Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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jeudi 21 février 2008

jeudi 21 février 2008

24 heures

24 heures[1], c'est un claquement de doigts. C'était hier, c'était là, à l'instant. C'est fugace, c'est court. C'est le laps de temps entre deux berceuses chantées à ma fille.

24 heures, pour un avocat, c'est le délai dans lequel, quand on fait appel d'une décision de placement en détention provisoire, on peut demander un examen immédiat de cette demande par le président de la chambre de l'instruction (le "référé-liberté").

24 heures, c'est le délai d'appel d'un jugement d'un tribunal correctionnel statuant sur une demande de mise en liberté [2], ou contre une ordonnance du juge d'application des peines en matière de réduction de peine, ou de modalité d'exécution des mesures de liberté conditionnelle, ou encore du juge des libertés et de la détention en matière de rétention administrative[3].

24 heures, c'est le dernier délai pour les parties avant l'audience d'assises pour se dénoncer mutuellement la liste des témoins cités.

24 heures, c'est le temps qu'il faut à Jack Bauer pour sauver le monde.

Ca passe vite.

Mais pas toujours.

Jeudi 14 février 2008, jour de la Saint-Valentin, l'audience du juge des libertés et de la détention de Paris, statuant en matière de rétention administrative, avait 78 dossiers à traiter. L'audience a commencé vers neuf heures. Elle s'est achevée un peu après neuf heures. Le lendemain matin.

Je n'y étais pas, Dieu merci.

Mais avis à la population. La machine folle est officiellement emballée. On atteint les limites. On ne peut pas aller plus loin, car au bout de 24 heures, c'est l'audience suivante qui commence. Sauf à terme à employer tous les juges ayant le grade suffisant (il faut être vice-président pour être juge des libertés et de la détention) à cette activité.

C'est moi ou bien il y a comme un problème, là ?

On essaye d'expulser des avocats qui vivent et travaillent en France depuis 46 ans.

On expulse des étrangers déjà en partance pour leur pays pour un coût de 3000 à 11000 euros.

On arrête des enfants à l'école.

On consacre deux fois plus d'argent à la police des étrangers qu'à l'accès au droit et la défense en justice des plus démunis (600 millions d'euros contre 300 millions).

Les juridictions administratives sont paralysées par l'afflux du contentieux des étrangers qu'elles doivent traiter en urgence absolue.

Et maintenant, les juges judiciaires affectés au contentieux des étrangers siègent 24 heures.

C'est assez dingue pour vous comme ça, ou c'est bon, on peut aller encore plus loin dans la démence ?

Notes

[1] Merci à ma consoeur Stéphanie pour l'idée du titre du billet.

[2] Devinette pour les étudiants en droit qui font de la procédure pénal : dans quelle hypothèse le tribunal correctionnel a-t-il à connaître des demandes de mise en liberté ?

[3] Il s'agit des étrangers frappés par un arrêté de reconduite à la frontière que le préfet décide de priver de liberté afin de permettre une exécution forcée de la mesure. Au bout de 48 heures, ils doivent être présentés à un juge qui statuera sur la légalité de la privation de liberté et l'opportunité de sa prolongation, qui ne peut excéder 15 jours, renouvelables une fois, pour un total de 32 jours.

Remise en perspective

Il y a plus de deux ans, quand je vous parlais d'Eduardo, je disais :

Il apprendra qu'un cahier est un bien rare et précieux, qu'un livre est un luxe, qu'une école est un lieu où des trafiquants recrutent des revendeurs, et que traverser la rue peut mettre sa vie en danger.

C'est cela que se propose de nous rappeler avec poésie et gravité la jeune (19 ans...) cinéaste iranienne Hana Makhmalbaf. L'histoire de Baktay, six ans, qui vit en Afghanistan, dans la région centrale de Bamiyan, là où les Talibans ont fait exploser les statues de Bouddha.

Baktay, piquée de curiosité en entendant son petit voisin réciter l'alphabet, décide qu'elle veut aller à l'école. Mais pour cela, il lui faut acheter un cahier. C'est le point de départ d'une aventure dans l'Afghanistan post-Taliban qui s'intitule Buda as sharm foru rikht, littéralement "Bouddha s'est écroulé de honte" en persan, qui sort aujourd'hui en France sous le titre de : "Le cahier".

Amis enseignants qui me lisez, si vous avez un coup de blues à cause d'élèves turbulents et ingrats, rappelez-vous pourquoi vous faites ce métier. Pour qu'en France, les petits Abbas et les petites Baktay puisse étancher leur soif d'apprendre, malgré les imbéciles qui préfèrent jouer aux Talibans et qui ne comprennent pas leur chance. Ne baissez pas les bras.

Je vous laisse, je dois pourrir le week-end d'un préfet.

Nul n'est censé ignorer la loi...

Le Maître des lieux étant en code rouge, j'en profite pour squatter la coloc' et participer à l'éducation juridique des foules, avec un décret qui vient de sortir au JO du jour et dont la teneur est la suivante :

"Article 1

I. ― L'article R. 15-33-61 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de l'article 9 du décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007 susvisé conserve sa numérotation et le I de l'article 1er du décret n° 2007-1538 du 26 octobre 2007 susvisé est abrogé.
II. ― Les articles R. 15-33-62 à R. 15-33-66 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 9 du décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007 susvisé, conservent leur numérotation.
III. ― L'article R. 15-33-68 du même code, dans sa rédaction résultant de l'article 9 du décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007 susvisé, devient l'article R. 15-33-76 figurant dans une section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier intitulée :

« Section 2

« De la convocation des officiers de police judiciaire ayant procédé à une déclaration d'adresse »

IV. ― Les articles R. 15-33-61 à R. 15-33-69 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 1er du décret n° 2007-1538 du 26 octobre 2007 susvisé, deviennent les articles R. 15-33-67 à R. 15-33-75 et les références aux articles R. 15-33-61, R. 15-33-62, R. 15-33-65 et R. 15-33-66 figurant dans ces dispositions sont respectivement remplacées par des références aux articles R. 15-33-67, R. 15-33-68, R. 15-33-71 et R. 15-33-72.
V. ― L'article R. 261-1 du même code dans sa rédaction résultant de l'article 19 du décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007 susvisé conserve sa numérotation et l'article R. 261-1 résultant de l'article 2 du décret n° 2007-1538 du 26 octobre 2007 susvisé devient l'article R. 261-2 ; dans cet article, la référence à l'article R. 15-33-62 est remplacée par la référence à l'article R. 15-33-68.

Article 2

I. ― A l'article R. 15-33-29-4 du code de procédure pénale, la référence à l'article R. 15-33-61 est remplacée par la référence à l'article R. 15-33-29-3.
II. ― Au 6° de l'article R. 61-8 du même code, le mot : « nationale » est supprimé.
III. ― Au 3° de l'article R. 121-2 et au 3° de l'article R. 121-4 du même code, après les mots : « responsabilité parentale », sont ajoutés les mots : « ou de contrôle de l'exécution de la peine de sanction-réparation ».

Article 3

Dans le premier alinéa des articles R. 2212-15, R. 2213-60, R. 2512-15-11 et R. 2512-15-12 du code général des collectivités territoriales, la référence à l'article R. 15-33-61 du code de procédure pénale est remplacée par la référence à l'article R. 15-33-29-3 de ce même code."

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Voilà voilà voilà...Si quelqu'un y comprend quelque chose, je suis preneur...Et dire qu'il y a des gens payés pour pondre des textes pareils...

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