Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ?

Souvenez vous, c'était en 1999.

La gouvernement Jospin présentait un projet de loi visant à créer un Pacte Civil de Solidarité (PACS), provoquant une levée de bouclier de l'opposition, qui avait presque réussi à faire échouer l'adoption du texte.

Le Président de la République, Jacques Chirac, avait déclaré en juin 1999, à l'occasion de la remise des médailles de la famille, "Respectueuse des droits de chacun, la loi ne peut pour autant se faire l'auxiliaire de tous les arrangements de la vie privée, ni les placer tous sur le même plan. Ce serait méconnaître la portée de sa mission", puis il a précisé : "La loi n'est pas la servante du bonheur individuel. Elle est au service de l'intérêt général".

Un an auparavant, il déclarait à l'occasion d'une cérémonie identique "La République a le devoir non seulement de reconnaître et de défendre la fonction de la famille dans notre société mais aussi de préserver de toute atteinte le droit qui la fonde au coeur du code civil, je veux parler du droit du mariage''. Il précisait : "Il ne faut pas prendre le risque de dénaturer ce droit ni de le banaliser en mettant sur le même plan d'autres réalités humaines de notre temps qui conduisent bien loin des valeurs de la famille". A l'époque, le Pacs s'appelait CUS, Contrat d'Union Sociale.

Au Sénat, on pouvait entendre que le PACS est "une menace contre la famille" dans la bouche du sénateur Larché, (R.I. Seine et Marne) tandis qu'à l'Assemblée, le député Jacques Myard (RPR, Yvelines) déclarait : "Il est normal que les socialistes se reconnaissent dans la décadence" et "Vous allez accorder des droits et des créances sur la société à des gens qui ne lui apportent rien (...) c'est la pagaille mentale qui vous caractérise".

On peut en déduire que le RPR n'aimait pas le PACS.

Or le RPR, devenu UMP, est à présent au pouvoir. A-t-il abrogé le PACS ? L'a-t-il vidé de sa substance ?

Non, il vient de lui faire un cadeau que même le gouvernement Jospin n'a pas osé faire.

Depuis la loi de finances pour 2004, les titulaires d'un PACS bénéficient d'une imposition commune dès la conclusion du PACS, y compris le système très avantageux de la double déclaration lors de l'année de sa conclusion et de sa dissolution. Bref, fiscalement, PACS et mariage sont sur le même point.

Rappelons que jusqu'à présent, ce n'était que trois ans après la conclusion du PACS que cette imposition commune pouvait avoir lieu.

S'y ajoute une diminution des droits de donation, dès la première année du PACS également.

Vous êtes surpris de ce renversement de situation ?

Vous n'avez pas vu le meilleur.

Quand on regarde la liste des députés qui ont voté ledit texte, qui voit-on ?

Et bien, on y voit Madame Christine Boutin, Christian Vanneste, et Jacques Myard.

Et parmi ceux qui ont voté contre, on voit Noël Mamère, Yves Cochet, Patrick Bloche et Elisabeth Guigou.

Décidément, je ne comprendrai jamais la politique.

PS : Bon, l'honnêteté intellectuelle qui me caractérise m'oblige à préciser que le vote portait sur la loi de finance, c'est à dire le budget, dans son ensemble, et que sur ce vote essentiel, il est d'usage que toute la majorité le vote et toute l'opposition le rejette. L'article portant sur le PACS était noyé dans la masse. Mais le paradoxe en demeure plaisant, non ?

Commentaires

1. Le jeudi 3 février 2005 à 15:24 par M_Spock

J'espère quand même qu'ils ont mis des protectins dans leur truc car, vu que le PACS est très facile à conclure aussi bien qu'à dissoudre, qui m'empêche de me pacser en juin les années paires et me dépacser les juin des années impaires (donc double déclaration tous les ans) ?
En tout cas, cela montre à quel point la soumission à son camp est même supérieure aux convictions les plus intimes (j'ose croire que ses plus ardents opposants étaient sincères quoique leurs arguments aient été stupides).



Bien sur, une exception est apportée par l’article 6, 8 du CGI : cette imposition commune n’a pas lieu d’être lorsque le pacte prend fin au cours de l’année civile de sa conclusion ou de l’année suivante, pour un motif autre que le mariage des partenaires ou le décès de l’un d’ente eux ; dans ce cas, chaque membre du pacte fera l’objet d'une imposition distincte au titre de l’année de sa conclusion et de celle de sa rupture.

Eolas

2. Le jeudi 3 février 2005 à 20:57 par Paul

Sarkozy n'a pas caché que cette mesure était destinée à rendre le mariage inintéressant d'un point de vue financier, pour les homosexuels, et que c'était une manière concrète de s'opposer au mariage gay.

C'est peut-être pourquoi les députés « protecteurs de la famille et des bonnes mœurs » ont fermé leur gueule avec application.

3. Le jeudi 3 février 2005 à 23:01 par Laure

Evidemment, si vous cherchez à débusquer les contradictions des politiciens et de Chirac en particulier... Trop facile !
Tiens... il a donc dit ça :
"La loi n'est pas la servante du bonheur individuel. Elle est au service de l'intérêt général".
En tant que libérale-libertarienne, je pense exactement le contraire !

4. Le vendredi 4 février 2005 à 09:46 par Julie

Ce type de billet m'enchante. Encore, encore...

5. Le vendredi 4 février 2005 à 09:49 par fred

Je voudrais avoir des precisions sur les point suivants :
2 personnes sont liées par un PACS (avec ou sans les nouvelles modifs) , est ce que :
1) si l'un des pacsé a un accident, l'hopital appele l'autre pacsé ? ou bien appele t il la famille de l'accidenté ?
2) si on a le droit de faire des donnations entre pacsés
3) a la mort de l'un , l'autre est le principal heritier ? a t il l'usufruit des bien (principalement le logement) ?



Ce site n'est pas un site de consultations juridiques, je le redis régulièrement. Surtout que vos questions ne sont pas vraiment liées au thème du billet.

Eolas

6. Le vendredi 4 février 2005 à 12:00 par Zenitram

Imaginons un couple non PACSé, à 20 000 Euros chacun (calculs à la louche hein, vais pas passer trop de temps sur des théories ;-) )
Impots 2004 : 2 déclaration séparées, 2*1500 = 3000 Euros
PACS mi-2004 : 3 déclarations, 2*200+400 = 800 Euros
Laisse passer 2005 : 1 déclaration, 3000 Euros
Dé-PACS en mi-2006 : 3 déclarations, 2*200+400 = 800 Euros
PACS mi-2007 : 3 déclarations, 2*200+400 = 800 Euros
Laisse passer 2008 : 1 déclaration, 3000 Euros
...Et ainsi de suite...
Total de gain : 4400 Euros tous les 3 ans.
OK, ca devait déja être faisable avec un mariage, mais le PACS est plus simple (juste un passage au tribunal d'instance avec un justificatif de non-PACS, pas de contraintes fortes sur le couple), quelques minutes (heures si il y a du monde ;-) ) 2 ans sur 3.
Ca me donne l'impression de pouvoir se foutre de la gueulle de l'état en toute légalité, ou alors j'ai fait une erreur quelque part, mais ou?
(Ce n'est pas pour dénigrer le PACS, mais comprendre les travers que cela peut engendrer...)



Bien sûr, je ne peux que vous décourager de faire une telle chose, ce serait détourner la loi fiscale de son objet pour échapper à l'imposition, ce qui sont deux choses horribles et hautement condamnables.

Mais a priori (je ne suis pas fiscaliste), ça me semble légal...

Eolas

7. Le vendredi 4 février 2005 à 13:20 par Fred

D'accord cher maître. pas de consultation juridique.
mais mes questions plus haut etaient liées au commentaire de "Paul" : " cette mesure était destinée à rendre le mariage inintéressant d'un point de vue financier" . Si on reponds toujours non a mes trois questions (surtout la 1er et la 3eme ) , alors ca ne change rien. Les homosexuels continueront a vouloir le mariage. Et cet amendement ne sert a rien.

Et c'est alors du fait qu'il ne serve a rien qu'il faut se moquer.



Dans ce cas, vos réponses sont : l'hopital appelle qui il veut, aucun texte ne lui donne la liste des personnes à contacter ; n'importe qui peut donner à n'importe qui, seules les conséquences fiscales varient en fonction du lien juridique qui unit donateur et donataire (c'est scandaleux, d'ailleurs) ; le copacsé n'a pas la qualité d'héritier, pas plus que le conjoint survivant, d'ailleurs, mais bénéficie depuis la création du pacs du droit au maintien dans les lieux si le décédé était titulaire du bail, comme pour le le conjoint survivant.

Eolas

8. Le vendredi 4 février 2005 à 14:25 par Paul

Effectivement, Fred, je n'aurais pas dû dire « inintéressant », mais « moins intéressant ».

Le premier avantage du mariage par rapport au pacs auquel on pense étant la déclaration commune des revenus, on peut dire que Sarkozy a bien visé...

9. Le vendredi 4 février 2005 à 14:44 par Zenitram

Eolas> "ce serait détourner la loi fiscale de son objet pour échapper à l'imposition, ce qui sont deux choses horribles et hautement condamnables"
Non, je ne fait pas de demande de consultation juridique ;-) (et je le redis, c'est pour théoriser sur les travers que cette modification de loi peut donner, vu que j'aurai sans doute du mal a convaincre ma moitié de la cassure du PACS pour finances ;-) ), la c'est un point "technique" sur vous qui m'interesse : je m'interesse sur votre vocabulaire utilisé dans votre réponse, précisement sur les mots "hautement condamnables". Dans tout ce que j'ai lu de vos écrits, les mots sont habituellement pesés, avec soin, afin d'avoir la loi pour réponse si besoin. La, j'ai du mal a voir pourquoi vous dites que c'est "hautement condamnable", vu que la ligne au dessous vous dites penser que c'est légal.
J'y vois une contradiction ("condannable", donc interdit, contre "légal")



J'étais ironique, mais pas assez clairement. L'ironie jouait précisément de la contradiction entre condamnable et légal.

Le terme "condamnable" n'est pas un terme juridique, c'est un terme moral. Il est moralement condamnable de détourner la loi dans le seul but de payer moins d'impôts (enfin, surtout du point de vue de ceux qui ne sont pas imposables) mais juridiquement, c'est légal.

Eolas

10. Le mardi 8 février 2005 à 11:03 par cossaw

Tiens, au passage, un inspecteur des impôts qui explicitement a été injurieux envers mon compagnon, lui a sorti que l'imposition commune des couples pacsés nécessitait toujours les 3 ans révolus... CE MATIN MÊME !

11. Le jeudi 9 juin 2005 à 11:53 par rils

et puis il y a un autre cas,
les personnes pacsées avant 2004 (2002 pour être exact) et qui se marient en 2005...
aucun effet de bornes pour ces personnes que ce soit en 2002 ou en 2005... puisque que pour le fisc, il n'y a pas de changement d'état civil !
Comme quoi, certaines personnes ne pensent qu'à détourner le fisc, mais d'autres en payent les pots cassés !!!

Pour le fisc, il y a une justice...
pour moi, je le dirai autrement, puisque même un inspecteur des impots m'a dit à demi-mot que ma pacsée (futur femme) et moi même nous faisions largement avoir !
espérons que le legislateur reverra sa copie sur la loir de finance 2006 avec ce genre de texte :
Pour les partenaires d'un pacs conclu avant 2004 et se mariant à partir de 2004, il est convenu qu'ils peuvent faire l'objet d'une division de leur imposition en deux périodes distinctes : 1 pour le pacs et 1 nouvelle à partir de la date du mariage !

C'est pas très compliqué !

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