Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Législation sur ordonnance

J'avais envie de faire un billet sur les ordonnances, c'est à dire l'habilitation donnée par le législatif à l'exécutif de légiférer directement, habilitation qui est temporaire et contrôlée, et n'est pas nouvelle. Des arguments soulevés par l'opposition (alors que le PS ne s'est pas privé de recourir à des ordonnances quand il était aux affaires) étant largement infondés.

Mais Paxatagore m'a grillé la politesse et s'est fendu d'une explication détaillée à laquelle je me contenterai de vous renvoyer tant sa qualité est irréprochable.

Sa conclusion ouvre sur le rôle du parlement dans la vie politique actuelle et il n'hésite pas à recommander une diminution du rôle législatif du parlement au profit d'un rôle réel de contrôlede l'exécutif, sous cette réserve :

Il faudrait évidemment que les parlementaires conservent le monopole du pouvoir de légiférer sur les questions touchants aux libertés publiques (la procédure pénale par exemple), et également la liberté de légiférer dans les autres domaines, pour éviter qu'il se laisse déborder par le gouvernement.

L'idée est plaisante, mais se heurte à mon sens au fait majoritaire : quel contrôle effectue un parlement discipliné, dont le parti au pouvoir a généralement la majorité absolue, et dont les députés vont au casse pipe électoral sans jamais critiquer les choix de leur parti ?

L'arme de la motion de censure du gouvernement n'a été utilisée avec succès qu'une seule fois, le 5 octobre 1962, contre le gouvernement Pompidou (en protestation contre l'élection du Président de la Républqiue au suffrage universel). En réaction, le général de Gaulle a dissous l'assemblée nationale et a remporté une large victoire aux législatives, et a reconduit Pompidou.

Depuis, les motions de censure ont toujours été déposées par l'opposition qui savait très bien qu'elles n'avaient aucune chance d'être adoptées. Cette arme est morte en 1962, quand elle a explosé dans les mains du parlement.

Plus qu'une réforme des institutions (thème de plus en plus à la mode), c'est une révolution des mentalités que Paxatagore appelle de ses voeux.

Billet à lire pour ceux que le droit constitutionnel est les institutions politiques intéressent.

Commentaires

1. Le mercredi 29 juin 2005 à 15:44 par M LeMaudit

Pffff... Mais ils sont où les publicistes de la blogosphère alors, si même pour les petits rappels de base sur les ordonnances on doit se taper les notes (plutôt pas mal faites d'aileurs ) d'un magistrat du siège ou d'un avocat pénaliste amateur de panamas ! C'est irritant !

2. Le mercredi 29 juin 2005 à 16:29 par M der Mörder

Un cas intéressant se profile à l'horizon, ou plutôt Outre-Rhin, en matière de dérive du parlementarisme.

Après s'être pris une raclée monumentale aux élections de Rhénanie-Westphalie, le chancelier allemand a décidé, à la surprise générale (et à celle du Président de la République), la tenue d'élections législatives anticipées. Problème: pour des raisons historiques (dites "33") l'exécutif ne dispose pas du droit de dissolution en Allemagne. Il faut que le Bundestag (l'Assemblée nationale allemande) rejette la question de confiance posée par le Chancelier. Ensuite seulement le Président peut décider de dissoudre le Bundestag.

En 1982, Kohl a déjà utilisé le coup de faire voter contre lui ses partisans pour pouvoir dissoudre. Pas de bol, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a très mal vécu cet arrangement entre amis et dit qu'on ne l'y reprendrait plus. On attend donc le 1er juillet pour voir comment Schröder va se sortir de cette galère.

S'il décide de poser la question de confiance et que sa majorité vote contre lui (majorité qui vote fidélement tous les textes qui lui sont proposés depuis 7 ans), la Cour de Karlsruhe est capable de déclarer le vote contraire à la Grundgesetz (la Constitution)! Et contrairement à la France, les juges constitutionnels se tapent du "fait politique", Hitler est arrivé au pouvoir certes par la voie légale mais en tordant allégrement les institutions.

Voilà en tout cas un bel exemple de ce à quoi en est réduit le parlementarisme aujourd'hui: un jouet dans les mains de l'exécutif.

Le plus absurde est que tout le monde en Allemagne, partis politiques et population, veut la tenue de ces élections.

3. Le mercredi 29 juin 2005 à 17:15 par groM

Peut-être le temps est-il venu d'une révision constitutionnelle ...

4. Le mercredi 29 juin 2005 à 18:21 par Paxatagore

Je signale ma réponse à ce billet :

www.paxatagore.org/index....

5. Le jeudi 30 juin 2005 à 08:07 par Paxatagore

@M. le maudit : le magistrat du siège est lauréat de droit constitutionnel de l'université de Paris...

6. Le jeudi 30 juin 2005 à 09:16 par Gagarine

@M le Maudit
Où sont les blogs des publicistes de la blogosphère ?, devrait-on plutôt demander.

7. Le jeudi 30 juin 2005 à 09:16 par Gagarine

@M le Maudit
Où sont les blogs des publicistes de la blogosphère ?, devrait-on plutôt demander.

8. Le jeudi 30 juin 2005 à 09:53 par Untel

Et dire que certains, veulent revenir au systeme de la IIIeme et IVeme republique ! Au regne des partis , des magouilles en coulisse, à l'immobilisme.

9. Le jeudi 30 juin 2005 à 10:40 par groM

C'est un peu facile de mettre tout sur le dos des IIIème et IVème République.

D'abord car ces Républiques ont aussi des réussites magnifiques à leur actif: la victoire de 1918, la reconstruction de la France, l'indépendance de la Tunisie et du Maroc ... Les accuser purement et simplement d'immobilisme correspond à une vision tronquée de la réalité.

Ensuite parce que, malgré leurs échecs finaux, ces constitutions n'étaient pas plus mauvaises que bien d'autres. Les lois constitutionnelles de la IIIème n'était pas plus mal foutues que l'absence de constitution anglaise; la constitution de la IVème n'était pas pire que la constitution italienne.

Le paramètre le plus structurant de la vie publique n'est donc pas, contrairement à ce que beaucoup pensent, le détail des dispositions constitutionnelles, mais le mode de scrutin, qui en France ne fait pas partie de la constitution. Mettez les apparentements sur la Vème République, et je ne suis pas sûr que le régime soit très différent de la IVème. Vous aurez les magouilles partisanes aussi. A titre d'exemple, en changement uniquement son mode de scrutin, l'Italie a acquis une stabilité gouvernementale qu'elle n'avait jamais connue.

(NDLR: Si quelqu'un me cherche des poux en disant que le mode de scrutin fait partie de la constitution au sens formel du terme même s'il ne fait pas partie de la constitution matérielle, il a peut-être raison, mais cela n'invalide pas le raisonnement pour autant)

Mais le problème fondamental, c'est que si vous choisissez un mode de scrutin qui donne un majorité "à coup sûr", nécessairement vous sous-représentez une grosse minorité de la population. Cette contradiction explique à mon sens une partie de la crise de représentation que nous connaissons.

10. Le samedi 2 juillet 2005 à 20:21 par Roland Garcia

"Les lois constitutionnelles de la IIIème n'était pas plus mal foutues que l'absence de constitution anglaise; la constitution de la IVème n'était pas pire que la constitution italienne."

Mais eux avaient moins de 300 fromages, la différence est fondamentale.

11. Le samedi 2 juillet 2005 à 22:08 par Roland Garcia

<Il faudrait évidemment que les parlementaires conservent le monopole du pouvoir de légiférer sur les questions touchants aux libertés publiques>

On reconnaît dans le "légalisme" de cette possible réforme la patte du connaisseur. On aurait, si ce n'était déposé, envie d'ajouter: "ce n'est pas à x ans que Paxatagore va commencer une carrière de dictateur" :-D

Plus sérieusement, ça nous change des idioties généralement dites par nos politiques sur le sujet.

12. Le samedi 2 juillet 2005 à 22:53 par Roland Garcia

<En changement uniquement son mode de scrutin, l'Italie a acquis une stabilité gouvernementale qu'elle n'avait jamais connue>

En réduisant le mandat présidentiel à cinq années nous avons fait du président une sorte de super premier ministre.

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