Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mercredi 2 mai 2007

mercredi 2 mai 2007

Le grand duel de ce soir

Milan AC : 3 ; Manchester United : 0.

La classification tripartite des infractions

Après mon billet sur les sursis, j'avais envie de vous expliquer ce qu'est exactement la récidive au sens légal, mais je me rends compte qu'un préalable est indispensable pour la clarté de l'exposé. Ce préalable porte sur un point fondamental du droit pénal français, la classification tripartite des infractions. Maîtriser ce concept très simple rendra mes billets sur le droit pénal bien plus compréhensibles.

En droit pénal, on appelle infraction tout acte ou abstention d'agir qui est puni par la loi d'une peine. Traverser en dehors des clous ou commettre un génocide sont des infractions.

La loi répartit les infractions en trois catégories : c'est la classification (la répartition) tripartite (en trois) des infractions. Le critère est celui de la gravité de l'acte, qui se traduit par la peine encourue. Pour savoir à quelle catégorie appartient une infraction, il suffit de regarder quelle peine elle fait encourir. Rappel important : le code pénal ne donne que le maximum de la peine, le juge est libre de descendre en dessous, le minimum étant un euro d'amende et un jour de prison (sauf dans deux cas, nous allons le voir).

Ces catégories sont : les contraventions, les délits et les crimes. Chacune de ces catégories est divisée en échelle de peines, le législateur choisissant quand il définit une infraction l'échelon qui lui paraît le plus approprié compte tenu de sa gravité. Il peut aussi décider de changer une infraction d'échelon sans changer sa définition pour faire passer aux juges le message d'une plus grande sévérité.

La plus grave est la catégorie des crimes. Les crimes sont punis de prison, et parfois d'une amende, mais c'est rare. On est dans des cas d'atteinte tellement grave à l'ordre social que seule une longue privation de liberté est adéquate pour la réparer : viols, homicides, terrorisme, grand banditisme. L'échelle des peines (posée à l'article 131-1 du code pénal) commence à quinze années encourues, puis monte à vingt années, trente années, et se termine sur le dernier échelon : la perpétuité. On parle d'ailleurs non pas d'emprisonnement mais de réclusion criminelle. C'est ici que sont les deux exceptions au principe que le juge peut descendre aussi bas qu'il le souhaite. Un crime ne peut être puni de moins d'un an d'emprisonnement, et de moins de deux ans quand il est puni de la perpétuité.

Par exemple, les coups mortels, ou violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-7 du code pénal), sont passibles de 15 années de réclusion criminelle (premier échelon), le meurtre (article 221-1 du code pénal) de 30 années de réclusion criminelle, l'assassinat (qui est le meurtre avec préméditation) de la perpétuité (article 221-3 du code pénal).

Les délits sont une catégorie intermédiaire : on n'est pas dans la gravité du crime, mais la privation de liberté doit parfois être prononcée : ce sont les violences volontaires, les vols, les escroqueries... La catégorie est vaste. Les délits sont punis de peines d'amende et d'emprisonnement[1] (on ne parle pas de réclusion quand la peine est inférieure ou égale à dix années, même si elle est prononcée par la cour d'assises), parfois d'amende seulement, mais de très fort montants (le délit de publication d'information sur les résultats d'une élection avant la fermeture des bureaux de vote est un délit puni seulement d'une peine d'amende, mais de 75.000 euros quand même). L'échelle des peines (article 131-4 du code pénal) est la suivante : 6 mois, un an, deux ans, trois ans, cinq ans, sept ans et dix ans. Il n'y a pas d'échelle pour l'amende délictuelle, le législateur fixe le montant librement.

Les délits passibles de dix années d'emprisonnement sont un peu à part, on est dans le quasi-crime, et la loi les assimile parfois à des crimes, comme pour la récidive par exemple.

La consommation de stupéfiant (article L.3421-1 du code de la santé publique) est punie d'un an de prison et 3750 euros d'amende, le vol simple (article 311-3 du code pénal) est puni de trois années d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende, l'escroquerie (art. 313-1 du code pénal) de cinq années et 75.000 euros d'amende, l'extorsion (art. 312-1 du code pénal) de sept années et 100.000 euros d'amende, et le trafic de stupéfiant (art. 222-37 du code pénal), de 10 années d'emprisonnement et de 7.500.000 euros d'amende (oui, sept millions et demi).

Les contraventions sont les infractions les moins graves et aussi les plus fréquentes. Contrairement à son acception la plus répandue, la contravention n'est pas limitée au domaine de la circulation routière, même si le Code de la route est une mine inépuisable de contraventions et que ce sont celles auxquelles nous sommes le plus fréquemment confrontés. Le Code du travail en contient aussi beaucoup (notamment les règles en matière d'hygiène et de sécurité et de représentation du personnel), le code de la consommation (règles d'affichage des prix et de conservation des denrées) et le code pénal aussi. Les contraventions ne sont passibles que de peines d'amende. L'échelle des peines est ici plus visible puisque les contraventions sont réparties en cinq classes, la définition des contraventions se contentant de dire "sera puni des peines prévues pour les contravention de troisième classe le fait de...". Cette échelle (article 131-13 du code pénal) est la suivante : 38 euros (1e classe), 150 euros (2e classe), 450 euros (3e classe), 750 euros (4e classe), et 1500 euros (5e classe). Les contraventions de 5e classe sont des presque-délits et traités comme tels : ils sont jugés non pas par le juge de proximité mais par un juge professionnel, le juge de police, et la récidive peut exister sur une contravention de 5e classe si la loi le prévoit.

Traverser en dehors des clous (art. R.412-43 du code de la route) est une amende de la 1e classe, de même que l'injure non publique non précédée de provocation (article R.621-2 du code pénal), les violences n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sont une contravention de la 4e classe (article R.625-1 du code pénal), les dégradations légères, de la cinquième classe (art. R. 635-1 du code pénal).

Les conséquences de cette classification sont très importantes. Je ne vais pas vous en faire la liste, mais la conséquence essentielle est procédurale : les crimes sont jugés par la cour d'assises, trois juges et neuf jurés, et une instruction judiciaire est obligatoire (seul le juge d'instruction peut saisir la cour d'assises). Les délits sont jugés par le tribunal correctionnel (trois juges en principe, les délits les poins graves sont jugés par un juge unique), et l'instruction judiciaire est facultative et n'est utilisée que pour les affaires complexes. Les contraventions sont jugées par la juridiction de proximité pour les quatre première classes, par le juge de police pour la cinquième classe, toujours à juge unique, et l'instruction judiciaire est possible, mais exceptionnelle.

Notons enfin que les même faits peuvent traverser tout l'éventail des infractions selon leur gravité. Prenons l'exemple des violences volontaires : A frappe B.

Hypothèse 1 : A met une gifle à B, qui a juste la joue un peu rouge et son orgueil froissé, c'est une contravention de 4e classe (750 euros d'amende encourue) jugée par la juridiction de proximité. Article R.624-1 du code pénal.

Hypothèse 2 : Cette fois, A a fermé sa main et a donné un coup de poing, qui inflige à B cinq jours d'incapacité totale de travail : c'est une contravention de 5e classe, 1500 euros d'amende encourue, jugée par le tribunal de police. Article R.625-1 du code pénal.

Hypothèse 3 : Le coup de poing a été porté sur le nez qui s'est cassé : 10 jours d'incapacité totale de travail. C'est un délit, passible de trois années d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, jugé par le tribunal correctionnel, qui peut siéger à juge unique. Article 222-11 du code pénal.

Hypothèse 4 : Le coup de poing a crevé l'oeil de B. Ce sont des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. C'est un délit, passible de dix années d'emprisonnement et de 100.000 euros d'amende (et la prison ferme devient probable même en l'absence de casier judiciaire), jugé par le tribunal correctionnel, obligatoirement en formation collégiale (trois juges). Article 222-9 du code pénal.

Hypothèse 5 : Le coup de poing a provoqué une hémorragie cérébrale et B est mort. Ce sont des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner : quinze années de réclusion criminelle encourue, instruction judiciaire obligatoire, puis jugement par la cour d'assises. Article 222-7 du code pénal.

Voilà, en résumé, retenez que le terme "infraction" est générique, que la contravention est passible d'amende, les délits de 10 ans de prison maximum, et que les crimes vont de 15 ans à la perpétuité et sont jugés par la cour d'assises. Vous serez armés pour chercher dans les articles de journaux les incorrections de vocabulaire commises par les journalistes, et pour bien comprendre les règles de la récidive au sens légal.

Notes

[1] J'ajoute pour que mon propos soit complet que la loi prévoit que le juge peut prononcer des peines d'une autre nature que l'emprisonnement ou l'amende, comme le jour amende, le stage de citoyenneté, la sanction-réparation, mais ces peines sont rarement utilisées et sortent du sujet de ce billet.

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