Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Politique

Si on ne l'avait pas, on n'aurait plus que la religion pour s'engueuler.

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mercredi 14 mars 2007

Association de malfaiteurs

Je suis tombé, via l'observatoire des blogs francophones, sur cette vidéo d'un beau geste qui pourrait coûter plus cher que le montant du chèque qui en est à l'origine.

La journaliste de LCI Valérie Expert reçoit en direct dans son émission André Garrec, maire de Noron-la-Poterie, pittoresque bourgade du Calvados, faisant partie du Bessin potier, réputée depuis le moyen âge pour son argile "terre de Noron" qui donne à la cuisson une couleur rouge brun Van Dick caractéristique, et Rachid Nekkaz, aspirant à la candidature aux élections présidentielles.

Ce maire a annoncé à cor et à cris qu'il mettait son droit de présentation aux enchères, contre une subvention aux associations communales. Un premier parti, le Front national, aurait proposé 1500 euros, et in extremis, Rachid Nekkaz rafle la mise en rajoutant 50 euros de plus sur la table.

Valérie Expert réunit donc les deux hommes, et sous les yeux complaisants de la caméra, un chèque est signé, le formulaire est rempli et signé, et les deux effets sont échangés. Avec un rebondissement à la fin.

Le citoyen salue le geste de Rachid Nekkaz d'un bref hochement du menton, conscient que la publicité que vient de s'offrir le candidat des banlieues vaut bien plus que 1550 euros.

L'avocat, lui frémit.

Sous nos yeux, ce n'est pas moins de trente années de prison, 1.200.000 euros et 15 années d'inéligibilité qui nous contemplent.

Je m'explique.

André Garrec, en sollicitant et agréant un don, peu important qu'il ne fut pas fait directement à sa personne, en vue d'accomplir un acte de sa fonction, s'est rendu coupable de corruption passive, passible de dix années d'emprisonnement, 150.000 euros d'amende et cinq années d'inéligibilité (art. 432-11 du Code pénal).

Rachid Nekkaz, en proposant directement un don pour obtenir du sus-mentionné, investi d'un mandat électif, qu'il accomplisse un acte de sa fonction, s'est rendu coupable du délit de corruption active (Art. 433-1 du Code pénal), passible des mêmes peines.

Valérie Expert, en prêtant sciemment assistance aux sus-mentionnés, en les faisant se rencontrer sur son plateau, facilitant ainsi ces infractions, s'en rend complice, encourant les mêmes peines (art. 121-7 du Code pénal).

LCI, chaîne pour le compte de laquelle les actes de complicité sont commis, est également complice et encoure quant à elle 750.000 euros d'amende (cinq fois l'amende encourue par les personnes physiques), sous réserve dans son cas de la condition d'intervention d'un organe ou représentant, je ne connais pas l'étendue des pouvoirs des producteurs de cette émission, il est possible qu'ils aient outrepassé leurs fonctions, ce qui mettrait la chaîne hors de cause (art. 121-2 du Code pénal).

Le geste final de destruction spontanée de l'objet du délit est indifférent. La corruption est un délit instantané, qui est devenu parfait au moment de l'échange du chèque et du formulaire. Si avant cet instant l'un des intervenants avait suspendu son geste, il y aurait eu tentative interrompue non punissable, mais tel n'est pas le cas. Tout au plus ce faisant Rachid Nekkaz s'est mis à l'abri d'une incrimination pour recel.

Maintenant, il est certain que le geste du candidat justifie le prononcé d'une peine fort indulgente ; indulgence que le maire de Noron me semble moins mériter ; quant à l'attitude de la journaliste, n'en parlons pas.

Je serais procureur de Nanterre (les faits ayant été commis à Boulogne Billancourt), je me demanderais si je dois bien tolérer qu'un candidat à la présidence de la République corrompe un élu en direct sur un plateau télévisé dans mon ressort. Vous savez que les parquetiers sont psychorigides dès qu'ils voient un délit passible de dix ans d'emprisonnement, surtout quand il concerne des élus. J'essaie de les décoincer à l'audience, mais ça ne marche jamais.

mardi 13 mars 2007

Quelques réflexions sur les 500 signatures

A chaque élection présidentielle, le même refrain revient dans la bouche des petits candidats sur l'injustice et l'antidémocratisme du système des 500 signatures, condition préalable à une candidature à la présidence de la république.

Je vous en propose une lecture sous l'angle essentiellement juridique, pour tenter de vous démontrer que ce système est loin d'être aussi injuste qu'on le dit, et que ceux qui s'en plaignent le plus ne sont pas ceux qui en souffrent le plus, les manipulations mensongères étant fréquentes ici, comme vous le verrez.

Première inexactitude : il faudrait avoir 500 signatures pour être candidat. Vous aurez remarqué que les candidats, ce n'est pas ce qui manque ces temps-ci. Or les 500 signatures n'ont pas encore été déposées au Conseil constitutionnel, pour aucun d'entre eux.

Pourtant, on les entend, on les voit, on parle d'eux. Beaucoup de candidats se sont déclarés, et alors qu'aucun d'entre eux ne peut apporter la preuve qu'il remplit bien les conditions des 500 signatures, ils ont d'ores et déjà un accès médiatique certain. Que bon nombre d'ailleurs utilise pour se plaindre de leur accès médiatique insuffisant à leur goût. Bref, la démocratie fonctionne déjà, bien avant le dépôt des fameux formulaires, et les candidats sont d'ores et déjà candidats. Les 500 "signatures" ne servent qu'à devenir officiellement candidat, à avoir le droit de participer au premier tour de scrutin.

Au fait, ces 500 signatures, ça vient d'où ? La constitution est en effet muette sur les conditions d'accès à la candidature.

C'est une loi organique[1], la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, modifiée en dernier lieu le 21 février 2007 qui pose cette règle dans son article 3. La constitution (article 6) renvoie en effet à une loi organique le détail de l'élection du président de la république, la constitution ne posant que le principe de son élection au suffrage universel direct et la durée de son mandat.

En réalité, c'est une erreur de parler de parrainages. La loi parle de présentation. En effet, les membres du collège que définit la loi (j'y reviendrai) ne sont pas censés répondre à une sollicitation des candidats, mais à dire, au besoin spontanément, que selon eux, Untel ferait un bon président.

Avis aux élus qui me lisent : vous pouvez proposer ma candidature...

Qui peut présenter un candidat, donc ? La liste est sur cette page, pour un total d'environ 47000 personnes. Il est donc largement abusif de parler des maires, même s'ils représentent l'écrasante majorité de ce collège (36000) et qu'un grand nombre d'entre eux ne dépendant d'aucun parti, ils sont supposément plus enclins à présenter un candidat hors grand parti, outre l'avantage de leur répartition géographique.

Car il ne suffit pas d'avoir 500 présentations : il faut en outre qu'ils viennent d'au moins 30 départements sans que plus un dixième d'entre eux, soit 50, soit élus du même département ; étant précisé que deux départements virtuels ont été institués pour représenter la circonscription des élus au parlement européen et ceux des Français de l'étranger.

Quand le Conseil constitutionnel reçoit la liste des présentations (ce qui doit être fait avant ce vendredi 18 heures), après avoir vérifié leur nombre et leur répartition, la première chose qu'il doit faire est ainsi de recueillir le consentement du présenté à être candidat.

Sur le principe, cette sélection des candidats n'a à mon sens rien de scandaleux ; elle est même indispensable. Le fait d'être candidat officiel donne accès aux médias audiovisuels sur une base égalitaire. Imaginez la cacophonie si des centaines, voire des milliers de candidats se présentaient, certains uniquement pour vanter les mérites de leur commerce, de leur secte, ou pour dénoncer des complots imaginaires.

Le filtrage par les élus impose au candidat une certaine crédibilité auprès de personnes ayant elle même emporté une élection. Le collège assure que les grands partis seront représentés, que les candidats autonomes peuvent obtenir les présentations nécessaires, et que les candidats ayant refusé de jouer le jeu de de la démocratie en centrant tout autour de leur personne auront les plus grandes difficultés à être candidats.

Tout système a des effets pervers, qui sont montrés en exemple pour démontrer l'inanité du système. Le sophisme est ici patent : ce n'est pas parce que dans un cas, la solution paraît insatisfaisante que le système en entier est mauvais.

En l'occurrence, l'effet pervers pris systématiquement en exemple est la candidature de Jean-Marie Le Pen, qui aurait du mal à réunir les présentations, tandis que des candidats condamnés à un score plus que modeste (pensons à Marie-Georges Buffet, candidate du PCF), y arrivera aisément. Que diantre, s'exclament les démocrates vertueux, Jean-Marie Le Pen, qui était au second tour en 2002, pourrait ne pas être candidat en 2007 ? Assurément, la République est malade !

Et bien, ça reste à voir.

Prenons un instant l'hypothèse, à laquelle je ne crois pas un instant, que les larmes de Jean-Marie Le Pen ne soient pas de crocodile[Mise à jour du 14/03/07 : Bingo.], et qu'il ait bien du mal à réunir ses présentations. Comme à chaque élection où il parvient malgré tout in extremis à les réunir, rugissant victoire sur le système qui voudrait le faire taire, pour le plus grand plaisir de ses électeurs.

A quoi est donc due cette difficulté, qui par sa répétition montre pourtant sa prévisibilité ? Pourquoi diable ce candidat, devenu familier à notre scène politique, aurait du mal en 2007 ce qu'il a réussi à avoir en 1974, pour un score final de 0,75%, et que le PCF, avec des scores inférieurs à 9% depuis 1988 obtient sans peine ?

Tout simplement : au refus du Front national de jouer le jeu de la démocratie. La démocratie, ce n'est pas la conquête exclusive du pouvoir, le tout ou rien, le refus du compromis. Par son programme, par ses propos provocateurs, le chef du Front national s'est donné un rôle d'infréquentable. Il n'est que voir que chaque fois que des tentations sont apparues au sein de branches du RPR (la branche Pasqua) et du FN (Bruno Mégret) de faire alliance en échange d'un assouplissement du discours du FN, le leader frontiste n'a jamais manqué brûler les ponts, comme ce fut le cas avec son fameux « point de détail », lancé en septembre 1987, soit dès le début de la campagne présidentielle.

Il se pose en candidat de la rupture absolue, et ce depuis son élection en 1956 sur les listes de l'UDCA de Pierre Poujade, avec son fameux slogan : « Sortez les sortants » repris à son compte par le FN. En démocratie, cela le condamne à un rôle de témoignage, qui dans le fond lui convient fort bien à mon avis. Ainsi, hors l'élection présidentielle, qu'il n'est pas déshonorant de perdre, Jean Marie Le Pen ne se présente qu'à des élections proportionnelles (européennes, régionales) dans une circonscription (Provence Alpes Côte d'Azur) où il est sûr d'être élu, quand bien même il est né en Bretagne et habite à Saint-Cloud, en région parisienne. Jamais Jean-Marie Le Pen n'a été élu à un scrutin local uninominal pour la bonne et simple raison qu'il ne se présente jamais à un tel scrutin. Jamais maire, jamais conseiller général. De même, trois communes sont passées au Front national en 1995, mais cela a vite tourné au fiasco. Toulon a été perdu aux élections suivantes, le maire d'Orange a quitté le Front national pour le MPF de Villiers, et le maire de Marignane a quitté le FN dès 1998 pour le MNR de Bruno Mégret avant de rejoindre l'UMP. Citons encore Vitrolles, tombée dans l'escarcelle du FN en 1997, avant que le maire ne soit invalidé, n'utilise son épouse comme proxy, et ne quitte le FN en décembre 1998.

Bref, au plan local, le bilan du FN est désastreux.

Le PCF, lui, a appris depuis longtemps à jouer le jeu du compromis et de la négociation. Il a des élus au niveau local, maires, conseillers généraux et régionaux, et même des députés en passant des accords avec le PS. C'est un comble, quand on repense à son histoire, que le PCF puisse ainsi donner des leçons de fonctionnement républicain...

Marie-Georges Buffet aura ses 500 signatures, sans aucun problème. Elle fera un score lamentable, faute pour le PCF d'avoir rénové son idéologie au même titre que son acceptation des compromis.

Le Pen fera un bon score pour son idéologie inchangée depuis trente ans, mais galère pour trouver ses présentations faute pour lui d'avoir accepté les compromis qui impose une modération des idées.

Mais, me répondra-t-on, n'est-il pas scandaleux que celui qui était au second tour en 2002 ne pût pas être candidat en 2002 ?

Non, absolument pas.

Tout le monde se souvient du 21 avril mais semble avoir oublié le 5 mai 2002. Jean-Marie Le Pen, au deuxième tour, a obtenu 17,79% des suffrages, soit à peine plus que son score du premier tour (16,67%). C'est un refus massif, jamais vu en démocratie, dans une élection nationale à deux candidats. 82,21% des voix pour son adversaire... Même De Gaulle face à Mitterrand n'avait fait que 55,2%, le record précédent étant Pompidou face à Alain Poher avec 58,5%. Bref, Le Pen n'a clairement pas la moindre chance d'être un jour président de la République. Il est condamné à d'humiliantes défaites au second tour.

Dès lors qu'il est établi que Le Pen ne sera jamais un candidat sérieux, pourquoi serait-il antidémocratique qu'il soit écarté du scrutin par l'application des mêmes règles qui s'appliquent aux autres candidats ? Qu'il soit écarté par les élus avant le premier, ou par 82% des électeurs au second tour, le résultat est le même : la République ne veut pas de lui. Le système de sélection des candidats vise à écarter ceux qui perturbent le jeu démocratique plus qu'ils n'y participent.

Mais 15% des électeurs seront privés de candidat, me dira-t-on ?

La belle affaire : si pour eux c'est Le Pen ou rien, et bien ce ne sera rien, que Le Pen soit candidat ou pas. Ils ne peuvent plus l'ignorer depuis 2002. Qu'ils cherchent ailleurs le candidat le plus proche de leurs idées et votent pour lui, exigent de leur candidat qu'il mette de l'eau dans son vin et accepte d'intégrer le jeu démocratique, ou aillent à la pêche si cet effort intellectuel qu'est la participation à la démocratie est hors de leur portée. L'élection présidentielle n'est pas l'occasion de cracher dans une urne tout son mécontentement accumulé des années durant, c'est faire fonctionner la République qui est en cause. Qu'ils ouvrent un blog ; une élection, c'est sérieux.

Enfin, et pour conclure, la complainte des 500 signatures est à mon avis un joli air de pipeau.

En effet, que disent les candidats qui nous chantent le blues du parrainage ? Ils en sont tous à 420, 450, 480... Quel suspense !

Pas un seul candidat qui dise : Bon, j'ai péniblement obtenu 30 présentations, j'ai compris, grenouille, j'ai voulu me faire aussi grosse que le boeuf. Et non. Il faut se plaindre sans avoir l'air ridicule. Il faut y être presque. Bref, en quelques semaines, les parrainages sont tombés comme à Gravelotte, et, coquin de sort, ce sont toujours les 20 dernières présentations qui se font prier. Avec en prime la victimisation : on crie à la pression faite par son adversaire principal pour que des élus se dédisent de leur promesse de présentation, sans expliquer comment diable on fait pour surveiller 47000 élus.

Et surtout, c'est toujours un certain nombre de présentations qui manquent. Pour souligner l'aspect inique : voyez il m'en manque 20, 10, 7 ! Et si les présentations étaient abaissées à 400, gageons que ce serait : « regardez : j'en suis à 390, 395... »

Car avez-vous remarqué ? Pas un seul candidat qui se plaigne de la deuxième règle des présentations : le double plafond 30 départements- pas plus de 50 par département. Pourtant, ça doit singulièrement compliquer leur tâche. C'est quand même curieux que pas un seul, y compris Le Pen, ne dise : « j'ai 550, 600 présentations, mais il me manque un, deux ou trois départements, ou je dépasse le quorum de 50 dans plusieurs départements ». Ce serait pourtant une belle preuve de l'iniquité du système.

Mais voilà : 500 signatures, c'est facile à comprendre, ça passe bien. Geindre sur un double plafonnement un peu compliqué, ça passe beaucoup moins bien.

D'autant qu'il n'y a aucun moyen de vérifier l'état réel d'avancement des présentations : seul le candidat sait exactement où il en est.

En 2002, on entendait la même antienne. Et jamais il n'y eut autant de candidats. Les élections de 2002 ont elles été pour autant les plus démocratiques ?

Allons, bas les masques. Le Pen aura ses 500 signatures et sera candidat, s'il le veut. Reste à savoir s'il en a vraiment envie, à 78 ans, après une défait humiliante en 2002 qu'il essaie, avec un certain succès, de faire passer pour une victoire cinq ans après.

Quoi qu'il advienne de lui, ne comptez pas sur moi pour pleurer sur son sort en maudissant la République. Qu'elle me garde d'un président comme ce monsieur est exactement ce que j'attends d'elle, et de mes concitoyens.

Notes

[1] Une loi organique est une loi votée par le parlement selon une procédure légèrement dérogatoire, qui notamment prévoit la saisine systématique du Conseil constitutionnel. Les lois organiques sont prévues par la constitution qui renvoie à une telle loi les détails pratiques d'application de certaines dispositions de la constitution ; ainsi le statut de la magistrature relève-t-il d'une loi organique, de même que le vote du budget.

jeudi 8 mars 2007

Parlons programme : François Bayrou sur la justice

Au tour de François Bayrou de passer par la machine à décortiquer.

Photo : Assemblée Nationale

Le document qui m'a servi de base de travail est la page "Justice" et Sécurité de son site.

« La confusion entre Etat, justice, gouvernement, majorité ne peut pas durer. Il faut que l’État trouve sa justice, lui aussi. Le Conseil d’État, qui n’est pas composé de magistrats, ne saurait être juge et partie, associer les fonctions de juge et de conseil du gouvernement. C'est un grand sujet pour le sommet de l'État en France - cela va de pair avec la volonté d'indépendance de la société française.

Le Conseil d'Etat, créé par Napoléon et imité dans plusieurs autres pays européens, a en effet une double casquette, et est organiquement divisé en deux grandes sections : la section administrative et la section du contentieux.

La section administrative examine les textes préparés par le gouvernement, que ce soit des projets de loi destinés à être soumis au parlement ou des décrets qui entreront en vigueur dès leur signature par le premier ministre. C'est un examen qui est loin d'être une formalité. Les conseillers d'Etat sont d'impitoyables correcteurs et pointent du doigt, au cours d'un éprouvant oral subi par les représentants du gouvernements (qu'on nomme commissaires du gouvernement, à ne pas confondre avec ceux de la section du contentieux) les risques d'illégalité et d'inconstitutionnalité du texte. L'avis rendu à cet occasion est en principe confidentiel, mais est gardé précieusement par le Conseil pour le jour où ce texte ou un acte de l'administration pris en application de ce texte serait soumis au juge administratif.

Vous avez dans ce billet un exemple d'avis de la section administrative. Certains "grands avis" sont rendus publics, comme le célèbre (si, si, il est célèbre, je vous jure) avis du 27 novembre 1989 sur le foulard islamique.

Le Conseil d'Etat n'est là que pour donner un avis. Le gouvernement n'est jamais tenu de le suivre. Parfois, d'ailleurs, il ne le suit pas, et se fait retoquer par le Conseil constitutionnel.

La section du contentieux est quant à elle la juridiction suprême pour le droit administratif, qui échappe aux juges ordinaires (on dit juges judiciaires par opposition aux juges administratifs) depuis la Révolution. Cette section ne donne pas un avis : elle juge en droit, et peut annuler jusqu'aux décrets du gouvernement (mais PAS les lois, personne ne le peut encore en France).

Pour résumer, la section du contentieux est là pour que l'Etat ne fasse pas n'importe quoi, tandis que la section administrative est là pour que l'Etat n'ait pas d'excuses pour avoir fait n'importe quoi.

Voilà la double casquette que le candidat de l'UDF rejette : juge du droit et conseiller du gouvernement, juge et partie.

A cela, je répondrai : Ca fait deux siècles que ça marche, et ça marche plutôt bien. Le Conseil d'Etat a depuis longtemps fait la preuve de son impartialité, et JAMAIS un conseiller qui a participé au travail de conseil dans la section administrative ne siège dans la formation contentieuse qui va examiner la légalité de l'acte (mais cette formation a accès à l'avis qui a été donné au gouvernement, et si la section administrative qui a examiné le texte n'a pas vu le risque d'annulation par la section du contentieux, ses membres doivent, à titre de gage, repeindre les colonne de Buren. Vu l'état actuel de ces colonnes, vous pourrez constater de visu l'efficacité du travail de la section administrative du Conseil[1]. Le fonctionnement du Conseil d'Etat n'est pas sans heurts du fait de cette dualité, comme l'explique Passant Anonyme dans ce commentaire fort éclairant (des fois, je me dis que je ne mérite pas mes lecteurs).

Surtout, François Bayrou n'explique pas ce qu'il veut mettre à la place. Qui serait le juge suprême en matière de droit administratif ? Bien sûr, cela supposera un débat à l'assemblée et non un oukase présidentiel, mais j'eusse aimé en savoir un peu plus quand on lache un tel ballon d'essai.



Je veux un Garde des Sceaux indépendant du gouvernement (c’était une proposition de Raymond Barre en 1988). Il sera investi, sur proposition du président de la République, par le Parlement, à la majorité des trois quarts par exemple, de manière qu’il échappe aux préférences partisanes. Il devra animer un débat annuel de politique pénale devant le Parlement.

Cela rappelle l'idée de procureur de la nation du candidat Sarkozy, mais cette fois, les détails sont donnés. Cette proposition nécessiterait une réforme de la Constitution, ce qui va compliquer les choses.

Ce Garde des Sceaux indépendant appartiendrait-il toujours à l'exécutif ? Le fait qu'il anime un débat de politique pénale devant le parlement semble indiquer que oui. Mais dans ce cas, cela signifie que la politique pénale échapperait au gouvernement pour être confiée au parlement. La logique de la chose m'échappe. Le parlement vote la loi, l'exécutif la fait appliquer. Il est naturel que le gouvernement dirige la politique pénale, en donnant des instructions aux parquets, qui sont son bras séculier. Les parquets n'étant que parties aux procès, et non juges, cette intervention n'a rien d'anormal. Ma crainte est que ce Garde des Sceaux indépendant aura bien du mal à pourvoir défendre le budget de la justice, déjà fort mal traitée avec un Garde des Sceaux membre du gouvernement, puisqu'il ne participera ni à son élaboration (ou alors il n'est plus indépendant du gouvernement) ni à sa discussion (puisqu'il ne fait pas partie du gouvernement).

Enfin, la majorité qualifiée des trois quart est totalement irréaliste : songez qu'il serait plus difficile de nomemr le Garde des Sceaux que de réviser la Constitution ! Cela posera des problèmes pour trouver une personnalité entraînant un tel consensus. Je crois que François Bayrou pense à Robert Badinter à ce poste ; fort bien, il pourrait obtenir l'aval de l'assemblée. Mais après ? Qui obtiendrait les trois quart des voix ? Et si personne ne les trouve, la France n'a plus de Garde des Sceaux ? François Bayrou précise bien qu'il s'agit d'un exemple. le réalisme imposera une majorité qualifiée bien moindre.

Le même résultat, ou approchant, pourrait être obtenu en nommant un Garde des Sceaux, membre du gouvernement, mais à l'autorité morale incontestable. C'est à dire non pas un politique, souvent même pas juriste, récompensé pour sa servilité, mais un haut magistrat, judiciaire ou administratif, ou un professeur de droit, ça s'est déjà vu après tout.

Deux questions d’indépendance se posent à l’intérieur du corps judiciaire. D’abord, la gestion des carrières : le Conseil [Supérieur]de la Magistrature doit avoir une composition équilibrée de magistrats et non-magistrats, et ses membres être investis par le Parlement à une majorité qualifiée. Ensuite, l’indépendance du parquet, sous l’angle des nominations ; les procureurs généraux doivent être nommés par le Garde des Sceaux indépendant, après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Point commun avec le programme de Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy allant plus loin en les mettant en minorité.

J'ai déjà parlé du Conseil Supérieur de la Magistrature dans le commentaire du programme de Nicolas Sarkozy, je vous y renvoie (point n°6).

Je ne vois toujours pas en quoi renforcer à ce point le nombre des membres non-magistrats est nécessaire pour la gestion des carrières, mais je ne suis pas technicien du statut des magistrats. On sent poindre l'envie de diminuer l'influence des syndicats de magistrats ; c'est la seule explication que je vois.

Les procureurs généraux sont actuellement désignés en Conseil des ministres, après avis du CSM, avis consultatif, le parquet est le bras séculier de l'Etat, le gouvernement est donc souverain. Les nominations aux postes clefs (surtout à Paris, en fait) sont de fait très politisées, disent les magistrats. Mais comme nous veillons à élire des présidents d'une probité au dessus de tout soupçon, qu'importe que le locataire de l'Elysée désigne des proches au poste de celui qui pourrait décider de ne pas poursuivre d'éventuelles frasques commises avant son élection à la présidence de la république, n'est-ce pas ?

La proposition de François Bayrou vise à rendre un avis conforme du CSM obligatoire, pour interdire les nominations trop politiques. L'idée n'est pas sans conséquence : c'est la fin d'un contrôle du politique (qui bénéficie malgré tout d'une légitimité démocratique) sur une autorité naissant d'une désignation ; comme se demande Philippe Bilger, « Les [magistrats] intelligents mais non complaisants gagneront-ils au change », à troquer l'approbation du pouvoir à celui des élus de la profession ?

En tout état de cause, quand cette proposition s'inscrit dans un bloc qui inclut de changer la composition du CSM pour diminuer l'influence des magistrats au profit de personnalités extérieures plus sensibles à l'aspect politique des nominations, on se demande si le candidat ne reprend pas d'une main ce qu'il a donné de l'autre...

Je soutiens l’idée d’un juge de l’instruction, qui soit rétabli - c'est une garantie pour le citoyen - dans un rôle d’arbitre, sollicité par l'accusation ou la défense. Deux garanties instaurées pour l’enquête seront en même temps des garanties pour le citoyen : la collégialité, avec la création de pôles d’instruction, et la transparence : audiences publiques à intervalles réguliers, enregistrements audio ou vidéo des auditions et gardes à vue.

Je ne comprends pas le rétabli. Le juge d'instruction n'a jamais été arbitre : il est acteur de l'enquête, qu'il mène de la façon qu'il décide, sous la surveillance des parties, avocats et parquet. Si arbitre il y a, c'est la chambre de l'instruction, qui peut être saisie par la voie de l'appel de nombre de décisions du juge (citons le refus de mise en liberté, ou le refus d'acte demandé par une des parties, ou encore le non-lieu à suivre) voire directement en cas d'inaction du juge d'instruction. J'interprète cette formule comme une volonté de mettre en valeur le rôle "à charge et à décharge du juge d'instruction", ce qui sous entend que le juge d'instruction privilégierait l'un ou l'autre de ces aspects (je vous laisse deviner lequel dans l'esprit du législateur...).

Donc, il s'agirait d'en faire un arbitre, sollicité par l'accusation ou la défense. Première innovation : il faudrait créer une accusation au stade de l'instruction. Bref, il s'agit, sans le dire clairement, de passer du système inquisitoire au système accusatoire.

Je rappelle le schéma actuel : le ministère public (par l'intermédiaire de la police judiciaire, qui sont ses yeux et ses oreilles, ainsi son bras armé ; en fait, le ministère public, c'est un cerveau et une bouche) découvre qu'un crime ou un délit grave a été commis, ou a des raisons de penser qu'il en a été commis un. La police a, sous sa direction, mené une enquête, qui a réuni certains éléments, mais qui sont insuffisants pour établir la réalité de ce crime, identifier son auteur, ou quand bien même ces deux premiers points ont été établis, laissent subsister trop de zones d'ombre pour que cette affaire soit en état d'être jugée. Il va donc confier l'enquête à un juge d'instruction par un réquisitoire introductif, contre personne dénommée si l'auteur des faits est connu, ou contre X... s'il est inconnu. Le juge d'instruction procède à tout acte lui paraissant nécessaire à la manifestation de la vérité dans le respect de la loi (la Question Extraordinaire est ainsi exclue), de son propre chef. Quand des indices graves et concordants laissent à penser qu'une personne est l'auteur des faits, il la met en examen, statut qui donne accès au dossier par l'intermédiaire d'un avocat, permet de demander des actes, mais qui permet aussi un placement sous contrôle judiciaire voire en détention provisoire. Le juge d'instruction peut aussi, s'il n'y a pas d'indices graves et concordants, lui donner le statut de témoin assisté, qui donne les mêmes droits, mais exclut toute mesure restrictive de liberté.

Les parties peuvent demander des actes (entendre telle personne, confronter telle et telle autre, ordonner une expertise sur tel et tel points...) que le juge peut refuser s'ils lui semblent inutile à la manifestation de la vérité, refus qui peut être soumis à la chambre de l'instruction.

L'instruction ne vise pas à prouver la culpabilité du mis en examen mais à découvrir la vérité. Le parquet a autant intérêt que la défense à ce que l'innocence d'un mis en examen soit démontrée, puisqu'il n'a pas le goût des erreurs judiciaires. Il n'y a donc pas d'accusation, quand bien même il y a une défense, mais une défense des droits et libertés de la personne faisant l'objet d'une enquête coercitive de la justice.

A la fin de l'instruction, le juge rend une ordonnance disant qu'il existe des charges suffisantes contre Untel d'avoir commis ces faits et le renvoie devant la juridiction compétente pour être jugé, ou dit n'y avoir lieu à continuer les poursuites, parce que les faits ne sont pas établis, ne constituent pas une infraction ou que l'auteur en est resté inconnu.

Le juge d'instruction n'est donc pas arbitre mais juge. Juge des actes qu'il doit accomplir, juge des mesures portant atteinte aux libertés qu'il doit prendre (renouvellement de garde à vue, perquisition surprise, contrôle judiciaire limitant les déplacements) ou solliciter du juge des libertés et de la détention (placement sous mandat de dépôt, même si le parquet ne le demande pas), ou du moment d'y mettre fin. Il y a un arbitre au stade de l'instruction : c'est la chambre de l'instruction de la cour d'appel (ex chambre d'accusation) qui peut être saisie d'un recours contre un très grand nombre d'actes du juge d'instruction.

Un système accusatoire laisserait au parquet la charge de mener l'enquête comme il l'entend, la défense pouvant s'opposer à une mesure ou au contraire en demander une, le juge tranchant en cas de refus du parquet.

C'est le système anglo-saxon. Il a des mérites et des limites.

Ce qui à mon sens le rend peu souhaitable, c'est qu'il a un coût bien plus lourd pour la personne poursuivie, car l'avocat doit consacrer bien plus de temps au dossier, avec des audiences devant ce juge-arbitre à répétition. De plus, le parquet est, au même titre que le mis en examen, partie au procès. Quand bien même je ne sombre pas dans la caricature du procureur à la Fouquier-Tinville, attaché à la condamnation à tout prix (lisez donc le blog de Philippe Bilger, avocat général, pour voir que convictions assumées et honnêteté intellectuelle ne sont pas incompatibles), et que je n'oublie pas que les procureurs sont aussi magistrats, la perspective d'avoir face à moi un procureur d'instruction ne me séduit pas, quand je sais que ce sera un de ses collègues, voire lui-même, qui à l'audience sera mon contradicteur. Il n'est pas neutre, puisqu'il est mon adversaire. Ca n'implique pas qu'il soit biaisé ou malhonnête. Mais je préfère avoir face à moi un juge, qui n'a pas pour mission de défendre la société, mais de rechercher la vérité. Que certains juges d'instruction (très rares, dieu merci, car quel mal ils peuvent faire) n'aient pas un comportement conforme à leurs fonctions est un autre problème, mais en faire des parquetiers ne règlera pas le problème ni ne diminuera leur capacité de nuisance.

Pour assurer l’indépendance du parquet, les fonctions de juge et de procureur doivent être clairement séparées. Les représentants du parquet doivent demeurer des magistrats.

Proposition commune aux trois candidats. Mais quand on sait que cette proposition figurait déjà dans l'escarcelle du candidat Chirac en 2002, on voit qu'il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. Ségolène Royal propose une séparation au bout de dix ans, Nicolas Sarkozy tout de suite, le cas échéant en faisant des procureurs des agents de l'Etat et non des magistrats. François Bayrou se distingue en laissant leur statut de magistrat aux parquetiers, ce qui implique donc une formation commune à l'Ecole Nationale de la Magistrature, et un choix définitif de l'un ou l'autre corps à la sortie.

Je renvoie à mes observations sous le programme de Nicolas Sarkozy, point n°4, et de Ségolène Royal, point n°4 également. Mon opinion n'a pas changé.



Pour les avocats, je veux défendre l’idée d’un internat (par analogie avec les internes en médecine. Des jeunes avocats seraient payés pour ce travail, par exemple à plein temps comme les magistrats et avec une rémunération similaire), comme moyen d’une égalité des chances en matière judiciaire, pour ceux qui relèvent de l’aide juridictionnelle. Pour répondre à l’inquiétude, parmi les avocats, sur les moyens matériels d’exercer leur mission, un système d’assurance serait généralisé.

Ha, un candidat qui s'intéresse à ma chapelle. L'idée de l'internat est séduisante pour les jeunes avocats, qui auront ainsi une rémunération décente. Songez par exemple qu'il y a quelques temps, j'ai dû attendre cinq heures un dimanche au palais qu'un juge des libertés et de la détention puisse présider un débat contradictoire pour savoir s'il mettait ou non mon client en détention. Pour ces cinq heures perdues loin de ceux que j'aime[2], outre la demi-heure que durera le débat contradictoire, j'ai été payé, plusieurs semaines plus tard, la somme de 21 euros HT. Quand je parle de décence, je pèse mes mots.

Cependant, cette idée d'internat soulève des difficultés : comment sélectionner ces jeunes avocats ? Quand leur internat s'achèvera, comment feront-ils pour s'installer, sans clientèle ? Comment croire que ceux qu'ils ont défendu gratuitement accepteront de payer ensuite fort cher pour les garder alors qu'ils peuvent en avoir un autre gratuitement ? Je suis contre toute idée de fonctionnarisation de la profession d'avocat, et cette idée me semble ouvrir la boîte de Pandore, en offrant pendant quelques années un confort d'exercice avant de précipiter ces internes dans les tracas de celui qui doit tout à coup devenir chef d'entreprise. Comment enfin assurer la surveillance du travail des internes tout en respectant leur indépendance ?

Pourquoi ne pas tout simplement réviser l'aide juridictionnelle en assurant aux avocats intervenant à ce titre une vraie rémunération, ce qui permettra aux justiciables de choisir éventuellement leur avocat y compris parmi les expérimentés, assurera l'indépendance de l'avocat qui conservera son exercice en cabinet libéral, et lui permettra de consacrer le temps et l'énergie nécessaire à ces dossiers sans mettre son cabinet en danger ? Parce que ça coûte cher ? Mais puisqu'on parle d'aligner la rémunération de ces internes sur celle des magistrats, des fonds conséquents devront être mobilisés. Autant qu'il serve à l'aide juridictionnelle qu'à un internat qui tient du cadeau empoisonné.



Quant aux prisons, je propose deux axes : la réhumanisation des lieux d’emprisonnement et la recherche de toutes les alternatives à la détention et à l’emprisonnement, notamment pour les jeunes.

Qui serait contre la réhumanisation des prisons, sans même savoir ce que cela veut dire au juste, ni à quel moment les prisons françaises sont censées avoir été humaines ?

Quant aux alternatives à l'emprisonnement, notamment pour les jeunes, les juges d'application des peines seront ravis de savoir qu'ils font partie du programme de François Bayrou. Cela fait longtemps qu'ils déploient des trésors d'inventivité et d'optimisation des moyens de l'administration pénitentiaire pour éviter au maximum la mise à exécution des peines d'emprisonnement courtes, très désocialisantes, dès lors que le condamné fait preuve d'une réelle volonté de réinsertion (il cherche activement un travail, a repris des études sérieusement, indemnise la victime). Il s'agit donc que de continuer ce mouvement que personne ne conteste, tant on sait qu'une peine aménagée ou une libération anticipée diminue énormément le risque de récidive. Il ne s'agit en rien d'une proposition révolutionnaire.



Je ne résume pas les problèmes de la justice à une question de moyens, mais la question est essentielle. Je propose de doubler le budget de la Justice en 10 ans, par des lois de programmation multi-partisanes. »

Proposition commune à Ségolène Royal, qui n'indique toutefois pas de délai pour cela. Quand on sait que les objectifs financiers de la dernière loi quinquennale de programmation de la justice n'ont que très partiellement été tenus, vous me permettrez ici une moue dubitative, surtout s'agissant d'un engagement dont le terme est au-delà du mandat sollicité.

  • Sur la sécurité :

(...)



Sanctionner tôt, dès le premier délit, serait bien souvent la meilleure prévention (il est absurde de séparer prévention et sanction) : face à la délinquance juvénile, la sanction doit être ultrarapide et éducative. La prison est une impasse, un pourrissoir, on en sort caïd : je suis pour des sanctions qui remettront le jeune au contact de l'autorité : rigoureuses et éducatives. Les travaux d'intérêt général surveillés deviendront une obligation, avec l'encadrement correspondant.

Le problème est que "ultrarapide" et éducatif sont souvent difficilement conciliables. Les mesures éducatives supposent une certaine connaissance de la personnalité du mineur et de sa situation personnelle. Certes, passer trop de temps à étudier cette situation rend la sanction sans intérêt, car six mois, pour un mineur, c'est la préhistoire (un an, c'est une autre vie). Mais une décision trop vite prise sera souvent inadaptée. Il y a un point sur lequel il est possible de jouer : c'est le temps perdu dans un dossier faute du personnel suffisant pour les traiter. Où on voit revenir la question des moyens, à laquelle tout ne se résume pas mais quand même un peu. Quant à l'idée du travail d'intérêt général automatique, elle me paraît difficilement compatible avec l'article 4.2 de la convention européenne des droits de l'homme : « Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ».



On rendra systématique un principe de réparation du tort causé à autrui ou à la collectivité.

Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, article 12-2 issu de la loi n°93-2 du 4 janvier 1993 :

« Le procureur de la République, la juridiction chargée de l'instruction de l'affaire ou la juridiction de jugement ont la faculté de proposer au mineur une mesure ou une activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité. Toute mesure ou activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ne peut être ordonnée qu'avec l'accord de celle-ci.»

Il n'y a pas de raison que seule Ségolène Royal propose des lois qui existent déjà, fût-ce depuis 14 ans.

Une loi sera votée pour la protection des victimes contre les représailles.

Cela fait longtemps que les violences commises « sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition » sont aggravées. Qu'apportera donc cette loi de nouveau ? Mystère et boule de gomme.



Je proposerai que le maire ou le président de l’intercommunalité - seul responsable accessible et identifiable par le citoyen - ait autorité sur la police de proximité.

C'est chose faite depuis le 5 mars dernier avec le vote de la loi 2007-297 du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance.



La prévention commence par la famille : quand j'ai donné cette claque à Strasbourg, j'ai reçu des milliers de lettres, dont beaucoup de parents immigrés. Ils me disaient : ‘Vous avez bien fait, mais si nous donnons une claque, c'est l'assistante sociale’. Il y a un immense effort à conduire pour l'éducation des parents ! Quand il y a abandon de toute responsabilité, les allocations familiales doivent pouvoir être mises sous tutelle.

Ha, le fantasme des parents démissionnaires qui touchent les allocations en se désintéressant de leurs enfants. Comme quoi la lepénisation des esprits atteint même le centre. Le fait que des milliers de parents lui aient écrit pour dire "bravo, mais nous on ne peut pas sans s'attirer des ennuis" ne semble pas lui avoir mis la puce à l'oreille. C'était pourtant la phrase d'avant...



La loi doit être la même pour tous. Il faut donner l’exemple, au plus haut : je suis contre le principe d’amnistie lié à l’élection présidentielle. »

Bravo ! C'est une honte de nous tuer la clientèle ainsi tous les cinq ans.


En conclusion, là aussi, pas un mot sur la justice civile. La justice administrative est abordée, sous l'angle de la démolition du Conseil d'Etat, ce qui ferait presque regretter qu'elle ait été traitée.

Même sentiment de catalogues de mesures diverses, ou l'originalité semble avoir pris le pas sur la cohérence, pour changer des choses qui ne posent pas de problème particuliers, et rester vague sur les engagements essentiels : désignons un super Garde des sceaux, réhumanisons les prisons, réformons le CSM pour le reprendre aux juges, doublons le budget sur dix ans (ce qui, compte tenu de l'inflation, allège considérablement l'effort réel de l'Etat), supprimons le Conseil d'Etat comme juge administratif, et hop, voilà, ça fait un programme.

Sur la question de la sécurité, seul le problème de l'enfance est abordé. Sont-ce nos enfants qui sont devenus nos ennemis, dont l'Etat doit nous protéger ? Si nous en sommes là, quelle tristesse...

Prochain épisode : Jean-Marie Le Pen. Sous réserve qu'il ait ses 500 signatures, mais je n'ai guère de doutes sur le sujet. Il nous a déjà fait le coup dans le passé. Mais ça ne risque pas d'arranger ma mélancolie.

Notes

[1] L'auteur ayant un caractère facétieux, il ne garantit pas à ses lecteurs l'authenticité de cette dernière anecdote.

[2] Pour les curieux que me demanderaient pourquoi je ne suis pas rentré chez moi, on m'avait annoncé l'arrivée du JLD dans deux heures. Il n'est arrivé que cinq heures plus tard.

vendredi 2 mars 2007

Quand le gouvernement Villepin vote le programme de Ségolène Royal

Et voilà. Moi et ma grande g...

Il suffit que j'écrive sous la proposition de Ségolène Royal d'instaurer la collégialité de l'instruction :

Le juge d'instruction travaillera en collégialité. Là, matériellement, c'est impossible, et le rendre systématique n'est pas opportun.

pour que le gouvernement exauce le rêve de la candidate socialiste.

En effet, la loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale a été adoptée le 22 février 2007 (Elle n'est pas promulguée, elle est pendante devant le Conseil constitutionnel), et son article premier institue la collégialité systématique de l'instruction.

C'était impossible ; ils l'ont fait.

Cette loi pose deux problèmes, de nature totalement différentes, mais assez préoccupants.

Notons pour commencer, sans que cela soit vraiment préoccupant, que cette collégialité, c'est à dire le fait que toute instruction sera menée par trois juges d'instruction, dont un du premier grade, donc ayant une certaine ancienneté, rendra impossible le maintien de cabinets d'instruction dans des tribunaux à une ou deux chambres, puisque par définition, il n'y a qu'un ou deux juges d'instruction dans ces juridictions. La collégialité ne s'accommode pas de l'éloignement. Il va falloir d'urgence réformer l'organisation judiciaire, puisque cette loi entrera en vigueur trois ans après sa promulgation. Pensez vous que le législateur de la 12e législature se sera préoccupé de cela ? Non, après lui, le déluge.

Là où ça devient préoccupant, c'est quand on voit l'aberration que contient le futur article 1.

En effet, cet article prévoit une série d'actes qui devront impérativement être pris collégialement, c'est à dire après une délibération commune. Elle ne suppose pas l'unanimité, mais impose cette réflexion collective, authentifiée par un greffier. Voici ce que dit la loi (je graisse) :

Ce collège de l’instruction exerce les prérogatives confiées au juge d’instruction par le présent code. Les décisions de mise en examen, d’octroi du statut de témoin assisté à une personne mise en examen, de placement sous contrôle judiciaire, de saisine du juge des libertés et de la détention et de mise en liberté d’office, ainsi que les avis de fin d’information, les ordonnances de règlement et de non-lieu doivent être pris de manière collégiale. Les autres actes relevant de la compétence du juge d’instruction peuvent être délégués à l’un des juges d’instruction composant le collège.

La mise en liberté d'office, c'est quand la détention d'un mise en examen est devenue illégale : le mandat de dépôt a expiré, son renouvellement n'est pas possible ou la procédure de renouvellement n'a pas été respectée, ou un non lieu a été rendu. Bref, il y a urgence à libérer et aucune contestation possible quant à cette libération. De fait, le directeur d'établissement qui tarderait à libérer le prisonnier commettrait le délit de séquestration arbitraire, qui devient un crime au-delà de sept jours.

Et pourtant, la loi va exiger que la mise en liberté d'office soit prise collégialement, ce qui retardera nécessairement la libération d'une personne détenue illégalement. Mieux : la décision de mise en liberté tout court, qui, elle, suppose que la détention soit encore légalement possible, mais que le juge ne l'estime plus nécessaire, ne figurant pas dans cet alinéa, peut donc être prise par un juge d'instruction statuant seul, sans l'avis de ses collègues.

Quand ils n'ont pas le choix, les juges doivent délibérer, quand ils ont le choix, ils peuvent décider seul. On croit rêver. On voudrait rêver.

Soit je ne comprends pas la subtilité confucéenne de cette loi, soit il y a un beau bug. Espérons que le Conseil constitutionnel censurera les mots "d'office" au nom de la sûreté, principe reconnu par l'article 5 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 7 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

[Mise à jour] : Il y aurait bien subtilité confucéenne, merci à la remarque pertinente de parquetier ci-dessous : ce terme de mise en liberté d'office s'entendrait uniquement de la mise en liberté décidée par le juge d'instruction sans qu'il soit saisi d'une demande à cette fin, prévue à l'article 147 du CPP. Dont acte, je préfère l'interprétation d'un texte qui lui donne un sens cohérent. Notons toutefois la schizophrénie de cette loi qui quelques articles plus loin contient un article visant à "assurer le caractère exceptionnel de la détention provisoire". La détention doit être exceptionnelle, mais la mise en liberté doit quand même être mûrement réfléchie collégialement...

Le Conseil constitutionnel. Voilà le deuxième problème.

Vous savez qu'un nouveau président a été nommé. Il prend ses fonctions le 4 mars à zéro heure, soit dimanche, à l'heure ou blanchit la plaine. Si le Conseil n'a pas vidé ses saisines demain au plus tard, le président du Conseil Constitutionnel qui examinera la constitutionnalité de ces lois sera la même personne qui présidait l'assemblée qui a voté ces lois. C'est même sa signature qui authentifie le texte adopté le 22 février par l'assemblée et qui est devenu loi après avoir été adopté le même jour par le sénat (voyez tout en bas de la page).

A ma connaissance, c'est une première dans l'histoire de toutes les démocraties que de voir une cour constitutionnelle présidée par celui qui a examiné en tant que président de l'assemblée législative le texte qu'elle a à juger (Il est vrai qu'il n'a présidé aucune des séances où cette loi a été examinée et n'a probablement pris aucune part à son adoption, mais l'absentéisme est-il une garantie de neutralité ?). C'est une violation de la séparation des pouvoirs, de l'indépendance et de l'impartialité du juge, et qui ne peut faire l'objet d'aucun recours.

La première décision de Jean-Louis Debré, en tant que président, devrait être de refuser de siéger tant que des textes de la 12e législature seront examinés. J'espère qu'il le fera.

Décidément, notre président actuel, qui a nommé Jean-Louis Debré à ce poste, n'aura eu de cesse de marquer de son empreinte le fonctionnement de la Ve république. Après avoir promulgué des lois non applicables, le voilà qui nomme des présidents ne pouvant pas siéger. Pour un peu, je dirais qu'il me manquera.

vendredi 23 février 2007

Parlons programme : les propositions de Nicolas Sarkozy sur la justice. (Le pavé du week end)

Chose promise, chose due. Voici mon commentaire des 16 propositions de l'UMP en matière de justice. Le prochain épisode sera sur François Bayrou.

C'est un pavé, vous avez de quoi tenir jusqu'à lundi. Bon week end.

Lire la suite...

lundi 19 février 2007

En direct avec Ségolène Royal

A l'invitation de 20 minutes, quelques camarades de Lieu-Commun, à savoir Versac, Jules de Diner's Room Koztoujours et votre serviteur, sommes réunis à la rédaction de ce quotidien au prix imbattable pour ouir de conserve le grand oral de Ségolène Royal.

Mon audience m'ayant quelque peu retardé, je prends le train en marche, ayant fait une pause pour me sustenter.

Je guette évidemment les questions sur la justice. Nous nageons dans l'économie, avec un enfilage de perles qui doit mettre les éconoclastes en joie. Le déficit de la balance commerciale et le progrès technologique détruisent des emplois; car importer et mécaniser c'est mal. Cela n'empêche pas de vouloir relancer la consommation (mais défense d'acheter des biens importés) et de financer la recherche.

Tiens ? Ca fait deux fois que j'entends un patron de TPE (Très Petite Entreprise) affirmer la même énormité : quand on donne 1000 euros à un salarié, on paye 1000 euros en charge. Pour une TPE, les chiffres sont les suivants : Pour un SMIC de 1390 euros brut, les charges sont de 420 euros. Certes, c'est grâce au dispositif d'aide mis par François Fillon, mais toutes les TPE y ont droit.

C'est moi où la notion d'intérêt général semble avoir disparu du débat ? Je n'ois que revendication sectorielle sur revendication sectorielle. "Mon beau frère a une place de parking au soleil, en plein cagnard, c'est insupportable, que comptez vous faire ?". A cela répond un imperturbable : "Quelle bonne question, joliment posée."

22h07 : Voici la question du codéveloppement avec l'Afrique. La réponse porte sur l'éducation et la prévention dans les banlieues. j'ai dû rater un moment clef.

Ha non, le revoilà. J'apprends quelque chose : les mères qui embarquent dans les bateaux de la mort se plaignent de ne pas avoir accès au crédit-développement. Je vois mes dossiers de droit des étrangers sous un jour nouveau. On reconnaît là la conseillère de François Mitterrand sur l'Afrique.

22h15 : séquence vie privée. Quid de François Hollande ? Réponse sur sa féminité et l'originalité de sa candidature et sur un grandiloquent "Refonder le pacte démocratique". En élisant un président ?

Elle esquive totalement la question, je note. Même PPDA le remarque. Ha, in fine, elle est pour l'indépendance des hommes. Je transmets l'information à mon épouse.

22h20 : Une question sur l'ouverture : prendrez vous des talents à droite et à gauche ?

Je traduis la réponse : j'ai assez de gens à caser parmi mes soutiens pour aller en chercher ailleurs.

22h30 : la délinquence des mineurs et l'immigration. J'adore la mise en parallèle.

Sur les mineurs, j'apprends que les mineurs emprisonnés récidivent à 80%. D'où sort-elle cette énormité ? Le taux de récidive est toujours très bas, pour les mineurs comme pour les majeurs. Et le cliché mineur délinquant parents démissionnaires. Bon, il faut punir les délinquants, et promptement, et les aider à se réinsérer en les convaincant de faire des études. Qui ne pourrait être d'accord ?

Sur les étrangers, pas de régularisation massive, ça ferait naître de l'espoir chez les pauvres. Et c'est mal.

22h37 : Les prison, la cigarette et l'alcool. Allusion à l'abolition constitutionnelle de la peine de mort ? Solution : la régionalisation des prisons. Ca ressemble à : je refile le bébé aux régions, elles augmenteront les impôts à ma place. Si les prisons ne relèvent plsu de l'Etat, la focntio nrégalienne de punir, que lui restera-t-il ? L'interdiction de la cigarette ?

A Arbobo : C'est la règle du jeu qui veut qu'on réagisse sur l'instant. Et les propos tenus ne prêtent pas à l'analyse de fond, comme un programme par exemple. Autant s'amuser irrespectueusement. Mes camarades ne se gênent pas, eux.

22h43 : Voilà l'environnement. La biomasse, les biocarburants. Des solutions viables. Quant aux OGM : un morataoire. Ha, une énormité : les OGM so,t scandaleux car la France n'a pas transcrit la directive OGM et son principe de précaution. J'invite la candidate a relire la constitution, tout spécialement la Charte de l'environnement, votée par l'assemblée dont elle est membre, et le Traité sur la Communauté Européenne, où figurent ces deux principes. Les maires ne sont pas informés, ce n'est pas démocratique. La démocratie, c'est les autorités qui sont informées de tout. Je le note.

22h53 : Revoilà l'inégalité homme-femme et la carte scolaire. Tiens, j'ai rien retenu.

23h01 : L'insécurité. Toujours liée aux mineurs. Bon, si j'ai bien compris : pour la gauche, la délinquance c'est les mineurs, la réponse c'est l'école. Pour la droite, la délinquance, c'est l'immigration, la réponse c'est l'expulsion. Pour le centre, c''st quoi ? Et toujours ce goût des formules : remettre des services publics dans les banlieues. Il n'y en a jamais eu, la plupart du temps, mais je ne suis pas sur que de là vient le problème.

A Schloren : Oui, elle est plus à l'aise. Je suis d'accord. Ca ne rend pas ce qu'elle dit plus profond. Nous jouons actuellement à finir ses phrases avant elle.

23h10 : Ha, c'est fini.

23h15 : Proposition de live blogging sur Confessions Intimes. Qui a dit "C'est pas ce qu'on vient de regarder ?"/

mercredi 14 février 2007

Parlons programme : enfin, si on peut

Le Monde, viens-je de découvrir, signale (rubrique "Vu sur le web") que je décortique les programmes des candidats sur la justice. A ces lecteurs, salut. Le billet que vous cherchez est celui-ci, celui-là n'étant qu'un petit complément à la suite de son discours de Villepinte qui, sur ce sujet, n'a pas apporté grand'chose, d'où un examen succinct dont l'ironie n'est pas absente, mais c'est le style de la maison. Merci de m'épargner les procès d'intention, les critiques acides sur tel mot ou telle virgule, ou l'ironie sur le mot "maître". Eolas n'a que cinq lettres, or mon adresse de site devait en faire au moins six. J'ai donc accolé devant le mot maître. Mon ego est d'ores et déjà surdimensionné et n'est plus sensible au fait de me faire appeler maître, qui témoigne d'un grade universitaire, pas plus que vous ne rougissez de bonheur quand on vous appelle Monsieur ou Madame, titres initialement réservés aux frères et soeurs du roi.

Je m'attelle (ou m'attaque, comme vous voulez) au programme de Nicolas Sarkozy, mais je suis exposé à un problème, et là c'est à mes autres lecteurs, principalement soutenant la candidature du président de l'UMP que je m'adresse. Pourriez vous m'indiquer où je peux trouver le programme de Nicolas Sarkozy sur la justice ? Sa campagne est éclatée entre le site de l'UMP, le site Sarkozy.fr, les sites de la France d'après, je suis un peu perdu, et je n'ai rien trouvé.

Sinon, tant pis, je me tournerai vers Bayrou, ce qui semble être à la mode sur la blogosphère en ce moment. Cela dit, vu que la blogosphère était plutôt en faveur du oui lors du referendum, je serais inquiet à la place du président de l'UDF.

lundi 12 février 2007

Mise à jour du commentaire du programme de Ségolène Royal en matière de justice

Avant de m'attaquer au candidat de l'UMP, je reviens sur les propositions faites hier dans le cadre du "pacte présidentiel" présentée par Ségolène Royal. Je n'ai pas regardé les "Cahiers d'Espérance" présentés sur le site Désirs d'avenir, synthèse des débats participatifs, j'ai déjà assez de mal à m'y retrouver.

Le chapitre consacré à la justice s'intitule "La Présidente de la lutte contre toutes les formes de violence", page 11 et suivantes du document pdf. Comme c'était prévisible, la justice n'est abordée que sous l'angle de la justice pénale, et encore, uniquement sur les violences. Exeunt la justice civile, qui règle les litiges entre particuliers ou entre consommateurs et professionnels, et la justice administrative, qui règle les litiges entre l'Etat et ses diverses extensions (collectivités locales, établissements publics) et les administrés. Mais comme nous le verrons, de ce point de vue, les autres candidats ne font guère mieux.

Neuf propositions sont formulées, divisées en deux parties.

La première est "Lutter résolument contre les violences". Prenez vous ça dans les dents, ceux qui voulaient lutter avec pusilanimité contre les violences.

50- Rétablir la civilité :
- Apprendre la civilité aux enfants : des programmes d’éducation au respect de l’autre pour apprendre aux enfants à gérer les conflits par la parole plutôt que par la violence.
- Garantir à chacun de voyager sans crainte dans les transports en commun (RER, TER, trains de banlieue, tram et bus, spécialement la nuit) en imposant des obligations règlementaires plus grandes aux transporteurs (recours plus grand aux équipements technologiques, personnel plus importants aux horaires sensibles…).
- Mettre en place des gardiens dans tous les immeubles sociaux.

Bon, en fait, on est assez loin de la justice, là. Apprendre la civilité aux enfants, je trouve la proposition limite insultante, tout de même. Ha, mais non, on ne parle que des enfants des autres, bien sûr, pas de ses petits anges. Et quant à garantir à chacun de voyager sans crainte : s'agit-il d'un droit au voyage serein opposable ?

51- Lutter contre les violences scolaires en renforçant la présence des adultes dans les établissements :
- Recruter des surveillants des collèges.
- Doter chaque établissement d’une infirmière scolaire et d’une assistante sociale à temps plein.

De la prévention, dans la tradition du parti socialiste. Pas d'information sur le financement, dans la tradition politique française.

52- Etre ferme face aux mineurs violents :
- Mettre en place une politique de prévention précoce de la violence : encadrement éducatif renforcé, mise en place de tuteurs référents.
- Développer les brigades des mineurs dans chaque commissariat des grandes zones urbaines.
- Prendre des sanctions fermes et rapides : un plan d'urgence sera mis en place pour la justice des mineurs (recrutement de juges des enfants, d’éducateurs, de greffiers)
- Mettre en oeuvre des solutions nouvelles pour extraire les mineurs de la délinquance : suppression des peines de prison pour les mineurs en dehors des cas d’atteintes graves aux personnes ; développement des centres éducatifs renforcés, si besoin avec un encadrement militaire.

Tiens, Ségolène Royal fait du Nicolas Sarkozy, là. La justice des mineurs ne serait pas ferme (les juges seraient-ils donc démissionnaires ?), et il faut des sanctions rapides. C'est là l'objet de la loi sur le prévention de la délinquance en cours de discussion devant le parlement, qui instaure une sorte de comparution immédiate pour mineurs. Parallèlement à cette fermeté, elle parle de supprimer les peines de prison pour les mineurs hors les atteintes graves aux personnes (c'est quoi la définition de la gravité ?). C'est moi ou il y a une légère contradiction dans le message, là ?

53- Faire de la lutte contre les violences conjugales une priorité nationale :
Faire adopter une loi cadre sur les violences conjugales prenant en compte tous les aspects permettant d’éradiquer ce fléau.

Je ne reviens par sur ce que j'ai déjà dit sur l'accumulation de lois en la matière.

Sur la forme : une loi cadre serait contraire à la constitution. L'article 34 de la Constitution prévoit que c'est la loi qui seule peut fixer les règles en matière de procédure pénale et déterminer les crimes et les délits et les peines qui sont applicables. Une loi cadre fixe des objectifs généraux et renvoie au décret pour prendre les mesures d'application. Le législateur ne pourra pas se défausser sur l'exécutif, il faudra que ce soit la loi qui fixe toutes les mesures.

Sur le fond : je ne peux m'empêcher de frémir. On nous refait le coup de 1998. On érige en cause nationale une cause avec laquelle tout le monde ne peut qu'être d'accord. En 1998, c'était la protection des mineurs victimes d'atteintes sexuelles, dans la foulée de l'affaire Dutroux. La lutte contre ce "fléau national" justifie une loi très répressive, faisant bon compte de la présomption d'innocence et des droits de la défense. L'opposition en rajoute dans le répressif pour ne pas se faire doubler sur sa droite. Et les graines sont semées, qui ont permis le fichage génétique systématique des délinquants, qui retirent au juge le pouvoir d'adapter la peine, jusqu'à la faculté d'écarter l'inscription au bulletin numéro 2, qui poussent les juges à la détention systématique à cause du "trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public causé par l'infraction", et qui ont fini par éclore à Outreau. Avec la faculté d'autocritique du législateur que la commission parlementaire a démontré. Mais ça marche, que voulez vous. On nous a refait le coup avec la loi de lutte contre le terrorisme en 2005, votée par l'UDF, le parti socialiste s'étant courageusement abstenu. Chaque fois que le législateur trouve un thème pour nous faire renoncer avec enthousiasme aux protections que nous offre la loi, sous le prétexte qu'elles ne protègent que les pédophiles, les terroristes et les maris violents, on ouvre la porte à une catastrophe. Et le législateur n'apprend jamais.

54- Créer une nouvelle police de quartier pour mieux assurer la sécurité quotidienne :
- Procéder à une répartition plus juste des effectifs : donner la priorité aux renforcements quantitatifs et qualitatifs des zones sensibles.
- Affecter des policiers expérimentés, bénéficiant d'une réelle différenciation de rémunération, dans les secteurs plus difficiles (avantages de carrières, aides au logement, etc.)

Le retour de la police de proximité. Puis-je ajouter une suggestion : afin de faire bénéficier selon le même principe chaque échelon de l'Etat de la sagesse de l'expérience, si nous veillions à affecter chaque ministre et président sortant à un simple conseil municipal dans une ville à problèmes ?

55- Aider les victimes : - Faciliter et moderniser le dépôt de plainte pour briser la loi du silence : amélioration de l’accueil dans les commissariats par la mise en place de travailleurs sociaux de la police nationale, possibilité de déposer plainte via Internet. - Mettre un avocat à la disposition des victimes de violences graves dans l'heure suivant le dépôt de plainte.

Améliorer l'accueil dans les commissariats, j'abonde. Porter plainte par internet, quelle bonne idée. Voilà qui nous met à l'abri des dénonciations calomnieuses et anonymes. Mettre un avocat à disposition des victimes dans l'heure qui suit, c'est moi ou il s'agit d'une obligation qui pèsera sur NOUS, avocats, plutôt que sur l'Etat? En tout cas, cela fait longtemps qu'un service d'aide aux victimes existe dans les principaux tribunaux (Créteil a été pionnier à ce sujet) et qu'un avocat est présent pour les victimes aux audiences de comparution immédiates. Encore faut-il que les victimes viennent à l'audience, et en soit informées, information qui pour l'heure incombe au greffe du parquet qui laisse un message sur le répondeur téléphonique de la victime (et je l'ai vu faire une fois dans une affaire de vol de portable, ledit portable étant placé sous scellés ; non, la victime n'est pas venue à l'audience).

  • Deuxième partie, intitulée : Répondre au besoin de justice.

56- Doubler le budget de la justice pour la rendre plus rapide et respectueuse des droits.

Allelulia. Que cette promesse là soit tenue, et vous verrez déjà que la justice fonctionnera bien mieux. Mais quand je vois que le gouvernement précédent n'a pas tenu ses engagements pris dans une loi quinquennale sur la justice, le doute m'habite.

57- Faciliter l’accès à la justice des plus modestes : - Renforcer l’aide juridictionnelle. - Renforcer les maisons de la justice et du droit - Mettre en place un service public d’aide au recouvrement des dommages et intérêts alloués aux victimes.

Renforcer l'aide juridictionnelle n'est pas "augmenter" l'aide juridictionnelle. Je reste circonspect.

L'idée d'un service d'aide au recouvrement des dommages intérêts alloués aux victimes me semble une bonne idée ; on pourrait l'appeler "avocat", par exemple. Rappelons que le principal obstacle à ce recouvrement est l'insolvabilité de l'auteur des faits, insolvabilité souvent renforcée par son incarcération. Il existe actuellement un système d'indemnisation public, mais il est réservé aux atteintes aux personnes les plus graves (plus de trente jours d'incapacité totale de travail, ou des séquelles définitives, ou une atteinte sexuelle), et ne s'applique pas aux atteintes aux biens sauf si elles ont de graves conséquences pour la victime. Mais "l'aide au recouvrement" n'étant pas le recouvrement effectif, je doute que l'heure soit à l'extension de dispositif. On peut le regretter : obliger l'Etat à prendre en charge le coût de sa carence à sa mission d'assurer la sécurité de ses citoyens serait autrement plus efficace que les numéros verts, service ad hoc et proclamations solennelles déployées jusqu'à présent...

58- Protéger les citoyens :
- Assurer la présence d’un avocat dès la première heure de garde à vue.

Tiens ? Je croyais que c'était déjà le cas depuis la loi du 15 juin 2000. Et visiblement, les officiers de police judiciaire le croient aussi.

- Encadrer strictement le recours à la détention provisoire dont la France use beaucoup plus largement que les autres pays européens, en imposant notamment des délais butoirs.

Des délais butoirs ? Comme ceux de l'article 145-1 et 145-2 du Code de procédure pénale ? C'est une manie chez cette candidate de faire voter des textes qui existent déjà.

- Renforcer les alternatives à la prison préventive.

Ce qui implique au préalable la création du concept de prison préventive. "Vous n'avez rien fait, mais ça ne saurait tarder, je préfère prendre les devants". Le PS a trop aimé Minority Report...

- Assurer dans les prisons des conditions qui permettent la réinsertion du détenu.

Ca fait deux siècles qu'on le dit. Ca fait deux siècles qu'on oublie de dire comment. L'état du désastre actuel en la matière a de quoi préoccuper et nécessite plus que des déclarations d'intention vertueuses.

- Créer un organe indépendant de contrôle des prisons.

Comme le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, qui est venu il y a un an dresser un état des lieux qui fait honte à la France ? Et si plutôt on tenait compte de ses observations ?

Bref, rien de vraiment nouveau par rapport aux documents publiés jusqu'à présent. Peu de mesures concrètes, mais c'est l'exercice qui veut ça, visiblement, comme le révélera mon analyse des programmes des autres candidats. Et après, on se plaindra de ce que le débat ne prenne pas de la hauteur...

samedi 3 février 2007

maljournalisme au Figaro Magazine

Le Figaro ne peut pas être soupçonné de sympathie pour Ségolène Royal. Il est donc de bonne guerre qu'il se fasse l'écho d'un conflit qui oppose Ségolène Royal à une de ses anciennes salariées [Via Koztoujours, qui n'est absolument pas concerné par les critiques que je vais émettre], et qui va faire l'objet d'un livre sortant prochainement en librairie, en en publiant les bonnes feuilles.

On peut admettre que l'électorat pourrait apprendre des choses sur la personnalité d'une candidate en voyant comment elle peut se comporter en tant qu'employeur et comment elle gère un conflit avec une ancienne salariée.

On peut même sourire au choix de la photo retenue pour illustrer cet article, qui n'a manifestement pas été choisie pour sa mise en valeur du sourire de la candidate du PS aux élections.

Mais là où le parti pris franchit les limites de la malhonnêteté intellectuelle, c'est in fin quand il prétend résumer les malheurs judiciaires de la candidate.

En voici la retranscription intégrale :

Evelyne Pathouot démissionne en 1997. L'année suivante, avec deux de ses collègues, elle dépose une plainte aux prud'hommes pour récupérer des salaires non versés. S'ensuivront dix années de procédure. Condamnée en première instance, Ségolène Royal fait appel. Evelyne et ses collègues contre-attaquent en déposant une plainte au pénal pour «travail clandestin». Ségolène répond par le biais de deux plaintes pour «procédure abusive» et «propos calomnieux», mais qui seront classées sans suite.

2002 : la procédure pour travail clandestin débouche sur un non-lieu et une condamnation des anciennes employées de Ségolène Royal à une amende de 2 000 euros. Evelyne et ses collègues font appel.

2005 : l'amende est annulée. L'accusation de travail clandestin, quant à elle, est rejetée. Insatisfaites de ce demi-succès, les trois plaignantes se pourvoient en cassation.

Le 16 janvier 2007, succès : le jugement est annulé. Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile, la cour «condamne Mme Royal aux dépens» ; et, vu l'article 700, la condamne «à payer à Mme Pathouot la somme de 1 250 euros».

C'est désormais à la Cour d'appel de Rennes de juger l'affaire.

Un non juriste, évidemment, n'y comprendra rien, hormis que "l'amende" de l'adversaire de Ségolène Royal a été annulée et que le "succès" indiqué serait en réalité une défait de Ségolène Royal, et qu'un extrait de la décision indique que, après l'invocation m:ystérieuses de deux articles de loi pour faire sérieux, elle a été condamnée aux dépens et à payer 1250 euros.

Le problème, c'est qu'un juriste, je vous l'assure, n'y comprendra rien non plus. Passons sur l'approximation du vocabulaire : on ne porte pas plainte aux prud'hommes, la plainte concerne uniquement les victimes d'une infraction, et les amendes en question sont en fait probablement des indemnités de procédure, mais le mot amende est connoté sanction pénale. Mais visiblement, plusieurs procédures se croisent, on ne sait pas s'il y a appel, pourvoi en cassation, ni ce qu'ont dit les juges dans chacune de ces décisions.

Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose disait je crois Voltaire.

Bon, alors, qu'en est-il ?

Evelyne Pathout a été salariée de Ségolène Royal en tant qu'assistante parlementaire. Métier ingrat où on ne fait guère carrière et où le licenciement vient vite en cas d'élection, de dissolution ou de nomination du parlementaire à un poste ministériel. Son contrat est rompu en 1997, l'année où les socialistes remportent les élections législatives anticipées et où Ségolène Royale devient ministre déléguée à l'enseignement scolaire. Je ne sais pas si c'est lié, mais c'est bien possible. Evelyne Pathouot, estimant que tous les salaires qui lui étaient dus ne lui ont pas été versé, a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en ce sens. A cela, Ségolène Royal a répliqué que ces salaires n'étaient pas dus, car ils ne correspondaient pas à un travail fourni.

Le conseil de prud'hommes de Poitiers a débouté la salariée et l'a "condamnée à payer 2000 euros non pas d'amende mais "d'article 700". L'article 700 du nouveau code de procédure civile permet à la partie qui gagne le procès de demander que l'autre lui verse une somme due à faire face à ses frais autres que les dépens : honoraires d'avocat, mais aussi frais de transport, de photocopie, etc... C'est l'équité qui sert de critère au juge. Une condamnation à de l'article 700 contre une salariée est rare devant un conseil de prud'hommes. La salariée fait appel et le 1er février 2005, la cour d'appel de Poitiers confirme son débouté mais décide qu'il n'y a pas lieu de la condamner à payer à Ségolène Royal une quelconque somme au titre de l'article 700. Admirons les qualités d'analyse juridique du Figaro magazine qui n'hésite pas à qualifier deux déboutés d'affilés de demi victoire... La salariée a formé un pourvoi en cassation. Grand bien lui en a pris, l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers a été cassé par un arrêt du 16 janvier 2007, que voici.


 


Cour de cassation
Chambre sociale


16 Janvier 2007

Cassation partielle



N° 05-41.663
Inédit


Mme Evelyne Pathouot

Mme Ségolène Royal


M. SARGOS, Président




REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour confirmer le jugement la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'exacte appréciation du conseil de prud'hommes sur la situation des parties après le 31 mai 1997, résultant des éléments contradictoires qui lui étaient soumis et qui sont repris en cause d'appel, se trouve confortée par l'arrêt de la chambre de l'instruction du 24 juillet 2003 ;
Qu'en statuant ainsi sans examiner les pièces nouvelles produites devant elle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :




CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes de rappel de salaire pour la période postérieure au 31 mai 1997 et d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 1er février 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer à Mme X... la somme de 1 250 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille sept.


L'arrêt est très court, c'est le moins qu'on puisse dire.

Il n'aborde à aucun moment le fond de l'affaire. Il casse l'arrêt du 1er février 2005 de la chambre sociale de la cour d'appel de Poitiers qui se contente de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes sans mentionner le fait que des conclusions avaient été déposées et sans mentionner les arguments soulevés en appel, ce qui est une violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile. Comme la cour de cassation ne peut pas juger les faits, mais que le droit, elle renvoie le dossier devant une cour d'appel, une autre bien sûr qu'elle désigne : celle de Rennes.

C'est tout. Et les 1250 euros, et les dépens ?

La cour de cassation fait droit au pourvoi d'Evelyne Pathouot, Ségolène Royal étant défenderesse au pourvoi. Sa condamnation aux dépens est la conséquence automatique du fait que son adversaire a obtenu la cassation : elle est la partie perdante, (on dit qu'elle succombe), ces frais sont à sa charge. Quant aux 1250 euros, c'est de l'article 700. Ici, le déséquilibre entre les moyens des parties a poussé la cour de cassation a décidé qu'Evelyne Pathouot n'aura pas à supporter seule le coût de ce pourvoi qu'elle a eu raison de faire.

Cela ne préjuge absolument pas de qui, de l'employeuse ou de la salariée, aura finalement gain de cause. Mais vu les deux premières décisions rendues, le dossier de la salariée n'a pas l'air très solide. En tout cas, c'est une affaire de prud'hommes comme il s'en juge des milliers chaque année.

Bref, une nouvelle affaire du type SCI La Sapinière. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat, mais on procède par allégations obscures en saupoudrant le tout d'un peu de vocabulaire juridique employé à mauvais escient. De toutes façons, le lectorat du Fig'Mag' n'en demandera pas plus pour penser du mal de Ségolène Royal...

Entendons nous bien. Je suis pour qu'on se moque des candidats (en république, manquerait plus qu'on ne puisse pas !), qu'on se gausse des néologismes, qu'on ironise sur la méthode, sur les comparaisons hasardeuses ou sur son trouble face à une question de sous marin. Le fait d'être candidat ne met pas à l'abri de la critique, fût elle virulente, fût elle de mauvaise foi.

Mais inventer des scandales et des affaires douteuses là où il n'y en a pas, je trouve cela méprisable.

vendredi 2 février 2007

Parlons programme : Ségolène Royal et la justice

Je vous propose dans les semaines qui viennent d'étudier les programmes des principaux candidats en matière de justice. Ce sera sur ce thème seulement : c'est mon domaine d'expertise, je peux tenter d'expliquer certaines propositions obscures, et j'espère pouvoir faire des critiques pertinentes de fait de mon expérience pratique. Je m'assurerai que les cellules internet des candidats concernés soient informés de l'existence de ces billets, libre à eux d'en faire ce qu'ils veulent.

Pour l'ordre, j'ai décide de commencer par les trois candidats majeurs, j'entends par là ceux qui ont des intentions de vote à deux chiffres ET la certitude d'avoir les 500 parrainages nécessaires, soit François Bayrou (UDF), Ségolène Royal (PS) et Nicolas Sarkozy (UMP). J'irai également voir le projet du Front national, non que ça me réjouisse, mais je ne peux pas faire l'impasse sur un candidat qui, s'il arrive à se présenter, ce qui ne fait guère de doute dans mon esprit, arrivera aussi bien classé. Les autres candidats passeront sous mes fourches caudines si j'ai le temps.

Avertissement préalable : là encore, je vais faire le ménage. Les commentaires qui ne visent qu'à indiquer un soutien inconditionnel à tel candidat ou à conspuer tel autre seront supprimés. Pas de slogans, des arguments.

Pour l'ordre de passage, j'ai décidé de pratiquer par tirage au sort. Et c'est Ségolène Royal qui s'y colle pour le premier passage. Si vous n'êtes pas content, allez vous plaindre au hasard.


Photo Désirs d'avenir

Mes sources pour ce programme sont doubles : d'une part, le projet socialiste "Réussir ensemble le changement", Partie III, paragraphe IV, et d'autre part le "ce que je retiens" sur ce thème sur le site Désirs d'avenir. Je sais qu'un programme supplémentaire doit être présenté le 11 février prochain, mais gageons qu'il n'y aura pas de revirement spectaculaire, et s'il le faut, je compléterai mon analyse.

Le programme socialiste.

Il est antérieur à la désignation de la candidate socialiste, mais la candidature à l'investiture supposait l'adhésion à ce projet.

Voici les propositions du projet, suivi de mes commentaires.

IV La Justice rénovée

C'est le titre. J'approuve ce refus d'une justice vétuste, mais je me demande si on n'est pas dans le slogan, là.

Notre système judiciaire doit être revu dans son fonctionnement tant pour la justice civile que pour la justice pénale. - Nous augmenterons le budget de la justice : notre pays se situe au 23ème rang sur 40 en Europe, pour son budget de la justice. Nous ferons passer le budget de la justice française dans les premiers rangs.

Vous connaissez mon point de vue sur la question. C'est en effet indispensable. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et je me méfie de ces promesses faites alors qu'elles ne coûtent rien. Mais sur ce point, j'approuve.

- Nous rendrons la justice accessible à tous en faisant en sorte que chaque justiciable puisse bénéficier des services d’un avocat, garanti par un service public de la défense. Nous renforcerons les maisons de la justice et du droit et le réseau d’information et d’aide aux victimes. Nous limiterons les coûts financiers inutiles pour élargir l’accès à la justice civile et au droit. Nous moderniserons le fonctionnement de la justice civile, de la justice prud’homale, de la justice commerciale et de la justice administrative.

Un service public de la défense ? Tiens. La dernière fois que j'ai été de permanence aux comparutions immédiates pour une indemnité ridicule, que j'ai défendu des prévenus qui n'avaient pas à me payer, et que je suis sorti d'audience à 22 heures, j'avais vraiment l'impression d'assurer le service public de la défense. J'ai dû avoir un moment d'égarement.

Le service public de la défense existe, il s'agit de l'aide juridictionnelle et des commissions d'office. Vous savez, ce truc pour lequel on s'est battu en décembre. Alors, puisqu'il ne s'agit pas de créer quelque chose qui existe, concrètement, c'est quoi, ce service public de la défense ? Créer des avocats fonctionnaires ? Débloquer un vrai budget pour que des avocats puissent se consacrer à plein temps à des dossiers d'aide juridictionnelle (je n'y crois pas une seconde) ?

Travers fréquent des candidats ici : on lance des idées plus que des projets concrets. Ca donne l'impression qu'on ne sait pas où on va mais on y va.

Renforcement des maisons de la justice et du droit : formule creuse, sauf s'il s'agit de poser des contreforts et des arcs-boutants, mais je ne pense pas qu'on parle d'architecture ici. Idem pour le réseau d'aide aux victimes. Concrètement, c'est quoi, par rapport à ce qui existe déjà ?

Limiter les coûts financiers inutiles : lesquels ? De quoi parlent-ils ? Des honoraires d'avocat ? Des émoluments d'huissiers ? Mystère. En tout cas, on parlait il y a cinq minutes d'augmenter le budget, et on en est déjà à faire des économies. Ca promet.

- Nous organiserons une justice respectueuse des libertés. Les procédures pénales d’exception seront limitées ; une réforme de la procédure pénale sera engagée pour renforcer les droits de la défense et mieux garantir la présomption d’innocence. Le juge des libertés et de la détention bénéficiera d’un véritable statut. Le juge d’instruction travaillera en collégialité. Nous interdirons les poursuites sur dénonciation anonyme.

Bon, le parti socialiste ne veut pas d'une justice liberticide, me voilà rassuré. Les procédures pénales d'exception : je pense qu'il s'agit des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et d'ordonnance pénale en matière correctionnelle, mais ça irait mieux en le disant. La CRPC, ce serait idiot. Elle est rodée, elle soulage les comparutions immédiates et on est loin des abus potentiels dénoncés lors du vote de la loi Perben II : concrètement, à Paris, elle est appliquée surtout aux conduites en état d'ivresse hors récidive et aux étrangers en situation irrégulière poursuivis parce que la préfecture n'a plus de place en centre de rétention (il faudra que je vous en parle, de ça, mais il faut que je me calme d'abord, j'en suis encore malade).

Et, ho surprise, une réforme de la procédure pénale ! Ca au moins, c'est original. Vraiment, ça manquait : il y en a eu une grosse en 2002 (Perben I), une énorme en 2004 (Perben II), une petite en 2005 (Loi antiterroriste), et quatre grosses sont en discussion au parlement en ce moment même (loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance et les trois lois "Outreau". A titre indicatif, le code de procédure pénale a été modifié par 37 textes différents en 2005, et par 41 textes en 2004. Je n'ai pas encore les chiffres pour 2006, qui a aussi été une bonne année. Bon, je ne vais pas résilier mon abonnement au JO...

Le juge d'instruction travaillera en collégialité. Là, matériellement, c'est impossible, et le rendre systématique n'est pas opportun. Matériellement, cela suppose de doubler les postes de juges d'instruction dans les petits tribunaux n'ayant qu'un juge d'instruction, donc augmenter le recrutement ou les prendre ailleurs, mais qui récupérera leur charge de travail ? Si cela se fait sans augmenter le nombre des magistrats, concrètement, cela aboutira à ce que les juges se répartissent les dossiers par moitié et les traitent seuls, bref retour à la situation initiale. En opportunité, il y a bien des dossiers, la majorité en fait, qui peuvent être fort bien traités par un juge d'instruction travaillant seul. En vrac, les plaintes avec constitution de partie civile pour diffamation, les dossiers techniques où tout reposera sur une expertise (délinquance informatique...). Donc, il faut limiter la collégialité aux dossiers complexes et sensibles, mais là, il y a juste un problème : ça existe déjà.

Aucune procédure sur dénonciation anonyme. Ha, voilà qui est vertueux. Mais cela me paraît entrer en conflit avec la première loi annoncée par la candidate sur les violences conjugales (première loi qui ne figure dans aucun des deux programmes que je commente ici d'ailleurs), où la candidate annonce qu'on pourra poursuivre sans plainte de la victime : ce ne sera donc pas possible sur dénonciation anonyme. Alors, comment on fait ? les RG vont-ils mettre des micros dans chaque foyer ?

- Nous rendrons la justice responsable et indépendante. Les carrières des magistrats du siège et de ceux du parquet pourront être séparées au bout de 10 ans d’exercice. Le parquet, responsable de la mise en œuvre de la politique pénale définie par le pouvoir politique, sera mis à l’abri des pressions, notamment par la suppression des instructions individuelles de nature à dévier le cours de la justice. La composition du Conseil Supérieur de la Magistrature sera modifiée pour garantir son pluralisme et un équilibre entre magistrats et non-magistrats. Ses attributions seront étendues. Il sera consulté sur les aspects essentiels du fonctionnement de la justice ainsi que sur les projets de réforme la concernant, et aucune nomination de magistrats ne pourra intervenir sans avis favorable. Nous améliorerons le système d’évaluation du service public de la justice en mettant en place un mécanisme permettant aux justiciables d’adresser au Conseil Supérieur de la Magistrature des plaintes visant le comportement d’un magistrat.

La justice responsable et indépendante. Elle ne serait donc ni l'une ni l'autre. Sur le premier point, on sait que c'est faux, sur le second, ça sonne comme un aveu de la part d'un parti qui était encore aux affaires il y a peu...

La mise à l'abri des pressions du parquet : rappelons que le parquet est hiérarchiquement soumis au Garde des sceaux. Je n'ai jamais rien trouvé à redire que l'action du parquet, qui représente les intérêts de la société, soit soumis au pouvoir politique en démocratie. Il faut un chef unique au sommet de la pyramide pour coordonner la politique pénale au niveau national, et le Garde des Sceaux, membre du gouvernement, est donc placé sous la surveillance du parlement. L'indépendance du parquet fait partie des promesses non tenues par Chirac. Ségolène Royal la reprend-elle à son compte ?

La suppression des instructions individuelles de nature à dévier le cours de la justice : cela signifie donc qu'il serait interdit au Garde des Sceaux d'ordonner au parquet de requérir la remise en liberté de mis en examen en cas de nouvel Outreau, car cela dévierait le cours de la justice ? Non, ces interventions ne sont en soi en rien condamnables, à condition qu'elles ne soient pas mues par des motifs inavouables, comme Jacques Toubon s'en était fait une spécialité mémorable. Il suffirait d'exiger que ces instructions soient écrites et figurent au dossier afin que la défense en soit informée, et le public lors du jugement de l'affaire, et que ces instructions ne puissent tendre qu'à l'ouverture de poursuite et non au classement d'une affaire.

La séparation des carrières au bout de dix ans : rappelons que les magistrats du siège (juges) et du parquet (procureurs) forment un corps unique. On peut passer au cours de sa carrière du siège au parquet, et vice versa. Un magistrat peut ainsi commencer juge d'instruction à Thionville, puis être nommé substitut du procureur à Dijon, avant d'être juge des affaires familiales à Strasbourg, puis premier substitut à Créteil, etc. (sous réserve de la compatibilité de ces exemples de promotions avec les échelons de carrière des magistrats, que je ne connais pas très bien). Je ne comprends pas le "pourront être séparées". Cela semble signifier une faculté. Je pense que le projet imposera cette séparation au bout de dix ans, c'est à dire qu'au bout de ce laps de temps, le magistrat devra choisir définitivement s'il sera assis ou debout[1]. Au début, quand j'avais trois poils au menton, cette unicité du corps me paraissait une anomalie et j'étais plutôt favorable à cette séparation. J'en suis revenu, car elle apporte vraiment quelque chose au niveau de la formation des magistrats en élargissant leur expérience (un procureur qui a été juge d'instruction évitera d'ouvrir des informations pour un oui ou pour un non, un ancien JAP fera un excellent président de correctionnelle car il pourra faire du tuning de peine), et j'ai pu constater que les magistrats du siège ne perdent généralement pas leur impartialité à l'audience en faveur du parquet. Il y a des maladresses de comportement (l'entrée simultanée par la même porte, une connivence trop affichée...), mais des procureurs se font durement remettre à leur place par des présidents quand un dossier mal ficelé arrive à l'audience, esprit de corps ou pas. De sorte que j'ai tendance à penser qu'il s'agit d'une réforme plus symbolique que réelle. Par exemple, dans l'affaire d'Outreau, l'unicité du corps des magistrats n'a joué aucun rôle dans la tragédie, puisque les deux juges d'instruction occupaient leur premier poste. Donc une loi plus inutile que nuisible, mais qui risque de provoquer une résistance des magistrats.

- Nous présenterons une nouvelle loi pénitentiaire qui donnera davantage de moyens pour lutter contre la surpopulation carcérale, pour améliorer la qualité des soins, pour favoriser l’effectivité des petites peines en milieu ouvert, pour permettre la réinsertion à la sortie de prison. La prison doit impérativement être un lieu de respect des droits et de la dignité de la personne.

Je ne puis qu'approuver le principe. Mais je ne comprends pas le "plus de moyens pour lutter contre la surpopulation carcérale" : est-ce l'annonce de la construction de nouvelles prisons ? Il le faut, eu égard à l'augmentation de la population française, mais je pense qu'il s'agit plutôt de financer des alternatives à l'emprisonnement, ce qui fait alors doublon avec la suite. Je n'aime pas l'ambiguïté des programmes électoraux.

En conclusion : le programme du parti socialiste manque de propositions concrètes, ce qui a pour effet de voir beaucoup de belles phrases qui n'engagent à rien et laissera toute latitude à la candidate élue de faire ce qu'elle veut, toute loi retouchant le code de procédure pénale pouvant aisément se réclamer de ce programme. J'en sors dubitatif.

Sur Désirs d'avenir.

Le thème dont la synthèse est proposée est "Quelle prison pour quelle justice ?". Lecture faite, mes craintes se sont révélés non fondées : il ne s'agit pas de savoir où on va incarcérer les 7000 magistrats français, mais bien de propositions de réformes de la justice tout d'abord, puis de la prison ensuite.

Sur la justice.

Les citoyens attendent une justice efficace, mais humaine. L’instruction pénale est aujourd’hui critiquée parce que le juge d’instruction est, dans les affaires les plus lourdes, mais aussi au quotidien, noyé sous la masse des dossiers, sans repères et sans recul suffisants, et qu’il doit être à la fois l’enquêteur et l’arbitre de sa propre enquête. Le juge d’instruction doit donc retrouver les moyens juridiques, matériels et humains d’être à égale distance des victimes, des mis en examen et de l’accusation, d’avoir la sérénité sans laquelle la justice est aveugle, d’agir vite, pour raccourcir les procédures, mais sans être poursuivi par l’urgence.

L'opposition efficacité et humanité et l'invocation de cette qualité tellement lumineuse aux yeux des politiques que personne ne s'est donnée la peine de la définir me laisse toujours dubitatif. La justice, c'est avant tout l'application de la loi. Une loi mauvaise sera appliquée avec zèle par les magistrats, parce qu'ils ont juré de le faire en prenant leurs fonctions. Ce n'est pas à eux de corriger les manquements du législateur, ou ses contradictions quand il incite à la détention provisoire et se scandalise que des innocents soient placé en détention. L'humanité du juge me paraît une façon de se défausser sur lui de ses obligations.

Le ton pompeux n'évite pas le piège du ridicule : "la sérénité sans laquelle la justice est aveugle". La justice EST aveugle, cela symbolise son impartialité, et ce n'est pas la sérénité qui l'aveugle, mais un bandeau.

Trois principes doivent à mes yeux contribuer à cette justice plus humaine : renforcer la collégialité, donner des moyens enfin à la hauteur des enjeux, redéfinir précisément les fonctions du juge d’instruction.

De fait, la synthèse proposée ne porte que sur l'instruction. C'est oublier que l'instruction ne concerne que 5% des affaires jugées. Certes les plus graves, mais le volume devrait aussi être pris en considération. Je suppose que cet aspect est encore en cours d'étude.

Pour mémoire : quand le procureur de la république décide d'engager des poursuites, il peut saisir directement le tribunal correctionnel sur la base du dossier réuni par la police, parfois pour une audience du jour même (les comparutions immédiates), ou saisir un juge d'instruction afin qu'il mène une enquête approfondie. L'instruction est obligatoire si les faits sont un crime (puni de peines maximales allant de 15 ans à la perpétuité) et relèvent de la cour d'assises. Elle est facultative pour les délits, et est utilisée principalement dans trois cas : si les faits sont complexes (délinquance financière), ne sont pas encore connus dans leur intégralité (trafic de stupéfiant, victime entre la vie et la mort), ou si les auteurs sont en fuite ou ne sont pas identifiés.

Le juge d'instruction est un juge unique qui peut faire appel aux services de la police, d'experts, peut interroger lui même les personnes concernées, et décide à la fin s'il faut mettre fin aux poursuites (non lieu), ou faire juger les faits par le tribunal correctionnelle ou la cour d'assises. Il peut demander au juge des libertés et de la détention de placer les mis en examens en détention provisoire.

1 - Même expérimenté, le juge d’instruction est aujourd’hui très seul. Si les fonctions de l’instruction sont par nature des fonctions indépendantes et individuelles, la gravité ou la complexité particulière de certains dossiers peuvent imposer que plusieurs magistrats soient associés pour les mener à bien. La chambre de l’instruction, qui contrôle en appel les décisions du juge d’instruction, devrait pouvoir imposer une co-saisine, la même affaire étant alors traitée par deux juges, et dans les affaires les plus lourdes, un pool de magistrats devrait pouvoir être mobilisé.

On mélange ici constats et propositions. Le président du tribunal de grande instance peut décider de saisir plusieurs juges d'instructions d'une seule affaire : il n'est limité que par le nombre de juges d'instruction de sa juridiction (article 83 du CPP). L'affaire Clearstream est ainsi instruite par deux juges. Le duo Eva Joly et Laurence Vichnievsky a fait les mauvais jours des vendeurs de bottines et de pétrole. Le juge d'instruction peut également demander au président de désigner un ou plusieurs autres juges d'instruction. C'est un constat, et cet état de fait remonte à la loi du 4 janvier 1993, votée sous le gouvernement Bérégovoy.

La chambre de l'instruction ne peut par contre décider de saisir des juges d'instructions supplémentaires. Voilà ce qui serait la nouveauté. Mais sachant qu'elle peut évoquer le dossier, c'est à dire au lieu de le renvoyer au juge d'instruction, le garder et continuer à instruire elle même, en désignant un de ses conseillers à cette fin, elle peut donc faire mieux qu'ordonner la collégialité : confier le dossier à trois conseillers de cour d'appel ayant l'expérience de l'instruction. Dès lors cette réforme ne crée ni ne renforce la collégialité, mais ajoute une nouvelle façon de la provoquer. Reste la question des moyens humains, passée sous silence, malheureusement.

2 - La chambre de l’instruction, chargée d’examiner en appel les décisions prises par les juges d’instruction, pourrait voir ses prérogatives considérablement élargies pour assurer un contrôle effectif et périodique du travail effectué dans chaque dossier par les magistrats instructeurs. En fin d’instruction, la chambre de l’instruction serait tenue d’examiner toutes les procédures. Elle aurait ainsi pour mission de s’assurer que le dossier est complet et que peut utilement s’ouvrir un procès pénal. Si ce n’est pas le cas, la procédure serait systématiquement renvoyée au juge pour complément d’enquête.

Très mauvaise idée. C'est totalement irréaliste et inutile dans la plupart des cas. Irréaliste car cela suppose une charge de travail immense, pour des cours déjà débordées et tenues par des délais très courts pour examiner les recours. Cette réforme noierait les chambres de l'instruction sous les dossiers, au détriment de la qualité du travail. Inutile car la chambre de l'instruction peut être saisie par les parties (mis en examen, partie civil et procureur) qui contesteraient l'ordonnance finale du juge (on parle d'ordonnance de règlement). Dès lors que les parties ne contestent pas sa décision, pourquoi imposer à la cour un examen systématique manifestement inutile ? Il existe une exception : une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ne peut être soumise par la voie de l'appel à la chambre de l'instruction. Tout simplement parce que le tribunal reste compétent pour apprécier les faits : si le mis en examen aurait voulu un non lieu, qu'il plaide la relaxe. S'il voulait une requalification, qu'il la demande au tribunal. L'appel est possible contre la décision du tribunal, et l'argumentation peut être à nouveau soulevée devant la chambre des appels correctionnels : vous voyez que cette règle est même favorable aux parties, car une décision de la chambre de l'instruction, qui est une formation de la cour d'appel, ne peut être contestée que par le pourvoi en cassation.

3 - Toutes les décisions portant atteinte aux libertés individuelles devraient être prise par un collège de magistrats du siège, après un débat contradictoire où l’accusation et la défense interviendraient à armes égales. Il s’agit d’un approfondissement de la voie ouverte par la loi du 15 juin 2000, qui a retiré au juge d’instruction les décisions de placement en détention provisoire au profit du juge des libertés et de la détention.

Donc le juge des libertés et de la détention deviendrait une juridiction collégiale. Si les moyens suivent, parfait. Mais ce principe s'applique-t-il aussi au juge unique en matière correctionnelle ? Car il peut condamner à des peines de prison ferme et même décerner mandat d'arrêt et de dépôt. Ce serait donc la fin du juge unique en matière pénale, y compris devant le tribunal de police (il peut porter atteinte à la liberté d'aller et venir en suspendant le permis de conduire), et en matière d'ordonnance pénale. Je ne suis pas sûr que ce soit que ce Ségolène Royal a à l'esprit, mais face à des principes généraux si vagues, on peut se poser la question.

4 - Il est également nécessaire de mieux garantir les droits de la défense tout au long de la procédure pénale, et ce dès le stade de la garde à vue.

Qui dirait le contraire ? Mais est ce trop demander que de savoir comment, concrètement ?

5 - La formation des magistrats et leur affectation à la sortie de l’Ecole Nationale de la Magistrature doivent être adaptées aux évolutions de la justice souhaitées par nos concitoyens.

En effet, il ne manquerait plus que ce ne fût point le cas. Mais concrètement, encore une fois, ça veut dire quoi ? Que change-t-on à la formation ? Quelles seraient les nouvelles règles d'affectation ? Quelles sont les orientations de la justice souhaitées par nos concitoyens qui sont le critère de ces réformes ? Ce n'est pas un programme, là, c'est de l'incantation.

6 - Enfin, et c’est essentiel, la Justice doit avoir des moyens supplémentaires à la hauteur de ses missions. La loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 (LOPJ), adoptée par le Gouvernement Raffarin, affichait cette ambition. Force est de constater que l’effort budgétaire n’a pas suivi : le retard accumulé sur quatre ans d’exécution de la loi (2003-2006) s’établit à plus de deux mille emplois.

Je ne peux qu'applaudir à cette déclaration d'intention. Mais je suis un esprit chagrin, que voulez-vous. Ce paragraphe peut se résumer ainsi : « Je veux augmenter les moyens de la justice. Le gouvernement Raffarin a fait voter une loi qui prévoyait une augmentation des moyens de la justice. Mais malgré cela les moyens de la justice n'ont pas augmenté. »

Alors, je me demande : que va faire Ségolène Royal ? Voter une loi qui prévoira une augmentation des moyens de la justice ?

Rappeler que le gouvernement précédent a voulu faire la même chose et ne l'a pas fait n'est pas de nature à me faire croire que le futur gouvernement, qui affiche sa volonté de faire la même chose, le fera effectivement. Surtout quand cette augmentation n'est pas chiffrée, mais rappelons que le programme du PS, lui, est un peu plus précis : faire passer le budget de la justice dans les premiers rangs européens. Que cette promesse là soit tenue et ce serait déjà formidable.

Je n'aborderai pas la question de la prison, je le ferai dans un futur billet. Il y a déjà beaucoup à dire sur cet aspect.

Prochain candidat désigné par le sort : Nicolas Sarkozy.

Notes

[1] On parle en effet de magistrature assise pour les juges, qu'on appelle encore magistrats du siège, et de la magistrature debout pour les procureurs, qui se lèvent au même titre que les avocats quand ils prennent la parole, encore que l'usage limite cet exercice pour les seules réquisitions, alors qu'en principe même en cas de question au prévenu, le procureur devrait se lever.

mardi 23 janvier 2007

Faut-il revoter la loi du 4 avril 2006 ?

Des lecteurs m'ont signalé, sans arrière pensée de leur part, je n'en doute pas, que Ségolène Royal a à nouveau déclaré que l'une des premières réformes qu'elle mettrait en chantier, fût-elle élu à la présidence de la République ET dotée d'une majorité conforme aux élections générales de juin prochain, serait une réforme visant à protéger les femmes victimes de violences et prévoyant notamment l'éloignement immédiat du conjoint violent du domicile conjugal, laissant celui-ci à la disposition de la victime.

Je me souviens que cette proposition avait déjà été formulée il y a quelques temps, et j'avais mis cette annonce sur le compte d'une mauvaise préparation. Errare humanum est.

Mais perseverare diabolicum. Elle a itéré ces propos lors de l'émission Dimanche +, sur le canal éponyme, diffusé le jour éponyme. Merveille de l'internet, ces propos peuvent être ouïs sur Dailymotion.

Là, je tique.

En effet, une loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a été adoptée par le parlement et est entrée en vigueur le 6 avril dernier. L'article 12 de cette loi a modifié un mécanisme instauré par l'article 35 de la loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales qui me semble, sauf à ce que j'aie mal compris, correspondre à la réforme annoncée par la candidate socialiste.

Ce mécanisme est le suivant :

Hypothèse de travail : une infraction est commise par le conjoint, le partenaire d'un PaCS ou un simple concubin de la victime. La loi ne restreint pas son champ d'application aux seules violences. Les faits étant portés à la connaissance de la police, celle-ci interpelle l'auteur présumé et le place en garde à vue selon la procédure de droit commun. Le procureur est immédiatement informé de la mesure.

Le procureur peut, dès le stade de la garde à vue et avant même de prendre une décision sur l'exercice ou non de poursuites pénales, ordonner (la loi dit demander, mais on ne dit jamais non à un procureur quand on est en garde à vue) que l'auteur réside hors du domicile commun et s'abstienne d'y paraître ainsi que dans les abords immédiats. Cette mesure (que j'appellerai désormais "interdiction de paraître", breviatis causa) suspend la prescription de l'action publique (c'est à dire le délai dans lequel le procureur peut déclencher les poursuites, qui est de trois ans à compter des faits). Il peut y ajouter une obligation de traitement, utile dans le cas où les violences sont dues à un état alcoolique ou toxique chronique, ou à une tendance à la violence. Cette loi pose problème d'ailleurs car elle s'inscrit dans le cadre des mesures alternatives aux poursuites. Or les mesures qui existaient jusqu'à présent étaient par nature limitée dans le temps : il s'agissait d'un simple rappel à la loi instantané, d'une invitation à régulariser la situation illicite, d'indemniser la victime de suivre une formation, ou de procéder à une médiation si la victime est d'accord. Là, il s'agit d'une mesure d'interdiction, restrictive de liberté (une portion du territoire national lui est interdite) et illimitée dans le temps tant que le procureur n'aura pas pris de décision de poursuite ou de classement. La loi ne prévoit aucun délai maximum dans lequel le procureur devra classer le dossier, et la prescription est suspendue. Potentiellement, si le parquet est peu diligent et oublie le dossier, cette interdiction peut donc durer toute la vie de l'auteur présumé des faits, sans qu'il soit jamais jugé, bref, sans qu'on soit certain qu'il est bien l'auteur des faits. Mise à jour : on me signale que le délai de six mois prévu par un autre alinéa du même article du Code de procédure pénale s'applique aussi à cette mesure, qui ne peut donc dépasser cette durée. Source : article 41-1, 6° du Code de procédure pénale.

Le procureur peut également, au titre de la composition pénale, imposer une telle interdiction à l'auteur des faits. La composition pénale, elle, éteint l'action publique (c'est à dire ne permet plus au procureur d'exercer des poursuites) quand les obligations sont respectées et que la composition est validée par le président du tribunal.

Enfin, la même interdiction peut être imposée au titre du contrôle judiciaire par un juge d'instruction ou un juge des libertés et de la détention (mesure provisoire pouvant être rapportée à tout moment, et durant jusqu'à ce que l'affaire soit jugée ou bénéficie d'un non lieu), ou par un tribunal à titre de mise à l'épreuve assortissant une condamnation avec sursis, pour une durée de trois ans maximum.

Illustrons cet exposé de droit pur par des exemples.

1 : Lionel est en garde à vue pour avoir frappé Marie-Georges. Après avoir vécu ensemble de 1997 à 2002, ils se sont séparés et leurs relations sont depuis tumultueuses. Lionel est en garde à vue. Le procureur, estimant les faits peu graves, fait notifier à Lionel l'interdiction de paraître à proximité du domicile de Marie-Georges, place du Colonel Fabien dans le 19e. Six mois plus tard, aucune autre plainte n'ayant eu lieu, et le cas échéant après avoir pris contact avec les policiers ayant traité l'affaire pour s'assurer que le calme régnait à nouveau, il classe le dossier sans suite. En cas de nouvel incident, il a trois ans pour ressortir le dossier et engager des poursuites pour ces faits.

2 : Dominique est en garde à vue pour avoir frappé Michèle qu'il accuse de l'avoir fait cocu avec Nicolas. Le procureur décide de recourir à une médiation pénale, Michèle ayant donné son accord car elle souhaite une réconciliation "dans l'intérêt de toute la famille". Les deux sont convoqués par un délégué du procureur, qui impose une résidence séparée à Monsieur hors de leur résidence commune, rue de Varenne dans le 7e, une obligation de soin pour calmer ses accès de colère incontrôlables dès qu'on lui parle de ce Nicolas, et une mesure de réparation à l'égard de Michèle. Les deux parties étant d'accord, la composition est soumise au président du tribunal pour validation, et les poursuites sont éteintes, tant que les obligations sont respectées. Au bout de trois ans, de facto, la mesure d'interdiction de paraître est caduque du fait de la prescription de l'action publique.

3 : José est en garde à vue pour avoir agressé Clémentine armé d'une faucille et d'un marteau. Clémentine affirme qu'elle vit un véritable harcèlement par José qui veut lui faire faire des trucs à plusieurs. Les faits sont graves (il y a agression avec une arme), José a un casier judiciaire pour des destructions de biens en réunion, et a déjà fait de la prison. José nie les faits, et les armes n'ont pas été retrouvées, il ne peut le faire passer en comparution immédiate. Il décide de requérir l'ouverture d'une instruction. José est déféré au Palais, et présenté au juge d'instruction, qui le met en examen, et le place sous contrôle judiciaire avec l'interdiction de paraître. Autre hypothèse : le juge saisit le juge des libertés et de la détention pour un placement en détention provisoire, mais le JLD décide de le placer simplement sous contrôle judiciaire avec interdiction de paraître.

4 : Jacques est poursuivi pour avoir frappé Bernadette à coup de pièces jaunes. Le procureur cite Jacques devant le tribunal correctionnel. Comme il ne peut faire juger Jacques avant la fin du mois de mai, il le fait déférer, le cite par procès verbal et saisit le JLD aux fins de placement sous contrôle judiciaire (cf. exemple n°3). Fin mai, le tribunal condamne Jacques à une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et prononce l'interdiction de paraître pour une durée de trois ans.

Pour en revenir à notre récidiviste de la réforme, on peut la blâmer de ne pas mettre ses fiches à jour. Mais au-delà de cette candidate, encore une fois, nous avons une illustration de la manie névrotique en politique française des effets d'annonce.

Ce dispositif a été mis en place une première fois par une loi du 12 décembre 2005. Moins de quatre mois plus tard, le 4 avril 2006, une nouvelle loi venait le modifier. Et huit mois plus tard, une candidate à l'élection présidentielle, parlementaire de surcroît, membre de la commission des lois de surcroît², annonce comme priorité une fois élue de faire voter à nouveau un dispositif similaire. Il est vrai qu'elle était absente de chacune des séances de discussion des deux lois concernées, mais l'ignorance de l'existence de ces deux réformes de moins d'un an est-elle une excuse ?

La lutte contre les violences conjugales mériterait un peu mieux que ce triste cirque.

mercredi 17 janvier 2007

L'affaire de la SCI La Sapinière

Quelques lecteurs, bien intentionnés je n'en doute pas, qui n'avaient jamais commenté sur ce blogue ont réussi à vaincre leur timidité pour parler en commentaire du soi-disant scandale de la SCI La Sapinière.

Autant j'aime à pointer du doigt les énormités que peut proférer tout candidat à la magistrature suprême de notre pays, et m'amuse à lire les justifications variées, imaginatives et contradictoires qu'on peut invoquer à la rescousse, autant les baudruches m'agacent. Et là, c'en est une belle, à mon avis.

Ainsi, Ségolène Royal et François Hollande, qui vivent maritalement et ont eu des enfants ensemble, ont créé une société civile immobilière, la SCI La Sapinière, dont ils sont tous deux gérants. Cela n'a rien d'un secret honteux, puisque les SCI sont désormais toutes inscrite au répertoire D du registre du commerce et des sociétés tenu par le greffe du tribunal de commerce de Paris, sous le numéro 377 552 955, registre qui est librement consultable par quiconque.

Une société civile immobilière est une société dont l'objet est l'acquisition et l'administration d'un ou plusieurs biens immobiliers. Il est fréquent que des particuliers désireux de devenir propriétaires créent une SCI, soit entre époux ou concubins, soit entre parents et enfants : la complication née de la nécessité de gérer une société est compensée par la facilité de transmission du bien, notamment d'un point de vue successoral.

Bref, c'est parfaitement légal.

La rumeur qui est ainsi colportée laisse entendre que cette SCI aurait été constituée pour échapper à l'ISF. En l'état, cela me paraît plus que douteux.

Je ne vais pas me lancer dans un cours sur la fiscalité des SCI, ce n'est pas ma partie, mais quand même, il va falloir soulever le capot, car la calomnie repose souvent sur l'ignorance du sujet de celui à qui elle s'adresse.

Une SCI peut être constituée pour payer moins d'impôts, mais pas pour échapper à l'impôt (hélas...). On est en France, ne l'oublions pas : une telle fuite fiscale n'aurait pas échappé à nos dispendieux mais vigilants députés.

En gros, à la création de la SCI, des options doivent être exercées : soumission à la TVA ou non, soumission à l'impôt sur les sociétés (IS) ou sur l'impôt sur le revenu (IRPP). Ces choix dépendent de l'opération envisagée dans son ensemble. Si on envisage revendre le bien assez rapidement, il vaut mieux opter pour l'IRPP, car les plus-values sont moins taxées. Si on veut le louer pour toucher des loyers, il vaut mieux opter pour l'IS, pour éviter que les loyers ne s'ajoutent au revenu imposable des associés une fois que les échéances de l'emprunt immobilier ayant servi à acquérir le bien remboursent plus de capital que d'intérêts (effet dit "de ciseaux"). Je schématise, bien sûr. Allez voir un notaire ou un avocat fiscaliste si vous voulez monter une SCI, ce sont des charges déductibles bien employées, croyez moi.

Il existe un cas et un seul où les biens immobiliers détenus par la SCI seront exonérés de l'ISF : c'est le cas de la SCI qui détient un local professionnel qu'elle loue à l'exploitant de ce local, si le détenteur des parts est également exploitant de ce local. Par exemple, A est associé d'une SCI propriétaire d'un hôtel qu'elle loue à la société anonyme qui gère cet hôtel, dont A est également associé et tire au moins 50% de ses revenus (qui a dit que le droit fiscal était simple ?). En effet, les biens professionnels sont exclus de l'assiette de l'ISF, et le Code Général des Impôts assimile aux biens professionnels les SCI qui possèdent des locaux professionnels. Si ce n'est pas le cas, la SCI est prise en compte pour le calcul de l'ISF. Le droit fiscal envisage même l'hypothèse d'une SCI possédant des biens professionnels ou non, et des biens à usage professionnels et non professionnels (comme un immeuble qui a une boutique en rez de chaussée et des appartements d'habitation au-dessus).

L'Etat s'y retrouve toujours, puisque ces biens échappant à l'ISF sont soumis à la taxe professionnelle, entre autres.

Bref, l'attaque en question ne me paraît, en première analyse, reposer sur rien de concret et relever d'une opération de basse calomnie. Si des fiscalistes de l'UMP peuvent éclairer ma lanterne sur ce qui m'aurait échappé (ma connaissance du droit fiscal remonte à la faculté, même si j'étais fort bien noté) ; mais en attendant, qu'il me soit permis de penser que réaliser un montage permettant de diminuer sa charge fiscale, même quand on est de gauche, est plus un signe de bonne gestion que de tartufferie politique, sauf à reprocher également à Ségolène Royale de ne pas majorer intentionnellement ses revenus pour payer plus d'impôt sur le revenu...

PS, in cauda venenum : ces propos sur le droit fiscal ne s'appliquent pas à la fiscalité de Second Life...

samedi 2 décembre 2006

Lieu commun, je l'aime aussi pour ça

Je suis persuadé que les blogues vont jouer un rôle non négligeable dans la campagne à venir. Et quand je vois la qualité de fond que mes camarades de Lieu Commun atteignent, j'en suis à penser que certains journalistes politiques pourraient en tirer de la graine.

Choisissez :

Vous n'aimez pas Ségolène Royal ?

Alors Versac vous fournira de quoi vous moquer d'elle, alors que tous les (nombreux) journalistes présents l'ont laissé passer : Ségolène Royal a resservi de très larges portions (36% du total) du même discours à dix jours d'intervalles, et dans des occasions qui ne sont pas mineures : le soir de sa victoire au scrutin interne au PS, et dimanche dernier à la mutualité. Le manque d'inspiration dès le début de la campagne ? En tout cas, voilà qui réjouira ceux qui se plaisent à dire que la candidate ne dit rien, même si elle le dit bien.

Vous n'aimez pas Nicolas Sarkozy ?

Alors Ceteris Paribus vous propose de le surprendre en flagrant délit de baratinage avec préméditation, lors de son passage télévisé de jeudi soir, avec à la clef les liens qui fournissent les preuves. Synthétique et percutant.

Et pour ceux qui aiment juste la réflexion critique en matière politique, la lecture des deux billets s'impose. Bravo, les amis.

Nota Bene (et note aux benêts) : le fait que je renvoie chez Versac ceux qui n'aiment pas Ségolène Royal et chez Ceteris Paribus ceux qui n'aiment pas Nicolas Sarkozy n'implique nullement une prise de position de ceux ci en faveur d'un quelconque candidat. Merci de leur faire grâce des procès d'intention.

mercredi 6 septembre 2006

Parlons un peu du "49-3"

Où l'auteur répond au courrier d'un jeune lecteur avide de savoir sur nos institutions.

Attention, billet long.

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vendredi 23 juin 2006

Daniel, Dominique, Pierre et moi

Où l'auteur se force à refuser les lauriers qu'on lui a tressé, à son grand dam.

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mercredi 21 juin 2006

C'était bien tenté...

Le Prix Busiris est une distinction très recherchée qui attire les plus hauts hommes de l'Etat, mais les critères en sont stricts.

Ainsi, notre premier ministre a-t-il fait un appel du pied pour se voir attribuer cette prestigieuse récompense hier à l'Assemblée.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Monsieur Hollande, il est des moments dans la démocratie où l’on ne peut pas dire n’importe quoi (...) Il est des moments dans une démocratie où on ne peut pas mélanger les carottes et les choux-fleurs.

Monsieur le Premier ministre, si la condition de propos se contredisant dans un laps de temps relativement bref est ici parfaitement remplie, si la mauvaise foi est présumée s'agissant de propos tenus à l'Assemblée nationale, il faut que le propos soit, ou du moins se veuille, juridique. Les propos maraîchers ne sont pas recevables, sauf à invoquer le Code rural.

Dans ces conditions, j'ai le regret de vous informer que vous ne pouvez prétendre au prix Busiris. Mais je ne doute pas que vous y parveniez même avec le peu de temps qui vous reste.

Ne perdez pas espoir.

vendredi 16 juin 2006

Le CSA est-il une police politique ?

Je vous invite à lire l'excellente note de Monsieur le Professeur Frédéric Rolin sur la récente décision du CSA de classer dans l'opposition les députés UDF ayant voté la motion de censure gouvernementale et non les autres, sauf déclaration expresse en ce sens auprès du CSA. Il s'en est fallu de peu que Dominique Baudis ne reçoive ès qualité un prix Busiris, las la condition de contradiction des propos n'est pas remplie.

Cette note, dont je partage entièrement le point de vue, est claire et percutante, et l'honorable professeur y perd par moments, emporté par l'enthousiasme, son flegme légendaire qui a fait sa réputation jusque dans les villages les plus reculés de l'Essonne[1].

Cette décision du CSA est, tant du point de vue constitutionnel, que du point de vue du droit administratif, que du point de vue de la théorie générale du droit, proprement aberrante. Les conséquences que tire Monsieur Rolin de cette décision le démontrent fort bien : il suffit de se déclarer dans l'opposition pour aller manger le temps de parole de ses adversaires, quand le parti au pouvoir bénéficie déjà des deux tiers du temps de parole.

Les blogs échappant à cette absurde répartition du temps de parole, voilà qui à n'en pas douter va contribuer à en faire un des hauts lieu du débat politique de l'année prochaine.

PS : Merci de veiller à respecter la proportion de deux tiers de commentaires laudatifs pour un commentaire critique.

Notes

[1] Et puis comme ça, il va tester l'effet Eolas dans ses stats.

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