Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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tentative de squattage judiciaire

Dernier billet sur l'affaire Fogiel, c'est promis.

La lecture du jugement apprend un détail intéressant, amusant ou agaçant, à vous de vous faire votre opinion.

Initialement, c'est l'humoriste Dieudonné qui a mis en mouvement l'action pénale.

Comme on l'a vu dans ce billet, afin de valider sa citation, il a dû effectuer une consignation (de 2000 euros).

Il demandait, outre l'application de la loi pénale (il n'est pas d'usage que la partie civile, même si elle met en mouvement l'action publique, réclame une peine précise, c'est le domaine du ministère public), un euro symbolique de dommages intérêt pour le préjudice moral d'avoir été ainsi injurié, la publication sous astreinte de la condamnation et la prise en charge de ses frais d'avocat à hauteur de 3000 euros.

Ces demandes sont tout à fait habituelles en matière de délits de presse. L'atteinte subie étant plus symbolique que matérielle, la réparation l'est tout autant. Ce sont beaucoup plus la publicité de la condamnation qui est recherchée (et de ce point de vue, la partie civile a d'ores et déjà obtenu satisfaction).

Toutefois, trois parties se sont invitées au procès. Trois associations, le COFFAD (Collectif des filles et Fils d’Africaines Déportés), le MNH (Mouvement pour une Nouvelle Humanité, tout un programme), et la FAOM (Fédération des Associations d’Outre-Mer), ont invoqué à leur profit les dispositions de l'article 2-1 du Code de procédure pénale pour se porter partie civile et demander elles aussi réparation. Sauf que leurs demandes étaient légèrement différentes.

Ces associations ont en effet demandé chacune une somme de 50.000 Euros, à titre de dommages et intérêts, celle de 5.000 euros, au titre des frais d'avocat, outre l’affichage ou la diffusion de la décision à intervenir dans les conditions de l’article 131-15 du Code pénal.

Outre le fait que les montants demandés paraissent quelque peu extravagants (à elles trois, elles réclament quand même un million de francs), la publication de la décision qu'elle demande est celle prévue à titre de peine complémentaire. Elles empiètent donc sur les plates bandes du ministère public. La publication de la décision peut en effet également être demandée à titre de réparation civile, auquel cas elle obéit à un régime différent (notamment elle n'est pas inscrite au casier judiciaire), et c'est précisément celle que sollicitait (et a obtenu) Dieudonné.

Enfin et surtout, ces associations semblent maîtriser aussi mal le code pénal que la loi du 29 juillet 1881. En effet, les faits litigieux remontent au 5 décembre 2003. Or ce n'est que le 29 août 2005, soit dix jours avant l'audience de jugement, que ces parties civiles sont intervenues au procès. Mes lecteurs les plus assidus savent déjà la suite : les délits de presse se prescrivant par trois mois (article 65 de la loi de 1881), les parties civiles ayant été passives plus de 20 mois sont déclarées irrecevables. En effet, la plainte de la victime étant une condition préalable aux poursuites, elles ne peuvent invoquer à leur profit les interruptions de prescription diligentées par Dieudonné, qui ne concernaient que lui.

Cet opportunisme judiciaire était-il amusant ou agaçant, indécent ou justifié, la marque d'un enthousiasme débordant dans la cause de la lutte contre le racisme ou une tentative de battre monnaie sur la tête de France 3 ? Je vous laisse juge.

Commentaires

1. Le vendredi 28 octobre 2005 à 15:42 par Pangloss

Mmmmh... Je ne suis pas juge, mais je n'en pense pas moins.

Une question tout de même :
La partie qui a perdu doit prendre en charge les frais de la partie adverses. Il reste normalement les frais irrépétibles à payer, pour dieudonné dans ce cas. Ne pouvait-il pas recevoir en plus une somme couvrant ces frais? Ou n'existe il pas des moyens de les couvrir?


Dieudonné demandait 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles (ce terme est toutefois à réserver à la procédure civile) et en a obtenu 1500. Cette affaire lui a donc coûté pécunièrement (une telle affaire entraine des honoraires largements supérieurs à 1500 euros), outre les 2000 euros de consignation qu'il n'a pas encore récupéré. Vous avez une illustration de ce qui énerve tant les avocats au judiciaire (le juge administratif a compris depuis longtemps qu'u nrecours copute cher et n'éhsite pas à accorder l'intégralité des sommes demandées).

Eolas

2. Le vendredi 28 octobre 2005 à 16:02 par guichoune

Je crois malheureusement qu'enthousiasme et lutte contre le rascisme sont des notions antinomiques et inconciliables. Le rascisme est une hérésie humaine contraire à l'essence même de l'individu, que chacun d'entre nous a pour devoir de combattre sans fin, sans passion ni enthousiasme, juste avec détermination, persévérance et si possible humanité.

Quant à l'opportunisme de telle ou telle association, au sujet duquel l'espèce que vous nous révélez pose effectivement une vraie question tant la démarche semble légère, il me semble que le recours même aux dispositions de l'article 2-1 du code de procédure pénale, à partir de l'instant où il débouche sur une demande de réparation pécunière, sème toujours le doute sur la motivation du collectif.
Cependant, pourquoi ne pas mettre à profit la loi pour espérer remplir des caisses dont l'usage servira une cause estimée juste?
A mon sens, l'euro symbolique n'est pas le gage d'une motivation désinteressée, puisque le but principal est toujours d'obtenir, sur le plan pénal, une peine diffamante, si possible publiée.

Au choix, il s'agira d'assouvir un désir de vengeance ou simplement d'obtenir justice.

La demande civile indemnitaire, pour importante qu'elle soit, aura le même but, au final: faire savoir que l'idée, ou l'individu qui la véhicule, contre lequel on lutte est hors la loi.

La fin justifie les moyens...

Et puisque le côté "people" de ces billets me trouble quelque peu (!), c'est bien l'argumentaire entendu de la bouche de certains personnages publics qui poursuivent systématiquement certains médias de presse people, sollicitent et obtiennent des condamnations significatives et les reversent à des associations humanitaires.


3. Le vendredi 28 octobre 2005 à 16:16 par Le toucan rouge

Citation de guichoune : "Cependant, pourquoi ne pas mettre à profit la loi pour espérer remplir des caisses dont l'usage servira une cause estimée juste?"

Euh ... J'espère bien que ça ne sera jamais le cas, sinon bonjour les abus. Et puis qu'est-ce qu'une cause juste ?


Réponse d'avocat : toutes celles que je défends.

Eolas

4. Le vendredi 28 octobre 2005 à 16:28 par guichoune

l'abus me semble être commis par celui qui ne fait rien pour protéger ce qu'il estime juste (on est bien d'accord, il s'agit là d'une notion subjective quasi métaphysique).
Profiter de la loi est l'un des moyens, ce que Coluche avait bien compris en usant de tout son poids pour faire passer l'amendement désormais célèbre incitant fiscalement les dons aux associations.

Il s'agit bien d'étre opportuniste pour remplir des caisses utilisées à la défense d'une cause...

5. Le vendredi 28 octobre 2005 à 21:35 par Fred

Je suis pas certain de comprendre un détail: hormis le problème de prescription, n'importe qui pourrait squatter n'importe quel procés pour faire les poches de telle ou telle partie?

Par exemple mon voisin attaque ma voisine qui chante trop fort la traviata au milieu de la nuit, il suffirait que je déclare que chanter de nuit heurte mes convictions philosophiques ou religieuses pour que je puisse réclamer 50 000 euros??????

Il est où déjà votre billet sur la façon de lancer une action en justice????


Non. Ces associations bénéficient d'une habilitation spéciale pour certains délits de par l'article 2-1 du CPP, que je vous invite à lire, le lien est dans le billet ci-dessus. Pour vous, seul l'article 2 s'applique, qui exige que vous soyez une victime directe de l'infraction. Désolé pour vos 50.000 euros.

Eolas

6. Le samedi 29 octobre 2005 à 10:30 par

Qu'est-ce qui interdirait à une "association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse" de squatter tous les procès "à la Dieudonnée" *dans l'unique but* de se faire des sous ? En admettant bien sûr que ladite association maîtrise mieux le code pénal et la loi du 29 juillet 1881 que celles mentionnées dans le billet.

7. Le samedi 29 octobre 2005 à 10:32 par Asphodèle

Je trouve la décision équilibrée. Fogiel est pris à son propre piège: à force d'inviter des débiles et de les pousser à tenir des propos provocateurs pour faire de l'audience, il paye.

Le plus grave dans tout ça, c'est qu'à la base c'est Dieudonné qui a tenu des propos horriblement racistes, et que la réaction des téléspectateurs a été à la hauteur de son imbécilité.

Il aurait donc fallu que les associations anti-racistes se manifestent et l'attaquent pour ces propos, ce qui n'a pas été fait...

Dommage...

8. Le samedi 29 octobre 2005 à 10:35 par Asphodèle

Euh...Autant pour moi...Je ne suis sans doute pas assez assidue sur ce blog. De simples excuses de Dieudonné, et le MRAP s'incline.Un peu triste.

9. Le samedi 29 octobre 2005 à 11:19 par Raboliot

@Asphodèle

"à la base c'est Dieudonné qui a tenu des propos horriblement racistes" Je dirais que non, la justice en a décidé ainsi. Le débat a déja eu lieu sur la notion de racisme. Il fut attaquer un groupe complete et non pas une catégorie.

Dieudonné a donc caricaturé une catégorie particulière des juifs à savoir les sionnistes extrémistes en s'habillant comme eux. (C'est ce qu'ont expliqués les juges.)

Mais qui est capable de faire cette analyse sur-le-champs en regardant cette émission ? Qui a la conaissance suiffisante pour analyser la situation en la regardant une fois, entre deux aplaudissements et les interventions de chaque participants qui parlent à leur tour comme une mitraillette ?

Car au final, l'image qui reste en mémoire est celle d'un juif qui fait le salut nazi. Or il aurait fallut que cette image soit celle : "d'un-juif-extrêmiste-qui-fait-le-salut-nazi" pour que cette parodie ne soit pas raciste.

Le problème est donc que la loi doit avoir pour pivot la société, et non pas tourner sur elle même. Sinon on tombe sur des belles démonstrations juridiques mais dont l'efficacité est nulle.

C'était une intervention de Raboliot, a vous les studios.

10. Le dimanche 30 octobre 2005 à 10:57 par Pangloss

Merci cher maitre pour votre réponse.
Il est dommage en effet que ce les sommes ne soient pas accordées en entier. Ne serait-ce pas la un moyen de faire baisser le nombre de procédure?

11. Le dimanche 25 décembre 2005 à 16:42 par xxxxxxx

je né pa tou lu mé le rascisme et une grave éreur commise par lomme et moi meme je sui marocaine c dégouten ke les gen peuve nou tréter de la sorte

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