”480” height=”269” wmode=”transparent” allowfullscreen=”true” allowscriptaccess=”always”></embed></object>

alors que dans votre code à 19H00 il y a seulement cela

<object width=”480” height=”269”><param name=”movie” value=”http://www.dailymotion.com/swf/vide…” /><param name=”allowFullScreen” value=”true” /><param name=”allowScriptAccess” value=”always” /><param name=”wmode” value=”transparent” /><br /><a href=”http://www.dailymotion.com/video/xi…” target=”_blank”>Michel Mercier</a> <em>par <a href=”http://www.dailymotion.com/francein…” target=”_blank”>franceinter</a></em></object>

Actuellement sous IE 8 et Firefox (une vieille version) la vidéo ne s’affiche pas !

26. Le jeudi 14 avril 2011 à 19:23 par jpp

Cher Maître,
“Les délinquants mineurs de 1945 ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui.” Toujours ces vieilles sottises à propos de l’insécurité en progression constante. Je livre ce délicieux passage des Mémoires de Saint-Simon (1703, IV-12) qui raconte le voyage de Paris à Saint-Germain de deux conseillers d’Etat dans un carrosse du Roi. D’évidence, on ne saurait dire que l’insécurité a progressé depuis.

“Il menait Courtin à Saint-Germain au conseil, et on volait fort dans ce temps-là. Ils furent arrêtés et fouillés, et Fieubet y perdit gros qu’il avait dans ses poches. Comme les voleurs les eurent laissés, et que Fieubet se plaignait de son infortune, Courtin s’applaudit d’avoir sauvé sa montre et cinquante pistoles qu’il avait fait, à temps, glisser dans sa brayette. À l’instant voilà Fieubet qui se jette par la portière à crier après les voleurs et à les rappeler, si bien qu’ils vinrent voir ce qu’il voulait. «Messieurs, leur dit-il, vous me paraissez d’honnêtes gens dans le besoin, il n’est pas raisonnable que vous soyez les dupes de monsieur que voilà, qui vous a escamoté cinquante pistoles et sa montre; » et, se tournant à Courtin: « Monsieur, lui dit-il en riant, vous me l’avez dit, croyez-moi, donnez-les de bonne grâce et sans fouiller. » L’étonnement et l’indignation de Courtin furent tels qu’il se les laissa prendre sans dire une seule parole; mais les voleurs retirés, il voulut étrangler Fieubet, qui était plus fort que lui et qui riait à gorge déployée. Il en fit le conte à tout le monde à Saint-Germain; leurs amis communs eurent toutes les peines du monde à les raccommoder.”

27. Le jeudi 14 avril 2011 à 20:07 par Pascale

Merci maître Eolas…
…. de ne pas considérer a priori les jurés populaires comme des gros lourds venant terminer leur sieste à l’audience.
Comme le bon sens, le sens de la justice, est sans doute la chose du monde la mieux partagée et l’histoire judiciaire comme l’étude des systèmes judiciaires anglo-saxons, montrent bien que les sociétés inégalitaires et autoritaires ont toutes les raisons de se méfier des jurés populaires.

C’est à la lumière de cette méfiance que j’analyse les incohérences de la politique gouvernementale qui introduit les jurés d’un côté et les fait sortir de l’autre, de façon à ce qu’ils soient minoritaires dans les délibérations.

Quant aux moyens, avez-vous vu ceci sur le site du ministère de la Justice et des Libertés ? http://www.metiers.justice.gouv.fr/…
Le ministère se propose de recruter 500 « réservistes » parmi les magistrats et greffiers en retraite !

Ça en dit long sur les capacités de notre fonction publique à s’ouvrir sur de nouvelles populations et à former ses futurs cadres.

28. Le jeudi 14 avril 2011 à 20:27 par RG

Les délinquants mineurs de 1945 ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui.(sic)

@Eolas Les mineurs de 1945, ceux qui s’occupaient d’eux goûtent désormais aux félicités éternelles, et lesdits mineurs ne sont plus très frais (il doit en rester quelques uns au Sénat).

J’avais compris (peut-être à tort) qu’on y dépistait la trisomie mais de là à également penser à des délinquants mineurs de 1945 ……..

29. Le jeudi 14 avril 2011 à 20:47 par VyGER

Il faut mettre le </object> après le dernier <param></param>

<object width=”480” height=”269”>
<param name=”movie” value=”…”></param>
<param name=”allowFullScreen” value=”true”></param>
<param name=”allowScriptAccess” value=”always”></param>
<param name=”wmode” value=”transparent”></param>
</object>

30. Le jeudi 14 avril 2011 à 21:09 par Escualdifargo

Cher maître,

selon moi les nouvelles conditions énumérées pour pouvoir placer en garde à vue vont constituer un casse-tête pour les enquêteurs dans certains cas. Vous aurez beau jeu de plaider ensuite qu’il ne s’agissait pas de “l’unique moyen” d’obtenir le résultat escompté. Alors j’entends bien que les juges en matière de détention provisoire ont tendance parfois à faire de l’exception un principe au vu de la gravité des faits reprochés, mais dans le cas de la garde à vue vous oubliez une légère différence : des magistrats contrôleront les motifs des GAV prises par des OPJ, alors que pour la détention provisoire les magistrats contrôlent les demandes de détention provisoire formulées par d’autres magistrats (parquet et /ou juge d’instruction). J’ai tendance à penser que dans ce dernier cas un certain corporatisme peut jouer.

31. Le jeudi 14 avril 2011 à 21:26 par Ysabeau

Dans les années 40, les gamins ne volaient pas des portables et ne faisaient pas les marioles sur des scooters (volés). Si c’est pas un sacré changement ça ?

Cela dit, plus sérieusement, il y avait, à cette époque et après encore, des quartiers de Paris où la police n’osait pas mettre les pieds.

32. Le jeudi 14 avril 2011 à 21:34 par Charles

Le droit à la « sûreté » garanti par le Déclaration des Droits de Homme et du Citoyen a été (peu à peu ?) détourné de son sens originel : être sûr que la puissance publique n’ira pas se saisir de vous arbitrairement et sans recours. Elle a pris le sens sans définition précise d’un droit à vivre sans risquer que votre voisin vérifie sur vous que son couteau est bien aiguisé, ou qu’un tsunami ne démolisse la centrale nucléaire à côté de chez vous.

Certes. Mais je n’avais jamais encore vu le volte-face sémantique effectué à 180° pile. Dans la deuxième vidéo, Michel Mercier parle d’équilibre entre la « sûreté » (pas de garde à vue arbitraire, irait-on penser ? Non, il s’agit de l’efficacité des investigations policières : elle est importante, mais j’ignorais que ce fût un droit constitutionnellement garanti, pouvez-vous nous éclairer Maître ?) et … eh, bien, et la sûreté très exactement (et plus, en fait), au sens de 1789. Le ministre, alors, cherche un peu ses mots, c’est révélateur, pour achever un vague « grosso modo les droits de la défense ».

La sûreté a donc achevé son virage à 180° : elle s’oppose explicitement à la sûreté.

33. Le jeudi 14 avril 2011 à 21:58 par Solo

Ce crypto-marxiste-léniniste s’appelait Charles de Gaulle.

Marrant. Mais n’oublions pas qu’il devait composer avec le premier parti de France de l’époque (légérement crypto-marxiste-léniniste !). Le GPRF n’était pas le gouvernement de CDG (finalement…).

En tout cas, l’affirmation selon laquelle nos doux bambins d’aujourd’hui seraient plus enclins au crime et à la violence qu’à l’époque mériterait d’être un tant soit peu étayée par des arguments scientifiques.

Mais dans le doute, envoyons nos enfants dans les bonnes* écoles.

  • en langage prude, ou hypocrite ? Il faudrait des arguments scientifiques.

34. Le jeudi 14 avril 2011 à 22:06 par marsan

cher Eolas,

franchement le sujet des jurés populaires en correctionnelle je m’en contrefiche car à vrai dire cette réformette ne verra jamais le jour ou si elle est votée ne sera jamais appliquée faute de moyens.

Par contre la réforme de la justice des mineurs que le gouvernement essaye de nous vendre en faisant croire que tout ça c’est le même paquet cadeau est autrement plus dangereuse et remet en cause beaucoup de chose à commencer par l’esprit même de l’ordonnance de 1945.

La majorité de droite a perdu l’espoir de sauver nos enfants des pièges de la vie. Quelle tristesse !

35. Le jeudi 14 avril 2011 à 23:23 par Marie47

Les politiques, tout comme, d’ailleurs, les nombreux postulants à la Présidence de notre pays, demeurent étrangement taiseux, concernant l’Etat de délabrement de la justice de notre pays. Occulteraient-ils, ou bien alors, ignoraient-ils, d’un côté comme de l’autre, c’est gravissime, les nombreux et graves dysfonctionnements, de l‘institution judiciaire, qui ne peuvent être la conséquence de simples erreurs, mais bien la manipulation volontaire des victimes, dans le but de faire obstacle à leurs intérêts……..Des vies, des familles détruites, dans l’indifférence malgré, les dénonciations et plaintes de nombreuses victimes.
Les valeurs d’humanisme, tout comme l’Equité en justice, ne supportent pas et/ou plus, les victimes oubliées et bafouées dans leurs droits par la justice Française et les silences de ceux qui laissent faire de tels crimes. Dans mon département, nous sommes plusieurs victimes, des mêmes graves dysfonctionnements, ayant toujours un même mode opératoire, commis par des professionnels du droit chargés normalement de défendre, de protéger les intérêts des justiciables et de rendre la justice au nom du peuple souverain. Nous avons été précipités à la ruine, par un même mode opératoire, nous payons le prix fort de tous ces abus pervers et entraves qui sont des fraudes à la CONSTITUTION, tout comme à la CEDH.
Par les manquements à leurs obligations professionnelles, les entraves, les manques d’impartialité, les dénis de justice, les professionnels du droit qui sont sur notre route, ont utilisé et utilisent, des manœuvres frauduleuses, à l’évidence sciemment organisées, pour couvrir les graves fautes professionnelles relevant du pénal et du civil, COMMISES PAR UN DES LEURS.
Reconnaître les droits d’un pays, ne suffit pas, il faut également les appliquer. De belles déclarations qui ne sont que des leurres, toute l’ambiguïté, entre les textes et la réalité sur le terrain. Si tenté, encore de croire et d’espérer, au constat des nombreuses victimes de l’institution judiciaire dans notre pays, mon département, « que nous fassions partie intégrante d’une même humanité »,et qu’il y ait la volonté de mettre à plat et de réformer l’institution judiciaire, tant pour les justiciables, que pour les professionnels du droit d’ailleurs, dont la plupart, j’en suis certaine, souhaiteraient voir changer les choses.
La mise ne œuvre et la protection des droits de l’homme est une exigence morale, elle suppose, aujourd’hui, dans l’urgence, avant que tout ne bascule dans l’irréparable, pour tous les responsables de notre pays, de notre Etat Républicain et de la sauvegarde de la Démocratie, qu’ils agissent et garantissent une saine application des lois, des droits de l’homme, en matière de justice. Voilà pourquoi, principalement, nos concitoyens n’ont plus confiance aux politiques, ceux-ci semblent l’ignorer… l’occulter…. et c’est bien là, où est le problème. Le peuple a soif de JUSTICE et d’EQUITE. …..‘ Ceux qui refusent de de regarder la réalité-Appellent leur propre destruction-Tout simplement’….( James BALDWIN-Ecrivain noir). marie.med@wanadoo.fr

36. Le jeudi 14 avril 2011 à 23:26 par RG

@33 Solo

Mais n’oublions pas qu’il devait composer avec le premier parti de France de l’époque (légérement crypto-marxiste-léniniste !). Le GPRF n’était pas le gouvernement de CDG (finalement…).

C’est oublier que la vraie politique se joue à quatre bandes et que c’est encore et toujours CDG qui plus tard a reconnu la Chine Populaire, le dénominateur commun étant l’acquisition et le maintien de notre indépendance vis à vis des USA.

37. Le jeudi 14 avril 2011 à 23:37 par XS

L’actuel Ministre de la Défense (et donc collègue de Michel Mercier), Gérard Longuet, était il y a 2 mois vice-président du Sénat.
A 21 ans (l’âge de la majorité électorale à l’époque), il a connu la prison suite à des violences à l’Université de Rouen organisé par le mouvement nationaliste “Occident” dont il était l’un des fondateurs.

Les violences politiques sont plus faibles dans les années 2010 que dans les années 1960. La progression de l’extrême droite pose néanmoins le problème d’un retour possible de ces violences. Lors d’un procès pour blessures entre 2 mineurs de 17 ans, un du FNJ “gaulois”, l’autre du NPA et issu de l’immigration, le jugement pourra dépendre des opinions politiques des jurés ou de membres “dominants”.
Avec des juges professionnels, ces risques de jugements politiques sont plus “cadrés”. Du moins, on peut l’espérer.

38. Le vendredi 15 avril 2011 à 07:39 par Claude

“Sous réserve de la sujétion réelle qu’imposera la garde à vue nouvelle formule, et qui nécessite d’être confronté à la réalité, le niveau d’indemnisation semble correct pour une mission d’AJ.”… je rêve! Nos nuits coutent plus cher que leurs jours… Une garde à vue c’est un peu comme si on faisait nuit blanche, qu’on allait en boite de nuit, mais en semaine, avec le lendemain, du boulot comme d’habitude. Il faut simplement se poser la question: combien sera facturé le client “ordinaire” hors secteur aidé? 300 € pour 24h de défense pénale de pointe? Je ne pense pas… Alors non, le niveau d’indemnisation ne semble pas correct. Sans compter qu’il s’agit d’une enveloppe budgétaire fixée à partir d’un nombre global de garde à vue, nombre très sous évalué de sorte que l’enveloppe devra être divisé en autant de garde à vue supplémentaire et non comptabilisée lors de la fixation de cette enveloppe. Bref, c’est encore une fois se moquer du monde. Y aller ou pas? Moi je dis: pas.

39. Le vendredi 15 avril 2011 à 08:20 par paflechien

Les délinquants mineurs de 1945 ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui.

…alors que les apaches de 1900, eux, étaient déjà associés à la population d’origine auvergnate.

40. Le vendredi 15 avril 2011 à 09:20 par Charles

Je n’avais pu revenir ici depuis deux semaines ; je vois que vous avez repris vos billets et me réjouis pour vous que la période où divers « événements accaparent énormément de temps » est terminée, au moins en partie. Re-bienvenue sur votre blog et merci pour vos billets, comme d’habitude.

41. Le vendredi 15 avril 2011 à 09:34 par Gascogne

@ Vincent #20 : “Après tout ce sont des magistrats professionnels qui ont veillé à l’instruction de l’affaire d’Outreau et des jurés populaires qui ont défait cette construction.”
Raisonnement simpliste s’il en est : je vous rappelle d’une part qu’il y a quand même quelques magistrats professionnels qui interviennent en Cour d’Assises, et que d’autre part une première Cour d’Assises, composée majoritairement de jurés, avait condamné la plupart des accusés. Il aura fallu attendre les revirement de M. Badaoui pour que la lumière se fasse. Outreau est beaucoup trop complexe pour servir d’étalon à toutes les réformes judiciaires.

@ Nicolas #23 : les problèmes d’urbanisme peuvent également relever des tribunaux correctionnels. Le code de la construction et de l’habitation regorge d’infractions pénales, pour le plus grand bonheur des collègues spécialisés…

42. Le vendredi 15 avril 2011 à 09:59 par henriparisien

Ensuite, l’article 144 du même Code prévoit une liste de ce genre restreignant le recours à la détention provisoire, qui doit être “exceptionnelle” et “l’unique moyen” de parvenir à ces buts. On sait ce que ça donne en pratique.

Il ne faut pas désespérer. Avec une indemnisation de l’avocat à 300 euros, les 700 000 gardes à vue vont coûter à l’état 210 millions. Je suis sûr qu’il voudra diminuer ce montant…

D’ailleurs, l’objectif affiché du gouvernement est de ne faire plus en faire que 500 000 cette année.

43. Le vendredi 15 avril 2011 à 10:00 par Milimaître

C’est officiel la loi sur la garde à vue est publiée au JO du 15 avril 2011 :

- pas de recours devant le Conseil constitutionnel des parlementaires donc nouvelles QPC avec peut être (on peut toujours rêver) nouvelles décisions déclarant les nouvelles dispositions inconstitutionnelles (notamment l’absence d’accès à l’intégralité du dossier) ;

- les parlementaires ont cru pouvoir différer de deux mois l’application du nouveau texte (c’est pas comme si les Ministères compétents avaient déjà eu 9 mois pour s’y préparer).

Du coup, j’attends avec impatience ce que va dire l’Assemblée Plénière dans son arrêt d’aujourd’hui.

44. Le vendredi 15 avril 2011 à 11:34 par Simone

@ henriparisien
Tous les gardés à vue n’expriment pas le souhait de s’entretenir avec un conseil.

45. Le vendredi 15 avril 2011 à 12:12 par soizicm

Merci pour ces explications de texte, bon retour à vous et joyeux anniversaire à ce blog !

46. Le vendredi 15 avril 2011 à 12:31 par Capt'ain Igloo

J’aimerais aborder une question (et un commentaire aussi) proposé à la sagacité de notre Garde des Sceaux par un certain Michel, qui apparemment ne souhaite pas du tout devenir juré et affirme en gros qu’installer des citoyens dans une formation de jugement pose nécessairement la question de leur légitimité à juger leurs semblables.
La réponse de l’autre Michel est intéressante, puisqu’il affirme dans un premier temps que la Justice est rendue, en France, au nom du peuple français; à ce titre, il est donc “normal” que des citoyens y participent. Cet argument m’apparaît à tout le moins assez léger pour justifier la pertinence de cette réforme. Le but de ce commentaire n’est absolument pas de taxer le citoyen français d’incurie ou d’idiotie, pas plus que de remettre en cause les jurys populaires des Assises. On a fait le choix en France d’une magistrature professionnalisée. Si l’on veut faire du citoyen le fondement de la légitimité de la décision de justice, on ouvre un Grenelle de la Justice, et on propose au terme de six heures de débat la mise en place du moyen le plus direct pour la garantir: l’élection des juges.
Cependant, notre cher gouvernement n’a en réalité aucune intention de repenser la légitimité de la décision de justice. Introduire un peu de “citoyen” dans l’enceinte du tribunal correctionnel, c’est montrer à moindre frais à l’électorat que l’on se méfie des petits pois. Mais pas trop quand même, parce qu’au final ils font du pas trop mauvais travail et puis c’est vraiment compliqué, ce genre de débat. Voilà à mon sens la logique interne de cette réforme.
Et ce cher MM, dans un deuxième temps, de nous affirmer que la justice est déjà rendue dans notre beau pays par des citoyens. Point de cour d’Assises pour illustrer ses propos, il vise TASS, conseils des prud’hommes et tribunaux de commerce. Hhmmm… Le fondement de la légitimité des magistrats qui siègent dans ces formations, c’est bien leur qualité de citoyen français, hein??

47. Le vendredi 15 avril 2011 à 13:13 par Ben

Sans vouloir m’associer pleinement aux propos d’Ariane de Lorient, je trouve qu’elle fait preuve d’un soupçon de lucidité lorsqu’elle affirme - même si ses propos mériteraient d’être amplement nuancés - que les jurés jugent sur l’affectif et non selon les preuves. Sans remettre en cause la probité des jurés, il est certainement vrai que le système français laisse une grande part à la sensibilité du jury aux assises, par le simple fait que ce dernier doit s’exprimer à la fois sur la culpabilité et sur la peine.

Le jury devant se prononcer sur la peine, il ouvre la voie à des plaidoiries et des questions à l’audience mettant en avant la personnalité et le passé judiciaire de l’accusé. Pourtant, il s’agit d’éléments n’ayant pas toujours grand chose à voir avec l’affaire jugé. On accuse une personne d’en avoir tué une autre; en quoi le fait qu’il ait été condamné 3ans plutôt pour outrage à agent constitue t-il une preuve de sa culpabilité?
Le jury a donc à sa disposition des éléments qui ne sont plus seulement relatifs aux faits jugés, mais à l’accusé lui-même en tant que personne. D’où la tentation de soutenir que lors des procès d’assises, les jurés font davantage que soupeser les faits: ils pèsent l’”âme” de l’accusé comme dirait Foucault, détermine s’il est bon ou mauvais, s’il “mérite” la condamnation. Le verdict ne pourra donc qu’à l’aune de la constitution affective de chaque juré.

C’est une type de problème qu’on ne retrouve pas - moins en tout cas - dans les procès américains, où le jury doit seulement se prononcer sur la culpabilité, et où les interrogatoires et contre-interrogatoires à l’audience sont strictement encadrés, de telle sorte que les questions n’ayant rien avoir avec l’affaire jugée peuvent donner lieu à des objections qui conduiront potentiellement à la nullité du procès. C’est pourquoi, dans les procès américains, les débats tournent souvent autour de menus détails de faits, et beaucoup moins autour de la personne de l’accusé. Le jury américain à donc moins de prise sur l’âme de l’accusé que le jury français, mais davantage sur les faits, ce qui le rend peut être plus apte à trancher de manière impartiale.

48. Le vendredi 15 avril 2011 à 14:23 par Dubitatif

14h14 ce 15/04/2011:

{{La Cour de cassation décide d’une application immédiate de la réforme de la garde à vue
La Cour de cassation a décidé que les nouvelles règles de la garde à vue, prévoyant notamment la présence des avocats lors de tous les interrogatoires, devaient s’appliquer “immédiatement”. Le texte devait normalement entrer en vigueur le 1er juin. (AFP)}}

49. Le vendredi 15 avril 2011 à 14:54 par alternative justice

Je vous trouve un peu sévére avec notre Marquise des Anges . Passer aprés BusirisWomen et l’auteur du remake de “Papa est en voyage d’affaires ( en Tunisie ) ” n’est pas si facile.

Bon. Il faut arrêter les lois-tracts de campagne-clip de promo ,doubler le budget de la justice , batir des prisons , faire appliquer les peines prononcées . Le reste c’est de la comm coco.

Mais la reforme de la garde a vue ca va aussi être intéressant d’un poit économique , cela sera t il rentable pour les cabiets ou comme souvent pour l’AJ un pain de misére ?

Enfin si la droite repasse je crois que les juges ont pas fini de trembler et Badinter de se retourrer dans sa tombe par anticipation !

50. Le vendredi 15 avril 2011 à 15:05 par Nichevo

Bon …
Si on prenait quelques jours de repos?
Il fait beau non?

51. Le vendredi 15 avril 2011 à 15:12 par ranide

C’est évidemment une vraie grande bonne nouvelle, parce que les arrêts du 19 octobre rendus par la Chambre criminelle faisaient vraiment taches dans un État de droit.

Maintenant, l’arrêt n’est pas encore en ligne mais la dépêche de l’AFP me paraît mal formulée, et peut-être pas innocemment : la Cour de cassation même réunie en Assemblée plénière n’a pas le pouvoir de décider de l’application anticipée d’une loi ; la seule chose qu’elle a pu juger c’est que la Convention européenne des droits de l’homme s’applique ici et maintenant (et donc qu’il n’était pas au pouvoir de la Chambre criminelle d’en “suspendre” l’application en matière de garde à vue).

Jusqu’au 1er juin, on sera donc dans un entre-deux. Il est vraisemblable que la Chancellerie et le ministère de l’Intérieur vont donner pour instructions à leurs ouailles d’appliquer sans attendre la loi du 12 avril. D’ailleurs si on en juge par cet article du Figaro, les services de police ont commencé à s’y préparer il y a une bonne quinzaine de jours. Il reste cependant une nuance importante : dire que la Cour de cassation décide d’une application immédiate de la réforme de la garde à vue laisse entendre que seules les gardes à vue à venir seraient concernées par l’arrêt d’aujourd’hui. C’est inexact : l’arrêt concerne aussi les gardes à vue qui ont déjà eu lieu dans les procédures qui sont actuellement en cours et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision définitive.

A signaler enfin que la Cour de cassation avait initialement prévu de rendre son arrêt le 8 avril, trop tôt sans doute pour que la loi du 12 avril ait le temps d’être définitivement adoptée par le Parlement et promulguée. On peut y voir une bonne manière faite par l’autorité judiciaire aux pouvoir exécutif et législatif.

52. Le vendredi 15 avril 2011 à 15:24 par dautun

“Je n’imagine pas qu’en une après midi, le tribunal correctionnel renforcé puisse juger plus de 5-6 affaires” : c’est faux …on écrit un après-midi!!!

53. Le vendredi 15 avril 2011 à 15:27 par Dubitatif

Autre bonne nouvelle.
{{
Le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, s’est à nouveau prononcé pour une évolution du statut du parquet français, la jugeant “inéluctable”, vendredi 15 avril à l’occasion de la présentation du rapport annuel de la haute juridiction.}}

Monsieur Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation:

{{J’ai ensuite, et ce sera l’essentiel de mon propos, une très vive inquiétude pour le ministère public. Fidèle à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, la chambre criminelle, a, le 15 décembre dernier, dénié au ministère public la qualité d’autorité judiciaire. Si cette décision devait trouver sa traduction en langage médical, il faudrait dire que le parquet est maintenant proche d’un état de coma dépassé.

Maintes fois, en ce lieu notamment, j’ai tenté d’expliquer que la survie du ministère public à la française, garant des libertés fondamentales, imposait une réforme profonde de son statut. Cette question a fait l’objet d’une conférence au Sénat en 2007. Elle a été portée au niveau européen, avec la création du réseau des procureurs généraux près les Cours suprêmes des États membres de l’Union européenne. Mes propos et mes initiatives ont sans doute été considérés comme une forme d’agitation de circonstance par des observateurs incrédules que la jurisprudence de Strasbourg est pourtant venue détromper, avant celle de la chambre criminelle de cette Cour.}}

{{Le parquet est une composante de l’État, c’est entendu, et je ne crois pas souhaitable qu’il se divise en autant de féodalités qu’il existe de ressorts, tandis que nul ne peut contester que la définition des politiques publiques, y compris en matière judiciaire, revient au gouvernement.

Mais le respect de ces principes fondamentaux ne doit pas empêcher d’extraire le venin de la suspicion. C’est pourquoi je préfère parler de plus grandes garanties de neutralité et d’un surcroît d’indépendance.}}

En effet, il ne s’agit pas de savoir s’il existe des motifs de soupçonner un défaut d’impartialité à l’égard de tel ou tel procureur quand il décide par exemple de frapper d’appel une décision, ou de ne pas le faire, de saisir un juge d’instruction ou de ne pas le faire. Il s’agit plus simplement, et plus radicalement, de parvenir à un dispositif tel que la question, quelle que soit la réponse, ne se pose pas. C’est l’interrogation, je devrais dire l’inquiétude, qui est ici pernicieuse, alors même que la réponse serait irréprochable, mais qui peut garantir qu’elle le sera toujours ?

Les exigences de l’apparence, que la Cour de Strasbourg nous interdit d’ignorer ainsi qu’elle le rappelle très régulièrement, sont impossibles à contourner et je ne doute pas que tôt ou tard ce qui paraît audacieux aujourd’hui sera regardé comme normal. Et pour qu’il en soit ainsi, la seule solution est de couper tout lien entre l’échelon politique et le parquet pour ce qui concerne les nominations.

Je ne peux en outre m’empêcher de regretter que le Conseil n’ait pas su trouver les ressources qui lui auraient permis de remettre en cause certaines nominations que j’ai déjà qualifiées, ici même de variables d’ajustement de la haute magistrature et qu’il ait ainsi manqué l’occasion de faire évoluer la nature de son contrôle, tenant non seulement à la qualité des personnes, mais aussi aux besoins des juridictions. Je ne peux à cet égard que dire mon incompréhension quand j’ai vu surgir, sur des critères dont j’ignore la nature, des nominations qui posent question quant à l’adéquation du profil et de la fonction.

C’est pourquoi la réforme de la procédure pénale devra, à mon sens, prendre en compte non seulement la question statutaire sur laquelle je ne reviens pas, mais aussi la nécessité de faire du parquet non pas une sorte d’enquêteur supérieur – ce serait un dévoiement –, mais un véritable garant de premier niveau de la régularité des enquêtes, sous le contrôle naturellement des magistrats du siège consacrés à cette mission. Prendre une autre direction, ne serait-ce pas, en définitive, rendre vie à l’ancien lieutenant de police qui siégeait non loin d’ici en son palais du Châtelet ? Ce serait une évolution, mais serait-ce un progrès ?

Formation, statut, neutralité du ministère public, voici les principales composantes d’une seule et unique exigence : l’impartialité sans laquelle la justice ne serait pas la justice. Et comment y accéder sans garantir l’indépendance de cette justice, une indépendance consubstantielle à l’état de magistrat ?

54. Le vendredi 15 avril 2011 à 15:50 par dirimant

C’est la luuuuteuuuuh finaaaaaleuuuuh !

Bon, c’est bien beau de savoir que l’Assemblée Plénière a décidé de respecter la hiérarchie des normes et d’en rappeler la teneur à sa petite soeur, la chambre criminelle, mais quelqu’un a-t-il le texte de l’arrêt ?

J’ai un peu écumé google, et point ne trouve ?!

55. Le vendredi 15 avril 2011 à 16:12 par ranide

@ dirimant

Grâce au compte Twitter d’Eolas, j’apprends que vous pouvez le trouvez

Je ne voudrais pas avoir l’air de râler en cette belle journée, mais quand même à la Cour de cass, ils auraient pu faire un effort pour mettre très vite l’arrêt en ligne :)

56. Le vendredi 15 avril 2011 à 16:13 par pompee

L’arrêt est bien entendu rendu au visa de l’article 6 de la CEDH ensemble l’art 63-4 al 1 et 6 du CPP.

Je vous reproduis seulement l’attendu principe mais j’ai l’arrêt dans son intégralité mais uniquement en .pdf.

”Attendu que pour prolonger la rétention, l’ordonnance retient que les arrêts de la Cour Européenne des droits de l’homme ne lient que les Etats directement concernés par les recours sur lesquels elle statue, que ceux invoqués par l’appelante ne concernent pas l’Etat francais, que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’impose pas que toute personne interpellée ne puisse être entendue qu’en présence de son avocat et que la garde à vue, menée conformément aux dispositions actuelle du code de procédure pénale, ne saurait être déclarée irrégulière;

Qu’en statuant ainsi alors que Mme X… n’avait pas eu accés à un avocat qu’après son interrogatoire, le premier président a violé les textes susvisés;

Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’ordonnance….”

57. Le vendredi 15 avril 2011 à 16:44 par dirimant

Ok, c’est en ligne :
http://www.courdecassation.fr/juris…

58. Le vendredi 15 avril 2011 à 17:02 par Holmes

@ Solo (33) (“Mais dans le doute, envoyons nos enfants dans les bonnes*écoles.”)

- * Dans La Colonie Pénitentiaire de Kafka ?

@ Ben (47) (“Sans vouloir m’associer pleinement aux propos d’Arianne de Lorient, je trouve qu’elle fait preuve d’un soupçon de lucidité lorsqu’elle affirme…”)

- Le fil d’Arianne… : “…et si tu tournes ton visage vers l’Orient il s’y déplacera, et si tu tournes ton visage vers l’Occident, il te suivra.” Carl Jung - Grand Papyrus Magique
de Paris -

59. Le vendredi 15 avril 2011 à 17:19 par Albany

Pour éviter que les ministres ne fassent des erreurs sur les dates des lois (1941 au lieu de 1932) et de façon générale pour que tous les Français puissent facilement vérifier de telles choses, je pense qu’il est très important que le site de service public d’accès aux lois legifrance.gouv.fr publie le texte intégral de tous les textes en vigueur et affiche autre chose que “Fac-similé non disponible pour les textes publiés avant 1947” : http://www.legifrance.gouv.fr/affic…

60. Le vendredi 15 avril 2011 à 17:49 par DM

Il me semble que vers 1945 il y avait des “zazous”, et dans les années 1950-60 des “blousons noirs”, qui défrayaient la chronique. Étaient-ils moins violents que les mineurs actuels?

D’ailleurs à l’époque la majorité civique était à 21 ans, qu’en était-il du droit pénal?

61. Le vendredi 15 avril 2011 à 21:49 par Solo

De toute façon je ne comprends pas toute cette agitation puisque la délinquance baisse en France.
http://www.metrofrance.com/info/la-…!qiMMQ1lWXQvK@IiiuEUsg/

On va pouvoir économiser puisque nous allons avoir besoin de moins de magistrats et de procureurs à l’avenir.

Bonne chance à tous.

62. Le samedi 16 avril 2011 à 21:28 par patere legem

Quelqu’un a eu connaissance d’une réaction du MEDEF à l’introduction de ces assesseurs citoyens, à ce niveau il serait susceptible de criier à la désorganisation de l’économie française non?

63. Le dimanche 17 avril 2011 à 15:56 par cyril

Remettons un peu les choses en place: Primo, la Cour de cassation n’ a pas décidée de mettre immédiatement en vigueur la loi votée, elle ne s’ y réfère pas. Quel fut le fondement utilisé? La Convention européenne des droits de l’ homme, qui prévoient les droits de la défense, donc un avocat. La France est tenue par le respect des conventions internationales que elle a signée, article 55 de la Constitution. La Cour de cassation s’est basée uniquement sur la CEDH! Que ce soit bien clair. Le conseil constitutionnel, dans sa décision, ne pouvait pas se baser sur la convention, pour estimer que la loi viole les conventions, car il n’est chargé d’ examiner les lois que à l’ égard de la Constitution, article 61. Si la Cour de cassation avait décidée de différer l’ application de la CEDH, qui est pourtant d’ application immédiate, nous aurions été, une nouvelle fois, condamnés devant la CEDH! brillant

64. Le jeudi 21 avril 2011 à 01:57 par alain fisher

Quand on dit “Les délinquants mineurs de 1945 ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui.” il s’agit de leur physique, de leur culture, de leur facilité d’accès à des outils de communication, de transport, et à des armes.
Pour être plus clair, en 1945 il n’y avait pas beaucoup de noirs de 15 ans, 1m75 et 70 kg, il n’y avait pas beaucoup de jeunes de 13 ou 14 ans ayant déjà mâté des kilos de DVD pornos pirates sur internet, il n’y avait pas beaucoup de jeunes ayant mahomet comme modèle pour structurer une bande. Pour rameuter 15 autres jeunes ils n’avaient pas de téléphone portable. De même, ils ne pouvaient pas acheter une copie de kalashnikov à des réseaux de l’ex-yougoslavie car les armes issues des parachutages anglais à la résistance ne courraient pas les banlieues de l’époque. Les vendeurs de drogues étaient rares et on ne pouvait pas se faire facilement de l’argent en la revendant, les voitures étaient rares elles aussi ce qui rendait leur vol problématique ainsi que les déplacements : les policiers à vélo (les hirondelles) suffisaient amplement à l’époque pour courser la racaille.
Donc, OUI, absolument, “Les délinquants mineurs de 1945 ne sont PAS les mêmes qu’aujourd’hui.”
Ne vous faites pas plus bête que vous n’êtes…

65. Le jeudi 21 avril 2011 à 10:39 par Many

Etes-vous sûr que ça vaut quelque chose se souvenir qui a été si longtemps?

66. Le vendredi 22 avril 2011 à 07:52 par puma pas cher

merci pour le partage.

67. Le samedi 23 avril 2011 à 16:35 par unread

En France, l’ordonnance de 1945 a été modifiée plus d’une fois par an.
Pourquoi ne pas simplement prier pour que nos jeunes restent sages ?

http://governor.state.tx.us/news/pr…

«NOW, THEREFORE, I, RICK PERRY, Governor of Texas, under the authority vested in me by the Constitution and Statutes of the State of Texas, do hereby proclaim the three-day period from Friday, April 22, 2011, to Sunday, April 24, 2011, as Days of Prayer for Rain in the State of Texas. I urge Texans of all faiths and traditions to offer prayers on that day for the healing of our land, the rebuilding of our communities and the restoration of our normal way of life.»
«PAR CONSÉQUENT, CE JOUR, NOUS, RICK PERRY, Gouverneur du Texas, proclamons cette période de trois jours comme Jours de Prière Pour la Pluie dans l’État du Texas.»

Je préfère la version texane de l’action politique à l’action française du gouvernement :
Quand ils prient, au moins, ils ne font pas de lois.

68. Le jeudi 28 avril 2011 à 22:48 par Kris

A propos de payer, au CPH de Perpignan les conseillers employeurs ne sont plus payés depuis décembre dernier : vous pensez que c’est parce qu’on est “supprimables” ? …

69. Le samedi 30 avril 2011 à 20:59 par miss

“Cette loi sur le jury de 1941 fait partie des rares lois de l’État Français sauvées de la nullité à la libération. Elle est de fait encore en vigueur aujourd’hui.”
En fait beaucoup de lois ont été (malheureusement) sauvées de la nullité à la libération : suppression du diplôme d’état d’herboriste prise sous la pression du lobby des pharmaciens, accouchement sous X, catalogue des espèces interdisant le commerce des semences anciennes non suffisamment rentables pour supporter les coûts d’inscription à ce catalogue

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