Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Le bâtonnier et le greffier

Un greffier me signale cet échange qui révèle hélas la méconnaissance et l’injuste mépris ressenti parfois par les greffiers


En marge d’un article dans un quotidien de la Réunion sur le “divorce par consentement mutuel sans juge”, voici ce que dit des greffiers un bâtonnier :

Extraits choisis :

“j’ai un grand respect pour le corps de greffier, mais son rôle se limite à l’administratif, à l’économie de la juridiction et à la préparation des audiences. Ce n’est pas son rôle de tenir des audiences” (sic)

avec un juge aux affaires familiales (…) nous parlons le même langage, nous sommes toujours à égalité de hauteur de point de vue (…)” (resic)

” (…) leur diplôme aux greffiers est très pointu, mais le droit n’est pas leur matière (…)” (reresic)

Réponse dans le Quotidien du 4 février 2014

Les greffiers prennent la parole !

Dans l’ambiance particulière des salles d’audiences , il est un acteur qui sera le seul à ne pas s’exprimer pendant les débats judiciaires : le Greffier. Personnage énigmatique tantôt assimilé à un secrétaire de séance, tantôt à un scribe des temps anciens, que le cinéma ou la télévision cantonne à un rôle de gratte papier derrière un bureau … ce métier souffre depuis des décennies d’un manque de connaissance du public et de reconnaissance professionnelle .

Le débat qui nous anime aujourd’hui en est l’illustration la plus éclatante ! Comment ne pas réagir devant tant d’ignorance sur ce que constitue la compétence professionnelle d’un greffier lorsque, qui plus est, elle émane d’un auxiliaire de justice qui monopolise le temps judiciaire : l’avocat.

Il semble qu’un petit cours de rattrapage sur ce qu’est un greffier ne soit pas de trop, même pour un bâtonnier qui fréquente les prétoires depuis 35 ans. Nous allons essayer de le faire avec toute la « hauteur de point de vue » dont nous sommes capables, même si nous avons bien conscience que nous n’appartenons décidément pas au même monde …

Ainsi, il semble important de vous rappeler – voire peut être de vous indiquer – que le greffier est l’assistant du magistrat, la « sentinelle de la procédure », le garant et l’authentificateur de la procédure (faute de sa présence ou de sa signature authentifiant l’acte, celui-ci n’aura aucun effet juridique puisqu’il pourrait être frappé de nullité).

Le greffier est donc un VRAI professionnel du droit et de la procédure. Désolé de vous contredire sur ce point cher maître, notre rôle ne se limite pas « à l’administratif, à l’économie de la juridiction » (qui sont du domaine du greffier en chef) et ne se limite pas « à la préparation des audiences » !!

Minorer notre rôle de la sorte, c’est très clairement faire injure à notre profession et l’usage de précautions oratoires du type « j’ai un grand respect pour le corps de greffier » ne suffit pas à atténuer l’outrance de vos propos.

Savez-vous cher Maître que 57% des candidats admis au concours de greffier en 2013 étaient titulaires d’un BAC+5 , (cursus suivi en faculté de droit ) ? Ignorez vous que les greffiers stagiaires suivent ensuite une formation de 18 mois à l’ENG de Dijon avant d’être titularisés ? Tout ça pour s’entendre dire « que le droit n’est pas notre matière » ?

Mais revenons un instant sur cette réforme envisagée qui a fait couler tant d’encre et qui a provoqué le désaccord entre votre profession et la nôtre. Vous avez au moins raison sur un point : l’importance de cette réforme. Car c’est bien un parfum de jasmin qui flotte dans les airs depuis quelques mois et c’est bien à un « printemps judiciaire pour le greffier » que nous appelons de nos vœux, depuis plus de 10 ans que nous attendons une revalorisation de notre statut.

La création du greffier juridictionnel, proposée par l’un des groupes de travail, aboutirait en effet à transférer un certain nombre de compétences du magistrat au greffier, dont l’homologation de certains divorces par consentement mutuel n’est que l’une des propositions parmi tant d’autres : 268 au total .

Citons à titre d’exemples les compétences qui pourraient être les siennes dans le domaine civil : ( gestion de la mise en état avec les possibilités pour le greffier de faire des injonctions de conclure, de faire des ordonnances de clôture, de relever les incompétences d’office) , de gérer la matière gracieuse …. ou en matière pénale (réquisition d’extraction, suivi des enquêtes, rejet des appels manifestement irrecevables …).

Il est clair qu’avec le greffier juridictionnel, on change carrément de format pour se rapprocher d’un être hybride façon Rechtspfleger - Nous invitons notre ami avocat qui a le grand respect pour le greffier, à consulter l’abondante documentation éditée par la CEPEJ (commission européenne pour l’efficacité de la justice) sur le modèle du greffier allemand, autrichien ou espagnol.

La proposition du greffier juridictionnel a été faite après de longs mois de réunions au sein des groupes de travail, entre professionnels du droit, universitaires, organisations syndicales, des avocats, …

Tout ce travail de consultation a donné lieu à l’édition de 4 rapports représentant plusieurs centaines de pages (croyez-vous cher Maître qu’il y ait autant de meubles que cela à caler place Vendôme ?) ; rapports dont la qualité et les compétences de leurs auteurs sont unanimement reconnus.

Madame la Ministre a souhaité ensuite réunir les magistrats, greffiers, fonctionnaires de justice, avocats … à des débats nationaux sur le sujet du juge (et du greffier) du XXIème siècle (2000 personnes déplacés, en matière d’économies, cher maître, on a déjà fait mieux non ?).

Avec tout le respect que nous avons pour votre profession, permettez aux greffiers que nous sommes , cette fois-ci, d’être votre contradicteur : Le propos n’est pas de faire des économies dans la justice, mais de ne pas faire l’économie - justement – d’un corps de fonctionnaires qualifiés et dont les qualités de techniciens de la procédure sont incontestables et à ce jour – enfin - incontestées .

Des assemblées générales sont désormais organisées un peu partout dans les juridictions pour en débattre encore.

Alors oui, nous avons la faiblesse de penser que le changement pour le greffier c’est enfin maintenant, pour un rôle à la mesure de ses compétences reconnues par tous.

LioneL Caminade
Philippe Delise ,
représentants du SDGF FO CA St Denis Réunion

Commentaires

1. Le mercredi 23 avril 2014 à 15:46 par Ludi

Amen !!!! Et merci pour cette réponse du berger à la bergère, si j’ose dire…

2. Le samedi 26 avril 2014 à 17:16 par famalice

je pense qu’il serait utile que Monsieur le Bâtonnier de se procurer l’histoire du greffier de jean Bailly qui explique très bien comment à la disparition des greffiers titulaires de charge, les magistrats se sont battus pour récupérer nombre de ses tâches. Reprendre ce qu’on a perdu ne serait que juste retour des choses.

3. Le samedi 26 avril 2014 à 17:17 par famalice

“que monsieur le bâtonnier se procure”, excusez moi mes pauvres yeux de greffier sont fatigués

4. Le lundi 28 avril 2014 à 09:43 par PAKA

To be or not to be greffier…

Nous avons passé le concours de greffier et pas de magistrature, mais ce n’était pas en toute connaissance de cause, aucun manuel, ni recueil, ni roman, ni livre landa ne parle de nos fonctions qui demeurent indéfinies…sauf un certain Bailly dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à mon arrivée à l’école.

Personne ne parle de notre scolarité : on nous octroie une robe sur mesure, on nous fait prêter un serment, on suivra une formation non diplomante de 18 mois…ça je ne le savais pas et j’en suis bien heureuse…mais dans les faits….hum hum laissez moi toussé un peu…j’ai envie de dire  :

- je suis greffier et je vais à l’ENG mais son directeur ce n’est pas un greffier en chef mais c’est un magistrat

- je suis greffier et je vais à l’ ENG qui m’offre des supports de cours qui ne sont pas à jour des réformes voir obsolètes

- je suis greffier stagiaire et on m’a fait signé une obligation de travailler pendant 5 ans

- je suis greffier et je n’ai pas le droit de juger de la recevabilité de l’appel

- je suis greffier et je n’ai pas le droit de renseigner le public sur ses droits, sous peine de goûter le joug du bâtonnier…

- je suis greffier et je n’ai pas le droit de prendre la parole à l’audience

- je suis greffier et le magistrat ne sollicite pas mon avis sur la régularité de la procédure

- je suis greffier et je ne suis pas protégé par un gilet-pare-balle durant une reconstitution criminelle dans le grand banditisme

- je suis greffier et je n’ai pas de sécurité quant à l’accueil du public

- je suis greffier des procédures collecitves et il n’existe pas de formation pour ce poste commercial, sauf ma maîtrise de droit des affaires

- je suis greffier et un membre de la direction de l’ENG me dit : on n’enseigne pas la procédure à l’ENG cela est fait au niveau de vos cours d’appel (là j’ai une grosse quinte de toux…la gorge est sèche)

- je suis greffier et je dois rendre des comptes au président du TGI, aux Magistrats…mais mon autorité de notation sont les greffiers en chef

- je suis greffier mais que je travaille plus ou que je travaille moins bien, on aura rien à me donner de plus mais on au contraire on me donne moins…

- je suis greffier et en 10 ans la seule bonification que j’ai eu c’est un avancement d’un mois : ça a ému mon directeur de greffe…il m’a donné un mois de bonification….

- je suis greffier et je suis archiviste, reprographe, dactylographe, secrétaire, standard téléphonique, tri du courrier….bref…je suis pas greffier

- Je suis greffier mais je n’assiste pas le magistrat car il préfère des assitants de justice…

- je suis greffier mais je n’irai jamais au cycle préparatoire du second concours de l’ENM car il n’existe plus…

- je suis faisant fonction de greffier et je ne perçois pas le traitement de greffier ni de NBI

- je suis CLI et je ne perçois pas de NBI ni d’indemnité supplémentaire, etc….

TO BE OR NOT TO BE….that’s THE question….

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