Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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J'ai fait un pacte avec la justice

Par un bébé greffier arrivé à maturation


J’ai fait un pacte avec la justice : Parcours d’Accès aux Carrières Territoriales de l’Etat

J’ai fait un pacte avec la justice, qui m’a sauvé la vie ce 3 septembre 2007, jour de mon affectation en tant que catégorie C dans une prestigieuse cour d’appel. J’avais 20 ans et j’ai tout plaqué pour monter à Paris

Pas de parcours universitaire, pas de bac en poche, juste une furieuse envie de faire quelque chose de ma vie ; ça y est on m’avait enfin donné ma chance !

Pour moi le monde judiciaire (même si je n’y connaissais strictement rien à l’époque) était un monde où j’avais la sensation d’apporter quelque chose aux autres.

J’ai travaillé quelques années dans un service visiblement évité par tous et où on m’avait placée : et oui ! petite dernière arrivée oblige : Apostille[1] ! Quel doux mot. J’en avais des joujoux , des beaux tampons ! Quelques centaines de justiciables par jour, deux personnes au guichet, le public énervé par l’attente. Ce fut difficile mais pas sans émotions.

Ainsi, lorsque cette femme ayant, au bout de quelques années d’attente enfin obtenu l’adoption de sa petite fille, vint nous voir les yeux rouges pleins de larmes une plante dans les bras pour nous dire : « j’ai quelque chose à vous annoncer, nous avons ramené notre petite fille mais mon mari n’a pas survécu à un crash d’avion en allant la chercher… » C’est ce jour là que j’ai tout compris.

J’ai fait plusieurs autres services et puis, un jour, j’ai enfin eu les années d’ancienneté requises pour passer ce fameux concours de greffier en interne.

J’ai obtenu ce concours avec l’aide de beaucoup de personnes, qui m’ont apporté leurs connaissances, leur savoir, leur aide et leur soutien. Oui, comme me le disait une collègue ce métier fait rencontrer des personnes avec qui l’on partage beaucoup de choses.

Une fois ce concours obtenu, à 25 ans, j’ai fait (comme l’a dit Max) “la potiche, le stagiaire, le TÉKITOI” pendant 18 mois…18 mois où je suis restée passionnée, mais parfois désespérée aussi …

- déçue quand on m’a annoncé qu’évoluer dans sa carrière c’était bien mais que l’ancienneté ne serait reprise qu’aux deux tiers…

- agacée quand, à une réunion lors de mon dernier passage à l’école, on nous annonça qu’il n’était pas possible de permettre aux greffiers, en pré-affectation sur leur poste, de récupérer leurs heures supplémentaires, qu’ils ne donneront pas officiellement l’autorisation d’en faire, parce que, vous comprenez, sinon les 18 mois de formation ne seraient pas justifiés, qu’elle passerait à 1 an et que par conséquent la revalorisation de notre statut/indice ne pourrait se faire !

- dubitative, quand notre ministre nous annonça en personne à l’école que notre revalorisation sera reconsidérée en 2015… quand je vois le résultat aujourd’hui….justice du 21e siècle…

J’ai intégré le service de l’instruction en région parisienne pour ma première affectation en tant que greffier, je suis passionnée par ce service, comme Wonderwoman l’a si bien expliqué, cette multitude de compétences et de rapports humains et à la fois passionnant et émotionnellement difficile, mais je ne regrette en rien mon choix.

Mais je suis fatiguée quand je vois quel combat c’est d’être greffier stagiaire dans ce genre de service où les heures ne se comptent pas et où il est impossible de se les faire payer et presque impossible de les récupérer…

Aujourd’hui, titularisée depuis peu, j’ai 27 ans et cela fera 7 ans en septembre que je suis fonctionnaire de la justice ; 7 ans mais mon point d’indice n’a que très peu évolué et mon salaire a augmenté d’à peine 100 euros…

Je n’ai pas perdu cette passion pour ce métier et je continue toujours de l’aimer autant et d’y passer une grande partie de mon temps au détriment de ma vie privée parfois.

Toutes ces histoires entendues, ou ces photos sordides vues, m’ont parfois brisée mais m’ont toujours donné envie de continuer parce qu’un greffier (ou autre) passionné, c’est un bon greffier!

Alors oui je suis en colère : j’ai fait un pacte avec la justice un jour, j’ai promis cette année là en 2007 devant un jury de m’investir plus que jamais si elle me donnait ma chance.

Je suis en colère parce que j’ai tenu ma promesse et fait plus encore.

Je suis en colère parce qu’ils sont avec moi des milliers à le faire, des C jusqu’aux A.

Et que je ne supporte plus d’entendre “il faut faire des efforts”. Ces efforts nous les faisons, tous les jours mais je ne suis pas certaine du tout, qu’en face, on les voie, les apprécie ou les considère.

Je vous remercie Maître pour ce si bel hommage, et pour cette opportunité d’expression.

Loin de moi la prétention d’avoir une aussi belle plume que certains mais je souhaitais vous faire partager cette expérience peu commune qu’est le contrat-Pacte.

Note

[1] L’apostille est une procédure de légalisation simplifiée, prévue par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961. C’est une authentification normalisée d’un acte judiciaire français afin d’assurer aux autorités d’un Etat étranger lui aussi partie à cette Convention que le document est bien authentique, afin qu’il puisse produire des effets juridiques dans ce pays étranger. Très utilisé en matière d’adoption internationale notamment. NdEolas

Commentaires

1. Le mardi 29 avril 2014 à 00:40 par cha

petite définition du PACTE (parce qu’il n’y a eu qu’une promo en 2007)

Le PACTE est un mode de recrutement, sans concours, dans la fonction publique pour des emplois de catégorie C. Il s’adresse aux jeunes de 16 à 25 révolus sortis du système éducatif sans diplôme et sans qualification professionnelle reconnue et à ceux dont le niveau de diplôme est inférieur à celui attesté par un diplôme de fin de second cycle long de l’enseignement général, technologique ou professionnelle. Un contrat en alternance de un à deux ans leur est proposé par une administration, contrat pendant lequel ils suivent une formation et perçoivent une rémunération égale à un pourcentage du traitement minimum de la fonction publique. Au terme du PACTE et après évaluation concluante de leurs compétences, les jeunes sont titularisés.

2. Le mardi 29 avril 2014 à 11:37 par CF

Belle invention que ce PACTE, confiant, généreux, un beau pied à l’étrier.
Mais que dîtes vous, cha, une seule promotion en 2007 ? Quelle en fut la raison, celle évoquée du moins ?

3. Le mercredi 30 avril 2014 à 00:22 par Joinbet Affiliate Program up to 25% share

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4. Le mercredi 30 avril 2014 à 13:14 par Scif

Autant j’ai de la sympathie pour les greffiers de façon générale, autant après avoir lu toutes ces contributions, je suis dans l’ensemble déçu et je reste dubitatif sur ce mouvement à la lecture de témoignages tels que celui-ci.

Ici cette personne ne se plaint que finalement que de questions financières (au nombre de trois).

- il n’y a eu qu’une reprise au 2/3 de l’ancienneté du PACTE pour la titularisation. Je ne vois pas pourquoi être “déçue” le jour où on l’apprend : il suffisait de se renseigner avant, chacun peut se renseigner sur ce dans quoi il s’engage. Au demeurant je ne trouve pas çà anormal : une personne en PACTE n’est pas un professionnel pleinement opérationnel mai une personne en formation,ne pas décompter le temps passé en PACTE comme ancienneté professionnelle, là où d’autres suivent des études classiques pendant ce temps, se comprend.

- la rémunération progresse peu. Soit. Le sentiment de ne pas être assez payé est largement partagé. Ici est-il pleinement justifié ? Pour une personne non-diplômée qui a bénéficié d’un processus avantageux et dont je ne suis pas sur qu’elle aurait trouvé mieux ailleurs, je suis un peu sceptique.

- les heures supplémentaires ne sont pas payées (l’auteure ne se plaignant pas d’en faire). Ce n’est pas normal, ok. Mais ptet que des recours seraient un mode d’action plus approprié qu’une grève.

5. Le jeudi 1 mai 2014 à 00:00 par Egidio

@ Scif 3

Une grève n’est jamais gratuite. Ni pour les gênés, ni pour les intéressés. Actuellement, une grève n’a lieu que lorsque tous les recours sont épuisés. Sauf à légiférer et réformer la constitution.
Ou passer par un référendum de type populiste parfaitement démagogique. Défendre l’emploi passe par le droit de grève et c’est le dernier des derniers recours, le plus tragique soit dit en passant.

6. Le jeudi 1 mai 2014 à 23:02 par Justiciable solidaire

@ Scif :

Le problème des heures supplémentaires au vu des très nombreux témoignages, c’est qu’elles ne sont qu’un des aspects du manque de moyens (dont pâtissent évidemment aussi les justiciables, soit dit en passant)… donc des recours individuels, mêmes massifs, ou des recours collectifs, sur ce seul point permettraient au mieux un paiement après des mois ou années de procédure, mais certainement pas d’attirer autant l’attention sur l’ensemble du manque de moyen… et aussi de considération tout court…
Je suis horrifiée par certains témoignages sur le nombres d’heures faites et pour ainsi dire jamais payées. Personne ne devrait avoir à vivre ça. Pour avoir connu cette situation, hélas classique, dans une grande entreprise, qui “écrête” les heures supp, les fait disparaitre en cas de non récup dans les deux mois, je sais ce qu’on ressent, le sentiment de solitude peu à peu, d’absence de reconnaissance, la fatigue, l’impossibilité de déconnecter le soir, l’impression de ne rentrer chez soit que pour se nourrir et dormir. C’est une hypocrisie sans nom de la part de l’Etat dans un cas comme celui des greffiers (et bien d’autres services), puisqu’effectivement, on imagine mal un greffier partir d’une audience parce qu’il a fait ses 7h…
Faut-il attendre des drames en nombre, comme le suicide évoqué sur l’un des témoignage, pour trouver qu’une grève n’était en fin de compte peut-être pas si inutile ?

(d’ailleurs, sur une action pour en obtenir le paiement, je ne suis même pas sûre les chances de succès. je ne connais rien au contentieux des heures supp dans la fonction publique… autant sur le droit privé du travail, je pourrai vous dire que l’absence d’accord exprès de l’employeur est inopposable à celui-ci, si par ailleurs les heures supp sont prouvées, par divers moyens… autant pour la fonction publique, je ne connais pas la jurisprudence)

Quand à la non reprise d’ancienneté de manière totale, ça aussi c’est scandaleux… la réalité du travail accompli et le fait qu’on soit à la disposition de l’employeur ne devraient pas être amoindris par le statut (stagiaire ou titulaire).
Un salarié du privé en CDI est souvent en formation (même informelle) pendant les premières années ou mois d’un emploi. On est pas immédiatement opérationnel de manière optimisée à un poste, et pourtant, ça ne viendrait à l’idée de personne de réduire l’ancienneté au 2/3…

7. Le lundi 12 mai 2014 à 10:57 par professeurtournesol

@Scif:

“Au demeurant je ne trouve pas çà anormal : une personne en PACTE n’est pas un professionnel pleinement opérationnel mai une personne en formation,ne pas décompter le temps passé en PACTE comme ancienneté professionnelle, là où d’autres suivent des études classiques pendant ce temps, se comprend.”

Pourquoi alors les élèves fonctionnaires de l’X ou de l’ENS accumulent-ils de l’ancienneté dans ce cas ?

“la rémunération progresse peu. Soit. Le sentiment de ne pas être assez payé est largement partagé. Ici est-il pleinement justifié ? Pour une personne non-diplômée qui a bénéficié d’un processus avantageux et dont je ne suis pas sur qu’elle aurait trouvé mieux ailleurs, je suis un peu sceptique.”

Quel mépris ! Et puis le diplôme n’est pas tout : on rémunère des compétences et un travail, pas un diplôme.

“les heures supplémentaires ne sont pas payées (l’auteure ne se plaignant pas d’en faire). Ce n’est pas normal, ok. Mais ptet que des recours seraient un mode d’action plus approprié qu’une grève.”

Un recours n’a aucune chance d’aboutir. D’une part l’Etat n’est pas soumis aux mêmes contraintes qu’un employeur privé (un fonctionnaire n’a par exemple pas de contrat de travail, il est nommé), et d’autre part la mécanique est bien huilée dans plusieurs secteurs de la fonction publique : si vous ne faites pas d’heures sup’ le service n’est pas correctement rendu, mais pour autant on ne vous autorise pas en faire. Résultat : soit vous les faites bénévolement parce que vous avez le sens du service public, soit vous êtes résigné et vous entrez dans la catégorie “branleur” qui régulièrement conspuée.

8. Le vendredi 16 mai 2014 à 03:38 par nursing programme

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